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actualité SCIENCE & MÉDECINE télescope Cartographie Le plus ancien globe montrant le Nouveau Monde Un globe gravé constitué de deux bases d’œufs d’autruche accolées pourrait être le plus ancien figurant le Nouveau Monde, selon un collectionneur belge, Stefaan Missinne, qui le présente dans le dernier numéro de The Portolan, la revue de la société cartographique de Washington. Le globe daterait, selon M. Missinne, de 1504. Le continent sud-américain y apparaît, avec les dénominations : Mundus Novus, Terra de Brazil et Terra Sanctae Crucis. L’Amérique du Nord n’est représentée qu’à travers des îles éparses. Jusqu’alors, le globe le plus ancien montrant les Amériques était le globe de cuivre Lenox, conservé à la Public Library de New York. M. Missinne estime qu’il pourrait être issu d’un moulage du globe d’autruche, auquel il ressemble fortement. Tous deux seraient issus d’ateliers italiens, estime-t-il, avançant même qu’un dessin de bateau naufragé évoque la « patte » d’un familier de l’atelier de Léonard de Vinci. Le globe aurait été acquis par un collectionneur anonyme lors d’une vente d’objets cartographiques, à Londres, en 2012. Mais des spécialistes s’inquiètent d’un possible conflit d’intérêts en soulignant que M. Missinne pourrait en être le propriétaire, interrogations que l’intéressé refuse de commenter, rapporte le Washington Post. (PHOTO : WASHMAPSOCIETY.ORG) > Missinne, « The Portolan », n o 87, automne 2013. Médecine Les vols à haute altitude à risque pour le cerveau Les pilotes d’avions volant à altitude élevée ont un risque accru de lésions cérébrales, conclut une étude qui a inclus une centaine de pilotes de l’armée américaine volant sur des avions espions U2 (circulant à des altitudes supérieures à 19 000 mètres). Ces professionnels présentent, à l’IRM, trois fois plus de petites lésions cérébrales au niveau de la substance blanche que des témoins non pilotes, et le volume de celles-ci est quatre fois supérieur. En outre, leurs atteintes sont diffuses, alors que celles des témoins se concentrent surtout dans le lobe frontal. Conséquences d’accidents de décompression liés à la très faible pression atmosphérique à haute altitude, ces lésions cérébrales sont en augmentation chez les pilotes de l’US Air Force, du fait de vols à risque plus fréquents et plus longs ces dernières années ; mais les médecins n’ont pas observé de séquelles cliniquement décelables, notamment sur la mémoire. > McGuire Setal., « Neurology », 20 août. C’est, en pourcentage, la part estimée du nombre d’articles scientifiques publiés en 2011 et accessibles gratuitement (enco- re appelés open access). C’est la première fois qu’un tel niveau était atteint, selon une étude rendue publique le 21 août, financée par l’Union européenne et réali- sée par l’entreprise Science-Metrix. L’open access s’oppose aux publications à accès payant, qui sont la norme acadé- mique. Les auteurs ont agrégé différents types de publications ouvertes (accès gratuit/publication payante ; dépôt libre après une certaine période…). La plupart des pays de l’Union européenne flirtent déjà avec ce seuil de 50 %. L’étude souli- gne aussi l’avantage à publier en open access : les articles sont plus cités que ceux en accès payant. Elle note aussi une progression annuelle de l’ordre de 2 %, qui devrait se poursuivre devant les inci- tations à publier par ce biais, lancées notamment par les Etats-Unis et l’Union européenne. David Larousserie U n nom impronon- çable. Une défini- tion impénétra- ble. Une représen- tation insaisissa- ble. Mais des pro- messes palpables. Tels sont les skyr- mions, nouveaux venus dans le cata- logue des particules et prêts à bous- culer bien des technologies. Observés pour la première fois en 2009 en Allemagne, ils suscitent la passion de plusieurs groupes de recherche dans le monde, car ils pourraient remplacer rien de moins que les vaillants électrons dans tout ce qui sert à stocker et à traiter l’infor- mation dans les puces ou les disques durs des ordinateurs. Après l’électro- nique, la skyrmionique ? « Au début, nous avons observé quelque chose que nous ne compre- nions pas. Les explications proposées avaient l’air tellement compliquées qu’on ne voulait même pas en enten- dre parler. Nous avions comme un blocage mental. Et puis cette idée inhabituelle s’est imposée », raconte Christian Pfleiderer, de l’université de Munich, auteur dans Science du premier article ayant identifié des skyrmions dans un cristal de sili- cium et de manganèse. Mais qu’est-ce qu’un skyrmion ? « Pour nous aussi c’est compliqué ! », prévient André Kubetzka, de l’uni- versité de Hambourg, qui, dans Science, vient d’expliquer comment son groupe a fait pour la première fois apparaître et disparaître à sa gui- se des skyrmions un à un. En fait, un skyrmion n’est pas une particule élémentaire comme peut l’être un électron. C’est plutôt une bille d’électrons dont le caractère sur- prenant vient d’une propriété subti- le de l’électron : le spin. Le spin est une sorte de petite aiguille aimantée portée par les électrons, qui sont généralement utilisés comme por- teurs des charges électriques négati- ves que les différents composants d’un ordinateur comptent, stockent, déplacent… Le spin, lui, peut bouger, sans que l’électron se déplace. Tête en haut, tête en bas, tête inclinée… Souvent les spins ont tendance à s’orienter tous dans la même direction : cela crée des aimants. C’est aussi la clé du stockage de l’information dans les disques durs. Dans un skyrmion, au contraire, les spins ne sont pas au gar- de-à-vous. Ils semblent s’enrouler de proche en proche, chaque spin pivo- tant par rapport à son voisin. La beau- té est que cette configuration finale est stable et robuste, comme un sim- ple nœud bien serré. Pas facile à défaire sans ciseaux. Finalement, le skyrmion se comporte comme une particule que les physiciens rêvent d’utiliser pour développer de nou- veaux systèmes plus performants. « Dans un disque dur, une tête de lecture se déplace mécaniquement au-dessus d’une surface pour lire les informations magnétiques. Les skyr- mions défileraient, eux, devant une tête fixe. Un stockage d’informations purement électronique, sans disposi- tif mécanique, aurait beaucoup d’avantages », résume Albert Fert, Prix Nobel de physique 2007 et direc- teur d’un groupe de recherche com- mun à Thales et au CNRS. Sa passion pour ces états bizarres de spin remonte à loin. Il avait en effet prévu les forces au cœur des matériaux qui leur donnent nais- sance dès 1990. Mais sans les bapti- ser d’après le nom du physicien anglais Skyrme qui, en 1962, avait proposé cet objet mathématique pour décrire les particules élémen- taires (mais sans succès). « A l’épo- que j’avais d’autres “soucis” ; ces états de spin pouvaient attendre », ironise le chercheur en évoquant son travail d’alors qui lui vaudra le prix Nobel : la découverte d’un effet magnétique géant qui dopera la quantité d’informations stocka- bles dans les disques durs. L’autre avantage du skyrmion est qu’il est minuscule, de la taille de quelques atomes, et donc occupe cent fois moins de place que les domaines magnétiques qui servent aujourd’hui à stocker l’information, promettant des densités de stocka- ge encore plus importantes. Encore faut-il être capable de les créer, de les voir, de les effacer, de les déplacer… Les skyrmions appa- raissent en fait « naturellement » dans des cristaux bien choisis ou à l’interface entre une mince couche magnétique et un substrat de métal lourd. Des interactions parti- culières ont lieu alors entre les spins qui font que ceux-ci préfè- rent s’entortiller plutôt que de poin- ter tous dans la même direction. C’est ce que l’équipe de M. Pfleide- rer a eu du mal à croire pendant presque deux ans entre 2007 et 2009. Puis que les Japonais de l’uni- versité de Tokyo ont confirmé par une autre méthode. Le 9 août, l’équi- pe d’André Kubetzka montrait sa capacité à détruire et à créer des skyrmions. Un effet étonnant puis- qu’ils sont réputés stables. Les cher- cheurs ont en fait « coupé » le nœud magnétique grâce à la fine pointe d’un microscope à effet tunnel et en faisant passer un assez fort courant électrique… « Cependant on ignore ce qui se passe pendant le passage d’un état à l’autre. Les théoriciens ont encore du travail », souligne André Kubetzka. Les expérimentateurs aussi. Car pour l’instant aucun système n’est exploitable hors du laboratoire. Les champs magnétiques utilisés sont trop forts. Les températures très basses. Et la fabrication n’est pas simple : l’équipe de Kubetzka utili- se une couche de fer aussi fine qu’un seul atome ! Albert Fert reste optimiste. « Les simulations effectuées avec Vincent Cros et Joao Sampaio, que nous allons publier, montrent que des cou- ches un peu plus épaisses, plus faci- les à fabriquer, peuvent aussi conte- nir des skyrmions. Et des courants électriques polarisés peu intenses peuvent déplacer aussi ces objets. » Des expériences sont aussi en cours pour confirmer la faisabilité. Pour le Prix Nobel, « les skyrmions peu- vent représenter l’entité ultime d’in- formation magnétique manipula- ble. L’excitation actuelle devrait durer ». A moins de tomber sur un nœud vraiment costaud. p C ’est connu. Toute technologie a son revers. Et l’une des dernières à la mode n’échappe pas à la règle. Il s’agit des imprimantes dites « 3D » qui permettent de fabriquer des objets en trois dimensions par addition couche par couche de matière. D’abord réservées à l’industrie, ces machines com- mencent à être connues du grand public, soit par l’intermédiaire de sites Web qui fabriquent à la demande toutes sortes de produits (figurines, jouets, bijoux, pièces de rechange…), soit par les hackerspaces et « fablabs » (« laboratoires de fabrication »), des lieux de rencontre entre bricoleurs, inventeurs ou simples passionnés. Rien de bien méchant a priori, sauf qu’une équipe de l’Institut de technologie de l’Illinois à Chicago vient, pour la pre- mière fois, de mesurer les microscopiques poussières émises par ces machines dans les pièces où elles sont installées. Les imprimantes 3D utilisent en effet des ther- moplastiques qui sont fondus, déposés couche par couche, puis resolidifiés ; un processus émetteur de minuscules parti- cules dites « ultrafines ». Plus précisément, les chercheurs, com- me ils l’exposent dans la revue Atmosphe- ric Environment à paraître en novembre, ont mesuré des émissions de particules entre 11,5 et 115 nanomètres de dimension, à des débits entre 20 et 200 milliards par minute, selon le type de matériau utilisé. Cinq imprimantes, de marque tenue secrè- te pour ne pas « incriminer un fabricant en particulier », ont servi pendant deux heu- res et demie. Un détecteur de particules fines de l’entrepriseaméricaineTSI a été uti- lisé dans le local abritant les imprimantes. « Particules fines » « Ces chiffres sont comparables à ceux d’activités banales comme la cuisson, la consumation de bougies, la consomma- tion de cigarettes ou l’impression laser », résume Brent Stephens, le responsable de l’étude. « La taille et le nombre de particu- les ne font pas tout. La nature chimique est prédominante », ajoute le chercheur, qui cite néanmoins des risques recensés liés aux thermoplastiques, observés sur des rats ou des souris. « L’expérience est intéressante car, il y a quelques années, mesurer ces émissions dans des environnements professionnels était impossible. Les valeurs obtenues sont relativement élevées. Les particules fines peuvent se déposer dans les voies respira- toires et il convient d’être prudent », note Olivier Witschger, spécialiste de la métro- logie des aérosols à l’Institut national de recherche et de sécurité pour la préven- tion des accidents du travail et des mala- dies professionnelles (INRS). C’est aussi la position du groupe améri- cain qui écrit : « Ces résultats suggèrent la prudence lorsque ces technologies sont uti- lisées dans des environnements non venti- lés ou non filtrés. » A l’appui de cette conclusion, Brent Stephens rappelle que, récemment, des études ont fait état de craintes sur les imprimantes à laser. Une équipe américaine de l’université de Mas- sachusetts-Lowell a ainsi montré que cer- taines nanoparticules utilisées dans ces copieurs causent des inflammations (M. Khatri et al., Nanotoxicology, août). Les travaux à suivre ne manquent pas. « Au départ, c’est un de nos étudiants qui travaillait dans un magasin utilisant ces machines qui nous avait alertés à cause des odeurs qu’il sentait. Nous n’avons fina- lement pas étudié les gaz émis mais les par- ticules », se souvient Brent Stephens. «On voudrait étudier maintenant les gaz émis. Et comparer nos résultats avec d’autres imprimantes 3D et d’autres matériaux. Nous cherchons aussi des partenaires en toxicologie pour tester les effets de ces parti- cules. Et nous travaillons aussi à dévelop- per des systèmes de filtration à installer sur les machines », poursuit le chercheur. Le versant sombre des imprimantes 3D est donc aussi dans l’air du temps. p D. L. « Un stockage magnétique à base de skyrmions aurait beaucoup d’avantages » Albert Fert Prix Nobel de physique Le skyrmion, mémoire en attente physique | Cette pseudo-particule pourrait remplacer les électrons pour stocker et traiter l’information dans les puces ou les disques durs des ordinateurs Le versant sombre des imprimantes 3D La taille et le nombre de particules de plastique émises par ces machines sont évalués pour la première fois 50 Représentation schématique des skyrmions, visibles dans la zone où les spins, représentés par des petits cônes, ont l’air de s’enrouler. IMAGE COURTESY OF THE GROUP OF PROF. R. WIESENDANGER, UNIVERSITY OF HAMBURG 3 0123 Mercredi 28 août 2013

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a c t u a l i t é SCIENCE&MÉDECINE

t é l e s c o p e

CartographieLe plus ancien globemontrant le NouveauMonde

Unglobe gravé constituédedeuxbasesd’œufsd’autruche accoléespourrait êtrele plus ancien figurant leNouveauMonde, selonun collectionneurbelge,StefaanMissinne, qui le présentedansle dernier numérode The Portolan,la revuede la société cartographiquedeWashington. Le globe daterait, selonM.Missinne, de 1504. Le continentsud-américainy apparaît, avec lesdénominations:MundusNovus, Terra deBrazil et Terra SanctaeCrucis. L’AmériqueduNordn’est représentéequ’à traversdes îles éparses. Jusqu’alors, le globe leplus ancienmontrant les Amériques étaitle globe de cuivre Lenox, conservé à laPublic LibrarydeNewYork.M.Missinneestimequ’il pourrait être issud’unmoulageduglobed’autruche, auquel ilressemble fortement. Tousdeux seraientissusd’ateliers italiens, estime-t-il,avançantmêmequ’undessinde bateaunaufragéévoque la «patte» d’un familierde l’atelier de LéonarddeVinci. Le globeaurait été acquis par un collectionneuranonyme lors d’unevente d’objetscartographiques, à Londres, en 2012.Maisdes spécialistes s’inquiètentd’unpossible conflit d’intérêts en soulignantqueM.Missinnepourrait en être lepropriétaire, interrogationsquel’intéressé refusede commenter,rapporte leWashingtonPost.(PHOTO:WASHMAPSOCIETY.ORG)

> Missinne, «ThePortolan», no87,automne2013.

MédecineLes vols à haute altitude à risquepour le cerveauLes pilotes d’avions volant à altitudeélevée ont un risque accru de lésionscérébrales, conclut une étude qui ainclus une centaine de pilotes de l’arméeaméricaine volant sur des avionsespionsU2 (circulant à des altitudessupérieures à 19000mètres). Cesprofessionnels présentent, à l’IRM, troisfois plus de petites lésions cérébrales auniveaude la substance blancheque destémoinsnon pilotes, et le volumedecelles-ci est quatre fois supérieur. Enoutre, leurs atteintes sont diffuses, alorsque celles des témoins se concentrentsurtout dans le lobe frontal.Conséquencesd’accidents dedécompression liés à la très faiblepression atmosphérique à hautealtitude, ces lésions cérébrales sont enaugmentation chez les pilotes de l’US AirForce, du fait de vols à risque plusfréquents et plus longsces dernièresannées;mais lesmédecins n’ont pasobservéde séquelles cliniquementdécelables, notamment sur lamémoire.> McGuire Setal., «Neurology»,20août.

C’est, enpourcentage, lapart estiméedunombred’articles scientifiquespubliésen2011 et accessiblesgratuitement (enco-reappelésopenaccess). C’est la premièrefoisqu’un tel niveauétait atteint, selonuneétude renduepublique le 21août,financéepar l’Unioneuropéenneet réali-séepar l’entrepriseScience-Metrix.L’openaccess s’opposeauxpublicationsàaccèspayant, qui sont lanormeacadé-mique. Lesauteursont agrégédifférentstypesdepublicationsouvertes (accèsgratuit/publicationpayante; dépôt libreaprèsunecertainepériode…). Laplupartdespaysde l’Unioneuropéenne flirtentdéjàavec ce seuilde 50%. L’étudesouli-gneaussi l’avantageàpublier enopenaccess: les articles sontplus citésqueceuxenaccèspayant. Ellenote aussiuneprogressionannuellede l’ordrede 2%,quidevrait sepoursuivredevant les inci-tationsàpublierpar cebiais, lancéesnotammentpar les Etats-Uniset l’Unioneuropéenne.

David Larousserie

Unnom impronon-çable. Une défini-tion impénétra-ble. Une représen-tation insaisissa-ble. Mais des pro-

messes palpables. Tels sont les skyr-mions,nouveauxvenusdanslecata-logue des particules et prêts à bous-culerbiendes technologies.

Observéspour lapremière fois en2009 en Allemagne, ils suscitent lapassion de plusieurs groupes derecherche dans le monde, car ilspourraient remplacer riendemoinsque les vaillants électrons dans toutcequisertàstockeretàtraiterl’infor-mationdans lespucesoulesdisquesdursdesordinateurs.Aprèsl’électro-nique, la skyrmionique?

«Au début, nous avons observéquelque chose que nous ne compre-nionspas. Les explicationsproposéesavaient l’air tellement compliquéesqu’onnevoulaitmêmepasenenten-dre parler. Nous avions comme unblocage mental. Et puis cette idéeinhabituelle s’est imposée», raconteChristian Pfleiderer, de l’universitéde Munich, auteur dans Science dupremier article ayant identifié desskyrmions dans un cristal de sili-ciumetdemanganèse.

Mais qu’est-ce qu’un skyrmion?«Pour nous aussi c’est compliqué!»,prévient André Kubetzka, de l’uni-versité de Hambourg, qui, dansScience, vient d’expliquer commentson groupe a fait pour la premièrefoisapparaîtreetdisparaîtreàsagui-sedes skyrmionsun àun.

En fait, unskyrmionn’estpasuneparticule élémentaire comme peut

l’être un électron. C’est plutôt unebilled’électronsdontlecaractèresur-prenantvientd’unepropriété subti-le de l’électron: le spin. Le spin estunesortedepetiteaiguilleaimantéeportée par les électrons, qui sontgénéralement utilisés comme por-teursdes chargesélectriquesnégati-ves que les différents composantsd’unordinateurcomptent,stockent,déplacent…

Le spin, lui, peut bouger, sans quel’électron se déplace. Tête en haut,

tête en bas, tête inclinée… Souventles spins ont tendance à s’orientertous dans la même direction: celacréedesaimants.C’estaussi laclédustockage de l’information dans lesdisquesdurs.

Dans un skyrmion, au contraire,les spins ne sont pas au gar-de-à-vous.Ilssemblents’enroulerdeprocheenproche, chaquespinpivo-tantparrapportàsonvoisin.Labeau-té est que cette configuration finaleeststableet robuste,commeunsim-ple nœud bien serré. Pas facile àdéfaire sans ciseaux. Finalement, leskyrmion se comporte comme uneparticule que les physiciens rêventd’utiliser pour développer de nou-veauxsystèmesplus performants.

«Dans un disque dur, une tête delecture se déplace mécaniquementau-dessus d’une surface pour lire lesinformationsmagnétiques. Les skyr-mions défileraient, eux, devant unetête fixe.Unstockaged’informationspurement électronique, sansdisposi-tif mécanique, aurait beaucoupd’avantages», résume Albert Fert,PrixNobeldephysique2007etdirec-teur d’un groupe de recherche com-munàThales et auCNRS.

Sapassionpourcesétatsbizarresde spin remonte à loin. Il avait eneffet prévu les forces au cœur desmatériaux qui leur donnent nais-sancedès 1990.Mais sans les bapti-ser d’après le nom du physicienanglais Skyrme qui, en 1962, avait

proposé cet objet mathématiquepour décrire les particules élémen-taires (mais sans succès). «A l’épo-que j’avais d’autres “soucis” ; cesétats de spin pouvaient attendre»,ironise le chercheur en évoquantson travail d’alors qui lui vaudra leprix Nobel : la découverte d’uneffet magnétique géant qui doperala quantité d’informations stocka-bles dans les disques durs.

L’autre avantagedu skyrmion estqu’il est minuscule, de la taille dequelques atomes, et donc occupecent fois moins de place que lesdomainesmagnétiques qui serventaujourd’huià stocker l’information,promettant des densités de stocka-ge encoreplus importantes.

Encore faut-il être capable de lescréer, de les voir, de les effacer, deles déplacer… Les skyrmions appa-raissent en fait «naturellement»dans des cristaux bien choisis ou àl’interface entre unemince couchemagnétique et un substrat demétal lourd.Des interactionsparti-culières ont lieu alors entre lesspins qui font que ceux-ci préfè-rents’entortillerplutôtquedepoin-ter tous dans lamême direction.

C’estcequel’équipedeM.Pfleide-rer a eu du mal à croire pendantpresque deux ans entre 2007 et2009.Puis que les Japonaisde l’uni-versité de Tokyo ont confirmé paruneautreméthode.Le9août, l’équi-pe d’André Kubetzka montrait sa

capacité à détruire et à créer desskyrmions. Un effet étonnant puis-qu’ils sont réputés stables. Les cher-cheursont en fait «coupé» lenœudmagnétique grâce à la fine pointed’unmicroscopeàeffet tunnelet enfaisant passer un assez fort courantélectrique… «Cependant on ignorece qui se passe pendant le passaged’un état à l’autre. Les théoriciensont encore du travail », souligneAndréKubetzka.

Les expérimentateurs aussi. Carpour l’instant aucun système n’estexploitable hors du laboratoire. Leschamps magnétiques utilisés sonttrop forts. Les températures trèsbasses. Et la fabrication n’est passimple: l’équipe de Kubetzka utili-se une couche de fer aussi finequ’un seul atome!

Albert Fert reste optimiste. «Lessimulations effectuées avec VincentCros et Joao Sampaio, que nousallonspublier,montrentquedescou-ches un peu plus épaisses, plus faci-les à fabriquer, peuvent aussi conte-nir des skyrmions. Et des courantsélectriques polarisés peu intensespeuvent déplacer aussi ces objets.»Desexpériences sont aussi en courspour confirmer la faisabilité. Pourle Prix Nobel, « les skyrmions peu-vent représenter l’entité ultimed’in-formation magnétique manipula-ble. L’excitation actuelle devraitdurer». A moins de tomber sur unnœudvraiment costaud.p

C’est connu. Toute technologie ason revers. Et l’une des dernièresàlamoden’échappepasàlarègle.Il s’agit des imprimantes dites

«3D» qui permettent de fabriquer desobjets en trois dimensions par additioncouche par couche de matière. D’abordréservées à l’industrie, cesmachines com-mencent à être connues du grand public,soit par l’intermédiaire de sites Web quifabriquent à la demande toutes sortes deproduits (figurines, jouets, bijoux, piècesde rechange…), soit par leshackerspaceset« fablabs» («laboratoiresde fabrication»),des lieux de rencontre entre bricoleurs,inventeursou simplespassionnés.

Rien de bien méchant a priori, saufqu’uneéquipede l’Institutde technologiede l’Illinois à Chicago vient, pour la pre-mièrefois,demesurer lesmicroscopiquespoussières émises par ces machines dansles pièces où elles sont installées. Lesimprimantes3Dutilisenteneffetdesther-moplastiques qui sont fondus, déposés

couche par couche, puis resolidifiés ; unprocessus émetteur de minuscules parti-cules dites «ultrafines».

Plus précisément, les chercheurs, com-me ils l’exposent dans la revueAtmosphe-ric Environment à paraître en novembre,ont mesuré des émissions de particulesentre 11,5 et 115nanomètres de dimension,à des débits entre 20 et 200milliards parminute, selon le type de matériau utilisé.Cinqimprimantes,demarquetenuesecrè-te pour nepas «incriminer un fabricant enparticulier», ont servi pendant deux heu-res et demie. Un détecteur de particulesfinesdel’entrepriseaméricaineTSIaétéuti-lisédans le local abritant les imprimantes.

«Particules fines»«Ces chiffres sont comparables à ceux

d’activités banales comme la cuisson, laconsumation de bougies, la consomma-tion de cigarettes ou l’impression laser»,résumeBrent Stephens, le responsable del’étude. «La taille et le nombre de particu-

lesne fontpas tout. Lanature chimiqueestprédominante», ajoute le chercheur, quicite néanmoins des risques recensés liésaux thermoplastiques, observés sur desrats oudes souris.

«L’expérience est intéressante car, il y aquelques années, mesurer ces émissionsdans des environnements professionnelsétait impossible. Les valeurs obtenues sontrelativement élevées. Les particules finespeuvent se déposer dans les voies respira-toires et il convient d’être prudent», noteOlivierWitschger, spécialiste de lamétro-logie des aérosols à l’Institut national derecherche et de sécurité pour la préven-tion des accidents du travail et des mala-dies professionnelles (INRS).

C’est aussi la positiondugroupeaméri-cain qui écrit : «Ces résultats suggèrent laprudencelorsqueces technologiessontuti-lisées dans des environnements non venti-lés ou non filtrés. » A l’appui de cetteconclusion, Brent Stephens rappelle que,récemment, des études ont fait état de

craintes sur les imprimantes à laser. Uneéquipeaméricainede l’universitédeMas-sachusetts-Lowell a ainsi montré que cer-taines nanoparticules utilisées dans cescopieurs causent des inflammations(M.Khatri et al.,Nanotoxicology, août).

Les travaux à suivre ne manquent pas.«Au départ, c’est un de nos étudiants quitravaillait dans un magasin utilisant cesmachines qui nous avait alertés à causedesodeursqu’il sentait.Nousn’avons fina-lementpasétudié lesgazémismais lespar-ticules», se souvient Brent Stephens. «Onvoudrait étudiermaintenant les gaz émis.Et comparer nos résultats avec d’autresimprimantes 3D et d’autres matériaux.Nous cherchons aussi des partenaires entoxicologiepourtesterleseffetsdecesparti-cules. Et nous travaillons aussi à dévelop-perdessystèmesdefiltrationà installersurles machines», poursuit le chercheur. Leversant sombre des imprimantes 3D estdonc aussi dans l’air du temps.p

D.L.

«Un stockagemagnétiqueàbasede skyrmionsaurait beaucoupd’avantages»

Albert FertPrixNobel de physique

Leskyrmion,mémoireenattentep h y s i q u e | Cettepseudo-particulepourraitremplacerlesélectronspourstocker

ettraiter l’informationdanslespucesoulesdisquesdursdesordinateurs

Leversantsombredes imprimantes3DLatailleet lenombredeparticulesdeplastiqueémisesparcesmachinessontévaluéspourlapremièrefois

50

Représentation schématiquedes skyrmions, visibles dans la zone où les spins,représentéspar des petits cônes, ont l’air de s’enrouler.

IMAGE COURTESY OF THE GROUP OF PROF. R. WIESENDANGER, UNIVERSITY OF HAMBURG

30123Mercredi 28 août 2013