Différenciation en Mathématiques au cycle des apprentissages
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Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Bourgogne
Concours de recrutement de professeur des écoles
“La différenciation pédagogique dans le Vivre
Ensemble est-elle possible ?”
Présenté par Marie BERNARDIN
Directeur de mémoire : Monsieur Bruno Jay
Année 2007 - 06STA01281
SOMMAIRE
INTRODUCTION………………………………………………………………………………p 4
I) La place des règles de vie à l'école………………………………………………………………p 6
1) Souplesse nécessaire…………………………,,………………………………….….………………p 6
a) Cadre définit par les programmes
b) La souplesse comme règle de conduite
c) Apprendre petit à petit: cas particuliers
2) Nécessité certes, mais n'est-ce pas une entrave à la liberté?..............................................................p 9
a) Rôle des règles
b) Conditions d'application des règles de vie
c) De l'autorité
3) Construire son identité de PE et l'assumer……………………………………………….…………p 11
a) Les erreurs
b) Les questions
c) De l'indiscipline et de la culpabilité
II) La sanction a-t-elle sa place à l'école?........................................................................p 16
1) La sanction peut-elle être différenciée de la punition ou de la mesure disciplinaire ?....p 16
a) Tentative de définition
b) Place officielle
c) Vers une sanction éducative et légitime
ci)
1
2) Le rapport à la loi ou l’intérêt de la sanction……………………………….…………….p 19
a) Qui dit règles dit sanction(s) ?
b) Peut-on construire un rapport à la loi sans le subir ?
c) Exemples de fonctionnements
3) Notions de sanction et de justice………………………………………………………….p 24
a) Contexte, démarche : la différenciation des déviances de chacun est-elle possible ?
b) Réponses des élèves, analyse
c) Cadre rigide/cadre souple, sanction ou absence de sanction : comparaison d’une classe au Maroc et de
classes françaises.
CONCLUSION……………………………………………………………………………….p 28
ANNEXES……………………………………………………………………………………p 30
Annexe 1 : Extrait de la Circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991Annexe 2 : Etudes sur les effets de la sanction dans le comportement des élèvesAnnexe 3 : Débat sur la sanction en Ce2
BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………….p 35
REMERCIEMENTS………………………………………………………………….……….p 36
2
"La différenciation pédagogique dans l'apprentissage des règles de vie est-elle
possible?"
ou
"Apprendre les règles de vie collectives: entre rigidité et souplesse."
Éduquer n'est pas possible sans un apprentissage des règles. La préparation à
l'insertion sociale fait partie des missions de l'école; or, la socialisation passe par une
intériorisation des normes collectives, par une acquisition des habitus, mais aussi par un
respect des lois. Est-il possible d'imposer des règles sans nuire au développement personnel
des élèves ? Une éducation sans autorité ni sanction est-elle possible ?
J'ai débuté l'année dans une classe de tout-petits/petits, dans une école de quartier.
Certains élèves ne parlaient pas français. La directrice titulaire de la classe ne fonctionnait pas
en atelier avec des groupes pré-définis mais appliquait une pédagogie respectant le rythme des
élèves.
J'ai donc tenté d'adopter une certaine souplesse par rapport à mes exigences. Par exemple,
lorsque je demandais aux élèves de se regrouper pour la lecture d'un album, je respectais
l'envie de certains de continuer de jouer calmement, en espérant qu'ils rejoignent le groupe de
leur propre gré.
Cela a fonctionné quelques vendredis jusqu'au jour où ils ne furent plus deux mais cinq et où
les élèves eux-mêmes ont manifesté leur désaccord : « Maîtresse, eux ils ne viennent pas
s'asseoir! ».
Troublée, je me suis posé des questions sur le respect des règles en maternelle et plus
particulièrement en toute petite section/petite section. Ces jeunes enfants qui, pour la plupart,
n'ont jamais fréquenté de collectivités et découvrent la vie en groupe, ne sont pas tous au
même niveau face à l'apprentissage des règles de vie collectives.
Une différenciation était-elle possible? Comment apprendre les règles de vie collectives
sachant que « nul -l'enfant pas plus que l'adulte- n'aime être commandé d'autorité »? (C.
Freinet cité dans « Une éducation sans autorité ni sanction? » Discussion de A. Jacquard, P.
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Manent, A. Renaud animée par P. Savidan, 2003).
De plus, en tant qu’enseignante garante de la règle à l'école, j'ai dû me positionner:
entre les décisions justifiées par l'enjeu éducatif et celles qui relèvent de la personnalité de
l'enseignant, comment rester juste et équitable?
Enfin, lorsque la règle est reconnue par tous, comment réagir quand cette dernière n'est
pas respectée? Car chaque élève, selon son vécu et sa personnalité, réagira différemment à
notre façon de la faire appliquer. Pour l'élève qui se met à pleurer et vit l'isolement de façon
douloureuse, peut-on adapter notre comportement ou celui-ci doit-il toujours rester le même,
quelque soit l'élève qui la transgresse ? La sanction est-elle un passage obligé dans
l'apprentissage des règles?
Pour répondre à mon questionnement, j'ai lancé le débat en réflexion de
pratique accompagnée. Si le respect des règles de vie apparaît comme nécessaire, peut-on,
doit-on adopter une certaine souplesse pour que chaque élève trouve sa place au sein du
groupe et que cet apprentissage du vivre ensemble se fasse en douceur?
Il s'est avéré que le groupe de réflexion est resté très divisé sur cette question: environ la
moitié de mes collègues a estimé que le respect de la règle était un des premiers apprentissage
car nécessaire au bon fonctionnement du groupe-classe et que faire de la différenciation par
rapport à la personnalité des élèves revenait au final à faire de la discrimination. L'autre partie
de mes collègues a argumenté en faveur d'une certaine souplesse: le Vivre Ensemble est un
apprentissage qui demande plus ou moins de temps, d'adaptation, de maturation selon les
élèves. Être souple par rapport à la règle commune, c'est non seulement permettre à l'élève qui
ne l'a pas intégrée de trouver sa place au sein du groupe, mais également au groupe d'accepter
chaque individu.
Les arguments de chacun m'ayant convaincue, j'ai donc décidé de poursuivre ma réflexion
pour me permettre de me positionner plus clairement.
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I)La place des règles de vie à l'école
Comment mettre en oeuvre une éducation qui se veut respectueuse du rythme et des envies de
l'élève, qui a pour but d'élever le savoir de l'élève, de répondre à sa curiosité, de lui permettre de
penser et d'avoir un esprit critique pour en faire un futur citoyen, alors que la vie en groupe demande
une certaine « mise en condition », une exigence qui rend tout apprentissage pénible ?
En commençant mon expérience d'enseignante en TPS/PS, la question des règles de vie en
collectivité s'est naturellement imposée dans ma réflexion de pratique. Non seulement parce que dans
ma pratique idéale, j'aurai su être à l'écoute des besoins des élèves pour que les conflits soient quasi-
inexistants ou réglés rapidement, mais aussi parce que le contexte socio-éducatif actuel soulève le
problème du respect de l'autorité, des lois et d'autrui à chaque fait-divers commis par des mineurs.
Qu'apprend-on aux jeunes enfants scolarisés sur les règles de vie en communauté ?
De plus, si le dialogue et la réflexion autour de questions sociologiques et philosophiques est possible
à partir d'un certain âge, comment faire comprendre la nécessité du respect des règles à un enfant de
deux ans qui ne parle pas et est centré sur lui-même sans avoir recours à une certaine forme de
sanction ?
1) Souplesse nécessaire
a) Cadre définit par les programmes
“ Les enseignants (…) facilitent ce passage tout en répondant aux exigences et besoins des âges
successifs de la petite enfance. Ils permettent que la participation aux multiples formes de la vie
collective se combine sans heurts avec les moments de retrait et d'isolement. Il incombe à tous les
adultes présents, sous la responsabilité de l'enseignant, de créer pour chaque enfant les conditions d'un
développement harmonieux, respectueux de ses rythmes de croissance et de sa personnalité.
”(Qu'apprend-on à l'école maternelle? p52).
Certes, les programmes proposent un cadre qui devrait permettre à chaque élève de trouver une place
dans le groupe sans avoir recours ni à la discipline, ni à la sanction. Mais si le cadre parait idéal pour
permettre un « développement harmonieux », aucune pédagogie n’est conseillée, aucun conseil n’est
donné pour gérer les ambiguïtés que soulève un tel programme. Car si on précise que « Ils ne doivent
pas être privés des temps où ils s'isolent et qui sont nécessaires à leur maturation, mais ils doivent
aussi s'engager dans une vie collective qui suppose acceptation d'autrui et coopération », on ne donne
pas vraiment de direction sur les moyens d’y parvenir. Comment faire accepter les exigences de vie en
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collectivité tout en assurant « un accompagnement de l'enfant, qui respecte son identité, son rythme,
ses besoins en lui donnant les conditions d'une scolarité heureuse et réussie. » Comment gérer les
comportements de découverte qui sont parfois agressifs ou des attitudes centrées sur soi ?
« Apprendre à " Vivre Ensemble " est l'un des principaux objectifs d'une école maternelle qui offre
à chaque enfant le cadre éducatif d'une collectivité structurée par des règles explicites et encadrée par
des adultes responsables.
Il apprend aussi que les apports et les contraintes du groupe peuvent être assumés. »
Assumer son comportement dans la vie en collectivité fait donc partie de l’apprentissage de l’enfant
pour devenir citoyen. Or, la sanction est perçue par certains pédagogues comme le moyen de
déculpabiliser l’enfant qui sait qu’il a fait une erreur et de lui permettre d’assumer son comportement
déviant. Mais la sanction n’a pas sa place aujourd’hui à l’école. Quel est le rôle du professeur des
écoles lorsque la règle n’est pas respectée ? Quelles sont les réactions à avoir et quelle est la liberté de
l’éducateur par rapport au texte (car on peut se demander ce qui est considéré comme sanction) ? Ici
encore, on peut noter que l'enseignant a la liberté d'adopter une pédagogie autoritaire ou de laisser à
l'élève une certaine liberté. Les programmes soulignent la difficulté pour l'enfant de trouver ses
repères, mais qu'en est-il de la position de l'enseignant ?
Un des buts de l’école est également d’apprendre à l’enfant à construire sa personnalité au sein du
groupe-classe : « Avec l'aide des adultes, l'enfant se repère dans le groupe et peu à peu y trouve sa
place avant d'en comprendre et de s'en approprier les règles. Dans ce cheminement, il se construit
aussi comme sujet, capable de se positionner, de s'affirmer en se respectant et en respectant les
autres. ». Encore une fois, la direction vers laquelle doit tendre l’éducation est donnée, mais au fond,
rien n’apparaît sur la façon de gérer la remise en cause quotidienne des règles mises en place. Si un
règlement doit pouvoir évoluer, comment gérer cette évolution en classe ? Comment être le garant du
respect des règles de vie lorsque ces dernières peuvent être discutées à n’importe quel moment ?
Suite à un manque de formation et d’information, la seule décision que j’aie alors pu prendre fut de me
fixer une ligne de conduite à tenir par rapport à ce que l’on avait pu m’expliquer et me montrer de
l’attitude du maître attendue en tps/ps : rester souple et rassurante, surtout apprendre à être patiente et
calme.
b) La souplesse comme règle de conduite
En effet, je connaissais au minimum mes exigences de par des expériences que j’avais pu avoir avant
l’obtention de mon concours. D’après A.M. et F. Imbert dans « L’école à la recherche d’une nouvelle
autorité » (Armand Colin, 1973), la réflexion pédagogique passe par une large gamme d’attitudes qui
mettent en jeu une certaine conception de l’autorité. Ces attitudes se situent entre la mise en question
de la classe traditionnelle, le constat de ses échecs et la proposition de modèles pédagogiques. » .
L’analyse de mes attitudes selon certaines situations m’avait appris que j’étais peu patiente, exigeante,
et autoritaire mais que je pouvais être douce et m’adapter au public. C’est pourquoi mon objectif
professionnel en cette rentrée fut d’apprendre à être indulgente et souple par rapport aux règles.
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Mais j'ai rapidement été confrontée à des élèves qui n'écoutaient pas, ne faisaient pas ce que je
demandais. Si, au début, je suis restée souple en me disant qu'ils apprendraient " petit à petit ", la
gestion de la classe est devenue difficile pour moi au bout de deux mois. Le groupe-classe n'était pas
attentif, les élèves ne faisaient pas les mêmes activités (certains ne faisaient rien), et quelques enfants,
malgré leur jeune âge, manifestaient leur mécontentement face au comportement de leurs camarades.
Expliquer ne suffisait pas- la plupart du temps, ils étaient incapables de justifier leur geste- et mes
demandes répétées ne semblaient pas être comprises par tous. De plus, j'ai eu la nette sensation qu'en
autorisant certaines choses (ne pas participer par exemple), je m'engageais dans une solution de facilité
qui me faisait perdre mon autorité et empêchais les élèves de progresser dans une ambiance de classe
favorable.
Un vendredi, lassée, j'adoptai un ton plus ferme, j’oubliai mes bonnes résolutions de début d’année et
j'obligeai les enfants récalcitrants à faire en les accompagnant physiquement et en expliquant pourquoi
je voulais qu'ils fassent telle ou telle action. A la fin de la matinée, je fus étonnée de constater qu'ils
avaient presque tous écouté l'histoire, qu'ils avaient tous travaillé. La participation avait été bien
meilleure et l'ambiance de classe beaucoup plus calme. Mais si je fus satisfaite de ce que j’avais
obtenu, restait le doute affreux d’avoir “discipliné” des enfants jeunes, incapables de comprendre
pourquoi je le faisais, et d’être satisfaite d’avoir imposé ce que Je voulais et supportais en tant
qu’enseignante et en tant qu’adulte responsable d’un groupe.
c) Apprendre petit à petit: cas particuliers
Donc l'accompagnement physique et l'obligation de faire représentaient pour moi un échec puisque
j'avais sculpté l'élève idéal, la classe idéale. Je pouvais être satisfaite, ils étaient tous entrés dans le
moule que j'avais façonné. Mais quand s'étaient-ils exprimés, à quel moment avaient-ils eu la
possibilité de découvrir par eux-mêmes, quelles possibilités d'argumenter sur leurs actions dans telle
situation leur ai-je laissé ? De plus, certains élèves sont restés réfractaires à mes demandes. Et c’est
surtout pour ces derniers que la question de l’autorité s’est posée. Combien de fois ai-je hésité à les
laisser faire ou à les obliger à faire avec le groupe. Combien de fois me suis-je vu les isoler et les
laisser jouer non pas par respect pour leurs envies et le développement de leur personnalité, mais par
facilité pour “faire ma classe” ? Je savais que ces enfants étaient particuliers car le refus de prendre
part à la vie du groupe n'était pas un simple refus d'obéir à des règles, mais la vie en collectivité était
une réelle découverte pour eux et chacun réagissait différemment à l'adaptation demandée par cette
nouvelle vie.
Si je me sentais capable d’en accompagner quelques uns dans leur apprentissage par la douceur, en
leur laissant le temps de s'habituer, d'autres m'inquiétaient car je ne savais pas quelle attitude adopter.
Non seulement ils restaient isolés du groupe, mais leurs comportements violents ou perturbants
dérangeaient les autres élèves et rendaient difficile la gestion de la classe.
Une petite fille notamment a mis du temps à trouver son rythme: elle n'avait jamais fréquenté de lieux
d'accueil collectifs, et n'avait presque jamais eu de livres, de jouets, de crayons entre les mains. Sa joie
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de pouvoir manipuler tous ces objets, de découvrir toutes ces choses rendait difficile sa vie sociale:
centrée sur ce qu'elle pouvait avoir en classe, elle poussait des cris dès qu'il fallait partager ou ranger.
Bien souvent, il m'est arrivé de la laisser jouer pendant que je travaillais avec les autres enfants. Bien
souvent, elle a eu des droits et des égards qui n'étaient pas donnés au reste du groupe. Et j'ai pu
constater avec le temps que trouver sa place au sein d'un groupe ne signifie pas seulement que le sujet
se plie aux lois du groupe, mais que le groupe accepte l'individu malgré sa déviance. Sans que je m'en
soit aperçue, les élèves ont finit par comprendre qu'il fallait plus de temps et d'attention à cette petite
fille. Après leur avoir expliqué, ils ont finit par cesser de manifester leur désaccord sur la vie qu'elle
menait au sein de la classe. Aujourd'hui, elle prend peu à peu place avec nous parce que, du moins je
le pense, le groupe l'a apprivoisée. Car, au final, apprivoiser ne signifie-t-il pas, contrairement à ce que
l'on pense, différencier, séparer, partager. C'est accorder à chacun sa place au sein du groupe. C'est
ainsi que l'on ressent une différence lorsqu'un ou deux élèves sont absents : on pourrait penser à un
soulagement lorsque ce sont les " terribles " qui manquent, mais on s'aperçoit vite que l'ambiance de
classe n'est pas la même et que cette situation est perturbante aussi bien pour l'enseignant que pour les
élèves.
2) Nécessité certes, mais n'est-ce pas une entrave à la liberté?
a) Rôle des règles
L'ordre et la discipline sont nécessaires en classe pour permettre la situation d'enseignement. Mais
comment concilier la créativité, imagination comme expression et épanouissement de soi et l'entrée
dans un groupe social qui nécessite des attitudes conformes à ce qui est attendu en classe ?
De plus, si l'enseignant doit pouvoir offrir un cadre sécurisant où l'élève peut s'épanouir, comment
peut-il garantir le respect des règles par tous tout en adoptant un comportement souple et non violent ?
Quelle est la place de la discipline à l'école maternelle ? A-t-elle d'ailleurs sa place dans une relation
pédagogique ?
La discipline génère des contradictions dans notre manière de la penser: l'enseignant doit faire face à
une demande extérieure de discipline et force est de constater qu'elle est nécessaire pour que
l'enseignement puisse avoir lieu, mais bien souvent, parler de discipline nous fait entrer en conflit avec
nos objectifs actuels (qu'en est-il dans les programmes ?).
Or, E. Prairat (« Sanction et socialisation », 2001) affirme qu' « il n'y a pas d'école sans discipline »
car « la discipline (...) autorise, (...) permet. (...) Elle tend à faire entrer chaque élève dans une culture
de la responsabilité c'est à dire à lui faire sentir puis comprendre que ses actes enferment des
conséquences dont il se doit de répondre. » .
G. Lapassade ( ) cite Durkheim et ses « règles de la méthode sociologique » : « toute éducation
consiste dans un effort continu pour imposer à l'enfant des manières de voir, de sentir, d'agir
auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé. ». Il faut que l'éducateur « indique que le refus d'obéir
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n'est même pas concevable (...) ». Mais chez d’autres chercheurs, l'ordre imposé au départ sera
négocié tacitement ou verbalement parce qu'il intervient dans un rapport de forces.
A. M. et F. Imbert (1973) font référence à A. De Peretti et vont dans son sens lorsqu’ils expliquent que
la discipline et l'autorité sont nécessaires au développement de l'enfant. Le « non » est la consistance
qui permet cette affirmation de soi. L'adulte s'oppose à l'enfant non par pour le faire obéir mais pour
affirmer la « fonction (le pouvoir) symbolique de l'adulte qui est de faire accéder l'enfant à la maîtrise
de sa Parole propre. »
Enfin, les règles de vie et leur respect sont la condition d'une vie en groupe possible. Respecter les
règles qui régissent les relations du groupe, c'est accepter les conditions d'appartenance à une
communauté. C'est apprendre à gérer ses besoins (qui dictent les actions du petit enfant) en société.
b) Conditions d'application des règles de vie
D'après E. Prairat, la discipline peut être définie par l'ensemble des règles (aspect juridique), des
rituels (aspect social) et des dispositifs qui organisent la classe (aspect pédagogique). Ce qui m'a
essentiellement posé problème n'est pas vraiment l'intégration de la norme, qui a été somme toute un
processus rapide pour la plupart des enfants. Mais la régulation pédagogique fut problématique (je
proposais souvent un travail trop difficile), ainsi que la régulation sociale (n'ayant de relation avec les
enfants qu'un jour par semaine, les rituels de gestion des conflits et d'indiscipline n'ont pas pu être mis
en place).
Or, si l'enfant est capable d'analyser et de comprendre la portée de ses actes pour ensuite les assumer,
il me paraît inconcevable d’appliquer un tel discours en tps/ps. Si le tout petit peut être conscient qu'il
a dérogé à la règle, il n'a pas toujours les capacités d'analyser tout ce que ses actes entraînent. C'est
pourquoi il est difficile pour l'enseignant faire sentir à l'enfant que ce qu'il a fait n'est pas acceptable.
Mais ce qui pose réellement problème dans la reconnaissance de règles à l'école et dans l'apprentissage
de leur respect, c'est qu'une des finalités de l'éducation est de rendre l'individu libre. Libre, c'est à dire
capable non seulement de penser par lui-même, mais de penser juste puisqu'il possède la connaissance
lui permettant d'avoir un regard critique sur ses actions. L'homme libre est donc affranchit de toute
autorité. Il est également capable de prendre en compte autrui et de se fixer ses propres règles de vie
en fonction des individus qui l'entourent. Pour E. Prairat, « éduquer, ce n'est pas faire passer un
individu d'un état captif à un état libre (...) mais l'arracher à la pensée particulière, à la clôture
narcissique, à la tyrannie des pulsions. Éduquer c'est libérer. » Mais pour faire parvenir l'élève à cette
liberté, sommes-nous obligés d'imposer la discipline par l'autorité ?
c) De l'autorité
Si les règles de vie sont nécessaires pour organiser et gérer la collectivité, quelle est la place de cette
dernière ? Si les règles sont acceptées et reconnues par tous, faut-il nécessairement que l'enfant
apprenne à se soumettre à l'autorité d'une personne « supérieure » ? G. Lapassade affirme que « Tous
les rapports d'enseignement sont en réalité des rapports hiérarchiques » et il est rejoint sur ce point par
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P. Manent qui lui, remet en cause la possibilité de considérer l'enfant comme notre semblable
justement parce que cette idée n'est pas compatible avec celle de l'éducation. La relation éducative ne
peut-elle être fondée que sur une supériorité de l'éducateur ? N'est-on pas là pour apporter des
réponses et des connaissances ? L'autorité ne laisse pas de place à la discussion or, si l'élève doit être
capable de s'affirmer et d'argumenter ses choix, il importe donc qu'il puisse les exprimer. Ceci avec le
risque de voir remise en cause son autorité. Quelle fierté retire-t-on de voir des enfants obéir à un
adulte ? Par exemple, je me souviens d’un jour où j’ai proposé un atelier au groupe de tout-petits de
ma classe. Tous y ont participé, sauf une petite fille qui me dit alors : « Maîtresse, moi je veux jouer à
la cuisine. » Ma réponse première fut de d’abord essayer de la convaincre que ce que je lui proposais
était bien pour elle. Mais elle était décidée à jouer au coin cuisine. J’ai alors fait appel à mon autorité
d’adulte et l’ai obligée à faire comme les autres. On le voit ici, ce n’est pas tant mon autorité qui pose
problème, mais sa finalité : ai-je le droit de décider de ce qui est bien pour l’autre ? Mon rôle n’aurait-
il pas été à ce moment de l’accompagner dans son apprentissage et de lui proposer une activité dans le
coin cuisine ? Ma volonté de bien faire dans cette situation s'est ici accompagnée d'un refus de prendre
en compte les aspirations de cette élève, qui aurait sans doute plus ou mieux appris si j'avais respecté
ses désirs.
Deux courants de pensée s’opposent : celui de Mendel pour qui l’autorité est forcément synonyme de
domination et donc de soumission ; celui de H. Arendt qui voit dans l’autorité une nécessité qui
permet à l’enseignant de rester maître de la situation. Mais sa critique dans différents courants
pédagogiques remet en question la définition d’éducation qui, comme on l’a déjà vu, ne se conçoit pas
sans autorité. De plus, il est difficile d’avoir une réponse sur la question de l’autorité : un des critères
du bon enseignant est justement la capacité à se faire obéir. Elle rejoint la définition même de l'autorité
puisque c’est d’obtenir une réponse de la part d’un individu. Or, si l’on peut appréhender l’autorité par
ses effets, quand est-il de sa forme ? Passe-t-elle par l’intimidation, la contrainte physique ou la raison
(faire entendre raison à quelqu’un, est-ce une forme d’autorité ou d’influence ? On rejoint la question
posée plus haut sur notre volonté de décider ce que l’on croit bien pour autrui).
Une enquête (voir annexe 2) montre que pour les enfants, le maître idéal doit être gentil, « juste un peu
sévère mais pas trop » et qu'il doit se faire respecter et punir ceux qui embêtent les autres. On le voit,
le maître est garant de la discipline au sein de la classe. Les élèves sont en attente d'une justice
garantie par l'adulte qui doit alors se montrer équitable. Il est ici intéressant de voir que s'imposer en
tant que représentant de l'autorité est une demande des élèves, qu'ils ont besoin de sécurité et que
l'attitude rassurante du professeur des écoles va de pair avec l’autorité.
Ballottée entre la volonté d'être une enseignante à la pédagogie moderne, mes propres limites
d'acceptation, et la question de la place de la discipline à travers l'apprentissage des règles de vie, je
me suis alors interrogée sur ma personnalité de professeur.
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3) Construire son identité de PE et l'assumer
a) Les erreurs
Une des règles fondamentales de l'éducateur est la maîtrise de soi. Elle fait partie de l'éthique du
professeur des écoles. Mais E. Prairat, souligne la difficulté pour l'adulte à réagir avec de justes
proportions. D'après lui, un reproche froid fait ressentir à l'élève une absence d'affection, de
« compassion ». Il faut être objectif mais les manifestations de reproches « ont toute leur place
lorsqu'elles ne sont pas là pour humilier le sujet mais pour souligner la dimension injuste (...) de l'acte
commis. » Le ton a donc toute son importance, mais il peut être parfois mal interprété.
De plus, il est toujours difficile de rester constant dans nos réactions. L'enseignant est aussi un être
humain qui n'a aucun recueil de lois et de jurisprudence pour appuyer ses réactions. Ces dernières
peuvent donc être, selon le moment, l'enfant, l'action, totalement démesurées ou au contraire trop
minimisées. Même en m'obligeant à être constante et équitable, j'avoue qu'il m'est arrivé de passer de
la lassitude à l'énervement alors que ces attitudes n'étaient pas forcément justifiées.
La non maîtrise de soi peut donc être considérée comme une erreur professionnelle, mais elle peut-être
plus difficilement maîtrisable que d'autres que je viens développer ci-après.
L'une d'entre elles est pourtant souvent pratiquée dans les classes, de la maternelle au cycle trois: c'est
l'isolement de l'enfant. Lorsque ce dernier représente un danger pour lui-même et pour les autres,
avons-nous le choix ? Non, mais je pense que cette réaction courante d'enseignant donne lieu à des
abus. L'on n'isole plus seulement pour protéger le groupe, mais également pour protéger son autorité,
sa séance si bien préparée, sa personne et ce qu'elle représente.
De plus, je me suis un jour rendue compte de l'importance de la nominalisation. En effet, les
programmes précisent que pour trouver sa place et ses repères, l'enfant doit être nommé et reconnu.
Or, m'adressant au groupe classe, j'utilisais souvent le « on » impersonnel: on range, on s'assoit...Le
fait est que même lorsque je m'adressais particulièrement à un élève, je continuais d'employer cette
personne. Or, nommer les élèves leur permet, surtout à cet âge, de prendre conscience de leur
individualité au sein du groupe. Et j'ai pu en effet remarquer que lorsque je demandais quelque chose
en appelant l'élève par son prénom, ce dernier réagissait à ma demande beaucoup plus rapidement.
Enfin, une autre prise de conscience qui prit part à la construction de ma personnalité d'enseignante fut
de me questionner sur les finalités de différencier les attitudes des élèves par rapport aux règles de vie.
En effet, j'ai alors pu constater que bien souvent, je laissais faire non pas pour respecter les envies des
élèves, leur laisser le temps de découvrir et de trouver leurs repères, mais parce que cela était plus
facile pour moi et que j'évitais ainsi le conflit. Comme je ne savais pas encore comment réagir face
aux refus de certains élèves, je ne me risquais pas à le provoquer et je justifiais mon comportement par
l'argument pédagogique.
b) Les questions
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Une question sur ma position d'adulte garante du respect des règles s'est alors posée: quelles sont les
décisions prises parce que justifiées par l'aspect éducatif (apprendre à vivre ensemble) et celles qui
relève de la personnalité de l'enseignant et du respect de son autorité (« J'estime que... », « C'est moi
qui commande... ») ? Combien de fois me suis-je vue élever la voix non pas parce qu'un élève se
mettait en danger ou ne respectait pas une règle fondamentale, mais parce qu'il ne faisait pas ce que
j'avais demandé ou comme je l'avais désiré; et y songeant le soir, je découvrais avec horreur que ma
colère venait du fait que l'enfant ne m’obéissait pas.
Là réside une ambiguïté dans notre rôle d'éducateur représentant l'autorité et la loi en classe: nous
voulons faire régner l'ordre tout en apprenant la richesse de la liberté et l'autonomie. Nous avons un
groupe classe mais nous voulons développer la pensée individuelle et respecter le rythme
d'apprentissage de chacun.
De plus, d'après A. Jacquard interrogé dans « Une éducation sans autorité ni sanction ? », le but de
l'éducation est précisément la prise de conscience des autres individus qui nous entourent. Donc
l'éducation demande des efforts à fournir pour pouvoir vivre en groupe. Mais je me suis demandé si
ces efforts ne conduisaient pas à un certain conformisme de ce qui est attendu de tout individu de la
part de la société à laquelle il appartient. Dans cette perspective, l'identité de l'élève est bafouée,
ignorée. Même la pédagogie Freinet reconnaît que pour intégrer un individu à un groupe, un certain
conformisme est nécessaire et que l'identité se fonde dans le but d'appartenir à ce groupe. Or, dans ma
vision d'une pédagogie idéale, l'éducateur est là pour accompagner l'enfant vers le savoir, en respectant
son rythme, ses caractéristiques, ses dispositions à apprendre.
Mon rôle d'enseignante se réduit-il donc à cela? Formater le corps et l'esprit de façon à obtenir un
comportement jugé acceptable pour la loi de la société, représentée ici par ma personne. C'est ce que
souligne G. Lapassade : l'enseignant, mandaté par la société, a pour rôle de façonner un citoyen
modèle qui obéira à la règle imposée par les exigences sociales.
Pourtant, le rôle de l'école n'est-il pas de préparer à la vie future en donnant à l'élève la capacité de
devenir citoyen, c'est à dire capable de réfléchir et de prendre des décisions par lui-même pour
s'exprimer dans la société dans laquelle il vit ? N'est-ce pas lui donner le goût de la liberté en lui
faisant comprendre que ses actes ont des conséquences et qu'il est donc libre de choisir, certes, mais
qu'il aura à assumer et à répondre de ses actes. Permettre à l'élève de choisir et décider en toute
connaissance de cause, c'est à dire lui apporter les codes du comportement acceptable en société et les
connaissances lui permettant de réfléchir aux conséquences de ses actes, n'est-ce pas ce vers quoi tend
l'éducation ? « L'éducation a deux buts: éduquer à la civilité et éduquer à la vérité » (P. Manent dans
« Une éducation sans discipline ni sanction ? »).
c) De l'indiscipline et de la culpabilité
Toujours dans « Guerre et paix », G. Lapassade cite Kant pour définir un des rôles de l'école: « A
l'école, la socialisation consiste à « tenter de façonner le comportement des élèves de telle sorte qu'il
ne provoque pas d'imprévu ». Le maître s'efforce d'inculquer aux élèves une culture scolaire de
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docilité et donc de dépouiller leur personnalité de ces composantes contraires à la scolarisation. ». Et
pourtant, si choquante nous paraisse cette théorie, et si éloignée soit-elle des courants pédagogiques
modernes, n'est-elle pas au centre des réflexions actuelles?
Ne demande-t-on pas aujourd'hui, à l'école, d'influer sur le comportement des élèves afin qu'ils vivent
ensemble et dans la société sans comportement déviant ? Chaque fois que des enfants, de plus en plus
jeunes, sont auteurs de violences ou d'actes jugés inacceptables, ne se retourne-t-on pas vers l'école ?
L'enseignant est alors montré du doigt et jugé irresponsable car non garant de la discipline au sein de
sa classe et donc, plus généralement, non garant du respect de la loi en société. Le contexte social
actuel pose sans cesse la question du rôle de l'école dans l'apprentissage de la citoyenneté et des codes
de vie en société. Cette dernière n'est d'ailleurs pas loin de revendiquer un retour aux “bonnes vieilles
méthodes”, trouvant dans l'autoritarisme et la discipline la solution aux maux de notre société.
De plus, « l'indiscipline culpabilise ». Elle est non seulement perçue comme une remise en
cause de l'identité du professeur mais aussi comme une faute pédagogique de l'enseignant. Cette
situation nécessite une prise de position claire et définie pour mettre fin à cette culpabilité. Le choix
d'une attitude vis-à-vis des règles -attitude rigide ou souple- va conditionner une méthode pédagogique
et va construire mon identité d'enseignante. Or, la question du choix se pose à moi en fonction de la
situation, du comportement habituel de l'élève (ou du moins de la vision que j'en ai), mais aussi de
mon état personnel ce jour là. Et c'est là qu'être responsable de l'application des règles de vie me pose
problème. Nous rejoignons ici la question posée plus haut à propos de la constance dont doit faire
preuve le professeur des écoles. De plus, si nous tenons tellement à avoir des enfants " sages ", c'est
sans doute parce que nous identifions leurs réussites ou leurs échecs aux nôtres. L'ambiance de la
classe et les comportements des individus qui la composent est le reflet de notre travail. Or, certains
enseignements ne porteront leurs fruits que plus tard. L'effet des apprentissages ne peut pas s'évaluer
dans l'immédiat, surtout concernant le vivre ensemble. Il faut alors pouvoir accepter cette situation.
Enfin, G. Lapassade explique que c'est l'incertitude de l'identité de professeur qui influence l'exercice
de l'autorité soit en entraînant un manque soit en se manifestant par une attitude rigide. Peut-on un jour
parvenir à une certitude quant à notre enseignement et ainsi trouver un juste équilibre entre rigidité et
souplesse? En effet, si la liberté pédagogique nous permet d'être juge des comportements acceptables
dans la société formée par la classe, quelle définition puis-je donner d'une situation « acceptable » ?
Pour qui ? Moi, mes collègues, l'inspection, les parents, les élèves ? Chacun y va de son propre avis et
m'amène tous les jours à reconsidérer le mien. E. Prairat énonce une des difficultés du métier
d'enseignant: accepter le fait que ce qui est exigible n'est pas pré-définit. C'est à l'enseignant de
construire des règles avec ses élèves, de donner ses propres limites de l'acceptable et d'expliquer ses
exigences. Il faut assumer son identité de professeur pour pouvoir offrir des bases de travail en
commun aux élèves. De plus, ces derniers se construiront ensuite leur propre rapport au respect de la
loi au fur et à mesure qu'ils en comprendront les tenants et les aboutissants. A l'école, la loi est perçue
uniquement comme une limite aux comportements des enfants. Mais l'école est, ne l'oublions pas, lieu
d'apprentissage, donc lieu où les erreurs sont permises. L'enfant expérimente la transgression, mais il
13
faut qu'il apprenne les conséquences de ses actes: d'où la question des sanctions et du rôle du maître
dans cet apprentissage,
Une des solutions est que l'attitude adoptée face à tel ou tel comportement ne soit jamais en
contradiction avec les valeurs que je défends. Une autre réside peut-être dans le dialogue avec le
groupe classe et dans la gestion commune des transgressions ( responsabiliser les élèves en les rendant
auteurs des règles mais également acteurs de leur mise en place ) ; ceci étant difficilement possible
avec des tout-petits.
L'éducation vise-t-elle à l'épanouissement d'un individu ou travaille-t-elle à son intégration future dans
la société ? Apprend-on aux enfants à devenir libres ou à obéir aux lois du groupe social dans lequel
ils vivent? Pour E. Prairat, cette question n'a pas lieu d'être posée puisque « être libre, c'est toujours
être en relation ». Car il faut distinguer liberté et autonomie. La liberté s'acquiert au fur et à mesure
que l'enfant connaît. Est-elle possible dès la scolarisation ? Je ne le pense pas puisque pour être libre il
faut pouvoir choisir en étant conscient des conséquences de ses actes. Or, cette attitude s'apprend, elle
n'est pas innée. De plus, on parle bien plus souvent à l'école d'autonomie: l'enfant devient petit à petit
un " grand ". Il n'aura, à terme, plus besoin des adultes pour faire ses choix. Gide disait bien qu' « un
bon maître a ce soucis constant : enseigner à se passer de lui. »
Enfin, il faut se déculpabiliser d'exiger de la discipline en classe: elle est nécessaire au bon
fonctionnement du groupe et ne peut être comparée à aucune forme de violence. Les anciennes
méthodes avilissantes n'ont plus lieu d'être, mais l'autorité du maître fait acte dans la gestion des
conflits en classe et dans l'apprentissage du futur citoyen. Si une certaine souplesse est nécessaire en
maternelle, elle s'estompera peu à peu au fur et à mesure que les enfants changeront leur rapport à la
règle et comprendront qu'elle fait lien entre les différents membres du groupe. Mais cet apprentissage
se fait de façon plus ou moins rapide, ou avec plus ou moins de difficultés selon la personnalité des
élèves: comme tout autre domaine d'apprentissage, le vivre ensemble demande à l'enseignant de
différencier les apprentissages.
Quant au respect des règles de vie, il fait partie de la notion même d'éducation. Si l'enseignant se doit
de faire preuve d'autorité pour maîtriser la situation d'apprentissage et offrir un cadre rassurant à ses
élèves, il ne doit ni en abuser, ni l'ignorer sous prétexte de libérer l'enfant de toute contrainte.
On le voit, l'enseignement relève parfois d'un équilibre entre la place accordée à l'enfant, les attentes
personnelles de l'enseignant, la gestion d'individus et de situations qui ne seront jamais semblables et
notre capacité à rester équitable.
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II) La sanction a-t-elle sa place à l'école?
S'il est possible, voire nécessaire, de différencier nos attentes vis-à-vis du respect des
règles de vie, comment faire pour que l'enfant prenne conscience de leur nécessité et des
conséquences de leur transgression ? Cette question fait immédiatement débat parmi les
pédagogues : certains défendent la sanction comme moyen de faire accéder l'enfant à sa
responsabilité, tandis que d'autres posent la question de sa légitimité puisque l'enfant n'a
justement pas conscience de sa faute. Qu'en est-il à l'école ? Est-il possible d’imaginer une
sanction individualisée dans un cadre qui se doit d’être le même pour tous ? Est-il utopique de
croire que de jeunes élèves puissent avoir la notion d’équité, au sens où la justice serait
rendue au cas par cas ? De nombreuses tentatives ont été tentées avec les mêmes objectifs :
faire réfléchir l’enfant sur ses attitudes et le rendre maître de son comportement, éviter la
sanction autoritaire de l’enseignant, vouée à l’échec.
1) La sanction peut-elle être différenciée de la punition ou de la mesure disciplinaire ?
a) Tentative de définition
La sanction est le moyen d’affirmer une loi. Elle la rend irréfutable. Ce moyen peut prendre la
forme d’une peine ou d’une récompense. Mais si on prend les différents sens que l’on peut
donner au terme, on découvre qu’il est bien plus souvent entendu comme « mesure répressive
prise par une autorité » (Le Petit Larousse, 1996), soit comme une punition. Ce terme,
souvent associé à l’image du châtiment, n’a plus sa place dans la pédagogie actuelle.
Cependant, on peut noter une différence majeure entre sanction et punition : alors que la
sanction accepte une définition positive et vise toujours un acte, la punition est de l’ordre de
la peine, de la souffrance sur une personne. De ce fait, elle peut être entendue comme
vengeance, comme paiement pour un acte délictueux. Cette légère distinction prend tout son
sens lorsqu’on se situe dans le contexte de l’éducation. On comprend mieux, lorsque l’on
réfléchit au sens donné à ces mots, que le premier soit utilisé au profit du second dans les
textes officiels. Comme de nombreux collègues, je n’y accordais peu d’importance avant de
m’interroger sur ma pratique, sur le cadre théorique et avant de devoir préciser ce que les
textes entendent par sanction ou mesure disciplinaire.
Je pense que pour simplifier ma réflexion sans avoir besoin de revenir sur les termes,
j’entendrai par sanction tout acte ou décision de l’enseignant face au comportement qu’il
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estime déviant de la part d’un élève. Quelque soit la mesure prise, il conviendra de
s’interroger à chaque fois sur la finalité de cette dernière, sur sa forme (peut-elle avoir un
impact violent sur l’élève), sur sa raison d’être.
b) Place officielle
Si, autrefois, la sanction était vue comme un moyen d’affirmer la toute puissance du maître et
de corriger l’indiscipline des élèves, qu’en est-il aujourd’hui ? Si je me pose cette question,
c’est qu’en ayant eu l’occasion d’observer puis de pratiquer, il m’est apparu de façon
flagrante que cette finalité de la sanction n’a que rarement disparu des classes. La seule
différence étant qu’elle était auparavant légitime, alors qu’elle est taboue aujourd’hui. Même
ceux qui affirment qu’un retour aux “ bonnes vieilles méthodes ” serait la solution aux
problèmes rencontrés par l’institution le font à voix basse. Quelle est la position officielle de
l’éducation nationale ? En cherchant un peu, on s’aperçoit bien vite que le chapitre consacré à
ce sujet est bien pauvre et vague et laisse l’enseignant, sous couvert de son droit à la liberté
pédagogique, face à un choix très restreint de solutions.
En effet, la consultation de la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991 (Bulletin officiel n°23 du 13
juin 1991) précise que « tout manquement au règlement intérieur justifie la mise en oeuvre
d'une procédure disciplinaire ou de poursuites appropriées. ». Le texte laisse donc le choix de
la sanction en insistant sur le fait que s’il y a transgression, il y a sanction, mais que cette
dernière doit être précisée dans le règlement intérieur. Ainsi, les sanctions sont connues de
tous et ne peuvent être dépendantes de l’arbitraire de l’enseignant. Ce texte recommande
également de prévoir dans le règlement intérieur « des mesures d’encouragement au travail et
des récompenses ». Il notifie donc que la sanction est ici entendue comme conséquence d’un
acte, conséquence pouvant donc être négative, mais aussi positive.
Le texte explicite ensuite les sanctions qui ne sont pas autorisées.
À l’école maternelle, « aucune sanction ne peut être infligée ». L’isolement « pendant (un)
temps très court et sous surveillance est possible. »
À l’école élémentaire également, les sanctions non autorisées sont précisées.
« Le maître ou l’équipe pédagogique de cycle doit obtenir de chaque élève un travail à la
mesure de ses capacités ». Cela signifie que l’on ne peut pas sanctionner un élève pour un
travail non fait parce qu’il est trop difficile pour lui. Mais encore une fois, c’est la
personnalité de l’enseignant qui intervient dans la vision toute personnelle de ce qui mérite
sanction ou non.
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« Tout châtiment corporel est strictement interdit ». L’interdit de la violence physique exercée
par l’enseignant est réaffirmé.
c) Vers une sanction éducative et légitime
Si les conseils formulés plus haut que l’on retrouve dans de nombreux textes peuvent
apparaître comme une réponse aux problèmes de l’indiscipline, des questions sur leur mise en
application se posent toujours.
Premièrement, comment faire disparaître la part d’arbitraire dans une telle décision ? Ensuite,
peut-on mettre en place un fonctionnement qui individualise la sanction sans faire naître un
sentiment d’injustice chez les enfants ?
Tout d’abord, il faut pour sanctionner éliminer la possibilité que cette dernière soit ressentie
comme une violence par l’élève. Il y a presque trois siècles, JB De La Salle se demandait déjà
ce qui différencie une sanction d'une violence. Si l’on se reporte à l’explication que donne E.
Prairat sur les différentes formes du punir, on s’aperçoit bien vite que seul le terme a disparu
des classes. Car si le châtiment corporel est bel et bien banni (cf. ci-dessus), la violence est
toujours présente au sein des classes.
La sanction éducative répond à des principes pédagogiques qui, hélas, ne sont pas toujours
respectés. Tout d’abord, elle s’adresse toujours à un individu. En ce sens, elle ne peut donc
jamais être collective, ni en aucun cas servir à rappeler le règlement au collectif (à titre
d’exemple). Or, ce dernier point a servi à justifier la sanction pour certains pédagogues (voir
plus bas). De plus, il est nécessaire de rappeler qu’elle porte sur les actes commis et jamais
sur l’individu (ce dernier point peut avoir pour grave conséquence la perte de l’estime de soi
par l’étiquette portée par l’enfant). Enfin, il est toujours important que la sanction éducative
s’accompagne d’une réparation afin que le sanctionné puisse réintégré le groupe. Ce dernier
point suppose que la sanction ait entraîné une frustration (par la mise à l’écart ou la privation
de droit). Or, cette forme de sanction permet à l’élève de faire face à ses responsabilités, mais
aussi de lui faire prendre conscience de son intérêt à accepter les contraintes de la vie en
groupe. Pour qu’elle soit constructive, la sanction doit lui permettre d’agir, non pas dans la
peur (perte d’amour ou de sa place dans le groupe) mais dans la construction (réparation puis
réintégration).
Concernant la sanction positive, il y a là aussi des principes à respecter. R.-V. Joule nous
rappelle que la récompense doit toujours intervenir après l’acte, sans avoir été donnée comme
but de l’engagement, et surtout ne pas être systématique.
Pour conclure, nous dirons que les sanctions ne doivent pas être appliquées de façon «
mécanique » et doivent rester proportionnelles à l’infraction.
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Si la sanction éducative apparaît dans les textes officiels pour l’école élémentaire, elle est
officiellement interdite à l’école maternelle.
Or, l’isolement, qui est donné comme seul recours à l’enseignant, m’apparaît comme pouvant
être subit comme sanction et utilisé à cette fin, et les exemples d’attitudes des adultes vis-à-vis
des enfants sont assez nombreux pour montrer qu’elle existe sous de nombreuses formes.
Lorsque l’on se réfère aux textes officiels du MEN, l’on peut conclure que c’est la
bienveillance de maître et son professionnalisme qui permet d’instituer une ambiance
studieuse en classe, et notamment de faire respecter les règles. Mais aucune précision n’est
apportée sur les limites à la liberté pédagogique du maître. Y’en a-t-il d’ailleurs ?
Dans une institution qui elle-même est garante de l’autorité exercée par ses fonctionnaires, il
peut être intéressant de remarquer qu’un parallèle avec les sanctions autorisées à l’école peut
être mené sur deux points : le premier consiste à nier la possibilité de sanction éducative
auprès des élèves comme auprès des professeurs puisque lorsqu’il y a problème, c’est bien
souvent une exclusion ou un changement d’établissement qui fait suite aux réprimandes. Le
second permet de mettre en évidence que dans tous les cas, la légitimité des actions décidées
par le professeur dans le champ de sa liberté pédagogique est laissée à l’appréciation du
supérieur hiérarchique. On rejoint ici l’idée d’arbitraire qui apparaît entre l’enseignant et ses
élèves et qui se retrouve entre l’inspecteur et l’enseignant. Dans les deux rapports, définir
l’acceptable relève de la personnalité de celui qui doit en décider et cet état de fait pose
problème (il ne peut exister dans cette définition de cohérence dans l’équipe éducative, et ce
système renforce le sentiment de toute-puissance du maître).
2) Le rapport à la loi ou l’intérêt de la sanction
a) Qui dit règles dit sanction(s) ?
Lex imperfecta est le terme utilisé pour désigner une loi dépourvue de sanction. A l'école,
l'énonciation de règles n'est jamais accompagnée des sanctions encourues en cas de
transgression. En effet, nous trouvons en classe des traces de règles de vie collectives rédigées
avec les élèves et affichées pour s’y référer et donner au maître un point d’appui. Mais ce
texte n’est jamais accompagné des conséquences inhérentes au manquement de ses règles.
Que se passe-il si un membre du groupe ne respecte pas le règlement ? Il conviendrait de
poser la question aux élèves. Ces derniers sont en droit de se demander ce qu'ils risquent à
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faire ce dont ils ont envie.
De plus, la sanction est souvent plus utilisée comme moyen d’affirmer son autorité que
comme vecteur d’apprentissage. Mises à part ces insuffisances dans l’application des textes,
quelles sont précisément les intérêts de la sanction à l’école primaire ?
Le premier intérêt que l’on pourrait trouver à l’application des sanctions est égoïste : il s’agit
bien entendu de garantir l’ordre au sein de la classe, de permettre au maître de faire son cours.
Mais la sanction a d’autres finalités pour lesquelles E. Prairat nous donne ici quelques pistes :
« La sanction vise à rappeler la primauté de la loi et non la prééminence des adultes ». Cette
première finalité suppose que l’éducateur renonce à son emprise, à son pouvoir pour être
garant de la loi.
Une autre des finalités de la sanction est de « rappeler la loi pour préserver l'identité et la
cohésion du groupe » tout en reconnaissant l’autre par sa volonté à le faire adhérer aux règles
du groupe.
Enfin, la sanction impose un rituel qui permet la réhabilitation du sanctionné qui assume, mais
également qui évite la brutalité : « Toute gestualité codée et planifiée est précisément l’envers
d’une brusquerie. ». Certes, mais ce rituel ne met pas à l’abri de l’exaspération et de la
violence. L’absence de brusquerie par la nécessité du rituel ne signifie pas absence de
violence dans la parole ou l’acte lui-même. De plus, cette forme ritualisée d’application de
sanction ne permet pas de prendre en compte la situation et la personnalité de l’élève, ce qui
va à l’encontre d’une sanction éducative qui se veut justement individualisée. La sanction
permet à l'élève de percevoir la conséquence de ses actions actes et de devenir responsable :
« La sanction éducative a une fonction de responsabilisation ».
Mais à l'école, on a le droit à l'erreur : on doit avoir le droit à la transgression pour se
construire. « La sanction permet à l'élève d'élaborer sa culpabilité donc de grandir. » Mais la
sanction ne doit-elle justement pas intervenir pour permettre à l'élève qui est conscient de son
erreur de déculpabiliser et d'être réintégré. La sanction permet-elle réellement la réparation et
la réintégration ou se résume-elle à une punition signe ? E. Prairat souligne d'ailleurs à juste
titre le paradoxe de vouloir faire émerger la moralité par des moyens qui n'en font pas partie.
La sanction s'adresse aussi au groupe en rappelant que les déviances ne sont pas acceptables.
Dans ce cas « la sanction est à la fois fin et moyen ». Il y a la contradiction avec la définition
même, donnée plus haut, de sanction éducative.
M.R. Prado (La sanction, Cahiers pédagogiques, mars 2007) se pose la question de la
légitimité de la sanction à l’école. Plus précisément, elle expose que les sanctions scolaires
seraient le moyen de faire apprendre la socialisation scolaire d’autres vecteurs de socialisation
(notamment familiale). Par la sanction scolaire, l’enfant apprend non pas à respecter les règles
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de vie en groupe, mais à devenir élève. La finalité de la sanction serait dans ce cas de dresser
l’enfant, le soumettre au fonctionnement propre de l’école (tout comme la sanction militaire
vise à faire intégrer le fonctionnement de l’armée aux jeunes recrues ?).
Pour répondre à la question, on peut exprimer un doute quant à la valeur de règles données
sans sanction. L’enfant apprend notamment par l’expérimentation. Il faut donc qu’il puisse
expérimenter la transgression, mais qu’il connaisse les conséquences de ses actes. La
difficulté réside ensuite dans le choix et l’application des sanctions prévues, qu’elles soient
d’ailleurs positives ou négatives. Si la notion même de sanction peut faire débat, celle de
sanction éducative fait référence dans le contexte scolaire et pose les bases d’une éducation à
la citoyenneté.
Cependant, Freinet affirme que toute sanction est « avilissante pour celui qui la subit, parce
qu'elle n'est qu'une manifestation de force et de brutalité de la part de qui l'inflige ». Or, pour
E. Prairat, la sanction évite justement d'avoir recours à la force plutôt qu'au droit. C'est
pourquoi la sanction doit s'accompagner d'une mesure de réparation ». La réparation montre
que l'enfant assume ses responsabilités.
Car qui dit sanction dit dialogue : nous ne sommes plus dans un rapport « Je représente ta
sanction et tu dois me montrer que tu mérites ma clémence », mais bien dans le rôle que la
société a définit : l’adulte garant de la justice qui est écrite et reconnue par tous. L'important
est que l'enfant comprenne que nos comportements ne sont pas dictés par des exigences
personnelles ou par l'arbitraire, mais qu'ils sont justifiés. Or, la liberté pédagogique instaure
cette pensée chez l'enfant puisque les règles changent d'un enseignant à l'autre et que la limite
de l'acceptable est floue.
Enfin, je me permets de remettre en cause l’utilité de la sanction. Le rapport enseignant
représentant la loi et élève peut-il instaurer un climat de confiance et de discussion propices à
la construction ? Est-ce que l’élève sanctionné arrive à voir plus loin que ce qu’il subit ? N’y-
a-t-il pas un autre moyen de lui faire prendre toute la mesure de la gêne causée par son
attitude ?
b) Peut-on construire un rapport à la loi sans le subir ?
Puisque le terme de sanction peut s’entendre dans le sens positif, peut-on imaginer qu’il
n’existe que des sanctions positives répondant à des règles positives ?
Cousinet avait argumenté cette théorie en expliquant qu’un enfant autorisé à agir sera moins
enclin à transgresser les règles.
Au lieu de sanctionner, on pourrait autoriser la réflexion, l’échange. Permettre à l’élève de
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réfléchir à l’appropriation de son comportement, donner des pistes pour une attitude
acceptable, l’amener à proposer des réparations peuvent être plus efficace qu’une sanction
prévue et appliquée de façon immuable (même en étant individualisée). Nombre de
pédagogues rappellent la nécessité de l’explication lors de la sanction. On peut tout
simplement affirmer que la parole peut être efficace, même lorsqu’il n’y a pas sanction. Elle
peut être le lieu de compréhension de l’origine et des conséquences de l’acte aussi bien pour
l’élève fautif que pour le groupe et l’enseignant. Le dialogue permet un échange que
l’application de la sanction n’autorise pas: nous ne sommes plus dans un rapport
d’autoritarisme mais bien dans le rôle que la société a définit, l’adulte garant de la justice qui
est écrite et reconnue par tous. L'important est que l'enfant comprenne que nos
comportements ne sont pas dictés par des exigences personnelles ou par l'arbitraire, mais
qu'ils sont justifiés. Or, la liberté pédagogique instaure cette pensée chez l'enfant puisque les
règles changent d'un enseignant à l'autre et que la limite de l'acceptable est floue. C’est
pourquoi, avant même de penser la sanction, il faut penser la résolution et la valeur donnée à
la parole.
De plus, des études (voir annexe 2) montrent que l’engagement décroît au fur et à mesure que
la sanction augmente. Il peut donc être intéressant de se pencher sur la façon dont l’interdit est
formulé. Ainsi, au lieu du traditionnel « Gare à vous si… », on pourrait transformer la
consigne en « Vous seriez de bons élèves si… ». Cette demande d’engagement permet la
valorisation de leurs comportements et favorise la récompense. Dans cette démarche, on
s’applique à voir le positif plutôt que le négatif.
On peut également détourner la sanction en lui donnant un caractère positif. Refusant d'isoler
par peur de violenter, j'envoie un enfant dans le coin bibliothèque, lui expliquant que son
comportement ne permet pas aux autres de travailler et que s’il préfère, il peut aller jouer ou
lire sans nous déranger. Cela ressemble à un isolement, mais l'élève ne l'a alors pas pris
comme tel. C'était pour lui la possibilité de se calmer, la liberté de nous rejoindre lorsqu'il
serait prêt à accepter les règles. Mais cela n'a pas fonctionné pour d'autres qui ont compris
qu'être mis à l'écart était frustrant.
c) Exemples de fonctionnements
Nombreux sont les exemples de fonctionnements qui ne prennent pas un cheminement simple
de règles-transgression-sanction mais tentent d’établir une véritable pédagogie constructiviste
qui permet l’élaboration d’une conscience citoyenne tout en respectant l’individualité. Ces
moyens sont essentiellement mis en place dans les collèges mais commencent à faire leur
apparition dans les écoles. Et force est de constater que des résultats positifs sont obtenus et
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qu’ils répondent à ma volonté de faire de la différenciation dans le domaine du collectif.
Les classes pratiquant la pédagogie institutionnelle disposent notamment du conseil, lieu qui
rend possible l’élaboration des règles et des sanctions par les élèves eux-mêmes, mais qui
permet également l’évolution des règles et qui peut surtout éviter d’avoir recours à la sanction
par la possibilité d’un dialogue. On rejoint ici le souci évoquer plus haut de rendre les élèves
auteurs de leurs règles de vie, mais également acteurs dans leur mise en application. Ces
conseils permettent non seulement d’éviter la vision négative qu’ont les élèves du pouvoir du
maître, mais également de prendre la mesure de leurs actes directement face à leurs
camarades. Ce qui importe est de pouvoir exprimer, expliquer, comprendre l’autre. L’adulte
n’a ici plus la position d’arbitre ou de juge, il crée les conditions du dialogue. Et si le dialogue
peut être restreint en maternelle, il n’empêche qu’il possible de faire prendre conscience aux
tout-petits des conséquences de leurs actes sans les isoler. Ainsi, j’ai un jour calmement
montrer les larmes d’une enfant à une autre qui venait de la frapper. Cette dernière avait
souvent un comportement violent avec les autres enfants, et je n’avais souvent d’autres
recours que de l’isoler ou la prendre sur mes genoux (ce qui revenait à ignorer le problème
sans espoir de progrès). Mais lorsque, sans m’énerver, je la mis face à la conséquence de son
geste, elle embrassa d’elle-même sa “victime”. De même en Ce2, où j’ai tenté, tant bien que
mal, de régler les conflits par le dialogue entre les protagonistes. Cela a parfois porté ses fruits
en m’évitant d’avoir recours à toute forme de sanction, en ayant la satisfaction d’avoir ouvert
une autre voie à la résolution des conflits.
La ceinture de comportement est également un exemple probant de sanction positive. Au lieu
de souligner les manques, l’on relève les capacités à Vivre Ensemble et on remarque les
progrès. L’implication de l’élève est totale puisqu’il n’agit pas sous influence externe (dans
l’optique d’obtenir une récompense ou d’éviter une réprimande), mais dans une optique de
progrès.
Il est donc possible d’adopter des fonctionnements qui n’ont pas recours systématiquement à
la sanction. Mais lorsqu’elle est présente, il y a également différentes façons d’agir.
Dans un texte paru dans les Cahiers pédagogiques (La sanction, Cahiers pédagogiques, mars
2007), G. Pedreno nous explique que la sanction ne prend forme qu’au terme d’une gradation
dont l’élève a connaissance pour pouvoir stopper son comportement perturbateur avant. De
plus, cela a l’avantage de montrer que c’est bien le comportement et son caractère répétitif,
malgré la prévention, qui est sanctionné et non l’élève. Pour lui, pas de doutes, la sanction
doit être adaptée à la personnalité de l’élève L’écrit est également un moyen de faire réfléchir
l’élève pour peu qu’on le guide dans cette démarche. Il permet un retour sur soi, mais il
représente également un précieux témoin de ce que l’élève a été capable d’analyser dans son
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comportement. La trace laissée permet de s’y référer pour mesurer les progrès ou rappeler des
engagements.
La réparation peut être envisagée comme « passerelle lisible entre l’infraction, la sanction et
l’intérêt collectif. Qui salit nettoie (…). Cette logique de l’analogie pourrait être assimilée à
la loi du Talion : il faut donc qu’il soit très clair (…) qu’il ne s’agit pas d’une vengeance. »
Enfin, l’exclusion est une des rares sanctions à figurer de façon explicite dans les textes. Mais
là encore, des dérives sont rapidement possibles. Certes, elle est la solution qui permet de
retrouver une situation de classe acceptable, de ne pas gérer un conflit à “chaud” (mieux vaut
que l’élève -et bien souvent l’enseignant- aient pris du recul pour amorcer la discussion), mais
elle peut également blesser. Je me souviens y avoir eu recours en tps/ps pour une enfant qui,
malgré mes rappels à l’ordre, ne cessait de rouler sur les autres pendant ma lecture. J’ai finit
par l’asseoir sur une chaise, à côté de moi. Elle s’est alors mise à pleurer à chaudes larmes.
Tout en ayant un discours moralisateur (« Je t’avais prévenue, il fallait écouter… »), je l’ai
prise dans mes bras pour la consoler, lui montrer que je ne lui en voulais pas à elle, mais que
c’était bien son comportement qui était la cause de sa situation. Je me suis alors interrogée
non seulement sur le ressenti qu’elle avait pu avoir, mais également sur la forme de la
sanction. En essayant d’analyser la scène, je pense que c’était plus la surprise du geste (je
l’avais attrapée vivement et forcée à s’asseoir) que l’isolement en lui-même qui fut la cause
de ses larmes. C’est pourquoi il faut prendre garde à toute forme de dérive, quelque soit la
sanction décidée et la ligne de conduite que l’on avait décidé d’adopter.
3) Notions de sanction et de justice
Nous avons vu précédemment que la sanction existait, qu’il était possible de l’éviter, mais que
lorsqu’elle devait s’appliquer, il y avait quelques règles à appliquer pour qu’elle ait une valeur
éducative. L’une d’elle est notamment de lui donner un caractère individuel. J’ai voulu savoir
dans quelles mesures cette démarche était rendue possible, et j’ai recueilli l’avis d’une classe
de Ce2 qui n’avait pas de préalable sur la notion d’individualisation.
a) Contexte, démarche : la différenciation des déviances de chacun est-elle possible ?
Si dans la première partie j’ai pu conclure que les règles étaient nécessaires et qu’elle devaient
être les mêmes pour tous pour permettre la vie du groupe, c’est donc tout naturellement que je
me suis posé la question de l’adaptation des sanctions par rapport à l’individualité de l’élève.
J’y trouvais un double intérêt : premièrement, cela répondait à mon attente de différenciation
23
dans le Vivre ensemble, et deuxièmement cela me permettait d’ouvrir des bases de dialogue,
de me positionner, et d’amener les élèves au débat. Mais dans mes tentatives en stage en
responsabilité dans une classe de Ce2, je me suis vite aperçue que bien souvent, cela
consistait pour l’élève à me convaincre et pour moi à trancher selon ce qu’il me laissait
entendre. De plus, j’ai eu la nette sensation que je ne différenciais pas la sanction en elle-
même, mais plutôt le discours qui l’accompagnait et la forme de la réintégration. De plus,
j’essayais d’appliquer la gradation de la sanction (en nombre d’avertissements), mais encore
une fois, je n’adaptais pas la sanction mais moment où l’avertissement tombait était différé au
maximum ou au minimum (sinon, l’élève actif avait rapidement ses trois avertissements) Je
pense que cette attitude que j’ai adoptée me permettait de ne pas faire ressentir aux élèves le
sentiment d’injustice et me laissait un champ d’actions possibles plus large donc plus
confortable. Il faut également préciser que pour mettre en place des dispositifs tirés de la
pédagogie institutionnelle, il faut du temps, de l’énergie et une bonne connaissance de la
classe. Or, le contexte du stage me privait de toutes ces conditions.
Comme la mise en place s’est révélée rapidement difficile, j’ai décidé de prendre en compte
les avis des élèves et de tenter d’analyser leur rapport à la loi et aux sanctions par le biais d’un
débat.
b) Réponses des élèves, analyse
Le débat m’a surprise quant au ton donné dès les premières interventions. En effet, les élèves
faisaient preuve d’une rigidité qui m’étonnait, mais que j’ai ensuite comprise comme
l’expression d’un besoin (la loi est la même pour tous, le cadre doit être rassurant) et sans
doutes comme la preuve d’une pensée formatée (en effet, lorsqu’on interroge les élèves sur
les règles de vie en collectivité, elles sont données comme une leçon apprise par cœur, mais
les réponses sur leur nécessité demandent plus de réflexion).
Il est intéressant de préciser que les élèves défendant une différenciation dans la sanction
étaient les plus matures et les plus engagés dans le débat. Les autres sont restés sur leurs
positions et n’ont pas été convaincus par l’argumentation.
Je pense que l’exemple choisi faisait trop intervenir l’affect (surtout chez les filles qui ont
immédiatement réagit au problème des enfants dont la maman est en prison). Néanmoins, cela
a permis d’engager le débat sur les circonstances d’un acte et ses conséquences.
Dans tous les cas, la sanction apparaît chez eux comme inévitable, conséquence directe d’une
transgression, même s’ils reconnaissent qu’elle n’est pas toujours efficace. La notion de
justice est très importante, plus que la sanction elle-même. L’habitude fait qu’ils s’en
remettent au représentant de l’ordre (l’enseignant) pour gérer les conflits et exigent
24
l’impartialité. La classe restant très divisée sur le sujet de la différenciation, il me semble
important d’entamer un apprentissage dès la maternelle sur ce qui s’apparente à une forme de
tolérance. Cette dernière ne doit certainement pas signifier l’impunité, mais la reconnaissance
de l’individu, avec ses caractéristiques, au sein du groupe classe.
c) Cadre rigide/cadre souple, sanction ou absence de sanction : comparaison d’une classe au
Maroc et de classes françaises.
Lors d’un stage à Marrakech, j’ai pu observé une classe qui fonctionnait avec des règles
rigides et la présence de sanctions corporelles. Ce qui frappe, c’est que les rituels
sanctionnants (la fessée notamment), me paraissaient dans ce cadre moins violents que
certaines réprimandes auxquelles j’ai pu assister ou même que j’ai pu données. Ici, point
d’humiliation, point de colère, point de pleurs. L’adulte apparaissait comme le garant de la
discipline, et les enfants acceptaient son autorité et ses sanctions d’une manière responsable.
A l’inverse, lorsque j’ai pris la classe, les enfants étaient traumatisés lorsque que je les isolais
du groupe. L’humiliation était pour eux d’être exclus. Ceci peut s’expliquer par le fait
qu’étant stagiaire dans une école privée, une forte pression devait être maintenue sur les
élèves par leurs parents ; et également par la tradition (au Maroc, il existe une forte cohésion
sociale ; celui qui est seul est forcément un banni qui a commis un acte honteux).
Sans aller plus loin dans des analyses qui méritent des réflexions professionnelles et des
connaissances approfondies de ce pays, et sans porter de jugements, il est intéressant de faire
quelques comparaisons sur les attitudes des élèves dans un cadre rigide et dans un cadre
souple. Tout d’abord, le cadre rigide et la sanction n’empêchent aucunement les
comportements de déviances par rapport aux règles imposées. Ensuite, il semble que la
sanction officielle non individualisée culpabilise l’élève et ne lui permet de se construire en
tant que responsable. Lorsqu’ils dérogent de façon consciente à la règle, les élèves marocains
connaissent les conséquences de leurs actes. Cela leur permet d’évaluer le coût de leur plaisir
lors d’une transgression. Enfin, la menace de sanction n’influe en rien le comportement des
élèves. Certes, le climat de la classe était studieux. Mais à aucun moment le dialogue ne
permettait la construction du sujet. Tous les enseignements étaient tournés vers les
apprentissages scolaires, et jamais le questionnement sur le rapport à la loi n’était envisagé.
Enfin, une loi trop répressive amène à l’indiscipline en réponse au côté aliénant qu’impose
une école. J’ai ainsi pu observé quotidiennement des comportements de révolte, surtout dans
les plus grandes classes (en élémentaire).
En effet, E. Prairat nous explique qu’une des causes de l’indiscipline est justement une
réaction à la violence de la sentence scolaire. Alors que bien souvent dans nos classe,
25
l’indiscipline remet en cause notre capacité à enseigner (puisqu’elle peut être vue comme un
moyen des se soustraire au travail scolaire jugé pénible inintéressant ou trop difficile), il peut
être intéressant de penser que dans les deux cadres (rigide ou souple), l'indiscipline trouve sa
source dans le décalage qui existe entre les valeurs prônées par la société actuelle et celles de
l'école.
Pour conclure sur les sanctions à l’école élémentaire, nous pouvons dire que les
nombreux travaux alimentent encore les réflexions actuelles. Dans un contexte où l’autorité
est sans cesse remise en cause et où les médias alimentent les discussions sur le thème de
l’insécurité et des incivilités commises par des citoyens de plus en plus jeunes, où un retour
aux bonnes vieilles méthodes est de plus en plus prôné, il faut se méfier de l’amalgame entre
volonté d’une éducation visant la liberté de l’individu et une permissivité qui serait
génératrice de la même attitude qu’une autorité arbitraire. La sanction trouve sa place dans
l’éducation lorsque les finalités et les moyens ont été pensés. C'est-à-dire lorsqu’elle a bien
une visée éducative et lorsqu’elle est support actif d’apprentissage et de construction.
Il faut déculpabiliser d’avoir recours à toute forme de sanction. L’important est de toujours
tenter de respecter les principes que l’on s’est fixés par rapport à son estime de ce qui est
acceptable (d’ailleurs, ce ne sont pas les règles de conduites strictes qui font qu’un enseignant
abuse de son autorité, mais bien la façon d’instaurer le dialogue avec ses élèves et de les faire
participer à la vie de la classe). Par exemple, on peut se demander, chaque fois que l’on
sanctionne, si la sanction sert à assouvir nos désirs ou à faire prendre conscience à l’élève les
conséquences de son acte. Puis, on peut analyser les évènements en essayant de trouver
l’origine de la faute et en se demandant si l’on a offert toutes les conditions d’un dialogue.
Mais il est également possible d’éviter la sanction en prenant le parti de tout essayer pour en
faire un vecteur positif d’apprentissage. Tout comme il ne nous viendrait pas à l’esprit de
punir un élève qui n’a pas compris une leçon, il est possible de faire comprendre autrement
que par la sanction que le comportement de l’élève n’est pas adapté à la vie du groupe.
Respecter les individus, c’est aussi accepter leurs difficultés à trouver une place au sein de la
classe et les accompagner, eux et leurs camarades, dans cet apprentissage d’intégration. Cela
nécessite un effort et un questionnement de la part du professeur des écoles sur ses intentions
et sa place (puisque souvent, l’image du maître instruisant des élèves admiratifs est encore
dans les esprits).
26
CONCLUSION
L’école prépare à la vie. Elle est le lieu des apprentissages de la vie en société. En tant
qu’espace pré-politique, elle ne peut ignorer l’enseignement de la loi. Mais il faut que cet
enseignement soit réfléchit puisque nous nous situons dans un cadre pédagogique.
La tâche parait difficile : comment former collectivement des individus pou arriver à des
valeurs communes tout en respectant les caractéristiques de chacun ?
Tout paraît être question d’équilibre. L’adulte, pour accompagner l’enfant, ne doit être ni trop
permissif, ni trop abusif. Tout comme l’enfant doit trouver une attitude qui lui permette de
s’exprimer sans nuire au collectif.
Pour ce faire, l’on doit faire émerger la nécessité des règles de vie en classe, qui doivent être
obligatoirement construites avec les élèves.
Quant à la sanction, on peut envisager qu’elle puisse préparer le futur citoyen à la sanction
pénale. Or, il faudrait alors ne pas oublier que l’élève n’est pas encore un citoyen et que
l’erreur doit pouvoir être permise. Ce qui n’est pas le cas de l’enseignant qui, en tant
qu’adulte responsable, se doit d’adopter une attitude rassurante pour les enfants. La maîtrise
de soi est l’une des conditions de la relation pédagogique et l’impulsivité, dictée par la fatigue
ou notre jugement, n’a pas sa place dans une classe. C’est pourquoi l’éducateur se doit d’être
au clair avec cette notion : elle permet d’éviter, lorsqu’elle est construite avec toutes les
conditions énumérées précédemment, la violence et l’arbitraire, mais elle représente un risque
parce qu’elle est justement soumise, la plupart du temps, à la volonté de l’adulte.
L’énumération des comportements jugés inacceptables ainsi qu’une liste d’attitudes à adopter
selon chaque déviance est impossible à mettre en place parce que non seulement, cela
reviendrait à nier la particularité de chaque situation et la possibilité d’une sanction éducative
(puisqu’elle doit être individualisée), mais en plus, cela porterait atteinte à la liberté
pédagogique du professeur. Néanmoins, il importe de définir une éthique professionnelle qui
protègerait l’élève de l’autoritarisme et de la violence. Le peu d’encadrement offert par les
textes et la formation qui ne permet pas la construction d’une identité professionnelle peut
parfois donner lieu à des déviances dans le corps enseignant. Il importe qu’un véritable travail
d’équipe soit mené au sein des établissements scolaires afin de garantir la cohésion par une
réflexion commune sur l’enseignement du rapport à la règle et d’éviter la violence comme
réaction à la solitude parfois ressentie lorsqu’on est fragilisé.
Enfin, si certaines solutions apportées par la pédagogie institutionnelle sont difficilement
27
applicables en maternelle, il peut être intéressant d’entamer une réflexion sur leurs
adaptations possibles avec de jeunes enfants.
La différenciation pédagogique ne doit pas se penser au niveau des règles de vie, qui sont les
bases d’une vie en société et qui peuvent, bien entendu, évoluer, mais bien au niveau de la
sanction. Si cette dernière ne peut être évitée, elle doit, sans aucun doute, faire l’objet d’une
individualisation.
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ANNEXES
Annexe 1
29
Extrait de la Circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991 (Bulletin officiel n° 23 du 13 juin 1991 ; RLR : 513-0
; 514-0 ; NOR : MENE9150214C) Education nationale : bureau DE10
Modifié par les circulaires n° 92-216 du 20 juillet 1992 (Bulletin officiel n° 30 du 23 juillet 1992)
et n° 94-190 du 29 juin 1994 (Bulletin officiel n° 27 du 7 juillet 1994).
Le règlement type départemental peut prévoir des mesures d’encouragement au travail et des
récompenses.
3.2.1 - Ecole maternelle
L’école joue un rôle primordial dans la socialisation de l’enfant : tout doit être mis en oeuvre
pour que son épanouissement y soit favorisé. C’est pourquoi aucune sanction ne peut être
infligée. Un enfant momentanément difficile pourra, cependant, être isolé pendant le temps,
très court, nécessaire à lui faire retrouver un comportement compatible avec la vie du groupe.
Dans ce cas, des contacts fréquents doivent être maintenus entre les parents et l’équipe
pédagogique de façon à permettre dans les meilleurs délais sa réinsertion dans le milieu
scolaire.
3.2.2 - Ecole élémentaire
Le maître ou l’équipe pédagogique de cycle doit obtenir de chaque élève un travail à la
mesure de ses capacités. En cas de travail insuffisant, après s’être interrogé sur ses causes, le
maître ou l’équipe pédagogique de cycle décidera des mesures appropriées.
Tout châtiment corporel est strictement interdit.
Un élève ne peut être privé de la totalité de la récréation à titre de punition.
Les manquements au règlement intérieur de l’école, et, en particulier, toute atteinte à
l’intégrité physique ou morale des autres élèves ou des maîtres peuvent donner lieu à des
réprimandes qui sont, le cas échéant, portées à la connaissance des familles.
Il est permis d’isoler de ses camarades, momentanément et sous surveillance, un enfant
difficile ou dont le comportement peut être dangereux pour lui- même ou pour les autres.
Annexe 2
30
Etudes sur les effets de la sanction dans le comportement des élèves
Dans une recherche d’Aronson et Carlsmith, 1963, des élèves d’une école maternelle sont
d’abord invités à classer, par ordre de préférence, plusieurs jouets. Ce classement effectué, l’adulte
interdit aux enfants de s’amuser avec un leurs jouets préférés. L’adulte assorti son interdiction, soit
d’une très faible menace (« Si tu jouais avec, je serais faché. »), soit d’une menace plus forte (« Si tu
jouzis avec, je serais très en colère, j’emporterais tous les jouets chez moi »). En l’absence de l’adulte,
les enfants sont observés à leur insu. Premier constat, les enfants ne se montrent pas moins obéissants
avec une faible menace qu’avec une menace forte : qu’ils soient faiblement ou fortement menacés, les
enfants respectent dans la même proportion la demande qui leur a été faite. (…) A son retour, l’adulte
demande aux enfants de se livrer à un nouveau classement. On constate alors que la faible menace
conduit à une dépréciation du jouet interdit. Ce n’est pas le cas de la forte. (…)
Dans d’autres recherches (Lepper, 1973), on a observé que des enfants conduits à ne pas
s’amuser avec un jouet très attractif trichaient moins que les autres lors d’un test programmé quelques
semaines plus tard, lorsque l’adulte avait eu préalablement recours à une faible menace que lorsqu’il
avait eu préalablement recours à une forte menace.
Tout se passe donc comme si les enfants faiblement menacés, contrairement aux enfants fortement
menacés, en résistant à la tentation de s’amuser avec le jouet interdit, avaient appris à résister aux
tentations ultérieures, à celle notamment de tricher.
Texte tiré des Cahiers pédagogiques – n° 451, (mars 2007) : La sanction
R.V. Joule, Pour des sanctions « engageantes »
Annexe 3
31
Débat sur la sanction en Ce2
N.B. : les règles du débat ont été discutées puis établies. Le tour de parole est préféré au
bâton de parole. Chacun s’exprime ou non lorsque c’est à son tour de parler. L’enseignant
intervient peu, sauf pour rappeler les règles du débat ou pour le relancer.
E. : Pensez-vous que l’on puisse vivre sans punition ?
Jean : Non, ce n’est pas possible.
Marie : Les hommes sont assez intelligents pour savoir qu’il ne faut pas se battre.
Anissa : Non, il faut des punitions, mais elles ne sont pas très efficaces.
E. : Pourquoi, à ton avis, ne sont-elles pas efficaces ?
Anissa : Parce que moi, quand je suis punie, je recommence quand même à faire des bêtises.
Tanguy : Et puis aussi, quand on est puni, on devient plus méchant parce que ça nous met en
colère d’être puni.
E. : Vous m’avez dit tout à l’heure, dans l’ensemble, que les punitions étaient nécessaires. Ne
pensez-vous pas que pour qu’elles soient efficaces, il faudrait qu’elles soient adaptées au
contexte ? Par exemple, prenons le cas d’un vol. Pensez-vous qu’il faille punir de la même
façon une personne qui vol un cd et une personne qui vole pour nourrir ses enfants ?
Clémence : Moi je pense que les deux doivent être punies pareil.
Lucie : Elle doit être punie, mais comme elle a des enfants, on doit adapter.
Coralie : Oui, parce quand on a des enfants, il faut les nourrir. Alors qu’un cd, on n’en a pas
besoin pour vivre.
Anaël : Elle doit s’occuper de ses enfants, donc elle ne peut pas aller en prison.
Charlène : Si, parce qu’il est interdit de voler, donc elle doit être punie.
Baptiste : C’est du vol, c’est pareil.
Océane : Se nourrir est plus important que le plaisir. Elle doit être punie, mais…
Jean : Ils doivent être punis pareil. La loi, c’est la loi, il faut la respecter.
Marie : Elle ne doit pas être punie pareil car elle doit s’occuper de ses enfants.
Anissa : Moi, je suis d’accord avec Jean, la punition doit être la même.
E. : Vous n’êtes pas d’accord sur le sujet. Certains pensent que la punition doit être la même
pour tous, d’autres pensent que ce n’est pas possible selon la situation. Pourquoi pensez-vous
cela ?
Jean : Moi je pense qu’il faut expliquer aux autres pourquoi elle est différente.
Coralie : Il faut adapter les règles à chacun.
32
Jean : Non, c’est pas pareil. Il est impossible d’adapter les règles à chaque élève.
Clémence : Non, les punitions doivent être les mêmes pour tous.
Anaël : Moi je pense que dans tous les cas, on doit punir, mais s’il y a des circonstances
atténuantes on doit adapter la punition.
Alice : Ca dépend de pourquoi on fait la bêtise.
Charlène : Par exemple, si deux personnes tuent soit pour se défendre, soit parce qu’on ne
l’aime pas, et bien on ne doit pas avoir la même punition.
E. : Pour conclure, nous pouvons dire que la classe n’est pas d’accord. Certains pensent que
les sanctions doivent être les mêmes pour tous, d’autres pensent que selon le contexte ou la
raison, on doit faire une différence.
33
BIBLIOGRAPHIE
Circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991 (Bulletin officiel n° 23 du 13 juin 1991 ; RLR : 513-0 ;
514-0 ; NOR : MENE9150214C) Education nationale : bureau DE10
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1992)
et n° 94-190 du 29 juin 1994 (Bulletin officiel n° 27 du 7 juillet 1994).
Programmes de l’ Education Nationale Qu’apprend-on à l’école maternelle ? Qu’apprend-on à l’école élémentaire ?(CNDP/XO Editions, 2004)
IMBERT A.M. et F. L’école à la recherche d’une nouvelle autorité (Armand Colin, 1973).
JACQUARD A., MANENT P., RENAUD A. Une éducation sans autorité ni sanction ? Discussion animée par P. SAVIDAN. Nouveau collège de philosophie, (Grasset 2003).
LAPASSADE G. Guerre et paix dans la classe…la déviance scolaire Enseigner (Armand Colin, )
PRAIRAT E. Sanction et socialisation Idées, résultats et problèmes Education et formation (PUF, 2001)
PRAIRAT E. La sanction Petites méditations à l’usage des éducateurs (L’ Harmattan, 1997)
Cahiers pédagogiques n° 451 La sanction, (CRAP, mars 2007)
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REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier vivement tous ceux qui m’ont soutenue et qui ont contribué, de près ou de loin, à la rédaction de ce mémoire :
Monsieur Jay, qui m’a incitée à poursuivre ma démarche malgré les difficultés et qui a su trouver les mots pour me rassurer ;
Le corps enseignant et encadrant de l’IUFM de Mâcon pour sa disponibilité et son accueil “personnalisé” ;
Madame Mestayer et Monsieur Chauvet, qui ont su, par leurs remarques, donner un cadre à mes doutes ;
L’équipe enseignante de l’école maternelle Maurice Cortot à Chalon s/ Saône, pour m’avoir accueillie si chaleureusement, m’avoir permis de profiter de leur expérience et avoir alimenter mes réflexions (un grand merci à Mesdames Guyot et Demortière) ;
Mes collègues de PE2A pour leur soutien et leur amitié. L’échange fut productif et enrichissant ;
Ma famille et mes amis.
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