Anton Tchekhov, triomphe de la vérité; The UNESCO...

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ELLES FABRIQUENT DE LA MÉMOIRE La capacité de travail des calculatrices électroniques augmente constamment ellespeuvent maintenant effectuer dix mille opérations par seconde mais leurs éléments deviennent de plus en plus petits. Aujourd'huides transistors dont la taille ne dépasse pas celle d'un grain de riz ont remplacé les lampes de radio et certaines cellules qui emma¬gasinent les informations sont d'une épaisseur infinitésimale. Ci-dessous des "emmagasineurs de mémoire" magnétiques qui sontutilisés dans les calculatrices électroniques numériques fabriquées en Angleterre. Ci-dessus le bobinage complexe formant unepartie de la "mémoire" dans laquelle les Informations sont emmagasinées. Les fils passent à travers des noyaux qui, parfois, n'ontpas plus d'un millimètre de diamètre. Au siècle de l'automation, la dextérité des ouvrières est toujours indispensable à l'industrie.

Photos Ambassade d'Angleterre, Paris

î' II

Le CourrierLe Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

JANVIER 1960

XIIIe ANNÉE

Sommaire

N" I

NOTRE COUVERTURE

Le Centenaire de la nais¬

sance d'Anton Tchékhov,

le grand écrivain russe, est

célébré en ce mois de jan¬vier I960 dans le monde

entier. (Voir page 4.)Photo officielle soviétique

PAGES

4 TCHEKHOV, METTEUR EN SCÈNE GÉNIAL

d'une époque tourmentée, par Pauline Bentley

12 A SAKHALINE SUR LES TRACES DE TCHEKHOV

68 ans après son voyage dans l'île-péniténcier

13 TCHEKHOV, CONTEUR MERVEILLEUX

par le Professeur Maria Yelizarova

16 PATAGONIE: DÉSOLATION ET PROSPÉRITÉ

par E. Aubert de la Rue

26 TOUT LE SAVOIR DU MONDE

dans une boîte à cigares, par Ritchie Calder

29 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

30 QUAND LA BIBLIOTHÈQUE VIENT AUX LECTEURSUn bibliobus de l'Unesco en Grèce

32 AU PAYS DE "L'OR NOIR DES SABLES"

air conditionné et bonne table, par Daniel Behrman

34 LATITUDES ET LONGITUDES

nouvelles de l'Unesco et d'ailleurs

Mensuel publié par :L'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Scienceet la Culture

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MC 59-I-M3 F

TCHEKHOV A ÉCRIT POUR LE THÉÂTRE DURANT TOUTE SA VIE, MAIS C'EST AVEC LA MATURITÉ QUE S'ÉTABLIT SON STYLE SI ORIGINAL.

metteur en scène

génial d'uneépoque tourmentée

Photo officielle soviétique

Anton Tchékhov en 1888, à l'âge de 28 ans,inachevée de l'un de ses quatre frères, Nicolas.

par Pauline Bentley

article © reproduction interdite

Photo officielle soviétique

DE CETTE ÉPOQUE DATE « LA CERISAIE » DONT LA PHOTO CI-DESSUS MONTRE UNE SCÈNE JOUÉE PAR LE THÉÂTRE D'ART DE MOSCOU.

L'hommage que rend le monde entier à Anton Tchékhov atteint son apogée en ce mois dejanvier 1960, centenaire de la naissance du grand écrivain. Hommage universel, car l'auteurde L'Oncle Vania est partout aimé, lu, traduit, représenté, de sorte que l'on a pu dire avecraison : « ...Sa voix douce a été entendue très loin, bien au-delà des frontières du paysrusse. » L'Unesco s'associe pleinement et avec éclat à la célébration de cet anniversaire.Parmi les activités prévues dans ce but, l'Unesco diffuse dans ses Etats membres des arti¬cles spéciaux et distribue à quelque cent trente stations émettrices un programme documen¬taire spécialement produit pour la radio. Pour les écoles, l'Unesco a réalisé un film fixeaccompagné d'une brochure en français, anglais, espagnol. Le « Courrier de l'Unesco »,pour sa part, consacre plusieurs pages du présent numéro à Anton Tchékhov, sa vie et sonoeuvre. L'article ci-dessous est basé sur un programme de radio de l'Unesco écrit par Pau¬line Bentley, auteur dramatique britannique, qui a étudié profondément l' d'AntonTchékhov, et notamment son théâtre. En page 13, Mme Maria Yelizarova, professeur sovié¬tique dont le livre sur Tchékhov fait autorité, traite du maître insurpassé du conte.

M ARMI les écrivains, il en est qui meurent en^^ enrichissant la vie et les lettres, non seulement

par leur @uvre, mais parfois en laissant der¬rière eux une légende qui peut dépasser lavérité d'où elle tire son origine.

Il est probable que le nom de l'écrivain russeAnton Tchékhov, né voilà tout juste cent ans,

[ suscite immédiatement le souvenir d'une cer¬taine mélancolie et d'une aimable futilité. Sa

légende n'est que pessimisme. A quoi celatient-il ? C'est que, dans un sens, il y a eu trois Tchékhov

l'écrivain plaisant des journaux humoristiques de Mos¬cou, le conteur de tant de contes graves et l'auteur dra¬matique. Mais c'est probablement en tant qu'auteurdramatique qu'il est le plus connu.

Voici de quelle manière un de ses amis, l'écrivain Koro-lenko, décrit le jeune Tchékhov, lors de leur rencontre àMoscou en 1887 :

« J'avais devant moi un jeune homme qui paraissaitvraiment plus jeune que son âge, de taille un peu plus

haute que la moyenne, le visage ovale et régulier, les traitsnettement découpés, mais conservant encore les douxclairs-obscurs de la jeunesse. Il y avait, dans ce visage,quelque chose d'inhabituel, qu'il me fut de prime abordimpossible de définir. En dépit du fait que c'était, biensûr, le visage d'un intellectuel, il faisait penser à un gar¬çon de la campagne, au c simple, et c'est bien là cequi mettait tant de séduction dans ses traits. Même sesyeux, lumineux et profonds, brillaient à la fois de penséeet d'une naïveté presque enfantine.

« Tout son aspect, ses gestes, sa manière de parlerrayonnaient de simplicité, aussi bien que sa façon d'écrire.Dans l'ensemble, à cette première rencontre, Tchékhov medonna l'impression d'une âme profondément joyeuse.L'inépuisable source d'humour et de gaieté spontanée quiemplit ses contes semblait se refléter dans ses yeux, maisnous sentions bien qu'à l'intérieur, il y avait quelquechose d'encore plus profond, qui aurait à se développer,qui se développerait certainement, pour le meilleur. Monimpression générale était de sincérité et de charme... »

SUITE PAGES 6-7

TCHEKHOV (suite)

Au début, la médecineétait sa vocation, la

littérature un appoint

Photo tirée de « Europe », Paris.

Anton Tchékhov et sa femme, Olga, qui avait

fait partie de la troupe du Théâtre d'Art deMoscou. En 1904, quand Tchékhov se rendità Badenweiler, en Allemagne, pour rétablirsa santé, sa femme l'accompagna dans ce quidevait être son dernier voyage. Après la mortd'Anton Tchékhov, elle reprit sa carrière

théâtrale. Elle porte le titre d'Artiste du Peuple.

Le Tchékhov de ce temps-là avait déjà derrière lui uneenfance malheureuse et les premiers signes de la tuber¬culose qui le tuera à 44 ans. Ils étaient six enfants, nésdans le petit port de Taganrog, sur la mer d'Azov.

Son grand-père, encore serf, avait acheté l'affranchis¬sement des siens au prix de 700 roubles pour chacun. Lepropre père de Tchékhov, un épicier qui ne réussit pasdans la vie, rendit malheureuse l'enfance d'Anton, par lapiété à laquelle il le contraignait, par les punitions cor¬porelles fréquentes et par les études qu'il lui imposait.

Tchékhov avait seize ans quand la boutique paternellepériclita, et la famille partit pour Moscou, afin d'échap¬per aux créanciers, en laissant le garçon à Taganrog pourqu'il y achevât ses études, en pourvoyant lui-même à sesbesoins en servant de répétiteur à d'autres garçons ouen se livrant à toutes sortes de besognes.

Ce furent de dures années de pauvreté, mais AntonTchékhov les supportera avec sa gaieté bien caractéris¬tique et sa hauteur d'âme. Il se débrouillait même pourenvoyer aux siens, à Moscou, des lettres qui les égayaient.Ces années, il les employera à s'instruire de toutes lesmanières, à s'émanciper délibérément des limites tracéespar sa naissance et sa classe.

Dans une lettre, où il décrit son idéal d'écrivain, et qu'iladressait quelques années plus tard à l'éditeur Souvorine,il rappelle quelques-unes de ses luttes, durant sa périodede solitude à Taganrog :

« En dehors de pas mal de talent et de sujets, il y aautre chose qui est nécessaire à un écrivain. D'abord, unesprit mûr et, ensuite, un sentiment de liberté person¬nelle. Les intellectuels d'origine plébéienne, dans leur jeu¬nesse, ont à se procurer ce que les écrivains d'originearistocratique obtiennent gratuitement de la mère nature.

« Pourquoi n'écririez-vous pas l'histoire d'un jeunehomme dont le père était un serf, un jeune hommequi sera tour à tour vendeur, choriste, écolier, puisétudiant, élevé à traiter les hautes classes avec respect,à baiser la main aux prêtres, à s'incliner devant les idéesdes autres gens, à exprimer sa reconnaissance pour cha¬que bout de pain qu'il mange, et constamment fouetté,continuellement en route, avec ses souliers usés, pour don¬ner des leçons, se battant avec d'autres garçons, torturant

les bêtes, aimant à manger chez les parents riches, seconduisant hypocritement devant Dieu et les hommespour la raison qu'il est conscient de n'être rien ?

« Eh bien, montrez-nous, donc comment ce jeunehomme se libère petit à petit de l'esclave qui est en lui,jusqu'au beau jour où, en se réveillant, il découvre qu'iln'y a plus la moindre goutte de sang d'esclave dans sesveines et que ce sang est vraiment pareil à celui de tousles autres hommes. »

Il manquait de toutmais ne se plaignait jamais

Il avait dix-neuf ans quand il arriva pour la premièrefois à Moscou et s'inscrivit au cours de la Faculté deMédecine, et comme il avait trouvé sa famille

dans de bien pires conditions qu'il ne s'y atten¬dait, il chercha le moyen de gagner de l'argent pour lesaider tout en poursuivant ses études. C'est plus ou moinspar hasard que son choix se porta sur la littérature. DeTaganrog, il envoyait à son frère Alexandre une feuillehebdomadaire de nouvelles domestiques, qu'il appelaitLe Bègue : elle singeait les journaux humoristiquesd'assez bas niveau qui, en ce temps-là, étaient à la modeà Moscou. Alexandre s'était déjà donné du mal pour pla¬cer quelques-uns des « papiers » dé son frère dans^ cesgazettes moscovites, pour lesquelles il travaillait lui-même,si bien qu'Anton n'eut qu'à développer cette espèce d'ac¬tivité.

Il adopta une série de noms de plume, parmi lesquelscelui d'Antoshe Tchekhonte. Ainsi, tout en travaillant àla Faculté de Médecine, il produisit une immense quantitéde plaisanteries, commentaires, sketches, indiscrétions, etmême de critiques dramatiques, pour le peu d'argent queces articles pouvaient lui procurer. Un écrivain de sontemps, Bounine, a décrit ces débuts littéraires deTchékhov, qui n'étaient pas de bon augure...

« Il débuta dans les lettres, alors qu'il était entouréd'une famille nombreuse et sa jeunesse s'écoula dans lapauvreté. Il travaillait non seulement pour le salaire le plusmisérable, mais dans un milieu qui aurait étouffé l'inspi¬ration la plus ardente dans un tout petit appartement,

Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

UNE JOURNEE

AVEC TOLSTOI

En 1901, s'étant installé à Yalta

station balnéaire de la mer Noire

sur le conseil de ses médecins,

Tchékhov rendit visite à Léon

Tolstoï, qui vivait également enCrimée. La femme de Tolstoï a

photographié les deux écrivains enconversation sur la véranda de la

villa (ci-contre). Tchékhov était un

admirateur de son grand contem¬

porain dont les ruvres, disait-il,

avaient influencé ses propres écrits.

Photo Bibliothèque Nationale, Paris

au milieu de bavardages bruyants et du tintamarre, sou¬vent assis à un bout de table autour de laquelle avaientpris place non seulement sa famille entière, mais encoredes étudiants qui y prenaient pension.

« Même par la suite, Tchékhov aura à supporter unelongue période où tout lui manquera. Mais personne nepeut dire qu'il l'ait jamais entendu se plaindre de sondestin, et ceci non parce que ses préférences allaient àun niveau plus élevé il aimera par la suite mener uneexistence d'une rare et noble simplicité mais parcequ'il détestait les plaintes et la désolation. »

A cette époque, Tchékhov n'accordait pas une grandeimportance à ce qu'il écrivait. Il considérait la médecinecomme sa vocation et les lettres simplement comme untravail d'appoint. Même plus tard, quand le succès luiviendra, il persistera à appeler la médecine son épouse,et la littérature simplement sa maîtresse.

D'abord, un éditeur de Saint-Pétersbourg, Leykine, en¬suite un autre, Souvorine, de l'hebdomadaire conserva¬teur Temps nouveaux, lui offrent des contrats, qui vontréduire les difficultés financières que lui procure l'entre¬tien des siens et lui permettre de développer ses récitsen 80 à 150 lignes. En 1884, il passe son doctorat. Bienqu'il n'ait jamais exercé régulièrement, il travaille à Mos¬cou et dans des hôpitaux de province.

Mais en dépit de la renommée qu'il continuait à se

faire, il considérait toujours la littérature comme le cadetde ses soucis, du moins jusqu'en 1886 et à la publicationd'une nouvelle, intitulée le Garde-chasse, qui poussaGrigorovitch, écrivain plus âgé et très respecté, à lui écrirepour le féliciter et l'exhorter à prendre au sérieux et àménager un aussi grand talent que le sien. Tchékhov enfut bouleversé :

« Si j'ai des dons qu'il convient de respecter, je doisavouer que jusqu'à présent je n'ai pas éprouvé pour euxle moindre respect. Je sentais bien que j'avais quelquetalent, mais j'avais pris l'habitude de le considérer commequelque chose d'insignifiant. Jusqu'à présent, mon attitudeà propos de tout mon travail littéraire a été extrême¬ment frivole, négligente et occasionnelle. Je ne me rap¬pelle pas un seul de mes contes qui m'ait coûté plus devingt-quatre heures de travail. Ce Garde-Chasse, que vousavez aimé, je l'ai écrit dans un établissement de bains.J'ai composé mes contes, à l'instar des reporters rela¬tant des incendies, machinalement, à demi conscient,sans penser aux lecteurs ou aux récits eux-mêmes.

« Je me propose de renoncer au travail effectué danstant de hâte, mais ce ne sera pas tout de suite. Je n'aipas la possibilité d'échapper à la routine à laquelle je mesuis assujetti jusqu'à présent. Je ne suis nullement effrayépar la perspective de la faim, j'en ai déjà l'expérience

, mais il y a ma famille dont il faut que je me soucie.

GORKI CHEZ

TCHEKHOV

En 1899, peu après son installation,à Yalta, Tchékhov écrivit à son ami

Maxime Gorki pour l'inviter à resterquelque temps avec lui. Plusieursmois plus tard Gorki arrivait enCrimée et était photographié avecson hôte (ci-contre). Les deux écri¬vains entretenaient une correspon¬

dance régulière et Gorki ne man¬

quait pas d'envoyer à Tchekhoy unexemplaire de ses dès quel'une d'elles sortait des presses.En 1900, élu membre de l'Acadé¬

mie des Sciences, Tchékhov démis¬

sionna lorsque l'élection de Gorkifut annulée par le gouvernement.

Photo Bibliothèque Nationale, Paris.

SUITE PAGES 10-11

TCHEKHOV (suite)

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KPhotos tirées du livre « Tchékhov et le Théâtre », par D. Chpolianskaïa, Moscou, I 954.

« LA MOUETTE », EMBLÈME DU THÉÂTRE D'ART DE MOSCOU. Représentée pour la première fois en 1896, àSt. Pétersbourg, « La Mouette » fut un échec désastreux. Pas plus que les acteurs, le public n'avait compris cette nouvellesorte de pièce où Tchékhov voulait peindre avec réalisme la vie quotidienne des gens moyens. En 1 898, la pièce fut jouée par leThéâtre d'Art de Moscou aujourd'hui illustre, qui débutait alors, non sans mal, et cherchait comme Tchékhov à faire « vrai ».La première représentation sauva à la fois la pièce et le Théâtre. Depuis ce jour, le Théâtre d'Art de Moscou a adopté unemouette pour emblème, elle orne le rideau. Ces photos montrent : en haut, la troupe du Théâtre d'Art écoutant Tchékhovlire « La Mouette » en 1898; en bas, les membres du Théâtre posant en 1900, dans la propriété de Tchékhov, en Crimée.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Le rideau

se lève

Après le succès de « LaMouette », Tchékhov comptaparmi les auteurs de prédi¬lection du Théâtre d'Art de

Moscou, qui présenta « L'On¬cle Vania », « Les TroisSVurs » et « La Cerisaie »,

trois juvres maîtresses queTchékhov écrivit au cours des

cinq dernières années de savie. Les photos ci-contremontrent des scènes et des

personnages joués par desartistes du Théâtre d'Art.

Ci-contre et ci-dessous, « LesTrois Seurs ». Dans cette

pièce, les lueurs de l'agita¬tion sociale qui apparais¬saient déjà dans les euvresprécédentes de l'écrivain, sefont plus vives et plus vio¬lentes. La pièce fut présentéeà l'époque qui précéda larévolution de I 905. A droite

(en haut) Fers, le vieux ser¬viteur de « La Cerisaie »,

qui symbolisait l'ordre établi ;(en dessous) Astrov, le mé¬decin de campagne de «L'On¬cle Vania». Anton Tchékhov

plaça dans la bouche de cepersonnage un bon nom¬bre de ses propres idées.

Photos officielles soviétiques.

TCHEKHOV (suite)

LES FRÈRES TCHEKHOVNicolas et Alexandre, deux des quatrefrères d'Anton Tchékhov, s'entremirent

pour placer des « papiers » du futurauteur de « L'Oncle Vania » dans des

gazettes moscovites auxquelles ils col¬laboraient déjà. Sous un nom de plumeet sans grand profit matériel, Antonproduisit alors une immense quantitéde plaisanteries, commentaires, sket¬ches, tout en poursuivant ses étudesde médecine. On le voit ici avec son

frère Nicolas, qu'il regarde dessiner.

Photo officielle soviétique.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Une légende: la mélancolie de Tchékhov(Suite de la page 7)

Je donne à mes travaux littéraires mes heures de loisirdeux ou trois dans la journée et une partie de la nuit.

L'été, quand j'aurai un peu plus de temps disponible (etquand le prix de la vie sera un peu plus bas), je pren¬drai mon travail au sérieux... »

Et c'est bien ce qu'il fit. Antoshe Tchekhonte disparutpour toujours. Désormais, Tchékhov publiera sous son pro¬pre nom. Il ramena l'extraordinaire production de sescontes d'une moyenne d'une centaine par an à une sim¬ple vingtaine environ.

On y décèle ses principes directeurs dans la narration,basés sur un respect total à l'égard de la vérité et del'objectivité, et le sentiment d'une responsabilité artisti¬que, que Tchékhov lui-même décrira un jour :

« Tout ce que je souhaite, c'est d'être un artiste libre.Je hais la violence et le mensonge sous toutes ses formes.Le pharisaïsme, la sottise et la licence, vous ne les trou¬verez pas seulement chez les gens de la classe moyenneou dans les commissariats de police : je les découvre dansla science, dans la littérature et parmi les jeunes. Je consi¬dère les étiquettes et les marques de fabrique de tous lesgenres comme des préjugés. Il me semble que l'écrivainnarratif ne devrait pas chercher à juger ses personnageset leurs conversations, mais devrait être simplement untémoin impartial. L'artiste n'a à juger que ce qu'il com¬prend. Il observe, choisit, devine, combine. Son officeconsiste à énoncer, non à résoudre, un problème.

« Dans Anna Karénine et dans Eugène Onéguine, nulproblème n'est résolu, pourtant ils vous donnent une satis¬faction totale, car les problèmes sont correctement posés.L'écrivain n'est pas un confectionneur, un cosméticien ouun entraîneur. Il est un homme qui doit tenir un pacteavec sa conscience et son sens du devoir, et, quelle quepuisse être sa répugnance, il doit surmonter toute gêne etsouiller son imagination avec les saletés de la vie. Pourun chimiste, la notion de saleté n'existe pas : l'écrivaindoit être aussi objectif qu'un chimiste. Il doit renoncerà toute attitude subjective par rapport à la vie.

« Vous n'avez qu'à considérer les écrivains que noustenons pour immortels ou même simplement bons, lesmeilleurs d'entre eux sont des réalistes qui peignent lavie comme elle est, dans chaque ligne qu'ils écriventon décèle ce but conscient, si bien que vous sentez qu'enpeignant la vie telle qu'elle est, ils peignent la vie tellequ'elle devrait être. »

La vie telle qu'elle devrait être,les gens tels qu'ils sont

La vie telle qu'elle devrait être : c'était là l'inspirationde Tchékhov. Absolument rien ne le faisait dévier

de sa raison d'être, qui consistait à affirmer sacroyance optimiste en l'avenir. Il bâtira des écoles etdes hôpitaux dans le village où il s'était acheté une mai¬son de campagne. Ce qu'il rapportera des barbares éta¬blissements pénaux, que, de sa propre initiative, il étaitallé visiter dans l'île désolée de Sakhaline, aidera à y pro¬voquer plusieurs réformes en faveur des prisonniers. Maisc'est surtout par ses écrits, en particulier ses quatre der¬nières pièces, l' de son âge mûr, que Tchékhov mità exécution son propos de montrer une vie future meil¬leure, en décrivant les misères de la vie de son temps.

Ce n'est pas par hasard que les de Tchékhov lesplus achevées sont ses pièces. Toute sa vie, il .avait écritpour le théâtre : dans ses premiers temps, à Moscou, ilpublie plusieurs pièces en un acte qui furent populaireset, par la suite, il aura l'occasion de préciser ses idées surla composition d'eeuvres pour le théâtre :

« Sur la scène, tout doit être aussi complexe, et aussisimple à la fois, que dans la vie. Des gens dînent et, pen¬dant qu'ils dînent, leur bonheur futur peut se décider ouleurs vies peuvent être bouleversées de fond en comble,on s'attend toujours que le héros et l'héroïne d'une pièceexercent une action continuellement dramatique. Mais lesgens, dans la vie, ne se tuent ou vendent pas, ne tombentpas amoureux, ne se jettent pas des répliques habiles àtout bout de champ. Ils passent la plus grande partie deleur temps à manger, à dormir, à boire, à courir après

les femmes ou après les hommes, à échanger des phra¬ses insignifiantes.

« Quand on écrit une pièce, on devrait montrer les gensallant et venant, dînant, bavardant sur la température oujouant aux cartes, non parce que tel est le propos del'auteur, mais simplement parce que c'est là ce qui sepasse dans la vie réelle.

Du temps de Tchékhov, le théâtre, par la force de latradition, n'était qu'affaire de mélos à personnages hé¬roïques, rien que de l'action avec des répliques grandilo¬quentes. Tchékhov souhaitait changer tout cela et donnerau théâtre de tout autres buts : il entendait y révélerla vie des gens moyens et faire des qui fussentdramatiques par leurs personnages et non par l'action.La formule qu'il recherchait, 11 la trouva quand il écrivitla Mouette, en 1895.

Un tableau fidèle

de la vie quotidienne

C'est la première de ses pièces dans laquelle il révélerason style très personnel de réalisme psychologiqueQuand elle fut représentée pour la première fois, en

1896, ce fut un désastre, pas plus les acteurs que lepublic n'avaient compris cette nouvelle sorte de pièce, oùon montrait des relations de famille compliquées et lesétats d'âme d'une série de personnages à qui, semblait-il,il n'arrivait rien de particulier. L'échec de la pièce affectaprofondément Tchékhov dont la santé allait en décli¬nant, et il retourna à Yalta, où il avait vécu pendantquelque temps, sur l'avis de ses médecins. Plus tard, ilfut extrêmement difficile d'obtenir son accord pour quesa pièce fût reprise par un jeune théâtre qui débutait àMoscou, non sans mal.

C'était le Théâtre d'Art de Moscou, aujourd'hui illustre,que dirigeaient Danchenko et Stanislavsky. L'idée de cesdeux hommes était de mettre dans les réalisations théâ¬

trales une bonne part de ce même réalisme que Tchékhovsouhaitait mettre dans la composition de ses ouvragesdramatiques, et ils avaient choisi la Mouette pour êtrel'une des pièces de leur première saison.

Le public n'était pas plus prêt à comprendre cette nou¬velle manière de représenter les pièces que lors de la pre¬mière présentation de la Mouette, et le Théâtre d'Art deMoscou, à ses débuts, parut à son tour en grand dangerde faillite : mais la première de la Mouette, mise en scènepar Stanislavsky, en 1898, sauvera à la fois la pièce et leThéâtre. A partir de ce jour, le Théâtre d'Art de Moscoumettra sur son rideau une mouette comme emblème et

rangera Tchékhov parmi ses auteurs de prédilection.

Ses trois pièces suivantes, l'Oncle Vania, les Trois Sla Cerisaie, seront, en effet, présentées par Stanislavskyavec un grand succès artistique et commercial. Stanis¬lavsky voyait dans ces pièces un climat surtout tragiqueet bien que Tchékhov discutât vaillamment son interpré¬tation, sa maladie l'obligeant à séjourner une grandepartie de son temps à Yalta cependant que les répétitionsavaient lieu au Théâtre d'Art de Moscou. Ainsi, la Ceri¬saie, que Stanislavsky insista à vouloir traiter dans sonstyle mélancolique, alors que Tchékhov lui-même voulaitqu'on l'interprétât dans un style plus optimiste.

C'est essentiellement de certains de ces désaccords et

de la manière dont Stanislavsky imposa sa propre inter¬prétation des pièces en question, qu'est née la légende dela mélancolie de Tchékhov.

Mais l'interprétation déprimante de Stanislavsky ne doitpas nous cacher le fait que l'inspiration de Tchékhov étaitparfaitement positive, ainsi qu'il le déclara un jour lui-même, en bavardant avec le critique Tikhonov :

« Vous me racontez que le public pleure à mes pièces.D'autres gens l'ont dit. Mais je ne les ai pas écrites dansce but. Tout ce que je voulais, c'était dire honnêtementaux gens : « Regardez-vous un tout petit peu et voyez àquel point votre vie est mauvaise et morne. » Ce qui im¬porte, c'est que les gens se rendent compte de ce fait ;s'ils le comprennent, ils suscitent très certainement autourd'eux une vie autre et meilleure. Sans doute ne vivrai-je

SUITE PAGE 12

Ses idéaux: la dignitél'intégrité, la vérité

TCHEKHOV (suite)

(Suite)

pas assez pour le voir, mais je sais que ce sera très diffé¬rent, tout autre chose que notre, vie actuelle. »

La caractéristique particulière et unique des pièces deTchékhov est le style, la façon dont elles sont écrites.A l'instar de ses contes, elles semblent rédigées au hasard.Quand le rideau se lève sur une pièce de Tchékhov, on n'apas l'impression de voir une poignée de gens qui noussont étrangers, mais tout simplement qu'il nous est per¬mis de participer à leur propre vie comme si nous étionsdes leurs. Et, comme dans ses nouvelles, il n'atteint pasce résultat par hasard, mais à cause de sa grande adresse.

Son influence, comme écrivain, sur le théâtre actueltient pour une large part au rôle important qu'il a jouédans le mouvement du théâtre réaliste, qui a commencéau milieu du xix" siècle et dont l'emprise est encore au¬jourd'hui visible. Aussitôt publiés hors de Russie, sesouvrages étaient lus avec avidité et beaucoup admirés.George Bernard Shaw a imité délibérément son style danssa pièce la Maison des cburs brisés, bien qu'il ait intellec-'tualisé les caractères au lieu de les montrer dans l'éclai¬

rage essentiellement humain qui est celui auquel Tchékhovs'est toujours tenu.

Parmi les pièces d'un autre Irlandais, Synge, et l'du¬vre de Tchékhov, il y a similitude d'inspiration, bien qu'ellene soit pas voulue. L'influence de Tchékhov sur le groupedes auteurs dramatiques américains de 1920 ressort chezdes écrivains comme Sherwood Anderson, Saroyan ou desauteurs contemporains dans la lancée de TennesseeWilliams. Mais l'influence peut-être la plus efficace deTchékhov sur le théâtre actuel ne vient pas tant deses écrits, que du style de présentation qu'ils inspirèrentau Théâtre d'Art de Moscou, lequel se préoccupait d'uneréforme idéale en rapport plutôt avec l'âme des person¬nages qu'avec leurs actes.

Ses plaisirs : la pêcheet la cueillette des champignons

Le théâtre mis à part, l'influence de Tchékhov sur ceuxqui l'ont lu, en Occident, a été considérable et plusdirecte. Après Guy de Maupassant, il est aujourd'hui

en train d'être reconnu comme le maître de la nouvelle.

Des écrivains de nationalités et de propos aussi diversque Katherine Mansfield ou Virginia Wolfï, James Joyce,Ernest Hemingway, William Faulkner ou Thomas Mann,ont tous écrit ou parlé de l'influence qu'a exercée sureux ce Russe aimable et compatissant, qui avait connutoute sa vie la maladie et les difficultés, et qui, prenantses simples plaisirs à la pêche ou à la cueillette des cham¬pignons, avait la force de montrer le vrai tel qu'il levoyait, sans perdre pour cela son sens de l'humour.

En 1904, Tchékhov se rendit à Badenweiler, en Allema¬gne, à cause de sa santé rapidement défaillante, et safemme Olga se trouvait auprès de lui : elle nous a laisséun témoignage de ce dernier voyage :

« ... Anton Pavlovitch a quitté ce monde paisiblement etcalmement. Tôt dans la nuit, il se réveilla et, pour la pre¬mière fois de sa vie, me pria d'alerter le médecin. Je mesouviens d'un terrible moment d'affolement le senti¬ment du voisinage de centaines de personnes dans legrand hôtel endormi et, en même temps, de ma totale soli¬tude et impuissance. Le docteur arriva et me dit de luidonner du champagne. Anton Pavlovitch se releva et ditau médecin, à voix claire, et, avec intention, en allemand,une langue qu'il connaissait à peine : « Ich sterbe » (jemeurs). Après quoi, il saisit la coupe, tourna la tête versmoi, m'adressa son merveilleux sourire, et dit : « Voilàlongtemps que je n'ai pas bu du champagne... », vida lacoupe, se coucha tranquillement sur le côté gauche, et trèsvite devint silencieux pour toujours... »

Ainsi mourut Tchékhov. La dignité de l'être humain,'intégrité de l'artiste, la vérité voilà les idéaux pour

Sakhaline

sur les traces

d'Anton TchékhovLe voyage que fit Tchékhov à Sakhaline, île-pénitencier située au largede la côte sibérienne, au nord du Japon, pour y étudier les conditionsd'existence des criminels et des prisonniers politiques, fut un événementdéterminant dans sa vie. Tchékhov en tira la matière de deux ouvrages :« L'Ile Sakhaline » et « Sibérie »; sa maturité d'écrivain s'y affirma,comme la tendance de son cuvre future. Tchékhov quitta Moscou en1890 et atteignit Sakhaline après un voyage long et difficile. Il visitales prisons, et entra dans les cellules, cabanes infestées de vermine oùles détenus étaient enchaînés à des planches. Son livre « L'Ile Sakha¬line », dans lequel il rapporte ce qu'il a vu, d'un ton mesuré et impartial,fit sensation et le gouvernement fut forcé d'envoyer au pénitencier unecommission d'enquête. (La photo de droite, rapportée par Tchékhov,montre des prisonniers mis aux chaînes.) Soixante-huit ans plus tard,au printemps de 1958, l'artiste Sergei Michaiiovitch Tchékhov, neveudu grand écrivain, accompagné de son fils, artiste également, parcouruten dix heures les I I 000 km qui séparent Moscou de Sakhaline, distanceque l'oncle Anton avait mis trois mois à franchir, en chemin de fer,chaise de poste et bateau. L'un des buts du voyage de Sergei Michaiio¬vitch et de son fils, était de rapporter des croquis et des peintures deslieux que Tchékhov avait visités et décrits. Ils retrouvèrent certainsdes bâtiments qui existaient déjà soixante-huit ans auparavant, bas,sombres, hideux (ci-dessus). Ils constatèrent également les change¬ments frappants intervenus depuis cette lointaine époque : villes nou¬velles, entreprises industrielles (ci-dessous). Le neveu de Tchékhovput se rendre compte que le souvenir de son oncle demeure vivacedans les contes et légendes de Sakhaline et que les habitants de l'îleparlent encore avec admiration et gratitude de l'effort généreux fournipar le grand écrivain pour améliorer le sort des déportés.

Photos officielles soviéciques

lesquels il a vécu et par lesquels il souhaitait que sonsouvenir demeurât.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Photo © Bibliothèque Nationale, Paris

ANTON TCHEKHOV

CONTEUR MERVEILLEUX

par le Professeur Maria Yelizarova

Anton Tchékhov, salué aujourd'hui dans le monde en¬tier comme un maître incontesté du conte, eut àsurmonter dans ses jeunes années nombre de diffi¬

cultés et à lutter contre maintes traditions moribondes,avant de voir sa maîtrise reconnue tant par les lecteursque par les critiques, et de prendre sa place dans le mondedes grands écrivains.

Dans ses lettres, Tchékhov a souvent parlé de ces diffi¬cultés, et de son style propre dont personne ne voulait etqu'il lui fallut imposer - par un long combat. Personnen'acceptait de publier, à ses débuts, son « Plus court qu'unbec de moineau ». On le lui retournait avec dédain, maiscela ne suffit pas à décourager l'auteur.

Il est vrai qu'il croyait lui-même que tout ce qui sortaitde sa plume serait oublié au bout de quelques années, maiscela ne l'empêchait pas de se rendre compte qu'il ouvraitde nouvelles voies à la littérature. « Tout ce que j'ai écritsera oublié dans cinq ou six ans : mais les chemins quej'ai frayés demeureront entiers, et ce sera là ma proprecontribution aux lettres. »

La nouveauté de Tchékhov se manifeste sur le plan à lafois du contenu et de la forme. « L'originalité d'un écri¬vain ne tient pas seulement à son style, mais aussi à sonmode de pensée, à ses convictions, etc. », écrivait-il en1887.

L'artiste doit apporter du nouveau, il doit trouver unnouvel angle de vision sur le monde, sur la vie qui l'en¬toure et les gens qu'il peint : en d'autres mots, il lui fautégalement inventer une nouvelle façon de révéler ces phé¬nomènes par son art, une forme neuve pour ses tuvres.

Dans la période qui précède immédiatement Tchékhovles années 60 à 70 du siècle passé la littérature russe

tendait généralement à imiter le style des articles de ma¬gazines : la tentative de rétablir le conte dans la pléni

tude de sa dignité est due à Tchékhov. Ses récits sontdépourvus de toute facilité journalistique : souvent même,il ne s'agit que d'un simple « instantané », mais photo¬graphie par un maître, un croquis ou une esquisse maiscristallisés en une forme nette et achevée où se révèlent

les lois spécifiques de son style.

Plusieurs des ébauches, études ou portraits de Tchékhov,qui ne paraissent se proposer, à première vue, que denarrer quelque plaisant Incident de la vie quotidienne, depeindre des rencontres accidentelles ou des conversations,de « photographier » ûes moments de l'existence de genstrès ordinaires, tout à coup, et de la manière la plus inat¬tendue imposent au lecteur un large tableau de la vierusse.

Dès les années 80, période pendant laquelle se formeson style de narration, Tchékhov a déjà mis au point toutun ensemble pertinent de vues esthétiques, qui l'autorisentà donner fréquemment conseil à d'autres écrivains, voireà leur servir de guide. En 1883, dans une lettre à son frère,il dit que, dans la littérature, ce n'est pas ce qui est sub¬jectif et personnel qui importe : « Insiste... sur ce qui estvital, sur ce qui est éternel, et qui suscite des sentimentsvéritablement humains et non mesquins. »

Dans une autre lettre, il écrit : « Aux gens, offre desgens et non pas toi-même. »

Tchékhov a également exprimé ses idées sur la manièred'écrire des contes. « Un conte est fait d'un commence¬

ment et d'une fin », affirmait-il ; « dans un conte, il vautmieux en mettre peu que trop » ; « l'écrivain doit s'efforcerd'être intelligent, mais il ne doit pas avoir peur d'écriredes sottises. » « Seul celui qui n'appréhende pas d'écriredes non-sens, assure-t-il, est un esprit libre. »

A l'époque où Tchékhov écrivait ses contes, son idéalesthétique était la brièveté. « La brièveté est spur du

SUITE PAGES 14-15

TCHEKHOV (suite)

Il a peint ses personnages grandeur nature

talent. » « Ecrire avec talent c'est écrire avec concision »,disait-il souvent avec force.

Tous les écrits de Tchékhov de la période 1880-1886 sontune brillante illustration de ces principes. Il n'avait pasde rivaux dans sa sphère. Des maîtres de la nouvelle, telsque Mérimée, Tourgueniev, Maupassant ou Mark Twain,n'eussent pas pu concevoir un récit d'une page et demieou d'une seule page, voire de trois quarts de page. Lescontes de Tchékhov de ce temps-là tenaient vraiment toutentiers en « un commencement et une fin ».

Le fonctionnaire Chervyakov, d'un type reproduit àd'innombrables exemplaires par la machine bureaucrati¬que de l'ancienne Russie, éternue un jour sur la tête chauved'un général assis devant lui au théâtre. (Mort d'unbureaucrate). Il est saisi d'une terreur mortelle. Il luifaut s'excuser, assurer le général que ce n'est pas du toutde sa faute. Le courroux du général peut avoir pour lui,mesquin employé sans importance, des conséquences af¬freuses. A plusieurs reprises, il va offrir ses excuses, tantet si bien que le général, impatienté, finit par le mettre àla porte. L'horreur met Chervyakov sens dessus dessous :il rentre chez lui... et meurt. t

C'est tout ce que contient l'histoire tragicomique de cefonctionnaire : concise, comprimée dans son moule, maissans un mot qui manque. Chervyakov est un type réel, unpersonnage fâcheusement banal, peint en pleine pâte,grandeur nature.

Tchékhov évite délibérément de donner une descriptioncomplète d'un personnage. Il ne trace nullement sonportrait, ne rapporte point des détails intimes sur sa vie,ne fournit pas au lecteur sa biographie ou son histoireantérieure. Un simple moment cueilli dans une masse defaits et d'événements de la vie est mis en forme de conte.

L'artiste ne se soucie de nul détail qui ne soit pas enconnexion avec l'épisode, l'éternuement et le pseudo¬conflit avec le général ; tout le reste demeure étranger aucadre que trace sa pensée créative.

Bien entendu, l'image garde un certain schématismedu fait qu'elle est simplifiée à l'extrême. Mais c'estjustement dans cette simplification que consiste la

méthode de l'artiste, le principe qui souligne sa créationd'un caractère. Le personnage de Chervyakov ne retientque ce qui détermine pour de bon l'esprit de la bureaucra¬tie, un esprit qui macère depuis des générations dans unecrainte irresponsable quant à son destin, dans la soumis¬sion à l'autorité et dans une humilité totale.

Exagérant par moments, jusqu'à en faire une hypertro¬phie de l'humilité, la crainte et l'âme accablée du fonc¬tionnaire, en les poussant même parfois jusqu'à la carica¬ture, Tchékhov décèle chez lui ce qu'il avait lui-même très

PT:"lv

« UN CONTE EST FAIT D'UN COMMENCEMENT ET D'UNE

FIN ». Tchékhov a spirituellement ridiculisé les vieux principes tou¬chant la structure du conte et le style descriptif, qui avaient force deloi dans les lettres. « Un conte, disait-il, est fait d'un commencement

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et d'une fin. » Dans ce genre, il devint un maître incomparable. Ci-dessus sont reproduites des illustrations tirées d'éditions contempo¬raines de contes de Tchékhov. De gauche à droite : « La Maison auMezzanine », « La Dame au Petit Chien » et « Détresse ». Ces ¡dus-

Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

pertinemment défini en une seule phrase : « La Russie estle pays de la bureaucratie. »

Une reconsidération du monde qui l'entourait poussal'écrivain à se poser de nouvelles questions sur le récit età remettre en question des concepts tels que « le sujet »,« le personnage », « l'événement », etc.

Tchékhov a spirituellement ridiculisé les vieux principesgénéralement acceptés touchant la structure du conte etle style descriptif, qui avaient force de loi dans les lettres.« Le sujet doit être nouveau, mais il n'est pas nécessairequ'il comporte une intrigue », disait-il.

Les parodies de Tchékhov jetèrent courageusement basles vieilles méthodes stéréotypées et purgèrent la littéra¬ture de traditions surannées.

A bien des égards, Tchékhov a emprunté à Tourguenievet a grandement hérité de lui, cependant il avait comprisque la manière de Tourgueniev était une chose du passé.« Les descriptions de la nature, c'est bien, mais... j'ai lesentiment que nous avons dépassé ces espèces de descrip¬tions et avons besoin d'autre chose. »

Toute l'suvre narrative de Tchékhov montre ce qu'estcet « autre chose ». Ses descriptions de la nature sontdépourvues de fioritures, d'ornements ou d'exagérations ;elles sont sévères et simples, dépourvues d'artifice, parfoisrésolument laconiques. « Le soleil se leva », « Il commençaà bruiner », « Dans l'étang, les grenouilles s'appelaiententre elles avec irritation, en se provoquant mutuellement,et vous auriez même cru saisir des mots : C'est toi

qui es comme ça... C'est toi qui es comme ça... », « Ungrondement de tonnerre comme si quelqu'un se promenaitnu-pieds sur un toit de fer », et ces mots incroyable¬ment simples et quotidiens composent des tableaux quenul de ceux qui les a lus ne pourra oublier.

Dessins par Koukryniksv

rations sont l'muvre commune de trois artistes soviétiques bien connus,travaillant sous la signature « Koukryniksy », nom formé de la premièresyllabe de leurs trois noms : Kouprianov, Krylov et Nicolas Sokolov.

Des contes tels que Bonheur, Songes, Chasseurs, Dansl'abri. Corps mort, Détresse et d'autres émerveillent parleur simplicité et leur puissant lyrisme.

Dans le conte Bonheur, point de sujet, l'action telle qu'onl'entend communément ne se développe pas : pourtant,on y décèle nettement une montée du lyrisme. Trois per¬sonnes, perdues dans les grands espaces vides de la steppe,méditent et parlent du bonheur peut-on le recher¬cher, comment l'atteindre ?

Bonheur est le terme populaire local pour désigner untrésor que l'on croit caché quelque part dans la steppe.Il est toutefois évident que le thème de l'histoire n'estpoint le trésor soi-disant enterré, mais le bonheur deshommes proprement dit : bonheur evanescent et fantas¬tique, toujours au-delà de la portée de l'homme, mais quece dernier ne laisse jamais de convoiter et rechercher-

Tchékhov emploie une quantité infinie de méthodes. Sonadresse à représenter, les choses les plus simples et les plusordinaires dans un éclairage nouveau est du grand art, etil en était parfaitement le maître. Il nous amène à voirle monde à travers les yeux de Semoutchka le Fou, lequel,en fait, était possédé par la sagesse d'une âme simple etdépourvue d'artifice (Corps mort) ou d'un enfant qui voltson entourage plus parfaitement et profondément que nefont les adultes, accablés de soucis mesquins et de cal¬culs avides, donc étrangers à la vraie poésie (Vanka, Evé¬nement, Le fuyard, Le cuisinier se marie, Gricha, Baga¬telles mondaines, Steppe et autres contes sur des enfants),si ce n'est à travers les yeux des animaux, avec leur « phi¬losophie » spécifique (Katchanka, Sourcils blancs, Pension¬naires).

La dominante, dans la méthode artistique de Tchékhov,c'est son adresse à introduire, dans un sujet qui est sou¬vent extrêmement simple, une large peinture de la viecompliquée des hommes, pleine de contradictions et dedrames, avec ses multiples enchevêtrements. C'est pour¬quoi ses nouvelles plus longues sont acceptées par les lec¬teurs de partout comme de grandes qui s'accor¬dent avec les problèmes les plus touffus de l'existence :derrière les épisodes .des individus, on perçoit la houle de« l'océan humain ».

Dans ces nouvelles, Tchékhov nous montre des person¬nages tourmentés par la recherche de la vérité, tracasséspar de vagues inquiétudes et appréhensions (Le professeurde littérature, Le duel, Ma vie, Au travail, Trois ans,L'épouse et ainsi de suite).

L'inquiétude qu'éprouvent les personnages se commu¬nique au lecteur. Tchékhov obtient ce résultat parsa façon de raconter : apparemment paisible, l'his¬

toire est toujours pleine de tension. Le lecteur est confron¬té avec des questions que l'on n'élude pas. Un jour, Gorkidéfinit les récits de Tchékhov « un livre qui donne dusouci », précisément parce qu'ils troublent la consciencedu lecteur en lui demandant « Pourquoi as-tu vécu decette façon ? »

A travers le monde entier, les lecteurs sont émerveilléspar la force et le lyrisme de Tchékhov, par son talent deposer précisément ces questions qui troublent partout lesgens, quelles que soient leurs nationalités ou idiomes, età les poser de la manière la plus nette. Us sont égalementémerveillés par la stupéfiante simplicité des paroles deTchekov et la richesse de signification qu'elles renfer¬ment. Les décadents, au temps de Tchékhov, tant en Russiequ'à l'étranger, déclaraient que les mots dont disposaientles écrivains étaient usés, qu'ils n'exprimaient plus rien,et que par conséquent ils n'avaient plus le pouvoir de sus¬citer des émotions. Tchékhov prouva que le contraire étaitvrai : il se servait des mots les plus simples pour tracerdes paysages d'une beauté inconnue, pour exprimer lesmouvements les plus subtils de l'âme et créer les situa¬tions dramatiques les plus tendues.

Quand, en 1911, l'auteur danois Hermann Bang publiala traduction russe de son roman Sans patrie, il la dédiaà Tchékhov. « Je le dédie à la mémoire de quelqu'un pourqui j'éprouve un amour plus grand que pour tout autreécrivain russe... Il touchait aux racines les plus profondesdu peuple, il partageait les souffrances du peuple... Il offritau peuple les créatures de son génie, en qui le c mêmedu peuple battait... La grandeur de son tient à sonhumanité... Sa voix douce a été entendue très loin, bienau-delà des frontières du pays russe. »

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Patagonie

DESOLATIONet

PRO SPERITEpar E. Aubert de La Rue

C ertains noms de lieu parlent àl'imagination : Patagonie, Détroitde Magellan, Terre de Feu etCap Horn évoquent une contréeperdue et désolée, au climat rudeet ingrat, battue par les vents et

les tempêtes, des côtes hostiles où viennent se briser deshoules énormes. Le mauvais temps est de règle sur cesconfins du monde habité, dont les eaux dangereuses furentla scène de tant de naufrages. Peut-être sait-on moins quecette extrémité amincie du continent américain, s'avan-çant à la rencontre de l'Antarctique, n'est tout de mêmepas un territoire totalement déshérité. En fait, il abondeen ressources et en beautés naturelles.

Le Chili, dont dépend la Patagonie occidentale, réunis¬sant les trois provinces de Chiloé, Aisén et Magellan, fortisolées et délaissées jusqu'à présent, voudrait les intégrerplus étroitement à la vie économique du pays. Il s'agitd'un territoire essentiellement maritime et montagneux,une sorte de Norvège australe, où les Andes et l'océan Pa¬cifique sont étroitement associés, tant la côte méridionaledu Chili est incroyablement découpée et émiettée en uneinfinité d'îles de toutes dimensions. Le long de sa lisièreorientale, limitrophe de l'Argentine, s'étendent égalementdes plateaux et des plaines, d'une physionomie toute diffé¬rente et qui appartiennent au domaine de la pampa. Cesespaces plats ou doucement ondulés atteignent leur plus

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grand développement de part et d'autre du Détroit deMagellan.

Cette Patagonie chilienne occupe 250 000 km2, environle tiers du pays, avec seulement une partie infime de sapopulation, quelque 220 000 habitants, sur un total de7 millions.

Pour mener à bien cette tâche, les autorités de Santiagode Chili envisagent de procéder au préalable à une vasteenquête, en vue de dresser un inventaire aussi complet quepossible des ressources naturelles de leur vaste domaineaustral. Un tel projet exigera des moyens financiers puis¬sants et un nombreux personnel technique, que le pays nepeut fournir à lui seul. U se propose donc de solliciterdans ce but l'aide du Fonds Spécial et de l'AssistanceTechnique des Nations Unies, spécialement de l'Unesco.

En désignant, l'an dernier, un expert, afin de procédersur les lieux à une enquête préliminaire et se rendrecompte comment pouvait être réalisé le projet en ques¬tion, mission dont on a bien voulu me charger, l'Unescovient d'étendre pour la première fois son activité à unepartie du globe demeurée jusqu'à présent en dehors de sonchamp d'action.

Placée sous une latitude qui correspond à celle où sontsitués, dans l'hémisphère occidental, des pays essentielle¬ment tempérés et la plupart des grandes capitales, laPatagonie, soumise à un climat froid, marqué par desétés sans chaleur plus que par des hivers rigoureux, necompte qu'une seule cité notable : Punta Arenas. Endehors de cette ville, ce ne sont que de petites agglomé-

Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Photos© Paul Almasy, reproduction interdite

rations très isolées, des estancias d'élevage et des stationsde colons disséminées, séparées par d'immenses solitudes,d'un parcours parfois extrêmement difficile et souventencore très mal connues.

Aucune route ne peut relier cette contrée tourmentée aureste du pays, à cause de ses immenses champs de glace,il faut donc emprunter pour la parcourir la ligne aérienneSantiago-Punta Arenas. Les pilotes chiliens considèrentavec raison ce bond de vingt degrés de latitude cinqheures de vol comme l'un des trajets les plus dange¬reux du monde. D permet d'admirer une suite inégalablede volcans, de lacs et de fjords, de vallées sauvages, deforêts somptueuses, de côtes déchiquetées, de sommetsneigeux et de champs de glace réellement féeriques.

A Santiago, l'été, c'est le beau temps permanent, uneforte chaleur et une lumière éblouissante. Les dernières

neiges des Andes proches ont disparu et seuls de raresglaciers, très haut perchés, miroitent sur quelques som¬mets, de 5 000 à 6 000 m. Sous l'avion qui s'élève rapide¬ment, s'étend le damier infini des riches cultures irriguéesde la Vallée centrale, bornée par les reliefs modérés de laCordillère côtière du côté du Pacifique et par la chaîneprincipale à l'est, où se profile une impressionnante suitede grands volcans, assoupis depuis les éruptions mémora¬bles de 1932. Seul, fume encore paisiblement le Viola Rica.

A l'aridité du Chili central succède bientôt un paysageplus humide et verdoyant, semé de rivières et de lacs. Noussommes au-dessus de la Suisse chilienne, la partie la plusaimable du pays, au climat agréablement frais, où voisi

nent prairies et forêts, région de culture et d'élevage, trèsrecherchée l'été comme lieu de villégiature. Elle précèdede peu l'âpre et sauvage Patagonie, qu'annonce l'approchedu cône parfait de l'Osorno, encapuchonné de glace, enmême temps que la vue de l'imposant Tronador, plus dis¬tant, suivis par le cratère béant du Calbuco. Ils suscitentun soudain remue-ménage dans l'avion, chacun voulantcontempler ces sommets célèbres.

Après deux heures de vol, au-dessus du Puerto Montt,se disloque brusquement le continent et débute la Pata¬gonie. A la Vallée centrale, jardin et grenier du Chili, dé¬sormais effondrée sous les flots du Pacifique, de même queles Andes côtières, se substitue un dédale extraordinairede promotoires et d'îles, de canaux étroits et de bras demer. On se demande réellement comment les navires em¬

pruntant ce labyrinthe pour gagner le lointain Détroit deMagellan peuvent y trouver leur route, d'autant plus qu'illeur faut compter avec les courants violents, d'obscursrideaux de pluie et, vers le sud, des bourrasques de neigequi concourent à rendre si délicate la navigation le longde cette côte.

L'interminable procession d'îles qui borde et prolongele continent jusqu'au Cap Horn, débute par Chiloé, sur¬peuplée, figée dans le passé, où se perpétuent des mrurset des usages archaïques. Groupés dans quelques bourgsvieillots ou disséminés dans une multitude de petits vil¬lages campagnards, aux pittoresques maisons de bois, lesChilotes, curieux mélange d'Indiens et d'Espagnols, sontaujourd'hui cent mille.

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PATAGONIE (suite)

Photos © Paul Almasy, Paris, reproduction interdite,

LEURS ANCETRES

ÉTAIENT DES GÉANTSLa Patagonie doit son nomau mot espagnol patagones(grands pieds) car, d'après lalégende, des Indiens géantsauraient vécu jadis dans cetterégion. Aujourd'hui, malgréun siècle d'immigration, ladensité de la population esttrès inférieure à un habitant

par kilomètre carré dans laplus grande partie de laPatagonie chilienne. Quel¬ques descendants d'Indiens sesont mêlés aux immigrantset sont devenus pêcheurs etcharpentiers ; d'autres (ci-dessus et à gauche) conti¬nuent à vivre comme leurs

ancêtres dans des abris de

bois. Parmi eux se trouvent

les Fuégiens, la populationa plus australe du monde,maintenant réduite à une

poignée d'hommes vivantdans l'extrême sud de la

Terre de Feu. Le bois est

très abondant dans la région ;à droite, des maisons du

village de Fuerte Bulnes.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

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PATAGONIE (suite)

LA FIN DU MONDE(Suite)

Très prolifiques, ils essaiment dans toute la Patagonie,dont ils forment déjà le fond de la population. Us selivrent chez eux à la pêche, l'élevage et à la culture, maisselon des procédés désuets et le rendement en est médio¬cre. Beaucoup vivent misérablement. Pourtant, leur île est.favorisée par la douceur de son climat, qui ne connaît nigelées, ni chutes de neige. Les céréales y arrivent à lamaturité et les pommes de terre y sont d'une excellentequalité. N'est-ce d'ailleurs pas à Chiloé, plutôt que sur leshauts plateaux du Pérou et de Bolivie, que l'on tend àsituer l'origine de ces tubercules ?

On trouve donc aujourd'hui des Chilotes un peu partoutdans le sud du Chili. Us abattent, aux îles Chonos, desmontagnes de cyprès pour les débiter en poteaux de clô¬ture, vendus en Argentine pour parquer les moutons. Uscolonisent les côtes et les vallées les moins hostiles du

continent voisin, mènent une vie nomade dans les canaux,à la recherche des dernières loutres et des phoques à four¬rure échappés aux hécatombes passées. Us travaillent pourde petites entreprises de pêche," préparant des conservesd'oursins, d'araignées de mer, de divers mollusques, dontdes moules énormes, qui sont également séchées et fumées.Ces mariscos, ou fruits de mer, qui étaient la base de l'ali¬mentation des Indiens primitifs de ces régions, comme entémoignent les innombrables accumulations de coquillagessignalant leurs anciens campements le long de toutes lescôtes, connaissent une grande vogue dans tout le Chiliactuel.

Pour abattre les arbres

on y met le feu

La silhouette molle de Chiloé s'estompe dans les nuéesdu Pacifique, tandis que nous survolons le versantoccidental des Andes, incroyablement vert, sur

lequel se déploie la forêt australe, noyée d'humidité etrecevant des pluies diluviennes, environ trois cents jourspar an. Ne se débarrassant jamais de ses feuilles, embar-.rassée de quila, bambou formant dans le sous-bois desfourrés impénétrables, cette forêt rivalise d'exubéranceavec celle des tropiques. Naissant au rivage, on la voits'étendre, ininterrompue, parmi les vallées et la plupartdes montagnes. Seuls échappent à son emprise les som¬mets les plus élevés, croupes- rocheuses ou coiffées de neigeet de glace. Ce moutonnement de verdure perd cependant,par moments, sa belle continuité, grignoté par de tristestraînées et aussi de grandes taches de grisaille, révélantune forêt incendiée et morte, aux troncs calcinés et nus,debouts et renversés. Des fumées s'élèvent de vallées pro¬ches, signalant de nouveaux feux.

Au cours de mes voyages successifs au-dessus de la Pata¬gonie, j'aurai maintes fois l'occasion de contempler desembrasements de forêt de Chiloé aux abords du CapHorn. Us sont le fait de colons isolés, le plus souvent, quitrouvent plus expéditif de mettre le feu aux arbres, plutôtque de les abattre, pour procéder à leurs défrichements,sans se soucier du vent violent qui l'attise et le propagerapidement au loin.

Des centaines de milliers d'hectares boisés ont été ainsi

anéantis dans toute la Patagonie, en un siècle de coloni¬sation, en principe en vue d'étendre les pâturages, maissouvent sans profit pour personne et au risque d'ouvrirla voie à une érosion redoutable. Conscientes du dangeret navrées de voir stupidement gaspillée cette richessenationale qu'est la forêt australe, les autorités déplorentces pratiques, qu'aucune réglementation efficace n'est en¬core parvenue à enrayer.

A partir du fjord grandiose et triste d'Aisén, d'où partune route périlleuse, franchissant les Andes par les pro¬fondes gorges du Rio Simpson, apparaît un décor beau¬coup plus austère. Les glaciers prennent aussitôt une am¬pleur considérable et c'est maintenant une vision toutepolaire qui défile au-dessous de nous, se poursuivant, avecquelques coupures, jusqu'en Terre de Feu. Sous une lati¬tude qui est celle des Alpes, le célèbre glacier de SanRafaël s'abaisse au niveau de la mer, imité dès lors parbeaucoup d'autres, offrant une coloration bleue tout à fait

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Photos © E. Aubert de La Rue, reproduction interdite

1-2. LA DERNIÈRE GRANDE VILLE. - Punta Arenas (50 000habitants) revendique le titre de ville la plus au sud du monde. (Uchu-nia, dans la partie argentine de la Terre de Feu, n'a que 7 000 habitants.)Située sur le détroit de Magellan, Punta Arenas bénéficie du statutde port franc et exporte par mer de grandes quantités de laine.

3. LA DERNIÈRE TERRE. Parmi les hautes herbes de l'île DiegoRamirez, la dernière terre de la Patagonie, nichent de nombreux alba¬tros. La Patagonie est très pluvieuse, aussi ces oiseaux ont-ils appris à tenirleurs au sec en transformant en nids des monticules de boue.

4. LE DERNIER POTAGER. A Puerto Williams (55* latitude Sud)

dans l'île Navarino, se trouve le jardin potager le plus au sud de laTerre. Les salades et les pommes de terre y poussent bien, à condition

toutefois de disposer des écrans protecteurs contre les vents violents.

5. LES DERNIÈRES FLEURS. Quelques-unes des dernières fleursde la Terre, des primevères de l'île Lennox, proche du Cap Horn.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

PATAGONIE (suite)

TERRE DE FEU

TERRE DE GLACE

Passer en revue les noms géographiquesattribués à de nombreux lieux de la

pointe méridionale du continent amé¬

ricain, c'est évoquer les explorateurs,

les navigateurs et les savants qui ontfait connaître au monde la Terre de Feu

(Tierra del Fuego). Les exploits de

Ferdinand Magellan, le navigateur por¬

tugais ayant été le premier européen

à voguer sur ces eaux, sont commémo¬

rés sur ce monument (à droite) qui se

trouve à Punta Arenas, capitale de la

province de Magellan, Ci-dessous, le

Cap Horn. Ce nom lui a été donné,

en 1616, par William Schouten, marin

hollandais, originaire de la ville de -

Hoorn. Le Cap Horn, lieu sinistre de

tant de naufrages (ci-dessous), vu par

une journée ensoleillée et calme, tout

à fait exceptionnelle dans ces parages

si tempétueux. Sur la page de droite,

le glacier Italia, descendant de la

Cordillère de Darwin pour tomber

brusquement dans le canal du Beagle.

Photos © E. Aubert de La Rue, reproduction interdite.

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Photo © Paul Almasy, Paris, reproduction interdite.

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extraordinaire, qui me semble être une singularité propreaux glaciers de la Patagonie. Nous voyons ainsi, tour àtour, des cascades d'aigues-marines se précipiter les unesdans les fjords du Pacifique, les autres dans le chapeletdes grands lacs de la frontière chileno-argentine.

Au milieu de reliefs éblouissants de neige et croulantsde glace, je vois par moments poindre des monumentalesaiguilles granitiques, celles du Fitzroy et du Cerro Paineentre autres. Elles annoncent la fin de la traversée de la

Cordillère, à laquelle succèdent des steppes beiges s'éten-dant à perte de vue jusqu'au Détroit üe Magellan et au-delà. Le vol approche de sa fin et nous perdons de l'alti¬tude, tandis que se précisent les détails de la pampa, qua¬drillée de clôtures, parquant des milliers de moutons,pareils à des de fourmi, éparpillés ou entassés lesuns contre les autres. Le Chili en possède en Patagoniedeux ou trois millions, dont l'élevage, en vue de l'expor¬tation de la laine et de la viande frigorifiée, est toujoursle fondement de l'économie des provinces australes. Desbâtiments très blancs, des estancias, protégés du ventd'Ouest incessant par des rideaux d'arbres et des écransde planches, partent des chemins poudreux, se dirigeantvers Punta Arenas, dont on devine au loin la grande tacherouge, au pied de collines encore tachées de neige.

Une dernière et gracieuse courbe au-dessus du Détroitde Magellan, fort large ici entre ses rives basses, tout ridéet moucheté d'écume, et nous sommes accueillis, peu d'ins¬tants plus tard, par un vent glacial survie beau terrainde Chabunco.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

-

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L'étonnement est grand, après avoir admiré les solitudessauvages des Andes de Patagonie, en découvrant, si loinde la civilisation, ¡une ville moderne ide l'importance dePunta Arenas. En plein essor, elle s'est profondémenttransformée ces dernières années et approche maintenantde 50 000 habitants. Sa prospérité présente lui vient enpartie !de la découverte des gisements de pétrole, exploitésavec succès en Teçre de Feu toute proche et qui suscitentun afflux de techniciens. La capitale de la province deMagellan bénéficie aussi du statut de port libre, accordéil y a peu d'années en vue de favoriser l'expansion de lazone australe. Il permet l'importation en franchise detoutes sortes de marchandises étrangères, inconnues ouprohibitives dans le reste du pays, vers où leur introduc¬tion est sévèrement réglementée.

Cette ville évoque un curieux mélange de Canada etd'Europe centrale. Elle le ¡doit à son climat froid et désa¬gréable, qui imposa l'emploi ides maisons de. bois, main¬tenant en voie de disparition, et à l'origine de beaucoupde ses habitants, issus de Yougoslaves, attirés à la fin dusiècle dernier par la découverte de l'or en Terre de Feu.Aujourd'hui, leurs descendants sont à la tête du commercelocal et dans les rues s'étalent partout des noms dalmateset croates.

Punta Arenas revendique plusieurs records, celui, notam¬ment, d'être la ville la plus salubre et la mieux tenue duChili, celle dont les habitants jouissent du niveau de viele plus élevé. Elle s'honore également d'être à la tête dela province du Chili comptant la plus faible proportion

d'illettrés. Elle prétend enfin être la cité la plus au sudde la terre. Sans doute le fût-elle un temps, mais ce titrelui est maintenant ravi par Ushuaia, dans la partie argen¬tine de la Terre de Feu, qui compte 7 000 habitants et gran- 'dit rapidement. Le Chili conserve toutefois la satisfactionde posséder le village permanent le plus austral du globe,avec Puerto Williams, dans un site très spectaculaire del'île Navarino. Aux alentours se trouvent encore quelquesstations d'élevage et la petite réserve de Mejillones, oùvivent encore deux douzaines de purs Yahgans, les der¬niers Fuégiens.

A Puerto Williams, point extrême du Chili, où se posentles avions, un navire de guerre de la marine nationalem'accueillit à son bord, pour parcourir le canal du Beagle,visiter les îles qui l'encadrent, et faire le tour du CapHorn, de sinistre renommée, mais que je vis par une jour¬née splendide, parfaitement calme et qui n'avait rien detragique.

Après ce périple maritime, parmi les canaux de Pata¬gonie, ce furent de longues marches dans les forêts dehêtres antarctiques des montagnes de l'île Navarino, oùles seules rencontres étaient des vols criards de perro¬quets et des bandes gracieuses de guanacos fréquentantces lieux solitaires. Je fis également une visite aux gla¬ciers tombant des hauteurs de la Cordillère de Darwin

pour s'écrouler avec fracas dans le canal du Beagle. Desrandonnées en camionnette sur les pistes et les routesde la Terre de Feu, le long desquelles on voit s'envoler àtout moment des centaines d'oies sauvages, me condui-

SUITE PAGE 2 5

PATAGONIE (suite)

Photos © E. Aubert de La Rue, reproduction interdite.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Vers l'altitude de S00

mètres, la forêt, rude¬

ment étrillée par de

furieuses tempêtes,

devient tortueuse et

rampante avant de

disparaître complète¬ment. Elle offre un

obstacle difficilement

franchissable telle¬

ment elle est enche¬

vêtrée. Photo prisedans l'île Navarino.

Photo © E. Aubert de laRue, reproduction inter¬dite.

Les carcasses de voi¬

liers ne sont pas rares

sur la plage de Punta

Arenas, car les nau¬

frages sont fréquentsdans les eaux tumul¬

tueuses des environs.

Photo © Paul Almasy,Paris, reproduction inter¬dite.

sirent à plusieurs grandes estancias, aux champs depétrole de Sombrero et aux petites pêcheries de la BaieInutile.

Changeant de province, j'entrepris alors de visiter l'îlede Chiloé, dont certains districts de vieille colonisation,très humanisés, rappellent étonnamment la campagne ca¬nadienne. Harmonieusement exploitées, les diverses res¬sources de la « Grande Ile », comme la nomment ses habi¬tants, tirées de ses forêts, de ses cultures et de la merenvironnante, devraient permettre d'améliorer le niveaude vie très bas de ceux-ci.

Ces quelques mois d'été passés à parcourir de long enlarge la Patagonie chilienne, en employant les moyens detransport les plus divers,-., .m'ont révélé les aspects sicontrastés de ce territoire. Cette reconnaissance, évidem¬ment très rapide, et les opinions diverses entendues,étaient indispensables pour obtenir une vue d'ensembleet élaborer un programme de recherches répondant auxvues du gouvernement du Chili, qui fonde de grandsespoirs sur l'exploitation rationnelle des ressources de sondomaine austral. Celles-ci sont complexes, intéressant desactivités aussi diverses que l'agriculture et l'élevage,l'exploitation forestière, la biologie marine, en vue de dé¬velopper la pêche et le tourisme, car il faut souligner lagrandeur et la beauté de certains paysages. Un effort spé¬cial devra être fait en ce qui concerne la prospectionminière et l'utilisation possible des ressources "hydro¬électriques considérables dont dispose la Patagonie et quiseront précieuses pour l'industrialisation de divers sec¬teurs.

25

Dorsqu'en 1801 Jacquard inventa un métier àtisser qui, grâce à une série de cartons perforés,produisait mécaniquement des tissus façonnésqui ne pouvaient - auparavant se faire qu'à lamain, il faillit périr dans les émeutes qui s'en¬suivirent. En Grande-Bretagne, quand Kay mitau point la navette volante, les tisserands démo¬

lirent sa maison. Lorsque Arkwright, Hergreaves et Cromp-ton poussèrent plus loin encore la mécanisation du tissage,les ouvriers se soulevèrent et incendièrent les usines. Le

poète Byron intervint avec passion en faveur des malheu¬reux travailleurs que les machines privaient de leur gagne-pain.

Et pourtant, en fin de compte, ces mêmes machines ontdonné du travail à des millions d'hommes et de femmes,fait baisser le prix des tissus et contribué à la prospéritééconomique.

Jusque vers 1945, les grands progrès réalisés dans ledomaine de la technique industrielle consistaient à soula¬ger l'homme de pénibles efforts musculaires, en y substi¬tuant le travail de machines. A titre d'illustration nous

dirons qu'aujourd'hui la puissance des turbines d'un trans¬atlantique correspond à la vigueur musculaire de troismillions de galériens pesant sur leurs rames. Quant àl'ouvrier employé de nos jours dans une usine moderne, ildispose en moyenne, par une simple pression du doigt surun bouton, d'une puissance de travail équivalant à celled'une centaine d'esclaves.

Mais depuis une douzaine d'années sont apparus de26

nouveaux types de machines qui sèment l'inquiétude, nonseulement parmi les ouvriers, dont les compétences techni¬ques sont dévalorisées par 1' « automation », mais aussiparmi les philosophes. Ces machines sont les calculatricesélectroniques. Leur nom montre qu'il s'agissait à l'origine

. de simples machines à calculer, versions électriques extrê¬mement perfectionnées des bouliers sur lesquels les en¬fants apprennent à compter. A l'heure actuelle, cetteappellation est trompeuse ; car ces machines ne se bornentpas à faire des opérations arithmétiques. Elles remplissent,par imitation, beaucoup des fonctions du cerveau humain ;elles commandent et dirigent d'autres machines qui rem¬placent non seulement les muscles de l'homme, mais sesorganes sensoriels.

DLA Conférence Internationale sur le Traitement

Numérique de l'Information, que l'Unesco aorganisée à Paris en juin 1959, les deux milleparticipants hommes de science et ingénieurs

ont parlé très sérieusement de machines ca¬pables d'enregistrer toutes les connaissances dumonde et d'inscrire sur un rectangle de verre de

12 centimètres sur 15 (les dimensions d'une plaque photo¬graphique) une somme d'informations équivalant au contenude la mémoire d'un individu. Ils ont décrit des machines

capables de prendre des décisions d'affaires, et auxquelleson pourrait « apprendre » à penser de façon indépendanteet à se faire des opinions réfléchies. Comme l'a fait obser¬ver M. Edward Teller, de l'Université de Californie, à par¬tir du moment où une machine est capable de formuler un

Le Courrier de l'Unesco. Janvier I960

L'ensemble de ces « armoires métalliques » (ci-dessus) constitueun instrument de calcul scientifique qui se classe parmi les plusrapides et les plus puissants d'Europe. Il se compose d'une unitéarithmétique et logique qui effectue 42 000 opérations à la secon¬de, d'un dispositif de lecture de cartes et d'une « imprimante »

Photos I.B.M. France.

qui sont entourés d'éléments en nombre variable suivant les problè¬mes qu'il a à traiter : mémoires à ferrites, mémoires à tambour ma¬gnétique et mémoires à bandes magnétiques. Une opératrice peutsurveiller le fonctionnement de l'ensemble. A gauche, gros pland'une plaque de mémoire à ferrites (torses de 2 mm de diamètre).

jugement de valeur, il est concevable qu'elle éprouve desémotions. .

Il y a vingt ans, rien de tout cela n'était possible ; mêmeles calculs électroniques semblaient irréalisables. Il y a troiscents ans, le mathématicien français Biaise Pascal inventaune machine à calculer mécanique. Il y a plus de cent ans,le mathématicien anglais Charles Babbage mit au point unemachine capable de faire des calculs et analyses mathé¬matiques grâce à un systèmëide cartons perforés analoguesà ceux que Jacquard employait pour son métier à tisser.Avant la deuxième guerre mondiale, il existait des caissesenregistreuses et des machines à calculer mécaniques,commandées à la main, qui faisaient des calculs compliqués.Mais il y a douze ans seulement que la première calcula¬trice électronique a commencé à fonctionner ; des lampes

- de radio y remplaçaient les engrenages des machines à cal¬culer mécaniques (ou, à un niveau plus élémentaire, lesperles du boulier).

Les machines primitives consistaient en de volumineusesbatteries de lampes tout emmêlées de fils électriques ; maiselles pouvaient faire des additions, des soustractions, desmultiplications et des divisions, et résoudre en une frac¬tion de seconde des équations mathématiques qui auraientdemandé des heures, ou même des jours, de calculs écrits.En fait, les machines les plus récentes sont mille fois plusrapides que celles qui datent de trois ans, et un million defois plus rapides que celles qui datent de dix ans. La seulelimite à leur rapidité est la vitesse de la lumière, soit

000 kilomètres à la seconde ; mais comme les distan

ces que les signaux lumineux doivent parcourir dans unecalculatrice s'expriment, non en kilomètres, mais en frac¬tions de millième de millimètres, les spécialistes peuventparler avec désinvolture de résultats obtenus en tant decent millionièmes de seconde.

Les machines ont une capacité de travail de plus enplus grande, tout en étant composées d'éléments de plus enplus petits. Les lampes sont aujourd'hui remplacées pardes transistors de la taille d'un grain de riz.

Bais c'est énorme à côté de certaines réalisations

récentes. Dans un « cryoton », par exemple,les cellules qui emmagasinent les informationsont un diamètre d'un millionième de millimè¬

tre. Les circuits, composés de « fils » dont lagrosseur est du même ordre, sont des « toilesd'araignées » que seul peut discerner un mi¬

croscope d'une extrême puissance. Ces circuits et ces« cellules » sont imprimés sur du .verre, et on les maintientà une température de 270° au-dessous de zéro en lesrefroidissant dans l'hydrogène liquide. A cette tempéra¬ture, certains métaux n'offrent plus aucune résistance aupassage des courants électriques, qui peuvent donc circu¬ler à la vitesse de la lumière et continuer à le faire indéfini¬

ment, sans que les signaux s'affaiblissent.

Il devient possible, dans ces conditions, d'emmagasinerles connaissances que contiennent tous les livres de toutesles bibliothèques du monde entier sous un volume qui nedépasse par celui d'une boîte à cigares.

SUITE PAGE 28

RITCHIE CALDER (suite)

La difficulté est de les en extraire. Quand des hommes

ne peuvent pas retrouver les choses dans leur mémoire, ondit qu'ils oublient. Dans le cas des cerveaux électroniques,il s'agit de savoir comment retrouver, sous la forme appro¬priée, les informations dont on a besoin.

Pour « déposer » une information, l'expert la fait trans¬crire sous la forme de perforations pratiquées dans unruban de papier. Sur ce même ruban, il donne égalementdes instructions sur la façon d'utiliser l'information enquestion. C'est ce qu'on appelle « programmation ». L'in¬formation est ensuite enregistrée dans une mémoire ma¬gnétique par la calculatrice qui la restituera dans les condi¬tions prescrites par le programmeur. Elle transférera denouveau l'information sur un ruban perforé, lequel com¬mande automatiquement une machine à écrire, de manièreque le résultat soit lisible.

La calculatrice a d'abord été un moyen rapide de fairel'arithmétique ; mais toute opération logique peut se trans¬poser en nombres, donc s'exprimer en un langage chiffrépermettant d'emmagasiner toutes sortes d'informations oud'exécuter toutes sortes d'opérations.

C'est ainsi que l'on peut confier à une calculatrice ladirection d'une machine qui usine une pièce mécanique degrandes dimensions et de forme compliquée qui décou- 'pe, par exemple, dans un énorme bloc de métal, au cen¬tième de millimètre près, les formes solides et complexesd'un engin supersonique ou d'une fusée. La calculatriceaidera d'abord à définir les spécifications et les contoursmathématiques de la pièce en question. Les programmeursintroduiront ensuite dans la calculatrice les instructions

qu'elle a elle-même aidé à formuler, puis la laisserontcommander les machines-outils automatiques qui façon¬neront le métal simultanément dans les trois dimensions.

Dvec l'aide de ses alliés la cellule photo-élec¬trique, le treillis de Merton (qui donne à la ma¬chine le sens du toucher et une précision plusgrande que celle d'un habile artisan), et lesservo-moteurs qui manipulent les pièces {avecrégulation en retour, tel un système nerveuxmécanisé), la calculatrice peut exécuter au be¬

soin n'importe quelle tâche à la portée d'un opérateurhumain. En d'autres termes, elle peut mettre au point lesdétails d'une calculatrice plus perfectionnée qu'elle-même,puis commander les machines qui en fabriqueront les élé¬ments et sinon déjà, du moins plus tard procéder àl'assemblage de ces éléments. En fait, elle pourrait se re¬produire, donner naissance à d'autres calculatrices.

Dans le monde entier, des linguistes, des mathématicienset des ingénieurs s'efforcent de réaliser la traduction méca¬nique d'une langue dans une autre du russe en anglais,du japonais en français, etc. Leurs progrès sont lentsparce que les hommes, lorsqu'ils parlent ou écrivent, ne sebornent pas à échanger des mots; chaque langue a unegrammaire, une structure de phrases, des expressions idio¬matiques qui lui sont particulières. Mais les textes scien¬tifiques peuvent déjà être traduits mécaniquement d'unefaçon parfaitement intelligible pour les gens au courant dela question dont il s'agit. On est également parvenu à tra¬duire des ouvrages en Braille, la langue écrite des aveugles.

A l'heure actuelle, les experts s'efforcent de rendre lamachine capable d'identifier les formes : au heu de nepouvoir absorber les informations qu'à l'aide de rubansperforés, elle pourrait alors lire directement une page impri¬mée, ou identifier la structure phonique des paroles puis lestraduire en d'autres langues. Mais il faudra encore quel¬ques années de travail pour en arriver là.

CETTE PLAQUE

A UNE MÉMOIRE

INFAILLIBLE

36 plaques similaires de 4 096tores chacune (la petite boîte

d'allumettes donne l'échelle)constituent un bloc-mémoire

ultra-rapide: 12 millionièmesde seconde pour transférer unmot de 36 chiffres binaires.

Photo I.B.M. France

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

Nos lecteurs nous écrivent

LE DROIT DE NE PAS ÉCOUTER

Merci pour l'excellent travail quevous faites : se connaître réciproquementest l'euvre première de paix.

Dernièrement, vous avez titré : « Ledroit d'écouter ». Pourriez-vous consa¬crer un article aussi au « droit de ne pasentendre », le droit au silence, aurepos... Ce droit est absolument mé¬

connu ou foulé aux pieds dans nos pays,dits civilisés. Merci encore.

J.L. Lontan,Genève.

Je profite de cette lettre pour vousfaire remarquer que, dans votre numérorécent sur la radio, à côté de l'article« le droit d'écouter », il manquait unarticle, non moins nécessaire, sur « ledroit de ne pas écouter ». Il y avaitdéjà les planchers, les cloisons peu iso¬lantes, le voisin qui écoute l'opéra toutesfenêtres ouvertes, nous avons maintenantle transistor, capable de transporter levacarme dans n'importe quel endroitsolitaire. M. H. Thompson règle laquestion en une ligne : que celui quiest gêné se mette des boules dans lesoreilles ! Je me refuse, pour ma part,à me résigner à cette solution de vaincuavant que le combat n'ait été livré contreles gêneurs. A quand le numéro du« Courrier » sur le bruit, ou plutôt,sur le silence ?

Jean Delannoy,Biarritz, France.

LES ALIÉNÉS

NE SONT PAS DES FOUS

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt legrand article (en fait presque la totalitédu « Courrier » du mois de mai), quevous consacrez aux maladies mentales.

Mais pourquoi dans aucun journal, dansaucune revue médicale on ne parle decet autre grand sujet qu'est l'arriérationmentale et des possibilités de gué-rison ?

Mme P. Simon,Caen, Calvados.

J'ai porté un vif intérêt à votre nu¬méro de mai se rapportant aux maladesmentaux et à leur guérison en général.

Les termes : psychologique, psychia¬trique, névrotique sont repris, il va sansdire, fréquemment. Cependant, je n'airencontré nulle part le terme * psycha¬nalyse ».

Cela me permet de poser la question :la psychanalyse est-elle un moyen théra¬peutique entre autres mis à la disposi¬tion des psychiatres ?

N.D.L.R. La psychanalyse estutilisée dans ce but dans de nombreux

pays. d'Europe et d'Amérique, mais danscertains autres, comme l'Union Soviéti

que par exemple, elle n'est pas acceptéecomme moyen thérapeutique dans letraitement des maladies mentales.

G. Haine,Haine-St-Paul, Belgique.

DU FOLKLORE S. V. P.

Cela va faire cinq ans que je suisabonné au c Courrier ». Je dois, toutd'abord, vous féliciter pour la présenta¬tion irréprochable de votre revue et pourla qualité des articles qu'elle divulgue.Cependant, me permettez-vous d'émettreune petite suggestion?

Je crois que quelques articles, detemps à autre, sur le folklore de tel outel pays ou- de telle ou telle province,intéresseraient bon nombre de vos lec¬teurs.

Je suis moi-même très épris de« folklore ». Je crois qu'il aide à mieuxconnaître et mieux aimer une région,un pays, et surtout ses habitants. Voilàun excellent moyen de réaliser la com¬préhension et l'amitié entre les peuples.II n'y a qu'à voir le succès remportétant en France qu'à l'étranger par lestournées de troupes ou sociétés folklo¬riques.

M. Bernard Bascoul,Mazamet (Tarn).

VEUILLEZ MULTIPLIER PAR ONZE

J'ai été vivement intéressé par la lec¬ture de votre numéro de mars dernierdans sa partie consacrée à ce problèmed'extrême actualité qu'est la pollution del'air.

La série d'articles présentée est unesynthèse parfaitement équilibrée des dif¬férents aspects de ce vaste problème etje ne doute pas de ce qu'elle soit d'uneexcellente portée dans le cadre de la« campagne mondiale » entreprise.

Qu'il me soit enfin permis de voussignaler une erreur assez importante quiapparaît en deux endroits de votre nu¬méro de mars dont il est question etqu'il serait, je crois, opportun de recti¬fier :

Dans votre article d'introduction, enpage 3, vous dites : « Or, chaque jour,un adulte a besoin d'un mètre cube d'air,soit 1,5 kg, et seulement de 1 kg denourriture et d'un peu plus de deux litresd'eau potable. »

Le calcul simple suivant vous permet¬tra de constater qu'on attribue de 14 à18 respirations par minute à l'homme,ceci à raison d'environ 1/2 litre d'airpar respiration. Si nous prenons le chif¬fre moyen de 16 respirations à la mi¬nute, nous obtenons :

16 X 0,5 Qitre) X 60 (minutes) X 24(heures) = 1 1 520 litres/jour.

Cette quantité d'air exprimée en poidsnous donne :

t 11 520 1. X 1,293 g (poids d'un litred'air à 0" C à la pression atmosphériquenormale) = 15 kg (arrondi).

Donc, 11,520 m' et 15 kg contre 1 m3et 1,5 kg indiqués.

Enfin, en page 8, 1" colonne, 2" ali¬néa, sous la signature du professeurA.J. Haagen Smith, auquel je rends d'ail¬leurs hommage pour ses très nombreuxtravaux, sur la question, il est dit : « Maisl'air que nous respirons est l'un des élé¬ments de notre régime alimentaire etnous avons tout lieu d'être aussi exi¬

geants pour la qualité de l'air que pourcelle de nos aliments. La quantité d'airque nous absorbons chaque jour est del'ordre de 1 m' représentant en poidsplus d'un kilo. Tout agent de pollutionde l'air dont le degré de concentrationatteint un millionnième ajoute donc ànotre régime quotidien un milligrammede sa substance... »

En vertu du même calcul, les quanti¬tés indiquées sont à multiplier 11 à 12fois et, en conséquence, l'exemple de lasubstance toxique concentrée à raisond'un millionième dans l'air respiré setrouve porté à une dose quotidienne de11 à 12 milligrammes au lieu de 1 milli¬gramme.

Vous remarquerez que ces correctionsont d'autant plus d'intérêt à être faites,puisqu'elles viennent renforcer considé¬rablement les points de vue exprimés.

M. J.-C. Laffarguc,Membre du Conseil National

contre la Pollution de l'Air,21, rue Jos.-Cuylits,

Uccle-lez-BruxelIes (Belgique)

INSUFFISANCES NORMALES

Il est normal qu'il y ait des insuffi¬sances dans le « Courrier de l'Unesco »,comme il en est dans toutes choses. Mais

elles pourraient être corrigées. Ainsi, lesarticles sur Gandhi, sur la vieillesse etsur les maladies mentales étaient par¬tiaux et très faibles, car ils négligeaientcertaines des recherches les plus appro¬fondies et étendues accomplies sur leplan de physique et de la chimie biolo¬gique, en particulier concernant le tissucérébral et les expériences de dévelop¬pement social. Ne laissez cependant pasun critique à courte vue et le snobismedétourner notre « Courrier » de sonrôle de guide. Il importe particulière¬ment que les connaissances scientifiquesdu monde entier soient exposées dansun langage accessible à tous. Et, en cesjours où l'on célèbre le centenaire deDarwin, le « Courrier » peut lever hautson chapeau, qui est celui de la poursuiteintensive de la pensée scientifique. Notrefamille comprenant six personnes, notreparenté et quantité d'amis puisent envotre publication l'aide nécessaire à vivredans notre époque.

M. Siegel,Los Angeles 47 (Calif.) U.S.A.

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POSSEDER sa propre bibliothèque est aujourd'huiun bien grand bonheur, et dans de nombreusesrégions du monde les bibliothèques publiques sont

encore inexistantes. Dans les régions rurales de la Grèce,où les livres sont rares et où il y existe peu de possi¬bilités de créer des bibliothèques permanentes, les visiteshebdomadaires de Mme Stella Peppa-Xephlouda, direc¬trice du Service itinérant des Bibliothèques du Ministèrede l'Education de Grèce, constituent un événement impor¬tant dans la vie des communautés. Les joies de la lectureet les bénéfices de l'éducation qu'offrent les livres techni¬ques sont mis à la portée des habitants de nombreuxvillages isolés.

La Bibliothèque itinérante du Ministère de l'Education

possède aujourd'hui 10 000 livres en grec et en d'autreslangues et un bibliobus, que lui a offert l'Unesco. Onespère qu'elle possédera bientôt dix bibliobus et 100 000volumes. Mais en toutes choses il faut un début. Le pre¬mier pas a consisté dans la création de centres de prêts

K. Paphaelides © Elkin, Athènes, tirées de la revue «Grèce ».reproduction interdit«

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

QUAND LA BIBLIOTHEQUEvient aux lecteurs...

LES « MOINS DE 20 ANS » SONT AVIDES D'EMPRUNTER DES LIVRES, DEPUIS DES RECETTES DE CUISINE JUSQU'AUX OUVRAGES DE TECHNIQUE.

de livres dans diverses régions rurales et dans l'activitédes infatigables' pionniers de la culture que sont les insti¬tuteurs grecs.

Au pittoresque village de Villia, lorsque arrive lebibliobus, se forme une sorte de procession de gens detous âges rapportant des livres et en emportant d'autres.Il ne s'agit pas de romans de cape et d'épée ou d'histoirestendres, mais bel et bien de livres techniques et agricolessur l'électricité et la technologie de la radio, d'ouvragessur différents métiers, de manuels de pédiatrie, de cuisineou de science ménagère à l'intention des jeunes filles.

Le- bibliobus compte actuellement 6 500 lecteurs ins¬crits, répartis dans 78 centres de prêts en Grèce centrale,eu Eubée et au Péloponnèse. Conformément au pro¬gramme élaboré par M. Kournoutos, Directeur des Artset Lettres au Ministère grec de l'Education, la Biblio¬thèque itinérante étendra graduellement ses activités àd'autres régions du pays. En outre, cet organisme servira

de modèle à la création de bibliothèques de prêts locales.

De telles bibliothèques ont été ouvertes à Kiato, enCorinthe, et à Menidhi et Karapi, en Attique. Dans lechoix et l'organisation de leurs collections, elles s'inspi¬rent de l'expérience de la Bibliothèque itinérante.

Il existe déjà à Polydroso une bibliothèque locale quipossède 10 000 volumes. Dans d'autres villages moinsfavorisés, le goût des paysans pour les livres ne s'enaccroît pas moins de jour en jour, notamment à Bralos,Amphikléa, Haironéa, Karya et Aliartos.

Le personnel de la Bibliothèque itinérante fait du bontravail, il s'y consacre avec enthousiasme et bonne

humeur. La chaleureuse influence culturelle qu'exerce laBibliothèque itinérante de Mme Peppa-Xephlouda est entrain de vaincre l'aridité intellectuelle qui règne encoredans certaines régions rurales, et les gens considèrent deplus en plus les livres comme des amis quotidiens. LaBibliothèque itinérante a amorcé dans les petites commu¬nautés une uuvre dont le moins qu'on puisse dire estqu'elle contribue au développement culturel du pays.

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BONNE TABLE

CONDITIONNÉ AUET AIR

SAHARA

par

Daniel Behrman

HASSI MESSAOUD, VILLE DU

PÉTROLE. Une ville de plusieursmilliers d'habitants a surgi autourdes puits de pétrole d'Hassi-Messa-

oud, au Sahara. Des spécialistes yétudient les problèmes de l'existenceen plein désert, depuis la vie fami¬liale et le logement jusqu'aux pro¬blèmes ardus posés par la nour¬riture et les conditions de travail.

Photos C F P.

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Le Courrier de l'Unesco. Janvier 1960

N. ous vivons dans un monde où la science dé-

! trait un mythe par jour. Voilà qu'on nousI demande de renoncer à une vieille illusion :* le Sahara ne serait plus un désert infini, inhu¬

main, ne produisant que des tempêtes de sableet des récits d'aventure.

' « On peut travailler au Sahara, sans dommages visi¬bles pour la santé, et la productivité du travailleur y estaussi élevée qu'en Europe, à condition que l'on observecertaines conditions d'hygiène indispensables. »

L'homme qui parle ainsi est un jeune chercheur, le doc¬teur Georges Lambert, directeur adjoint de Prohuza (Cen¬tre d'Etudes et d'Information des Problèmes humains d'ansles zones arides).

Financé par le Bureau industriel africain et diversessociétés dont les activités se développent au Sahara, Pro¬huza s'attaque à de nombreux aspects du problème quepose la transplantation au c du désert d'une civilisa¬tion industrielle moderne.

Des études sur l'adaptation des travailleurs européensau milieu désertique ont été menées à Hassi-Messaoud, àquelque 800 1km de la Méditerranée, où l'on a découvertdu pétrole en 1957. Hassi-Messaoud est situé à une cen¬taine de kilomètres de l'oasis la plus proche. On y pompedu pétrole à l'emplacement d'un puits abandonné, utiliséautrefois par les caravanes.

Le docteur Lambert pense que ces études, poursuiviesauprès de trois équipes de cinq hommes, sont les premièresexpériences vraiment scientifiques menées en milieu dé¬sertique et non dans un laboratoire.

« Contrairement à ce que la plupart d'entre nous onttoujours pensé, le climat du Sahara n'est pas trop nocifpour l'ouvrier spécia¬lisé », m'assure le doc¬teur Lambert. Au cours T"\. mm

de l'enquête, on a fait ÏhL. <des mesures précises del'absorption et de laperte en calories chezdes volontaires qui tra¬vaillent en équipes serelayant toutes les huitheures.

En plein été saha¬rien on a constaté quele repas de 3 500 calo¬ries servi par la can¬tine ultra-moderne du

camp de Hassi-Mes¬saoud était amplementsuffisant pour des ou¬vriers effectuant untravail de force. La

consommation de pro¬téines est légèrementsupérieure à ce qu'elleaurait été en Europe.

« Le principal pro¬blème à Hassi-Messaoud est d'ordre psychologique, meconfie le docteur Lambert. Voyez-vous, quand le recrute¬ment du personnel pour le Sahara a commencé, on a pro¬mis aux candidats de bons salaires et une bonne table. Or,dans le désert, il vaut mieux ne pas consommer de corpsgras (ils sont difficiles à digérer). Mais les hommes veu¬lent bien manger. A tel point que certains prospecteursprennent du pâté de foie gras et des sardines quand lethermomètre atteint 50 degrés à l'ombre ! ¡t>

Le menu idéal du travailleur du désert

La cantine offre le menu d'un bon restaurant parisien.« Voyez donc ce qu'ils ont eu pour le déjeuner unjour du mois d'août l'an dernier, dit le docteur

Lambert, en feuilletant les pages de son carnet de notes :charcuterie et laitue comme hors-d'ceuvre, suivies d'uneescalope à la crème, de légumes, d'un camembert et defruits. Nous aimerions bien changer ce menu, mais il estdifficile de revenir sur les promesses. »

Selon lui, le repas idéal pour les travailleurs du désertcomporterait par exemple une salade de crudités, de la

viande grillée, du fromage et des fruits avec beaucoupde légumes frais.

En fait, ce menu serait très coûteux, les fruits et leslégumes frais qui en sont la base ayant à supporter lesfrais de transport de 110 francs par kilo 1

Les prospecteurs de pétrole dans le Sahara sont degrands buveurs... d'eau. Ils perdent jusqu'à 14 litres parjour par la transpiration et ils boivent une quantité équi¬valente d'eau d'Evlan ou de Vittel apportée à Hassi-Messaoud dans des récipients de carton ou d'aluminium.

Il y a cependant de l'eau à Hassi-Messaoud, mais ellecontient trop de sel pour être potable en grande quan¬tité. Le paradoxe c'est qu'il faut ajouter beaucoup de selaux aliments afin de réduire les pertes par transpiration.

Les recherches ont prouvé que la nourriture tradition¬nelle des nomades du Sahara est un excellent régime pourle désert. Elle contient beaucoup d'épices (sel et poivre)et peu de corps gras, la viande étant généralement rôtieà la broche.

Les hommes de Hassi-Messaoud boivent beaucoup moinsde vin qu'en France. Dès que la température atteint 35 "C.la consommation de vin diminue considérablement.

Pas de dimanches à Hassi-Messaoud

Mais le régime alimentaire n'est qu'un aspect du pro¬blème de l'adaptation au milieu désertique. L'ha¬bitat pose un problème non moins difficile à ré¬

soudre car, bien entendu, tous les logements doivent êtreclimatisés. Or, le système de climatisation utilisé à Hassi-Messaoud est très différent de celui qui est employé dansla plupart des villes.

Selon la méthode traditionnelle, un compresseur produitde l'air très froid et très sec. Or, au Sahara, dit le docteurLambert, un tel système aurait pour effet de desséchercomplètement la peau. C'est pourquoi on utilise un sys¬tème basé sur le principe que l'eau, quand on l'évaporé,absorbe la chaleur. Il s'agit, en l'occurrence d'une puis¬sante turbine qui vaporise de l'eau. Ce système permetd'humidifier l'air et de ramener la température intérieured'une maison à 30 °C quand la température ambiante àl'extérieur est de 50 °C à l'ombre.

Les chercheurs de Prohuza ont étudié bien d'autres

phénomènes qui influent sur l'adaptation des travailleurseuropéens aux conditions de vie dans le désert. A l'heureactuelle on leur donne à choisir entre trois formules : troissemaines de travail à Hassi-Messaoud, suivies d'une se¬maine à Alger ; neuf semaines dans le désert et troissemaines en France ; ou six semaines à Hassi-Messaoud etquinze jours, soit à Alger, soit en France. Dans les troiscas, les hommes travaillent sept jours par semaine sansinterruption il n'y a pas de dimanche ou de jours fériésdans le désert.

Les études ont montré que la première formule (troissemaines de travail, une de repos) est la moins bonne.« Trois semaines, c'est tout juste le temps qu'il faut pours'adapter au désert, dit le docteur, l'homme est à peineacclimaté et déjà il repart en congé. On arrive, en fin decompte, à un résultat paradoxal : l'homme ne s'adapte nipendant le travail ni pendant la période de repos. »

Il y a là toute une série de problèmes d'ordre psycho¬logique, qui sont tout aussi importants que les problèmesdu régime alimentaire et de l'habitat. Les spécialistes quienquêtent à Hassi-Messaoud n'ont pas manqué de noterque les changements de personnel au camp devenaient deplus en plus fréquents depuis quelques mois.

Mais, de l'avis du docteur Lambert, il s'agit d'un phéno¬mène tout à fait normal. Les premiers prospecteurs étalentsurtout des jeunes gens en quête d'aventure. Ils ont étémagnifiques pendant la période initiale de prospection,mais depuis qu'une cité de deux mille habitants s'estconstruite autour des puits de pétrole ils commencent às'ennuyer et à s'impatienter.

C'est alors qu'une sorte de relève s'est faite à Hassi-Messaoud. On a vu arriver des hommes plus âgés enmême temps que surgissaient des problèmes nouveauxconcernant la famille et l'habitat.

A l'heure actuelle, il y a trois solutions possibles :

Accorder des périodes de congé de durée suffisante pourpermettre aux nommes de rentrer en Europe ; amener lesfamilles à Alger ; les installer à Hassi-Messaoud.

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Latitudes et LongMLiE NOUVEAU DIRECTEUR GE¬

NERAL ADJOINT de l'Unesco.

M. Vittorino Veronese, Directeur général del'Unesco, a décidé de rétablir le poste deDirecteur général adjoint, qui n'existait plusdepuis 1952. C'est M. René Maheu, Sous-Directeur général depuis 1954 et membredu Secrétariat depuis 1946, qui a éténommé Directeur général adjoint depuis le1" décembre 1959.

LES CIVILISATIONS ROMANES:D'éminents spécialistes de dix-neuf paysd'Europe et d'Amérique ont participérécemment, à Bucarest, à un colloqueinternational sur les civilisations, littéra¬tures et langues romanes organisé ' parl'Académie de la République populairede Roumanie et la Commission nationale

roumaine pour ¡'Unesco.

JLi 'ARABE POUR LES NON-ARA¬BES : Une méthode simplifiée d'enseigne¬ment de l'arabe aux non-arabes vient d'être

mise au point par des spécialistes, au coursd'un colloque qui s'est tenu à l'Institutd'Etudes Islamiques de Madrid.

Ces experts ont proposé que la prépara¬tion des cours d'arabe s'effectue par étapes.

LE SERVICE PHILATE¬

LIQUE DE L'UNESCO

riLA suite de la parution dans no¬tre numéro de décembre 1959 du tim¬

bre émis par les Nations Unies enfaveur des réfugiés, de nombreux lec¬teurs philatélistes nous ont .demandédes renseignements sur la manièred'obtenir les timbres de l'ONU.

Le SERVICE PHILATELIQUEDE L'UNESCO dispose des timbreset des souvenirs philatéliques émis par .de nombreux Etats membres pourcommémorer certains événements de

l'histoire de l'Unesco et des Nations

Unies (inauguration du nouveau siègede l'Unesco, Journée des Droits del'Homme, Année Mondiale du Réfu¬gié).

Le SERVICE PHILATELIQUEest, en outre, l'agent de l'Administra¬tion postale des Nations Unies pourla France ; il dispose à ce titre de tousles timbres des Nations Unies en cir¬culation.

. Un document contenant la liste des

articles disponibles, leur prix et lesmodalités de paiement, sera envoyésur demande adressée au SERVICE

PHILATELIQUE DE L'UNESCO,place de Fontenoy, Paris (7e).

LE DROIT A UNE ENFANCE HEUREUSE

Le droit de l'enfant à « une enfance heureuse », à l'affection, à la sécurité,à l'éducation et à la protection contre toutes les formes d'exploitation est pro¬clamé dans un projet de déclaration adopté récemment à New York par la Com¬mission des questions sociales, humanitaires et culturelles des Nations Unies.

La Déclaration, qui comporte dix principes, souligne dans son préambule quel'enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoind'une protection spéciale, notamment juridique, avant comme après la naissance.

Les droits de l'enfant, souligne la Déclaration, doivent être reconnus sansdistinction de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'origine nationaleou sociale, de naissance ou de statut.

En toute circonstance « l'enfant doit être parmi les premiers à recevoir pro¬tection et secours ». Chaque enfant a le droit de recevoir une éducation gratuite,au moins au stade élémentaire. L'enfant qui souffre d'une déficience physiqueou mentale doit recevoir le traitement, l'éducation et les soins spéciaux quenécessite son état, et tous les enfants ont droit à une alimentation, un logementet des soins médicaux adéquats.

Soulignant la responsabilité des parents, la Déclaration affirme que l'enfantdoit pouvoir grandir < dans une atmosphère d'affection et de sécurité inoraleet matérielle ». Quant aux enfants sans famille, « la société et les Pouvoirspublics ont le devoir d'en prendre un soin particulier ».

La Déclaration s'efforce également de protéger l'enfant « contre toutes lesformes de négligence, de cruauté et d'exploitation » et d'empêcher qu'il soitmis au travail avant l'âge. Il devra être protégé aussi contre les pratiques quipeuvent pousser à la discrimination raciale, religieuse, etc., et élevé dans unesprit de tolérance et de compréhension.

Considérant que « l'humanité se doit de donner à l'enfant le meilleur d'elle-même », la Déclaration demande aux gouvernements, aux autorités locales, auxindividus de reconnaître ces droits et de s'efforcer d'en assurer le respect pardes mesures juridiques ou autres.

L'Institut de Madrid serait d'abord chargéde dresser une liste des mots les plus usuelsde l'arabe contemporain ; ensuite, sur iabase des mille premiers mots ainsi choisis,un cours introductif d'arabe parlé, surle modèle de ceux qu'on emploie pour le'Basic English ou le français élémentaire,

serait préparé au Centre Audio-Visuel deSaint-Cloud ; enfin, on mettrait au point unmanuel d'enseignement comportant un coursprogressif de grammaire.

Le colloque, financé par la RépubliqueArabe Unie, avec l'aide de l'Unesco et de laFondation Rockefeller, a dos ses travauxen créant une Association pour « l'enseigne¬ment de l'arabe aux non-arabes ».

MISSION UNESCO AU MAROC :Le professeur Pierre Guillon vient d'êtrechargé par l'Unesco d'une mission desix mois à Rabat pour conseiller leGouvernement marocain en matière d'or¬

ganisation de l'administration universi¬taire.

Ancien recteur de l'Académie de

Montpellier et, de 1954 à 1955, recteurde l'Académie d'Alger et directeur géné¬ral de l'Education .nationale en Algérie,le professeur Guillon a siégé tout récem¬ment à la Commission nationale turquede l'Enseignement en qualité de conseil

ler étranger. Cette commission, qui estpatronnée par la Fondation Ford, com¬prend, en effet, douze membres turcs etdeux conseillers étrangers.

Le professeur Guillon est l'auteur denombreux ouvrages de pédagogie, dephilologie et d'archéologie.

Centrale atomique « euro¬péenne » : Savants et techniciens de plu¬sieurs pays rejoignent leurs postes au centreexpérimental de l'énergie atomique créé àWinfrith, dans le Dorset (Angleterre), parl'Euratom (Communauté européenne pourl'énergie atomique). Quatre-vingt-dix savantset ingénieurs européens vont ainsi travailleren collaboration avec 160 collègues duRoyaume-Uni, afin de construire et demettre au point un modèle expérimental duréacteur à haute température à réfrigérationgazeuse.

Ce réacteur expérimental, qui portera lenom de Dragon, aura une températureopérationnelle d'environ 1000 "C, et l'onescompte que son prix de construction serarelativement peu élevé. Les savants espè¬rent que les centrales nucléaires alimentéespar ce réacteur pourront fournir du courantélectrique d'un prix comparable à celuiproduit par les centrales alimentées aucharbon et au carburant liquide.

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34

obtenir

les publications

de l'Unesco ?

Vous pouvez commander les publi¬cations de l'Unesco chez tous leslibraires ou en vous adressant direc¬

tement à l'agent général (voir listeci-dessous). Vous pouvez vous pro¬curer, sur simple demande, les nomsdes agents généraux non inclus dansla liste.

Les paiements peuvent être effectuésdans la monnaie du pays. Les prixde l'abonnement annuel au « COUR¬

RIER DE L'UNESCO » sont mention¬

nés entre parenthèses, après lesadresses des agents.

ALBANIE. Ndermarrja Shteterore e

Botimeve Nairn Frasheri, Tirana.

ALLEMAGNE. R. Oldenbourg K.G.,Unesco-Vertrieb für Deutschland, Rosen¬

heimerstrasse 145, Munich 8. (DM 6).

AUTRICHE. Verlag Georg Frommeet C°, Spengergasse 39, Vienne V. (Sch.37.50).

BELGIQUE. Office de Publicité S.A.,

16. rue Marcq, Bruxelles C.C.P. 285,98.

N.V. Standaard-Boekhandel, Belgiëlei 151,Anvers. Pour le « Courrier » seulement :

Louis de Lannoy, 22, Place de Brouckère,

Bruxelles. C.C.P. 3 380.00 ( I 00 fr. belges).

BRÉSIL. Librairie de la Fundacao GetulioVargas, 186, Praia de Botafogo. CalxaPostal 4081, Rio de Janeiro.

BULGARIE. Raznoïznos, 2, Tzar AssenSofia.

CAMBODGE. Librairie Albert Portail,

14, avenue Boulloche, Phnom-Penh.

CANADA. Imprimeur de la Reine,

Ottawa, Ont. (S 3.00).

CHILI. Editorial Universitaria, S. A.,

Avenida B. O'Higgins 1058 casilla 10220

Santiago (pesos I.I00).

CONGO BELGE. Louis de Lannoy,22. Place de Brouckère, Bruxelles (Bel¬

gique). C.C.P. 3380,00.

DANEMARK. Ejnar Munksgaard Ltd'

6, Nörregade, Copenhague K. (Kr. I 2).

ESPAGNE. Pour le « Courrier de

l'Unesco » : Ediciones Iberoamericanas,

S.A., Pizarro 19, Madrid. (Pts 90).Autres publications : Libreria Científica

Medinaceli, Duque de Medinaceli, 4,Madrid.

ETATS-UNIS. Unesco Publications

Center, 801, Third Avenue, New York

22, N.Y. (S 3). et, sauf pour les pério¬

diques : Columbia University Press, 2960

Broadway, New York 27, N.Y.

FINLANDE. Akateeminen Kirjakauppa,2, Keskuskatu, Helsinki, (mk. 540).

FRANCE. Librairie Unesco, Place de

Fontenoy, Paris, C.C.P. 12.598-48.

Vente en gros : Unesco, Section des

Ventes. Place de Fontenoy, Paris (7e).(NF. 7.00).

GRÈCE. Librairie H. Kauffmann, 28,rue du Stade, Athènes.

HAITI. Librairie « A la Caravelle »,

36, rue Roux, B.P. I 1 I, Port-au-Prince.

HONGRIE. Kultura P. O. Box 149,

Budapest, 62.

INDE. Orient Longmans Private Ltd. :17 Chlttaranjan Avenue, Calcutta 13.

Indian Mercantile Chamber, Nicol Rd.,

Bombay I. 36a. Mount Road, Madras 2.

Gunfoundry Road, Hyderabad I, Kanson

House, 24/1 Asaf Ali Road, P. O. Box3 86, Nouvelle-Delhi.

IRAN. Commission nationale iranienne

pour l'Unesco, avenue du Musée, Téhéran.

IRLANDE. The National Press, 2 Wel¬

lington Road, Ballsbridge, Dublin (10/-).

ISRAEL. Blumstein's Bookstores. Ltd.,35, Allenby Road and 48, Nahlat BenjaminStreet, Tel-Aviv. ( I £ 4.-).

ITALIE. Libreria Commissionaria San-

soni. Via Gino Capponi 26, Casella Pos¬

tale 552, Florence, (lire 1.000).

JAPON. Maruzen Co Ltd., 6, Tori-

Nichome, Nihonbashi, P.O. Box 605

Tokyo Central, Tokyo (Yen 500).

LIBAN. Librairie Universelle, Avenue

des Français, Beyrouth.

LUXEMBOURG. Librairie Paul Brück,

33, Grand'Rue, Luxembourg.

MAROC. Bureau d'Etudes et de Parti¬

cipations Industrielles, 8, rue Michaux-

Bellaire, Boite postale 211, Rabat. (NF.

7.00).

MARTINIQUE. Librairie J. Bocage, 15,

Rue Ledru-Rollin, Fort-de-France. (NF.7.00).

MEXIQUE. E.D.I.A.P.S.A.. Libreria de

Cristal, Pérgola del Palacio de Bellas Artes,

Apartado Postal 8092, Mexique I.D. F.(pesos 17.60).

MONACO. British Library, 30, Bid deMoulins, Monte-Carlo (NF. 7.00).

NORVÈGE. A.S. Bokhjornet, Stortings-plass, 7, Oslo. (Kr. 1 0). .

NOUVELLE-CALÉDONIE. Reprex,Av. de la Victoire, Immeuble Paimbouc,

Nouméa (110 fr. CFP).

NOUVELLE-ZÉLANDE. Unesco Pu¬

blications Centre, 100, Hackthorne Road,

Christchurch. (10/).

PAYS-BAS. N.V. Martinus Nijhoff,

Lange Voorhout 9, La Haye. (fl. 6).

POLOGNE. Centre de Distribution des

Publications Scientifiques PAN, PalacKulcury Nauki, Varsovie, (zl. 50).

PORTUGAI Dias & Andrada Lda Livra-

ria Portugal, Rua do Carmo, 70 Lisbonne.

ROUMANIE. Cartimex, Str. Aristide-

Briand 14-18, P.O.B. 1 34- I 35. Bucarest.

ROYAUME-UNI.H. M. Stationery Office,

P.O. Box 569, Londres S.E.I. (10/-).

SUÈDE. A/B CE. Fritzes, Kungl. Hov-bokhandel, Fredsgatan 2, Stockholm, I 6,.Pour « Le Courrier » seulement : Svenska

Unescoradet Vasagatan 15-17, Stockholm,

C. (Kr. 7.50).

SUISSE. Europa Verlag, 5, Rämistrasse,

Zurich. C.C.P. Zürich VIII./23383.

Payot, 40, rue du Marché, Genève.

C.C.P. 1-236. (Fr. S. 6.50).

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30, Ve Smeckich, Prague 2.

TUNISIE. Victor Boukhors, 4, rue

Nocard, Tunis. (NF. 7.00).

TURQUIE. Librairie Hachette, 469,

Isciklal Caddesi, Beyoglu, Istanbul.

U.R.S.S. Mezhdunarodnaja Kniga, Mos¬cou, G-200.

URUGUAY. Unesco Centro de Coope¬ración Científica para America Latina,

Bulevar Artigas 1320-24, Casilla de

Correo 859, Montevideo. Oficinade Repre¬

sentación de Editoriales Plaza Cagancha

1342-1° piso Montevideo. (Pesos 10).

VIET-NAM. Librairie Papeterie Xuan-

Thu, 185-193, rue Tu-Do, B.P. 283,

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inscrits dans des établissements d'enseignementsupérieur de pays autres que le leur. Cela suffit àmontrer l'utilité de ce manuel, publié par l'Unesco,et à expliquer son grand succès. Le volume XI,qui vient de paraître, apporte les plus récentesinformations sur 90 000 bourses de types divers,offertes par des gouvernements, des universités,des fondations et autres institutions, dans I I I payset territoires. Un nouveau système de classementaide à trouver rapidement la réponse à toutes lesquestions : qui peut être candidat î quelles matièrespeut-on choisir ? où peut-on les étudier ? quel estle montant de chaque bourse î où faut-il s'adresseret quelles formalités doit-on remplir î Ce manuelest d'une valeur inestimable pour quiconque envi¬sage d'aller étudier à l'étranger; c'est un ouvragede référence indispensable à tous les centres d'infor¬mation, bibliothèques et universités; il constitueun instrument efficace pour le développement desrelations internationales dans le domaine de l'édu¬cation.

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UNE ANNEE

UNE RELIURE

De nombreux abonnés nous font

périodiquement part de leur désir deconserver sous reliure la collection du« Courrier de l'Unesco ». Nous leur

rappelons que nous tenons à leur dis¬position une reliure mobile et pratiquepouvant contenir les numéros d'uneannée entière. Le titre de la revue appa¬raît, au choix, en anglais, en françaisou en espagnol.

La reliure est fournie au prix de :600 Fr. fr., (ou 6 NF.) 12/6 (stg.)., $2.50.Pour la France, il suffit de virer cettesomme au CCP 12.598-48 Paris, en men¬tionnant l'objet de votre commande surle talon, et par retour vous recevrez lareliure. Pour les autres pays, veuillez vousadresser à notre dépositaire (liste ci-contre).

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