Anselm 2

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78 Rédemption et salut satisfaction chez Anselme n’est pas de nature punitive et ne requiert pas la peine de mort. Il s’agit plutôt d’une justice restau- ratrice 2 qui démontre l’amour et la justice tant pour l’offensé que pour l’offenseur. L’argumentation du texte : pourquoi Dieu s’est-il fait homme? Considérons premièrement l’argumentation d’Anselme. À la fin du XI e siècle, Anselme répond à la question que lui ont posée ses frères. Pourquoi Dieu a-t-il dû se faire homme et a-t-il dû souf- frir l’humiliation, la crucifixion et la mort pour apporter la vie au monde (I, 1) ? Certains interlocuteurs avaient de la peine à com- prendre cette exigence divine (I, 3). Cela semblait ternir l’image de Dieu. Anselme répond qu’il n’en est rien, mais qu’au contraire, cela l’honore (I, 3). Il démontre que le chemin passant par la croix était nécessaire pour notre rédemption. Le problème vient de ce que l’humanité a une dette envers Dieu. Elle ne lui a pas rendu ce qu’elle lui devait, à savoir son obéissance. « Ainsi donc quiconque pèche doit acquitter à Dieu l’honneur qu’il a ravi; et telle est la satisfaction que tout pécheur doit faire à Dieu » (I, 11, p. 345). Comment peut-on être juste si on ne rend pas à Dieu ce que l’on lui doit (I, 23-24) ? Anselme cons- tate que le péché ne peut être pardonné sans être puni, en l’absence d’une satisfaction; c’est-à-dire que le péché doit être réglé : « Il est nécessaire que tout péché soit suivi OU BIEN d’une satisfaction OU BIEN d’une peine » (I, 15, p. 355). En effet, ce que Dieu veut pour l’univers est sa restauration. Anselme donne l’illus- tration d’une perle qui tombe dans la boue. Il ne suffit pas de la récupérer, il faut aussi la laver avant de la replacer dans son écrin (I, 19). C’est la satisfaction qui est en jeu dans le texte d’Anselme et non la punition. La satisfaction est offerte volontairement par 2. Pour une introduction à la justice restauratrice, voir Howard Zehr, The Little Book of Restorative Justice, Intercourse, Good Books, 2002. Un résumé de ses thè- ses est accessible en langue française dans l’article de Claude Baecher, « Pour une éthique de la paix », dans Pour une éthique biblique, Les Dossiers de Christ Seul 3, 2005, Montbéliard, Éditions Mennonites, p. 21-60, surtout p. 45-49 (repris également dans la collection Dossier Vivre n° 22, Genève, Éditions Je Sème, 2004, textes du Congrès de AEPF 2004, p. 77-83).

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Anselm Canterbury

Transcript of Anselm 2

  • 78 Rdemption et salut

    satisfaction chez Anselme nest pas de nature punitive et nerequiert pas la peine de mort. Il sagit plutt dune justice restau-ratrice2 qui dmontre lamour et la justice tant pour loffens quepour loffenseur.

    Largumentation du texte : pourquoi Dieusest-il fait homme?

    Considrons premirement largumentation dAnselme. lafin du XIe sicle, Anselme rpond la question que lui ont poseses frres. Pourquoi Dieu a-t-il d se faire homme et a-t-il d souf-frir lhumiliation, la crucifixion et la mort pour apporter la vie aumonde (I, 1) ? Certains interlocuteurs avaient de la peine com-prendre cette exigence divine (I, 3). Cela semblait ternir limagede Dieu. Anselme rpond quil nen est rien, mais quau contraire,cela lhonore (I, 3). Il dmontre que le chemin passant par la croixtait ncessaire pour notre rdemption.

    Le problme vient de ce que lhumanit a une dette enversDieu. Elle ne lui a pas rendu ce quelle lui devait, savoir sonobissance. Ainsi donc quiconque pche doit acquitter Dieulhonneur quil a ravi; et telle est la satisfaction que tout pcheurdoit faire Dieu (I, 11, p. 345). Comment peut-on tre juste si onne rend pas Dieu ce que lon lui doit (I, 23-24) ? Anselme cons-tate que le pch ne peut tre pardonn sans tre puni, enlabsence dune satisfaction; cest--dire que le pch doit trergl : Il est ncessaire que tout pch soit suivi OU BIEN dunesatisfaction OU BIEN dune peine (I, 15, p. 355). En effet, ce queDieu veut pour lunivers est sa restauration. Anselme donne lillus-tration dune perle qui tombe dans la boue. Il ne suffit pas de larcuprer, il faut aussi la laver avant de la replacer dans son crin(I, 19).

    Cest la satisfaction qui est en jeu dans le texte dAnselme etnon la punition. La satisfaction est offerte volontairement par

    2. Pour une introduction la justice restauratrice, voir Howard Zehr, The LittleBook of Restorative Justice, Intercourse, Good Books, 2002. Un rsum de ses th-ses est accessible en langue franaise dans larticle de Claude Baecher, Pourune thique de la paix , dans Pour une thique biblique, Les Dossiers de ChristSeul 3, 2005, Montbliard, ditions Mennonites, p. 21-60, surtout p. 45-49(repris galement dans la collection Dossier Vivre n 22, Genve, ditions JeSme, 2004, textes du Congrs de AEPF 2004, p. 77-83).

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    Jsus (I, 9). En tant quhomme, membre de la famille humaine(II, 8), il a pu rendre, de la part de sa famille ce quelle devait Dieu. Mais cest uniquement en tant que Dieu que Jsus a de quoioffrir Dieu en guise de satisfaction (II, 6-7). Il na pas besoin demourir, car il est sans pch (II, 18). Ce quil rend Dieu, cesttoute sa vie, y compris sa mort qui est la consquence de son refusde dvier de la justice (II, 18).

    Il sagit l dune offrande qui mrite une rcompense. Peut-onalors parler dun sacrifice mtaphorique? Jsus sest librementoffert lui-mme au Pre, et si lon considre la Trinit, il sest offert lui-mme en mme temps; en outre, le Fils intercde pour nousauprs de son Pre (II, 18). Une telle offrande mrite une rcom-pense. Mais, tant Dieu, Jsus na besoin de rien. Lunivers entierlui appartient. Il est ds lors naturel que la rcompense soit don-ne la famille pour qui Jsus a accompli la satisfaction (II, 19). Lafamille reoit la vie quelle a perdue de par le pch.

    Interprtations, distorsions et objections

    Beaucoup de chrtiens ont interprt cette argumentationcomme tant celle de la relation de Dieu le Pre qui est juste, inca-pable de pardonner, et du Fils qui, lui, est plein de grce et trouveune manire de satisfaire lindignation violente du Pre. Parmi lestenants de cette interprtation, certains lacceptent et la diffusentlargement; dautres la rejettent. Il peut tre tentant de conclureque, chez Anselme, la justice prsuppose la punition et la rtribu-tion. Daprs cette interprtation, lamour vident de la part deJsus ne lest pas de la part de Dieu le Pre, qui nest pas capablede pardonner sans obtenir satisfaction par la mort dun innocent.De plus, le rle central du sacrifice du Christ dans le texte du CDHglorifierait une souffrance obissante et passive, ainsi que le sacri-fice de soi-mme.

    Adolf von Harnack a mis en vidence bien des problmes enrapport avec le CDH; daprs lui, le plus grand est le recours uneide mythologique de Dieu qui serait semblable un homme go-ste, courrouc par linjure commise lencontre de son honneuret qui ne renoncerait sa colre quen change dun quivalentdgale importance. Harnack trouvait que la pense dAnselmecontenait un antagonisme gnostique entre la justice et la bont, le

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    Pre tant le juste et le Fils incarnant la bont et dlivrant ainsilhumanit du courroux de Dieu3.

    Cette interprtation de von Harnack se trouve larrire-plande bon nombre de lectures contemporaines du CDH. Depuis,rgulirement, la notion de la justice anselmienne est dcrite,pour reprendre les mots de Hastings Rashdall, comme prsentantles ides barbares dun roi antique de Lombardie ou les termestechniques dun avocat de Lombardie 4. Gustave Auln, dansson uvre magistrale, a dnonc le fait que pour Anselme la dra-matique du salut ne soit pas intgralement luvre de Dieu, carcest Jsus en tant quhomme qui rend le paiement Dieu5. Selonla pense du thologien mennonite John Howard Yoder gale-ment, Anselme donne limpression que le pardon est acquis par lasatisfaction plutt que donn par grce. Certains estiment enfinque, puisque le paiement prend la forme dune mort innocente,Dieu exige ou justifie la violence. Dans son livre, The Nonviolent Ato-nement, un autre thologien mennonite, J. Denny Weaver, constateainsi que lide de la rconciliation chez Anselme ne conviendraitpas la pratique de la non-violence, puisque Anselme prtendraitque Dieu exige la violence. En effet, Anselme accepte le principedune justice punitive (rtributive), ce qui selon Weaver, implique-rait une violence implicite. Weaver galement a mal compris lanotion de justice chez Anselme, affirmant que pour ce dernier, laviolence de la justice est identifie la punition. Une expiationpar la satisfaction repose sur le prsuppos que faire justice signi-fie punir, quun mfait est contre-balanc par une violence6. Dans la mme logique, Timothy Gorringe accuse Anselme davoirtransmis lglise occidentale une notion distributive de la justice

    3. Adolf von Harnack, Histoire des dogmes, Paris, Cerf, 1993 (cf. History of DogmaVI, trad. Neil Buchanan, New York, Dover Publications, 1961, p. 77-78).

    4. Hastings Rashdall, The Idea of Atonement in Christian Theology, Londres, Mac-millan, 1920, p. 355.

    5. Gustave Auln, Le triomphe du Christ, trad. du sudois par G. Hoffmann-Sigel,Foi vivante 124, Paris, Aubier-Montaigne, 1970; John Howard Yoder, Preface toTheology. Christology and Theological Method, Grand Rapids, Brazos Press, 2002.

    6. J. Denny Weaver, The Nonviolent Atonement, Grand Rapids, Eerdmans, 2001,p. 212, 225 : Satisfaction atonement depends on the assumption that doingjustice means to punish, that a wrong deed is balanced by violence. Voir aussiDarby Kathleen Ray, Deceiving the Devil. Atonement, Abuse and Ransom, Cleveland,Pilgrim Press, 1998; Joanne Carlson Brown & Rebecca Parker, For God SoLoved the World? , dans Joanne Carlson Brown et Carole R. Bohn (sous dir.),Christianity, Patriarchy & Abuse. A Feminist Critique, New York, Pilgrim Press, 1989.

  • Le salut par la satisfaction 81

    en lien avec la croix7. (La justice distributive est diffrente de lajustice restauratrice, en ce que la premire repose sur lide quechaque pch et chaque crime doivent tre punis. Par contre, lajustice restauratrice a pour but la restauration des relations au seinde la communaut ou de la socit. Le chtiment peut certes jouerun rle dans une justice de type restauratrice, mais il nest pas lebut final de cette justice8.)

    Limage dun Dieu juridique, qui punit, qui sanctionne la vio-lence et qui ne pardonne pas sans tre pay est peu exploitablepour laborer une doctrine de lamour de Dieu au XXIe sicle. Ellene rpond pas aux soucis lgitimes des mouvements recherchantla libration de ce qui rend esclave ou ltablissement dune paixdurable, dune justice restauratrice ou lintgrit de la cration. Laquestion quil faut se poser est la suivante : limage de Dieu prsen-te dans le texte dAnselme correspond-il ce tableau?

    Lamour de Dieu vident dans sa justice restauratrice affectelintgrit de la cration.

    Force est de constater que les tudes anselmiennes des 60 der-nires annes brossent un portrait bien diffrent de celui de vonHarnack et dAuln. Ce portrait rvle que cette notion de satisfac-tion si dcrie est prcisment lalternative misricordieuse et res-tauratrice la punition. Il sagit dune justice restauratrice, pluttque dune justice distributive. Cette interprtation souligne le faitque lhonneur de Dieu et lordre ou le bien-tre de la cration nepeuvent tre dissocis : il y a correspondance entre la justice et lamisricorde de Dieu. Cette interprtation est fonde sur la doc-trine de la Trinit, sur le fait que Jsus partage notre humanit,tant de notre race et de notre famille, et sur le fait que Jsus estaussi Dieu. Selon cette interprtation, Dieu ne peut tout simple-ment pas pardonner le pch sans satisfaction, parce que cela pas-serait sous silence ceux et celles qui ont t victimes et mettrait levoile sur la dformation que loffense a fait subir la cration.

    Anselme parle de lordre de lunivers, qui est la rectitude, la jus-tice de Dieu. Il crit : Rien nest plus juste (quand) la justice sur-

    7. Timothy Gorringe, Gods Just Vengeance, Cambridge, Cambridge UniversityPress, 1996, p. 224s.

    8. Voir les orientations de cette justice dans Howard Zehr, op. cit., p. 37ss etClaude Baecher, Pour une thique de la paix , Dossier Vivre 22, op. cit.,p. 80-82 ou Les Dossiers de Christ Seul 3, op. cit., p. 47-48.

  • 82 Rdemption et salut

    minente, qui nest autre que Dieu mme, garde son honneur dansla disposition des choses (I, 13). La rectitude et la justice englo-bent la cration et les relations selon cet ordre. Labsence de jus-tice est pour Anselme le problme fondamental rendantncessaire lexpiation. Lexpiation est la restauration de cette jus-tice, de cet ordre9. La justice selon Anselme nest pas uniquementdordre juridique, lgal ou distributif, mais galement dordre res-taurateur, afin de restaurer lordre ou le bien-tre de la crationentire. Cette justice ne soppose en aucun cas la misricorde. Lajustice divine exige la restauration des relations, qui inclut ladfense des victimes et le pardon des offenseurs.

    Si largumentation dAnselme a pu paratre lgaliste ou juridi-que, cest cause dune dfinition moderne et restreinte de la jus-tice, limite la rcompense ou la punition10. Robert Crouseaffirme que, selon Anselme, la justice a son origine en Dieu,concerne lordre entier de la cration, ainsi que toute relationentre lhumanit et Dieu, entre les tres humains et mme ce quiest intrieur ceux-ci11. Cette dfinition sinscrit dans la traditionchrtienne. Daprs Crouse, elle rejoint galement la comprhen-sion hbraque selon laquelle la justice de Dieu est au centre de lafoi, sexprimant ncessairement dans lordre de la cration. La jus-tice humaine se trouve dans une relation approprie avec Dieu12.Au chapitre I, 13 du CDH, la justice ou lordre universel exige la

    9. Au sujet de la rectitude chez Anselme : Robert Pouchet, OSB, La Rectitudo chezsaint Anselme. Un itinraire augustinien de lme Dieu, Paris, tudes Augustinien-nes, 1964, p. 168. Sur la rectitude, voir aussi John R. Sheets, Justice in theMoral Thought of St. Anselm , The Modern Schoolman 25, 1948, p. 132. Sur lajustice, voir Sheets traduit du trait dAnselme Dialogus de Veritate, 13 (Patrolo-gia Latina, CLVIII, 482), p. 132. George S. Heyer Jr, Rectitudo in the Theologyof St. Anselm , thse de doctorat, Yale University, 1963, p. 6.

    10. Joseph Komonchak, Redemptive Justice : An Interpretation of the Cur DeusHomo , dans The Dunwoodie Review, vol. 12, 1972, p. 42.

    11. Robert Crouse, The Augustinian Background of St. Anselms Concept ofJustitia , Canadian Journal of Theology, vol. IV, 1958, n 2, p. 114.

    12. Robert Crouse, op. cit, p. 114-115. Pouchet admet aussi que, dune certainefaon, le langage dAnselme est juridique. Mais cet aspect est prsent danslvangile. Il mentionne en particulier certaines paraboles et le Notre Pre qui parlent du paiement des dettes. Robert Pouchet, op. cit., p. 168. Voir aussiKatherin Rogers, au sujet des images et du langage de type financier utilisspour dcrire le salut dans le Nouveau Testament : Katherin Rogers, InDefense of Anselms Cur Deus Homo Argument , expos non publi et pr-sent au Saint Anselm College, janvier 2000, p. 16.

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    restauration des relations entre les cratures et le Crateur.Anselme parle de la crature qui doit rembourser le Crateur, afinde prserver lhonneur de Dieu (I, 13). Il est important de biencomprendre ce que signifie lhonneur de Dieu. Nous verrons quececi comprend cet ordre universel dont parlent Crouse et dautresauteurs.

    1. La justice exige la satisfactionJoseph E. Komonchak dsigne la justice chez Anselme comme

    une justice rdemptrice . Dans son Proslogion, Anselme expliqueque Dieu est juste de deux faons. Il est juste en punissant les mal-faiteurs qui lont mrit, mais, dans sa bont, il lest galement entant misricordieux envers eux13. Tout ce que Dieu veut est juste,car sa volont dfinit la justice. Mais cette volont nest pas capri-cieuse14. Elle maintient lordre de la cration.

    Alister McGrath a galement voqu ces deux ides diffrentesde la justice que nous reprenons ici. Si la justice tait la lex talionisqui rend chacun et chacune ce quil ou elle mrite, il ne seraitpas possible de comprendre la rdemption de lhumanit commeun acte juste15. Dailleurs, pour Anselme, la justice divinedemande la rdemption ou la restauration de lhumanit. Nouspouvons ds lors faire la distinction entre la justice surminente deDieu et une justice limite des tres humains. Cette justicehumaine limite ne peut englober la grce, de la mme manireque la justice surminente, conclut McGrath16. Hunter Brown faitgalement remarquer que la justice est complexe chez Anselme etquelle comprend la misricorde et lintgrit ou le bien-tre detoute la cration17.

    La comprhension du CDH, selon laquelle le pch exige ou lasatisfaction ou le chtiment, dmontre que la justice, pourAnselme, nest pas seulement la rtribution. Le fait que la satisfac-

    13. Joseph E. Komonchak, op. cit., p. 41.14. Ibid., p. 42. 15. Alister E. McGrath, Rectitude : The Moral Foundation of Anselm of Canter-

    burys Soteriology , dans The Downside Review 99, juillet 1981, p. 210.16. Ibid., p. 208.17. Hunter Brown, Anselms Cur Deus Homo Revisited , glise et Thologie 25,

    1994, p. 190-192.

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    tion soit choisie au lieu de la punition indique quil sagit dunejustice restauratrice et non distributive. On peut dire que le pchne peut tout simplement pas tre remis, car il sagirait dune trahi-son des victimes18. ces deux possibilits, punition ou pardon sanspaiement ni restitution19, sen ajoute une troisime, la restaura-tion, la rparation ou le paiement. Cest ce quAnselme appelle lasatisfaction. La satisfaction doit tre rendue Dieu (mais aussi auxvictimes et la cration qui est comprise comme tant lhonneurde Dieu). La satisfaction est ncessaire, car lautre option, la puni-tion, nest pas possible. La justice de Dieu ne dsire pas la destruc-tion de la cration, mais son bien-tre, lordre de sa cration et desaines relations entre les cratures et le Crateur. Il ne seyait pasque ft compltement annihil ce que Dieu stait propos pourlhomme (I, 4)20.

    2. Lhonneur de Dieu est lintgrit de la crationCette justice divine est insparable de lintgrit de la cration,

    et Anselme exprime ceci par la notion dhonneur de Dieu. PourAnselme, Dieu agit selon la justice, ce qui correspond sa naturemme21. En ce qui concerne le rapport entre les tres humains etla justice, il ne sagit pas dune soumission une volont divineimpntrable, mais dune conformation lordre de lunivers

    18. La justice restauratrice prend en compte avec srieux la fois les droits des vic-times et les responsabilits des offenseurs pour la rparation. Howard Zehr,op. cit., p. 9.

    19. Au sujet du pch, de la culpabilit et de la satisfaction, voir David Neelands, Anselms Novel Account of Human Sin , expos non publi et prsent laSaint Anselm Conference, Saint Anselm College, Manchester, New Hampshire,avril 2000.

    20. Voir G. Shngen, Rectitudo bei Anselm von Canterbury als Oberbegriff vonWahrheit und Gerechtigkeit , dans H.K. Kohlenberger (sous dir.), SolaRatione. Anselm-Studien fr Pater Dr. h. c. Franciscus Salesius Schmitt OSB zum 75.Geburtstag am 20. Dezember 1969, Stuttgart, F. Frommann, 1970, p. 71-77. Il critque chez Anselme rectitudo inclut la vrit et la justice; que parler de satisfaction relevait de la thologie morale (Theologie des Rechts), concluantque la misricorde qui ne serait pas base sur la justice serait une sympathie bon march . Cf. Hans-Jrgen Verweyen, Die Einheit von Gerechtigkeitund Barmherzigkeit bei Anselm von Canterbury , dans Internationale katholis-che Zeitschrift 14,1, 1985, p. 52-55. Daprs Verweyen, Anselme a t mal com-pris par von Harnack, commencer par une confusion autour du mot deberequi est prsent dans le CDH I, 11.

    21. Eugene Fairweather, Iustitia Dei as the ratio of the Incarnation , Spicile-gium Beccense, I, 1959, p. 330.