Analyse risque – bénéfice de la consommation de poissons

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Cahiers de nutrition et de diététique (2009) 44, 182—188 ALIMENTS Analyse risque — bénéfice de la consommation de poissons Risk—benefit analysis of fish consumption Jean-Charles Leblanc , Véronique Sirot , Jean-Luc Volatier Afssa/DERNS-PASER, 27—31, avenue du Général-Leclerc, 94701 Maisons Alfort, France Rec ¸u le 28 mai 2009 ; accepté le 18 juin 2009 Disponible sur Internet le 8 aoˆ ut 2009 MOTS CLÉS Risque ; Bénéfice ; Consommation alimentaire Résumé L’analyse risque—bénéfice de la consommation alimentaire repose souvent sur des méthodes semi-quantitatives. Les apports de nutriments sont comparés aux apports nutrition- nels conseillés, les expositions aux contaminants sont comparées aux valeurs toxicologiques de référence. Ces méthodes, bien que permettant d’orienter les recommandations de consom- mation, ne permettent pas d’évaluer les impacts sanitaires de l’alimentation. Les approches quantitatives, utilisant des indices de qualité de vie comme le quality adjusted life year (QALY) ou le disability adjusted life year (DALY), encore au stade de recherche, sont peu utilisées. Issues de l’économie de la médecine, elles évaluent dans une même métrique les risques et bénéfices associés à une consommation alimentaire, aux apports nutritionnels et aux exposi- tions associées, en utilisant des relations doses—réponses. Le poisson se prête bien à ce type d’analyse, par sa richesse en acides gras essentiels et certains contaminants, ses effets cardio- vasculaires et sur le système nerveux central. Quelques résultats préliminaires sont présentés dans ce travail. © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Risk; Benefit; Dietary consumption Summary The risk—benefit analysis of dietary consumption is often based on semi- quantitative methods. The nutrient intakes are compared with nutritional recommended intakes, the exposures to contaminants are compared with health-based guidance values. Although these approaches allow to adjust the dietary recommendations, they do not allow to assess the health impacts of the diet. The quantitative approaches use life quality indexes such as the Quality Adjusted Life Year (QALY) or the Disability Adjusted Life Year (DALY). These tools, which are still in development, are not frequently used. These approaches come from the health economy area. The principle is to assess in a common metric both risks and benefits Texte issu d’une conférence donnée par Jean Charles Leblanc à l’institut franc ¸ais pour la Nutrition. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J.-C. Leblanc). 0007-9960/$ — see front matter © 2009 Société franc ¸aise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.cnd.2009.06.004

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Jean-Charles Leblanc ∗, Véronique Sirot,Jean-Luc Volatier

Afssa/DERNS-PASER, 27—31, avenue du Général-Leclerc, 94701 Maisons Alfort, France

Recu le 28 mai 2009 ; accepté le 18 juin 2009Disponible sur Internet le 8 aout 2009

MOTS CLÉSRisque ;Bénéfice ;Consommationalimentaire

Résumé L’analyse risque—bénéfice de la consommation alimentaire repose souvent sur desméthodes semi-quantitatives. Les apports de nutriments sont comparés aux apports nutrition-nels conseillés, les expositions aux contaminants sont comparées aux valeurs toxicologiques deréférence. Ces méthodes, bien que permettant d’orienter les recommandations de consom-mation, ne permettent pas d’évaluer les impacts sanitaires de l’alimentation. Les approchesquantitatives, utilisant des indices de qualité de vie comme le quality adjusted life year (QALY)ou le disability adjusted life year (DALY), encore au stade de recherche, sont peu utilisées.Issues de l’économie de la médecine, elles évaluent dans une même métrique les risques etbénéfices associés à une consommation alimentaire, aux apports nutritionnels et aux exposi-tions associées, en utilisant des relations doses—réponses. Le poisson se prête bien à ce typed’analyse, par sa richesse en acides gras essentiels et certains contaminants, ses effets cardio-vasculaires et sur le système nerveux central. Quelques résultats préliminaires sont présentésdans ce travail.© 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSRisk;Benefit;Dietary consumption

Summary The risk—benefit analysis of dietary consumption is often based on semi-quantitative methods. The nutrient intakes are compared with nutritional recommendedintakes, the exposures to contaminants are compared with health-based guidance values.Although these approaches allow to adjust the dietary recommendations, they do not allowto assess the health impacts of the diet. The quantitative approaches use life quality indexessuch as the Quality Adjusted Life Year (QALY) or the Disability Adjusted Life Year (DALY). Thesetools, which are still in development, are not frequently used. These approaches come fromthe health economy area. The principle is to assess in a common metric both risks and benefits

� Texte issu d’une conférence donnée par Jean Charles Leblanc à l’institut francais pour la Nutrition.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (J.-C. Leblanc).

007-9960/$ — see front matter © 2009 Société francaise de nutrition. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.cnd.2009.06.004

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Analyse risque — bénéfice de la consommation de poissons

related to consumption, nurelationships. Fish producessential fatty acid contecular health and nervousarticle.© 2009 Société francaise de

Introduction

L’analyse de risque habituellement menée ne nécessite pasd’évaluation risque—bénéfice, car la fixation de normes per-met de n’atteindre qu’un risque négligeable, voire nul,compte tenu des connaissances scientifiques disponibles àun moment donné. L’analyse risque—bénéfice n’intervientdonc que lorsque l’application de normes présente deslimites, en particulier quand la contamination des denréesn’est pas contrôlable a priori, ce qui est le cas des conta-minants environnementaux tels que le mercure pour lespoissons sauvages par exemple.

Cela explique que l’analyse risque—bénéfice nes’applique dans le domaine alimentaire qu’à un trèspetit nombre de cas.

Néanmoins il existe au niveau européen [1] et inter-national [2] un consensus général qui consiste à soutenirqu’une analyse risque—bénéfice devrait suivre le para-digme déjà bien établi pour l’analyse des risques, et quiconsiste en une approche de la problématique en troisétapes que sont : une évaluation du risque—bénéfice, unegestion du risque—bénéfice et une communication sur lerisque—bénéfice.

En suivant cette démarche, l’évaluation du risque et dubénéfice s’appuie sur trois étapes que sont l’identificationdu danger et du bénéfice, la caractérisation du danger et dubénéfice, l’évaluation de l’exposition. Dans le meilleur descas, le risque et le bénéfice devraient être quantifiés si pos-sible pour permettre une comparaison du risque potentielau regard du bénéfice potentiel évalué.

Le cadre étant posé, la question d’initier une analyserisque—bénéfice doit être posée au cas par cas. La déci-sion doit être fondée et justifiée. Une des raisons de la miseen œuvre d’une telle analyse est d’aider le gestionnaire durisque dans sa prise de décision pour assurer la protectiondes consommateurs. En effet, les mesures réglementairesprises sous le seul angle du risque toxicologique peuventavoir un impact sur la disponibilité d’un aliment donné, tan-dis que les conséquences nutritionnelles de ne pas mangercet aliment peuvent représenter un risque plus importantque le risque toxicologique évalué initialement.

Méthodologie

Aux deux étapes classiques de quantification des expositionset des impacts sanitaires, s’ajoute la traduction dans unemétrique commune des risques et des bénéfices. Actuel-lement, peu d’outils méthodologiques permettent cetteestimation simultanée. Certains outils ont été développéspour l’économie de la santé et sont utilisés en médecineet en pharmacologie pour l’évaluation de nouveaux traite-ments. Ces méthodes utilisent les indices de qualité de vieliés à la santé de type quality adjusted life years (QALY)et disability adjusted life years (DALY). Le QALY mesure le

183

t intakes and contaminant exposures, through dose—responsea good example for such analysis, because of its high

nd contaminant level, for which the impact on cardiovas-em are well known. Some results are presented in this

rition. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

temps de vie passé en bonne santé pour une exposition don-née ou pour un changement de niveau d’exposition. Le DALYquant à lui mesure la perte d’espérance de vie liée à unepathologie, pour une exposition donnée. L’utilisation de cesméthodes nécessite d’avoir des données de bonne qualité,permettant d’établir une évaluation de la dose—réponse surun effet risque—bénéfice santé. Aussi des données d’étudesd’observation ou d’intervention chez l’homme sont-ellesnécessaires, ou encore des données d’expérimentation chezl’animal si elles sont pertinentes pour une extrapolationà l’homme, ainsi que des données fiables sur les niveauxd’exposition des populations cibles.

De fait, les méthodes actuelles couramment utiliséespour évaluer le risque—bénéfice santé sont dites « semi-quantitative », car elles ne fournissent pas une vraiequantification du risque ou du bénéfice santé. En effet,l’évaluation du risque et du bénéfice est réalisée de lafacon dont le font les nutritionnistes et les toxicologues,en comparant les expositions et les apports des consom-mateurs avec des référentiels toxicologiques (DJA, DJT) etnutritionnels (ANC) qui prennent en compte des facteurs desécurité. Or, dans le cas d’une analyse quantifiée conjointedu risque et du bénéfice, il est nécessaire de s’appuyercomme évoqué précédemment sur des doses—réponses etdes données sur des groupes de populations identiques. Cesdonnées étant malheureusement rares, la grande majoritédes études actuelles évaluent séparément, et donc dans desunités de mesure différentes, les risques sanitaires et lesbénéfices nutritionnels liés à la consommation.

Le poisson est un aliment propice à ce type d’analyse

combinée, de par la dualité entre le bénéfice nutrition-nel et le risque toxicologique liés à la consommation decet aliment. Le poisson représente la source majoritairenaturelle (95 %) des dérivés d’AGPI-LC n-3 (acide eicosapen-taenoïque (EPA) et acide docosahexaenoïque (DHA)) [3,4].Il est également une source majoritaire d’exposition à cer-tains contaminants alimentaires tels que le mercure (90 %)[5], les dioxines et les polychlorobiphényles (PCB) (> 50 %)[6—8].

Depuis plusieurs années, des recommandations alimen-taires ont été publiées dans le cadre du plan nationalnutrition santé (PNNS) pour les consommations de fruits etlégumes, de produits laitiers et de poissons, en s’appuyantprincipalement sur des critères nutritionnels. Depuis 2003,l’Afssa, sur la base des différents travaux réalisés parses comités d’expertise, a rendu plusieurs avis succes-sifs relatifs à la thématique poisson/risque méthylmercure[9,10] (MeHg) et poisson/dioxines et PCB [8,11]. Les recom-mandations de consommation ont été nuancées pour lespopulations sensibles que sont les femmes enceintes et allai-tantes, ainsi que les jeunes enfants :

• « éviter la consommation d’espadon, de marlin et de sikiet ne pas consommer plus d’une portion de poissonsprédateurs sauvages par semaine, en plus de leur consom-mation habituelle de poissons non prédateurs » ;

1 J.-C. Leblanc et al.

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Et

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84

« éviter, à titre de précaution, une consommation exclu-sive de poissons dits gras provenant des zones de pêcheles plus contaminées en PCB »

Ces avis ont été rendus en s’assurant de leur compa-ibilité avec les recommandations faites à la populationénérale : « consommer du poisson au moins deux fois paremaine en diversifiant les espèces sans oublier les poissonsras ».

xemple d’analyse risque—bénéfice deype « semi quantitative »

armi les travaux récents, une approche probabiliste a étéroposée dans le cadre d’un travail conjoint entre l’Afssa ete département de santé publique de l’université de Gand en007 [12], dont une partie a été publiée en 2008 par Sioen etl [13]. L’intérêt de ces travaux réside dans l’utilisation de

onnées francaises sur les forts consommateurs de poissonétude Calipso) [14] et des données Inca 99 représentativeses consommations de la population francaise [15].

Dans cette analyse, à la différence des études habituellesonsistant en une approche déterministe pour les donnéese composition et de contamination, toute la variabilité desonnées de composition et de contamination est utilisée.es simulations probabilistes des apports et des exposi-ions sont réalisées par un tirage aléatoire des donnéese consommation et de composition/contamination dispo-ibles.

Pour les deux populations étudiées (forts consommateurst population générale), les résultats sont présentés dans lesig. 1 à 4 par contaminant. Pour standardiser l’exposition,’apport en EPA et DHA est divisé par l’apport conseillé par’International Society for the Study of Fatty Acids and LipidsISSFAL) de 500 mg/jour [16]. De même l’exposition au MeHgst divisée par la dose hebdomadaire tolérable provisoireDHTP) du Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Addi-ives (JECFA), soit 1,6 �g/kg de poids corporel/semaine, et’exposition aux dioxines et PCB de type dioxine (PCB-DL),xprimée en total TEQ, est divisée par la DHTP du JECFA de4 pg/kg pc/semaine. Les Fig. 1 à 4 montrent ainsi la rela-ion entre l’exposition à un contaminant et l’apport en EPAt DHA par la consommation de produits de mer.

igure 1. Exposition en MeHg divisée par la DHTP (1,6 �g/kgc/semaine) en relation avec l’apport en EPA + DHA divisé par’apport conseillé (500 mg/jour) pour la population Calipso (extraite Sioen, 2007) [12].

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e•

Fpld

igure 2. Exposition en MeHg divisée par la DHTP (1,6 �g/kgc/semaine) en relation avec l’apport en EPA + DHA divisé par’apport conseillé (500 mg/jour) pour les adultes consommateurse produits de la mer de l’étude Inca (extrait de Sioen, 2007) [12].

igure 3. Exposition en total TEQ divisée par la DHTP (14 pg/kgc/semaine) en relation avec l’apport en EPA + DHA divisé par’apport conseillé (500 mg/jour) pour la population Calipso (extraite Sioen, 2007) [12].

Cette analyse graphique permet de classer les individusn quatre groupes par type de risque—bénéfice évalué :population présentant des apports suffisants en EPA etDHA et sans risque vis-à-vis du contaminant étudié ;population présentant des apports suffisants en EPA etDHA et à risque vis-à-vis du contaminant étudié ;

igure 4. Exposition en total TEQ divisée par la DHTP (14 pg/kgc/semaine) en relation avec l’apport en EPA + DHA divisé par’apport conseillé (500 mg/jour) pour les adultes consommateurse produits de la mer de l’étude Inca (extrait de Sioen, 2007) [12].

Analyse risque — bénéfice de la consommation de poissons

• population présentant des apports insuffisants en EPA etDHA et sans risque vis-à-vis du contaminant étudié ;

• population présentant des apports insuffisants en EPA etDHA et à risque vis-à-vis du contaminant étudié.

Concernant l’exposition au MeHg, les résultats montrentque 43,4 % des forts consommateurs (étude Calipso)dépassent la DHTP, en ne tenant compte que des produitsde mer. Pour le total TEQ, 64,3 % dépassent la DHTP. Enparallèle, 79,2 % atteignent l’apport conseillé pour l’EPA etDHA.

Pour les individus de l’étude Inca, seulement 5,9 %dépassent la DHTP pour le MeHg et 15,2 % dépassent la

DHTP pour le total TEQ, uniquement à travers leurs consom-mations de produits de la mer. En parallèle, seuls 23,6 %atteignent l’apport conseillé pour l’EPA et DHA, ce quiindique que leur consommation de produits de la mer estassez faible ou qu’ils s’orientent préférentiellement sur despoissons maigres.

Les individus qui se trouvent dans la meilleure situationsont ceux qui atteignent l’apport conseillé pour l’EPA etDHA, sans dépasser la DHTP pour les contaminants consi-dérés (groupe 1 sur les Fig. 1 à 4). Cela concerne seulement37,1 et 19,8 % de la population des études Calipso et Incarespectivement, pour les relations EPA et DHA, et MeHg. Cesfigures montrent qu’il y a une plus forte corrélation entrel’apport en EPA et DHA et le total TEQ qu’entre l’apporten EPA et DHA et le MeHg ce que les résultats de l’étudeCalipso avaient montré. Plus les poissons sont gras, plus ilssont riches en oméga 3, et plus ils sont riches en polluantsorganiques persistants qui se concentrent dans la matièregrasse des poissons.

Une analyse plus détaillée des données et résultats del’étude Calipso indique qu’il existe chez les forts consomma-teurs une relation entre l’exposition au MeHg et une fortepart de poissons prédateurs dans la consommation totale(en moyenne de 23 %). En outre, il existe une relation entrel’exposition au total TEQ et un pourcentage relatif élevé despoissons gras dans la consommation (en moyenne de 15 %).

Tableau 1 Consommations de la population de base (extrait

Moyenne

Âge (années) 44

Poids (kg) 66

MeHg (�g/kg pc/sem) 0,8

EPA (mg/j) 141

DHA (mg/j) 251

EPA-DHA (mg/j) 392

Total poissons (g/sem) 334

Portionsa (nb/sem) 3,3

Poissons grasb (g/sem) 37

Poissons semi-grasc (g/sem) 55

Poissons maigresd (g/sem) 242a Une portion = 100 g.b Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est supérieure à 5c Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est comprise entred Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est inférieure à 1 %DHA : acide docosahexaenoïque ; EPA : acide eicosapentaenoïque ; MeH

185

L’enseignement de l’étude Calipso [14] et des travaux deSioen et al., 2008 [13] permettent de relever :• qu’aucun produit de la mer ne cumule l’ensemble des

contaminants à de fortes teneurs ;• que les espèces marines différant par leur habitat, leur

comportement alimentaire, leur âge et leur taille aumoment de la pêche, leur physiologie et leur compositionnutritionnelle, le risque—bénéfice dépend non seulementde la quantité consommée, mais aussi du choix desespèces et de leurs origines ;

• que les poissons riches en oméga 3 à longues chaînes et enpolluants organiques persistants sont souvent les mêmes(poissons gras tels que le saumon, flétan, maquereau, sar-

dine, dorade) ;

• que la couverture des besoins nutritionnels en oméga3 à longues chaînes est facilement atteinte par laseule consommation de poissons au moins deux fois parsemaine, dont un gras.

Exemple du QALY comme outil d’analyserisque—bénéfice

Le QALY est un indice de « qualité de vie », qui pondèrela durée passée dans un état de santé donné par une« utilité » ou « préférence », associé à cet état de santé[17,18]. L’exemple de la consommation de poissons consti-tue sans doute un des meilleurs exemples d’application demodèles utilisant le QALY comme métrique commune pourmesurer à la fois les risques et les bénéfices santé liés à saconsommation.

Une application francaise a été réalisée par Guével etal. [19], se présentant pour partie comme une analysede sensibilité des travaux de Cohen et al. (2005) [20],et portant sur les données de l’étude Calipso [14,3,5,4].L’objectif était de mesurer l’impact d’un passage d’uneconsommation de poisson moyenne (2 fois par semaine, cor-respondant à la médiane de consommation de l’enquête Inca

de Guével et al., 2008) [19].

Médiane Minimum Maximum

42 18 80

65 35 128

0,7 0,1 3,7

140 29 252

260 66 385

405 105 561

293 39 1486

2,9 0,4 14,9

30 0 314

37,5 0 428

200 0 1400

%.1 et 5 %..g : méthylmercure.

186 J.-C. Leblanc et al.

Tableau 2 Consommations de la population cible (extrait de Guével et al., 2008) [19].

9(dàddclafim

Moyenne

Âge (années) 47

Poids (kg) 69

MeHg (�g/kg pc/sem) 2,6

EPA (mg/j) 991

DHA (mg/j) 1709

EPA-DHA (mg/j) 2700

Total poissons (g/sem) 1104a

Portions (nb/sem) 11

Poissons grasb (g/sem) 429

Poissons semi-grasc (g/sem) 134

Poissons maigresd (g/sem) 581a Une portion = 100 g.b Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est supérieure à 5 %c Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est comprise entred Poissons pour lesquels la teneur en lipides totaux est inférieure à 1 %DHA : acide docosahexaenoïque ; EPA : acide eicosapentaenoïque ; MeH

9 d’environ 300 g, Tableau 1) à une forte consommation11 fois par semaine, correspondant à une consommation’environ 1100 g, Tableau 2). Les calculs ont été réalisésl’échelle de la population francaise adulte (utilisation

es données de mortalité, de morbidité et de natalitée la France), en considérant que cette population a uneonsommation de produits de la mer similaire à celle dea population du premier quintile de l’étude Calipso. Lesspects étudiés étaient limités, d’une part, aux effets béné-ques des oméga 3 à longue chaîne sur la mortalité due auxaladies coronariennes, sur la morbidité et la mortalité des

asadtàml

ms

Tableau 3 Résultats (en QALY) du scénario mesurant les impaà une consommation élevée (extrait de Guével et al., 2008) [1

Dose-réponseexponentielle —oméga 3

IC à 95 % Dose—log-linoméga

Maladies coronariennes,mortalité

102 505 [99 226 —99 587]

46 892

Attaques vasculairescérébrales, mortalité

62 845 [36 384 —64 682]

15 706

Attaques vasculairescérébrales, morbidité

114 475 [66 962 —117 532]

28 701

Système circulatoire,net

279 825 [202 572 —403 458]

91 299

Système nerveux central,DHA

209 299 [128 799 —289 798]

209 29

Système nerveux central,méthylmercure

—203 350 [—435 751 — 0] —203 3

Système nerveux central,net

5949 [—306 952 —289 798]

5949

Total 285 774 [—104 380 —693 256]

97 248

Médiane Minimum Maximum

47 19 86

67 5 115

2 0,5 10,3

858 544 4097

1434 923 6502

2324 1687 10 599

995 280 3130

9,9 2,8 31,3

360 0 2388

95 0 980

494 38 2000

.1 et 5 %..g : méthylmercure.

ttaques vasculaires cérébrales et sur le développement duystème nerveux central des jeunes enfants et, d’autre part,ux effets néfastes du méthylmercure sur le développementu système nerveux central de l’enfant. Trois types de rela-ions dose—réponse ont été testés, liant l’apport en oméga 3longue chaîne ou le nombre de portions de poisson consom-ées au risque relatif des maladies du système circulatoire :

inéaire, logarithmique ou exponentielle.Le passage d’une consommation moyenne à une consom-

ation forte de poisson semble avoir un impact positifur la qualité de vie globale de la population (Tableau 3).

cts du passage d’une consommation de poisson moyenne9].réponseéaire —3

IC à 95 % Dose—réponselinéaire —poisson

IC à 95 %

[25 270 —56 130]

58 303 [16 444 —98 667]

[1067 —32 533]

19 081 [25 759 —62 967]

[1950 —59 451]

33 467 [45 180 —110 439]

[28 287 —148 114]

110 851 [87 383 —272 073]

9 [128 799 —289 798]

209 299 [128 799 —289 798]

50 [—435 751 — 0] —203 350 [—435 751 — 0]

[—306 952 —289 798]

5949 [—306 952 —289 798]

[—278 665 —437 912]

116 800 [—219 569 —561 871]

Analyse risque — bénéfice de la consommation de poissons

En effet, on observe toujours un gain net d’années devie en bonne santé (QALY) quelle que soit la relationdose—réponse utilisée : le bénéfice est supérieur au risque.Au niveau du système nerveux central, l’effet global estlégèrement positif. L’effet positif des oméga 3 à longuechaîne serait donc plus important que l’effet négatif duméthylmercure pour les niveaux d’apport et d’expositionétudiés, et sur les aspects étudiés uniquement. Ces résul-tats sont néanmoins à relativiser au regard des intervallesde confiance, qui sont très larges. En outre, l’intervallede confiance total présente une borne négative, ce quisignifie que le changement de consommation n’est pasnécessairement bénéfique pour tous les individus. Ce tra-vail, qui n’est qu’une première approche, a notammentpermis de mettre en évidence un certain nombre de limitesrelatives à la métrique employée. La première concernela détermination des relations de doses—réponses utili-sées dans le modèle et dont dépendent les résultats. Ladeuxième limite, éthique, porte sur l’origine économiquedu QALY et le concept des « préférences individuelles ».Enfin, seuls deux éléments « bénéfice » et un élément« risque » ont été étudiés, et l’interaction possible entreces deux éléments n’a pas été prise en compte. Commentréagirait le modèle si l’on y introduisait de nouveauxéléments ?

Conclusion et perspectives

Peu de travaux actuellement disponibles permettentd’appréhender la quantification simultanée des risques etdes bénéfices santé liés à la consommation, notammentde poissons. La raison principale réside dans la complexitéde l’utilisation dans le domaine alimentaire des approchesemployant les indices de qualité de vie liés à la santé de typeQALY et DALY. Leur utilisation reste marginale et au stadede la recherche. Ce constat montre que ce type d’outil dequantification n’apparaît pas pour le moment envisageablecomme un outil d’aide à la prise de décision dans la ges-tion de risque sanitaire et/ou de bénéfice nutritionnel en

matière de santé publique.

Actuellement les méthodes utilisées pour quantifierle risque—bénéfice lié à la consommation d’aliments engénéral et de poisson en particulier sont dites « semi-quantitatives ». En effet, elles permettent de quantifierséparément les bénéfices nutritionnels et les risques toxi-cologiques en s’appuyant sur les référentiels nutritionnelset toxicologiques des substances évaluées. L’inconvénientmajeur de ce type de méthode est qu’il ne permet pastoujours de répondre à la question de l’impact santé,notamment lorsque des dépassements des référentiels toxi-cologiques sont observés, comme cela est le cas pour lespolluants organiques persistants. En revanche, il représenteune aide précieuse pour aider à définir des recommandationsde consommation compatibles avec les référentiels nutri-tionnels et toxicologiques, notamment sur les groupes depopulations les plus sensibles.

En termes de perspectives, l’Afssa a engagé depuis 2006,par autosaisine, des travaux d’expertise collective sur lesbénéfices et les risques liés à la consommation de pro-duits de la mer. Par ailleurs, elle a été saisie en 2008par la Direction générale de la santé afin de proposer desrecommandations de consommation des produits de la merpour les catégories de populations les plus sensibles. Cetravail en cours concerne autant l’évaluation du bénéficepar le comité d’experts spécialisé nutrition humaine pour

[

[

[

187

l’établissement d’un apport nutritionnel conseillé pour lesacides gras, que le comité d’expert spécialisé contaminantset résidus physicochimiques pour l’évaluation du risque rela-tif à l’interprétation sanitaire des expositions aux dioxineset PCB.

Par ailleurs, en ce qui concerne le développement deméthodes intégrées d’évaluation combinées du bénéficeet du risque, plusieurs projets européens actuellement encours tels que Benefit—risk assessment for food: an iterativevalue-of-information approach (BENERIS) et Risk—benefitanalysis of foods (BRAFO) devraient permettre des avancéesméthodologiques conséquentes pour mieux appréhendercette problématique.

Conflits d’intérêts

Aucun.

Remerciements

Les auteurs remercient Marie-Renée Guével, de l’École deshautes études en santé publique de Rennes, et IsabelleSioen, de l’université de Gand, Belgique.

Références

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[8] AFSSA. Avis du 23 octobre 2007 de l’Agence francaise de sécu-rité sanitaire des aliments relatif à l’établissement de teneursmaximales pertinentes en polychlorobiphényles qui ne sont pasde type dioxine (PCB « non dioxin-like », PCB-NDL) dans diversaliments.

[9] AFSSA. Avis du 16 mars 2004 de l’Agence francaise de sécu-rité sanitaire des aliments relatif à la réévaluation des risquessanitaires du méthylmercure liés à la consommation des pro-duits de la pêche au regard de la nouvelle dose hebdomadairetolérable provisoire (DHTP).

10] AFSSA. Avis du 6 juillet 2006 de l’Agence francaise de sécuritésanitaire des aliments relatif à la consommation des poissonsprédateurs pélagiques, en particulier l’espadon, à la Réunionvis-à-vis du risque sanitaire lié au méthylmercure.

11] AFSSA. Avis du 9 janvier 2006 de l’Agence francaise de sécuritésanitaire des aliments relatif à l’évaluation de l’exposition dela population francaise aux dioxines, furanes et PCB de typedioxine.

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13] Sioen I, Leblanc J-C, Volatier J-L, et al. Evaluation of theexposure methodology for risk-benefit assessment of seafoodconsumption. Chemosphere 2008;73:1582—8.

14] Leblanc J-, coordinator. Calipso: Fish and seafood consumptionstudy and biomarker of exposure to trace elements, pollu-tants and omega-3. 2006, p. 1—160. <http://www.afssa.fr/Documents/PASER-Ra-CalipsoEN.pdf>.

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