Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox® en milieu hospitalier et à son...

2
Douleurs, 2005, 6, 5 269 ÉDITORIAL Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox ® en milieu hospitalier et à son administration par le personnel infirmier Jean-Marc Morin (1) , Pauline Passelecq (2) L’avis de la Direction des affaires juridiques et des droits du patient de l’Assitance Publique – Hôpitaux de Paris a été récemment sollicité sur la possibilité, pour une infirmière diplômée d’État (IDE), de faire inhaler à des patients du Kalinox ® , produit analgésique (selon la notice du fabricant) composé de 50 % d’oxygène et de 50 % de protoxyde d’azote. En concertation avec la Direction du Service Central de Soins Infirmiers de l’AP-HP, des pistes de réflexions ont pu être dégagées, concernant d’une part la nature du produit en question (point 1), et d’autre part, le cadre juridique au sein duquel s’inscrit l’intervention de l’infirmière pour son administration (point 2). 1. SELON LES DÉFINITIONS COMMUNÉMENT ADMISES 1 , IL SEMBLE QUE LES TERMES « ANALGÉSIE » ET « ANTALGIE » RECOUVRENT LA MÊME SIGNFICATION On peut lire en effet que l’analgésie se définit comme « la disparition de la sensibilité à la douleur » ou comme « l’abo- lition de la sensibilité de la douleur ». Un analgésique est donc une substance ou un médicament qui produit l’anal- gésie, qui diminue ou supprime la douleur, qui possède cette propriété. L’antalgie est décrite comme « une abolition ou une atténua- tion des perceptions douloureuses » ou se dit de « tout ce qui calme la douleur ». Un antalgique se dit donc d’une substance, d’un procédé propre à calmer la douleur sans altérer la conscience. D’après le VIDAL 2005, le classement pharmacodynamie du Kalinox ® est « anesthésique général ». Mais, le texte rappelle qu’à cette concentration (50 % dans la fraction inspirée), il n’a « pas d’effet anesthésique ». Il possède un « effet anesthé- sique » qui peut varier en fonction de l’état psychique du sujet. Dans sa posologie, on parle aussi « d ‘efficacité antalgi- que ». Le VIDAL précise enfin, dans le mode d’administra- tion, que celle-ci doit être faite « par un personnel médical ou paramédical spécifiquement formé et dont les connais- sances sont périodiquement réévaluées ». Selon l’AFSSAPS, le Kalinox ® ne serait pas réservé exclusive- ment aux infirmières anesthésistes (IADE), le résumé des caractéristiques du produit ne le spécifiant pas expressé- ment. Ainsi, si une IADE est, du fait même de sa formation, compé- tente pour faire inhaler du Kalinox, celle-ci n’exclut pas pour autant la compétence, sur prescription médicale, d’une IDE préalablement formée à l’utilisation de ce produit. 2. D’UN POINT DE VUE STRICTEMENT JURIDIQUE, LA COMPÉTENCE DE L’INFIRMIÈRE DIPLÔMÉE D’ÉTAT POUR RÉALISER CE GESTE POURRAIT SE FONDER Sur l’alinéa 5 de l’article R 4311-2 du Code de la santé publique « Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intè- grent qualité technique et qualité des relations avec le malade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution des sciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le res- pect des droits de la personne, dans le souci de son éduca- tion à la santé et en tenant compte de la personnalité de celle-ci dans ses composantes physiologique, psychologi- que, économique, sociale et culturelle : (…) De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulage- ment de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes, particulièrement en fin de vie au moyen des soins palliatifs et d’accompagner, en tant que de besoin, leur entourage ». Sur l’article R 4311-8 CSP « L’infirmier ou l’infirmière est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un méde- cin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infir- miers ». 1. Directeur des Affaires Juridiques, et des Droits du Patient, AP-HP. 2. Chef du Bureau des Études et de la Veille Juridique, AP-HP. 1 Cf. Dictionnaire Larousse, édition 2005 ; Dictionnaire des termes de médecine Garnier Delamare 27 e édition.

Transcript of Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox® en milieu hospitalier et à son...

Page 1: Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox® en milieu hospitalier et à son administration par le personnel infirmier

Douleurs, 2005, 6, 5

269

É D I T O R I A L

Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox

®

en milieu hospitalier et à son administration par le personnel infirmier

Jean-Marc Morin

(1)

, Pauline Passelecq

(2)

L’avis de la Direction des affaires juridiques et des droits dupatient de l’Assitance Publique – Hôpitaux de Paris a étérécemment sollicité sur la possibilité, pour une infirmièrediplômée d’État (IDE), de faire inhaler à des patients duKalinox

®

, produit analgésique (selon la notice du fabricant)composé de 50 % d’oxygène et de 50 % de protoxyded’azote.

En concertation avec la Direction du Service Central deSoins Infirmiers de l’AP-HP, des pistes de réflexions ont puêtre dégagées, concernant d’une part la nature du produiten question (point 1), et d’autre part, le cadre juridique ausein duquel s’inscrit l’intervention de l’infirmière pour sonadministration (point 2).

1. SELON LES DÉFINITIONS COMMUNÉMENT ADMISES

1

, IL SEMBLE QUE LES TERMES « ANALGÉSIE » ET « ANTALGIE » RECOUVRENT

LA MÊME SIGNFICATION

On peut lire en effet que l’analgésie se définit comme « ladisparition de la sensibilité à la douleur » ou comme « l’abo-lition de la sensibilité de la douleur ». Un analgésique estdonc une substance ou un médicament qui produit l’anal-gésie, qui diminue ou supprime la douleur, qui possèdecette propriété.

L’antalgie est décrite comme « une abolition ou une atténua-tion des perceptions douloureuses » ou se dit de « tout cequi calme la douleur ». Un antalgique se dit donc d’unesubstance, d’un procédé propre à calmer la douleur sansaltérer la conscience.

D’après le VIDAL 2005, le classement pharmacodynamie duKalinox

®

est « anesthésique général ». Mais, le texte rappellequ’à cette concentration (50 % dans la fraction inspirée), iln’a « pas d’effet anesthésique ». Il possède un « effet anesthé-

sique » qui peut varier en fonction de l’état psychique dusujet. Dans sa posologie, on parle aussi « d ‘efficacité antalgi-que ». Le VIDAL précise enfin, dans le mode d’administra-tion, que celle-ci doit être faite « par un personnel médicalou paramédical spécifiquement formé et dont les connais-sances sont périodiquement réévaluées ».

Selon l’AFSSAPS, le Kalinox

®

ne serait pas réservé exclusive-ment aux infirmières anesthésistes (IADE), le résumé descaractéristiques du produit ne le spécifiant pas expressé-ment.

Ainsi, si une IADE est, du fait même de sa formation, compé-tente pour faire inhaler du Kalinox, celle-ci n’exclut pas pourautant la compétence, sur prescription médicale, d’une IDEpréalablement formée à l’utilisation de ce produit.

2. D’UN POINT DE VUE STRICTEMENT JURIDIQUE, LA COMPÉTENCE DE L’INFIRMIÈRE DIPLÔMÉE D’ÉTAT

POUR RÉALISER CE GESTE POURRAIT SE FONDER

Sur l’alinéa 5 de l’article R 4311-2 du Code de la santé publique

« Les soins infirmiers, préventifs, curatifs ou palliatifs, intè-grent qualité technique et qualité des relations avec lemalade. Ils sont réalisés en tenant compte de l’évolution dessciences et des techniques. Ils ont pour objet, dans le res-pect des droits de la personne, dans le souci de son éduca-tion à la santé et en tenant compte de la personnalité decelle-ci dans ses composantes physiologique, psychologi-que, économique, sociale et culturelle :

(…)

De participer à la prévention, à l’évaluation et au soulage-ment de la douleur et de la détresse physique et psychiquedes personnes, particulièrement en fin de vie au moyen dessoins palliatifs et d’accompagner, en tant que de besoin,leur entourage ».

Sur l’article R 4311-8 CSP

« L’infirmier ou l’infirmière est habilité à entreprendre età adapter les traitements antalgiques, dans le cadre desprotocoles préétablis, écrits, datés et signés par un méde-cin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infir-miers ».

1. Directeur des Affaires Juridiques, et des Droits du Patient,AP-HP.2. Chef du Bureau des Études et de la Veille Juridique, AP-HP.

1

Cf. Dictionnaire Larousse, édition 2005 ; Dictionnaire destermes de médecine Garnier Delamare 27

e

édition.

Page 2: Analyse juridique relative à l’utilisation du Kalinox® en milieu hospitalier et à son administration par le personnel infirmier

Douleurs, 2005, 6, 5

270

Sur la circulaire n

°

99/84 du 11 février 1999 relative àla mise en place de protocoles de prise en charge dela douleur aiguë par les équipes pluridisciplinairesmédicales et soignantes des établissements de santéet des institutions médico-sociales

Celle-ci préconise « de veiller à ce que les personnels infir-miers et infirmiers spécialisés concernés par la présente ins-truction puissent bénéficier d’une formation préalable à lamise en application de protocoles de soins visant à la priseen charge de la douleur et qu’ils réactualisent régulièrementleurs connaissances, conformément aux dispositions del’article 10 du décret 93-221 du 16 février 1993 (nouvel arti-cle R 4312-10 CSP), notamment sur les médicaments à viséeantalgique et sur l’utilisation des outils d’évaluation de ladouleur ainsi que la prise en charge de la douleur ».

Il ressort donc de l’ensemble de ces éléments qu’une infir-mière diplômée d’État

préalablement formée

, peut,

surprescription médicale

, faire inhaler du Kalinox

®

.

Dans ces conditions, la Direction des Affaires Juridiques etdes Droits du Patient préconise que l’infirmière diplôméed’État, préalablement formée, puisse faire cet acte

dès lorsqu’un médecin peut intervenir à tout moment

.

Tirés à part : J.-M. MORIN,Direction Générale

de l’Assitance Publique– Hôpitaux de Paris,

3, avenue Victoria,75003 Paris.

Publier dans

Douleurs

!

Vous pouvez soumettre vos articles à :Revue

Douleurs

Docteur Alain SerrieFédération d’Évaluation et de Traitement de la Douleur, Médecine Palliative

Hôpital Lariboisière 2, rue Ambroise Paré – 75475 Cedex 10