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1 UNIVERSITE PAUL SABATIER Faculté de Médecine Toulouse - Rangueil Institut de Formation en Psychomotricité Analyse fonctionnelle des stéréotypies d’un enfant porteur d’un Trouble du Spectre Autistique Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’État de Psychomotricien Priscille MAROT Juin 2013

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UNIVERSITE PAUL SABATIER

Faculté de Médecine Toulouse - Rangueil

Institut de Formation en Psychomotricité

Analyse fonctionnelle des stéréotypies d’un enfant porteur d’un

Trouble du Spectre Autistique

Mémoire en vue de l’obtention du Diplôme d’État de Psychomotricien

Priscille MAROT

Juin 2013

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SOMMAIRE

INTRODUCTION……………………………………………………………P.8

PARTIE THÉORIQUE

I. Qu’est-ce que l’autisme ? I.1. Définition en classifications……………………………………………….....P.10 I.2. Critères diagnostiques………………………………………………………..P.11 I.3. Épidémiologie……………………………………………………………….P.11 I.4. Description du fonctionnement autistique…………………………………..P.13 II. Qu’est-ce qu’un caractère restreint, stéréotypé et répétitif d’un comportement, d’une activité et d’un intérêt ? II.1. Définitions I.1.1. Un comportement, un intérêt et une activité………………………P.16 I.1.2. Caractère restreint, répété et stéréotypé………………………….P.17 I.1.3. La complexité d’un consensus…………………………………….P.18 II.2. Les diverses formes comportementales…………………………………….P.20 II.3. Fonctions des stéréotypies I.3.1. L’approche comportementale : fonction de renforcements I.3.1.1. Renforcements automatiques, non-sociaux………………………..P.22 I.3.1.2. Renforcements sociaux…………………………………………P.24 II.3.2. Fonction de gestion des stimuli de l’environnement………………P.26 II.4. La place des comportements stéréotypés dans la triade autistique…………..P.27 II.5. Le cas particulier des stéréotypies verbales

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II.5.1. Particularités du développement du langage chez l’enfant TSA….P.29 II.5.2. Stéréotypies verbales comme soutien des apprentissages ?............P.30 II.5.3. Vers une installation du soliloque ?.................................................P.31 III. Interventions sur un trouble comportemental complexe comme les stéréotypies : l’analyse appliqué du comportement III.1. Les raisons d’une évaluation fonctionnelle…………………………………P.33 III.2. L’analyse appliquée du comportement III.2.1. Définition………………………………………………………….P.34 III.2.2.Historique et modèles théoriques………………………………….P.35 III.3. L’analyse appliquée du comportement : point par point III.3.1. 1ère étape : le recueil des données………………………………….P.36 III.3.2. 2ème étape : l’analyse fonctionnelle………………………………..P.39 III.3.3. 3ème étape : le choix des stratégies thérapeutiques III.3.3.1. Les renforcements……………………………………………………….P.41 III.3.3.2. Les guidances……………………………………………………………P.41 III.3.3.3. Le façonnage et le chainage……………………………………………..P.42 III.4. Analyse fonctionnelle appliquée aux stéréotypies et interventions spécifiques III.4.1. Particularités des interventions sur les stéréotypies………………..P.53 III.4.2. La restriction de la réponse………………………………………...P.53 III.4.3. L’enrichissement de l’environnement………………………………P.44 III.4.4. L’apprentissage de nouvelles compétences………………………...P.45 III.4.5. Le renforcement de la non-survenue de la stéréotypie……………..P.46 III.4.6. La réprimande de la stéréotypie…………………………………..P.46 `

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I. Recueil des données I.1. Présentation de Mario I.1.1. Petite enfance…………………………..………………………..P.49 I.1.2. Suivi en psychomotricité I.1.2.1. Suivi de 2008 à 2012……………………………………………..…..P.50 I.1.2.2. Bilan psychomoteur en juin 2012…………………………………….P.50 I.1.3. Suivi en orthophonie………………………………………..…….P.52 I.1.4. Parcours scolaire…………………………………………………P.53 I.2. L’entretien avec la famille : établissement de la liste des comportements stéréotypés I.2.1. Les stéréotypies motrices………………………………………….P.55 I.2.2. Les stéréotypies verbales………………………………………….P.55 I.2.3. Les stéréotypies de stimulation visuelle…………………………...P.55 I.2.4. Les stéréotypies de manipulation……………………………….....P.56 I.2.5. Intérêt pour les chiffres et pour les lettres…………………………P.56 I.3. Formulation de la plainte et début d’affinement du projet élaboré………….P.56 II. Analyse fonctionnelle des comportements II.1. L’observation des comportements stéréotypés en séance de psychomotricité : élaboration d’une grille d’observation……………………………………………………p.58 II.2. Résultats de l’observation des manipulations d’interrupteurs et appareils électriques II.2.1. En séances de psychomotricité II.2.1.1. Observations recueillies par le biais de la grille……………………….p.60 II.2.1.2. Éléments pertinents pour l’élaboration de l’hypothèse………………...p.62

PARTIE PRATIQUE

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II.2.2. En classe……………………………………………………………p.64 II.2.3. À la maison………………………………………………………….p.65 II.2.4. Synthèse découlant du recueil de données et de l’observation……..p.66 II.3. Hypothèse d’évolution des stéréotypies……………………………………….p.67 III. Plan d’action ciblé sur les stéréotypies verbales III.1. L’observation initiale des stéréotypies verbales : description et résultats……p.70 III.2. Le plan d’action III.2.1. Les objectifs…………………………………………………………p.73 III.2.2. L’équipe pluridisciplinaire………………………………………….p.74 III.2.3. Interventions en psychomotricité III.2.3.1. Déroulé d’une séance type………………………………………………..p.75 III.2.3.2. Moyens d’interventions utilisés………………………………….……….p.76 III.2.4. Interventions des autres membres de l’équipe……………………...P.78 III.3. Évolution du comportement et résultats de l’observation III.3.1. Évolution à la maison……………………………………………….p.79 III.3.2. Évolution à l’école…………………………………………………..p.80 III.3.3. Évolution en séances de psychomotricité…………………………...p.80 DISCUSSION…………………………………………………………………………...p.84 CONCLUSION GÉNÉRALE……………………………………………………….p.86 BIBLIOGRAPHIE ANNEXES

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INTRODUCTION

On définit la profession du psychomotricien comme l’exercice de rééducation mise en

place auprès des enfants et adultes ayant des difficultés d’adaptation à leur milieu. Ces

difficultés sont causées par une perturbation de l’intégration perceptivo-motrice, liée à un

trouble psychomoteur, qui peut s’inscrire dans un tableau clinique plus large. Ainsi, la

rééducation psychomotrice permet de fournir des moyens pour réduire le déficit

d’inadaptation ou pour compenser le déficit, et ce, par des mises en situation et des

apprentissages spécifiques. La rééducation psychomotrice met alors l’accent sur la genèse et

le maintien de relations adaptées entre l’individu et son milieu.

C’est pour répondre au mieux à cette définition que je me suis penchée sur les

difficultés spécifiques d’un petit garçon de 7 ans porteur d’un Trouble du Spectre Autistique.

Au début de l’année scolaire, l’équipe éducatrice signale que Mario n’a pas un statut d’élève.

En effet, des comportements parasites, propres à la problématique autistique, gênent le

fonctionnement de la classe. Cette plainte m’a interpellée et je me suis demandée comment il

était possible de donner à Mario les moyens de poursuivre sa scolarisation de façon plus

optimale et les moyens de réduire les aspects inadaptés de ces comportements.

C’est comme cela qu’a commencée ma réflexion par rapport aux stéréotypies des

enfants avec autisme : qu’est-ce que précisément un comportement stéréotypé ? Comment les

décrire ? Les comprendre ? Les distinguer des autres comportements ? Et est-il nécessaire

d’agir dessus pour les réduire ? Si oui, comment ?

Ce mémoire est le fruit de cette réflexion que j’ai eu toute l’année. J’explique, dans la

partie théorique, ce que sont les comportements stéréotypés et comment l’analyse

fonctionnelle permet de les comprendre afin d’agir dessus de manière adéquate. Ensuite, dans

la partie pratique, je rends compte du travail que j’ai mis en place avec Mario et qui comprend

l’analyse fonctionnelle de ses stéréotypies ainsi que les moyens d’interventions utilisés.

Cet écrit retrace la démarche qui a été la mienne cette année pour suivre Mario dans

son évolution, en s’adaptant toujours à ce qu’il est ; et pour lui fournir des moyens de

s’adapter aux exigences de son milieu, en s’appuyant sur ses capacités.

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PARTIE

THÉORIQUE

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I. Qu’est-ce que l’autisme ?

I.1.Définition et classifications

L’autisme a commencé à être décrit par Kanner en 1943. Depuis, la définition et la

description de l’autisme ont évolué et, actuellement, l’autisme s’inscrit parmi les Troubles

Envahissants du Développement (TED) (HAS, 2010).

Cet ensemble de troubles est définit par la Classification Internationale des Maladies –

10ème édition (C-I-M 10). Ils sont décrits comme un groupe de troubles caractérisés par une

altération qualitative des interactions sociales réciproques, une altération qualitative de la

communication, et un caractère restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des

intérêts et des activités. Ces trois critères symptomatologiques formant la Triade Autistique

entravent le fonctionnement global du sujet, de manière envahissante, dans toutes les

situations ; et évoluent au cours de la vie.

Les autres classifications actuelles (DSM-IV-TR et CFTMEA-R) décrivent aussi les

TED. Le DSM-IV donne un complément utile aux descriptions de la CIM-10, au niveau

clinique et pour la recherche. Le CFTMEA-R ne fait pas l’objet d’un consensus car les termes

employés (psychose précoce, psychose infantile et psychose infantile précoce) entraînent des

difficultés d’interprétation (HAS, 2010).

Huit catégories de TED sont décrites dans la CIM-10 : autisme infantile, autisme

atypique, Syndrome de Rett, autres troubles désintégratifs de l’enfance, hyperactivité associée

à un retard mental et à des mouvements stéréotypés, Syndrome d’Asperger et TED (sans

précision) ; et cinq sont décrites dans le DSM-IV (en cours de révision) : Trouble autistique,

Syndrome de Rett, Trouble désintégratif de l’enfance, Syndrome d’Asperger et TED non

spécifié. La distinction entre ces différentes catégories de TED dépend de l’âge de survenue

des anomalies, ou de la présence ou non d’un Retard Mental et/ou d’un trouble du langage, ou

de la présence d’une atteinte génétique (Syndrome de Rett). Ces ensembles de tableaux

cliniques décrivent des situations cliniques et des handicaps hétérogènes. Le consensus

professionnel récemment établit intègre la notion de continuum ou de spectre du trouble

autistique (HAS, 2010) afin d’aborder une approche dimensionnelle sous le terme de Troubles

du Spectre Autistique (TSA). Les classifications utilisées jusqu’à présent donnent une

approche plus catégorielle. La parution du DSM-V, courant 2013, rendra compte de cet aspect

dimensionnel de part le terme de TSA, terme que j’utilise donc tout au long de ce mémoire.

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I.2. Critères diagnostiques.

Les symptômes de chaque critère de la triade autistique sont les suivants, d’après le

DSM-IV :

• Les symptômes du critère « Altération qualitative des interactions sociales » (1) peuvent

être : l’altération de la régulation de l’interaction sociale avec une utilisation anormale de

comportements non verbaux tels que le contact visuel, l’expression faciale, les postures

corporelles, et les gestes ; la difficulté majeure, voire l’incapacité, à développer des relations

correspondant au niveau de développement avec les pairs et à partager de l’intérêt, des

activités et des plaisirs avec autrui ; le manque de réciprocité socio-émotionnelle ; et la

perturbation sévère du sentiment de plaisir face à la joie d’autrui.

Ces troubles sont les plus persistants. À l’âge adulte, les émotions sont plus partagées

mais l’évolution reste somme toute relative : 50% des personnes atteintes d’autisme

présentent encore des troubles sévères de ce critère.

• Les symptômes du critère « Altération qualitative de la communication » (2) peuvent

être : le retard ou absence totale de développement du langage (sans tenter de communiquer

par un moyen alternatif) ; l’anomalie marquée de la capacité à amorcer ou à soutenir une

conversation avec les autres malgré un langage adéquat ; l’utilisation stéréotypée et répétitive

du langage ou utilisation idiosyncrasique de mots ou de phrase ; et l’absence de jeux de

« faire semblant » ou de jeu social imitatif approprié au niveau de développement.

La communication et le langage sont amenés à s’améliorer à l’âge adulte mais restent

déficitaires pour plus de 50% des cas, notamment par la présence d’écholalies et de

persévérations.

• Les symptômes du critère « Caractère restreint, stéréotypé et répétitif des

comportements, activités et intérêts » (3) peuvent être : la préoccupation persistante pour un

ou plusieurs centres d’intérêts stéréotypés et restreints, anormale par l’intensité ou le thème ;

l’attachement apparemment compulsif à des routines ou rituels non fonctionnels ; l’apparition

de mouvements stéréotypés et répétitifs ; la préoccupation persistante pour les parties d’objet

ou pour des éléments de jeux non fonctionnels.

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Ces comportements répétitifs évoluent à l’âge adulte de telle sorte qu’il y a une

diminution (de 97% à 87% entre l’adolescence et l’âge adulte) des comportements restrictifs

(préoccupations et maniérismes complexes) : 46% ont une disparition de l’utilisation

répétitive d’objets dont un tiers n’ont plus de maniérismes complexes et un quart n’ont plus

de maniérismes mains-doigts. Il y a néanmoins une persistance de comportements répétitifs

dans la sphère cognitive (obsessions et besoin d’immuabilité) : 50% ont une persistance de

conduites répétitives. L’amélioration est plus présente lorsque le QI est supérieur à 70 (HAS,

2010).

Ce dernier critère, « Caractère restreint, stéréotypé et répétitif des comportements,

activités et intérêts » nous intéresse plus particulièrement dans le cas de Mario car les

comportements que nous allons étudier et prendre en charge chez cet enfant s’inscrivent, en

partie, dans cette catégorie. Un tiers des personnes avec un Trouble du Spectre Autistique est

concerné par ces comportements stéréotypés (Jeffrey et al, 2009).

Le diagnostic est clinique. Il repose sur la présence d’au moins deux symptômes du

critère (1), au moins un symptôme du critère (2), au moins un symptôme du critère (3) et au

moins deux autres symptômes dans l’un ou l’autre des critères de la triade. Les anomalies ou

les altérations du développement doivent être présents avant 3 ans dans le domaine du langage

(dans son aspect communicationnel), dans le domaine des attachements sociaux sélectifs et

des interactions sociales, et/ou dans le domaine du jeu fonctionnel ou symbolique.

L’absence d’un des critères diagnostiques de l’autisme typique (tels que l’âge

d’apparition tardif des troubles ou l’absence d’un des critères de la triade symptomatologique)

définit un autisme atypique (d’après la CIM-10) ou Trouble Envahissant du Développement

Non Spécifié (TED-Nos).

Dans le cas de Mario, nous sommes dans le cadre des Troubles Envahissants du

Développement Non Spécifiée (TED-Nos), d’après le DSM-IV ; ou d’autisme atypique

d’après la CIM-10. De manière générale, pour qualifier l’autisme, j’emploierai le terme de

TSA.

I.3. Épidémiologie

Actuellement, la prévalence est de 2/1000 pour l’autisme et de 6 à 7/1000 pour

l’ensemble des TED. Le sex ratio est de 3 à 4 garçons pour une fille.

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Les causes, encore peu connues, sont multifactorielles avec une composante

héréditaire importante. En effet, le risque de récurrence au sein d’une famille est de 3 à 6%, la

concordance entre jumeaux monozygotes est de 70 à 90% et elle est de 0 à 25% chez des

jumeaux dizygotes.

Les troubles associés sont multiples, on retrouve, entre autre, le retard mental (50 à

70%), l’épilepsie (5 à 40%), les troubles de l’alimentation et du sommeil (45 à 86%), des

signes symptomatologiques du Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité ou

TDA/H (30 à 80%) et de nombreuses autres anomalies chromosomiques, génétiques,

neurobiologiques, métaboliques et psychopathologiques. Ces troubles associés sont des

particularités importantes à prendre en compte dans la prise en charge. Ils influent de façon

notable sur l’évolution clinique et symptomatologique du sujet porteur d’autisme. En effet, les

symptômes liés à l’autisme sont différents aux stades du développement, avec des régressions

et/ou des évolutions et avec ou non l’atteinte d’un plateau à l’adolescence. L’association à

d’autres troubles complexifie alors l’hétérogénéité clinique du trouble autistique (HAS, 2010).

I.4. Description du fonctionnement autistique

L’HAS, en 2010, a dressé le tableau des particularités des personnes avec autisme

d’après la Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF).

On considère que ces personnes ont des particularités d’altération au niveau des

fonctions suivantes :

• Fonctions d’interactions sociales : l’altération des interactions sociales est un signe

important de la problématique autistique. Ce déficit est notamment lié au défaut d’exploration

visuelle des éléments non-verbaux d’une situation sociale (regard, posture, gestes, mimiques

faciales,…) qui permettent de décoder les réactions d’autrui, ses émotions et ses intentions.

• Fonctions sensorielles et perceptuelles : une réactivité particulière aux différentes

stimulations sensorielles (sensibilité somesthésique, vision audition, fonction vestibulaire,

goût, toucher), soit de manière renforcée (hyperréactivité), soit de manière amoindrie

(hyporéactivité) ou encore par recherche de stimulation. Cette particularité de réactivité est

liée à la perturbation du traitement des informations sensorielles (défaut de modulation).

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• Fonctions motrices : la planification des séquences motrices est souvent affectée,

entraînant des dysfonctionnements des coordinations visuomanuelles, des praxies, des

difficultés d’ajustements posturaux, d’anticipation, ainsi qu’un déficit de la pragmatique du

mouvement c’est-à-dire des difficultés à mettre du sens sur le geste, à avoir une intention, un

but et donc une motivation à préparer et à exécuter le mouvement. Les mouvements simples

sont globalement performants.

• Fonctions cognitives, avec des particularités au niveau :

◊ du traitement des informations, avec un traitement supérieur de l’information locale au

détriment d’un traitement global (faiblesse de cohérence centrale).

◊ des fonctions exécutives, avec des difficultés, non spécifiques à l’autisme mais au handicap

en général, de planification, d’organisation, d’inhibition, d’attention sur une tâche ou sur un

comportement ; ainsi que des difficultés notables de mémoire de travail.

◊ de l’adaptation à la nouveauté : difficulté liée à leur particularité de traitement des stimuli

inhabituels et de part leur dépendance à une modalité sensorielle privilégiée et à leur difficulté

à sélectionner les éléments essentiels. Cette difficulté à s’adapter au changement explique

notamment les comportements répétitifs et stéréotypés, et le besoin d’immuabilité de la

personne avec un TSA.

◊ de l’attribution d’états mentaux à autrui et à eux-mêmes : cette capacité dépend des

potentialités cognitives et verbales, ces difficultés de théorie de l’esprit ne sont pas

spécifiques à l’autisme. Le déficit en théorie de l’esprit explique les difficultés de la personne

avec autisme à comprendre les intentions, désirs et croyances d’autrui, à les décoder, et à

organiser et restituer une réponse sociale adaptée.

• Fonctions émotionnelles : avec une faiblesse de compréhension des émotions, chez autrui

et chez eux-mêmes ainsi que des difficultés d’expression des émotions. Cette altération des

fonctions émotionnelles n’est pas présente de la même manière dans toute la population TSA.

Elle rend compte des difficultés d’ajustement au monde social, de réciprocité émotionnelle et

sociale et d’empathie.

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• Fonctions de communication, avec une altération des capacités :

◊ d’attention conjointe : difficultés à orienter son attention ainsi que celle de l’autre sur une

cible commune.

◊ d’imitation, dans le fait d’imiter et de reconnaître d’être imité : les enfants avec autisme en

sont relativement capables, cela dépend de leurs caractéristiques propres, de manière générale

ils ont des difficultés pour l’imitation en différé et l’imitation symbolique et d’actions

complexes. Ces difficultés ont des répercussions sur l’apprentissage et sur les

communications non verbales.

• Fonctions du langage : les difficultés langagières sont un critère de l’autisme. Il se

caractérise par un choix de mots inhabituels, une inversion du pronom, une écholalie, un

discours incohérent, une absence de réponse aux questions, une prosodie anormale, un

manque de motif pour communiquer verbalement ou par des gestes. Il y a deux types de

trouble du langage : celui lié à l’expression et la réception avec les capacités syntaxiques et

celui lié au sens des mots (la pragmatique, la sémantique). Tous les enfants préscolaires avec

autisme ont des troubles de la compréhension et de la pragmatique du langage. 50% des

enfants avec autisme ne développent pas un langage fonctionnel.

• Fonctions sensorielles : avec une expression de la douleur particulière pouvant se traduire

par des comportements anormaux ou des conduites de retrait. Il est donc nécessaire

d’envisager une potentielle maladie somatique avec des douleurs lors de tels comportements :

automutilation, destruction, stéréotypies, comportements antisocial, agressivité physique et

problèmes d’alimentation. Certains de ces comportements faisant l’objet du travail entrepris

cette année avec Mario, la manière de les considérer et les interventions spécifiques que l’on

peut apporter sont exploitées par la suite.

En définitive, on peut considérer des particularités communes au fonctionnement

autistique, avec toutefois une grande diversité et une grande hétérogénéité au sein de cette

population. Les témoignages des personnes elles-mêmes autistes permettent d’avoir une

vision « de l’intérieur » du fonctionnement autistique. Cela permet aussi de refléter la réalité

de l’hétérogénéité des troubles du spectre autistique. Apprendre à dégager le profil individuel

de fonctionnement d’un sujet porteur d’un TSA permet de clarifier son trouble et d’avoir des

indications et des prises en charge au plus proche du fonctionnement de la personne.

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II. Qu’est-ce qu’un caractère restreint, stéréotypé et répétitif d’un

comportement, d’une activité et d’un intérêt ?

Les comportements, activités et intérêts restreints, stéréotypés et répétitifs composent

la problématique des Troubles du Spectre Autistique. Cette notion est complexe et difficile à

définir. D’une part, elle regroupe un grand nombre de comportements avec des traits

communs mais des présentations topographiques et fonctionnelles différents. En effet,

plusieurs termes sont utilisés pour décrire ces comportements, tels que les comportements

répétés, les stéréotypies, les intérêts restreints, les persévérations, les rituels, l’automutilation,

la résistance au changement, les compulsions,… D’autre part, les mécanismes physio-

pathologiques de ces comportements sont encore mal connus. Les auteurs parviennent

difficilement à trouver un consensus pour décrire ces différents comportements car il n’y a

pas de terme unique pour décrire toutes ces manifestations comportementales. De plus, les

avis divergent quant à la manière de classer ces comportements.

Afin de clarifier cette notion, nous allons commencer par poser un cadre de

définitions des différents termes. Je vais donc définir chacune de ces notions. Ceci permettra

de dégager quels sont les traits communs de ces différents comportements pour mieux les

comprendre et pour saisir où se situent les divergences de conceptualisation.

II.1. Définitions.

II.1.1. Un comportement, un intérêt et une activité.

Un comportement est la manière de se comporter. (Petit Robert 2013) Il s’actualise

dans les attitudes, dans les conduites, dans les réactions de l’individu. En psychologie, le

comportement (en anglais behavior) est l’ensemble des réactions objectivement observables

d’un être vivant. Les comportements rendent compte de la relation entre l’individu et son

milieu. En effet, ils sont des actions volontaires dirigés vers une finalité qui est l’adaptation de

l’individu au milieu. Ils dépendent donc des caractéristiques génétiques propres du sujet

(héritées de son espèce), de l’environnement et des interactions entre ces caractéristiques

(structures biologiques) et les stimuli de cet environnement. On peut trouver comme

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synonyme du mot comportement les termes suivants : acte, action, agissement, allure,

conduite, démarche, expression, manière, mouvement, posture,…

Un intérêt est la qualité de ce qui retient l’attention, ce qui captive l’esprit (Petit

Robert 2013). En d’autres termes, c’est ce qui correspond à un sentiment de curiosité et

d’attirance à l’égard d’une personne ou d’une chose. Contrairement au comportement,

l’intérêt n’est pas externe mais interne, il n’est donc pas observable directement. C’est un

phénomène cognitif qui lie un état émotionnel et une mobilisation cognitive des processus

attentionnel.

Une activité est l’ensemble des actes coordonnés et des travaux de l’être humain (Petit

Larousse 2013). En neuropsychologie, ces actes sont régis par un ensemble de phénomènes

psychiques et physiologiques relevant de la volonté, des tendances, de l’habitude, de

l’instinct, des expériences acquises et des ressources intellectuelles.

II.1.2. Caractère restreint, répété et stéréotypé.

L’adjectif restreint qualifie ce qui est étroit, limité, petit (Petit Robert 2013). Dans le

cas d’un comportement, il s’agit donc d’un schéma d’actions qui varie peu, qui est limité, qui

reste strictement identique, invariant. On parle aussi de manque de modulation du

comportement. Dans le cas d’un intérêt, le terme restreint suggère une attirance particulière

sur un objet ou un sujet. Les synonymes peuvent être : borné, focalisé, réduit, succinct,

invariant…

L’adjectif répété ou répétitif qualifie ce qui est exprimé à nouveau (Petit Larousse

2013). Il peut s’agir d’une action réalisée à intervalles réguliers, réitérée par exemple tous les

jours à la même heure, ou d’une action reproduite plusieurs fois de suite dans un intervalle de

temps donné. Les synonymes de répété sont : fréquent, itératif, récurrent, réitéré, perpétuel,…

L’adjectif stéréotypé qualifie ce qui paraît sortir d’un moule, tout fait, figé (Petit

Larousse 2013). En psychopathologie, on utilise le terme de stéréotypie qui caractérise la

tendance à conserver la même attitude, à répéter le même mouvement ou les mêmes paroles

de manière involontaire. Dans ce terme stéréotypie s’englobe donc le caractère répété d’un

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comportement, et le caractère restreint d’un comportement. En effet, on y retrouve l’aspect de

réitération, de récurrence d’une action, et l’aspect d’immuabilité, d’invariance. Les

synonymes usuellement utilisés pour le mot stéréotypé peuvent être : automatique, caricatural,

immuable, invariant, prototypique,…

Au regard de ces définitions, on comprend que le critère diagnostic des T.S.A.

« Caractère restreint, stéréotypé et répétitif des comportements, intérêts et activités » désigne

l’ensemble des actions, gestes, paroles, mouvements ou attirance pour un objet qui ont la

particularité commune d’être systématiquement reproduite et réitérée et ce, de manière

immuable et invariante. Cette double particularité (répétée et restreinte) est présente de

manière inappropriée au contexte et anormale tant dans ses formes comportementales que

dans son intensité.

II.1.3. La complexité d’un consensus.

Avec ces définitions, nous comprenons mieux ce que désignent les comportements

stéréotypés. Toutefois, en clinique, de nombreuses formes sont observables et la réalité du

concept de stéréotypie reste très complexe. Il n’y a pas de réponses claires quant à la

stéréotypie et celle-ci fait l’objet d’un débat considérable (Rapp, 2005). Plusieurs propositions

de catégorisation ont été proposées.

En 1967, Berkson distingue les mouvements répétitifs (comme le balancement) et les

mouvements non répétitifs (comme les postures particulières et anormales).

En 1982, Lewis et Baumeister soulignent le caractère non fonctionnel des stéréotypies

et l’absence de stimulus antérieur précis.

Par la suite, Berkson, en 1983, décrit cinq critères spécifiant une stéréotypie : le

comportement doit être volontaire (c’est-à-dire qu’il est opérant, il entraîne une

conséquence) ; il doit y avoir un manque de variabilité ; le comportement doit persister au fil

du temps ; il est immuable face aux changements environnementaux et il est inhabituel par

rapport à l’âge.

D’autres critères ont pu être discutés, notamment la notion de rythmicité et de

périodicité (Lewis et Baumeister, 1982, et Yu et Kropla, 1998 in Rapp, 2005). Ou encore la

notion de temps passé à s’adonner à la stéréotypie, critère pertinent pour rendre compte de

l’impact de la stéréotypie sur la vie quotidienne du sujet.

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La question qui se pose ensuite à propos de ces comportements est la notion de

fonctionnalité. Dans les premiers temps de la conceptualisation des stéréotypies, des auteurs

comme Sprague et Newell, en 1996, évoquent les mouvements stéréotypés comme des

comportements répétitifs, variables, dont la topographie ne semble pas servir un but utile. Ils

ne considèrent donc pas que les stéréotypies puissent avoir une fonction. Actuellement,

l’aspect fonctionnel des stéréotypies est pris en compte et les auteurs considèrent des

fonctions sensorielles et des fonctions sociales (Cuninggham, 2009).

Il y a donc beaucoup de divergences et surtout de difficultés pour poser un cadre

définissant les comportements stéréotypés. Ce concept a évolué et s’est précisé. L’accord

unanime se situe dans l’aspect répétitif et invariant du comportement mais il n’y a pas encore

d’accord sur le nombre d’épisodes et sur l’occurrence du comportement qui détermine si un

comportement est une stéréotypie ou non (Rapp, 2005).

De plus, il est important de prendre en compte, dans la définition du comportement

stéréotypé, le contexte d’apparition et la répercussion sur la vie quotidienne de la personne.

En effet, pour être qualifiée de stéréotypie, le comportement doit être problématique pour la

personne ou pour l’entourage. Nous avons tous dans nos habitudes, gestes ou attitudes des

comportements répétés (quand nous applaudissons par exemple), et des comportements

restreints (être cinéphile par exemple), pour autant ce ne sont pas des stéréotypies. Celles-ci

doivent donc interférer de manière inhabituelle, anormale, inappropriée avec le milieu. Il y a

une notion de stigmatisation dans la stéréotypie (Cuninggham, 2009). En effet, les

conséquences de la stéréotypie sont néfastes pour l’enfant et souvent pour ses parents.

Beaucoup de parents d’enfants porteurs de T.S.A. qui ont des stéréotypies témoignent de la

gêne, voire la honte qu’ils peuvent ressentir quand leur enfant pratique ce type de

comportement en public. Concernant les conséquences sur l’enfant, elles concernent les

répercussions sur les apprentissages. En effet, l’enfant présentant des stéréotypies pratique ces

comportements au détriment des activités sociales et des activités d’apprentissages. La raison

pour laquelle les stéréotypies entravent l’accès aux apprentissages chez les enfants autistes est

que ces enfants sont généralement incapables de faire la distinction entre des stimuli de

l’environnement pertinents et des stimuli non pertinents. Dans les conditions d’apprentissage,

l’environnement fournit un grand nombre de stimuli, souvent visuels et auditifs, et les enfants

avec un T.S.A. ont tendance à ne traiter qu’un nombre restreint de stimuli qu’ils reçoivent.

Cette impossibilité à traiter plusieurs signaux de front est rendue d’autant plus difficile si

l’enfant produit des stéréotypies qui lui fournissent d’autres stimuli.

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Finalement, la description clinique des comportements stéréotypés est actuellement

plus ou moins unanime chez les auteurs. On reconnaît une multiplicité des formes

comportementales et on admet qu’il s’agit de stéréotypies quand elles présentent les mêmes

particularités d’invariabilité et d’immuabilité. Cette caractéristique doit interférer de manière

inadaptée, inappropriée et anormale avec la vie du sujet. Les auteurs admettent aussi une

fonctionnalité de la stéréotypie, et la finalité de ces comportements est aussi multiple. Il y a

donc deux manières de catégoriser les stéréotypies : suivant leurs formes et suivant leurs

fonctions.

II.2. Les diverses formes comportementales.

La définition des comportements stéréotypés, comme nous l’avons dit, englobe

diverses formes comportementales. Les exemples donnés dans la Classification Internationale

des Maladies (C.I.M.-10) rendent compte de la variabilité des comportements stéréotypés. Ils

sont décrits dans le chapitre V (Troubles mentaux et du comportement), dans le groupe F98

intitulé « Autres troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant

habituellement durant l’enfance et l’adolescence ». En F98.4, il est décrit les différents

mouvements stéréotypés pouvant être rencontrés. Ces mouvements peuvent être de l’ordre

moteur : comme le balancement du corps, le balancement de la tête, l’arrachement des

cheveux, le fait de se tordre les cheveux, de claquer les doigts ou de battre des mains. Ils

peuvent être des comportements d’auto-mutilation, il y a comme exemple dans la C.I.M.-10 :

le fait de se cogner la tête, de se gifler, de se mettre le doigt dans l’œil, de se mordre les

mains, les lèvres ou d’autres parties du corps. Les manifestations comportementales sont donc

multiples et variées.

En reprenant les différentes manifestations comportementales décrites par Y. Bourreau

(2008), lui-même s’appuyant sur les études de Bishop, Richler et Lord (2006), j’ai catégorisé

les comportements stéréotypés en sous-groupes différents, qui sont les suivants :

• Les stéréotypies motrices, où l’on y retrouve les mouvements tels que le flapping

(mouvement répété et stéréotypé de flexion et d’extension des poignets), les mouvements de

balancement du corps par des mouvements du buste d’avant en arrière de manière répétée),

les mouvements répétés des doigts, les tournoiements,…Ainsi que les maniérismes moteurs

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qui sont des attitudes ou mouvements du corps figés, crispés et non habituel (par exemple une

démarche hors du commun, particulière, bizarre, non symétrique, irrégulière,...)

• Les stéréotypies liées aux objets, où la personne utilise de manière répétée un objet

sans prendre en considération la fonction de celui-ci (elle le prend, le manipule, le tapote, le

fait tourner...) Cet attachement à l’objet se fait sur un objet particulier (une montre, une petite

voiture, un jouet,… que la personne emporte toujours avec elle) ou sur une partie d’objet en

se préoccupant que d’un détail de l’objet (comme les roues de voiture par exemple).

• Les stéréotypies vocales, avec des productions répétés de sons ou de vocalises, ou

des reproductions répétées de sons, de mots ou de phrases entendues par un proche ou par une

source sonore quelconque (vidéo, radio,…) Cette reproduction à l’identique (avec la même

intonation) est appelée écholalie.

• Les stéréotypies sensorielles, où la personne recherche de manière répétée des

stimulations particulières et où elle peut rester focalisée sur celles-ci pendant longtemps. Ces

stimulations peuvent être visuelles (lumières, couleurs particulières,...), auditives (bruits de

ventilateur, fréquence de sons,...), tactiles (flairer certains objets, porter des objets à la

bouche, chercher certaines textures,...). On ne trouve pas dans les études de stéréotypies

sensorielles olfactives et gustatives. La recherche de stimulations olfactives et gustatives est

moins fréquente, tout du moins elle est moins observable.

• Les rituels sont des séquences d’actions stéréotypées, c’est-à-dire une suite de

comportements organisés dans le temps et réglés selon un code fixe, à certains moments de la

journée et reproduits tous les jours. Ces comportements ritualisés entraînent une résistance au

changement, en effet tout bouleversement de l’ordre fixé peut générer des réactions vives de

la part de la personne. Les rituels sont intégrés depuis peu dans le domaine des

comportements stéréotypés. Il s’agit par exemple de fermer les portes, d’aligner les objets,…

• Les compulsions et les contrôles de l’environnement, qui correspondent à la

répétition d’actions, souvent peu complexes, qui visent à obtenir quelque chose de

perfectionnée (recherche de propreté extrême, mesures de vérification, de comptages,...) et

qui visent à attirer de manière répétée l’attention sur soi (contrôle de la conversation par

exemple).

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• Les centres d’intérêts restreints, où la personne se focalise sur des sujets ciblés et

spécifiques, limités en nombre et parfois inhabituels. On retrouve aussi des idées fixes, ou

obsessions, qui reflètent des pensées revenant de manière répétée et intrusive.

• Les comportements auto-agressifs et hétéro-agressifs, qui sont des comportements

moteurs stéréotypés dirigés vers le propre corps de la personne, vers autrui et vers un objet et

qui sont source de douleurs et/ou de blessures plus ou moins graves. L’auto-agressivité peut

être, par exemple, de se ronger les ongles, de mâchonner, de se caresser, de se gratter, de se

cogner contre les murs, de se mordre,… L’hétéro-agressivité peut être de pousser quelqu’un,

de le taper, de le brutaliser, de le mordre, ou de jeter les objets à terre, de les casser,…

Cette catégorisation des comportements stéréotypés reflète la multitude des formes

comportementales que l’on peut classer dans ce domaine. On comprend donc bien qu’il n’est

pas si simple de classer toutes ces topographies et que celles-ci peuvent être confondues et/ou

associées. La structure d’une stéréotypie est difficile à déterminer, et c’est l’une des raisons

pour laquelle les auteurs divergent dans leurs définitions.

II.3. Fonctions des stéréotypies.

II.3.1. L’approche comportementale : fonction de renforcements.

II.3.1.1. Renforcements automatiques, non-sociaux.

La conception traditionnelle de la stéréotypie perçoit celle-ci comme une auto-

stimulation, en d’autre terme, comme ayant une fonction perceptive ou sensorielle. Cette

hypothèse a été soutenue par les études de Lovaas et al en 1987. Cette conception de la

stéréotypie est très ancrée dans l’approche des comportements stéréotypés.

Dans les années 1960, Berkson et Mason ont réalisé les premières études pour

comprendre l’influence de l’environnement sur ces comportements. Ils trouvent que les

comportements stéréotypés sont inversement liés à la présence de stimuli et à la quantité

d’interaction sociale. Il y a donc bien une influence de l’environnement. Puis, dans les années

1980-1990, Iwata et ses collaborateurs mettent en place des études d’évaluation

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comportementale et d’analyse fonctionnelle. Leur but est de déterminer les relations entre les

variables spécifiques et les comportements problèmes. Ceci a permis de mettre en évidence

que le maintien de la stéréotypie a des conséquences sur l’environnement, et qu’il y a aussi la

présence de renforcements sociaux et/ou de renforcements non-sociaux.

Une telle hypothèse est fondée sur la notion de production de renforcement non social

(Kennedy, 2007). Par « non social », on entend que le comportement d’une autre personne

n’est pas requis pour renforcer la production du comportement. Par conséquent, la personne

qui se livre à la stéréotypie est capable de produire elle-même une stimulation en émettant une

réponse spécifique. La stimulation sensorielle maintient le comportement stéréotypé. C’est

donc un comportement opérant, répété et mise à jour car renforcé par les stimuli sensoriels.

Les comportements d’auto-stimulation ne sont donc pas dépendants des conséquences

sociales. Dans ce type de comportement, il est donc particulièrement difficile de manipuler

l’environnement pour éviter que l’enfant s’engage dans le comportement (Cuninggham,

2009).

On peut dégager cinq aspects qui déterminent et caractérisent un renforcement

automatique (Rapp & Vollmer, 2005) :

• La production d’un effet perceptif, sensoriel.

• La persistance du comportement en l’absence de conséquences sociales. • La corrélation entre l’enrichissement de l’environnement et la réduction des

stéréotypies.

• La corrélation entre la diminution de l’effet sensoriel produit et la réduction des

stéréotypies.

• Les stéréotypies peuvent fonctionner comme un renforcement relatif à un autre

comportement et lorsque l’on empêche la venue des stéréotypies, on constate une

augmentation consécutive des stéréotypies.

Ce renforcement automatique peut être positif ou négatif. Par « renforcement positif »,

on entend que le comportement produit un stimulus qui augmente la probabilité de la réponse.

Par exemple, claquer avec sa langue produit un son qui peut être agréable et donc être réitéré ;

ou encore, si on prend l’exemple d’enfants déficients visuels, il est courant qu’ils appuient sur

leurs yeux pour produire une stimulation visuelle. Dans ce cas, la stéréotypie produit une

sensation recherchée par la personne et donc le mouvement est reproduit à nouveau.

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Le deuxième type de contingence, toujours non social c’est-à-dire non dépendante

d’une tierce personne, est le renforcement non-social « négatif ». Celui-ci se produit quand

une réponse réduit, modifie ou supprime un stimulus et de fait, on observe une augmentation

de la probabilité du comportement. Contrairement au renforcement positif, le renforcement

négatif ne produit pas une stimulation, mais permet d’éviter une stimulation désagréable. Par

exemple, c’est ce que nous faisons quand nous couvrons nos oreilles dans un milieu bruyant

pour diminuer la charge sonore perçue comme désagréable.

Les renforcements non-sociaux positifs et négatifs sont l’explication et la

conceptualisation fonctionnelle qui ont été données dans les premiers temps de l’analyse des

stéréotypies.

II.3.1.2. Renforcements sociaux

Aujourd’hui, d’autres explications ont enrichi l’approche des stéréotypies. En plus des

renforcements « non-sociaux » ou automatiques, il s’avère que les renforcements sociaux sont

aussi source de stimulations pour les stéréotypies (Kennedy, 2007). Le renforcement social

positif implique la présence d’une autre personne qui présente un stimulus qui entraîne

l’augmentation de la probabilité de survenue de la stéréotypie. L’exemple le plus fréquent est

la recherche d’attention. En effet, si le comportement d’un enfant, quelqu’il soit - car c’est

valable pour les stéréotypies mais pour tout autre comportement - entraîne de la part de

l’adulte plus d’attention, l’enfant trouve alors du bénéfice à reproduire ce comportement pour

obtenir de l’attention. Dans ce cas, l’attention est un renforcement social et positif car il est

fournit par une autre personne et augmente la probabilité d’apparition du comportement.

Il y a aussi des renforcements sociaux négatifs. Dans le cas d’un renforcement social

négatif, il en résulte qu’une autre personne réduise, modifie ou supprime certains types de

stimulation. Dans de tels cas, la stéréotypie se produit, elle a pour conséquence le changement

d’état du stimulus. Il y a donc une augmentation de la probabilité de la réponse. Par exemple,

un enfant produit des bruits forts de bourdonnement, entrainant chez l’autre l’initiative de

baisser la radio perçue comme désagréable par l’enfant.

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La stéréotypie, théoriquement, a donc pour fonction d’obtenir une stimulation

perceptive de manière automatique, autrement dit une auto-stimulation qui est un

renforcement non-social car obtenu directement par la stéréotypie en elle-même ; et/ou

d’obtenir ou d’éviter un stimulus par l’intermédiaire du comportement d’une autre personne,

dans ce cas il y a une composante sociale et même une composante de communication car elle

implique une autre personne.

Le schéma ci-dessus rend compte du conditionnement opérant basé sur l’émission de

nouveaux comportements en rétroaction avec les conséquences d’une réponse

comportementale et explique donc cette notion de renforcement (Cottraux et al, 1983).

Renforcement positif (l’organisme augmente le débit de ses réponses

d’approche des conséquences positives)

S (D) O R C

Extinction (l’organisme n’émet aucun

comportement)

Renforcement négatif (l’organisme augmente le débit de ses réponses

d’évitement ou d’échappement vis-à-vis des conséquences négatives)

S (D) : Situation (stimulus discriminatif)

O : Organisme

R : Réponse

C : Conséquence

L’ensemble S (D) – O – R – C représente une contingence de renforcement.

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II.4.2. Fonction de gestion des stimuli de l’environnement.

Les comportements stéréotypés peuvent être expliqués par un déficit des fonctions

attentionnelles (Pry et Stahl, 2004). En effet, les personnes porteuses d’un TSA présentent des

caractéristiques similaires aux patients frontaux : rigidité, manque de flexibilité, difficultés à

inhiber des réponses, persévérations, focalisations sur des détails et difficultés à s’adapter à

des situations nouvelles. Il y aurait donc un déficit des fonctions exécutives, plus

particulièrement des processus attentionnels. En effet, les capacités de flexibilité

attentionnelle permettent de s’adapter aux situations nouvelles en déplaçant son attention d’un

set mental à l’autre. Une déficience de cette capacité explique donc les phénomènes de

persévération où la personne choisit toujours la même réponse, de manière répétée, alors que

celle-ci ne sert pas le but à atteindre. Les rituels et routines présents chez les personnes avec

autisme, notamment, peuvent être expliqués par ce déficit de flexibilité attentionnelle.

On peut aussi considérer que les stéréotypies aient une fonction de gestion du niveau

d’éveil en fonction du caractère stimulant ou non de l’environnement. En effet, leur apparition

tend à augmenter en situation de stress (Thommen, 2009). Ces comportements seraient

utilisés dans un but d’autoprotection et de moyen palliatif à des situations stressantes. Dans

l’étude de Thommen, sur trois adultes autistes, l’auteur observe que les comportements

stéréotypés apparaissent d’autant plus dans les situations génératrices de tension et donc de

stress. Ces situations varient en fonction des individus. Pour certains, plus le milieu est

structuré, moins il y a de comportements stéréotypés. Ce qui signifie que plus la personne est

dans un milieu pauvre en structuration spatiale et temporelle, plus elle a besoin de faire

diminuer le niveau de tension et s’adonne alors à des comportements stéréotypés. Pour

d’autres (dans l’étude de Thommen, 2 personnes sur 3), les comportements stéréotypés

apparaissent plutôt dans des situations fortes en stimulations, lors de moments qui sont donc

peu structurés. La surcharge des éléments stimulateurs augmente le niveau d’attention et donc

de stress ; les stéréotypies ont alors une fonction de régulation de la gestion de tous ces

éléments.

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II.5. La place des comportements stéréotypés dans la triade autistique.

Il y a certainement des phénomènes physiologiques qui sont à l’origine des

stéréotypies, toutefois ces mécanismes neurobiologiques qui seraient la cause du maintien

d’un comportement stéréotypé n’ont pas encore été montrés (Jeffrey et al, 2009).

Actuellement, les recherches portent sur l’influence de l’environnement qui développe et qui

maintient la stéréotypie.

Les comportements restreints et répétés, reflètent la deuxième dimension de l’autisme

décrite initialement par Kanner : la première dimension est l’isolement social (aloneness), et

la deuxième dimension est le « besoin impérieux que tout reste inchangé » (sameness). Ces

comportements répétés et restreints au caractère inhabituel et inapproprié rendent compte de

cette deuxième dimension, de ce manque de flexibilité caractérisant les Troubles du Spectre

Autistique. Il y a donc nécessairement un lien entre les comportements stéréotypés, et les

troubles des interactions sociales et de la communication. Ces deux particularités de la

problématique autistique interagissent et ne sont pas indépendantes. D’ailleurs, les limites

entre les critères de la Triade autistique sont parfois floues. Par exemple, dans le critère

« trouble de la communication » on retrouve le symptôme « langage stéréotypé et répétitif et

utilisation idiosyncrasique de mots ou de phrase ». Il y a donc bien un lien entre trouble de la

communication et comportements stéréotypés.

C’est en partie sur ce lien que je me suis appuyée pour intervenir sur la réduction des

comportements stéréotypés de Mario. En effet, l’émergence des capacités socio-

communicatives aurait un effet positif sur les comportements stéréotypés en faisant diminuer

leurs apparitions ou en modifiant leurs expressions (Baranek, 2002). En d’autres termes, on

peut donc comprendre que l’apprentissage de moyens de communication simples permet une

réduction de l’expression des comportements stéréotypés.

Ce lien peut être expliqué par deux hypothèses. D’une part, les comportements

stéréotypés seraient une stratégie adaptative face aux déficits socio-communicaitfs (figure 1),

c’est-à-dire un moyen de pallier aux altérations des capacités d’interactions sociales et de

communication ; d’autre part, les comportements stéréotypés pourraient être une conséquence

d’un défaut d’adaptation sociale et donc d’une difficulté à réguler ces comportements

socialement non acceptables (figure 2), autrement dit un défaut de filtre social (Bourreau,

2008).

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AUTISME

Comportements Capacités

Stéréotypés socio-communicatives

Comportements Capacités

Stéréotypés socio-communicatives

NORMAL

Figure 1 : Balance entre comportements stéréotypés et capacités socio-

communicatives, d’après Bourreau, 2008.

NORMAL AUTISME

Capacités socio-communicatives Capacités s-c

Comportements stéréotypés Comportements stéréotypés

Figure 2 : Capacités socio-communicatives comme filtre des comportements

stéréotypés, d’après Bourreau, 2008.

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II.6. Le cas particulier des stéréotypies verbales.

Dans le cas précis de mon analyse et de mes interventions sur les comportements

stéréotypés de Mario, j’ai été amené à me pencher sur la particularité des stéréotypies

verbales, telle que des chantonnements et des bruits de bouche ; et sur le langage

idiosyncrasique, stéréotypé, qui concerne des mots et des ébauches de phrases mais utilisés de

manière non pragmatique. Et il y a en effet une différence entre les stéréotypies verbales et les

stéréotypies non-verbales (Sherer et Schreibman, 2005). Je me suis donc posée la question du

développement du langage chez l’enfant avec autisme afin de mieux comprendre les causes

des stéréotypies verbales.

II.5.1. Particularités du développement du langage chez l’enfant TSA.

Le processus d’acquisition du langage chez l’enfant dépend de facteurs cognitifs

(attention, mémoire) et biologiques (système articulatoire). Il se fait en trois étapes : le

développement prélinguistique, la première année, où l’enfant, par le babillage, s’approprie

les phonèmes de sa langue maternelle et commence à prononcer ses premiers mots. Puis, à

partir de 18 mois, l’acquisition lexicale augmente et il peut combiner deux mots. Enfin, lors

de la troisième année, il y a apparition des premières structures syntaxiques et l’acquisition du

langage s’accélère alors considérablement. À 4 ans, l’enfant typique a un niveau proche de

l’adulte, d’un point de vue syntaxique. La compréhension linguistique précède toujours la

production. Tout comme le développement du langage chez l’enfant typique, on ne peut pas

tirer de généralité quant à l’acquisition du langage chez les enfants avec autisme, il y a une

grande disparité de fonctionnement. On peut toutefois constater un niveau réellement inférieur

aux enfants typiques avec une évolution non linéaire mais plutôt par paliers.

Les enfants avec autisme ont des difficultés dans l’acquisition du langage, c’est un des

signes symptomatologiques du trouble. D’une part, il y a une dissociation entre les

compétences réceptives du langage (compréhension) et les performances linguistiques

(production) avec un retard dans la performance (moins de mots grammaticaux et plus de

verbes et de noms, avec une persistance des agrammaticalités) ; d’autre part il y a une

association du trouble spécifique du langage avec un déficit en théorie de l’esprit (Foudon,

2008). Le déficit de la théorie de l’esprit à des répercussions sur les capacités socio-

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pragmatiques. En effet, des études longitudinales ont montré que plus les capacités d’attention

conjointe (précurseurs de la théorie de l’esprit) étaient faibles, plus l’évolution linguistique

était moindre. Ainsi, même s’il n’y a pas d’homogénéité au sein des TSA, il persiste dans

cette population des difficultés pragmatiques du point de vue linguistique.

II.5.2. Stéréotypies verbales comme soutien des apprentissages ?

Sherer et Schreibman ont mené une enquête afin de comprendre pourquoi tous les

enfants TSA ne répondaient pas favorablement aux programmes d’interventions

comportementales. L’étude a montré qu’il y a deux profils de comportements, les enfants dits

« Répondeurs » et les enfants dits « Non Répondeurs », qui réagissent différemment aux

interventions du type Pivotal Response Traiment (PRT). Ce programme vise à généraliser les

nouvelles habiletés acquises en motivant davantage l’enfant porteur d’autisme par divers

moyens tels que le choix laissé à l’enfant, l’exécution des tâches à tour de rôle et le

renforcement positif.

Les enfants TSA participant à l’étude présentent des comportements de manipulation

d’objets, des comportements d’approche spontanée vers l’adulte (physiquement ou par le

regard), des comportements d’évitement (éloignement de l’adulte, réaction d’évitement de

réponse,…), des comportements stéréotypés verbaux (phrases sonores absurdes , sons

répétitifs,…) et des comportements stéréotypés non verbaux (flapping, balancement, grimace,

secousses,…) Le graphique ci-dessous montrent la répartition de ces comportements chez les

enfants dits « Répondeurs » et chez les enfants dits « Non Répondeurs ».

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Un traitement d’intervention PRT a ensuite été réalisé avec tous les enfants, pendant 6

mois, plusieurs fois par semaine. À la suite du traitement, l’évaluation a porté sur l’expression

langagière et la compréhension langagière (formulation de demande en particulier) et sur les

compétences sociales. Les résultats montrent que les 3 enfants « Répondeurs », sans

communication fonctionnelle au début du traitement, communiquaient ensuite par la parole de

manière spontanée et dans plusieurs contextes. À l’inverse, les 3 enfants « Non Répondeurs »,

sans communication fonctionnelle avant le traitement, n’ont pas développé de compétences

communicatives après le traitement.

Ceci montre que les stéréotypies verbales peuvent au contraire avoir un effet

facilitateur sur l’apprentissage. L’hypothèse qui est posée par rapport à ce constat réside dans

le fait que la stéréotypie verbale peut être une condition préalable à la compétence langagière,

tout le comme le babillement dans le développement normal du jeune enfant. D’autres

recherches sont nécessaires pour examiner pourquoi les stéréotypies non-verbales interfèrent

avec l’apprentissage tandis que les stéréotypies verbales semblent ne pas interférer avec les

apprentissages, et semblent même être bénéfiques aux apprentissages.

II.5.3. Vers une installation du soliloque ?

Le soliloque est le langage égocentrique, adressé au locuteur, dans un but

d’autorégulation, que se soit dans la manipulation d’objets, dans le contrôle du comportement,

dans l’attention sur une tâche et dans les résolutions de problème (Vigotsky, in Albaret 2006).

Ces verbalisations favorisent positivement les performances dans ces types de tâches. Dans le

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développement, ce langage d’autoguidage devient progressivement intériorisé (Berk, in

Albaret 2006) : il est sans rapport direct avec la tâche au début, puis il cible des descriptions

de la tâche, enfin il est de moins en moins audible avec des manifestations externes d’un

discours intérieur. Il est intéressant de relever que le dernier niveau de soliloque concerne des

murmures inaudibles avec mouvements des lèvres et de la langue à l’exception des

stéréotypies. Ces dernières ne peuvent donc pas soutenir une régulation du comportement. La

distinction entre stéréotypie et des prémices possibles du soliloque sera discutée avec Mario.

Le soliloque ne disparaît pas à l’adolescence et à l’âge adulte, la diminution de celui-ci

est la conséquence d’une pression sociale qui admet difficilement des autoverbalisations

ouvertes.

L’auto-instruction par le langage n’est pas étudiée dans le cas de l’autisme. On peut

admettre que cette capacité d’autorégulation implique des capacités de langage pragmatique

et de compétences dans le lien social, capacités déficitaires chez la personne avec autisme.

Je me suis intéressée à cette question dans le cas de certaines verbalisations de Mario

qui étaient situées entre la stéréotypie et des prémices de soliloque. L’installation du soliloque

chez l’enfant TSA pourrait en effet s’avérer pertinente pour consolider les apprentissages et

les compétences cognitives.

L’installation du soliloque est l’objectif à long terme dans la prise en charge des

stéréotypies de Mario, comme je l’expliquerai dans la partie pratique. Pour cela, je me suis

basée sur les programmes d’auto-instruction mises en place par Goodman et Meichenbaum

(in Albaret, 2006). Ils ont montré leur efficacité chez les enfants TDA/H. Les instructions sont

d’abord données par l’adulte pour réguler les comportements de l’enfant, lors de la

présentation de la tâche puis en couverture vocale pendant que l’enfant s’exécute ; ensuite,

l’enfant verbalise les instructions ; enfin, il les intériorise. Ces programmes sont flexibles et

s’adaptent à l’enfant et à la situation. Il faut prendre en compte aussi que la phase de

verbalisation à voix haute peut prendre un certain temps et ne doit pas être réprimée dans le

milieu scolaire, notamment, comme un comportement perturbateur.

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L’état actuel des études sur les stéréotypies permet d’en donner des définitions et des

descriptions qui englobent une pluralité de comportements différents, tant dans leurs formes

topographiques que dans leurs fonctions. Ces comportements répétitifs et invariants sont

retrouvés dans les Troubles Obsessionnels Compulsifs (TOC), chez les personnes avec Retard

Mental et dans la population TSA, qui nous intéresse. Ils nécessitent, de part leur

inadaptation au milieu, des interventions éducatives et rééducatives. Dans cette deuxième

partie, je vais détailler les moyens à mettre en œuvre pour faire diminuer ces comportements.

III. Interventions sur un trouble comportemental complexe comme les

stéréotypies : l’analyse appliquée du comportement.

III.1. Les raisons d’une évaluation fonctionnelle.

Après avoir saisie la complexité des comportements stéréotypés, nous comprenons

qu’ils sont l’une des formes les plus courantes de comportements jugés « problématiques »

chez les personnes souffrant de trouble du développement. Tous ne nécessitent pas une

intervention, cela dépend du retentissement dans la vie quotidienne et sur la qualité de vie. Il

faut en premier lieu se demander si l’intervention est nécessaire, au regard de l’impact et des

répercussions que ce comportement peut avoir sur la personne elle-même, sur son entourage

et sur ses compétences d’acquisition et d’apprentissage. En effet, si le comportement n’a pas

d’impact négatif sur le sujet et son environnement, il n’est pas utile de mettre en place une

intervention. (Kennedy, 2007). Si la décision est alors prise de mettre en place une

intervention pour réduire la stéréotypie, plusieurs étapes, que je vais développer, sont alors

requises pour procéder à l’évaluation et à l’analyse fonctionnelle.

Je commencerai par détailler ce qu’est une analyse fonctionnelle, de manière générale,

afin de mieux comprendre, dans un deuxième temps, l’intérêt d’une telle approche dans le cas

des comportements stéréotypés. Dans cette première partie explicative de l’analyse appliquée

du comportement, je détaille cette approche et ces techniques comportementales de manière

globale, cette approche s’applique en effet à tous types de comportements problématiques ou

troubles du comportement. Cette précision est importante car, dans le cas de Mario, nous

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verrons que certains de ses comportements stéréotypés évoluent vers des comportements

inadaptés sans pour autant être exclusivement des comportements stéréotypés. Cette nuance

sera expliquée dans la partie pratique. Pour autant, l’analyse fonctionnelle du comportement

s’applique aux comportements stéréotypés et aux autres comportements inadaptés.

III.2. L’analyse appliquée du comportement

III.2.1. Définition.

L’analyse fonctionnelle d’un comportement, d’après Skinner, consiste à « spécifier les

relations fonctionnelles existantes entre le comportement d’un individu et son

environnement ».

Cette approche du comportement humain s’appuie sur l’observation précise et

rigoureuse d’un comportement cible afin d’en dégager les éléments déclencheurs et les

éléments de maintien, dans le but d’intervenir sur ce comportement avec des stratégies

adéquates et adaptées pour le modifier. L’objectif d’une telle approche est donc de pouvoir

confirmer ou infirmer une hypothèse selon laquelle un ou plusieurs paramètres identifiés sont

supposés prédire, favoriser, expliquer et maintenir le comportement problématique (Elouard,

2011).

La modification du comportement, qui vient en second lieu après l’analyse

fonctionnelle, passe par son atténuation. On peut atténuer un comportement soit en visant la

réduction de l’apparition de ce comportement, soit en passant par l’apprentissage de

comportements alternatifs adaptés.

L’approche comportementale trouve alors son unité dans « l’adoption de la

méthodologie issue du raisonnement expérimental pour le recueil des faits, leur organisation

en hypothèses testables, l’élaboration de stratégies spécifiques et l’évaluation des résultats

thérapeutiques. » (Cottraux et coll, 1983)

Yates, en 1970, donne la définition suivante : « les thérapies comportementales

représentent la tentative d’utiliser de manière systématique ce corps de connaissance

empirique et théorique qui résulte de l’application de la méthode expérimentale en

psychologie et dans les disciplines étroitement liées (physiologie et neurophysiologie) dans le

but d’expliquer la genèse et le maintien de patterns anormaux de comportements, ainsi que

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l’application de cette connaissance au traitement ou à la prévention de ces anomalies par des

études expérimentales contrôlées de cas uniques tant au niveau descriptif que thérapeutique. »

L’idée d’agir sur un comportement pour le modifier a pu être perçu comme une

atteinte à la liberté des personnes. En effet, modifier le comportement de quelqu’un peut être

considéré comme très contraignante et donc irrespectueuse de la personne et de la dignité

humaine. Cependant, il faut bien comprendre qu’il s’agit, dans l’analyse expérimentale du

comportement humain, de « rechercher la fonction de tels comportements pour offrir un

moyen plus adapté d’obtenir ce qu’il souhaite » (Rivière, 2006). En d’autres termes, il s’agit

de permettre à la personne de développer des moyens comportementaux plus efficaces, plus

appropriés et plus adaptés que ceux déjà existants. Ils élargissent de ce fait leur panel de

possibilités de comportements et augmentent alors leur liberté en général.

III.2.2. Historique et modèles théoriques.

Cette approche du comportement humain s’appuyant sur l’observation du

comportement, de ses éléments antécédents et de ses éléments de maintien, se fonde sur la

notion de conditionnement opérant.

Historiquement, cette conception du comportement a débuté avec l’expérience, en

1890, de Pavlov. Il présente le conditionnement répondant avec son expérience dite du

« chien qui bave ». Dans cette expérience, Pavlov constate que le chien salive dès qu’on lui

présente de la nourriture. Autrement dit, un stimulus inconditionnel (la nourriture) entraîne

une réponse inconditionnelle (la salivation). On dit « inconditionnel » car on ne peut agir sur

ce principe de réflexe (on présente de la nourriture à un chien, il salive). Pavlov a alors ajouté

un stimulus neutre, une cloche, au même moment où l’on présente un stimulus inconditionnel

(la nourriture). L’assemblage entre un stimulus neutre et un stimulus inconditionnel entraîne

un stimulus conditionnel. C’est-à-dire que la cloche et la nourriture entraînent la salivation.

Au bout d’un certain temps, le stimulus neutre à lui seul, entraîne une réponse conditionnelle :

la salivation. La réponse est dite conditionnée ou conditionnelle quand on agit sur le système

{stimulus-réponse} en y ajoutant une autre variable.

En 1913, Watson reprend les travaux de Pavlov pour les appliquer au comportement

humain et pose les bases de l’analyse comportementale.

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Dans les années 1940-1950, Skinner, considéré comme l’un des pionniers de l’analyse

expérimentale du comportement humain, pose ensuite le terme de conditionnement opérant.

Ainsi, les premières analyses fonctionnelles ont été réalisées dans le cadre de schémas

simples, essentiellement ceux du conditionnement opérant, représentés par la formule :

S (Stimulus) O (Organisme) R (Réponse) C (Conséquence)

Un stimulus, issu de l’environnement ou de l’organisme, a une action sur l’organisme, qui

induit une réponse comportementale de la part de cet organisme. Cette réponse entraîne des

conséquences pour l’individu. Celui-ci, avec ses variables internes, est alors considéré et il

devient actif dans la réponse.

Des récompenses obtenues par la personne vont lui permettre de choisir une certaine

réponse adaptée. Tel ou tel comportement est donc choisi en fonction des conséquences que

cette réponse va entraîner dans l’environnement. Par exemple un enfant fait ses devoirs pour

contenter ses parents ; il a donc une conséquence positive à se mettre au travail car il reçoit en

contrepartie un bénéfice socio affectif.

Ce modèle commence à poser la question du renforcement, que nous avons évoqué en

première partie, lors de l’explication des fonctions des stéréotypies : qu’est ce qui est agréable

ou désagréable pour la personne ?

Ce modèle s’est ensuite enrichi de variables après l’étude et la compréhension plus

approfondie de la notion d’environnement ainsi que par les recherches sur l’organisme. En

effet, depuis les années 1960, les modèles d’analyse fonctionnelle du comportement mettent

l’accent sur le recueil de données pour déterminer de manière précise et rigoureuse les

facteurs propres au sujet et les facteurs issus de l’environnement qui sont impliqués dans le

comportement cible.

Le schéma ci-dessous présente le modèle de Fontaine et Ylieff (1981). Il est plus

complet que le schéma simple du conditionnement opérant (S-O-R-C) car il indique, en plus

de l’observation du comportement associé aux conséquences de celui-ci, l’articulation des

variables dépendantes et indépendantes actuelles avec les antécédents historiques.

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ANTÉCÉDENTS

HISTORIQUES Inné et acquis

(biologiques, développementaux,

socio-culturels et familiaux, comportementaux)

Répertoire biologique, comportemental et cognitif spécifique

ANTÉCÉDENTS IMMÉDIATS - environnement physique et social

- stimuli discriminatifs internes et externes

- évolution du trouble

COMPORTEMENT PROBLÈME Topographie, fréquence, durée, intensité sur le plan comportemental,

cognitif et émotionnel

CONSÉQUENCES SUR CONSÉQUENCES SUR

L’ENVIRONNEMENT LE SUJET

- comportementales - comportementales

- cognitives - cognitives - physiologiques

Dans les années 1970-1980, Lovaas élabore des techniques de conditionnement

opérant pour éliminer les comportements pathologiques nuisibles au sujet et à l’entourage,

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puis pour acquérir des comportements à partir desquels des apprentissages plus spécifiques

pourront s’établir.

Le terme d’Analyse Appliquée du Comportement ou Applied Behavior Analysis

(A.B.A.) est actuellement la dénomination la plus connue dans le domaine de la psychologie

au niveau internationale. Cette approche a été approfondie et enrichie par des modèles

d’explication théorique et prouvée scientifiquement par de nombreuses études depuis près de

40 ans, elle est reconnue comme étant une méthode efficace pour apprendre à développer des

comportements plus adaptés.

III.3.L’analyse appliquée du comportement : point par point

Le nombre d’étapes varie en fonction des auteurs, toutefois on peut les décrire au

nombre de quatre : dans un premier temps on procède à un recueil de données et à la collecte

des informations ; le deuxième temps est l’analyse fonctionnelle à proprement dite avec la

sélection du comportement cible, la recherche d’antécédents fonctionnellement reliés au

comportement cible et l’établissement d’hypothèses entre ces antécédents et le

comportement ; ensuite on choisit les stratégies d’interventions thérapeutiques en fonction des

hypothèses retenues ; et enfin on évalue les résultats.

III.3.1. 1ère étape : le recueil des données

Avant toute analyse factorielle et toute intervention, il convient de recueillir un

maximum de données et d’informations sur l’enfant, sur son environnement et sur ces

comportements. Cette collecte précède l’observation clinique et expérimentale, et elle se fait

par l’entretien clinique, structuré ou semi-structuré. Tout d’abord, les informations à recueillir

intéressent les caractéristiques de l’enfant et de son milieu familial et socio-affectif. Ensuite,

les informations pertinentes concernent celles liées aux comportements inappropriés en eux-

mêmes : topographie et description précise des comportements problèmes, fréquence

d’apparition, durée d’apparition, intensité,… Puis, les informations concernent les

conséquences et l’impact de ces comportements inappropriés, sur l’enfant, sur son

environnement et sur son entourage, Enfin, les informations à collecter renseignent les

stratégies utilisées face à ces comportements et la compréhension de ceux-ci : les ressources

disponibles, humaines et matérielles, dans la situation où apparaissent les comportements

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inappropriés, les croyances de la part de l’équipe éducative à propos des fonctions des

comportements inappropriés, les réponses émotionnelles et physiques de l’équipe éducative

face aux comportements inappropriés, les stratégies mises en place par l’enfant et par

l’entourage,…

Cette 1ère étape a donc pour finalité de formuler la plainte et de cibler le comportement

sur lequel il va falloir intervenir. L’issue de cet examen des données est de fournir la base

pour procéder à des évaluations et des analyses descriptives expérimentales. (Kennedy, 2007).

De ce recueil de données, on peut déjà concevoir quels vont être les axes d’intervention.

III.3.2. 2ème étape : l’analyse fonctionnelle.

Le comportement choisi doit être un « comportement problème ». Dans le cas des

comportements stéréotypés, il convient donc de cibler un comportement qui interfère avec la

vie du sujet (dangereux pour lui ou pour les autres, interfération avec l’intégration et /ou les

apprentissages,…) Il s’agit ensuite de le définir avec rigueur et précision. Pour cela, il faut

utiliser des moyens d’observation efficaces et précis. La rigueur de cette définition et de cette

description a pour enjeu l’accord et la compréhension unanime de l’ensemble des personnes

agissant sur ce comportement : parents, éducateurs et rééducateurs. Il est judicieux pour cela

d’utiliser une grille adaptée et pourquoi pas un enregistrement vidéo.

Le processus d’observation doit permettre d’identifier la fonction de chaque forme

distincte topographiquement de comportements cibles observés chez l’enfant En effet, comme

nous l’avons déjà dit, un comportement stéréotypé ou un comportement anormal peut avoir

plusieurs formes comportementales et servir des finalités différentes.

Cette 1ère phase de l’analyse fonctionnelle est primordiale. Plus l’observation sera

rigoureuse et préparée et plus le comportement visé sera décrit de manière objective et sans

interprétation hâtive.

Le but de l’évaluation fonctionnelle est de comprendre les corrélations entre les

événements antérieurs et par conséquent susceptibles d’être liés à ces comportements

stéréotypés ou comportements anormaux. Souvent, ces événements peuvent déjà être

identifiés à partir de l’examen des dossiers et de l’entretien (1ère étape de l’analyse). Dans le

cas de l’observation d’un comportement stéréotypé, les évaluations descriptives doivent

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identifier les niveaux et les types de stimulations produites dans l’environnement quand la

stéréotypie apparaît. Par exemple, les stéréotypies ne se produisent que lorsque de faibles

niveaux de stimulations environnementales sont présents, ou alors se produisent uniquement

lorsque les niveaux de stimulation sont élevés (Kennedy, 2007).

La recherche des événements antécédents fonctionnellement reliés au comportement cible

permet la description des relations de dépendance entre le comportement cible, les

événements environnementaux et les états bio-comportementaux. Cela ne signifie pas de

chercher les causes internes et émotionnelles de l’enfant, mais de définir de façon

opérationnelle les comportements ou antécédents supposés responsables du maintien du

comportement cible.

L’antécédent peut être un problème de frustration, c’est-à-dire une incapacité pour

l’enfant à réussir une tâche permettant l’accès à des renforcements naturels ou artificiels. On

peut prendre l’exemple d’un enfant porteur d’un T.S.A. n’ayant pas accès au langage qui

s’engage dans un comportement violent car il ne peut formuler sa demande, et n’a donc pas

accès au renforcement souhaité.

L’antécédent peut être une sous-stimulation ou une sur-stimulation. Par exemple, un

enfant peut s’engager dans un comportement perturbateur s’il ne reçoit pas assez d’attention

de la part de l’adulte, l’antécédent est donc l’insuffisance d’attention. Dans le cas d’une sur-

stimulation, il peut s’agir, par exemple, d’un environnement trop bruyant qui entraîne un

comportement d’auto-mutilation chez une personne autiste.

Enfin, l’antécédent lié au comportement cible peut être l’attente de l’environnement ou

les modèles fournis par l’environnement qui sont inappropriés. Prenons l’exemple parlant

d’une bagarre après un match de football : les personnes s’engagent dans un comportement

bagarreur et violent par imitation, sans savoir souvent pourquoi la bagarre s’est déclenchée.

Par cette recherche de contingences qui maintiennent le comportement cible de

l’enfant, on génère ensuite des hypothèses d’organisation du comportement.

III.3.3. 3ème étape : Le choix des stratégies thérapeutiques.

En fonction des hypothèses qui ont été posées quant aux éléments antécédents et aux

éléments de maintien d’un comportement non adapté, on fixe les stratégies thérapeutiques

pour faire diminuer ce comportement en favorisant l’apparition d’un comportement souhaité.

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Les moyens à disposition pour le développement de comportements sont les renforcements,

les guidances, les façonnages et les chaînages.

III.3.3.1. Les renforcements.

Le renforcement est une opération qui relie deux événements : la réponse

comportementale et un événement ou conséquence qui suit la réponse. Cette relation est un

renforcement si et seulement si la réponse augmente ou maintient sa probabilité d’apparition

en fonction d’une conséquence (Rivière, 2006). L’agent du renforcement est le renforçateur.

Et, comme cela a déjà été précisé, le renforcement peut être négatif ou positif suivant qu’il

soustrait ou qu’il retire quelque chose à la situation.

Un renforçateur peut être primaire (ne dépend pas d’autres renforçateurs, comme la

nourriture), il peut être secondaire (dépend de l’association avec d’autres renforçateurs

résultant de l’apprentissage, comme des jouets, des privilèges, des activités,…ou être

généralisé en économie de jetons par exemple, ou être sociaux). Ils sont artificiels ou disposés

par quelqu’un.

Le ou les renforçateurs sont à choisir en fonction de l’enfant et de ses intérêts afin

d’être efficace(s). Il ne faut pas les multiplier et ils doivent être immédiats.

Le programme d’administration de renforçateur est aussi à choisir avec rigueur, on peut

choisir un programme ratio (le renforçateur est donné après un certain nombre de

comportements souhaités) ou un programme d’intervalles (le renforçateur est donné si le

comportement souhaité apparaît dans l’intervalle de temps fixé).

Les programmes de renforcement sont une étape dans l’apprentissage, petit à petit, ils

sont à diminuer puis à disparaître.

III.3.3.2. Les guidances.

Les guidances sont des événements qui aident à engendrer une réponse : elles sont une

aide à l’enseignement, elles sont à retirer le plus vite possible en estompant progressivement

la guidance et elles sont à combiner à d’autres procédures de renforcement différentiel

(Wolery, 1994, in Rivière 2006).

Il existe six types de guidance : les guidances verbales (mots écrits ou prononcés,

comme les consignes, le problème est que l’enfant ne comprend pas nécessairement la

consigne) ; les guidances visuelles (par image, comme les pictogrammes des programmes

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PECS ou Makaton) ; les guidances gestuelles (expressions faciales et postures) ; les guidances

physiques (avec accompagnement de certains gestes par exemple) ; les guidances par

modelage (c’est-à-dire par imitation, souvent associées aux gestes et à la guidance verbale) et

les guidances environnementales (aménagement de l’espace physique pour induire le

comportement désiré).

Les guidances choisies sont à estomper progressivement, inversement à l’évolution du

comportement souhaité.

III.3.3.3. Le façonnage et le chaînage.

Le façonnage consiste à faire apparaître un comportement inexistant, qui n’est pas

dans le répertoire de l’enfant. Dans ce cas, on renforce les approximations successives du

comportement cible. Au lieu d’attendre que le comportement apparaisse pour le renforcer, on

renforce graduellement chaque élément qui ressemble à la forme finale. L’estompage, que

nous avons vu avec les guidances et les renforcements, vient alors dans un second temps.

Quant au chaînage, il consiste à renforcer les différentes étapes de l’élaboration d’un

comportement complexe. Les renforcements sont alors utiliser de manière successive, à

chaque élément de la chaîne nécessaire à l’obtention du comportement souhaité.

Ces moyens pour l’apprentissage d’un nouveau comportement et pour l’extinction

d’un comportement non souhaité sont efficaces s’ils sont utilisées avec rigueur et précision

par l’exemple de l’équipe accompagnant l’enfant. Ils s’appliquent aux comportements

stéréotypés qui nous intéresse particulièrement.

III.4. Analyse fonctionnelle appliquée aux stéréotypies et interventions spécifiques.

L’idée générale, que nous avons déjà développée, est que tout comportement entraîne

une conséquence. Donc tout problème de comportement entraîne aussi une réponse et le sujet

associe ce comportement à la réponse qui vient en conséquence. Dans le cas spécifique de

l’autisme, l’enfant n’a pas de moyens de communication adaptés. Il est alors primordial de

comprendre la fonction du comportement stéréotypé et de comprendre son processus

d’installation car son impact négatif peut être source d’exclusion et de souffrance.

Je vais détailler à présent quels sont les moyens spécifiques qui peuvent être utilisés

pour intervenir sur les stéréotypies. Globalement, en reprenant les différents auteurs, on peut

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en décrire cinq : la restriction de la réponse, l’enrichissement de l’environnement,

l’apprentissage de nouvelles compétences alternatives, le renforcement de la non-occurrence

de la stéréotypie et la réprimande de la stéréotypie. (Rapp, 2004 ; Kennedy, 2007 ; Jeffrey,

2009).

III.4.1. Particularités des interventions sur les stéréotypies.

Avant de décrire les différentes interventions pouvant être spécifiquement utilisées

pour réduire les stéréotypies, il faut rappeler la particularité des comportements stéréotypés :

les personnes présentant des stéréotypies ont plusieurs formes de stéréotypies. Or, peu

d’études ont démontré l’effet d’une intervention sur l’ensemble des stéréotypies d’un

individu. Les études présentent des efficacités d’intervention ciblée sur une stéréotypie.

Toutefois, si l’on regarde l’ensemble des stéréotypies d’un individu, il est possible qu’une

forme de stéréotypie augmente alors qu’une autre forme diminue. De même, il est possible

que des formes de stéréotypie non ciblée diminuent au même titre que les formes ciblées.

Finalement, il est possible que le comportement approprié commence à émerger à mesure que

diminue la stéréotypie (Rapp, 2004).

III.4.2. La restriction de la réponse.

Une première intervention possible est de restreindre l’apparition de la réponse. En

d’autre terme, il s’agit d’éliminer les renforcements qui maintiennent le comportement

(Jeffrey, 2009). On peut agir de cette manière lorsque la fonction de la stéréotypie est un

renforcement social. Par exemple, si le comportement est maintenu par l’attention qui lui est

porté, la restriction de la réponse consistera à faire du retrait d’attention.

Dans les cas de comportements maintenus par des renforcements automatiques (non-

sociaux), il est plus compliqué de refuser la stimulation générée par le comportement.

Plusieurs stratégies peuvent être adoptées.

Tout d’abord, on peut utiliser l’extinction sensorielle : cacher les yeux pour limiter la

stéréotypie visuelle, mettre un tapis pour que le bruit de la manipulation d’un objet soit moins

fort, débrancher une lampe qui fournit une stimulation visuelle,…etc.Toutes ces techniques

permettent de faire diminuer les stéréotypies. Elles sont toutefois contraignantes et peu

généralisables (Jeffrey, 2009).

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On peut aussi bloquer ou interrompre la stéréotypie au moment où elle apparaît. Par

exemple, si un enfant se mord les doigts, il s’agira de mettre devant la bouche de l’enfant la

main de l’éducateur (ou thérapeute, ou parent,...) Cette technique est coûteuse pour la

personne qui la met en place et exige une surveillance permanente.

Finalement, les différentes procédures d’extinction de la réponse stéréotypée par

atténuation ou élimination des conséquences de la stéréotypie sont des moyens d’intervention

qui réduisent effectivement la stéréotypie ciblée. Toutefois, elles sont coûteuses en énergie, et

le déplacement de la stéréotypie vers un autre comportement stéréotypé est fréquent. Ces

procédures sont donc rarement mises en place de manière isolée.

III.4.3. L’enrichissement de l’environnement.

La deuxième stratégie d’intervention pouvant être utilisée pour réduire les

comportements stéréotypés est l’enrichissement de l’environnement. Il s’agit de fournir à la

personne s’engageant dans la stéréotypie d’autres possibilités d’accès à des stimulations.

L’idée est d’engager la personne dans des activités incompatibles avec le comportement

stéréotypé (Jeffrey, 2009). Cette stratégie est surtout utilisée lorsque la stéréotypie a une

fonction dite « non-sociale », comme je l’ai déjà expliqué, ces stéréotypies sont maintenues

par des stimulations sensorielles générées par la stéréotypie elle-même. La stéréotypie est

alors renforcée car elle donne accès à une stimulation agréable ou, au contraire, elle permet

d’éviter une stimulation désagréable ou nociceptive.

L’intervention consistant à enrichir l’environnement est précédée par une évaluation

fonctionnelle d’une ou plusieurs autre(s) activité(s) qui fournissent une stimulation ayant

valeur de renforcement positif, en concurrence avec la stéréotypie. On lui donne en fait le

choix entre s’engager dans la stéréotypie et s’engager dans une autre activité qui fournit aussi

un renforcement sensoriel (Kennedy, 2007).

La procédure débute alors par l’identification précise du renforçateur qui s’avère

efficace pour la personne et qui doit être en haute concurrence avec le comportement

stéréotypé. Il est possible de choisir un renforçateur qui fournit les mêmes types de

stimulations sensorielles que le comportement stéréotypé. Ensuite, il faut jauger le niveau

d’effort qui est nécessaire pour s’engager dans le nouveau comportement renforçateur, celui-

ci ne doit pas être trop important et pas être trop coûteux pour pouvoir concurrencer

efficacement le comportement stéréotypé.

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Suite à cette évaluation, on peut procéder à un enrichissement de l’environnement en

donnant à l’individu ces stimulations supplémentaires qui ont été évaluées au préalable

comme des stimulations appréciées et même préférées par la personne.

Les renforcements différentiels disposés dans le cadre de ce type d’intervention sont à

délivrés à plusieurs reprises, et cette fréquence est à déterminée. En effet, les stimulations

sensorielles fournies par les stéréotypies peuvent être extrêmement puissantes et il peut être

difficile de trouver un renforçateur différentiel efficace. La question peut se poser d’utiliser la

stéréotypie elle-même comme renforçateur (Jeffrey, 2009). Il s’agit de restreindre l’accès à la

stéréotypie, avec un blocage de la réponse par exemple, et de permettre l’accès à la

stéréotypie à la suite d’un comportement souhaitable. Toutefois, il y a peu d’études sur ce

sujet.

III.4.4. L’apprentissage de nouvelles compétences.

La troisième approche que l’on peut envisager pour intervenir sur les stéréotypies est

l’apprentissage d’un comportement alternatif plus adapté (Kennedy, 2007). L’idée est donc de

donner à la personne les capacités et les compétences d’accéder à de nouvelles sources de

stimulation ou au contraire de s’éloigner elle-même des stimulations désagréables. Ces

interventions regroupent les moyens déjà évoqués de chaînage et de façonnage. Cela permet

de remplacer la stimulation fournie par la stéréotypie par une autre activité, ou un autre jeu

mais plus adapté. Dans le cas des stéréotypies sociales, qu’elles aient valeur de renforcement

positif ou négatif, elles sont maintenues par des stimulations fournies par une autre personne.

Celles-ci ont la particularité de ne pas être disponibles en l’absence d’une autre personne. Ces

stéréotypies entraînent nécessairement la modification du comportement de la personne qui

fournit la stimulation. C’est en ce sens qu’elles sont « sociales » et peuvent alors être

considérées comme une forme de communication. Pour ces stéréotypies sociales, il s’agit

d’apprendre à l’individu à communiquer d’une autre manière sa demande pour remplacer la

réponse stéréotypée qui lui permet d’accéder à un renforcement positif. Cette communication

peut être apprise par un moyen alternatif, comme par exemple l’utilisation des pictogrammes.

L’idée est alors d’enseigner un moyen plus approprié et plus efficace pour obtenir un objet,

une activité ou quelque chose de particulier de la part de quelqu’un (de l’attention par

exemple), et ainsi de permettre que la personne n’aie plus besoin de s’engager dans la

stéréotypie pour faire comprendre ce qu’elle veut. L’intervention est donc ciblée sur

l’amélioration de la communication personnelle. Dans le cas où la stéréotypie a pour but de

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modifier le comportement d’une autre personne afin d’éviter ou d’échapper à des stimuli

(renforcement social négatif), elle est une forme de communication pour changer

l’environnement par l’intermédiaire d’une autre personne. De même, dans ce cas, il s’agit de

fournir à la personne des moyens plus adaptés de communiquer pour éviter qu’il s’engage

dans la stéréotypie.

III.4.5. Le renforcement de la non-survenue de la stéréotypie.

Pour cette intervention, il s’agit de choisir un renforçateur efficace, tout comme

l’intervention précédemment décrite et celui-ci est alors fourni lorsque la stéréotypie

n’apparaît pas. Les auteurs parlent de Differential Reinforcement of the non-Occurrence of

stereotypy (DRO). Lors de cette procédure, il faut établir un intervalle de temps pendant

lequel il ne faut pas que la stéréotypie apparaisse afin d’obtenir le renforçateur. Cet intervalle

est à déterminer judicieusement car si le renforçateur est donné trop fréquemment, il peut y

avoir un effet de satiété.

Plusieurs conditions sont envisageables : on peut réinitialiser ou non la période DRO

après l’apparition du comportement problème. Autrement dit, on détermine un intervalle de

temps pendant lequel la stéréotypie ne doit pas apparaître, et si la stéréotypie apparaît pendant

cette intervalle, soit on attend la fin de l’intervalle de temps puis on recommence un nouvel

intervalle où le renforçateur pourra être donné en cas de non apparition de la stéréotypie ; soit

on remet le compteur de temps à zéro au moment de l’apparition de la stéréotypie et

commence alors un nouvel intervalle de temps. Les deux méthodes ont été montrées efficaces

(Rivière, 2006 et Jeffrey, 2009).

III.4.6. La réprimande de la stéréotypie.

Enfin, la dernière intervention est à utiliser quand aucun renforçateur ne parvient à

rivaliser avec la stéréotypie. Dans une telle situation, deux options sont envisageables

(Jeffrey, 2009). Soit le thérapeute décide d’arrêter totalement le traitement de la stéréotypie

car il a évalué que le coût de l’intervention était plus important que l’impact de la stéréotypie

sur la vie de l’individu ; soit il met en place une sanction, en dernier recours, si la stéréotypie

porte atteinte à la vie de l’individu. Actuellement on use de réprimandes plus bénignes

qu’avant : les gifles, goûts aversifs, électrocution, ont été remplacées par des réprimandes

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verbales, des sur-corrections, des délais d’attente,… Ces réprimandes doivent être

suffisamment aversives pour faire diminuer la stéréotypie et doivent être socialement

acceptables. Ce moyen d’intervention est à user en dernier recours, si vraiment la stéréotypie

porte atteinte à la sécurité et à la santé de la personne et que tous les autres moyens ont été

explorés et inefficaces pour réduire la stéréotypie.

La partie pratique qui suit met en évidence la démarche que j’ai eue toute cette année auprès de Mario, enfant TSA, présentant des comportements stéréotypés. Cette réflexion retrace toutes les étapes nécessaires à l’analyse fonctionnelle et qui ont donné lieu à la mise en place d’interventions spécifiques.

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PARTIE PRATIQUE

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I. Recueil des données.

I.1.Présentation de Mario.

.

I.1.1. Petite enfance

La grossesse et l’accouchement se sont bien passés, Mario est né 4 jours après le

terme.

Dans la petite enfance, avant l’élaboration du diagnostic, Mario est décrit comme un

enfant qui pleure beaucoup, qui s’agite, se cogne et tombe beaucoup. Il acquiert la marche à

14 mois. À 3 ans, Mario est dégourdi sur le plan moteur : il est capable d’enfiler des perles,

d’ouvrir des bocaux, appuyer précisément sur un bouton, il participe à l’habillage et se

déshabille facilement. Le langage n’est pas en place à 3 ans. On observe un évitement du

regard. Un intérêt restreint pour les chiffres et les lettres est présent.

Il est suivi en orthophonie, en psychomotricité et par un pédopsychiatre depuis l’âge

de 3 ans.

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I.1.2. Suivi en psychomotricité

I.1.2.1 Suivi de 2008 à 2012

Le 1er bilan psychomoteur date d’Avril 2008. Mario obtient des scores à l’échelle de

développement psychomoteur de Brunet-Lézine en deça de la norme attendue pour son âge :

il est hors cotation pour le domaine coordinations oculomotrices (niveau 14 mois), il est à - 4

DS pour la posture (niveau 15 mois) et il est à - 4 DS pour la sociabilité (niveau 15 mois). Ces

scores ne sont pas représentatifs des capacités du petit garçon mais relèvent d’un retard

psychomoteur évident. Sur le plan moteur, la marche est instable, avec le pied gauche rentré

anormalement en dedans. De plus, Mario marche sur les pointes. Il est souvent déséquilibré.

Mario se montre très agité et ses capacités d’attention sur une tâche sont limitées. Sur le plan

du langage, il ne prononce pas de mots intelligibles. Des stéréotypies vocales sont présentes :

il s’agit de cris aigus « o » et « a ».

La prise en charge en psychomotricité a permis d’améliorer la stabilité de la marche ;

toutefois la marche sur les pointes persiste et semble avoir une composante stéréotypée. Mario

reste agité et précipité, ce qui perturbe sa gestualité. Les séances ont aussi permis d’augmenter

les capacités attentionnelles et Mario peut rester plus longtemps sur la même tâche (10min).

L’alternance des tâches à table et des exercices debout ont été travaillés. Au niveau de la

communication, Mario peut se faire comprendre de l’adulte même si les mots ne sont pas

compréhensibles : il est capable d’amener l’adulte vers l’objet qu’il convoite. L’échange

visuel peut s’établir en relation duelle ; le jeu de rôle est encore travaillé en séance.

I.1.2.2. Bilan psychomoteur en juin 2012.

Un bilan d’évolution psychomoteur a été réalisé en juin 2012. Les épreuves ont été

adaptées en raison de la problématique autistique de Mario. Sa participation aux épreuves est

un progrès, même si celles-ci n’ont pu être administrées de manière standard. Mario a été

évalué sur ses capacités attentionnelles, ses capacités de perception visuelle, graphiques et

motrices.

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• Attention visuelle de la NEPSY :

Les résultats sont difficilement interprétables en raison des adaptations qui ont été

mises en place. Mario a été encouragé et félicité après chaque cible barrée. Une pause a eu

lieu entre les deux barrages. Au 2ème barrage, il a été nécessaire de recentrer constamment

Mario sur la tâche. Il est intéressant de relever lors du 2ème barrage que Mario commence à

barrer la cible du 1er barrage, et dit à voix haute « Non ».

Mario présente des difficultés certaines au niveau de ses capacités attentionnelles. De

plus, certaines erreurs ont été commises par provocation.

• Perception visuelle (FROSTIG) :

Pour l’épreuve de Coordinations visuo-motrices, Mario comprend la consigne mais il

est dans une dynamique de provocation face à l’adulte et dépasse volontairement du chemin.

Les résultats ne sont donc pas significatifs.

Pour l’épreuve de Discrimination figure/fond : Mario accepte moins bien cette

épreuve. Il s’agit de retrouver des formes sur des fonds confus. Il est capable de nommer le

triangle et la lune, et il nomme le carré « rectangle ».

Les épreuves de Constance de formes et de Position dans l’espace n’ont pas été

administrées car Mario ne comprenait pas la consigne.

Enfin, pour l’épreuve de Relations spatiales, où il faut reproduire des formes

géométriques à partir de points servant de repères à l’enfant, Mario comprend la consigne,

mais l’exercice est difficile car il demande beaucoup de concentration à Mario. Il montre son

mécontentement par des bruits et des stéréotypies. Il réussit une réponse.

• Graphisme :

Mario prend son stylo à droite, en prise tripodique mais trop éloignée de la pointe du

stylo. Il est capable de tenir sa feuille avec le bras non-scripteur si la feuille bouge. La copie

du prénom est possible en capitales d’imprimerie ; pour ce faire on note que la gestion de

l’espace n’est pas correcte puisque Mario utilise tout l’espace qui lui est proposé,

indépendandamment de la taille de la feuille, son prénom est écrit sur l’ensemble de l’espace.

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• Motricité (M-ABC) :

Résultats (étalonnage 7 ans) : • Dextérité manuelle : 15 points (inférieur au Centile 5)

• Maîtrise de balles : évaluation incomplète

• Équilibre : 12 points (inférieur au Centile 5)

La précipitation motrice et la gestualité trop brusque de Mario perturbent les résultats

au test. En motricité manuelle, la précipitation du geste ne permet pas une précision optimale,

toutefois il regarde son geste, ce qui est positif. Dans le milieu familial, les parents indiquent

qu’il sait dribbler avec un ballon. La capacité à lancer un projectile est bonne. L’équilibre est

précaire, notamment à cause de la grande agitation de Mario.

Finalement, ce bilan psychomoteur permet de cerner le profil de Mario. Les résultats

ne sont pas significatifs mais la passation des tests permet de mettre en évidence que Mario a

des capacités qui sont masquées par son agitation et ses difficultés à maintenir son attention

sur une tâche. Les consignes simples sont comprises et il a alors besoin du soutien de l’adulte

pour maintenir son effort et pour aller au bout de la tâche. De plus il peut contourner la

consigne, même si elle est comprise, en ayant un comportement provocateur par rapport à

l’adulte. Les consignes plus complexes ne sont pas comprises par Mario, et cette

incompréhension augmente l’agitation et les comportements stéréotypés.

I.1.3 Suivi en orthophonie

Mario est suivi depuis la rentrée 2012 par une nouvelle orthophoniste. Les premiers

mois ont été consacrés à la prise de contact. Mario est considéré comme un autiste non verbal.

L’objectif est d’augmenter le stock lexical, sachant que la réception du langage est bonne.

Actuellement, l’orthophoniste a pour axes de prise en charge avec Mario :

- la formulation de demandes : elles sont souvent ritualisées ou au contraire provocatrices. Un

travail sur les demandes adaptées est donc à l’œuvre.

- l’attention conjointe par des jeux de rôles.

- un travail sur le pointage avec présentation d’images.

- un travail sur la dénomination des syllabes (reconnaissance visuelle puis pointage de la

syllabe correspondante).

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- un travail sur le langage écrit avec des histoires imagées à verbaliser. L’objectif étant de

donner à Mario accès à la fonctionnalité du langage.

- en lecture, un travail sur la voie d’assemblage (phonologique). Mario a compris le principe

de la lecture mais ne généralise pas.

I.1.4. Parcours scolaire

À 3 ans, Mario va à la halte-garderie deux matinées par semaine ; son agitation et son

besoin permanent de surveillance ne lui permet pas d’y rester plus d’une heure.

Depuis février 2009 (Mario a 4 ans), il est en classe deux matinées par semaine en

Petite Section de Maternelle avec une Assistante de Vie Scolaire (AVS). Les notes de réunion

d’équipe éducative indiquent qu’il supporte mal le groupe et que la matinée est trop longue

pour lui, la concentration est donc très difficile. Il est capable de solliciter l’adulte pour faire

comprendre une intention et montre activement son opposition par des conduites exploratoires

qui testent les limites. Des gestes ritualisés sont présents.

En 2010-2011, Mario est en Petite Section de Maternelle. Il est plus attentif et des

progrès sont notés sur le plan social : il participe au regroupement. Mario a appris à utiliser les

pictogrammes pour communiquer ce qui a augmenté son stock lexical et sa capacité à

formuler des demandes. Il est capable de travailler à table.

En 2011-2012, il est en Moyenne Section de Maternelle deux journées par semaine.

En 2012-2013, Mario est intégré en classe CLIS une journée par semaine et dans une

classe Grande Section de Maternelle, deux journées par semaine. En classe GSM,

l’enseignante décrit beaucoup d’agitation chez Mario, l’espace de la salle est très réduit, ce

qui peut expliquer les difficultés de Mario à avoir un comportement d’élève approprié. Il

génère un bruit permanent, par des petits cris, des chantonnements et par des manipulations

des interrupteurs des lumières. L’AVS doit sortir fréquemment Mario de la classe pour ne pas

gêner les autres élèves. Au niveau des activités, Mario réalise les exercices individuels avec

toutefois une concentration qui n’est pas évidente pour lui. Il s’intéresse aux activités de

groupe et participe au regroupement. Il a des capacités certaines, le travail de Grande Section

de Maternelle est trop facile pour lui, toutefois la difficulté est dans la question de la durée

passée sur un exercice. Il se lasse très rapidement et ne termine pas les exercices. De plus,

l’enseignante indique que Mario est de plus en plus dans un comportement d’opposition,

notamment envers son AVS.

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Dans la classe CLIS, l’enseignante a mis en place des adaptations pour gérer les

difficultés attentionnelles de Mario. Il a sa table face au mur. Les exercices à table sont en

progrès : Mario est à présent capable de rester 45 minutes sur une activité, ce qui était

impossible auparavant. Il faut donc beaucoup d’activités différentes pour remplir la journée

de Mario. Il apprend de manière individuelle, certainement par essai-erreur. Il réussit mais

rejette facilement l’activité. Il ne participe pas aux activités collectives. Mario perturbe le

groupe classe par ses cris et bruits incessants.

En raison des difficultés que Mario génère sur la gestion du groupe classe, et par le fait

que Mario éprouve des difficultés pour acquérir un rôle d’élève, il a été décidé en décembre

2012 que Mario ne serait plus en classe GSM et serait scolarisé dans la classe CLIS à raison

de 3 jours par semaine. Cette mesure a été rendue effective en janvier 2013.

Afin de cerner de manière plus précise les comportements qui gênent la scolarisation

de Mario, j’ai procédé à un recueil de données par l’intermédiaire d’un entretien avec la

maman de Mario, et par une observation ciblée sur les comportements stéréotypés

apparaissant en séances de psychomotricité. Le but étant d’avoir connaissance de l’ensemble

des comportements inadaptés et/ou problématiques afin de dégager lequel ou lesquels

nécessitent une intervention, en gardant à l’esprit que l’objectif est de favoriser l’adaptation

scolaire de Mario.

I.2. L’entretien avec la famille : établissement de la liste des comportements

stéréotypés.

L’entretien avec la maman a permis de lister tous les comportements stéréotypés de

Mario ainsi que leurs lieux, leurs moments et leurs contextes d’apparition. De part cet

entretien, beaucoup d’informations permettent d’ores et déjà de comprendre les éléments

déclencheurs et les éléments de maintien de ces comportements. Ces aspects de fonctionnalité

des comportements seront développés par la suite. L’entretien a en effet pour finalité un

recueil objectif des comportements, sans interprétation hâtive.

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La maman décrit plusieurs comportements pouvant être qualifiés de « comportements

stéréotypés ». J’ai fait le choix, avec elle, de les catégoriser en cinq types de comportements :

les stéréotypies motrices, les stéréotypies verbales, les stéréotypies de stimulation visuelle, les

comportements de manipulation, et les intérêts restreints.

I.2.1. Les stéréotypies motrices.

Mario a des mouvements de flapping. Il s’agit de mouvements d’agitation des mains

(flexion/extension du poignet) avec des sautillements sur la pointe des pieds et une fixation du

regard. La maman indique que les mouvements de flapping apparaissent souvent devant les

génériques de film, et ces mouvements sont autorisés par les parents L’an passé, un

apprentissage de l’applaudissement comme comportement alternatif s’est avéré efficace pour

éviter le flapping en situation socialement inapproprié.

I.2.2. Les stéréotypies verbales.

Les stéréotypies verbales de Mario se traduisent par des petits cris et des bruits de

bouche, ainsi que par des chantonnements. Par exemple, quand il voit un pont, il crie :

« t !! ». Autre exemple, quand il est dans la voiture et passe au péage il émet un son

caractéristique qui progresse en volume à l’approche du péage et jusqu’au péage :

« tétécatétéca !! ». Ce son n’apparaît que dans cette situation précise. Il accompagne aussi le

clignotant en disant : « tic tac tic tac ». Ces stéréotypies verbales sont aussi des mots

reconnaissables, par exemple, il répète plusieurs fois de suite « t’erdit ! » quand il est en

situation d’interdiction. Il y a beaucoup d’exemple de ce type, les stéréotypies verbales sont

très envahissantes d’après la maman.

I.2.3. Les stéréotypies de stimulation visuelle.

Mario passe beaucoup de temps à regarder les écrans et notamment à fixer son regard

sur le défilement des génériques de film. Les mouvements de flapping sont souvent associés

à cette stimulation visuelle. Celle-ci est aussi présente avec tous les types d’écran (ordinateur,

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game boy, jeux vidéos,…) et la maman précise qu’elle est à mettre en lien avec l’intérêt de

Mario pour les chiffres et les lettres.

I.2.4. Les stéréotypies de manipulation.

Dans cette catégorie de stéréotypies de manipulation, on peut englober trois

comportements présents chez Mario : les manipulations des points d’eau et des robinets, les

manipulations de portes et de placards et les manipulations des interrupteurs.

Le comportement d’ouverture, de fermeture des robinets, et des points d’eau est décrit

par la maman comme étant un comportement stéréotypé utilisé pour braver l’interdit et pour

être en opposition avec l’adulte. Il s’en sert pour « jouer » avec l’adulte. Il peut avoir des

comportements de flapping en fixant du regard l’eau qui coule.

De même, Mario ouvre et ferme les portes et les placards sans regarder nécessairement

ce qu’il y a derrière.

Enfin, la manipulation des interrupteurs des lumières, des appareils informatiques

(ordinateur, imprimante,…) et des appareils électriques (radiateur, ventilateur,…) était

présente dans l’enfance, puis a disparu, elle est aujourd’hui a nouveau présente à l’école et

dans les salles de rééducation mais pas au domicile familial.

I.2.5. Intérêt pour les chiffres et pour les lettres.

Mario a un intérêt préférentiel et restreint pour tout ce qui est des chiffres et des

lettres, que se soit sur des écrans d’horloge, de calculatrice, de jeux vidéo. Cet intérêt restreint

est présent notamment avec les options des jeux vidéo que Mario manipule, sans utiliser le jeu

en tant que tel. Après avoir exploré toutes les combinaisons optionnelles (volume, contraste,

luminosité, langue,…), il commence à l’utiliser pour jouer, souvent après plusieurs jours de

manipulation.

I.3. Formulation de la plainte et début d’affinement du projet élaboré.

L’entretien avec la maman ainsi que les discussions avec l’équipe éducative ont

permis d’affiner ce qui était réellement problématique dans les comportements de Mario, et

ainsi de formuler unanimement qu’elle était la plainte. En effet, la liste des comportements de

Mario établit avec la maman montre bien que ce petit garçon a un certain nombre de

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comportements stéréotypés, pour autant ils ne sont pas tous problématiques et ne nécessitent

donc pas tous une action pour les faire diminuer.

La formulation de la plainte part alors de cette question cruciale : quels sont les

comportements gênants de Mario qui remettent en cause sa scolarité ?

• Les stéréotypies verbales : L’équipe éducative, en accord avec la famille, soutient

que Mario présente des comportements bruyants, de part ses bruits de bouche, ses

chantonnements et ses verbalisations à voix haute. Le caractère trop sonore de ces

comportements est néfaste pour les camarades de classe de Mario qui ne peuvent pas suivre

de manière optimale les apprentissages ; de plus il ne permette pas à Mario d’accéder à un

statut d’élève adapté. Une action sur les stéréotypies verbales est donc justifiée : pour

favoriser l’intégration de Mario dans la classe, son volume sonore doit diminuer. Il s’agit de

la plainte principale et prioritaire.

• Les stéréotypies de manipulation : En deuxième lieu, les stéréotypies de

manipulation interfèrent aussi avec l’adaptation de Mario à la scolarité. Ce comportement est

la plainte secondaire. Ces stéréotypies s’actualisent dans les séances de psychomotricité et

peuvent ainsi faire l’objet d’une action spécifique de la rééducation. Dans mon analyse

fonctionnelle, je rends compte de la pertinence de l’observation de l’évolution

comportementale ces stéréotypies pour la compréhension des stéréotypies verbales.

Ces deux plaintes concernant Mario, stéréotypies verbales et stéréotypies de

manipulation, s’actualisent dans tous les milieux de vie de Mario, mais pas nécessairement de

la même manière. Le caractère problématique se situe dans le milieu scolaire et surtout avec

l’apparition des stéréotypies verbales. Au moment de la formulation de la plainte, ces

stéréotypies verbales sont moins présentes en séances de psychomotricité, nous verrons

qu’elles vont évoluer au cours de l’année.

En psychomotricité, lors des séances des mois de novembre, j’observe

quantitativement et qualitativement les stéréotypies de manipulation, et j’observe différentes

topographies de cette même stéréotypie. J’ai été interpellée par les différents aspects que

pouvaient revêtir cette stéréotypie et je me suis posée la question de savoir comment

distinguer ces différentes topographies, et notamment comment envisager une topographie qui

semblait être communicationnelle car Mario peut avoir des comportements de provocation en

se livrant aux stéréotypies.

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Est-ce que tous ces comportements de manipulation sont des stéréotypies ? Sinon,

comment qualifier ces comportements ? Dans quels contextes apparaissent les différentes

formes de ce comportement ? Est-ce possible de tirer des constats ? Y-a-t-il une certaine

logique dans l’agencement de ces comportements ? Suivent-ils une évolution particulière ?

Toutes ces questions sont le point de départ de la réflexion et de l’analyse

fonctionnelle que j’ai eu par rapport aux stéréotypies de Mario. L’analyse a débuté par

l’observation des stéréotypies de manipulation ; et nous verrons comment cette observation a

été pertinente pour la prise en charge, dans un deuxième temps, des stéréotypies verbales.

II. Analyse fonctionnelle des comportements.

Dans un premier temps, j’ai consacré 6 séances pour observer l’ensemble des

comportements stéréotypés de Mario qui apparaissaient dans le cadre des séances de

psychomotricité. Cette période d’observation a eut lieu au mois de Décembre ; je précise qu’à

cette époque, les comportements qui s’actualisaient en séance étaient principalement les

manipulations d’interrupteur ; les comportements stéréotypés verbaux sont apparus dans un

deuxième temps. Toutefois, même si l’action principale a été ciblée sur les stéréotypies

verbales, l’observation des stéréotypies envers les interrupteurs s’est avérée une source

d’information primordiale pour la compréhension globale des comportements de Mario.

II.1. L’observation des comportements stéréotypés en séance de

psychomotricité : élaboration d’une grille d’observation.

Afin d’objectiver les différents comportements stéréotypés de Mario, j’ai construit une

grille pour observer ces comportements lors des séances de psychomotricité. La grille permet

d’observer plusieurs variables en lien avec les stéréotypies (cf Annexe I)

Tout d’abord, j’ai souhaité, avec cette grille, pouvoir repérer si les stéréotypies

apparaissaient de manière préférentielle à tel ou tel moment de la séance. La grille est donc

découpée en fonction du déroulé de la séance avec les moments caractéristiques :

• Le moment dans la salle d’attente, qui dure plus ou moins longtemps en fonction de

la durée de discussion avec la maman.

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• L’entrée dans la salle de psychomotricité, à partir du moment où l’on ouvre la porte

et que l’on laisse Mario rentrer dans la salle, jusqu’où moment où on lui demande de s’asseoir

pour commencer la séance.

• La 1ère activité, qui est toujours une activité à table.

• Le moment de transition, entre la 1ère activité et la pause. Ce moment peut durer plus

ou moins longtemps, il dépend de la disponibilité attentionnelle de Mario, du temps mis pour

ranger la 1ère activité et pour préparer la suivante.

• Le renforçateur « Bulles » : ce moment dure entre 3 et 5 minutes, Mario éclate les

bulles de savon.

• Le moment de transition, entre les « Bulles » et la 2ème activité.

• La 2ème activité, qui peut être à table ou dans la salle.

En fonction de la durée des activités, il peut y avoir un deuxième moment

de « Bulles » et/ou une 3ème activité.

• Le retour dans la salle d’attente, tout comme le premier moment dans la salle

d’attente, le temps passé dans la salle en fin de séance dépend du temps de discussion avec la

Maman.

Ensuite, dans chaque moment de la séance décrit ci-dessus, j’ai noté si une ou

plusieurs stéréotypies apparaissaient. Si effectivement un comportement stéréotypé

apparaissait, j’ai relevé dans la grille les attitudes de Mario avant l’apparition de la

stéréotypie, les attitudes de l’adulte avant l’apparition de la stéréotypie et l’attitude de Mario

pendant la stéréotypie.

Les attitudes de Mario avant la stéréotypie dépendent du moment de la séance. En

fonction des moments d’observation, j’ai donc noté s’il était plutôt debout ou assis, s’il était

en mouvement, s’il était occupé sur une tâche ou sans occupation, s’il parlait ou faisait des

bruits de bouche, j’ai renseigné aussi la portée de son regard, la portée de son action, et son

attitude c’est-à-dire s’il était plutôt concentré ou agité. Tout autre commentaire utile à la

compréhension des stéréotypies peut être inséré dans la grille.

Les attitudes de l’adulte avant l’apparition de la stéréotypie que j’ai fait apparaître

dans la grille concernent le regard de l’adulte (est-il porté sur Mario ?), le contenu du discours

s’il avait lieu d’être (l’adulte parle-t-il à Mario ? Parle-t-il de Mario ?), l’intérêt porté à Mario

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(s’intéresse-t-il à lui ?) et la demande particulière adressée à Mario (consigne, questions,

exigences,…)

Et pour finir, la grille renseigne sur les attitudes de Mario pendant qu’il s’adonne à

la stéréotypie. J’y inscris la durée de la stéréotypie et le comportement de Mario : est-ce qu’il

parle en même temps ? Son regard est-il porté à l’adulte ? Ou est-il porté à un objet

particulier ? Y-a-t-il des mouvements particuliers des pieds, des mains, du corps ?

Finalement, cette grille a pour but de collecter un maximum de données et

d’informations afin de pouvoir déterminer les fréquences d’apparition des stéréotypies

pendant les séances de psychomotricité, et de commencer à comprendre les contextes

d’apparition des stéréotypies, les antécédents qui déclenchent les stéréotypies et les éléments

de maintien. Cette observation est indispensable avant de décider les axes du plan d’action

pour faire diminuer les stéréotypies les plus gênantes.

II.2. Résultats de l’observation des manipulations d’interrupteurs et appareils

électriques.

II.2.1. En séances de psychomotricité.

II.2.1.1. Observations recueillies par le biais de la grille.

Les 6 séances d’observation ont permis d’objectiver les informations recueillies par

rapport aux stéréotypies de Mario. Elles ont eu lieu au mois de décembre.

• Résultats des fréquences d’apparition des manipulations d’interrupteurs (lumières,

radiateur, imprimante) pendant les séances de psychomotricité en fonction du moment de la

séance :

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61

◊ On constate avec ces observations que :

• Les manipulations d’interrupteurs ont lieu de manière quasi systématique dans les

moments d’attente (dans la salle d’attente, en début et fin de séance). Les jours où cette

stéréotypie n’a pas eu lieu dans ces moments, le temps passé dans la salle était plus restreint,

avec moins de temps passé à discuter avec la maman. Mario actionne l’interrupteur du

radiateur et des trois interrupteurs présents dans la salle d’attente, à raison de deux ou trois

manipulations par interrupteur, puis il se déplace dans la salle et va de l’un à l’autre pour les

manipuler successivement.

Dans ces moments, nous prêtons moins d’attention à Mario, privilégiant un moment

de discussion avec la maman. Nous l’empêchons de parvenir au radiateur ou à l’interrupteur

par blocage et par consigne verbale, souvent tout en continuant à discuter. Il réitère ses

mouvements et comportements après blocage.

Ces comportements sont observés aussi bien dans la salle d’attente au début et qu’à la

fin de la séance.

0  10  20  30  40  50  60  70  80  90  

Salle  d'attente  (début)  

Entrée  dans  la  salle  

Activités   Transitions   Renforçateur   Sortie  de  la  salle  

Salle  d'attente  (Ein)  

Fréquence  d'apparition  des  manipulations  d'interrupteurs  en  fonctions  du  moment  de  

la  séance  

%  

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62

• En rentrant dans la salle de psychomotricité, Mario se dirige vers l’interrupteur, le

radiateur ou l’imprimante 5 fois sur 6. L’ordinateur est éteint lors des séances avec Mario, il

ne s’en approche pas.

Nous utilisons la guidance verbale, en disant fermement à Mario qu’il n’a pas le droit

de manipuler ses objets. Le ton de la voix est volontairement accentué pour que Mario

comprenne notre mécontentement et l’aspect d’interdiction de ce comportement. Suite à cela,

il est contraint de s’asseoir pour commencer la séance, et les comportements de manipulation

s’arrêtent. Nous sommes donc dans une congruence verbale et non verbale accentuée pour

qu’elle soit perçue clairement par Mario.

De manière générale, ce comportement est plus enclin à apparaître avec une fréquence

plus élevée quand Mario arrive en séance, agité. Son agitation se traduit au niveau moteur, il

court, se précipite dans la salle, cherche les interrupteurs du regard et s’en approche pour les

manipuler. Lorsqu’il est moins agité, il peut se contenter de manipuler un seul interrupteur.

• Au cours de la séance, il n’y a que très rarement des manipulations d’interrupteurs

pendant les activités, que ce soient des activités à table ou des activités motrices. Si cela se

produit, c’est en fin d’activité. On peut considérer que ces comportements apparaissent aux

moments des transitions. Sur 14 activités observées, Mario a manipulé 5 fois le radiateur et

ce, pendant un nouvel apprentissage, celui du lacet, qui était coûteux pour lui.

• Aux moments de transition entre deux activités, presque 60% des transitions

observées sont ponctuées par ces comportements stéréotypés de manipulations. Le début de

l’activité suivante, associée à une demande verbale explicite, peut suffire à dévier l’attention

de Mario de ce comportement. Si la séance se passe dans l’agitation, le blocage physique est

nécessaire. Quand l’activité suivante commence, il ne revient pas sur son comportement

stéréotypé.

• La sortie de la salle n’est pas marquée par ce comportement.

II.2.1.2. Eléments pertinents pour l’élaboration de l’hypothèse

◊ De plus, les observations ont permis de relever les éléments suivants, qui sont d’importance

capitale pour affiner, par la suite, l’hypothèse et les axes d’intervention :

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• Le caractère de provocation : Lors de certaines manipulations d’interrupteurs,

Mario peut avoir un regard à l’adulte avec un sourire, il peut rire. Dans ces cas, la réprimande

verbale s’avère inefficace. Mario a alors une attitude de provocation. Il a compris

l’interdiction et en joue. Le retrait d’attention s’est montré efficace dans certaines de ces

situations.

Ce type de comportement n’est plus exclusivement de la stéréotypie, dans la mesure

où il y a une part de provocation. Vu la problématique autistique de Mario, on peut alors

considérer que cet aspect communicationnel inclut dans ce comportement est une

composante positive de ce comportement. Cela sera explicité plus en détail dans la suite de

l’analyse.

• Les verbalisations de l’interdit : Dans les deux dernières séances d’observation,

Mario verbalise l’interdiction de s’approcher du radiateur et des interrupteurs. Comme je l’ai

précisé, Mario est non-verbal, toutefois, des mots sont présents. Le répertoire lexical est limité

en production, avec un manque de pragmatique.

Concernant la stéréotypie de manipulation et les verbalisations, on observe une

évolution concomitante. En effet, il commence fin décembre à dire : « T’erdit ra’teur ». Les

premières fois, il verbalise cela en manipulant le radiateur. Dans ces situations, il pouvait y

avoir aussi un certain comportement de provocation. Il sait qu’il n’a pas le droit, il s’en

approche tout de même et le verbalise. Par la suite, il verbalise sans nécessairement

s’approcher de l’objet convoité. Cette verbalisation peut se faire pendant une activité,

pendant un moment de transition et/ou dans la salle d’attente.

Ce comportement a évolué progressivement au cours des séances du mois de

décembre. Après les vacances de Noël, les manipulations d’interrupteurs, très prégnantes en

novembre et en décembre, n’apparaissent plus en séance. Il persiste des verbalisations de

l’interdit mais sans comportement de manipulation. Petit à petit, le comportement a

entièrement disparu. On note au cours du mois de janvier quelques comportements de Mario

de contrôle : il entend le bruit de ventilation du radiateur, verbalise l’interdit mais ne manipule

pas le radiateur.

Ces observations concernant l’évolution de la stéréotypie liée aux

manipulations d’interrupteurs et d’appareils électroniques se sont avérées très

intéressantes pour comprendre les stéréotypies verbales qui sont apparues au mois de

janvier. C’est ce que j’explique quand j’expose l’hypothèse d’évolution des stéréotypies.

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II.2.2. En classe.

• Résultats de l’observation des manipulations d’interrupteurs, placards et portes

réalisée par l’AVS de Mario, en classe, début janvier.

◊ Lors de l’entrée en classe : il y a manipulation de l’interrupteur de la lumière

1 fois sur 3.

◊ Lors de l’activité du matin : il n’y a pas de manipulation d’interrupteur. Il se

lève systématiquement en début d’activité pour rejoindre le tapis au fond de la classe

et ouvrir le placard coulissant qui s’y trouve. Ce comportement l’amuse. Il se laisse

ramener au bureau mais recommence régulièrement.

◊ Sur 10 minutes de récréation, observées pendant 3 jours, Mario ne touche pas

les portes et interrupteurs, ce qu’il faisait avant les vacances de Noël. L’AVS signale

qu’il en a envie mais qu’il est capable de résister. Elle estime qu’il s’en approche et

manipule interrupteurs ou points d’eau dans la cour 1 fois sur 2 heures en extérieur.

◊ Il n’y a pas de manipulations d’interrupteurs lors de la sortie de classe.

Durant ces trois jours d’observation, il a été aussi relevé les éléments suivants :

◊ Des chantonnements et des bruits de bouche (« pft,pft ») sont présents de

plus en plus souvent pendant les activités, et tout au long de la journée. Si une demande de la

part de l’AVS, tel qu’un interdit ou une consigne, ne lui plaît pas, il la répète

automatiquement en criant très fort. Quand la sonnerie de fin de classe résonne, Mario a pris

l’habitude de frapper dans ses mains et de dire tout haut « on s’habille » et il le répète jusqu’à

ce qu’il sorte de la classe.

◊ Les stéréotypies motrices apparaissant sous forme de flapping sont présentes

quand Mario est content. Cela arrive tous les jours à la sortie du taxi quand il voit son AVS.

Le flapping apparaît devant les ordinateurs et les objets sur lesquels Mario porte de l’intérêt :

chronomètre, montre, radiateurs, appareils électriques, points d’eau. Des mouvements de

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flapping sont aussi observés quand Mario s’intéresse à quelque chose de nouveau, notamment

dans la cour de récréation lorsque de nouveaux jeux sont sortis : matériel de boxe, boules de

billard, balle de baby-foot.

À la période de l’observation, en janvier, il ressort quantitativement et qualitativement

que les comportements stéréotypés les plus gênants sont les bruits de bouche et les

chantonnements, les manipulations du placard sur le tapis de regroupement et les mots

répétés de manière stéréotypée à voix haute.

II.2.3. À la maison.

L’observation a eu lieu sur 7 jours, au début du mois de janvier.

Voici les constats qui ont pu être posés :

◊ Les manipulations d’interrupteurs et d’appareil électriques sont peu fréquentes à la

maison, tout du moins, elles ne sont pas gênantes. La maman n’en relève pas durant la

semaine. On peut noter toutefois des manipulations du radio-réveil, le matin, certainement

quand il s’ennuie, en attendant de partir à l’école par exemple.

◊ La maman relève que Mario manipule l’interrupteur de l’ascenseur et de la lumière

de l’orthophoniste et du pédopsychiatre, à chaque venue, autrement dit 2 fois par semaine.

Par ailleurs, l’observation a donné les informations suivantes :

◊ Le flapping apparaît à la maison tous les jours dans au moins l’une des situations

suivantes : défilé de génériques sur la télévision ou l’ordinateur ; moments où Mario est seul,

dans sa chambre ou ailleurs, en association avec des petits cris et des tournoiements. Cela

peut durer jusqu’au coucher, même si les parents lui demandent d’arrêter.

◊ Des stéréotypies verbales sont présentes, nouvellement depuis janvier, chez Mario.

Voici celles qui apparaissent de manière systématique, tous les jours, dans la même situation :

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- Le matin, avant que ses parents se lèvent, Mario crie « Tais-toiii », à

intervalles réguliers. La maman précise qu’avant cette stéréotypie verbale, Mario faisait des

petits cris et bruits de bouche tous les matins. Il n’avait alors pas le droit de se lever à

condition d’arrêter de faire du bruit.

- Les 2 jours de la semaine où Mario (avec son frère, sa maman et sa Grand-

Mère) est dans la voiture pour se rendre aux rééducations, il a une stéréotypie verbale au

passage de la barrière de péage. Celle-ci commence une minute avant l’entrée dans le péage,

avec un son particulier qui apparaît uniquement à ce moment là, le volume et la modulation

de la voix évolue avec l’approche du péage. Cela ressemble au son suivant :

« Técatatétécaca ».

- De même, toujours dans la voiture, Mario a un son particulier qu’il répète à

chaque fois que la voiture longe une barrière de bordure d’autoroute. Lorsque la barrière de

bordure est plus haute, il monte la note ; quand elle redevient plus bas, il baisse la note

jusqu’à s’arrêter quand la barrière de bordure est dépassée. Cela dure une ou deux minutes, 2

fois par trajet.

- Un son caractéristique apparaît aussi lors du passage devant des rangées

d’arbres, à proximité du domicile familial.

En janvier, ces stéréotypies verbales apparaissant dans le milieu familial sont

nouvelles, au moment de l’observation il n’y a pas encore de réaction spécifique de la part de

l’adulte. Cela fera notamment l’objet du travail que j’ai mené avec Mario cette année.

II.2.4. Synthèse découlant du recueil de données et de l’observation

L’ensemble de ces observations ayant eu lieu en décembre (dans le cadre des séances

de psychomotricité) et en janvier (en classe et au domicile familial), a permis de cibler

l’attention de tous les éducateurs et rééducateurs sur les comportements stéréotypés de Mario

qui posent problème. L’observation sur plusieurs semaines a permis d’objectiver une

évolution de ces comportements. Une hypothèse a ainsi pu être établie sur laquelle je me suis

appuyée pour les axes de prises en charge.

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Le schéma ci-dessus présente la formulation de la plainte découlant du recueil de

données et des différentes observations, avec les conséquences qui en découlent. Les objectifs

présentés ensuite ont été posés en considération de ces conséquences.

Plaintes

Familiale et scolaire Scolaire

Stéréotypies verbales Manipulations des interrupteurs appareils électroniques et portes Bruits de bouche langage stéréotypé,

+ Chantonnement écholalie à voix haute

Gêne sonore Gêne sonore développement du (impact social négatif) (impact social négatif) langage pragmatique (impact positif sur les apprentissages)

- Gêne sociale

- Arrêt de l’activité en cours (impact négatif sur les apprentissages)

II.3. Hypothèse d’évolution des stéréotypies.

Les comportements stéréotypés de Mario suivent une évolution particulière que

l’observation a permis de mettre en évidence.

• Dans un premier temps, le comportement est stéréotypé, il répond à la définition

que j’ai exposée dans la partie théorique de ce mémoire. C’est un comportement répétitif,

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invariant, typique du besoin d’immuabilité de la personne avec TSA. Dans le cas des

stéréotypies liées à la manipulation des interrupteurs, des appareils électriques et des portes,

elles servent une fonction de ritualisation, afin que les moments de la journée soient ponctués

par des comportements inchangés. Leur apparition dans des moments d’attente et des

moments de transition laisse admettre un besoin de gestion des stimuli des moments de

« flottement », peu rythmés.

De part l’impact social et l’inadaptation de ces stéréotypies, l’apparition de ces

comportements stéréotypés entraine chez l’adulte une réponse d’interdiction, par guidance

verbale et par blocage.

• Dans un deuxième temps, après formulation à l’égard de Mario de l’interdiction, la

stéréotypie prend une forme différente. On observe une association entre un caractère

stéréotypé et un profil de provocation. Le comportement augmente et Mario en joue. Il a

des regards à l’adulte, des rires, de l’agitation. Ce comportement est différent du premier,

Mario attire l’attention de l’adulte ; contrairement à la stéréotypie initiale où Mario réalise le

mouvement et le comportement comme un renforcement non-social.

Le retrait d’attention efficace dans ces situations soutient l’idée d’un caractère de

provocation de ce comportement. Le caractère stéréotypé et le caractère de provocation

apparaissent en association ou de manière séparée ; les deux revêtent le même mouvement,

issue de la stéréotypie initiale, la forme topographique comportementale est légèrement

différente.

• Dans un troisième temps, Mario s’engage dans son comportement stéréotypé en

verbalisant l’interdit. Il répète les consignes que les différents adultes éducateurs et

rééducateurs lui ont donnés, tel que « T’erdit ra’teur ». C’est aussi ce qui a été observé à la

maison lorsqu’il crit « Tais-toiii » tous les matins au réveil ; ou bien encore à l’école quand il

répète systématiquement les consignes d’interdit.

Cette stéréotypie évolutive du comportement initial est à présent une stéréotypie

verbale. Mario s’y prête au début en l’associant à la stéréotypie initiale (dans mon

observation, la manipulation du radiateur et des interrupteurs), il fait les deux en même temps.

Par la suite il verbalise de manière stéréotypée et à voix haute l’interdit mais sans exécuter

l’interdit.

J’explique plus en détails dans le descriptif du plan d’action ciblée sur les stéréotypies

verbales comment j’ai réfléchi sur ces verbalisations stéréotypées. En effet, elles ont une

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composante adaptée dans le sens où elles permettent à Mario de réguler son comportement. Je

me suis posée la question d’un prémice du langage pragmatique et de l’auto-instruction par le

langage.

Cette évolution en stéréotypie verbale peut aussi, par la suite, être une occasion de

provocation pour Mario : Mario peut crier l’interdit, et s’amuse du mécontentement de

l’adulte.

• Enfin, après cette phase de verbalisation stéréotypée, couplée par moments par un

comportement de provocation, le comportement stéréotypé s’estompe et s’arrête totalement.

Finalement, l’hypothèse d’évolution des comportements stéréotypés de Mario, et les

réactions adaptées de l’adulte, peuvent se schématiser comme ceci :

Comportement stéréotypé Interdiction par blocage et consigne verbale

Augmentation de la réponse stéréotypée Retrait d’attention par provocation Verbalisation stéréotypée Renforcement positif de l’interdiction Verbalisation provocatrice Retrait d’attention de l’interdiction

Arrêt de la réponse

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À partir de janvier, les stéréotypies de manipulation ont disparu chez Mario. Des

stéréotypies verbales, des bruits de bouche et des chantonnements se sont amplifiés ; gênant

l’adaptation scolaire de Mario. C’est sur ces stéréotypies que j’ai élaboré un plan d’action

afin de les comprendre pour agir dessus le plus favorablement possible.

Cette hypothèse d’évolution établie à partir de l’observation des manipulations

stéréotypées a été transposée à l’évolution des autres stéréotypies de Mario.

III. Plan d’action ciblé sur les stéréotypies verbales.

À partir du mois de janvier, les stéréotypies verbales deviennent envahissantes et

gênent considérablement l’adaptation de Mario en classe. La maîtresse de CLIS insiste sur les

progrès scolaires de Mario et l’augmentation de ses capacités attentionnelles sur les activités

(50 minutes – 1 heure) ; toutefois les comportements sonores et bruyants de Mario interfèrent

avec le fonctionnement de la classe. Ceux-ci apparaissent sous la forme de bruits de bouche,

de chantonnements et de répétition à voix haute d’un mot ou d’une consigne. Il peut aussi

râler, crier ; quelques provocations de manipulation du placard persistent.

L’impact scolaire devient néfaste pour la scolarisation de Mario ; c’est pourquoi il a

été nécessaire et justifier de prendre en considération ces comportements de Mario en séances

de psychomotricité et avec l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire.

III.1. L’observation initiale des stéréotypies verbales : description et résultats

Trois séances ont servi à observer les stéréotypies verbales de Mario sur des activités

choisies. La vidéo a permis de revenir plusieurs fois sur ces activités et donc d’avoir une

observation plus précise.

J’ai observé Mario durant une tâche de graphisme, le jeu du « Penta », une activité

d’algorithme de perles, le jeu du « Tap-Tap », l’apprentissage du lacet et le moment de

renforçateur « Bulles ». Sur chaque activité, j’ai noté les bruits de bouche, les chantonnements

et les verbalisations ; ainsi que mes interventions. L’observation se fait sur 3 minutes, par

intervalles de 30 secondes.

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• Activité « Penta » : il s’agit d’un jeu composé des planchettes en carton avec un

quadrillage carré ou rectangle ; le jeu consiste à placer les pièces pour remplir le quadrillage,

les formes sont celles du Tetris. Ce jeu fait appel aux capacités visuo-spatiales et visuo-

constructives ; ainsi qu’aux stratégies d’organisation et de planification.

Lors de cette activité, demandant de l’attention cognitive, j’observe durant les 3

minutes d’observation des bruits de bouche (3 pendant la première minute) et des

chantonnements pendant les deux minutes suivantes. Le chantonnement s’arrête quelques

secondes quand je lui dis « Chut » puis reprend aussitôt. Ces vocalisations et bruits de bouche

stéréotypés sont audibles mais peu élevés.

Au début de l’exercice, je le guide en lui disant de prendre les pièces beige et bleu et il

répète : « Beige et bleu », verbalisation qui est alors positivement renforcée.

Mario est très concentré sur cette activité ; il présente des capacités de résolution de ce

type de problème au-dessus des enfants de son âge vus en prise en charge (aucun autre enfant

de 8 ans n’a réalisé ce jeu lors de mon stage).

• Graphisme : j’ai observé en janvier l’apprentissage de l’écriture du « 8 ». Les bruits

de bouche apparaissent une fois et le chantonnement une fois aussi. Mario réclame 3 fois les

bulles ce qui ne l’aide pas à se concentrer sur l’écriture.

• Algorithme de perles : il s’agit de construire un collier en respectant les couleurs et

formes des perles d’après un modèle en 2D. Deux séances d’observation sont

significativement intéressantes à décrire.

Mario n’a eu qu’un seul bruit de bouche lors des premières 30 secondes d’une séance

de perles. Et un moment de chantonnement en milieu de tâche, non réitéré après arrêt.

Concernant les verbalisations, il répète les consignes et les guidances verbales liées à la

tâche : « jaune » ; « rouge » ; « n’importe quoi ». La 2ème séance de perles observée relève les

mêmes verbalisations de couleurs de perles, sans bruit de bouche et sans chantonnement.

Je garde toujours à l’œil les stéréotypies de manipulation d’interrupteur et du

radiateur, car, comme je l’ai dit, leur évolution s’avère intéressante et primordial pour

comprendre les stéréotypies verbales. Ainsi, lors de la 1ère séance observée, il est pertinent de

noter que Mario regarde une fois le radiateur sans le manipuler ; lors de la 2ème séance

d’observation, il dit : « C’est fini le t’ateur ». Cette verbalisation adaptée est renforcée

positivement.

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• Jeu du « Tap-Tap » : le jeu se présente avec une planche en liège sur laquelle

l’enfant cloue des pièces en bois avec un marteau et des punaises arrondies. Cette activité est

très appréciée de Mario, elle est un renforçateur à proprement dite, toutefois quand je propose

à Mario de choisir une activité, il choisit celle-ci régulièrement.

Cette activité est l’occasion de beaucoup de chantonnement et de bruits de bouche, que

Mario effectue en rythme avec le marteau. On reconnaît des fredonnements de musiques

connues (film et berceuse). Je compte des bruits de bouche dans 2 intervalles de 30 secondes,

et des chantonnements dans 2 autres intervalles de 30 secondes. Les verbalisations sont

stéréotypées et non liées à la tâche : Mario répète « 2-2-1-1 » trois fois pendant les 3 minutes.

Il ne chante pas dans un intervalle, ce que je renforce positivement. Suite à cette intervention,

Mario chantonne juste après, plus fort, en me regardant, par provocation.

• L’apprentissage du lacet : à chaque début de séance depuis janvier, Mario apprend

à croiser les deux brins du lacet et à réaliser le premier nœud. Je lui tiens les brins et lui dit

« Croise » puis « Passe le brin dedans » en montrant le trou formé par les deux brins. Il y a

beaucoup d’opposition et de cri dans les 2 premières séances car c’est une nouvelle activité

coûteuse pour Mario. Les verbalisations ne sont donc pas des stéréotypies mais des cris et des

manifestations d’opposition et de mécontentement.

• Renforçateur « Bulles » : c’est un moment privilégié que Mario peut obtenir après

une activité. Mario apprécie particulièrement ce moment, c’est un puissant renforçateur.

J’observe dans la totalité de ces moments observés (qui dure de 3 à 5 minutes) des

mouvements stéréotypés de flapping. Ceux-ci sont tolérés dans ce moment. Le flapping est

associé à des bruits de bouche. Ces derniers ne sont pas tolérés et je lui demande de chuchoter

en mettant mon doigt devant sa bouche. Il ne fait souvent pas attention à ces consignes et

reprend ses bruits de bouche juste après. Les intervalles de 30 secondes où il n’y a pas de

stéréotypies verbales par bruit de bouche, je le renforce positivement. Il n’y a pas de

verbalisation adaptée pendant ce temps.

Finalement, les séances d’observation de ces activités types permettent de mettre en

évidence les différentes topographies des stéréotypies verbales de Mario ainsi que les

verbalisations adaptées. Cela permet de faire la distinction entre ces différentes formes. Ces

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stéréotypies verbales ne sont pas autant envahissantes en séances de psychomotricité qu’en

classe. Et elles sont moins bruyantes. Pour autant, il est important d’agir dessus car elles

relèvent d’une réelle plainte dans le milieu scolaire.

J’ai donc posé des objectifs différents suivant le type de stéréotypies verbales :

verbalisation stéréotypée, bruits de bouche et chantonnements ; et suivant que le

comportement langagier soit stéréotypé ou adapté. De plus, il a fallut faire la distinction entre

les différentes formes du comportement en fonction de l’hypothèse posée : stéréotypie,

provocation ou prémices de soliloque.

Le plan d’action découle de ces observations et analyse, et il implique l’ensemble de

l’équipe pluridisciplinaire encadrant Mario.

III.2. Le plan d’action

III.2.1. Les objectifs

Le plan d’action cible plusieurs types de comportements avec des objectifs à court

terme et des objectifs à long terme :

• Les stéréotypies verbales revêtent plusieurs formes différentes qui ne sont pas

ciblées de la même manière :

◊ Objectif à court terme : Les chantonnements et les bruits de bouche pendant

les activités sont à diminuer et à faire disparaître. L’objectif est d’apprendre à Mario à

chuchoter, en baissant le volume sonore de sa voix et en mettant le doigt devant sa bouche.

◊ Objectif à long terme : Cet objectif concerne les mots et associations de mots

relevant des consignes qui lui ont été données et que Mario répète à voix haute, plusieurs fois.

Ce langage stéréotypé est gênant au niveau sonore, il est donc nécessaire, comme les bruits de

bouche et les chantonnements, d’apprendre à Mario à chuchoter.

Toutefois, ce comportement langagier est adapté car il permet à Mario de réguler son

comportement. On sait que le langage chez un enfant porteur d’autisme est déficitaire sur le

plan pragmatique ; pour autant, les verbalisations que l’on observe chez Mario sont de plus en

plus adaptées. Dans ces verbalisations, il y a un aspect qui répond à la définition d’un

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caractère stéréotypé ; mais il y a aussi une fonction adaptée dans ce langage, que Mario peut

utiliser pour intégrer les consignes. En accord avec l’orthophoniste, on peut parler de fonction

pragmatique du langage qui est en train de s’installer. On sait que mettre du sens sur le

langage est primordial pour le soutien des apprentissages, comme je l’ai indiqué dans la partie

théorique en abordant la définition et la fonction du développement du soliloque (ou auto-

instruction par le langage).

J’ai donc posé en objectif à long terme l’installation du soliloque, à partir des

prémices que j’observe déjà.

Les interventions devront donc faire la distinction entre les verbalisations

exclusivement stéréotypées et celles qui peuvent soutenir l’idée d’une installation du

soliloque.

• La manipulation des interrupteurs et appareils électriques, moins présente à

partir de janvier, a tout de même continué à être ciblée. L’objectif par rapport à cette

stéréotypie est son extinction complète. Les moyens d’interventions sont expliqués ci-après.

III.2.2. L’équipe pluridisciplinaire

Les objectifs décrits, pour être atteints le plus efficacement et favorablement possible,

font l’objet de l’intervention coordonnée de toute l’équipe pluridisciplinaire (Miermon, 2009).

En effet, les principes d’une prise en charge efficace d’un enfant porteur d’un TSA

reposent sur :

- la continuité du suivi, dans la durée et de manière intensive.

- la référence au modèle de développement normal de l’enfant.

- l’établissement d’un projet rééducatif individualisé.

- le sur-développement des aptitudes normalisées et des aptitudes en émergence.

- le renforcement de la multisensorialité et de la généralisation.

- l’ajustement dans le temps de la prise en charge.

- l’implication de la famille.

- la coordination interprofessionnelle et la coordination avec l’école.

La prise en charge de l’évolution des stéréotypies de Mario repose sur l’ensemble de

ces principes.

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Les interventions ont été réalisées de manière continue et coordonnée entre les

membres de l’équipe professionnelle exerçant en libéral : le pédopsychiatre (médecin

référent), l’orthophoniste et la psychomotricienne ; avec une collaboration et une implication

indispensable de la famille ; et avec un lien régulier et coordonné avec l’équipe éducative,

enseignante de CLIS et AVS.

Deux réunions d’équipe éducative ont ponctuées l’année (en octobre et en avril) afin

de faire le point sur les progrès de Mario et de discuter de son orientation.

III.2.3. Interventions en psychomotricité.

En séances de psychomotricité, j’ai posé les objectifs explicités ci-dessus : objectif à

court terme de l’apprentissage du chuchotement lors de l’apparition des bruits de bouche, des

chantonnements et des verbalisations à voix haute stéréotypées ; et objectif à long terme

d’installation du soliloque. L’accompagnement de l’extinction de la stéréotypie de

manipulation a aussi fait l’objet de mon attention durant les séances.

Le plan d’action a été mis en place début janvier et s’est déroulé sur 15 séances de ¾

d’heure, à raison de deux par semaine.

III.2.3.1. Déroulé d’une séance type

Les séances comprennent 3 ou 4 activités pouvant être entrecoupées d’un ou de deux

moments « Bulles ».

Le renforçateur le plus puissant et efficace chez Mario est le temps de 3-4 minutes

réservées aux bulles de savon : il est debout et éclate les bulles de savon que je fais.

Les activités sont majoritairement des tâches réalisées à table, l’objectif étant aussi de

favoriser les capacités attentionnelles pour une meilleure concentration en classe. Durant les

semaines du plan d’action, les activités principales sont celles qui ont fait l’objet de

l’observation initiale :

◊ L’apprentissage du lacet : toujours en début de séance. Le premier nœud a été appris

en 10 séances. En avril, Mario peut le faire seul quand je lui tiens les deux brins de la ficelle.

◊ L’algorithme de perles : cette activité a été faite à raison d’une fois par quinzaine.

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◊ Le graphisme : la graphie des lettres est connue et reconnue par Mario. Concernant

la production, Mario est capable d’écrire les lettres en copie et en dictée, en lettres bâtons et

en lettres cursives. En dictée, il produit les lettres selon la graphie des lettres scripts

informatiques.

◊ Le « Tap-Tap » : activité qu’il choisit régulièrement quand je lui demande ce qu’il

veut faire et que j’attends de lui une demande adaptée ; cette activité a été réalisée plusieurs

fois en janvier, ponctuellement les mois suivants puis reprise en avril.

◊ Le Penta : où Mario montre de très bonnes capacités. Sa réussite dans ce type

d’épreuve lui permet de rester concentré, sans agitation, pendant 2 ou 3 parties, à raison d’une

douzaine de minutes.

Mario obtient le renforçateur « Bulles » si les activités ont été faites sans agitation, s’il

a su avoir des intervalles de temps sans bruit et silencieux et sans opposition, et s’il a pu être

félicité pour l’activité faite. Cela arrive deux fois par séance jusqu’en mars ; puis une seule

fois à partir d’avril car la demande de « Bulles » devient envahissante et restreinte.

III.2.3.2. Moyens d’interventions utilisés.

• Apprentissage du chuchotement et renforcement positif de la non-survenue de

la stéréotypie :

◊ Sur les stéréotypies de chantonnements et de bruits de bouche : à chaque

apparition de ce comportement, je mets mon doigt devant sa bouche et je dis « Chut » et/ou

« Essaye de ne pas faire de bruit » et/ou « Dans ta tête Mario ».

Cette intervention est faite aussi bien sur les tâches cognitives et attentionnelles (type

« Penta » et « algorithme de perles »), que sur les tâches motrices (type « Tap-Tap ») et

pendant le moment de renforçateur « Bulles ».

Lors de l’une de ces activités, si Mario ne présente pas de stéréotypies de

chantonnements ou de bruits de bouche, je le renforce positivement en lui disant : « C’est bien

Mario, tu es très silencieux ».

◊ Sur les répétitions à voix haute d’un mot ou d’une consigne : lors de ces

comportements, je fais la différence entre les verbalisations adaptées qui sont en lien avec

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l’activité en cours et les verbalisations stéréotypées, hors contexte, qui sont dites à voix haute

plusieurs fois de suite.

Dans le cas des verbalisations stéréotypées, j’applique les mêmes moyens

d’interventions que les chantonnements et les bruits de bouche c’est-à-dire l’apprentissage du

chuchotement et le renforcement positif de la non-survenue de la stéréotypie.

• Renforcement positif des verbalisations adaptées :

Dans le cas des verbalisations adaptées, considérées comme des prémices du soliloque

sur lesquels on peut s’appuyer pour les apprentissages, je les renforce positivement. C’est

notamment le cas des verbalisations liées à l’apprentissage du lacet lorsque Mario dit

« Croise » et « Dedans ». Ces verbalisations ne sont pas relevées si elles apparaissent hors

contexte.

Lorsque des verbalisations adaptées apparaissent, comme des demandes par exemple,

elles sont renforcées et répétées afin de montrer à Mario que j’ai bien compris ce qu’il voulait

dire et que cette demande ou cette formulation était explicite. De plus, les verbalisations

adaptées, liées directement à la consigne de chuchotement, sont elles aussi renforcées

positivement. Par exemple, Mario peut dire : « Pas fait de bruit » ou « Pas de bruit en classe ».

Dans ces cas, je dis à Mario : « oui, Mario, c’est très bien, tu n’as pas fait de bruit » ou « Oui,

Mario, on ne fait pas de bruit en classe. » Ce type de verbalisations adaptées est aussi

apparues dans l’évolution de la stéréotypie de manipulation, ce qui été aussi renforcé.

• Retrait d’attention lors des comportements de provocation :

Lorsque les bruits de bouche et les chantonnements ainsi que les verbalisations

stéréotypées prennent fonction de provocation, le retrait d’attention s’avère efficace. Dans ces

situations, Mario réitère son comportement en riant et en me regardant. Cela arrive

généralement juste après la consigne du chuchotement. En avril, les stéréotypies de bruits de

bouche et de chantonnements n’ont pas encore eu l’aspect de provocation, le retrait

d’attention n’a pas encore été utilisé dans ces situations. Toutefois, je l’ai utilisé lors de la

provocation liée aux manipulations d’interrupteurs et de radiateur ; et lors de certaines

verbalisations.

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En définitive, les interventions diffèrent en fonction de la forme évolutive de la

stéréotypie. Il est donc primordial de les distinguer afin d’agir dessus de manière adaptée et

efficace.

III.2.4. Interventions des autres membres de l’équipe.

Les moyens d’intervention mis en place en psychomotricité trouvent leur sens et

surtout leur efficacité s’ils sont présents dans le milieu de vie quotidien de Mario, à la maison,

à l’école et dans les autres lieux de rééducation (avec le pédopsychiatre et avec

l’orthophoniste).

L’analyse des comportements stéréotypés de Mario et l’hypothèse de leur évolution

ont été établies en partenariat avec l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire.

Toute l’équipe est donc au courant des différentes topographies et des moyens d’intervention

spécifique. Chaque membre agit ainsi aux différents niveaux de l’évolution de la stéréotypie

de façon adéquate ; et en fonction de la spécificité de son rôle.

À l’école, la stéréotypie verbale est la plus gênante ; c’est le lieu même où celle-ci doit

disparaître le plus rapidement possible. Le lien et la communication avec l’enseignante et

avec l’AVS sont donc primordiaux. L’AVS est au courant des moyens d’intervention et les

applique durant les activités scolaires.

À la maison, la stéréotypie verbale est plus tolérée ; toutefois les moyens

d’intervention sont appliqués avec rigueur dans les situations les plus gênantes et les plus

bruyantes.

En séances d’orthophonie, où la même évolution est aussi constatée, le travail de

rééducation est ciblé sur le renforcement des demandes adaptées. L’orthophoniste fait des

jeux sur l’attention conjointe par des jeux de rôles ; des exercices de pointage et de

dénomination de syllabes (par reconnaissance visuelle) ; un travail sur le langage écrit pour

développer l’aspect pragmatique du langage par la lecture. L’augmentation du stock lexical

est un objectif majeur de la prise en charge en orthophonie ; ainsi que la progression de la

fonctionnalité du langage. C’est sur cette expression lexicale que nous pourrions ensuite tous

nous appuyer pour utiliser l’outil du langage dans les différents apprentissages.

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III.3. Évolution du comportement et résultats de l’observation.

L’ensemble des interventions a été appliqué par l’ensemble de l’équipe

pluridisciplinaire de mi-janvier à mi-avril. Des discussions et des entretiens téléphoniques ont

été régulièrement effectués afin d’accorder les interventions et de rendre compte de

l’évolution de Mario. En avril, j’ai proposé à l’AVS et à la maman de reprendre les

observations de manière plus précise afin de quantifier l’évolution des comportements. J’ai

également repris des observations en séances de psychomotricité, avec la vidéo, sur les

mêmes activités qu’au mois de janvier, afin de les comparer.

III.3.1. Évolution à la maison.

• Stéréotypies verbales observées initialement dans le milieu familial :

- il n’y a plus de « Tais-toii » le matin au réveil.

- la stéréotypie verbale liée au passage du péage n’est quasiment plus présente. Elle persiste

quand Mario est particulièrement excité. Quand elle se produit, le fait de lui dire « Dans ta

tête » permet à Mario de stopper directement la stéréotypie.

- la stéréotypie verbale au passage des rangées d’arbres près du domicile familial existe

encore, mais plus systématiquement. Elle se produit 1 fois sur 4 ; et surtout quand Mario est

plus fatigué.

- la stéréotypie verbale liée aux barrières d’autoroute a cessée.

• Évolution de l’apprentissage du chuchotement :

Mario ne reprend pas le geste du chuchotement. Concernant le chuchotement verbal

(dire « Chut »), il le répète tous les soirs avant de se coucher. Ce comportement a été renforcé

au début ; aujourd’hui il n’est plus renforcé car il est devenu systématique, tous les soirs.

• Évolution des verbalisations adaptées :

Mario est capable de faire de plus en plus de demandes adaptées. Il demande

régulièrement la trottinette. Il peut dire ses préférences pour le repas. Il demande aussi

beaucoup son ordinateur et demande à sa maman d’écrire des mots au tableau pour pouvoir

aller faire des recherches internet sur ses mots.

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III.3.2. Évolution à l’école.

L’AVS a observé Mario sur trois jours et m’a transmis les informations suivantes :

• Concernant les manipulations du placard au moment du regroupement : Il n’y a plus de

manipulation du placard au moment du regroupement. Il continue à avoir des allées et venues

jusqu’au tapis et dit : « Interdit non ».

• Concernant les stéréotypies verbales présentes initialement : La stéréotypie verbale à la

sortie de la classe « On s’habille !! » est présente avant chaque récréation.

• Concernant les chantonnements et de bruits de bouche pendant les activités : Mario tape

dans ses mains en disant « aaéi », cela apparaît les trois jours d’observation. Il dit ensuite

« non on ne tape pas ». Les chantonnements de Mario sont présents tous les jours, surtout

quand il est sur le tapis.

• Concernant les verbalisations adaptées : Mario a de plus en plus de verbalisations

adaptées. Il est capable de dire « non on ne tape pas » quand il tape dans ses mains. Si la

maîtresse lui dit d’arrêter, il dit « Puni derrière la porte ». Il peut aussi verbaliser de manière

adaptée lors des activités telle que « pas dépasser les traits » lors d’une tâche de graphisme. Il

réclame souvent les bulles. L’ensemble des phrases faites par Mario est de plus en plus

important. Elles sont plus ou moins construites ; elles sont toutes du moins compréhensibles.

Concernant les verbalisations liées au chuchotement, Mario a dit une fois sur les trois

jours d’observation : « Non Mario » suivi de « Chut ».

III.3.3. Évolution en séances de psychomotricité.

Deux séances mi-avril ont permis de filmer les activités et d’observer l’évolution des

comportements cibles de Mario. J’ai repris les activités types et ai noté mes observations par

intervalles de 30 secondes ; avec l’aide d’un enregistrement vidéo.

• Activité « Penta » : j’ai observé une partie de Penta. Mario est très concentré et calme

pendant cette activité. Il montre de très bonnes capacités de perception de l’espace ; il

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parvient à disposer l’ensemble des pièces en 1minute 30, sans erreur et sans aide. On observe

de légers bruits de bouche, presque imperceptibles.

• Graphisme : j’ai observé l’écriture des mots « Tapis », « Cadeau » et « Mario » en lettres

cursives.

J’observe une stéréotypie verbale caractérisée par une mélodie spécifique que Mario

répète en formant chaque lettre. Ce chantonnement spécifique, associé à des bruits de bouche,

est présent depuis quelques semaines avant l’observation finale. Elle est donc toujours

présente.

Concernant les verbalisations adaptées, je note que Mario dit une fois «on tourne » en

répétant la consigne donnée de la graphie du « a ». Lors de l’écriture de « Mario », il est

capable d’épeler l’ensemble des lettres, et e dire « après le ‘t’, le ‘h’ ».

Un nouveau comportement est présent depuis début avril, Mario répète plusieurs fois

« Des bulles !!! » et il épelle l’ensemble des lettres : « B.U.L.L.E.S ». Il crie cela à voix haute,

très souvent avec le sourire. Je lui dis que je ne veux pas entendre cela et que ça ne

m’intéresse pas.

• Algorithme de perles : Mario est concentré lors de cette activité, il n’est pas agité.

En manipulant les perles pendant la 1ère minute, Mario fait des bruits de bouche, de manière

continue. J’interviens en lui disant : « Pas de bruit avec ta bouche » et « Chut » ; il n’apprécie

pas que je mette mon doigt devant sa bouche et se recule. Lors du 2ème intervalle de temps, je

réitère ma demande : « Essaye dans ta tête » et il répète « Dans ta tête ».

Il n’y a pas de bruit de bouche dans les 2 minutes suivantes ; je le félicite pour cela. À 1

minute 48, Mario dit « É fait pas de bruit », je le redis que c’est très bien.

Un léger chantonnement apparaît en fin de tâche.

Mario est félicité pour son comportement silencieux et peut obtenir les bulles.

• Jeu du « Tap-Tap » : Des chantonnements sont présents pendant les 2 premières minutes

d’observation. Ce chantonnement se transforme rapidement en air connu (berceuse « Ah vous

dirais-je maman ») et Mario tape avec le marteau en rythme. Je lui dis « Dans ta tête », ce à

quoi il répond en recommençant à chantonner mais moins fort et avec le sourire. On reconnaît

dans ce comportement un aspect de provocation.

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Au début de la 2ème minute, il n’y plus de chantonnement et Mario dit « La tête », je

répète « Oui, dans ta tête » afin de renforcer cette verbalisation adaptée. Il reprend son

chantonnement juste après mais moins fort.

Il n’y a pas de bruits de bouche et de chantonnement dans la dernière minute

d’observation. Je lui dis que c’est super qu’il ne fasse pas de bruit. Mario est préoccupé par

l’activité suivante et dit par 3 fois : « Joué à un jeu ».

À la fin de la tâche, il dit 2 fois : « Pas de bruit », ce que je renforce positivement.

• L’apprentissage du lacet : Mario dit les mots « Décroise » par 3 fois, « Croise » par 3 fois,

et « Dedans » 8 fois. Ces verbalisations correspondent aux gestes du lacet. Elles sont donc

renforcées positivement.

Il n’y a pas de bruit de bouche ni de chantonnement.

• Renforçateur « Bulles » : Des mouvements de flapping apparaissent au début, en

association avec des bruits de bouches, pendant quelques secondes. Il n’y a ensuite plus de

flapping, ni de chantonnement et de bruit de bouche.

Concernant les verbalisations stéréotypées et/ou adaptées, Mario dit 3 fois « des

buulles !! ». Ces verbalisations liées aux bulles apparaissent de plus en plus souvent et dans

toutes les activités. Elles sont souvent associées à des rires, sous-entendant un comportement

de provocation.

Finalement, les observations de l’évolution du comportement de Mario en séances de

psychomotricité reflètent l’hypothèse qui a été posée. On distingue bien dans les différentes

activités observées les topographies distinctes des comportements cibles : bruits de bouche,

chantonnements, verbalisations stéréotypées et verbalisations adaptées ; ainsi que les

différentes formes évolutives : stéréotypies, verbalisations de la demande de chuchotement et

provocation.

On peut dire que les verbalisations adaptées liées au chuchotement sont maintenant

présentes : Mario a compris qu’on attendait de lui qu’il fasse moins de bruit et il est capable

de le verbaliser. Le geste du chuchotement, quant à lui, n’est jamais repris par Mario.

Les stéréotypies verbales de bruits de bouche et de chantonnements sont encore

présentes. L’évolution tient dans le fait qu’elles sont maintenant présentes avec un aspect de

provocation. Cette phase d’évolution doit être la plus courte possible, de part la gêne

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occasionnée. Le plan d’action permet donc de distinguer ces phases et d’agir dessus pour

accélérer le processus jusqu’à l’extinction de la stéréotypie.

De plus en plus de verbalisations liées aux tâches sont présentes, je pense

particulièrement à l’apprentissage du lacet et au graphisme. Ces verbalisations sont très

positives pour les apprentissages et sont à renforcer ; en effet, elles sont fonctionnelles et

adaptées et soutiennent les performances dans les apprentissages.

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DISCUSSION

Finalement, les observations de Mario à la maison, à l’école et en séances de

psychomotricité montrent que les stéréotypies verbales ont une évolution similaire à celle

observée avec les stéréotypies de manipulation : stéréotypie, provocation, verbalisation

stéréotypée de l’interdiction, verbalisation provocatrice et arrêt du comportement. Cette

évolution n’est certes pas totalement linéaire et les différentes phases peuvent être associées.

En effet, les comportements de provocation et de verbalisation de l’interdit ne se suivent pas

nécessairement ; on peut observer les deux types de comportements de manière concomitante.

Les moyens d’intervention qui ont été mise en place par l’ensemble de l’équipe

pluridisciplinaire ont permis de réduire le temps de la phase de provocation et de la phase de

verbalisation stéréotypée et de la verbalisation provocatrice. En effet, ces comportements

interfèrent de manière considérable sur l’apprentissage de Mario à être « élève ». Plus cette

phase est écourtée, plus vite Mario intègre que son comportement stéréotypé n’est pas

souhaité et qu’il doit apprendre à ne pas s’y engager.

Cette analyse fonctionnelle entreprise sur l’évolution des stéréotypies de Mario a

permis de comprendre plusieurs choses.

Tout d’abord, elle a donné lieu à une compréhension plus précise du fonctionnement

de Mario et donc a une action plus fine et plus rigoureuse sur ses comportements. En effet, le

fait de faire la distinction entre les différentes topographies évolutives du comportement

donne lieu à plus de précision dans la réponse de l’adulte par rapport à Mario, et donc plus

d’efficacité. De ce fait, les réponses que j’ai eues auprès de lui, et les réponses de l’ensemble

des acteurs éducatifs et rééducatifs, sont à présent plus explicites et plus cohérentes. Elles

répondent donc mieux aux besoins de Mario, de part sa problématique autistique.

D’autre part, elle a permit de mettre en évidence que l’évolution des comportements

stéréotypés de Mario, et notamment l’évolution des stéréotypies verbales, faisait apparaître

aussi un comportement adapté et positif pour les apprentissages. En effet, les verbalisations de

l’interdit, quand elles ne sont pas stéréotypées, permettent une régulation de la consigne et

donc du comportement. Ces comportements langagiers, appelés soliloque ou auto-instruction

par le langage, sont bénéfiques et sont un outil précieux pour soutenir les apprentissages.

Cette compréhension de l’installation d’un langage plus pragmatique a fourni un axe de

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rééducation sur lequel s’appuyer. Cette capacité de Mario à pouvoir commencer à mettre du

sens sur les mots est un aspect très positif, à renforcer et à utiliser pour la régulation du

comportement. Ce constat de performance et cet objectif d’installation du soliloque ont été

déterminés en lien avec l’orthophoniste. La rééducation complémentaire et coordonnée entre

l’orthophonie et la psychomotricité s’est avérée très constructive et bénéfique pour le progrès

de Mario. D’un côté, l’orthophoniste agit sur l’augmentation du stock lexical de Mario et sur

l’émergence de demandes et de verbalisations plus adaptées et plus fonctionnelles ; d’autre

part, en psychomotricité, j’utilise cet outil langagier pour consolider les apprentissages et pour

apprendre à Mario à réguler son comportement et ainsi à réduire ces comportements

stéréotypés.

Toutefois, ces interventions sont ciblées sur une stéréotypie et ne permettent pas de

faire diminuer l’ensemble des stéréotypies de Mario. En avril, j’ai observé l’émergence d’un

nouveau comportement stéréotypé et restreint : Mario épelle plusieurs fois par séance les

lettres du mot « Bulles », et il dit plusieurs fois pendant les activités « Des buuulles !! ». Ce

comportement est aussi relevé par l’AVS et par la Maman. On peut émettre l’hypothèse que

ce comportement va suivre la même évolution que j’ai décrite tout au long de ce mémoire, et

il convient alors d’agir dessus par les moyens d’interventions adéquats que j’ai pu

expérimenté. Ceci montre que l’on peut agir sur un comportement stéréotypé et viser son

extinction ; pour autant, d’autres comportements stéréotypés peuvent ensuite apparaître et il

est donc très probable que de nouvelles stéréotypies émergent. L’action mise en place cible un

comportement à la fois, en fonction de la plainte, et il faut ensuite être vigilant aux autres

comportements qui apparaissent. La question doit alors se poser si l’action est nécessaire ou

non, en fonction de la gêne et de plainte qui encoure à ce comportement.

L’analyse fonctionnelle des comportements est un travail très enrichissant qui permet

d’avoir une réflexion et une démarche fondée sur l’enfant. Elle m’a permis de mieux

comprendre qui était Mario et d’avoir une rééducation plus en adéquation avec ce qu’il est.

C’est un travail complexe car il doit donner lieu à une description précise et unanime des

différentes topographies de comportement. De plus, j’ai constaté qu’il fallait être attentif, avec

ce type de démarche rééducative, à ne pas tomber dans le réductionnisme. En effet, une fois

l’hypothèse posée, mon œil observateur veut, en quelque sorte, constater cette hypothèse et

cette évolution. Or, il faut sans cesse se rappeler que Mario, et que l’enfant en général, peut

nous étonner. Il faut donc connaître les différentes formes de comportement de l’enfant, tout

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en sachant que l’évolution peut nous surprendre et ne pas être linéaire, et tout en étant attentif

à l’émergence de nouveaux comportements.

CONCLUSION GÉNÉRALE

Finalement, les comportements stéréotypés, répétitifs et restreints sont partie

intégrante de la problématique autistique. Leur conceptualisation est rendue difficile et

complexe. D’une part, l’ensemble de ces comportements revêt une multitude de formes

comportementales ; et d’autre part, les études ne font pas encore consensus pour déterminer

les fonctions des stéréotypies. Les comportements répétés et restreints sont le critère de

l’autisme qui a été étudiée le plus tardivement. De ce fait, les moyens d’actions à disposition

des familles et des rééducateurs, notamment des psychomotriciens, sont encore à développer

et en plein essor.

Actuellement, l’analyse fonctionnelle et appliquée du comportement est la démarche

de réflexion la plus à même de comprendre les stéréotypies et donc d’agir dessus de manière

adéquate et adaptée. Elle permet d’avoir un regard objectif sur le comportement cible, et ainsi

d’en comprendre les éventuelles fonctions et le fonctionnement évolutif. Cette compréhension

entraine une action plus adaptée et permet d’aider l’enfant à progresser. Ainsi, il est plus

disposé à établir des relations adaptées avec son milieu. En plus de permettre la diminution de

comportement inadapté, l’analyse fonctionnelle permet de mettre en place des moyens

d’interventions qui visent à créer de nouveaux comportements plus souhaitables, et

notamment en s’appuyant sur les capacités de l’enfant qui ont pu être précisées par l’analyse

fonctionnelle.

L’action ciblée sur la diminution des stéréotypies est une piste de rééducation

pertinente avec les enfants porteurs d’autisme. En effet, des auteurs soutiennent l’idée que la

diminution des comportements stéréotypés encourage les performances dans les domaines des

interactions sociales et de la communication. C’est pourquoi, cette piste de réflexion peut

s’avérer très constructive pour la considération de la prise en charge des enfants TSA.

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