De tout mon sang

DestinAmanda Hocking

De tou t mon sang

Traduit de l’anglais par Guillaume Labbé

Amanda Hocking

De tou t mon sangDestin

Copyright © 2012 Amanda HockingTitre original anglais : FateCopyright © 2012 Éditions AdA Inc. pour la traduction françaiseCette publication est publiée en accord avec The Marsh Agency Ltd., London, EnglandTous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Éditeur : François DoucetTraduction : Guillaume LabbéRévision linguistique : Féminin plurielCorrection d’épreuves : Nancy Coulombe, Carine ParadisConception de la couverture : Paulo SalgueiroPhoto de la couverture : © ThinkstockMise en pages : Sébastien MichaudISBN papier 978-2-89667-780-1ISBN PDF numérique 978-2-89683-815-8ISBN ePub 978-2-89683-816-5Première impression : 2012Dépôt légal : 2012Bibliothèque et Archives nationales du QuébecBibliothèque Nationale du Canada

Éditions AdA Inc.1385, boul. Lionel-BouletVarennes, Québec, Canada, J3X 1P7Téléphone : 450-929-0296Télécopieur : 450-929-0220www.ada-inc.cominfo@ada-inc.com

DiffusionCanada : Éditions AdA Inc.France : D.G. Diffusion Z.I. des Bogues 31750 Escalquens — France Téléphone : 05.61.00.09.99Suisse : Transat — 23.42.77.40Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

Imprimé au Canada

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L ’air de l’été se glissait dans la voiture par ses fenêtres, l’emplissant du parfum de la verdure du parc et du bruit terrifiant de la circulation sur l’autoroute. Je me

mordis la lèvre et jetai un coup d’œil par la fenêtre, là où des enfants jouaient dans l’herbe. Le moteur de la voiture tour-nait seulement au ralenti dans le stationnement, mais je ne cessais pourtant d’imaginer Milo perdre la maîtrise du véhi-cule et rouler sur eux.

Mon frère cadet, Milo, venait d’avoir seize ans et il par-lait toujours de son futur permis de conduire. Je blâmais directement Jack pour cette nouvelle obsession qu’il entrete-nait envers les voitures, lui qui conduisait des voitures de luxe à des vitesses excessives. Milo avait été transformé dès l’instant où il avait posé son regard sur sa Lamborghini. Des choses aussi belles que ça captivaient les gens, et cet effet était apparemment identique même chez les jeunes adoles-cents gais.

Je n’étais pas encore détentrice d’un permis de conduire, en dépit du fait que j’étais plus âgée que Milo de dix-huit mois, alors c’était Jack qui lui donnait les leçons de conduite, ce qui me faisait peur.

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Jack portait d’énormes lunettes de soleil et était assis en mode qui-vive, mais il n’expliqua pas vraiment quoi que ce soit à Milo. Il désigna une pédale du doigt et lui dit ceci :

— Celle-là fait avancer, alors appuie dessus, et avançons.

Rien de plus.Heureusement, Milo était plutôt prudent. Il insista donc

auprès de Jack pour obtenir de plus amples détails, mais ça ne rendit pas ses réponses plus précises. Peut-être que Jack était fatigué. Le soleil de l’après-midi du mois d’août brillait vivement au-dessus de nous. Ça ressemblait habituellement au meilleur moment pour conduire, mais la lumière du soleil faisait en sorte que Jack avait les jambes en coton. Il avait déjà commencé à bâiller.

Jack n’est pas exactement comme tout le monde. Je l’aime vraiment beaucoup, plus que je ne le devrais. Il est certaine-ment attirant avec ses yeux bleus pétillants, ses cheveux cen-drés constamment échevelés et sa peau bronzée impeccable, mais je ne le qualifierais pas de beau à mourir.

Il n’y a rien de simple en ce qui concerne Jack et sa famille, et c’est attribuable à un fait majeur : ce sont des vampires.

Ils ne sont pas vraiment dangereux pour les humains, sans quoi je ne les laisserais pas s’approcher de mon frère. Enfin, j’imagine qu’ils le sont d’un point de vue technique, puisqu’ils pourraient aisément nous tuer, s’ils le voulaient, mais je ne pense pas qu’ils le veulent. Ils se nourrissent tou-tefois bel et bien de sang humain, mais ils s’en procurent par des banques de sang ou des donneurs humains.

Les vampires n’ont pas à boire tout le sang d’une per-sonne jusqu’à ce que mort s’ensuive, et ce, même s’ils

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peuvent tout de même le faire et qu’ils le font à l’occasion. Jack n’a jamais tué personne, mais il est un vampire relative-ment jeune. Il avait vingt-quatre ans au moment de sa trans-formation, et celle-ci s’est produite il y a seize ans de cela. En comparaison, son frère Ezra est un vampire depuis plus de trois cents ans et son autre frère Peter, depuis près de deux cents.

Ils ne sont pas vraiment des frères, mais ils sont des frères comme peuvent l’être les vampires. Pour être trans-formé, le sang d’un humain doit fusionner avec le sang d’un vampire. Ezra a transformé Peter, et Peter a transformé Jack. Ils sont donc près l’un de l’autre de façon peu commune. Peter est attiré envers moi, ou plutôt c’est son sang qui l’est. Son attirance fait ainsi en sorte que Jack et Ezra m’adorent, et Jack beaucoup plus qu’il le devrait.

Je sais que Jack ne ferait rien pour me mettre en danger. Pas intentionnellement, du moins. Sa capacité de tenir compte du danger par rapport aux corps humains autre-ment plus fragiles, comme celui de mon frère, est déficiente. Si nous devions avoir un accident, c’est moi que Jack proté-gerait, et non Milo, et ça me rendait nerveuse.

— Tu es sûr que tu veux vraiment faire ça aujourd’hui ? demandai-je en voyant Milo rouler ses yeux dans le rétroviseur.

— Nous pouvons simplement te ramener à la maison, si tu as l’intention d’agir ainsi, dit Milo en me jetant un regard furieux.

En dépit de son âge, Milo avait un de ces visages juvé-niles distinctifs. Ses joues étaient potelées, et ses yeux bruns étaient innocemment grands. Quand il me menaçait comme

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ça, il avait davantage l’air d’un enfant fâché que d’un adolescent.

— Alice, tout ira bien, promit Jack en réprimant un bâillement.

— C’est moi qui suis doté de sensibilité. Si je pense que quelque chose est bien, alors ça l’est probablement, me rap-pela Milo.

Ça faisait vingt minutes que nous faisions du sur-place dans le stationnement, pendant que Milo demandait à Jack de lui expliquer toutes les parties de la voiture. Puisque c’était Jack qui lui offrait des explications, une quantité dis-proportionnée de temps avait été consacrée à la radio et aux sièges chauffants (ce qui semblait logique en plein mois d’août), mais Milo commençait à ne plus tenir en place.

Milo enclencha finalement la transmission, puis mon cœur se braqua. Il conduisit dans le stationnement, appuyant inutilement avec force sur la pédale de freinage à plusieurs reprises.

— Ressens doucement le mouvement de la voiture, dit Jack, et Milo le fit.

— Peut-être qu’il n’est pas prêt.Je me penchai vers l’avant entre les sièges.— Alice ! répondit hargneusement Milo.Jack abaissa ses lunettes de soleil, tout juste assez pour

pouvoir me regarder par-dessus ces dernières.— Alice, tu dois vraiment te détendre, ou nous te ramè-

nerons à la maison. Je le laisserai de plus conduire jusque-là.

— Très bien, alors !Je soulevai mes mains dans les airs et m’adossai dans

mon siège.

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Milo conduisit dans le stationnement avec plus de démarrages et d’arrêts qu’un cercle devrait l’exiger. Sa conduite devint finalement moins saccadée, et je me permis de me détendre.

C’était précisément la raison pour laquelle j’étais encore là. Jack m’avait offert l’immortalité, mais j’avais temporaire-ment refusé. Je n’étais pas encore tout à fait prête à aban-donner mon frère.

Jack bâilla de nouveau avec grand bruit, et sa fatigue se répandit en moi. Il tripota la radio pour se réveiller, et ses actions firent retentir la musique du groupe The Cure dans les haut-parleurs. J’ouvris la bouche pour dire quelque chose à propos du fait que c’était trop distrayant, mais Milo repoussa sa main et éteignit la radio.

— Je ne peux pas me concentrer avec ça, dit Milo, lorsque Jack sembla offensé.

— Tu vois ?Jack appuya sa tête avec lassitude dans un bruit sourd

contre l’appui-tête de la voiture.— Tu n’as pas à t’inquiéter de quoi que ce soit avec ce

jeune.— Et ce n’est pas grâce à toi, murmurai-je.Jack se tourna vers moi, affichant son espiègle sourire en

coin.— Quoi ? Tu sais, tu vas devoir apprendre à conduire un

jour.Le plaisir de Jack augmenta en intensité, lorsqu’il me vit

grimacer en guise de réponse.— Quoi ? Tu ne t’attendais pas vraiment à ce que je te

serve de chauffeur pour toujours, n’est-ce pas ?— Non. Mais pas aujourd’hui, lui dis-je.

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— C’est de ton temps qu’il est question, de toute façon.Jack se concentra de nouveau sur la conduite de Milo.Il avait bien tenté de dissimuler son impatience toujours

croissante, mais il ne pouvait pas me cacher grand-chose. Pour quelque raison que ce soit, je ressentais tout ce qu’il res-sentait, et ça rendait parfois les choses inconfortables. Il était certainement prêt à ce que je sois transformée. Jack compre-nait ce que je voulais et essayait de ne pas me mettre de pres-sion pour que je sois transformée en vampire, mais c’était difficile pour lui.

— Devrais-je maintenant rouler sur la route ?Milo avait fait une pause près de la sortie du stationne-

ment en regardant Jack.— Désolé, le jeune.Jack secoua sa tête, et Milo sembla déçu.— Tu t’en es vraiment bien tiré aujourd’hui, mais je suis

claqué et je pense que ta sœur en a eu assez.Jack sortit de la voiture pour changer de place avec Milo

et bougonna quelque chose à propos de la lumière du soleil. Ça n’aidait pas qu’il ne porte qu’un t-shirt et des shorts, exposant encore plus de sa peau au soleil, mais c’était sa tenue habituelle, même en hiver.

Il avait aujourd’hui opté pour un t-shirt blanc orné de cassettes audio aux couleurs néon et des Dickies noires avec des Converse roses. Il n’était pas exactement à l’image de ce qui me venait en tête quand je pensais à un vampire, mais très peu de choses à son sujet étaient stéréotypées.

Aussitôt assis dans le siège du conducteur, il tripota la radio jusqu’à ce que la pièce Mexican Radio se fasse entendre. Milo plissa son nez, mais il n’avait pas grandi dans les années quatre-vingt, comme ça avait été le cas pour Jack.

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Lorsque la voiture s’immobilisa devant l’immeuble de grès brun où Milo et moi vivions, Milo remercia Jack de nou-veau avant de sortir. Je restai à l’intérieur plus longuement, souhaitant avoir une minute pour lui parler. Je tendis la main entre les sièges et baissai le volume de la radio.

— Merci de lui avoir consacré ce temps. Je sais qu’il l’a vraiment apprécié.

— N’importe quand.Jack me sourit, mais son sourire était quelque peu fané,

si on veut. Les vampires ne se consumaient pas en flammes, mais c’était des êtres nocturnes. Le soleil les épuisait.

— Tu devrais probablement t’en aller.Je détachai ma ceinture de sécurité et commençai à me

glisser hors de la voiture.— Alors, on se voit demain ?— Non, je ne peux pas. Je serai en voyage d’affaires avec

Ezra, me rappela-t-il. Je devrais toutefois être de retour dans deux jours. Nous ne ferons pas grand-chose d’autre que de signer quelques papiers.

Au cours des derniers mois, Jack était passé à une autre vitesse et avait commencé à aider Ezra avec l’entreprise familiale. Ils possédaient quelques entreprises outre-mer et des tas d’actions. Ezra quittait la maison à l’occasion pour quelques jours, afin de travailler sur ces projets, et Jack avait finalement décidé qu’il devrait faire de même. Il avait aussi accidenté sa voiture, et Ezra avait exigé qu’il travaille pour son argent, question de payer sa prochaine voiture.

— Oh. C’est vrai. Alors… appelle-moi quand tu seras de retour.

— Je le fais toujours, dit Jack en souriant, tandis que je sortais de la voiture.

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L es nuits d’été étaient trop courtes. Les vampires pas-saient plus de temps à l’intérieur en été, mais la cha-leur et eux ne faisaient pas bon ménage, de toute

façon.Jack vivait dans une belle maison donnant sur un lac. Ça

aurait été une maison carrée plutôt conventionnelle, n’eût été des balcons et de la tourelle qui reliait la maison au garage. Ça faisait plusieurs fois que j’y venais, mais j’étais encore intimidée par cette demeure.

Nous passâmes une grande partie de l’été dans la cour arrière, que ce soit en fainéantant sur le patio en pierre, en nageant dans le lac ou en nous baladant sur ce dernier à bord de la motomarine. Milo et moi passions tant de temps dans l’eau que Mae nous avait acheté plusieurs maillots de bain à conserver à la maison.

J’enfilai mon maillot de bain en conservant ma serviette enveloppée autour de moi en sortant de la salle de bain. Milo était déjà vêtu de son maillot. Il était assis à l’îlot dans la cui-sine, mangeant des raisins, tout en aidant Mae.

Mae est celle qui était la plus âgée, lorsqu’elle avait été transformée, à vingt-huit ans. Sa peau impeccable était blanche comme de la porcelaine, et elle avait formé un

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chignon plutôt lâche avec ses cheveux couleur caramel. Elle ne portait que son maillot de bain et un tablier, et ses yeux chaleureux pétillaient, quand Milo lui parlait.

En tant que vampire, elle ne mangeait pas. Comme Milo était un excellent cuisinier, il était devenu son sous-chef, l’aidant avec tous les repas qu’elle préparait pour nous. J’aurais protesté auprès d’elle pour tout son travail et ses dépenses supplémentaires, mais il était évident qu’elle pre-nait plaisir à ce genre de choses.

— Où est Ezra ? demandai-je en marchant vers l’îlot avant de subtiliser un raisin.

Mae préparait un genre de trempette à fruits avec du fromage à la crème et du yaourt, et coupait des pommes, des poires et des fraises.

— Il fait un petit somme, m’informa Mae de son accent britannique chaleureux. Il souffre d’un léger décalage horaire après son voyage.

Comme les deux autres gars, Ezra était incroyablement attirant. Ses yeux étaient acajou intense et étaient infiniment chaleureux. Sa peau était de la même couleur bronzée que celles de Jack et de Peter, et ses cheveux blond roux étaient parsemés de douces mèches blondes. La chose la plus puis-sante à propos d’Ezra était sa voix. Elle était grave et réson-nait à travers absolument tout. Il avait un accent effacé lié au fait qu’il était né en Angleterre, mais il n’avait pas vécu en Europe depuis plus de deux cents ans.

Je pouvais voir Jack s’amuser bruyamment avec Matilda, sa chienne de montagne des Pyrénées, à travers les portes-fenêtres de verre de la salle à manger. Les lumières du patio révélaient les muscles tendus de sa poitrine et de son dos,

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tandis qu’il se roulait au sol avec elle. Les pierres du patio auraient dû laisser sa peau abîmée et couverte d’ecchymoses, mais on n’y verrait rien.

— Alice, tu veux y goûter ? demanda Mae en me faisant quitter Jack du regard.

Elle me tendait un morceau de pomme couvert de trem-pette, mais je secouai la tête.

— Je commence à avoir froid. Je crois que je vais aller dehors.

— Je te rejoins dans une minute, dit Milo, la bouche pleine du fruit qu’il avait goûté.

— D’accord, dis-je en hochant la tête avant de franchir les portes-fenêtres et de me retrouver dans la nuit.

Jack quitta le patio en poursuivant Matilda, mais je pou-vais voir aisément à la lumière de la pleine lune. Il faisait beaucoup plus chaud à l’extérieur que dans la maison, mais je conservai tout de même ma serviette enveloppée autour de moi. Je descendis les marches du patio vers la petite pelouse qui séparait la maison du lac.

Matilda m’aperçut et fonça vers moi. Elle allait me ren-verser au sol, puisqu’elle était habituée au fait que les vam-pires pouvaient s’accommoder de son bond sur eux, mais Jack la rattrapa et la plaqua doucement au sol. Il se releva ensuite en retirant les brins d’herbe de son maillot de bain, puis il me sourit.

— Est-ce que tu vas aussi nager avec ta serviette ? me taquina Jack.

— Peut-être.Je tirai la serviette encore plus contre moi, et ça le

fit rire.

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Matilda me renifla intensément avant de conclure que ce n’était que moi, puis elle s’éloigna d’un pas nonchalant en remuant sa queue lentement derrière elle.

Une lueur espiègle naquit dans l’œil de Jack. Après avoir passé un été à me faire projeter dans le lac, je savais exac-tement ce qu’elle signifiait. Je laissai tomber ma serviette et me mis à courir vers le quai. Il demeura à quelques pas der-rière moi, et ce, même s’il aurait aisément pu me dépasser. Ce qu’il aimait était la poursuite.

J’avais presque atteint le bord du quai, lorsque je sentis ses bras puissants entourer ma taille. Je poussai des cris aigus et le laissai me faire tourner une fois de plus avant qu’il ne me libère, me propulsant dans les airs avant que je ne retombe dans le lac avec un plouf retentissant.

Jack s’élança et bondit, volant au-dessus de moi avant de retomber bien loin dans le lac en soulevant des gerbes d’eau. Il hurla avec excitation, comme s’il n’avait pas déjà fait ce même saut un million de fois auparavant.

— Jack !Mae passa la tête hors des portes-fenêtres et lui cria.— Tu dois faire moins de bruit, pour que les voisins

n’appellent pas la police une fois de plus.Il était passé minuit un mercredi soir, et les voisins

n’étaient pas de grands admirateurs du bruit.— Ouais, Alice, dit Jack.— Oh, c’est n’importe quoi, dis-je en roulant mes yeux.

Comme si j’étais seulement à moitié aussi bruyante que tu l’es.

Jack éclata de rire, s’aventurant à grandes brassées plus loin encore dans l’eau noire. Il fit de lents cercles autour de

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moi, mais j’étais heureuse de me laisser flotter sur le dos, fixant la pleine lune et les étoiles brillantes des yeux.

Je n’avais jamais vraiment eu le courage de m’éloigner bien loin du rivage, lorsque l’eau était si sombre. J’avais tou-jours ces visions horribles où je me faisais manger par un monstre invisible provenant des profondeurs du lac.

Milo se joignit à nous dans le lac un peu plus tard. Mae demeura à l’intérieur, continuant à trancher des fruits. Elle en faisait toujours trop, quand venait le temps de nous nourrir. Nous n’étions que deux à manger, mais elle cuisi-nait comme si nous étions une armée. Cela rendait encore plus évident le fait qu’ils ne mangeaient pas, mais Milo n’avait seulement émis que quelques commentaires à ce sujet.

Étonnamment, il n’était pas encore arrivé à la conclusion qu’ils n’étaient pas humains. Jack avait été plus discret à propos de ses capacités paranormales, mais Milo était un enfant intelligent. Je pensai qu’il avait soupçonné quelque chose, mais qu’il avait laissé tomber parce qu’ils ne sem-blaient pas dangereux et qu’ils me rendaient heureuse.

— C’est vraiment une belle nuit, dit Milo.Il flottait sur son dos, admirant la nuit comme je le

faisais.— Ça a été un été fantastique.— Je ne peux pas croire que c’est presque terminé, sou-

pira Milo.— Ne me le rappelle pas ! dis-je en ayant un mouvement

de recul.L’école allait recommencer dans seulement trois petites

semaines. Milo essaya de me convaincre que ça avait peu

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d’effets sur ma vie, mais ça changeait tout. Il n’y aurait plus de nuits entières passées avec Jack, et bientôt, tout devien-drait froid et neigeux, et Milo me ferait faire des devoirs.

Quelque chose s’empara de moi et me tira vers le bas. Je tentai de crier, mais l’eau me recouvrit en entier. Je m’ima-ginai une créature marine maléfique venant manger mon âme. Me débattant vers la surface, j’agrippai quelque chose de solide et de doux et je me hissai vers la surface.

Dès que je tendis la main vers lui, Jack me tira hors de l’eau et me laissa m’accrocher à lui. Je l’entendis ensuite rire doucement sous mes propres halètements effrayés, puis je me rendis compte que c’était lui qui m’avait agrippée la che-ville. Après avoir passé un été à subir pareilles bouffonne-ries, j’aurais dû comprendre que Jack pensait que c’était bien drôle de m’effrayer à mort.

J’aurais dû lui asséner une claque ou lui dire qu’il était un idiot, mais la sensation de ses bras vint me distraire. Sa poitrine s’appuya contre la mienne, et il dut ressentir les bat-tements frénétiques de mon cœur, qui le rendaient fou.

Je levai mon regard vers ses doux yeux bleus et je me sentis aussitôt à bout de souffle pour une toute nouvelle raison. Son rire cessa, et son sourire chancela, alors que la température de son corps commençait à s’élever, se consu-mant contre ma peau.

Il m’aurait déjà repoussée, en temps normal, mais cette fois, il me laissa m’attarder dans ses bras. J’inclinai ma tête vers lui, espérant qu’il laisserait le temps passer encore assez longtemps pour échanger un baiser en toute innocence.

— Hé ! Regardez ! Une étoile filante ! cria Milo.Ce commentaire fut suffisant pour que Jack comprenne

ce qui se passait, alors il me repoussa et nagea loin de moi.