Aides Publiques, Service Public Et Concurrence

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Droit public de l’économie Rémi Chauveau Master 1. Droit Public UT1 2012-2013 Groupe CONTDPE02 Monsieur le Professeur Sorbara Dissertation Aides publiques, service public et concurrence Le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, au travers des dispositions normatives de ses articles 106, 107 et 108 souligne que les aides publiques bien que permettant de financer des missions de service public par l’octroi d’avantages au bénéfice des opérateurs économiques ne doivent pas avoir pour conséquences d’affecter la concurrence. En effet dans le contexte du soutien de l’activité économique du marché intérieur et du fait de l’ouverture des services publics au phénomène concurrentiel, les états membres afin de protéger leurs industries nationales subventionne certaines activités économiques par le biais de ressources publiques. Mais en favorisant certaines entreprises par rapport à leurs concurrents, ces aides d'État sont susceptibles de fausser la concurrence. Les aides publiques regroupent un large ensemble d’avantages octroyés par une personne publique à un opérateur ou à un secteur dans un but économique et sans contrepartie. Si en droit interne une distinction est opérée entre les aides d’Etat et les aides allouées par les collectivités territoriales, le droit communautaire lui s’abstient de faire la nuance entre les deux catégories d’aides et les regroupe sous une même appellation : les aides accordés par les états. D’autre part du fait de la recherche d’une rentabilité économique, la notion d’aide exclut les aides sociales et les 1

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Droit public de l’économie

Rémi Chauveau

Master 1. Droit Public UT1 2012-2013

Groupe CONTDPE02

Monsieur le Professeur Sorbara

Dissertation

Aides publiques, service public et concurrence

Le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, au travers des dispositions normatives de ses articles 106, 107 et 108 souligne que les aides publiques bien que permettant de financer des missions de service public par l’octroi d’avantages au bénéfice des opérateurs économiques ne doivent pas avoir pour conséquences d’affecter la concurrence.

En effet dans le contexte du soutien de l’activité économique du marché intérieur et du fait de l’ouverture des services publics au phénomène concurrentiel, les états membres afin de protéger leurs industries nationales subventionne certaines activités économiques par le biais de ressources publiques. Mais en favorisant certaines entreprises par rapport à leurs concurrents, ces aides d'État sont susceptibles de fausser la concurrence. Les aides publiques regroupent un large ensemble d’avantages octroyés par une personne publique à un opérateur ou à un secteur dans un but économique et sans contrepartie. Si en droit interne une distinction est opérée entre les aides d’Etat et les aides allouées par les collectivités territoriales, le droit communautaire lui s’abstient de faire la nuance entre les deux catégories d’aides et les regroupe sous une même appellation : les aides accordés par les états. D’autre part du fait de la recherche d’une rentabilité économique, la notion d’aide exclut les aides sociales et les aides accordées aux associations qui ne sont pas des opérateurs économiques. La notion de service public alliant intérêt général et intervention étatique, utilisée en droit interne est envisagée différemment par le droit communautaire qui lui aborde le service public dans une visée concurrentielle et lui donne le nom de service d’intérêt économique général. Le SIEG englobe des activités de service marchand remplissant des missions d’intérêt général, et soumises par les Etats membres à des obligations spécifiques de service public.

Mais en finançant ces activités économiques par le biais d’aides publiques, les Etats n’entrave-t-ils pas les règles de concurrence sur le marché intérieur ? Plus précisément

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quelle est le régime de ces aides publiques apportées aux services publics eu égard au droit de la concurrence ?

Les avantages concédés par les états aux services publics font l’objet d’un encadrement normatif particulier dans le respect des règles de la concurrence (I), cependant si les aides d'État sont interdites par le traité instituant la Communauté européenne des exceptions autorisent néanmoins les aides justifiées par des objectifs d'intérêt commun, par exemple pour les services d'intérêt économique général, lorsqu'elles ne faussent pas la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt général (II).

I. L’encadrement normatif de l’interventionnisme économique des pouvoirs publics en matière d’aides publiques

L’intervention économique des pouvoirs publics dans l’économie par le biais d’aides publiques est soumise à un double réglementation, au plan national (A) et au plan communautaire (B).

A. L’encadrement normatif des aides publiques par le droit français eu égard au droit de la concurrence

En vertu de l’article L.1511-1 du Code général des collectivités territoriales, les collectivités ont la compétence pour accorder aux entreprises des aides publiques. Ces subventions sont soumises à trois conditions cumulatives : l’existence d’un intérêt public, que l’intervention ait pour but de répondre aux besoins de la population et qu’enfin l’action de la collectivité respecte le principe de neutralité du service public. Ces critères sont rappelés dans les arrêts rendus par le Conseil d’Etat du 4 avril 2005 « Commune d’Argentant et du 16 mars 2005 « Ministre de l’Outre-mer ».

Les communes, départements et groupement doivent obtenir l’accord de la région ou être conventionnés par celle-ci pour pouvoir mettre en place leurs prérogatives en matière d’aides aux entreprises. En vertu de la réglementation nationale qui découle de la Constitution de 1958 organisant la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales. La première personne morale de droit publique bénéficie d’une compétence générale d’intervention et les collectivités territoriales ne sont compétentes

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que dans les cas où la loi le prévoit. La loi sur la liberté et les responsabilités locales du 13 août 2004 a substantiellement agencé les compétences et les règles de mise en œuvre des aides. Ainsi la région au titre de chef de file à l’obligation de mettre en place un schéma régional de développement économique dans l’objectif d’établir un régime d’aides aux entreprises. L’Etat dispose de la possibilité par voie de convention d’autoriser les interventions économiques des collectivités infrarégionales. Les aides publiques peuvent être l’objet de l’Etat et des autres collectivités publiques, mais également des entreprises envers leurs filiales.

Les aides accordées par l’Etat, sont soumises au décret-loi du 25 juin 1934. Les aides allouées par les collectivités territoriales, en vertu de l’article L. 1611-4 du CGCT font l’objet d’un contrôle par les délégués de la collectivité. En application de l’article 10 de la loi du 12 avril 2000, les aides publiques allouées à l’organisme doivent être affectées à une dépense déterminée qui fera l’objet de la production d’un compte rendu financier.

D’autre part les aides allouées par l’Etat et les collectivités publiques doivent être en accord vis-à-vis des grands principes du droit public et doivent permettre le respect de l’intérêt général. Ainsi le juge administratif aura la charge de contrôler les conditions d’octroi des aides eu égard au principe d’égalité (CE TA Montpellier en date du 2 mai 1986) et de la liberté du commerce et de l’industrie. Les aides publiques ne doivent pas prendre le pas sur les domaines réservés à l’initiative privée quand il n’y a pas carence de cette dernière (CE 10 mai 1985, SA Boussac Saint-Frères).

B. La législation communautaire en matière d’aides publiques versées aux services publics

Les aides publiques versées aux entreprises publiques ou privés sont définies et soumises au régime du droit communautaire de la concurrence. L’appréciation des aides d’État repose sur les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En vertu de l’article 107 du TFUE, l’aide d’État repose sur les conditions suivantes: L’aide doit être attribuée par un pays de l’Union européenne ou au moyen de ressources d’État elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence en favorisant le bénéficiaire, enfin elle doit être susceptible d’affecter les échanges entre pays de l’UE. Dans un but de maintien d’une politique concurrentielle sur le marché communautaire le TFUE pose le principe général de l’interdiction des aides d’État dans la mesure où elles peuvent avoir pour conséquence de fausser la concurrence. Les articles 107 et 108 du TFUE visent les subventions, les exonérations fiscales et les garanties de prêt.

Les monopoles octroyés par l’Etat aux entreprises dans le cadre de mission de service public font l’objet d’un contrôle prévu par les articles 106-1 et 106-2 du TFUE. Sont notamment

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visés les secteurs du transport ferroviaire depuis, des transports aériens, de la télécommunication, et de l’électricité. En effet depuis les années 1990 les différents secteurs qui étaient sous la coupe de monopoles d’Etat ont été libéralisés, il s’agit désormais pour l’Union européenne de garantir la compatibilité du droit européen en matière de concurrence et du respect des missions de service public. A son article 14, le TFUE prévoit que la loi européenne respecte la compétence qu’ont les États membres, dans le respect des traités, « de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ». Le contrôle du respect du régime communautaire des aides d’Etat est une compétence partagée entre la Commission sous le contrôle de la Cour de justice. Ainsi la Commission européenne à partir de 2005 a mis en place une réforme afin de réduire et réorganiser les aides publiques aux entreprises eu égard aux dispositions voulues par le traité de Lisbonne.

Mais si les aides publiques sont en principe interdites, il existe des dérogations à qui ont été posées par la jurisprudence communautaire à cette interdiction.

II. Les dérogations au principe d’interdiction des aides publiques

Le juge européen, par l’arrêt Altmark a permis, sous conditions, La pratique de la compensation financière d’obligations de service public mises à la charge d’entreprises chargées d’un SIEG (A), Le contrôle des aides d'État opéré par la Commission européenne consiste donc à apprécier l'équilibre entre les effets bénéfiques et négatifs des aides (B).

A. Les dérogations à l’interdiction des aides publiques pour les entreprises chargées de la gestion de services économique d’intérêt général

L’aide d’Etat dont bénéficie une entreprise est par principe interdite mais peut néanmoins être autorisée par la Commission dans la mesure où elle ne fait que « compenser strictement le coût de ces obligations ». Ainsi ces dispositions posées par l’arrêt Altmark, rendu par la CJCE en date du 24 juillet 2003, permet à la Cour a d’établir quatre conditions cumulatives pour qu’une compensation de service public ne constitue pas une aide d’Etat, respectivement l’entreprise bénéficiaire doit avoir été chargée de l’exécution d’obligations de service public. D’autre par ces besoin doivent être clairement identifiées, par la suite la compensation ne doit dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts

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occasionnés par l’exécution des obligations de service public, enfin le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts en prenant comme référence une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée ».

En vertu de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et au règlement 994/98, la Commission peut déclarer certaines aides d’État compatibles avec le marché commun et les exempter de l’obligation de notification prévue à l’article 108 du TFUE. Il s’agit notamment des aides régionales, des aides à l’investissement et à l’emploi en faveur des PME, et des aides pour la protection de l’environnement.

B. Le contrôle de l’attribution des aides publiques par la commission

La procédure d’octroi d’une aide est réglementée par le droit communautaire sous contrôle préalable de la Commission européenne, après notification ou exemption. La Commission procède avec les états membres à l’examen des régimes d’octroie. Elle constate si une aide accordée par un état est compatible avec le marché commun et que celle-ci n’est pas allouée de façon abusive. Si tel est le cas elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine. Si l’État en cause ne se conforme pas à cette décision, la Commission peut saisir la Cour de justice. D’autre par à la demande d’un état membre, le Conseil, qui se prononce à l’unanimité, dispose de la faculté de décider qu’une aide, mise en place par un état, doit être regardée comme compatible avec le marché commun, en cas de circonstances exceptionnelles qui justifient une telle décision. Si le Conseil n’a pas pris position dans un délai de trois mois à compter de la demande, la Commission statue à sa place. L’état membre en question ne peut mettre en application les mesures visées, avant que la procédure ne soit devenue définitive

BIBLIOGRAPHIE

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