Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise en charge

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Journal Européen des Urgences et de Réanimation (2013) 25, 170—175 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes et prise en charge , Iatrogenic agitation in elderly patient: Prevalence, aetiologies and management Michèle Dicko 1 , Philippe Caillet 2 , Carmelo Lafuente-Lafuente 3 , Elena Paillaud 2,1 Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Albert-Chenevier, département de médecine interne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France 2 Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Henri-Mondor, département de médecine interne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France 3 Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix (AP—HP), site Charles-Foix, pôle de gériatrie Paris Val de Marne, 94205 Ivry-sur-Seine, France Disponible sur Internet le 18 septembre 2013 Key points Iatrogenic agitation is frequently drug-induced in the elderly. The management of the iatrogenic agitation is based on: a detailed analysis of the patient’s medications, stopping non-essential drugs, prescribing drugs to the lowest and effective dose possible. This management of the iatrogenic agitation is also based on: adjustment of drugs accor- ding to renal function and limitation of polypharmacy. Special attention is necessary when prescribing treatments for patients with cognitive impairment. © 2013 Published by Elsevier Masson SAS. Points essentiels L’agitation est très fréquemment d’origine médicamenteuse chez le sujet âgé. La prévention et prise en charge de l’agitation iatrogène repose sur une analyse détaillée des médicaments du patient, l’arrêt des médicaments non essentiels, la prescription des médi- caments nécessaires aux posologies efficaces les plus basses possibles. Ne pas utiliser, pour citation, la référence de cet article mais la référence de sa première parution: Presse Med 2013;42:181—186 ; DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.06.024. Cet article appartient à la série « Gériatrie ». Elena Paillaud, Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Henri-Mondor, département de médecine interne et gériatrie, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France. Adresse e-mail : [email protected] (E. Paillaud). 2211-4238/$ — see front matter © 2013 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2013.08.002

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Michèle Dicko1, Philippe Caillet2,Carmelo Lafuente-Lafuente3, Elena Paillaud2,∗

1 Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Albert-Chenevier, département demédecine interne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France2 Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Henri-Mondor, département de médecineinterne et gériatrie, 94010 Créteil cedex, France3 Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière-Charles-Foix (AP—HP), site Charles-Foix, pôle degériatrie Paris Val de Marne, 94205 Ivry-sur-Seine, France

Disponible sur Internet le 18 septembre 2013

Key points Iatrogenic agitation is frequently drug-induced in the elderly.The management of the iatrogenic agitation is based on: a detailed analysis of the patient’s

medications, stopping non-essential drugs, prescribing drugs to the lowest and effective dosepossible.

This management of the iatrogenic agitation is also based on: adjustment of drugs accor-ding to renal function and limitation of polypharmacy.

Special attention is necessary when prescribing treatments for patients with cognitiveimpairment.© 2013 Published by Elsevier Masson SAS.

Points essentiels L’agitation est très fréquemment d’origine médicamenteuse chez le sujetâgé.

La prévention et prise en charge de l’agitation iatrogène repose sur une analyse détailléedes médicaments du patient, l’arrêt des médicaments non essentiels, la prescription des médi-caments nécessaires aux posologies efficaces les plus basses possibles.

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence de cet article mais la référence de sa première parution : Presse Med 2013;42:181—186 ; DOIe l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.06.024.�� Cet article appartient à la série « Gériatrie ».∗ Elena Paillaud, Groupe hospitalier Mondor (AP—HP), site hôpital Henri-Mondor, département de médecine interne et gériatrie, 51,venue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France.

Adresse e-mail : [email protected] (E. Paillaud).

211-4238/$ — see front matter © 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jeurea.2013.08.002

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Elles se fondent aussi sur l’ajustement des médicaments à la fonction rénale et la limitationde la polymédication.

Une attention particulière est nécessaire lors de la prescription de traitements chez despatients atteints de troubles cognitifs.

En cas d’agitation, le traitement non médicamenteux est à privilégier. Si l’agitation estimportante, l’utilisation d’un sédatif à demi-vie courte, à faible dose et par voie orale depréférence, peut-être considérée de facon ponctuelle et temporaire.© 2013 Publie par Elsevier Masson SAS.

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tement et notamment d’agitation chez les patients

L’agitation aiguë est un symptôme fréquemment rencontréchez la personne âgée. Il s’agit d’un trouble du compor-tement qui se traduit par un état d’excitation verbaleet/ou motrice, d’instabilité psychomotrice, pathologique,non adapté à l’environnement, d’intensité et de duréevariable. Elle peut être associée ou non à de l’agressivité.Enfin, elle constitue une situation urgente dans la mesure oùil existe fréquemment une mise en danger du patient et/oude son entourage [1].

L’agitation doit systématiquement faire chercher unecause iatrogène par une démarche diagnostique rigoureuse.En effet, l’iatrogénie médicamenteuse est plus fréquentedans cette population en raison d’une plus grande poly-médication [1,2] et des modifications pharmacologiquessurvenues avec l’âge qui augmentent la susceptibilité auxeffets indésirables des médicaments.

La prévalence de l’agitation liée à l’iatrogénie chez lesujet âgé est mal évaluée. Nombreux sont les médicamentsimpliqués dans les états d’agitation soit lors d’un surdosage,soit en raison de leurs effets indésirables, soit enfin lorsd’un sevrage. Bien que l’origine des agitations soit souventmultifactorielle, on estime que 12 à 39 % des agitations sontimputables aux médicaments [1,3].

Prévalence de l’agitation chez le sujet âgé

L’agitation est associée à une maladie clairement identi-fiable chez l’adulte et la personne âgée dans 85 % des cas[4,5]. L’agitation entre le plus souvent dans le cadre d’unsyndrome confusionnel aigu, très fréquent chez le sujet âgé,principalement en milieu hospitalier [2,6—8]. À l’hôpital, laprévalence de l’agitation varie selon les services considérés :15 à 40 % en milieu chirurgical, 20 à 40 % en soins intensifs,20 à 30 % en milieu neurologique ou psychiatrique, 15 à 20 %en médecine générale [9].

Chez les patients déments, la prévalence de l’agitationvarie entre 10 % et 90 % suivant les études. Cet écarttrès important résulte très probablement de l’utilisationd’échelles de mesure différentes. En outre, la démarchediagnostique est souvent plus difficile du fait des troublescognitifs et de la multiplicité des causes possiblesd’agitation [10].

Dans une étude américaine, réalisée sur une populationde 5092 patients âgés de plus de 65 ans, l’agitation (mesurée

par le Neuro-Psychatric Inventory ou NPI [11]) est trouvéeplus fréquemment chez les sujets déments que non déments(23,7 % vs 2,8 %) et notamment en cas de démence évoluée[12].

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auses de l’agitation iatrogène

e patient âgé a une plus grande fréquence des facteurs pré-isposant à l’agitation, tels que des troubles cognitifs, deséficits sensoriels, des comorbidités cérébrovasculaires, uneénutrition, et surtout une polymédication [2,13]. On peutroposer de classer les causes iatrogènes de l’agitation seloneur origine non médicamenteuse ou, au contraire, médica-enteuse.

atrogénie non médicamenteuse chez le sujetgé

a douleur est un symptôme fréquent chez le malade âgéais non spécifique, qui peut être responsable d’une agi-

ation. Certaines causes doivent être d’emblée éliminées,elles qu’une rétention aiguë d’urine, une constipationvec fécalome responsable de douleurs abdominales, ouncore une fracture méconnue suite à un traumatisme par-ois minime. Un comportement d’agitation au cours de’alimentation doit faire réaliser un examen de la cavitéuccale à la recherche de lésions secondaires à un appa-eillage mal adapté, une mucite, une mycose buccale ouncore une lésion herpétique par exemple. Une agitationors de la réfection d’un pansement ou dès les prépara-ifs du soin doit faire évoquer un traitement antalgiquensuffisamment efficace. De même, au décours d’une inter-ention chirurgicale, l’agitation doit faire poser la questione l’efficacité du traitement antalgique proposé. Une vigi-ance accrue doit être apportée à la prise en charge dea douleur chez le patient âgé ayant des troubles cog-itifs et/ou non communiquant pour limiter ce risque’agitation.

La présence de dispositifs médicaux (perfusions, sonderinaire, oxygénothérapie, sonde nasogastrique,. . .) peutgalement être source d’agitation chez le malade âgé’autant plus qu’il existe une altération cognitive suscep-ible d’obérer la compréhension du patient.

La non-mise en place d’une correction visuelle (lunettes)t/ou d’appareils auditifs peut aussi générer de l’agitationhez un patient âgé qui n’appréhende plus son environne-ent.Enfin nous rappelons le risque de troubles du compor-

gés lors d’un changement d’environnement en raisone la perte des repères habituels, plus particulière-ent chez la patients âgés atteints de maladies démen-

ielles.

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atrogénie médicamenteuse chez le sujet âgé

es états d’agitation s’inscrivent très fréquemment dansa problématique de l’iatrogénie médicamenteuse chez leujet âgé [2,14,15]. La polymédication et les modificationse la pharmacologie liées à l’âge expliquent pour une grandeartie l’augmentation du risque d’effets secondaires et/ou’évènements indésirables médicamenteux graves (EIMG)16].

Les modifications pharmacologiques des médicamentshez les sujets âgés ne sont pas détaillées dans ce travail,ar elles font l’objet d’un autre article de ce dossier théma-ique [17]. Nous rappelons cependant les points essentielsuivants :

la diminution du débit de filtration glomérulaire avecl’âge, qui augmente le risque de surdosage des médica-ments à élimination rénale [18] ;la diminution de la masse musculaire et le gain de massegrasse qui augmentent le volume de distribution des médi-caments lipophiles [19] ;la prévalence de la dénutrition et l’hypoalbuminémie quientraînent un risque potentiel de surdosage des médica-ments fortement fixés aux protéines plasmatiques [20] ;une augmentation de la perméabilité de la barrièrehémato-encéphalique, selon plusieurs études, [21] ainsique des changements de la neurotransmission, quiaccroissent la sensibilité aux médicaments agissant auniveau du système nerveux central, notamment les psy-chotropes [22].

Chez le patient âgé, l’iatrogénie médicamenteuse estrincipalement liée aux médicaments du système car-iovasculaire (43,7 %) et aux psychotropes (31,1 %). Unenteraction médicamenteuse est impliquée dans 60,6 % desIMG [5].

Les médicaments les plus souvent impliqués dans’agitation chez les sujets âgés sont les médicaments àffets anticholinergiques, les psychotropes et les opioïdes5,14,15].

édicaments à effets anticholinergiques’utilisation de médicaments ayant une activité anticholi-ergique fait partie intégrante des traitements de routinee nombreuses maladies telles que l’asthme, l’incontinencerinaire, la douleur viscérale (antispasmodiques), la mala-ie de Parkinson (antiparkinsoniens non L-dopa) et diversroubles psychiatriques (antidépresseurs tricycliques notam-ent). On estime que 20 à 50 % des sujets âgés de 65 ans etlus ont pris au moins une fois un médicament ayant desropriétés anticholinergiques. La susceptibilité des patientsgés aux effets indésirables de type anticholinergique estien connue, notamment les effets périphériques (séche-esse buccale, constipation) et les effets sur le systèmeerveux central tels que les déficits attentionnels, la séda-ion, la confusion, l’agitation et les hallucinations. Leystème nerveux central des patients âgés est très sen-

ible aux effets anticholinergiques en raison de la diminutionmportante des récepteurs cholinergiques dans le cerveau,e l’augmentation de la perméabilité de la barrière hémato-ncéphalique, de la réduction du métabolisme hépatique et

aep

M. Dicko et al.

e la diminution potentielle de l’élimination rénale de cesédicaments [23].

atrogénie et psychotropesl existe une sur-prescription, souvent délétère, des psycho-ropes dans les troubles du comportement dits « productifs »cris, agitation, agressivité, déambulation, etc.) de la per-onne âgée, qu’ils apparaissent au cours d’un épisodeonfusionnel aigu ou chez les patients déments. Les psycho-ropes sont responsables d’une iatrogénie importante cheza personne âgée, en grande partie évitable car plus de laoitié de ces traitements ne serait pas réellement indiquée

24].Environ la moitié des personnes âgées a déjà recu

es benzodiazépines, ce qui est trois fois supérieur àa population générale [25]. Même si cela est peu fré-uent, les benzodiazépines peuvent être à l’origine deéactions paradoxales d’agitation et d’agressivité, ainsi que’états confusionnels [26]. Le sevrage brutal en benzodia-épines peut aussi déclencher un syndrome confusionnelt de l’agitation [27]. Cette situation fréquente chez lesatients âgés hospitalisés, doit faire préciser en début’hospitalisation l’intégralité des traitements pris par leatient, y compris un traitement hypnotique prescrit depuise nombreuses années, que le patient ne considère souventlus comme un médicament [2,27].

Les syndromes dépressifs sont fréquents dans la popu-ation âgée. En cas de traitement antidépresseur parnhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS) ou parnhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradré-aline (IRSNA), il convient de garder à l’esprit que l’agitationonstitue un des effets secondaires possibles de ces traite-ents, comme libellé dans les mentions légales.

atrogénie et opioïdesn raison des modifications pharmacocinétiques et pharma-odynamiques liées au vieillissement, le traitement morphi-ique s’accompagne d’un risque important d’accumulatione métabolites actifs se traduisant cliniquement chez leujet âgé par un risque d’effets secondaires trois à quatreois supérieur à celui du sujet jeune [4]. En effet, la demi-ie d’élimination moyenne de la morphine est de quatreeures et demi chez les patients âgés, contre 2,9 heureshez les patients plus jeunes [28]. La réduction du volume deistribution, la baisse de la clairance de 50 % et la liaison pro-éique plus faible expliquent aussi la plus grande fréquencees effets secondaires liés aux opiacés. De plus, les patientsgés ont une sensibilité cérébrale plus élevée aux effets despioïdes. Selon les études, la prévalence des effets secon-aires lors de la première prescription d’opiacés chez leujet âgé varient de 55 % à 90 % en fonction de la molécule.e même, 5,4 % des accidents iatrogéniques médicamenteuxont imputables aux antalgiques de paliers OMS 2 et 3 [29].ependant, la prévalence de l’agitation au cours d’un trai-ement morphinique est mal connue chez le malade âgé.ans ce cas, elle s’intègre le plus souvent à un syndromeonfusionnel.

L’association de médicaments opiacés agonistes—ntagonistes est à éviter car l’incidence de l’agitation aiguëst plus élevée chez les patients âgés que chez les patientslus jeunes.

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Enfin, il est bien établi dans les mentions légales des trai-tements morphiniques que l’agitation peut constituer l’undes éléments diagnostiques du syndrome de sevrage à cesmédicaments.

Iatrogénie et autres médicamentsDe nombreux médicaments peuvent aussi indirectementcontribuer à l’apparition d’un syndrome confusionnel etd’un état d’agitation en provoquant des troubles soma-tiques tels qu’un syndrome sérotoninergique, un syndromemalin des neuroleptiques, une rétention aiguë d’urine, unfécalome, une hypoglycémie, une déshydratation ou encoreune hyponatrémie [3]. Parmi ces médicaments, nous pou-vons citer les antidépresseurs, les inhibiteurs de la pompeà protons, les antiparkinsoniens dopaminergiques, les fluo-roquinolones, la digoxine, l’amiodarone, les diurétiques etles bétabloquants [3].

Agitation iatrogène sans confusion

Plusieurs médicaments peuvent être responsables d’uneagitation sans confusion. On peut par exemple citer lacorticothérapie connue pour les troubles neuropsychiquesqu’elle peut induire, notamment l’euphorie, l’agitation psy-chomotrice et les troubles du sommeil.

Certaines études, non spécifiquement gériatriques, ontmis en évidence la relation étroite entre l’hypoglycémieet l’agitation aux urgences [30]. Chez le patient diabé-tique de type II âgé, les antidiabétiques oraux peuventêtre responsables d’hypoglycémie notamment en raison del’insuffisance rénale fréquente dans cette population et destroubles de l’observance en cas de polymédication et/oud’une altération cognitive [31]. L’existence d’une agitationdoit donc faire chercher systématiquement une hypoglycé-mie chez le patient âgé diabétique de type II.

Prise en charge de l’agitation iatrogène

L’agitation iatrogène du sujet âgé nécessite une détectionet une prise en charge rapide et efficace car il s’agit d’unesituation à haut risque de perte d’autonomie et de ruptureavec le milieu habituel du patient.

Prise en charge non médicamenteuse

La prise en charge non médicamenteuse ne doit pas êtrenégligée car elle est souvent utile [32]. Une approcherelationnelle et empathique permet fréquemment de désa-morcer un comportement d’agitation [33]. Le contact verbaldoit permettre d’instaurer un climat de confiance dontl’objectif est d’obtenir l’adhésion du patient au traitement.Ce dialogue est fondamental et il doit être maintenu toutau long de la prise en charge. Le soignant doit se présenter,adopter une attitude calme mais ferme pour expliquer lesraisons et le but de la prise en charge. Le langage utilisé doitêtre simple, sans recourir aux termes médicaux complexes.L’entretien, emprunt d’empathie et de compréhension, doit

permettre au patient d’exprimer les raisons de son agita-tion. Il faut respecter une distance physique de sécurité etéviter les gestes brusques. Les questions qui peuvent êtrevécues de manière persécutive doivent être posées à la

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e en charge 173

n de l’entretien. Enfin, il ne faut pas hésiter à changer’interlocuteur si le dialogue n’est pas établi [34,35].

Bien qu’il n’y ait pas de preuve que l’environnementoit lui-même une cause d’agitation, certaines conditionsnvironnementales peuvent exacerber un syndrome confu-ionnel et majorer l’agitation [36]. L’agitation peut êtreggravée par les troubles sensoriels visuels et/ou auditifs,’où l’importance de s’assurer que le patient est bien équipée ses lunettes ou son appareil auditif. Des objets personnelseuvent contribuer à rendre l’environnement moins anxio-ène. La présence des proches peut également permettree rassurer le patient et par là-même de calmer son agita-ion. Afin de maintenir un environnement calme et propicela bonne communication, la télévision et la radio doivent

tre éteintes.La contention physique (associée ou non à une sédation

édicamenteuse) peut ponctuellement et temporairementermettre d’assurer la sécurité du patient et de l’entourage2,37]. Son usage ne se justifie qu’après échec de la prisen charge non médicamenteuse et médicamenteuse. Maise maintien d’une contention, outre les aspects éthiques,isque de contribuer au prolongement de la confusion et de’agitation [38].

La contention consiste à restreindre les mouvementsu patient par tous moyens, matériels ou vêtements, quiimitent la mobilisation volontaire du patient agité, telsu’un dispositif fixé sur un lit ou au fauteuil. La conten-ion physique est un acte thérapeutique, prescrit et destiné

assurer la sécurité du patient et de l’entourage [39].lle ne doit en aucun cas être une réponse agressive à unomportement agressif : il s’agit d’une mesure d’exception.e plus, elle ne constitue pas à elle seule un traitementt doit de ce fait être associée à un traitement médica-enteux. Enfin, elle doit être levée lorsque la sédation est

btenue. La contention physique doit d’autant plus êtreéévaluée que les effets indésirables graves sont bien rap-ortés : chutes, traumatisme, majoration de l’agitation,yndrome d’immobilisation, perte d’autonomie, etc. Aussia contention physique doit-elle être prescrite pour la plusourte durée possible, et son indication réévaluée très régu-ièrement [40].

rise en charge médicamenteuse

a première démarche à effectuer est de réévaluer le trai-ement du patient, avant d’envisager d’ajouter un nouveauédicament pour contrôler l’agitation. Les traitementsédicamenteux du patient doivent être revus systémati-uement et les médicaments non essentiels doivent êtrerrêtés. La posologie efficace des médicaments nécessairesoit être la plus basse possible [2]. Les dosages doiventtre ajustés en fonction de la clairance de la créatinine.es modalités d’arrêt d’un traitement doivent être adap-ées à la classe thérapeutique pour éviter les manifestationse sevrage (benzodiazépines, bétabloquants et antiparkin-oniens) [3]. Une attention particulière doit être donnéeux médicaments anticholinergiques que l’on doit toujoursenter d’arrêter, quitte à les remplacer par des traitements

lternatifs [23].

Le recours à un traitement médicamenteux spécifique de’agitation ne doit pas être systématique en cas d’agitationu sujet âgé. Lorsqu’il est impossible de pratiquer un

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xamen clinique et de réaliser des examensomplémentaires chez un patient agité, et qu’il per-iste une incertitude diagnostique, l’administration d’unédatif fait courir un risque iatrogène (interactions médi-amenteuses et effets secondaires) [41]. Dans une telleituation, la Haute Autorité de Santé recommande de choisirne molécule dont l’efficacité est rapide sur les symptômesigus et bien tolérée (index thérapeutique large ; effetsndésirables limités ; peu d’interactions avec les autresraitements ; demi-vie courte ; facile d’administration, enrivilégiant la voie orale ; en débutant par la moitié voire leuart de la posologie de l’adulte jeune ; et dont l’utilisationst maitrisée par le prescripteur) [2].

Les molécules qui peuvent être ainsi envisagées dans leraitement médicamenteux de l’agitation du sujet âgé sontes benzodiazépines de demi-vie courte, à petites doses paroie orale [42,43].

Chez certains patients âgés avec des symptômes produc-ifs (délire, hallucinations angoissantes) ou non contrôlésar les benzodiazépines, l’utilisation des neuroleptiqueseut être nécessaire, à faible dose initiale, par voie oraleu sublinguale. Si la voie injectable doit être envisagée,n s’assurera de l’absence de traitement anticoagulant effi-ace.

L’hydroxyzine, antihistaminique sédatif souvent uti-isé dans ces cas d’agitation n’est pas un médicamentdapté au sujet âgé puisqu’il induit une somnolence etn ralentissement psychomoteur généralisé, a des effetsnticholinergiques, et a une demi-vie longue (29 heures enoyenne chez le sujet âgé).Enfin, le traitement médicamenteux, quand nécessaire,

oit être réduit et arrêté dès que l’état d’agitation estontrôlé.

Dans tous les cas où une prise en charge médicamenteusee l’agitation s’avère nécessaire, il convient d’insister sura nécessité majeure de réévaluer la prescription médica-enteuse, d’utiliser le médicament et la posologie efficace

a plus basse et de limiter le plus possible la durée du trai-ement.

onclusion

’agitation est une situation fréquente chez le patientgé, plus particulièrement en cas de syndrome démentiel.armi les nombreuses étiologies, l’iatrogénie médica-enteuse représente une part importante des causes’agitation chez le sujet âgé et elle doit être dépis-ée de facon systématique chez tout patient âgé confust/ou agité. Sa prise en charge repose sur une ana-yse détaillée des traitements médicamenteux du patient.es médicaments non essentiels doivent être arrêtés etes médicaments nécessaires doivent être prescrits auxosologies efficaces les plus basses possibles, ajustées àa fonction rénale et au poids du patient. Les modali-és d’arrêt des médicaments doivent être adaptées à lalasse thérapeutique pour éviter les manifestations deevrage (benzodiazépines, bétabloquants et antiparkinso-

iens). Une attention particulière doit être prêtée auxédicaments anticholinergiques que l’on doit toujours ten-

er d’arrêter, quitte à les remplacer par des traitementslternatifs.

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M. Dicko et al.

L’agitation iatrogène peut être en partie prévenue envitant la polymédication et en adhérant à l’adage anglo-axon start low and go slow concernant l’instauration d’unouveau traitement. Une attention particulière est néces-aire lors de la prescription de traitements chez les patientstteints de troubles cognitifs.

Dans tous les cas où une prise en charge médicamenteusest nécessaire, il est nécessaire de réévaluer la prescriptionédicamenteuse, d’utiliser le médicament à la posologie

fficace la plus faible et de limiter le plus possible la duréeu traitement.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relationvec cet article.

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Agitation iatrogène chez le sujet âgé : prévalence, causes e

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