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& communication interne

Mémoiredes organisations

LIVRE BLANC

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2 - Mémoire des organisations & communication interne

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4 - Mémoire des organisations & communication interne

Ce livre blanc a été conçu et rédigé par les membres de l’atelier de travail « Mémoire des organisations », en poste lors de la réalisation de l’étude :

Michel Batard, EngiE, responsable du département communication interne

Anne Brodu, Andra, chargée de communication interne

Gian Maria Bruno, Danone, corporate brand manager

Christine Carbonnel Saillard, Safran, chargée de mission valorisation du patrimoine et communication

Erika Frixon, Histoire d’Entreprises, historienne, chargée de projets

Amélia Dedic Roques, Zodiac Aerospace, responsable communication interne

Fabienne Dupont, Histoires de vie, productrice

Cathy Drévillon, Société générale, responsable du service des archives historiques

Nathalie Fargetton, Soregor, responsable de la communication interne

Sylvain Prada, Watson & Watson, directeur associé

Aurélie Renard, AFCi, ex-déléguée générale

Fabienne Simon, Osagan, conseil en performance sociale & économique, dirigeante

Jacques Viers, Association des professionnels en sociologie de l’entreprise, administrateur

***

Nous tenons à remercier particulièrement les entreprises et les personnes qui nous ont reçus et dont le témoignage nous a permis de réaliser ce guide :

Luc Berger, Dassault Aviation, adjoint au directeur des relations extérieures et de la communication

Alain Beltran, historien des économies et des techniques, directeur de recherche au CnRS

Dominique Beaufrère, Safran, directeur du musée Safran

Jean-Marc Bernardini, RATP, responsable de l’unité communication interne et corporate, département de la communication

Sylvain Bertoldi, Ville d’Angers, archiviste paléographe, conservateur en chef du patrimoine

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Mémoire des organisations & communication interne - 5

Anne Brunterc’h, Crédit agricole S.A., responsable du département archives historiques

Géraldine Cayzac, Carrefour France, directrice stratégie des contenus et communication interne

Sandrine Collin, Carrefour France, responsable photo et vidéo

Nicolas Coupain, Solvay, Corporate Heritage Manager

Éric Fauconnier, Ville d’Angers, responsable communication et relations internes

Céline Gaiffier, CEA, chef du service communication interne

Xavier Gaudemet, Printemps, chef de projets marketing patrimonial

Jeanne Houssin, Sodexo, responsable communication interne

Marie-Christine Lanne, generali France, directrice de la communication et des engagements sociétaux

Marie de Laubier, Saint-gobain, directeur des affaires générales

Denis Marquet, Crédit agricole S.A., directeur de la communication

Judith Matharan, Pernod-Ricard, directrice de la communication

Anna Morel, Harmonie Mutuelle, chargée de communication interne

Stéphane Nicolas, Michelin, responsable de la mission patrimoine historique

Roger Nougaret, BnP Paribas, responsable du département archives et histoire groupe

Christine Orfila, Safran, directeur marque et image

Clémentine Pedenon, Harmonie Mutuelle, archiviste

Nicolas Petteau, Air France, responsable contenus éditoriaux et communication interne

Murielle Porte, Société générale, directrice de la communication interne et institutionnelle

Jacques Rocca, Airbus group, directeur adjoint Media Relations, directeur département Heritage

Philippe Van Lierde, association AiRitage, secrétaire général

Gaelle De Vos, Solvay, Deputy Corporate Secretary

Didier Vrac, Bohin, directeur général

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6 - Mémoire des organisations & communication interne

09 – Introduction10 – Histoire et mémoire :

deux rapports distincts au passé

POURQUOI INITIER UN TRAVAIL SUR LA MéMOIRE 13 – enjeux dans le domaine des ressources humaines — Alimenter la légitimité et l’attractivité de la marque

employeur auprès des futurs recrutés — Renforcer le sentiment d’appartenance des salariés — Fédérer les collaborateurs — Participer à la transmission des savoirs, des savoir-faire

et des compétences

17 – enjeux liés à la stratégie de l’entreprise — Porter des messages de réassurance, notamment

lors de périodes de transformation ou de crise — Enrichir les choix stratégiques et mieux les expliquer — gérer les risques

21 – enjeux liés à la gestion de la marque et au marketing produits

— Faire vivre la marque auprès de ses clients B to C — Légitimer la marque auprès des clients B to B — L’histoire, facteur d’inspiration

23 – enjeux liés à l’activité commerciale ou à la vocation de l’organisation

— Faire du patrimoine une offre spécifi que — Renforcer son implantation territoriale — Répondre à un impératif de service public/d’intérêt général

SOMMAIRE

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COMMENT INITIER ET fAIRE VIVRE UN TRAVAIL SUR LA MéMOIRE dE SON ORgANISATION

27 – Les différentes étapes — S’assurer du soutien du management — Dimensionner son projet — identifi er les ressources et les personnes — Choisir ses supports de restitution

33 – Les points de vigilance — Présenter et légitimer ce travail de mémoire en interne — Établir un lien entre le passé, le présent et l’avenir — Trouver la bonne articulation entre communication

et histoire — Se préparer au risque de résurgence de « passés oubliés »

ou négliger certaines parties de son passé

36 – La pérennisation — Choisir ses supports de conservation, mettre en place

une politique de collecte et un process d’archivage — Entretenir une dynamique interne et s’assurer

de l’appui du top management de l’entreprise — Animer un réseau histoire / patrimoine au sein

de l’entreprise — Se mettre au service des métiers

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8 - Mémoire des organisations & communication interne

RETOURS d’ExPéRIENCE 41 – saint-Gobain / Exposition virtuelle des 350 ans de Saint-gobain

44 – Michelin / Partager les valeurs de l’entreprise avec les nouveaux embauchés

46 – enGIe / Célébrer 50 ans d’innovation dans le gaz naturel liquéfi é

49 – société Générale / Les archives historiques

52 – Dassault Aviation / Conférences internes et externes sur la mémoire et l’histoire du groupe

55 – Air France / Édition spéciale du magazine groupe : « 80 ans »

58 – RAtp / Zoom « histoire de l’entreprise » dans le journal interne

61 – solvay / Étude scientifi que sur l’histoire de l’entreprise et anniversaire 150 ans

65 – AIRitage / Association d’anciens pour la sauvegarde du patrimoine industriel

***

POUR ALLER PLUS LOIN 69 – Histoire, mémoire et culture d’entreprise

interview de Julien Tassel, maître de conférence au CELSA

74 – Bibliographie et webographie sélective sur l’histoire d’entreprise

SOMMAIRE

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La célébration d’un anniversaire (que ce soit celui d’une entreprise, d’une marque, d’un site, etc.) est souvent le point de départ ou l’opportunité d’un travail sur la mémoire. D’autres événements (au sens large) peuvent conduire une organisation à initier un travail sur la mémoire : fusion-acquisition, changement de nom,

fermeture d’un site, déménagement, accompagnement de projet patrimo-nial externe… Dans certaines entreprises, c’est le top management – ou parfois le dirigeant – qui est à l’initiative de la stratégie de gestion de la mémoire.Ce sujet – travaillé depuis près de vingt ans au sein de l’Afci 1 – méritait un travail collectif, appuyé sur des convictions et étayé par des témoignages. En effet, si le caractère stratégique de la mémoire d’une organisation et de son utilisation semble incontestable, les moyens qu’on lui assigne ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux.Une dizaine de membres de l’Afci a donc œuvré pour montrer en quoi ce travail sur la mémoire (et plus largement sur le temps long) est central pour la pérennité des organisations, particulièrement dans les périodes de transformation que nous vivons.À travers des conseils méthodologiques et des retours d’expérience, cet ouvrage collectif apporte quelques pistes aux porteurs de ces projets (et notamment aux communicants) afin de les mener à bien et surtout d’en faire un véritable levier de performance sociale et économique à long terme.Ce travail est le fruit de la compilation des motivations et des choix qui ont été opérés dans les organisations qui ont été sollicitées pour les besoins de l’enquête.

IntroductIon

1. cf. l’article de Pierre Labasse, président d’honneur de l’Afci « L’histoire d’entreprise, un ressort pour la communication interne » dans le n° 1 des Cahiers de la communication interne (septembre 1997).

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Enfin, une attention particulière a été portée aux risques et aux écueils d’un tel travail, non pour le décourager (bien au contraire) mais pour éviter qu’il soit instrumentalisé. En effet, si l’histoire est un levier important – et même indispensable ! – pour le communicant, celui-ci doit veiller à en faire une utilisation juste et réfléchie.

HIstoIre et mémoIre : deux rapports dIstIncts au passé 2

Si l’histoire académique se développe en dehors de toute attache com-munautaire, la mémoire est en revanche liée aux souvenirs des individus. C’est ce que théorise dès 1920 le sociologue Maurice Halbwachs avec son concept de « mémoire collective » : la mémoire est un phénomène social lié à l’interaction de groupes dont elle constitue un fondement identitaire – et un moyen de lutte contre l’oubli.

Durant la seconde moitié du XXe siècle, les expressions mémorielles se sont par exemple multipliées en France dans le contexte de la mondialisa-tion. Face aux périodes de changements, la mémoire et le patrimoine sont plus que jamais convoqués, y compris par les entreprises qui éprouvent, elles aussi, le besoin de retracer, après plusieurs années d’existence, leur itinéraire.

Dès la fin du XiXe siècle, les entreprises se sont intéressées à leur propre histoire. Le groupe Schneider a, par exemple, célébré le centenaire de la naissance de son fondateur en 1905, bien avant que la « Business History » n’émerge à Harvard en 1927 en tant que discipline.

En France, l’engouement pour l’histoire d’entreprise a pris son essor à partir des années 1970 mais s’apparente davantage à la « Public History » américaine. En appliquant une méthodologie issue des sciences humaines à l’étude de l’entreprise, la « Public History » crée une sorte de marché parallèle de l’histoire et transforme la discipline académique en ser-

2. Ce texte est extrait du mémoire de Master 2 d’Erika Frixon : « Les commémorations d’entreprises : une utilisation stratégique du passé », sous la direction de Florence Descamps, Université Paris I Panthéon-Sorbonne, septembre 2015.

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vice économique. Dans ce contexte, des agences d’ingénierie historique voient le jour avec pour mission de valoriser le patrimoine économique, technique, culturel et humain des entreprises. Mais la demande n’est pas qu’externalisée et certaines entreprises se dotent très tôt de services internes d’archives historiques dédiés à la collecte et à la valorisation pérennes de leur patrimoine à des fins communicationnelles, stratégiques et identitaires. Les archives conservent en effet la mémoire des organisa-tions sans laquelle aucune histoire d’entreprise ne serait possible.

C’est d’ailleurs sur ce point de la mémoire que réside sans doute la dif-férence entre l’histoire académique et l’histoire d’entreprise. Si la pre-mière s’attache à restituer l’enchaînement global des faits dans une vision diachronique et désintéressée, la seconde opère en revanche un retour sélectif à la lumière des enjeux sociopolitiques et stratégiques actuels de l’entreprise. Partant du présent, l’histoire d’entreprise recherche dans le passé des éléments de légitimation et de différenciation qu’elle sélectionne et ordonne sous la forme d’un récit cohérent. En plus d’être un formidable outil de pédagogie favorisant l’émergence d’une culture et de valeurs communes, l’histoire d’entreprise constitue alors un atout pour répondre aux enjeux du marketing, du management, des ressources humaines ou encore de la communication, comme nous allons le découvrir dans ce livre blanc.

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POURQUOI INITIER UN TRAVAIL

SUR LA MéMOIRE

Initier un travail sur la mémoire de son organisation nécessite d’y consacrer des moyens humains, finan-ciers, matériels. Or, lorsqu’on soumet ce type de projet à sa direction générale, les réactions sont souvent dubi-tatives, voire négatives : « ça coûte trop cher et ça ne rapportera rien », « les salariés veulent qu’on leur parle du présent et de l’avenir, pas du passé », « à quoi bon, l’entreprise d’hier ne ressemble plus du tout à celle que nous construisons actuellement », « on va faire ressur-gir de vieux débats », etc.Aussi, pour convaincre le management de réaliser cet investissement, ce travail doit pouvoir s’inscrire dans le cadre de la stratégie globale de l’organisation et répondre à ses différents enjeux.

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enjeux dans le domaIne des ressources HumaInes

Alimenter la légitimité et l’attractivité

de la marque employeur auprès des futurs recrutés

L’histoire de l’entreprise fait partie intégrante de la marque employeur car c’est dans cette histoire que se sont forgées sa culture et ses valeurs. Or ces deux éléments sont extrêmement différenciants, notamment pour les jeunes diplômés. Ainsi, chez Generali France, l’ambition de devenir « l’en-treprise préférée des jeunes diplômés souhaitant rejoindre le secteur de la finance » est alimentée par le projet de l’entreprise, mais aussi par ses mythes fondateurs. Comme le souligne Marie-Christine Lanne, directrice de la communication et des engagements sociétaux de Generali France : « Je travaille chez generali depuis 30 ans. J’ai été séduite par son carac-tère humain, mais aussi par son mythe (Venise, Trieste, Prague, le canal de Suez, l’invention de l’assistance, etc.) qui insuffle l’esprit d’entreprise, visionnaire et pionnier, et procure un sentiment de fierté. En communi-cation interne, c’est un capital très enrichissant. Même si les jeunes sont moins impliqués qu’auparavant, la mythologie et la dimension narrative de l’entreprise peuvent être un véritable vecteur de fidélité à l’entreprise. Elles font, en outre, le lien entre le passé et l’avenir. »

Renforcer le sentiment d’appartenance

des salariés

Au-delà de l’attractivité vis-à-vis de l’extérieur, le travail sur la mémoire est aussi un levier puissant d’engagement et de fidélisation car l’histoire contribue à renforcer le sentiment de fierté et d’appartenance à l’entreprise.Ainsi certaines entreprises incluent un volet « histoire » au processus d’intégration de leurs nouveaux embauchés. C’est le cas notamment de Sodexo qui, à l’occasion des 40 ans du groupe en 2006, a publié un livre racontant l’histoire de l’entreprise. Ce livre, qui fait la part belle à l’esprit d’entrepreneuriat et aux valeurs du groupe, est distribué aux nouveaux collaborateurs.

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Chez Dassault Aviation - une société riche de ses aventures humaines et industrielles - un livret d’accueil comportera prochainement une partie « his-toire de l’entreprise ». L’objectif est de renforcer le sentiment d’intégration et la culture du groupe. Ce dispositif complétera les trois conférences annuelles proposées aux salariés sur l’histoire de la société et du site de Saint-Cloud. Très appréciées, ces dernières permettent notamment de renforcer la cohé-sion en interne au travers de la mémoire de l’entreprise.

Sur le long terme, les références à l’histoire d’une organisation contribuent également à célébrer sa force collective, la contribution de chaque salarié à sa réussite et le partage de valeurs communes. Ainsi, selon géraldine Cayzac, directrice stratégie des contenus et communication interne du groupe Carrefour, « La célébration de notre 50e anniversaire a permis de réaffirmer aux collaborateurs qu’ils appartiennent à une même entreprise, qu’ils sont un maillon de cette grande chaîne. Cela ne bouleverse pas les gens dans leur quotidien mais cela apporte un supplément d’âme et de sens. »

C’est le cas également chez BNP Paribas, où l’histoire agit comme un repère et fait partie intégrante de son identité. Elle rappelle les valeurs, la culture, le développement et les qualités d’innovation de la banque. Elle forge un socle commun de culture d’entreprise d’autant plus fondamental au moment de la fusion BnP/Paribas en 2000 mais aussi à l’occasion de l’acquisition d’autres entités (BnL en 2006, Fortis en 2009). Les salariés entrant dans le groupe comprennent la culture de l’entreprise dans laquelle ils s’intègrent et les salariés déjà présents perçoivent mieux les particularités des banques qui rejoignent le groupe. En matière de communication interne, les retours des salariés sont très positifs avec des taux de lecture élevés de l’intranet de l’en-treprise. « L’histoire, c’est du vrai notamment par rapport à certains discours qui peuvent être considérés comme des éléments de langage plus convention-nels… on parle d’événements qui se sont déroulés et ce sont des sujets d’inté-rêt général qui sortent les gens de leur environnement quotidien de travail », explique Roger nougaret, responsable archives histoire groupe.

CAs pRAtIque

sAInt-GObAIn La Compagnie saint-Gobain, fondée en 1665 par Colbert, a fêté ses 350 ans en 2015. Le groupe, né de la manufacture des glaces, qui avait pour objec-tif de concurrencer Venise, est maintenant une entreprise encore vouée au verre, mais surtout aux matériaux de construction et à l’habitat durable.

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Il est présent dans 64 pays et emploie 180 000 personnes. saint-Gobain existe hors de France depuis 1858, d’abord en europe, puis dans le monde entier.Après la fusion avec pont-à-Mousson, le pDG de l’époque, Roger Martin, embauche en 1974 un chartiste, Maurice Hamon, pour constituer un centre

d’archives. Celui-ci est installé à blois en 1979 afin de « créer une culture commune saint-Gobain/pont-à-Mousson ». À l’origine de cette décision, prise au plus haut niveau, l’idée selon laquelle « les archives sont des outils indispensables, l’Histoire nous sera donnée par surcroît ».

Cette stratégie de gestion de la mémoire, très ancienne, a permis à la compa-gnie de mettre en place d’importantes initiatives pour ses 350 ans :�• une exposition virtuelle sur internet, très complète (en cinq langues), des-

tinée aux salariés, aux clients et au grand public ; elle a été visitée 210 000 fois tout au long de l’année 2015.

�• un livre « saint-Gobain 1665-2015. Le passé du futur », 100 000 exem-plaires en cinq langues, écrit par Marie de Laubier, directeur des affaires générales, qui présente l’actualité du groupe en faisant référence à son passé. Ce livre (20 euros) a été distribué gratuitement au personnel et est également disponible en librairie.

�• une application-jeu pour smartphone.��• une exposition « sensorielle », gratuite et itinérante, destinée au grand

public dite « pavillons éphémères » : shanghai, sao paulo, philadelphie et paris du 14 au 31 octobre 2015. Cette exposition montre la vision d’avenir de l’entreprise en faisant éprouver physiquement le contact avec les nou-veaux matériaux présents dans l’habitat de demain (comme le Domolab de saint-Gobain à Aubervilliers). Cette exposition a rencontré un grand succès (550 000 visites), a suscité une grande fierté en interne et a permis une meilleure connaissance du groupe auprès du grand public.

��• une journée anniversaire, le 15 octobre, où des initiatives multiples ont eu lieu dans tous les pays.

Fédérer les collaborateurs

En renforçant l’attachement de chaque salarié à son entreprise, son histoire, sa culture et ses valeurs, le travail sur la mémoire contribue à renforcer la cohésion interne. il permet notamment de rappeler et de valoriser les collaborations internes qui font la force de l’entreprise et sont bien souvent à l’origine des innovations et des succès.

« Les archives sont des outils indispensables, l’Histoire nous sera donnée par surcroît »

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Chez Airbus, la création de la fonction patrimoine a été considérée comme un véritable atout stratégique lié à la prise de conscience des différences culturelles au sein même du groupe. Ceci est dû à la nature même d’Air-bus, une société née de la fusion d’industriels allemands, français, espa-gnols et anglais. Quand le programme A380 a rencontré des difficultés en 2006, le directeur de la communication corporate, Rainer Ohler, s’est rendu compte que les équipes de nationalités différentes ne travaillaient pas suffisamment ensemble, qu’il y avait peu d’échanges et que, fina-lement, la société était peu intégrée d’un point de vue des ressources humaines. il a alors estimé que la culture d’entreprise mise en avant par le biais de la valorisation du patrimoine pouvait contribuer à une meilleure intégration en faisant entrer dans les esprits des ingénieurs français qu’un avion allemand Messerschmitt faisait tout autant partie des racines de la société qu’une Caravelle ou un avion de type Dewoitine.

Chez Saint-Gobain aussi, les collaborateurs – y compris ceux qui résident dans d’autres pays – sont très attachés à l’histoire de leur entreprise car celle-ci met bien en lumière des « dynasties » familiales de collaborateurs travaillant dans les usines de père en fils.

participer à la transmission des savoirs, des savoir-faire et des compétences

La conservation de la mémoire de l’entreprise apparaît également comme un élément indispensable pour transmettre une part importante du capi-tal immatériel des entreprises : ses savoirs, savoir-faire et compétences, développés et accumulés au fil des années.

Chez Airbus, la conservation de la mémoire industrielle permet de garder les savoir-faire utilisés pour concevoir les avions et en assurer la main-tenance. C’est le cas de l’Airbus A300. Lancé en 1969 et mis en service en 1974, il reste aujourd’hui environ 200 appareils en vol sur les 870 initiale-ment construits. Or les ingénieurs qui s’occupent de leur maintenance dis-posaient de peu d’éléments physiques pour documenter le développement et la production de cet avion, à une époque où les maquettes numériques n’existaient pas. ils se sont donc appuyés sur un avion « grandeur nature » restauré par le Musée aéronautique Aeroscopia à Toulouse pour faire vali-der les outils et process de maintenance actuels de la flotte.La RATP est animée des mêmes préoccupations. Comme le souligne Jean-Marc Bernardini, responsable de l’unité communication interne et corpo-rate et administrateur de l’Afci, « il est primordial que les services des

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archives conservent les éléments techniques de notre patrimoine qui est aussi composé d’ouvrages d’arts tels que les ponts, les stations de métro, et les sous-sols parisiens. nous devons pouvoir avoir accès aux plans, aux données techniques pour les opérations de maintenance, de rénovation ou d’interventions sur nos infrastructures. Cela est utile pour les opération-nels d’aujourd’hui et pour les chercheurs futurs. »

A contrario, la NASA a « perdu » toutes les pièces d’archives (photos, pelli-cules, échantillons, etc.) concernant le voyage de 1969, dont les cassettes ori-ginales de la marche dans l’espace de la mission Apollo 11 le 21 juillet 1969 ! Le savoir accumulé pendant une décennie par ses ingénieurs n’existe plus et cette perte entrave en partie tout nouveau projet d’expédition lunaire…

enjeux lIés à la stratégIe de l’entreprIse

porter des messages de réassurance,

notamment lors de périodes de transformation ou de crise

Dans une période de changement permanent au sein des organisations, de transformation profonde des business models et des modes de communi-cation et de collaboration (liée notamment au digital), donner des repères aux salariés devient d’autant plus indispensable. On sait en effet qu’on ne peut demander à un salarié de faire évoluer sa pratique professionnelle ou de s’adapter à un environnement de travail nouveau, sans que celui-ci puisse s’appuyer sur des éléments intangibles. L’histoire en fait partie.

Comme le rappelle Jean-Marc Bernardini, responsable de l’unité com-munication interne et corporate de la RATP, « Ce travail de mémoire fait sens par rapport aux transformations, aux valeurs, au dialogue social et à l’ADn de l’entreprise. il est essentiel notamment lors des changements d’organisations qui peuvent parfois être violents : saisir d’où l’on vient pour construire le futur. Aussi, nous avons construit des parcours de formation avec des modules sur l’histoire de l’entreprise ».Les périodes de fusions-acquisitions font partie de celles où le besoin de réassurance des salariés est particulièrement sensible. Afin de construire une histoire commune, il est primordial – dans le récit mis en place en

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interne - de rechercher des éléments communs entre les entreprises – les « anciennes » et celles rentrant dans le nouveau périmètre – et de trouver des dénominateurs communs, facteurs d’avenir, comme par exemple la capacité d’innovation ou l’expertise.La crise économique que connaît l’Europe depuis quelques années est aussi un facteur d’inquiétude fort pour les salariés. Or, souligner la capacité d’adaptation d’une entreprise aux différentes crises qu’elle a pu connaître tout au long des années permet de (re)donner confiance aux salariés.

Chez BNP Paribas, la communication sur l’histoire est l’occasion de mon-trer que la banque a su évoluer avec la société, surmonter des crises et prendre au bon moment des décisions stratégiques. « L’histoire est un véri-table observatoire du changement qui permet de constater à chaque étape de son parcours comment l’entreprise a su s’adapter à son environnement (...) c’est à la fois un outil de réassurance formidable auprès des salariés et un outil de conduite du changement pour le management » commente Roger nougaret, responsable archives et histoire du groupe BNP Paribas. De même, dans l’histoire du Crédit Agricole, les crises surmontées sont une constante qui donne aujourd’hui des raisons d’avancer et de croire en l’avenir. Elle contribue également à forger l’identité, la « personnalité » de l’entreprise : « Ce qui est intéressant dans un travail sur la mémoire, souligne Denis Marquet, directeur de la communication du groupe, c’est d’abord et avant tout, d’avoir conscience de qui nous sommes, et de ce qui fait l’ADn de notre entreprise. Si on a cette conscience-là, si on sait puiser dans nos racines, on est plus fort pour avancer ».

CAs pRAtIqueCOMMIssARIAt À L’éneRGIe AtOMIqueet Aux éneRGIes ALteRnAtIVes (CeA)Le CeA est né en 1945, il y a donc un peu plus de 70 ans « pour pour-suivre les recherches scientifiques et techniques en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans divers domaines de la science et de l’industrie et de la défense nationale (...) et prendre toutes les mesures utiles pour mettre la France en état de bénéficier du développement de cette branche de la science ». Le CeA est ainsi à l’origine des filières nucléaire, civile et militaire. Il est à présent aussi voué au développement de la recherche technologique, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et, plus généralement, développe des recherches dans les domaines des sciences fondamentales. La direction de la communication du CeA a pro-

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posé en mars 2015 de profiter de l’arrivée récente d’un nouvel adminis-trateur général, qui considère l’approche historique avec bienveillance, et du repositionnement stratégique associé. en interne, cette proposi-tion avait pour objectif d’inscrire les activités des salariés du CeA dans une filiation et ainsi d’éclairer les activités actuelles afin de donner un sens aux actions individuelles et de la cohérence au collectif, mais aussi de favoriser ce qui est « commun ». en effet, les différentes entités du CeA, structuré autour de directions opérationnelles fortes, sont égale-

ment riches et porteuses de cultures propres auxquelles les salariés sont attachés.À l’occasion de ses 50 ans, le CeA avait publié un ouvrage rédigé par une histo-rienne professionnelle. plus récemment, en 2012, dans le cadre d’une convention

de nouveaux embauchés (800 personnes), la Communication interne et le service des archives ont produit un film sur les activités du CeA, avec une histoire par dates-clés. un fascicule, aussi disponible sur l’intranet a éga-lement été publié.pour la célébration des 70 ans, la direction de la communication a organisé un événement corporate à la Cité des sciences et de l’Industrie. La commu-nication interne s’est plus particulièrement chargée de la rédaction d’un corpus historique qui lui a permis de raconter l’histoire de l’organisme sous forme de « timelines ». Des lignes de temps regroupées en un poster et éla-borées sur la base d’une sélection drastique de 240 dates-clés, illustrées et présentées en parallèle pour juxtaposer les histoires institutionnelles et scientifiques de l’organisme et révéler la filiation des activités.

enrichir les choix stratégiques et mieux les expliquer

Travailler sur la mémoire de son organisation, c’est aussi travailler sur son présent et son futur. Selon Pierre Labasse, président d’honneur de l’Afci, le travail de mémoire permet d’« améliorer la pertinence des choix et la jus-tesse des politiques ». il s’agirait alors, pour les équipes dirigeantes, d’un véritable outil d’aide à la décision mais également d’une aide à la justification et à l’explication de cette décision en interne (et en externe). Car l’histoire offre des grilles de compréhension des choix qui sont faits pour l’avenir.

Ainsi, au Printemps, le travail de mémoire mené par le département

« Juxtaposer les histoires institutionnelles et scientifiques de l’organisme et révéler la filiation des activités »

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marketing patrimonial s’inscrit dans une politique de repositionnement stratégique de l’enseigne. L’objectif est de faire du Printemps une véri-table « maison », au même titre que les grandes maisons de luxe pourvues d’un capital patrimonial et symbolique fort. « Le Printemps est toujours le grand magasin accessible à tous, mais on veut retrouver l’idée fonda-trice qui est d’offrir le meilleur de l’élégance parisienne à tous nos clients. notre repositionnement vers le luxe va de pair avec cette idée d’élégance liée à notre identité. C’est la valeur phare du Printemps depuis sa création et le fil conducteur de nos actions », précise Xavier gaudemet, chef de projets marketing patrimonial du Printemps.

Gérer les risques

Dans de nombreux secteurs d’activité, la conservation de la mémoire (prise en charge souvent par un service archives) répond au besoin d’as-surer la traçabilité des engagements de l’entreprise (notamment contrac-tuels). il s’agit alors de pouvoir gérer d’éventuels risques.

Comme le rappelle nicolas Coupain, Corporate Heritage Manager du groupe Solvay, « Des archives historiques bien organisées permettent de réagir rapidement par rapport, par exemple, à un point de l’histoire de l’entreprise, à un conflit juridique, à une affaire de pollution des sols… Cela permet de gérer les risques et les obligations ».

Le secteur bancaire est concerné par cette notion de gestion des risques (de crédit, de change/de taux, de marché, de liquidité…, mais aussi juridique et de réputation). C’est à ces derniers que les établissements bancaires ont été confrontés au milieu des années 90 avec des procédures collectives (class actions) aux États-Unis sur la question des spoliations antisémites de la der-nière guerre mondiale et des demandes d’éclaircissements sur les compor-tements passés assortis de menaces de sanctions. En France, les banques ont traité cette question sur la base des sources d’archives, en mettant leurs archivistes et leurs archives à disposition de la Mission d’étude sur la spolia-tion des Juifs de France. La présence d’une structure professionnalisée – le service des archives historiques – a ainsi permis aux établissements ban-caires possédants ces services de gérer cette délicate question. C’est ce que rappelait Roger nougaret, responsable du département archives et histoire groupe de BNP Paribas, lors d’une intervention à la journée des archives départementales à Tours en 2015 sur « les risques du métier » 4. 4. La communication est parue dans La Gazette des archives, n°242, 2016/2, p. 135-142

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enjeux lIés à la gestIon de la marque et au marketIng produIts

Faire vivre la marque auprès de ses clients b to C

La mémoire de l’entreprise est une démarche qui permet de mettre en valeur le savoir-faire d’une entreprise et de prouver sa crédibilité face aux clients.En témoignent les propos de Jean-Marc Bernardini, responsable de l’unité communication interne et corporate de la RATP : « La RATP est dans la mémoire des Parisiens. Elle essuie beaucoup de critiques, mais elle fait partie de leur quotidien. Les stations, les ponts du métro qui datent d’un siècle sont le showroom de Paris dans le cinéma, la littérature. C’est la mémoire des Parisiens. nous avons travaillé sur cette base : l’histoire et l’émotion sont des valeurs de la marque RATP tant pour les salariés que pour les voyageurs. Le patrimoine est le contenu de la marque ».

De même, pour Air France, l’histoire de l’entreprise fait partie du plan de communication du groupe. C’est même sa marque de fabrique : Air France représente l’élégance parisienne, la vie à la française au niveau interna-tional. La campagne d’affichage publicitaire de 2014 joue par exemple sur ce mélange entre racines et modernité.

CAs pRAtIque

CARReFOuRChez Carrefour, l’opération des 50 ans, en 2013, avait une dimension stra-tégique car il s’agissait avant tout de faire vivre la marque auprès des clients. toute une série d’opérations ont été organisées pour les clients des magasins : des promotions classiques à des soirées privées en magasin, en passant par des gâteaux d’anniversaires et des coupes de champagne offertes. un volet Web a été décliné avec un aspect solidaire mettant en avant un projet associatif local par magasin et la possibilité de voter en ligne pour son préféré. Le plus « liké » recevait 50 000 euros, le deuxième 10 000, etc. sur son site internet créé pour l’occasion, Carrefour proposait également aux clients de soumettre des idées sur la manière dont pour-raient évoluer ses magasins.

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Légitimer la marque auprès des clients b to b

L’histoire, et notamment le sentiment de pérennité qu’elle confère, sont des arguments importants pour rassurer et convaincre des clients B to B. nicolas Coupain du groupe Solvay rappelle ainsi que « Solvay est une entreprise qui fait preuve de sérieux, de fiabilité, de résilience. L’entreprise a traversé 150 ans et est toujours là. Elle a su se réinventer, s’adapter, aller sur des nouveaux métiers et des nouvelles technologies. Cette image d’en-treprise pérenne et innovante a un impact très positif à l’étranger, surtout en Asie ». De même, au sein du groupe Safran, des éléments sur l’histoire du groupe ont été intégrés dans les présentations institutionnelles pour répondre à la demande de ses clients asiatiques.Les célébrations historiques sont aussi l’occasion de rappeler l’engage-ment d’une entreprise auprès de ses clients. Lors de son 150e anniver-saire, Société Générale a lancé une campagne de publicité (presse, Web et radio) sur le thème « Société générale aux côtés des entrepreneurs depuis 150 ans ». La banque y réaffirme son rôle à leurs côtés, avec plus de 43 000 projets financés et 5 000 créations d’entreprises accompagnées en 2013.

L’histoire, facteur d’inspiration

La richesse de l’histoire peut être une source d’inspiration pour le présent, notamment pour les équipes marketing. Pour l’entreprise Pernod Ricard, la collecte du patrimoine fait partie intégrante du travail des départements marketing et R&D. Tous les modèles de bouteilles commercialisés depuis l’origine sont conservés. Avant de créer un nouveau modèle, les équipes regardent et s’inspirent de cette collection. Au gré du retour de certains « styles », le groupe peut alors capitaliser sur le travail de recherche et de design réalisé par le passé. Les équipes marketing ont ainsi travaillé à partir d’anciennes étiquettes de bouteilles pour accentuer un positionne-ment « vintage ». Ceci est d’ailleurs le cas pour de nombreux fabricants de boissons alcoolisées ou non, à l’instar de Coca-Cola à Atlanta (modèle exemplaire de collaboration entre patrimoine et marketing) mais aussi Martini à Milan ou guiness à Dublin. C’est une démarche que l’on retrouve également beaucoup dans l’industrie du luxe.

Au sein du groupe Printemps, le département marketing patrimonial, créé en 2012 et rattaché au directeur artistique et à la direction du marketing, a pour mission de valoriser l’identité de la marque par son histoire. « Le but poursuivi est de retrouver nos racines pour les réactualiser et les interpréter aujourd’hui. il s’agit de créer des connexions nostalgiques et

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intimes avec les clients qui ont tous vécu une histoire avec le Printemps, ne serait-ce qu’à travers les vitrines de noël », explique Xavier gaudemet, chef de projets marketing patrimonial.

CAs pRAtIque

bACCARAtLa manufacture, créée en 1764, conserve les planches des croquis des créations anciennes. Révisités et réinterprétés, ils servent de source d’ins-piration aux designers de la Maison baccarat qui renouent par ce biais avec le répertoire et le savoir-faire des maîtres-verriers, souffleurs, tailleurs et graveurs. Ce fut le cas de Georges Chevalier, diplômé de l’école nationale des arts décoratifs, qui commença à travailler à la manufacture en 1916. Jusqu’au début des années 1970, il s’est plongé avec passion dans les archives de la cristallerie, utilisant son patrimoine et ses codes pour inven-ter sans cesse des formes nouvelles.

enjeux lIés à l’actIvIté commercIale ou à la vocatIon de l’organIsatIon

Faire du patrimoine une offre spécifique

Dans certaines circonstances, l’histoire d’une organisation et son patri-moine peuvent venir enrichir son offre de services, voire être à l’origine d’une nouvelle offre.À titre d’exemple, il existait auparavant dans le centre-ville de Clermont-Ferrand un petit musée Michelin destiné uniquement aux salariés et ouvert sur les horaires de travail. Celui-ci était peu fréquenté. Puis, l’idée que ce patrimoine industriel pourrait être valorisé et pré-senté à un public plus large a émergé. C’est ainsi qu’est né le projet du musée d’entreprise « l’Aventure Michelin » qui a ouvert en 2009. Celui-ci a largement rempli ses objectifs vis-à-vis de l’interne, mais il est également devenu un véritable élément d’attractivité touristique pour la région.

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CAs pRAtIque

bOHIn FRAnCebohin France est une entreprise de production d’aiguilles, d’articles de couture et de papeterie, située à saint-sulpice-sur-Risle, et créée avant 1833. Alors que l’entreprise menée par cinq générations de bohin succes-sives était en liquidation judiciaire, elle a été reprise en 1996 par un de ses salariés, Didier Vrac. Le 1er mai 2000, un reportage sur l’usine bohin, dif-fusé dans le journal de 13 heures de tF1, entraîne une forte médiatisation du site. Des visites de groupes sont organisées à la demande du public. Didier Vrac a alors l’idée de créer un musée dans d’anciens bâtiments de stockage : la Manufacture bohin est inaugurée le 27 février 2014 et ouverte au grand public le 4 mars 2014. On y découvre le savoir-faire ancestral des salariés qui a donné naissance à l’aiguille à coudre, l’épingle de sûreté, l’épingle à tête de verre ou encore des machines dont certaines datent de la fin du xIxe siècle.Depuis son ouverture, le musée a accueilli près de 15 000 visiteurs ; il emploie 2,5 salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 350 000 euros. pendant les 15 années qui ont été nécessaires à la création du musée, collaborateurs, clients et partenaires étaient dubitatifs sur le bien-fondé de la démarche. Après l’ouverture, tout a changé. Le musée a entraîné une véritable renaissance, un formidable rebond qui génère de la notoriété, du business et de la fierté. ses retombées médias ont en outre permis à la marque d’être identifiée à l’international comme un acteur incontournable des activités autour de la couture.

Renforcer son implantation territoriale

Comme vu précédemment, les actions de communication de Société Générale mettent en avant le parcours de l’entreprise, mais elles servent aussi à renforcer son image en montrant « une présence solide et historique » sur les territoires. Par exemple lors des « temps forts » Afrique en 2015-2016, le groupe a rappelé sa présence sur ce continent depuis plus de 100 ans, sou-lignant « une connaissance intime du terrain » et « une solide expérience dans l’accompagnement des clients : entreprises, professionnels et particuliers ».

L’introduction du guide Michelin au Japon – qui n’avait aucune tradition de guides de voyage – les Japonais se défiant de tout jugement subjec-tif risquant de mettre en cause les personnes… – était un défi. « il fallait

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valoriser une autre dimension du guide » 5. C’est en valorisant la marque Michelin, associée à des critères précis pour les Japonais (une philosophie propre, une haute qualité, une garantie très sérieuse sur la manière de faire, une histoire), que la marque guide Michelin – qui répond parfaite-ment à ces critères – a pu s’implanter.

Répondre à un impératif

de service public/d’intérêt général

Dans le cas des organismes publics ou des entreprises remplissant des missions de service public, le travail sur la mémoire s’intègre pleinement dans leur engagement vis-à-vis de l’État, de la collectivité et des citoyens.

La Municipalité d’Angers collecte, archive et restitue tout ce qui concerne les services de la ville et de l’agglomération angevine, mais aussi les archives privées, familiales, de commerce, d’école, etc. pour rendre compte de la vie économique et des lieux. Sylvain Bertoldi, archiviste paléographe et conservateur en chef du patrimoine, est souvent sollicité par les élus, les généalogistes, les historiens professionnels et amateurs, les étudiants et aussi quelques retraités, pour les aider dans leurs tra-vaux de recherches ou d’apport de preuves dans un projet ou un litige. Ainsi, en 1976, des voies le long des berges de la Maine sont créées avec l’idée d’ajouter un nouveau pont sur la rivière. Mais ce dernier n’a jamais été réalisé. En 2014, un projet d’aménagement des berges, « Cœur de Maine », est lancé qui prévoit à nouveau à cet emplacement un pont, cette fois pour le passage du tramway et des piétons. L’accès aux documents initiaux d’études et de faisabilité, datant de 1976, conservés par le ser-vice des archives de la ville a permis d’avoir une connaissance précise des opérations préparatoires déjà réalisées pour la construction de l’ouvrage d’art et donc de gagner du temps.

Enfin, le travail de recueil et de conservation des archives répond plus généralement aux nouveaux enjeux de RSE auxquels sont confrontés les entreprises et les services publics. Comme l’indique le rapport d’activité 2014 de Solvay, le projet de l’entreprise est « […] de créer de la valeur de manière responsable et à long terme. Au-delà d’un projet économique, c’est une ambition scientifique et sociale, inscrite dans une vision de long terme et portée par les mêmes valeurs humanistes qui animent notre groupe depuis plus de 150 ans. »

5. Poullennec Gwendal, « Le guide Michelin : une référence mondiale de la gastronomie locale », Le journal de l’école de Paris du management 3/2011 (n° 89), p. 37-42.

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un travail sur la mémoire recouvre des éléments qui sont communs à tous types de projets de communica-tion : définition des objectifs, identification de la cible, dimensionnement du projet d’un point de vue budgétaire et temporel, argumentation des choix, mise en place de méthodes d’évaluation, etc.

Certains points requièrent une vigilance particulière compte tenu de la nature même de ce type de projet. Mais sa principale caractéristique réside dans sa trans-versalité : l’ensemble des fonctions de l’entreprise doivent être associées et travailler de concert (notam-ment la communication et la fonction archives) afin de garantir la pérennité de toute action dans ce domaine.

COMMENT INITIER ET fAIRE VIVRE

UN TRAVAIL SUR LA MéMOIRE dE

SON ORgANISATION

2

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les dIfférentes étapes

s’assurer du soutien du management

Compte tenu des moyens (humains, matériels et financiers) qu’un tra-vail sur la mémoire exige, il est indispensable de trouver un « sponsor » convaincu de son intérêt stratégique, pour le soutenir – voire le défendre – auprès du top management de l’entreprise.Dans tous les cas, il est extrêmement utile d’associer les instances diri-geantes au cadrage et au pilotage du projet, comme l’explique Jean-Marc Bernardini, responsable de l’unité communication interne et corporate de la RATP : « C’est une démarche à moyen/long terme et il est néces-saire d’avoir une réflexion avec le dirigeant : qu’est-ce qu’il peut faire de la mémoire de l’entreprise ? Un levier pour la stratégie marketing ? La stra-tégie sociale ? Répondre à des enjeux d’identité ? De marque ? Permettre d’analyser les crises ? »

D’après Roger nougaret, responsable archives et histoire groupe de BNP Paribas, ne pourrait-on pas considérer la connaissance de l’histoire de son entreprise comme un véritable devoir pour tout dirigeant, notamment ceux qui arrivent à la tête d’une entreprise qu’ils n’ont pas créée ? Cet élé-ment entrerait de fait dans la panoplie intellectuelle de tout manager qui a pour mission de faire évoluer son entreprise. En effet, la connaissance de l’histoire lui permettrait de situer son action sur la durée, de savoir ce que l’entreprise peut accepter en termes d’évolution, et de justifier de manière pédagogique ses décisions, qu’elles s’inscrivent dans la continuité ou dans la rupture.

« S’intéresser à son histoire nécessite un minimum de courage » comme le souligne Alain Beltran, historien des économies et des techniques, direc-teur de recherche au CNRS. Au début de la mise en place d’un travail sur la mémoire, on peut avoir l’impression que « c’est de l’ancien », que « cela ne concerne personne et que l’entreprise dans son quotidien ne sera pas impactée ». Mais plus on avance dans une démarche historique, plus elle devient d’actualité car l’histoire est vivante.

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Dimensionner son projet

Pour ne pas susciter de craintes en interne (notamment d’ordre finan-cier) et être en mesure de montrer rapidement des résultats tangibles qui viennent conforter l’appui initial donné au projet, il est conseillé de se fixer des objectifs réalistes, atteignables avec un périmètre d’actions.

il importe de réaliser un travail « pas à pas ». Le risque étant de vouloir tout faire et donc de tout commencer sans rien finir… il faut prendre du recul sur le projet et construire un plan stratégique, sur la durée. Pour concevoir ce plan, plusieurs éléments sont à prendre en compte pour chaque action réalisée : pour qui ce travail de mémoire est-il réalisé (« cible(s) ») ? Pour-quoi ? Comment ? Quand ? Chaque choix doit pouvoir être explicité. il faut être conscient des enjeux et les intégrer dans l’organisation afin que les dirigeants soient alertés de chaque risque associé à un contexte. Les com-municants doivent avoir à l’esprit que le discours diffusé en interne doit être « entendable » par le personnel. La temporalité est aussi importante. Elle est à inclure dans le projet, du début à la fin. Enfin, il est important d’évaluer ce travail… En effet, comment justifie-t-on cet investissement si on n’en mesure pas les retombées ?

Identifier les ressources et les personnes

il est difficile de valoriser un patrimoine s’il n’est pas disponible ou s’il n’existe pas de ressources/d’archives historiques immédiatement identi-fiables. il convient donc de commencer par réaliser un état des lieux de l’existant. Les interlocuteurs/personnes-ressources au sein de l’entre-prise, détentrices de documents et de matériel à conserver sont à recher-cher et à solliciter en premier lieu : département archives, documents phares de chaque département (ex. bureau d’études, direction d’établis-sement, audiovisuel, etc.), mais aussi les anciens, les passionnés et les associations…

Dans le cadre du projet Ambition & Racines chez Harmonie Mutuelle, Clémentine Pedenon, archiviste, a réalisé une cartographie ambitieuse du patrimoine des mutuelles à l’échelle du territoire. L’exposition présentée à l’assemblée générale a permis de démarrer cet inventaire par un recense-ment national des bannières mutualistes. il a été poursuivi par un recen-sement plus large des archives, documents, photos, objets… conservés sur les sites de la mutuelle : agences, centres de gestion, sites adminis-tratifs, etc.

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Pour Zodiac Aerospace, l’anniversaire des 120 ans du groupe a été l’oppor-tunité de lancer un travail de recherche historique, de collecte documen-taire, d’archivage et d’indexation systématique ayant permis d’engager une démarche de conservation historique organisée au lieu d’initiatives indivi-duelles disparates, ce travail se poursuivra au-delà de cet anniversaire.

D’autres ressources peuvent également être trouvées à l’extérieur de l’entreprise ou de l’organisation, auprès d’institutions ou d’organismes spécialisés (BnF6, ina, archives gaumont Pathé, banques d’images…). En effet, dans de nombreuses entreprises se pose le problème de l’accès aux archives historiques. C’est le cas chez Carrefour où il n’y a pas de service d’archivage centralisé. Pour l’opération des 50 ans, en 2013, le travail de mémoire ne s’est donc pas appuyé sur des archives internes mais prin-cipalement sur des archives externes, récupérées dans la presse (ico-nographie), auprès d’agences de publicité ayant travaillé précédemment avec le groupe (récupération des campagnes, des affiches, des journaux internes…). Ces sources ont été complétées par des archives provenant des enseignes et par des témoignages d’employés qui ont connu et parti-cipé à l’ouverture de magasins. Depuis un travail d’archéologie est conduit pour préserver cette mémoire dispersée.

Si les ressources internes et externes sont trop pauvres, la conservation de la mémoire de l’organisation à travers la collecte de témoignages oraux est une solution à envisager. Cette démarche - intéressante à mettre en place - doit être réfléchie suffisamment en amont pour ne pas partir sur de mauvaises pistes.7 L’exploitation et la valorisation doivent aussi être pen-sées à l’avance sous peine de ne pouvoir utiliser les éléments recueillis.

Depuis 2010, Société Générale a mis en place un recueil de témoignages d’anciens salariés. Ce projet, baptisé « Mémoires vives », est important car il s’inscrit dans un contexte de changement de génération parmi les collaborateurs et de disparition progressive de personnes ayant vécu des évolutions, voire des bouleversements et événements majeurs au cours des 50 dernières années… faits qui ne sont pas présents dans les archives papier.

6. Bibliothèque nationale de France 7. Qui interroger ? quelles questions ? quel type de captation ?

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CAs pRAtIque

VILLe D’AnGeRséric Fauconnier, responsable communication et relations internes de la Ville d’Angers, a créé un recueil de témoignages intitulé « une voix qui conte ». partant du constat que les « papy-boomers » qui ont contribué à une partie de l’histoire de la collectivité, partent à la retraite, il a voulu que cette mémoire ne disparaisse pas avec eux. Comment garder une trace de leur parcours et de ce qu’ils étaient ? en faisant appel à un récolteur de mémoire pour réaliser et retranscrire les interviews. un vrai travail de jour-naliste. et un retour d’expérience en trois points :�• il est nécessaire de donner les clés de compréhension à la personne qui

collecte (l’organisation interne, le langage, la hiérarchie...) ;��• il faut bien mesurer la durée globale consacrée

au projet et la durée pour chaque interview. Cela permet de mieux exploiter les témoi-gnages ;

��• enfin, faire appel à une tierce personne permet de ne pas avoir d’a priori.

une quarantaine d’interviews a été diffusée dans le journal interne, avec des versions longues disponibles sur l’intra-net. un photographe a aussi été associé à ce projet afin de réaliser des portraits de qualité. Chaque interviewé a aussi reçu son texte sur un beau support, en guise de remerciement. Ce recueil est une véritable reconnais-sance pour les retraités de la Ville d’Angers en plus d’être une belle aven-ture humaine qui aura duré cinq ans.

Choisir ses supports de restitution

La restitution de la mémoire est un élément clé de ce travail. il convient donc de bien choisir ses supports en analysant les moyens disponibles, les opportunités et la stratégie de communication globale déjà en place.

Lors de la célébration de ses 50 ans, en 2013, Carrefour a choisi le vecteur des relations presse qui fonctionnait déjà très bien. De nombreux repor-tages ont ainsi été réalisés tandis que de l’iconographie et des interviews de personnes témoins de l’ouverture du premier magasin Carrefour étaient mises à disposition.

« Une véritable reconnaissance pour les retraités de la Ville d’Angers »

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En 2016, Dassault Aviation a pris le parti de l’événement festif, avec l’orga-nisation d’un spectacle « La conquête de l’air » organisé au grand Palais.

Chez Sodexo, des capsules vidéos du président fondateur Pierre Bellon sont intégrées au programme de formation des cadres.

Au Printemps, un almanach des 150 ans a été publié sur les ordinateurs ou sous forme d’éphéméride à l’entrée du personnel, reprenant une anecdote historique.

D’autres entreprises utilisent internet, les réseaux sociaux… comme Air France pour ses 80 ans qui avait créé en 2013 un site dédié, refondu et pérennisé en 2016 : La Saga 8.

Pernod Ricard a choisi de communiquer avec un numéro spécial « 30 ans » du magazine Entreprendre dédié aux actionnaires9 .

ENGIE a eu l’idée de mettre en place un MOOC10 sur l’histoire de l’entre-prise des origines à nos jours. Organisé en trois niveaux de plusieurs cha-pitres chacun, il permet aux collaborateurs d’acquérir un socle commun de connaissance sur des thématiques aussi variées que les grands jalons historiques, les projets emblématiques ou encore la notion de service public au sein du groupe.

Les exemples ne manquent pas et ne peuvent être tous relayés. Les retours d’expérience et le tableau synoptique complètent le propos.

8. http://www.airfrancelasaga.com/#screenNext 9. Magazine créé en 1983 et illustré par les clichés du Studio Photo Pernod Ricard qui a ainsi

constitué un fonds de photographies très riche et diversifié avec les reportages spéciaux effectués aux quatre coins du monde.

10. « Massive Open Online Course »

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Le choix des supports

Moyens Ressort pédagogique

Facteur de légitimité

Potentiel participatif

Rémanence

Objet souvenir X

Livre, brochure, magazines internes

X X X

Exposition X X X

Espaces identitaires et communica-tion in situ

X X

Musée X X X X

Événements (soirées fes-tives, conven-tions, etc.)

X X

Journées du patrimoine

X X X

Presse locale, TV

X X

Film X X X X

Mooc X X X

Réseaux sociaux

X X X

Site Internet dédié

X X X

Parcours digital / Musée virtuel

X X X

Jeux X X X

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les poInts de vIgIlance

présenter et légitimer ce travail de mémoire en interne

Comme tout projet stratégique nécessitant une contribution collective, il est indispensable de communiquer en interne sur le travail de mémoire.Le rattachement fonctionnel d’un service d’archives historiques peut avoir un impact non négligeable sur sa manière de fonctionner et sa « visibi-lité » en interne. Un rattachement à une direction de la communication peut être un facteur de pérennisation grâce à l‘intégration de la compo-sante « histoire » aux actions de communication. Rattachées à un service d’archives global, les archives historiques vont alors bénéficier des outils et des process mis en place dans l’entreprise ce qui va permettre de les inscrire dans une démarche de long terme. Mais elles peuvent également dépendre d’un secrétariat général ce qui a pour intérêt de souligner le lien de l’action « mémoire » avec les décisions du management.Chez Airbus, la participation de la société à la création du musée Aeroscopia à Toulouse a été utilisée comme une vitrine pour le travail du département Heritage. La communication en interne autour de l’ouverture du musée en 2015 a largement contribué à la reconnaissance de la fonction patrimoine au sein de l’entreprise : appel aux dons d’archives, augmentation des demandes sur le thème du patrimoine, implication des salariés dans la restauration de matériel pour le musée.

établir un lien entre le passé, le présent et l’avenir

Afin de ne pas être considéré comme passéiste, le message sur l’histoire doit constamment faire référence au présent et à l’avenir, par exemple en montrant le lien entre les innovations d’hier et celles d’aujourd’hui, le développement à l’international, ou la mise en valeur des équipes. Comme le souligne Jacques Rocca, directeur du département Heritage d’Airbus : « Tant qu’on peut faire la démonstration au quotidien que l’histoire et la protection du patrimoine peuvent servir le présent, c’est un véritable atout ». Jean-Marc Bernardini, responsable de l’unité communication interne et corporate de la RATP, va plus loin et met en garde : « Attention

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au dosage de la communication entre l’histoire et le futur, entre le passé et la modernité, les innovations… c’est un équilibre à trouver. On ne doit ni être prisonnier du passé, ni faire table rase. Cela participe à l’identité, à la construction de la fierté des salariés. »Suivant la même logique, la communication interne et institutionnelle de Société Générale montre que les valeurs qui animaient les fondateurs sont toujours présentes, comme l’esprit d’entreprendre, l’esprit d’innovation et l’esprit d’équipe. La banque dessine son parcours et prouve par son his-toire qu’elle a su se réinventer dans un contexte de mutations. Une stratégie résumée par Frédéric Oudéa, son directeur général : « C’est en puisant dans nos racines que nous regardons aujourd’hui l’avenir ». Ce continuum entre le passé, le présent et l’avenir permet enfin aux nou-veaux salariés de trouver leur place au sein de l’organisation. « Une voix qui conte », le recueil historique de la Ville d’Angers, est une véritable recon-naissance de l’apport des anciens employés qui ont laissé des mots, des traces, un héritage, pour permettre aux plus jeunes de baliser leur chemin.

trouver la bonne articulation entre communication et histoire

Si l’histoire est un levier important pour le communicant, celui-ci doit mettre en garde sur une utilisation abusive, et veiller à ne pas la déformer ou l’instrumentaliser. Le risque est fort à l’heure où la préservation de l’image de l’entreprise, en interne ou en externe, est un enjeu majeur.« Si on veut se servir de l’histoire de l’entreprise pour la communication, il faut la connaître, faire une recherche véritable avec méthode pour être crédible, pour ne pas donner une image d’Épinal comme font souvent les entreprises. il faut être sincère et authentique, montrer les échecs, mon-trer comment l’entreprise s’est relevée, s’est adaptée, comment elle a tra-versé les moments difficiles sans censurer les sujets. il est important de ne pas instrumentaliser l’histoire », rappelle nicolas Coupain, Heritage manager du groupe Solvay.Comme le résume Murielle Porte, directrice de la communication interne de Société Générale, « C’est une véritable responsabilité, une vraie déci-sion de choisir ou non de communiquer sur l’histoire de Société générale car cela a des impacts sur l’image du groupe. Pour autant, il n’est pas question de réécrire l’histoire de la banque, mais bien de décider comment nous souhaitons l’utiliser. »Entre storytelling et brand content, la communication et le marketing s’ap-proprient la mémoire de l’entreprise. Dans ce contexte, il faut veiller à ne pas détourner les archives de leur destination première : constituer un

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matériel pour les historiens. Enfin, la redondance des récits et l’absence de diversité particulièrement prégnante en storytelling sont à ajouter au risque d’instrumentalisation.Dans le même ordre d’idée, le Brand DnA – notion omniprésente dans l’entreprise et largement utilisée par les managers et le marketing – nie la richesse, la diversité et la complexité des parcours d’entreprises (acquis et en construction permanente).

se préparer au risque de résurgence de « passés oubliés » ou négliger certaines parties de son passé

il est certain que l’on peut choisir d’ignorer certains passages de son his-toire mais il y a un risque. Tout sujet passé sous silence a tendance à réap-paraître avec beaucoup de force et de manière déformée. « Lorsqu’une mémoire est refoulée, elle finit toujours par se défouler et provoquer une crise », précise Alain Beltran, historien des économies et des techniques, directeur de recherche au CNRS.Selon Marie-Christine Lanne, directrice de la communication de Generali France, « La tentation est souvent grande de ne raconter que les périodes fastes. Mais il faut aussi savoir tirer parti des échecs, en les positivant. »Le retour à l’histoire peut se révéler douloureux ou bien porteur de conflits potentiels car il implique de confronter des points de vue différents : celui du management, des salariés, des syndicats, d’historiens externes, etc. Or, cette confrontation peut faire resurgir des sujets tabous (par exemple : celui de la posture de l’entreprise pendant la Seconde guerre mondiale) ou des problèmes non réglés.il est important d’avoir ces risques en tête, non pas pour perpétuer un silence, mais pour se préparer à gérer des questions de ce type en étant capable d’assumer les choix et comportements de son organisation tout au long des années, sans culpabilisation mais dans un esprit de responsabi-lisation collective.

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la pérennIsatIon

Si initier un travail sur la mémoire de son organisation peut s’avérer ardu et nécessiter une longue argumentation, le pérenniser peut être tout aussi difficile. En effet, passé l’événement déclencheur (l’anniversaire de l’en-treprise par exemple), la tentation est forte de mettre de côté le travail réalisé. Voici quelques pistes permettant de prolonger la démarche de conservation et de valorisation patrimoniale.

Choisir ses supports de conservation, mettre en place une politique de collecte et un process d’archivage

Une politique de conservation de la mémoire ne peut se mener sur le long terme sans une formalisation de la démarche, tant au niveau de la col-lecte que de l’archivage. il convient donc de mettre en place des processus internes et d’en assurer le suivi.Comme le rappelle Sylvain Bertoldi, archiviste paléographe et conserva-teur en chef du patrimoine à la Ville d’Angers, pour mettre en place un service d’archives, il faut définir les compétences, créer une équipe, faire un récolement de ce qui existe en archives dans l’entreprise et auditer l’ensemble des services. Vient ensuite le travail de collecte, en donnant des consignes en amont, en aidant les services à établir des plans de classement, définir le cycle de vie des documents, bâtir des tableaux de gestion de ceux-ci. Dans le cas des archives électroniques, travailler en lien avec la DSi est essentiel. Enfin, les archives doivent être centralisées dans des magasins spécialement équipés et sécurisés (en interne ou à l’externe par le biais de prestataires spécialisés).

Anne Brunterc’h, responsable du département archives de Crédit Agricole S.A., précise que sélectionner ce qui va être engageant à long terme pour l’entreprise, qui pourra constituer un témoignage exploitable représente 1 à 2 % de la production documentaire d’une entreprise. Collecter ces archives revient essentiellement à cibler certaines séries de documents et données des directions centrales qui produisent 90 % des archives histo-riques. Un travail réalisé par des opérations de collecte ciblées, encadrées par des procédures validées.

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On peut aussi organiser la transmission de savoirs, savoir-faire et docu-ments de la part des salariés comme le fait Saint-Gobain sur son site #Saint-gobain350 dans sa rubrique « partagez vos souvenirs et documents ». 11

Fonction Formats recommandés pour archivage

Gestion et échange SEDA, ZIP, TAR, XML, JSON, CSV

Diffusion/consultation à court terme

JPEG, MP3

Conservation à moyen ou long terme

MIME, TIFF, PDF/A, ODF, CSV, XML, MP4, JSON, SVG

11. http://www.saint-gobain350ans.com/#!/fr/partagez-vos-souvenirs-et-documents

12. « Linear Tape Open », technique de stockage sur bande magnétique, au format ouvert.

13. https ://references.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/Referentiel_General_Interope-rabilite_V2.pdf

> FOCuS SuR LA CONSERVATION DES DOCuMENTS NuMÉRISÉS Ou NuMÉRIquES NATIFS

Face à l’obsolescence technologique et la fragilité des supports de conservation, il convient de préserver les documents numériques. à qui en effet n’est-il pas arrivé de ne plus pouvoir lire ses CD-R, ses disquettes ?Le stockage sur des CD-R ou des DVD-R doit être limité pour des petits volumes, en raison de leur coût, mais surtout de leur fragilité. Si cette option est choisie elle doit être réalisée sur deux exemplaires devant être contrôlés régulièrement. Il est désormais impossible de lire des CD-R gravés au début des années 2000.Une plate-forme automatisée d’archivage ou une copie sur disque dur (avec sauvegarde sur LTO)12 est à envisager pour les gros volumes.Le support choisi doit dans tous les cas permettre la conservation des données, leur surveillance et leur migration sur d’autres supports. Il convient enfin de distinguer différents formats… entre diffusion et conservation, ces derniers varient. Les préconisations du référentiel général d’interopérabilité13 validé en avril 2016 distinguent toutefois les formats d’archivage suivants en fonction des besoins :

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> LE SAVIEZ-VOuS ?

La BnF a aussi la charge du dépôt légal des vidéos depuis 1975. Tous les films diffusés par d’autres moyens que la télévision ou les salles de cinéma relèvent de cette obligation, le but étant d’assurer leur conservation dans les collections patrimoniales publiques. Catalogués, numérisés, préservés, ils sont consultables par les chercheurs et les professionnels (documentalistes, réalisateurs, etc.).

entretenir une dynamique interne et s’assurer de l’appui du top management de l’entreprise

Le communicant doit veiller constamment à renouveler l’appui qu’il a reçu de son management. Si celui-ci a été obtenu pour la mise en place d’un projet spécifique, il est nécessaire d’entretenir ce soutien et de le faire perdurer au-delà des changements de gouvernance successifs pour pérenniser les actions entreprises.À cette fin, la fonction « Mémoire et Patrimoine » doit s’inscrire au sein des process de l’entreprise en systématisant les échanges avec un ser-vice d’archives historiques, en suscitant des collaborations avec d’autres services (comme les ressources humaines, le juridique, la qualité, etc.) et en intégrant la composante « histoire » aux actions de communication au jour le jour. Elle doit être vue comme une boîte à outils au service de la stratégie de l’entreprise.

Animer un réseau histoire / patrimoine au sein de l’entreprise

La collecte et la conservation des archives ne peuvent être réalisées sans un réseau interne et externe, engagé et fiable. Or, il est souvent difficile, compte tenu de la charge de travail de chacun et des changements de poste, d’entretenir un tel réseau sur la durée.Comment y arriver ? Quelques pistes pour agir auprès des membres du réseau histoire/patrimoine d’une organisation :�• les impliquer autant que possible dans la co-construction du travail sur

la mémoire ;

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��• les aider à constituer localement leur mémoire (sur différents sites, voire dans différents pays) et les utiliser comme vecteur de diffusion de la culture de l’histoire dans l’entreprise ;

�• obtenir le soutien de leur hiérarchie et faire reconnaître leur implication d’un point de vue managérial ;

�• créer des comités histoire ou un réseau de correspondants archives, comme c’est le cas au groupe La Poste avec un Comité pour l’histoire regroupant universitaires et postiers.

se mettre au service des métiers

La collecte des archives gagne à être présentée comme une véritable « offre de service » interne qui permet aux différentes directions métiers ou directions de sites de gérer un processus d’archivage de façon profes-sionnelle, efficace et fluide.Ainsi, chez Safran, l’espace Patrimoine centralise et gère les archives patrimoniales des différentes sociétés du groupe. Afin de convaincre celles-ci de mettre à disposition leurs archives, ce service se positionne en tant qu’expert pour les aider à trier, référencer, stocker et numériser les éléments déposés. Ceux-ci sont ensuite consultables et accessibles par l’intermédiaire d’une base de données.Chez Hermès, le service documentation-archives est au service de la création et travaille principalement avec la direction artistique en fournis-sant des documents issus de leur collection de près de 500 000 archives numérisées.

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RETOURS d’ExPéRIENCE

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Exposition virtuEllE des 350 ans de saint-Gobain #saintGobain350 de 1665 à 2015

Personne interviewée : Marie de Laubier, directeur des relations géné-rales (anciennement archiviste-paléographe à la BnF).

COntexte / pRObLéMAtIque La compagnie Saint-gobain, fondée en 1665 par Colbert, a fêté ses 350 ans en 2015. Le groupe, né de la Manufacture des glaces, qui avait pour objectif de concurrencer Venise, est maintenant une entreprise encore vouée au verre mais surtout aux matériaux de construction et à l’habitat durable. il est pré-sent dans 64 pays et emploie 180 000 personnes. Saint-gobain existe hors de France depuis 1858, d’abord en Europe, puis dans le monde entier.

Les 350 ans de la compagnie Saint-gobain se sont traduits par d’impor-tantes initiatives sur toute l’année 2015. Objectif essentiel : mettre à la por-tée du plus grand nombre ce qu’est le groupe aujourd’hui à partir de son histoire. Saint-gobain est une entreprise B to B qui a laissé une grande autonomie aux marques des filiales et se veut plutôt discrète. il s’agit donc d’une opération exceptionnelle.

L’ambition : Marquer le coup, amplifier la fierté des collaborateurs, se sou-venir que la compagnie participe à l’histoire de France, faire connaître la stratégie du groupe et la diversité des métiers dans le grand public.D’importantes initiatives ont été mises en place (cf. encadré Saint-gobain page 14), notamment l’exposition virtuelle sur internet très complète des-tinée aux salariés, aux clients et au grand public (en particulier les jeunes, puisque des supports pédagogiques ont été réalisés avec le soutien de l’Éducation nationale). Cette exposition a été visitée par 210 000 internautes en 2015. Elle reste en ligne toute l’année 2016.

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enJeux L’objectif est double : renforcer la fierté d’appartenance du personnel et faire mieux connaître au grand public un groupe international B to B habi-tuellement discret, abrité derrière ses marques.

RessOuRCes néCessAIResUne stratégie de gestion de la mémoire, très ancienne dans le groupe. Après la fusion avec Pont-à-Mousson, un chartiste, Maurice Hamon, a créé un centre d’archives installé à Blois en 1979 afin de « créer une culture commune Saint-gobain/Pont-à-Mousson » : 13 personnes, 80 km d’archives. L’archivage numérique est en chantier. La restitution du passé est faite aux nouveaux arrivants lors d’un stage d’intégration et lors des anniversaires. Maurice Hamon a publié un « beau livre » de l’histoire de Saint-gobain et a été chargé du mécénat. Marie de Laubier, archiviste paléographe à la BnF, a rejoint la compagnie en 2012, à l’occasion de l’échéance des 350 ans, en tant que directeur des relations générales. Le long travail de conservation et d’écriture de l’histoire du groupe a permis de réaliser l’exposition virtuelle des 350 ans sur internet. Elle est le fruit de ce contexte.

DesCRIptIOn De LA DéMARCHe L’exposition virtuelle accessible sur internet – www.saint-gobain350ans.com –, qui sera pérennisée au-delà de la date anniversaire, offre de nombreuses entrées possibles.Les différents modules proposent notamment : • une chronologie en 22 dates,• une reconstitution en 3D de la Manufacture des glaces en fonctionne-

ment en 1785,• une galerie des portraits des dirigeants, inventeurs et employés incar-

nant « l’esprit-maison »,• six univers pour parcourir les 700 documents.Les collaborateurs, les anciens salariés et tout contributeur intéressé ont pu enrichir le site en postant des illustrations ou des textes. Objectif : enri-chir l’histoire du groupe et améliorer les archives.

170 séquences audiovisuelles sont sur le site. L’immersion en 3D dans la Manufacture des glaces de 1785 est particulièrement impressionnante : 12 scènes illustrent la fabrication des glaces (à partir des archives du groupe et des planches de l’Encyclopédie). Une prouesse technique : faire jouer des comédiens sur fond vert, avant incrustation dans un décor en 3D.

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L’analyse de l’année-anniversaire 2015 a été réalisée en décembre 2015 lors du 11e et dernier comité de pilotage des 350 ans. Le bilan est très positif, tant en interne qu’en externe. Tous les collaborateurs se sont appropriés cet anniversaire, quels que soient leur entité, leur pays, leur histoire. En externe, il y a eu des retombées médias toute l’année et dans plusieurs pays, les vidéos liées à l’anniversaire ont été vues plus d’un million de fois sur Youtube, le timbre anniversaire réalisé par la Poste a remporté un grand succès. L’anniversaire a été couronné par un BFM Awards remis le 2 novembre 2015 à Pierre-André de Chalendar pour cet anniversaire.

FACteuRs CLés Du suCCès L’impulsion de la présidence du groupe dans un but interne et externe, un professionnel de l’histoire placé auprès du plus haut niveau du groupe, l’existence d’une tradition historique forte, des archives suivies et animées par une équipe permanente.L’exposition virtuelle sert désormais de support de présentation de l’histoire de Saint-gobain aux entités du groupe et aux nouveaux arrivants en particulier.

pOInt De VIGILAnCe Maintenir la démarche de mémoire entre les périodes anniversaires.

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bILAn

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PartaGer les valeurs de l’entrePrise avec les nouveaux embauchés un processus de compréhension et d’intégration de la culture d’entreprise pour les nouveaux entrants.

Personne interviewée : Stéphane nicolas, responsable de la mission patri-moine historique.

COntexte / pRObLéMAtIque Le séminaire d’intégration des nouveaux embauchés France. Ce séminaire de trois journées consécutives, qui regroupe une cinquantaine de participants tous les mois, a pour objectif de présenter l’entreprise, ses enjeux, son orga-nisation, ses valeurs.

enJeux / ObJeCtIFsMichelin est une entreprise qui a une très forte culture d’entreprise, et qui souhaite la transmettre aux nouveaux arrivants. Pour ce faire, un module de deux heures sur l’histoire de Michelin a été intégré dans le programme du séminaire.

RessOuRCes néCessAIRes�• Des documents historiques variés (textes, images, objets).�• Un animateur disponible�• Une grande salle de formation pour faire travailler quatre sous-groupes en

même temps

DesCRIptIOn De LA DéMARCHeLe groupe est divisé en quatre sous-groupes d’une douzaine de participants.À chaque sous-groupe, l’animateur remet un dossier de documents his-toriques (des fac-similés) qui correspondent à une des quatre grandes périodes de l’histoire de Michelin.En une demi-heure, le groupe doit, à partir de ces documents d’archives,

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reconstituer et écrire l’histoire de Michelin sur la période donnée.À la fin des travaux de sous-groupes, chaque histoire est présentée aux autres groupes, en remettant les périodes dans un ordre chronologique.Ce sont au final les participants qui s’approprient, puis racontent l’histoire du groupe Michelin, l’animateur étant là pour les aider à reconstituer le puzzle, compléter ou rectifier si besoin.

bILAn La démarche permet d’éviter la traditionnelle présentation chronologique en Powerpoint, qui intéresse peu les participants.Les participants comprennent d’eux-mêmes l’ADn et les valeurs du groupe, mais également le sens de sa communication. Par exemple, la baseline actuelle est : Michelin « Une meilleure façon d’avancer ». Les participants comprennent que cette baseline c’est le résumé de tout ce qu’a créé Michelin au service de la mobilité : des pneus bien sûr, mais aussi la numérotation des routes, les panneaux indicateurs, les cartes routières, les guides, les calculs d’itinéraires, etc.Dans l’évaluation du séminaire par les participants, ce module obtient la deuxième meilleure note après la démonstration des voitures sur circuit…Les collaborateurs qui sont passés par ce module sont souvent les meil-leurs ambassadeurs de la mission patrimoine historique. Convaincus de la nécessité de conserver et d’archiver, ils deviennent des contributeurs engagés.

FACteuRs CLés Du suCCèsC’est l’équipe de la mission patrimoine qui anime le séminaire. L’exter-nalisation de l’animation ne semble pas donner les mêmes résultats. Et cela crée une relation privilégiée avec les représentants de la mission patrimoine.

pOInt De VIGILAnCeL’animation du module, réalisée en interne, est relativement chronophage.

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célèbrer 50 ans d’innovation dans le GaZ naturel liQuéFié (Gnl)

Personne interviewée : Michel Batard, responsable de la communication interne.Entreprise : EngiE est un acteur mondial de l’énergie, expert dans les métiers du gaz, de l’électricité et des services à l’énergie.

COntexte / pRObLéMAtIque En 2015, EngiE célébrait le cinquantenaire de la livraison d’une cargaison de gaz naturel liquéfié entre l’Algérie et le terminal du Havre, réalisée à bord du navire méthanier Jules Verne. Cette première mondiale a nécessité des années de recherche pour mettre au point des technologies innovantes permettant de liquéfier à -160 °C du gaz et de le transporter en toute sécu-rité dans des cuves spéciales conçues à cet effet. Aujourd’hui, EngiE est le 1er importateur de gnL en Europe et détient le 3e portefeuille d’approvision-nement du monde.

enJeux / ObJeCtIFs Le cinquantenaire visait en priorité à faire partager à l’échelle du groupe EngiE l’épopée industrielle et commerciale du gnL à travers :�• un numéro hors-série du journal interne Horizon.Mag consacré entière-

ment au sujet et diffusé à l’ensemble des salariés (huit langues) ;• une exposition itinérante interactive à destination des collaborateurs mais

aussi du grand public qui a pu la découvrir lors de journées portes ouvertes organisées sur le terminal méthanier de Fos-Cavaou en septembre 2015 ;

• des films ;• des conférences ;• un livre anniversaire revenant sur 50 ans de partenariat entre la France

et l’Algérie ;• un site internet dédié : http://lng.gdfsuez.com/

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Orchestré par la communication, cet ambitieux programme de valorisa-tion avait pour objectifs de :• raconter la success story du gnL ;• valoriser l’expertise, les métiers spécialisés et le savoir-faire du groupe

dans ce domaine ;• renforcer la fierté et le sentiment d’appartenance de la communauté gnL

à l’international (exposition sur le site de Mejillones au Chili) ;• montrer que, en tant qu’expert historique dans le gnL, le groupe est

aussi un acteur incontournable de la transition énergétique.

RessOuRCes néCessAIRes• Archives audiovisuelles : photocenter et videocenter d’EngiE.• Archives historiques de gaz de France et de Suez.• Agence externe possédant une équipe d’historiens spécialisés dans l’his-

toire d’entreprise.• Autres sous-traitants (traduction, mise en ligne des contenus, etc.).

DesCRIptIOn De LA DéMARCHeLes 50 ans du gnL ont été conçus comme une opération globale et multi- supports destinée aux collaborateurs et aux publics externes de l’entreprise (clients, grand public, etc.).Les réalisations, étalées dans le temps pour relancer l’intérêt des colla-

Couverture du magazine hors-série Horizon.Mag sur les 50 ans du GnL

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NGI

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exposition GnL dans le hall d’accueil d’enGIe à La Défense

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borateurs à différents moments de l’année, ont été alimentées à la fois par des sources d’archives et par la conduite d’entretiens menés auprès d’acteurs incontournables de la filière gnL.Une mobilisation importante du service communication, secondée par des intervenants extérieurs.

bILAn Les collaborateurs ont été sensibles à la qualité des supports de restitution qui leur ont permis, tout au long de l’année, de mieux connaître les métiers et l’organisation de la filière gnL, porteuse d’avenir dans le contexte de la transition énergétique.

pOInt pOsItIFLes événements mis en place pour les 50 ans du gnL ont fait prendre conscience au groupe de la nécessité de mieux organiser sa mémoire en interne. Dans le cadre du nouveau projet d’entreprise, des pistes de réflexion sont ainsi à l’étude sur la structuration des ressources historiques pour intégrer plus durablement l’activité mémoire dans le pôle communication d’EngiE.

pOInt De VIGILAnCe La mise en place d’opérations de valorisation historique a un coût budgétaire non négligeable, qui peut venir concurrencer les lignes économiques allouées aux autres entités et filiales. il faut donc pouvoir justifier de l’intérêt et du bien-fondé d’un tel projet auprès des dirigeants en mettant en avant les retombées avantageuses en termes d’image et de fidélisation des salariés.

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les archives historiQues société GénéralePersonne interviewée : Cathy Drévillon, archiviste, responsable du service des archives historiques.

Depuis vingt ans, le service des archives historiques propose aux cher-cheurs des fonds complets et diversifiés : archives écrites, photogra-phiques et audiovisuelles. Parallèlement, la communication interne les valorise en lien avec la marque. Ce patrimoine est disponible grâce à une démarche de collecte et de conservation.

COntexte / pRObLéMAtIqueAu début des années 90, une Mission histoire contribue à mobiliser quelques énergies et surtout l’attention de la direction de la communication sur l’im-portance de la conservation du patrimoine. La décision de créer une struc-ture dédiée à la conservation du patrimoine historique de Société générale est prise à la faveur de l’opération « nouveau siège », en 1994 14.Le risque de disparition, de perte et/ou de destruction de documents essentiels pour la reconstitution du passé de la banque a été pointé à l’oc-casion de cet événement.L’actualité juridique des années 1998-2000 avec la question des avoirs juifs a démontré l’importance que pouvait apporter un service constitué, un fonds d’archives sauvegardé.

enJeux / ObJeCtIFs Le service des archives historiques a pour missions la collecte, le traite-ment, la conservation, la communication et la valorisation du patrimoine historique de Société générale. L’ambition de préserver le passé a conduit

14. Les premiers fonds sont collectés dans les services centraux (répartis sur 50 adresses), qui déménagent sur les sites de La Défense et Val-de-Fontenay.

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la banque à se doter d’une struc-ture, pourvue de moyens et d’un réel projet historique.L’exploitation de ces fonds – communication aux chercheurs & actions de valorisation - justi-fie à elle seule l’existence de ce service.

RessOuRCes néCessAIRes�• Personnel qualifié : archiviste(s) de formation universitaire, historien,

personnel formé en interne (avec connaissance de la banque).�• Locaux adaptés (climatisation, contrôle hygrométrie, rayonnages, mobilier

adapté – meubles à plan – sur 800 m2, site Société générale, permettant d’accueillir 2,5 kml 15 d’archives, 2,5 kml d’archives stockées chez un tiers archiveur).

�• Enregistrement dans la base informatique de gestion des archives de plus de 50 000 articles, dont 39 000 dossiers, 1 100 affiches, 1 850 films, 1 200 plans, 4 800 photos, 1 800 objets… sur un vaste champ chronologique (1622-2015).

DesCRIptIOn De LA DéMARCHe Les missions du service des archives historiques s’articulent autour de trois thématiques :�• collecte des archives (principalement des services centraux, périmètre

national, prise en charge de fonds historiques de filiales, constitution d’archives orales) ;

�• traitement/conservation : analyse et description, constitution d’une base de données documentaires, reconditionnement, restauration, numérisation ;

�• valorisation : accueil de chercheurs, expositions, articles internet/intra-net, colloques…

bILAn Sans archives, il n’y a aucune ressource pour explorer l’histoire, scien-tifiquement et en communication interne et/ou externe. Le service des archives historiques trouve aussi son « utilité » au sein du groupe car il constitue une précieuse source de contenus, sélectionnés en fonction d’objectifs définis par la communication interne et institutionnelle dans la poursuite de ses missions.Mais conserver un patrimoine historique, l’enrichir, l’entretenir a un coût. C’est un engagement sur le long terme.

15. Kilomètres linéaires.

un magasin des archives historiques société Générale

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FACteuRs CLés Du suCCès Souvent créée en raison d’un événement ponctuel, cette activité n’a de sens qu’inscrite dans la durée. La pérennité n’est possible qu’appuyée par un engagement fort de la hiérarchie, par une politique à long terme de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine de la banque.La demande historique est forte, en interne et en externe.

pOInt De VIGILAnCe L’action de la collecte ne doit pas être limitée au « passif » accumulé (par intérêt ponctuel, par précaution, par respect provoqué par l’âge du docu-ment ou sa forme désuète), mais s’inscrire dans le processus de produc-tion documentaire contemporain (y compris des données) et de mise en place d’une politique globale d’archivage à l’échelle du groupe.Équilibrer les activités du service : en raison des coûts de fonctionnement, il est tentant d’accentuer le volet valorisation, qui contribue à accentuer la visibilité des activités du service et bien sûr de renforcer l’image de l’entreprise. Pour autant, la collecte, le référencement des archives, la mise en perspective des fonds, et au final la réalisation d’instruments de recherche demeurent essentiels.

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conFérences internes et externes sur la mémoire et l’histoire du GrouPe dassault aviation

Personne interviewée : Luc Berger, adjoint du directeur des relations exté-rieures et de la communication, chargé de la notoriété institutionnelle.

Entreprise : Constructeur aéronautique français - 11 745 personnes

COntexte / pRObLéMAtIque :Au regard de la notoriété du groupe Dassault Aviation, des conférences sur l’histoire et la mémoire de l’entreprise sont demandées tant en interne qu’en externe. Ces initiatives permettent soit d’expliquer et développer une culture groupe, soit de mettre en valeur la marque Dassault Aviation. Elles participent à sa notoriété.

enJeux / ObJeCtIFsPrésenter le groupe Dassault Aviation auprès de différents publics (internes ou externes).

RessOuRCes néCessAIResLes films et les photos sont des éléments importants de la présentation, car ils permettent de l’illustrer et la rendre plus vivante. Par exemple, des vidéos de Marcel Dassault donnent la possibilité aux nouveaux salariés de découvrir ou redécouvrir la personnalité du fondateur du groupe.L’équipe communication de Dassault Aviation dispose d’un service vidéo avec studio intégré qui permet de réaliser des montages vidéo en fonction de la conférence à préparer.Une photothèque et une vidéothèque sont donc des ressources impor-tantes pour réaliser une conférence de qualité.

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DesCRIptIOn De LA DéMARCHeDurant l’année, plusieurs types de conférences sont réalisés par Luc Berger, l’orateur spécialisé dans l’histoire du groupe Dassault Avia-tion. Le nombre de participants à ces conférences varie entre 20 et 300 personnes.

Réunion des nouveaux embauchés du site de Saint-CloudCette présentation se compose en plusieurs parties. Tout d’abord, une présentation de Marcel Dassault au travers de quatre vidéos. Puis un axe présentant les grands développements que la société a vécus et une pré-sentation de l’histoire de l’établissement de Saint-Cloud. La session se termine par des questions/réponses qui permettent soit de revenir sur des points non abordés durant la présentation, soit de clarifier des éléments. C’est souvent l’occasion d’aborder l’histoire des programmes d’avions non mentionnés dans la présentation, faute de temps. Ces conférences durent environ une heure et ont lieu deux à trois fois par an.Un établissement peut faire la demande d’une présentation sur la mémoire de Dassault Aviation sur un sujet bien particulier de l’histoire du groupe.Présenter le groupe français dans ses établissements américains afin de partager la culture d’entreprise française est également une des demandes déjà recensée. La manière de présenter est différente selon les pays. Aux États-Unis, il est souvent apprécié de commencer une confé-rence par une anecdote amusante, par exemple.

une conférence de Luc berger sur l’histoire du groupe Dassault Aviation.

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AnniversaireÀ l’occasion de l’anniversaire d’un site, des intervenants internes et externes peuvent être sollicités pour rappeler d’où vient l’entreprise, les grandes étapes vécues et les grands programmes menés.

Présentation en externeSelon les sujets et les lieux géographiques, les conférences sur le groupe Dassault Aviation sont très sollicitées ; par exemple, à Courbevoie dans l’ancienne usine de Marcel Bloch ou encore à la Cité des sciences de la Villette pour une conférence portant sur le Mirage iii dans le cadre d’un colloque consacré à la culture aérienne.

bILAnLors de l’évaluation des réunions faites pour les nouveaux embauchés, la présentation sur l’histoire du groupe Dassault Aviation remporte systé-matiquement les meilleurs scores.

FACteuRs CLés Du suCCèsMalgré le fait d’avoir beaucoup d’informations sur internet, à l’heure actuelle, avoir un orateur qui maîtrise l’histoire du groupe est important car cela permet d’humaniser les informations autour de ce sujet.De plus, intégrer ce sujet lors de l’accueil des nouveaux embauchés leur permet de s’imprégner de la culture de l’entreprise dès les premiers jours dans le groupe.Comme pour toute présentation, plus elle est préparée, plus l’orateur sera à l’aise pour traiter le sujet. il faut adapter son discours en fonction du public.Un des moments les plus importants de la conférence est la session des questions/réponses que permet d’avoir un vrai moment d’échange inte-ractif avec l’auditoire. Cette partie permet également de compléter la pré-sentation réalisée si besoin.

pOInt De VIGILAnCeLorsqu’une conférence sur l’histoire du groupe est prévue en langue étran-gère, prévoir beaucoup plus de temps de préparation. il est important de bien maîtriser les messages à communiquer et ne pas vouloir trop en dire. En effet, le message peut devenir confus s’il y a trop d’informations.il est également très important de laisser du temps pour la discussion et l’interaction au travers des questions/réponses. Lors de cette session, de nouvelles informations peuvent être communiquées complétant ainsi la présentation.

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air France - édition sPéciale du maGaZine GrouPe : « 80 ans »

COntexteEn 2013, Air France fête ses 80 ans. Ce groupe est connu mondialement et son histoire a déjà été présentée de nombreuses fois et sous différents angles. Malgré la situation de crise que vit Air France, la décision de com-muniquer et de mettre en valeur la mémoire et le savoir-faire de l’entre-prise et le travail accompli par les collaborateurs du groupe, s’imposait.Le plan de communication dédié à cette occasion présentait un certain nombre d’actions internes et externes dont la réalisation d’une édition spéciale du magazine interne du groupe.

ObJeCtIFPrésenter sous un angle différent l’histoire du groupe Air France aux colla-borateurs pour appuyer le sentiment d’appartenance à la marque et partager ensemble cet anniversaire.

DesCRIptIOn De LA DéMARCHeCe magazine groupe était un numéro spécial à plusieurs titres :

Le contenuCe magazine était une édition spéciale de huit pages, constitué essentiel-lement de témoignages de collaborateurs.Un poster était inséré dans les premières pages du magazine ; une double page illustrant des salariés formant le logo Air France au pied d’un A380 arborant la livrée événementielle « 80 ans ». Cette photo a été réalisée avec un drone. L’image transmet de l’émotion car elle est scénique et donne une idée de l’envergure du groupe.Dans une seconde partie, la parole était donnée aux salariés issus de

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différents métiers. ils évoquaient leurs parcours au sein d’Air France, leurs souvenirs, mais aussi leurs attentes. Les collaborateurs d’Air France s’identifient beaucoup à la marque et ont un lien très fort avec l’entreprise.De plus, afin de montrer l’évolution d’Air France au cours de ces 80 ans, des couvertures “collector”des dernières années du magazine interne Concorde ont été insérées dans l’édition spéciale 80 ans.Enfin dans le magazine, les salariés recevaient un autocollant « 80 ans ». Cela permettait de marquer l’attention sur l’anniversaire tout en prenant en compte la réduction des coûts budgétaires.L’édition spéciale « 80 ans » a été distribuée en 45 000 exemplaires auprès de tous les collaborateurs et traduite en anglais.

Transition vers le futurC’était le dernier numéro de l’ancien magazine interne Concorde. Cela a permis de faire une transition avec la nouvelle version du magazine groupe et donc de communiquer sur l’avenir du groupe.Pour Air France, marquer l’anniversaire des 80 ans n’était pas l’occasion de regarder vers le passé mais de regarder surtout vers le futur. C’était une opportunité de partager les attentes et les aspirations des salariés.

un magazine en parallèle avec d’autres outils de communicationLe magazine interne rentrait dans un plan de communication intégrant un site internet 80 ans qui lui-même présentait l’histoire du groupe avec des vidéos, la saga des appareils, la saga du logo, Air France à ses débuts, l’arrivée du Boeing 747, le lancement de la Caravelle…D’autres actions telles que des créations graphiques et la radio interne ont appuyé la communication autour de l’histoire du groupe et la mise en lumière de la mémoire d’Air France. Ces outils étaient complémentaires les uns avec les autres ce qui permettait de raconter l’histoire du groupe sous différents angles et divers supports de communication.Un autre exemple de support utilisé en interne pour compléter l’infor-mation du magazine est la radio « podcast » du groupe. Des salariés plus âgés et des retraités ont été interviewés pour raconter leurs expériences de 20 ou 30 ans passés dans l’entreprise.

bILAnCe type d’action est toujours très apprécié par les collaborateurs, car c’est une manière de partager à un instant T, l’évolution d’un groupe au travers de divers événements. Les collaborateurs sont très attachés à Air France.L’édition spéciale du magazine interne a particulièrement marqué les esprits au travers du poster et de l’autocollant. il est très courant de retrouver le poster affiché dans les bureaux des salariés.

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Le magazine interne a été le seul élément physique réalisé à cette occa-sion. En effet, d’autres actions externes et internes ont été faites conjoin-tement sur les 80 ans du groupe mais étaient disponibles sur les outils digitaux, donc plus virtuel.L’avantage du magazine était que les collaborateurs pouvaient l’avoir dans les mains, le garder ou l’emmener où ils le souhaitaient (à la maison, au bureau, dans les transports…).L’autocollant permettait de créer un sentiment d’appartenance à une com-munauté, celle d’Air France. pOInt De VIGILAnCe

Les questions budgétairesRéaliser un magazine interne papier dédié aux 80 ans pouvait être perçu comme une dépense inutile. Mais on ne voulait pas passer à côté de cet anni-versaire. Cependant, il a fallu prendre en compte les contraintes budgétaires importantes pour réaliser l’ensemble des actions du plan de communication dédiées aux 80 ans sans perdre la crédibilité de l’intérêt de ces actions.

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Zoom « histoire de l’entrePrise » dans lE journal intErnE urban maG : la vie des éQuiPes du GrouPe ratPPersonne interviewée : Jean-Marc Bernardini, directeur Communication interne et Corporate.

Entreprise : RATP - 60 000 salariés dont 15 000 à l’international - Fruit de la fusion en 1949 de deux entreprises privées : réseau métro/ferroviaire et réseau bus/routier.

COntexteLa RATP est en évolution depuis plusieurs années, avec une stratégie de développement, de désendettement et de préparation à la concurrence. La communication interne se doit d’accompagner ces transformations et ces nouvelles orientations auprès des 70 000 salariés du groupe.

enJeuxLe challenge depuis les années 1990 est de mixer l’histoire de l’entre-prise et le futur. Un travail sur les valeurs a été effectué avec pour objectif de mélanger l’histoire du service public au cœur de l’ADn de la RATP et le futur avec le goût du défi et de plus d’ouverture. Aussi, à cette même époque le logo a été repensé dans ce même esprit (un visage : symbole du client au centre, un trait : la Seine qui sort du cercle, on sort de Paris et on va à la conquête de l’international). C’est à ce moment, dans les années 90, que la RATP a réalisé un travail sur la mémoire : « saisir d’où l’on vient pour construire le futur ». Avec un fort enjeu de valoriser le patrimoine qui est le contenu de la marque RATP.

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RessOuRCes néCessAIRes Disposer de photo d’archives et des informations sur l’histoire de la vie de l’entreprise.

DesCRIptIOn De LA DéMARCHeAfin de mixer le passé et les actualités valorisant les innovations, une rubrique permanente est créée dans le journal interne (dernière de cou-verture) baptisée « En vue… ».Cette rubrique met en parallèle, une photo d’archive (avant) et une photo d’actualité (maintenant) illustré avec un article. Cette page fait un focus sur un service, une organisation, un ouvrage d’art (pont ou station de métro), un lieu, une machine… lié à la vie de la RATP.Cette rubrique est un fil qui lie le passé et le présent.

bILAnimpact très positif en interne puisque c’est la rubrique la plus appréciée et la plus lue du journal. Les collaborateurs sont très attachés et très friands de l’histoire de l’entreprise.

Journal interne Urban Mag : 10 publications/an

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L’histoire de l’entreprise démontre que l’entreprise a une forte culture et a su relever des défis dans le passé.il est positif de montrer et démontrer les évolutions et les changements de l’entreprise. Cela fait sens par rapport aux transformations, aux valeurs, au dialogue social, à l’ADn du groupe. Comme le souligne Jean-Marc Bernardini, « On ne transforme bien que si on donne du sens à demain en sachant d’où on vient. »

FACteuRs CLés De suCCès • importance de professionnaliser la gestion de la mémoire : archives,

médiathèque, photothèque.• Laisser une grande place à l’image.

pOInts De VIGILAnCeÊtre vigilant sur le dosage de la communication entre l’histoire et le futur, avec la modernité et les innovations.« On ne doit pas être prisonnier, ni faire table rase. Cela participe à l’identité, à la construction de la fierté. »

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étude scientiFiQue sur l’histoire de l’entrePrise & anniversaire 150 ans

Personnes interviewées : nicolas Coupain, Corporate Heritage Manager et gaëlle De Vos, Deputy Corporate SecretaryEntreprise : groupe international - Secteur chimie - 119 sites - 52 pays - 26 000 collaborateurs - Chiffre d’affaires : 10 213 millions d’euros en 2014 - Société familiale belge créée en 1863

COntexte Solvay est un groupe familial et son président honoraire Daniel Janssen, en vue de la préparation des 150 ans de l’entreprise, a souhaité lancer un travail sur la mémoire de Solvay avec le souci de responsabilité par rapport à la société. Solvay est une très grande entreprise « toujours en vie » dans le paysage belge, qui a contribué à façonner la grande industrie chimique européenne et mondiale. L’intérêt était donc aussi d’éclairer une industrie de deux siècles. importance aussi d’apporter des éclairages : le fondateur Ernest Solvay est une personnalité de l’histoire belge : capitaine d’industrie, mécène, grand donateur, qui a joué un rôle politique durant la Première guerre mondiale. Fort intérêt à questionner le mythe et iden-tifier les personnes clés restés dans l’ombre, de se questionner sur les mécanismes : comment l’entreprise s’est internationalisée ? Comment passer des échecs aux succès ? Comment s’adapter ? Quelles ont été les crises ? Le rôle de l’histoire de Solvay dans la grande Histoire ?Lancement d’un projet de recherche avec quatre historiens et organisation en interne et en externe du 150e anniversaire.

enJeux important travail de mémoire réalisé au moment de l’anniversaire de l’en-treprise en 2013 pour les 150 ans. Cet anniversaire est survenu au moment de l’acquisition de Rhodia, un enjeu d’intégration très important qui est venu se greffer au projet.

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RessOuRCes néCessAIRes �• Équipe d’historiens spécialisés dans l’histoire des entreprises et l’histoire

des sciences et technologies ;�• Documents d’archives, fiches de dépouillement, base de données, archives

audiovisuelles.

DesCRIptIOn De LA DéMARCHeDaniel Janssen s’est rapproché de ginette Kurgan-Van Hentenryk, illustre historienne belge, pour lancer un travail de mémoire du groupe Solvay. Elle l’aide dans sa réflexion, le conseille dans la méthodologie et souligne l’importance de faire parler les sources, de se distancier de l’histoire orale qui s’éloigne parfois des faits. Ainsi quatre historiens, dont nicolas Cou-pain, vont réaliser la première étude scientifique sur l’histoire de Solvay.

À partir de 2008, ouverture des archives, enquête, travail de recherche et de rédaction, puis publications. Chaque historien s’est penché sur une période de l’histoire mais tous ont exploré un tronc commun de thèmes : stratégie de l’entreprise, évolution des marchés, politique innovation, poli-tique sociale, la famille…Le projet de recherche sur la mémoire de l’entreprise a duré quatre ans.2013 : l’année du 150e anniversaire.il y a eu de nombreux événements, conférences et supports de commu-nications dans le monde avec un important travail de partenariat avec la communication du groupe.Les objectifs étaient différents selon les pays : il a fallu adapter nos dispo-sitifs et nos supports d’un pays à l’autre. De par l’histoire du groupe, cet anniversaire n’avait pas le même retentissement en Belgique, en Asie, en Allemagne ou en France ;La fonction de nicolas Coupain a évolué. La première étape était ces tra-vaux de recherche, de publication et de préparation des 150 ans du groupe. il a ensuite été nommé gestionnaire du patrimoine historique de Solvay, avec trois missions :�• la préservation du patrimoine et des archives (y compris multimédia) ;• la recherche historique et le lien avec les universités ;• la valorisation et la communication du patrimoine et de l’histoire de Solvay.

Réalisation d’événements exceptionnels pour l’anniversaire• Conception d’un spectacle avec le Cirque du Soleil comme partenaire. Ce

spectacle unique présentait à la fois l’histoire de Solvay et ses innova-tions. Ce spectacle a animé plusieurs soirées dont une soirée de gala en présence d’officiels tels que les souverains de Belgique, des représen-

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tants du gouvernement, des ambassadeurs, des clients, des partenaires, et également des soirées pour le personnel avec leurs familles.

• Création d’un « Solvay Lab » géant dans la Halle Tony garnier de Lyon afin d’établir la marque Solvay au cœur de la vallée de la chimie, cœur historique de Rhodia.

• Anniversaire fêté globalement et localement : rassemblements à Bruxelles (15 000 personnes), à Lyon (8 000 personnes), à Philadelphie, à Shanghai, etc.

• Événements sur les sites, conférences avec les historiens avec des présentations de vidéos, des temps de partage avec les dirigeants, les communicants et les historiens, expositions.

Illustration • Ouvrage académique de 600 pages – publié en anglais – Cambridge Uni-

versity Press : Solvay. History of a multinational family firm.• Ouvrage synthétique de 150 pages en 3 langues (anglais - français - néer-

landais) : Solvay une entreprise au cœur de l’Histoire.• Documentaire de 52 minutes en 14 langues sur l’histoire du groupe.• Création d’un site événementiel avec histoire, diaporama, vidéos.

Ce site a basculé ensuite dans le corporate website : www.solvay.com/en/about-solvay/history.

Impact très positif à plusieurs titresHistorique �• intérêt pour la stratégie de l’entreprise : se connaître pour avancer.• Des archives historiques bien gérées et organisées permettent de réagir

rapidement et efficacement pour répondre à des contentieux, risques et obligations.

• Un enjeu d’image et de réputation, la communication sur l’histoire démontre les valeurs, la fiabilité, la résilience de l’entreprise et valorise ses innovations et sa capacité à s’adapter.

• Valeur d’attractivité et de différenciation pour la conquête des marchés à l’étranger. C’est une carte de visite.

�• impacts très positifs en interne auprès des collaborateurs du groupe en termes d’identité et de valeurs. Renforce la confiance et la fierté d’ap-partenance.

bILAn / AnnIVeRsAIReLes événements liés à l’anniversaire et la valorisation de l’histoire de l’en-treprise ont eu un impact tant sur le plan émotionnel qu’intellectuel : • développement de la fierté d’appartenance ;�• comprendre qui était le groupe, optimiser l’intégration des collabora-

teurs de Rhodia, fédérer les équipes ;

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�• impact d’image externe, visibilité du groupe et retombées presse.

FACteuRs CLés De suCCèsSponsor ou soutien des dirigeants�• Être clair sur les objectifs et les finalités de la démarche.�• Avoir une méthodologie pour le travail sur l’histoire et une bonne gestion

des archives.« Si on veut exploiter utilement l’histoire de l’entreprise pour la commu-nication, il faut la connaître en profondeur, faire une recherche véritable avec méthode pour être crédible. Pour ne pas donner une image d’Épinal comme font souvent les entreprises. il faut être sincère et authentique, montrer les échecs, comment l’entreprise s’est relevée, s’est adaptée, comment elle a traversé les moments difficiles, sans censure sur les sujets. il est important de ne pas instrumentaliser l’histoire ». nicolas Coupain.

pOInts De VIGILAnCePas de retour financier direct : dans ce cas, ne pas hésiter à expliquer les enjeux tant internes qu’externes. Le dosage pour les communicants : les équipes communication ont été mobilisées pour l’anniversaire. La stratégie de communication est basée sur l’avenir et les innovations. L’histoire de l’entreprise respire dans le quotidien, dans les valeurs et l’ADn.

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association d’anciens Pour la sauveGarde du Patrimoine industriel

Personne interviewée : Philippe Van Lierde, secrétaire général de l’Asso-ciation.

COntexte • Secteur Aéronautique, Espace et Défense - 138 000 collaborateurs -

60,7 milliards d’euros en 2014.• Association AiRitage - Patrimoine Aérospatiale, Matra, Airbus group �• 170 membres dont 25 associations locales, soit environ 5 000 personnes.• À destination du personnel d’Airbus group et de ses filiales en France,

actifs ou retraités. • Ouverte aux chercheurs et historiens.

ObJeCtIFs • Rechercher, recueillir, inventorier et sauvegarder tout document ou objet

constituant une source d’information historique sur l’activité des ex- sociétés Aerospatiale, Matra, EADS et, aujourd’hui, Airbus group.

• Participer à la valorisation et à la pérennisation de ce patrimoine industriel.

enJeuQuelles sont les conditions pour que le travail d’une association de retrai-tés sur le patrimoine de l’entreprise s’effectue dans des conditions opti-males, en bonne entente avec le service communication et patrimoine d’Airbus group ?

DéMARCHeune démarche en réseauL’originalité de cette association est qu’elle fonctionne par la mise en réseau des associations de retraités des établissements d’AiRBUS group en France. Un lien est aussi établi entre les anciens (retraités Aérospatiale et Matra), le personnel actif d’Airbus group et les chercheurs indépendants.

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une démarche liée à la communication des sociétés existantes L’association contribue activement à la politique patrimoniale d’Airbus group et de ses filiales :• le président de l’association appartient à la direction de la Communica-

tion d’Airbus group ;�• l’association est soutenue financièrement par le biais d’une subvention

financière annuelle (Airbus group, département Heritage) et d’un prêt de locaux et de moyens logistiques dans le cadre d’une convention de mécénat (MBDA) ;

�• les sociétés sollicitent l’association régulièrement lors des inaugura-tions, commémorations, réalisations d’ouvrages et elles apportent leur support lors des participations de l’association à des expositions ou des fêtes aériennes.

FACteuRs CLés De suCCèsTravailler en plein accord avec le management L’association a été créée dès le début avec l’aide et le soutien des diri-geants. Suite à la fusion Aérospatiale-Matra, la direction de MBDA (résul-tante de la fusion pour les missiles) lança un projet de site unique en région parisienne. Cet important chantier archivage et de stockage appelé STAR.doc a été construit en utilisant une démarche de mana-gement participatif basée sur la norme nF Z42-013 qui associait plus de 110 salariés dans un réseau « Archivage et documentation » au début des années 2000. Dans ce cadre, les responsabilités et attributions des sala-riés étaient reconnues par le management. Aujourd’hui, ce chantier a été étendu à l’ensemble du groupe MBDA (gE, iT, UK, FR) sous la dénomination Document and Record Management (iSO 15489).Cette reconnaissance a donc bénéficié à la constitution d’un groupe motivé de salariés puis de retraités. Environ 20 % des adhérents de l’association ont eu des postes clés dans le management de l’entreprise.

Bien définir les tâches de chacun Pour que le travail de l’association se déroule en bonne entente avec l’en-treprise, il est fondamental que ses activités soient contractualisées. Ceci facilite la répartition des rôles et mais cela contribue à la reconnaissance du travail effectué, et donc à la motivation des adhérents.Chez AiRitage, des conventions de site, élaborées dès la naissance de l’as-sociation, prévoyaient les conditions de dépôts et de gestion des archives (elles restent la propriété de l’entreprise). Elles ont évolué vers des conventions de partenariat et de mécénat avec MBDA. Pour favoriser la valorisation des archives, une convention concernant la cession des droits d’auteur a été signée avec MBDA. il existe également un comité éthique qui

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décide du bien-fondé de la diffusion de telle ou telle archive (contexte spé-cifique de l’activité liée à la défense), ce qui est un élément de réassurance auprès de la communication.

Développer la complémentarité entre le département patrimoine et l’association grâce aux retraités et aux bénévoles, Airbus group bénéficie d’une véri-table valeur ajoutée dans le travail de sauvegarde des archives historiques (notamment pour l’identification des archives films ou photos). La commu-nication a le souhait de développer plus de passerelles avec AiRitage et d’explorer les façons d’utiliser au mieux les compétences de l’association, notamment par le biais du Musée aéronautique AEROSCOPiA. Le travail des deux entités est complémentaire – l’association pourrait être demain le bras armé du groupe si celui-ci se donne les moyens de mettre en place des opérations de sauvegarde du patrimoine.

pOInt De VIGILAnCe il faut continuellement motiver les bénévoles. Si la reconnaissance du tra-vail effectué est importante, il est aussi nécessaire de prévoir des retours et des compensations (avantages en nature, célébrations, etc.). Par ail-leurs, travailler avec un groupe de la taille d’Airbus group nécessite une réassurance systématique à chaque évolution de son organisation.

40e anniversaire de la première mise en service de l’A300

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POUR ALLER PLUS LOIN

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HIstoIre, mémoIre et culture d’entreprIse

Interview de Julien Tassel, maître de conférences au CELSA, auteur d’une thèse sur « L’histoire saisie par le management. Entre pratiques du passé et exercice du pouvoir managérial. L’exemple du groupe Caisse d’Épargne. » (2008)

on écrit toujours le passé avec les préoccupations du temps présent. l’historien doit donc tenir compte des jeux de pouvoir du moment, que ce dernier soit politique, pour ce qui concerne la « grande Histoire », ou économique pour ce qui concerne l’Histoire d’entreprise. qu’est-ce qui caractérise chacune des démarches ?

L’idée selon laquelle le passé a souvent été mobilisé à des fins sociales ou politiques, qu’il constitue une ressource pour le présent, et en particulier pour les pouvoirs, est bien connue des historiens.Ces pouvoirs sont en premier lieu les gouvernements, les états, les monar-chies. Un historien comme Eric Hobsbawm a par exemple montré comment la monarchie britannique avait inventé au XiXe siècle des traditions — les vœux royaux de noël à la radio instaurés en 1932, l’utilisation de voitures d’apparat, etc. — données depuis lors pour immuables, tandis que Reinhardt Koselleck s’est intéressé à la manière dont les monuments aux morts et les cimetières militaires consécutifs à la Première guerre mondiale ont offert aux citoyens l’occasion de s’identifier à une communauté nationale et ainsi de la refonder. Les débats enflammés auxquels la révision des programmes d’histoire donne toujours lieu montrent bien à leur manière que l’histoire est toujours politique, et en tant que telle, qu’elle donne lieu à des usages par le politique. Dans l’actualité, on pourrait penser aux controverses sur l’histoire de l’esclavage et sa reconnaissance par l’État, à l’utilisation de

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la figure de guy Môquet par nicolas Sarkozy qui avait demandé à tous les enseignants de lire sa lettre, aux commémorations de la Première guerre mondiale mises en place par François Hollande, et ainsi de suite.

Ces exemples montrent l’appétit du pouvoir pour le passé et les organi-sations, publiques comme privées, n’échappent pas à la règle. Cet intérêt est ancien. Par exemple, dès la fin du XiXe siècle, il paraît sur la bourse de new York un livre d’histoire, et dès 1905, Schneider célèbre l’anniversaire de son fondateur. C’est véritablement à partir des années 1980, en France, que les entreprises se sont penchées sur leur histoire et ont mis en place des démarches en association avec les historiens. Des chantiers se déve-loppent alors autour de la notion d’histoire d’entreprise, avec l’histoire de Saint-gobain (Maurice Hamon et Felix Torres), ou celle de Renault (Patrick Fridenson) par exemple. On peut également citer les travaux sur les che-mins de fer (François Caron) ou sur le domaine bancaire (Hubert Bonin).

Pourquoi un tel engouement ? Avec la crise économique des années 1970, les entreprises découvrent qu’elles sont mortelles : elles s’interrogent dès lors sur ce qui fait leur spécificité. C’est la notion de culture d’entreprise qui va permettre de dire cette spécificité et l’on va dès lors voir se déve-lopper des projets d’analyse puis de gestion de cette culture, qui vont lais-ser la part belle à l’histoire, envisagée comme l’un des moyens privilégiés pour la comprendre.

Avec cette préoccupation, apparaissent à l’intérieur des grands groupes (banques, industries, luxe, etc.) ou sur le marché de la prestation de ser-vice, des structures dédiées à la mise en œuvre d’ingénieries historiques. Ce sont des comités d’histoire, les services historiques des entreprises, des agences de conseil en histoire ou en communication, qui se consacrent à l’écriture de livres d’entreprise. L’histoire permet ainsi de venir nourrir la communication interne et d’accompagner le changement en restituant les transformations vécues par les salariés dans le cadre plus large de l’histoire de leur entreprise, ou dans celui d’un secteur. Enjeu de communication interne ou institutionnelle, l’histoire ne laisse pas indifférent les différentes parties prenantes de l’entreprise et s’écrit sous leur regard d’autant plus vigilant qu’elle est soumise à une exigence de vérité. L’histoire n’est pas le storytelling.

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françois Hartog, dans une interview que vous avez réalisée, indique « la mémoire n’ouvre pas vraiment vers le futur. (elle) convoque du passé dans le présent mais ne voit, au fond, pas au-delà, sauf sur le mode, qui est problématique, d’un appel aux leçons ». mais celui-ci ne fonctionne plus car le passé n’est plus la catégorie dominante. « on est dans un présent qui n’arrive pas à voir au-delà de lui-même », une sorte de « présent perpétuel » ou « permanent ». comment, dans ce contexte, travailler sur la mémoire des entreprises ?

En effet, notre société se situe dans une conjoncture particulière, qui voit, depuis une trentaine d’années, comme l’explique François Hartog, se ren-forcer la catégorie du présent. Le passé est lui-même convoqué à l’aune de ce présent, ce qui explique le succès des démarches liées à la mémoire et au patrimoine. Les organisations ne font pas exception, elles mettent en place des politiques liées à ces rapports au temps.La mémoire, tout particulièrement, concerne les organisations. Trouvant son origine dans la volonté d’affirmer la nécessité du souvenir, elle circule dans le quotidien des interactions qui règlent le travail et obéit à des règles qui la distinguent de l’histoire, dont elle ne partage pas la rigueur dans la reconstruction des faits. Elle entretient un rapport plus direct et affec-tif avec le passé, caractérisé par l’attachement à un groupe social, une équipe, un lieu, un métier, etc. Très sélective, la mémoire donne plus par-ticulièrement à lire les revendications de certains groupes de salariés en quête de reconnaissance identitaire. Elle se prête également aux usages institutionnels. il n’est ainsi pas rare que les organisations sollicitent la mémoire de retraités ou de dirigeants pour publier des recueils de témoi-gnages ou réunissent l’ensemble des salariés à l’occasion de commémo-rations-anniversaires, comme c’était le cas très récemment avec le bicen-tenaire de la Caisse des dépôts.

L’autre rapport au passé privilégié par les organisations est celui tissé par le patrimoine, qui caractérise l’intérêt du présent pour les réalisations des hommes du passé. Contrairement aux apparences, le patrimoine n’est pas un héritage transmis de manière continue du passé vers le présent, mais un point de vue que nous adoptons au présent sur des objets, des pratiques, des sites passés, auxquels nous accordons le statut patrimo-nial. Ce processus instaure conjointement la place de nos prédécesseurs comme ancêtres, et la nôtre comme dépositaires de choses possédant une valeur telle que nous avons obligation de les transmettre. Les pro-cessus de patrimonialisation ne concernent pas seulement les organisa-tions qui disparaissent ou sont contraintes à fermer, comme la mode des écomusées aurait pu le laisser penser. il n’est ainsi pas rare de voir des

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entreprises mettre en place des expositions célébrant les produits, les techniques, les savoir-faire, les femmes et les hommes qui ont contribué à l’activité productive. Souvent menées « en interne », ces démarches de valorisation patrimoniale se déplacent depuis quelques années au musée sous forme de « publi-expositions », un terme qui montre bien l’ambiguïté de ces nouveaux formats, pour toucher un public plus large et de plus en plus international, dans une politique d’image de marque. On peut citer à titre d’exemple les expositions Miss Dior (grand Palais 2013, Shanghai 2014, Pékin 2015) ou France is in the Air d’Air France (grand Palais 2014).

comment les entreprises que vous avez observées mobilisent-elles leur passé et pour quels objectifs ?

De diverses manières. Le premier ensemble de pratiques est sans doute le plus ancien et le plus évident. il s’agit de « faire de l’histoire », en la considérant comme un instrument de connaissance. L’histoire, c’est une certaine approche du « connais-toi toi-même » et c’est cela qui a été long-temps mis en avant dans les démarches d’ingénierie historique au sein des organisations. Concrètement, il s’agit de se donner les moyens de mettre à profit le passé, dans un premier temps en organisant un service d’ar-chives, puis en les faisant exploiter de manière scientifique, par un ser-vice en interne (cas de Volkswagen) ou par des comités d’histoire. nombre d’entreprises font aussi appel, par divers moyens, aux historiens acadé-miques et aux centres de recherche des universités. La publication de livres d’histoire d’entreprise ou d’articles dans des revues scientifiques, tout comme l’organisation de colloques, s’inscrivent également dans cette perspective.

C’est à partir de cette première structuration que s’organisent d’autres pratiques. Un deuxième ensemble d’usages serait ainsi plus lié à l’image de l’organisation, à celle de son activité, de ses produits ou de ses métiers. il s’agit dans ce cas de considérer le passé comme un moyen de légitima-tion, de reconnaissance et de valorisation d’éléments qui, ayant su traver-ser le temps, ont fait leurs preuves et sont porteurs de valeurs liées à la tradition, à la fiabilité et à la confiance. Le passé sert dans cette perspective à la valorisation d’une image de marque, pratique très courante aussi bien du côté du marketing produit que de la marque employeur. On s’attache dans ce cas à montrer comment les métiers s’inscrivent dans une politique d’excellence et de préservation de compétences et de savoir-faire rares. Les « journées particulières » du groupe LVMH sont par exemple l’occa-sion de montrer la valeur patrimoniale de métiers liés à l’artisanat d’art

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ou aux traditions françaises : horlogers, couturières, dames de table, bot-tiers, maîtres de chai, etc. Le label « entreprise du patrimoine vivant », mis en place par l’État depuis 2005 encourage d’ailleurs ce type de démarches.

Enfin, je soulignerai les usages proprement managériaux du passé, moins souvent interrogés mais tout aussi importants. ils ont pour point commun de se servir du passé pour proposer une lecture spécifique du présent, en attribuant un cadrage particulier à ce qui advient au sein de l’entreprise.

Un premier exemple de ces pratiques serait la volonté d’agencer une identité d’entreprise cohérente sur la durée, ce qui n’est pas une tâche aisée car cette identité est souvent fragilisée par les restructurations et mutations que traversent les organisations. Bien des transformations sont vécues comme autant de remises en questions de l’activité, des métiers, des savoir-faire nécessaires à la production, des collectifs de travail ou de l’organisation. il s’agit alors de proposer une lecture historique de l’entreprise qui permette d’affirmer que, quelles que soient les transfor-mations en cours, une permanence identitaire existe. Par-delà les enjeux spécifiques et locaux, écrire l’histoire dans des livres d’entreprise, affir-mer des valeurs, un cœur de métier ou un ADn, formaliser et transmettre la culture d’entreprise au cours de formations sont quelques-unes des démarches qui permettent au management de faire ce travail d’affirma-tion d’une identité cohérente en diachronie et d’exprimer en substance que l’entreprise est ce qu’elle a toujours été.

Le second exemple auquel je pense concerne la fabrique de l’exempla-rité. Plusieurs recherches ont montré l’intérêt de la référence aux figures – réelles ou mythifiées – des fondateurs pour valoriser des bonnes pratiques ou des comportements exemplaires. J’ai ainsi étudié chez Chanel la manière dont gabrielle Chanel constitue un élément incontournable de la culture d’entreprise. D’autres chercheurs, comme Mathieu Hocquelet, vont montrer, dans le cadre de la grande distribution, comment la référence aux entrepre-neurs fondateurs va s’incarner tout particulièrement dans le management de proximité. Dans les deux cas, il s’agit, à travers ces figures, de véhiculer un ensemble de comportements, de qualités ou de valeurs morales.

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BIBlIograpHIe et weBograpHIe sélectIve sur l’HIstoIre d’entreprIse

Revues spécialisées sur l’histoire d’entreprise

— « Commémorer », La gazette des Archives, n°236, 2014.— « Histoire, mémoire et passé au cœur des organisations »,

Sociologies pratiques, n°29, 2014.— Entreprises et Histoire, n°1 à 80.— Histoire d’Entreprises, n°1 à 12.

Articles et ouvrages parus sur le sujet

— Albaret Laurent, « L’Adresse Musée de La Poste, des racines bien actuelles pour le groupe La Poste », Histoire d’Entreprises, n°9, 2011, pp.16-17.

— Assmann Jan, La mémoire culturelle, Paris, Aubier, 2010.— Batard Michel et alii, « Les usages du passé et de l’histoire au sein de gDF

SUEZ », Sociologies pratiques, n°29, février 2014, pp.19-23.— Batard Michel « De gaz de France à gDF SUEZ : histoire d’accompagner

le changement », Les Cahiers de la communication interne, n°31, décembre 2012, pp 11-13.

— Beltran Alain, Ruffat Michèle (dir.), Culture d’entreprise et histoire, Paris, Éditions d’organisation, 1991.

— Beltran Alain, Daviet Jean-Pierre, Ruffat Michèle, L’histoire d’entreprise en France. Essai bibliographique, Paris, Les Cahiers de l’iHTP, 1995.

— Bon Jérôme, Ourset Roger, « L’entreprise amnésique », Revue française de gestion, n°70, 1988, pp. 178-183.

— Carre de Malberg nathalie, Fridenson Patrick (dir.), Dossier « Histoires d’entreprises, pourquoi et comment ? », Entreprises et Histoire, n°29 bis, 2002.

— Caron François, Histoire de l’exploitation d’un grand réseau. La Compagnie des chemins de fer du nord, 1846-1937, Paris, Mouton, 1973.

— Charpentier Jean-Marie, Brulois Vincent, Refonder la communication en entreprise. De l’image au social, Paris, Fyp, 2013.

— Davallon Jean, Le Don du patrimoine : une approche communicationnelle de la patrimonialisation, Paris, Hermès Sciences-Lavoisier, 2006.

— De Froment Charles, « À quoi sert l’histoire des entreprises ? ‘We did not know we were so rational !’ », Tracés, n°10, 2010.

— Descamps Florence, Coeure Sophie, Lambert-Moreau Valérie, guide des comités

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d’histoire et des services historiques, Paris, Service d’information du gouvernement, 2002.

— Descamps Florence, L’historien, l’archiviste et le magnétophone, Paris, institut de la gestion publique et du développement économique, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005.

— Devetter François-Xavier, De Coninck Frédéric, « Conflits de temporalités dans les organisations », Temporalités, n°16, 2012.

— Fridenson Patrick, « L’entreprise face à son histoire : quel enjeu pour le management ? », Les Annales de l’École de Paris, n°1, 1994, pp. 285-290.

— Fridenson Patrick, Carre de Malberg nathalie, dossier « Histoires d’entreprises, pourquoi et comment ? », Entreprises et histoire, n°29 bis, 2002.

— Hartog François, Revel Jacques, Les Usages politiques du passé, Paris, Éditions de l’EHESS, 2001.

— Joutard Philippe, Histoire et Mémoires. Conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013.

— Labasse Pierre, « L’histoire, levier de communication », Les cahiers de la communication interne, n°30, juin 2012, pp.15-17.

— Marty nicolas, « Enjeux et usages de l’histoire d’entreprise : le cas de la Source Perrier », Tracés, n°10, 2010.

— Moyrand Claire, « Le Centre des archives du monde du travail », Histoire d’Entreprises, n°1, 2006, pp.63-73.

— nora Pierre, Les Lieux de mémoire, Paris, gallimard, 1984, rééd. 1997.— Pomian Joanna, Mémoire d’entreprise : techniques et outils de la gestion

du savoir, Paris, Éditions Sapientia, 1996.— Ricoeur Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Éditions du Seuil, 2000.— Roowaan Ries, A Business Case for Business History. How companies can profit

from their past. Amsterdam, Uitgeverij Boom, 2009.— Tassel Julien, « Que fait-on du passé dans les organisations ? », Sociologies

pratiques, n°29, février 2014, p.1-10.— Tassel Julien, « L’identité d’entreprise. Réponse du management à l’accélération

sociale », Communication, n°31, 2013.

Webographie

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— Bonardi Christine [en ligne], « Représentations sociales et mémoire : de la dynamique aux structures premières », Connexions, n°80, 2003. http://goo.gl/zZp2Yv

— Cousserand-Blin isabelle [en ligne], « Sagas d’entreprise. Un continuum

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transgénérationnel », Communication et organisation, n°40, 2011. http://goo.gl/KwwmFq

— De giuli inès [en ligne], « Hermès, la maison en mouvement », Histoire d’Entreprises, n°12, 2015, pp.73-79 - http://goo.gl/3bTwqV

— Leclaire nadine [en ligne], « L’image interne d’entreprise : élément d’activation des ressources humaines », Communication et organisation, n°8, 1995. http://goo.gl/bmrXge

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— Ribeill georges [en ligne], « Histoire et culture d’entreprise sont-elles antino-miques ? Le cas de la SnCF », Communication et organisation, n°7, 1995. http://goo.gl/k2z22k

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— Torres Félix [en ligne], « Histoires et mémoires de l’entreprise », Communication et organisation, n°7, 1995 - http://goo.gl/Tv4vQr

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Créée en 1989, l’Afci est l’association française de référence en communication interne.

Elle regroupe près de 500 membres, professionnels de la communication représentant tous les secteurs d’activité, répartis dans toute la France.

L’Afci affiche une double ambition, d’une part renforcer la place de la communication interne dans les organisations et les pratiques de mana-gement, et d’autre part accompagner les évolutions de la communication interne pour en faire une fonction stratégique au service de la perfor-mance économique et sociale des entreprises.

Pour y parvenir, l’Afci offre à ses membres un espace de professionnalisation, d’échange, de rencontre et d’ouverture.

67 rue de Chabrol 75010 ParisTél. : 01 47 07 63 01

e-mail : [email protected]

Conception, réalisation : A Conseil www.aconseil.frIllustration de couverture : Tatiana Vasina

crédit photos : DRISBN : en cours • 25 e

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