Administration des médicaments oraux chez le patient bénéficiant d’une nutrition entérale
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Disponible en ligne sur
ScienceDirectwww.sciencedirect.com
Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 255–262
Revue générale
Administration des médicaments oraux chez le patient bénéficiantd’une nutrition entérale
Administration of oral medicines for patients with enteral nutrition
Sébastien Neuville a,∗, Damien Lannoy a,b, Catherine Delatre c, Lucie Bouchoud d
a Pharmacie centrale, CHRU de Lille, rue P. Marache, 59037 Lille cedex, Franceb Pharmacie galénique et hospitalière (EA4481), laboratoire de biopharmacie, faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques de Lille, rue Pr Laguesse,
59006 Lille cedex, Francec Unité transversale de soutien nutritionnel, centre hospitalier de Roubaix, 35, rue de Barbieux, 59056 Roubaix cedex, France
d Pharmacie des hôpitaux universitaires de Genève, 4, rue G.-Perret-Gentil, 1211 Genève 14, Suisse
Recu le 25 juin 2013 ; recu sous la forme révisée le 20 septembre 2013 ; accepté le 23 septembre 2013Disponible sur Internet le 26 octobre 2013
ésumé
L’administration des médicaments oraux chez les patients sous nutrition entérale est une problématique fréquente. La prescription doit être revuear le médecin afin d’éviter d’éventuelles administrations non indispensables et de l’adapter à l’administration par sonde. La voie orale lorsqu’ellest possible est à privilégier. Le choix de la sonde devrait intégrer la possibilité d’une administration médicamenteuse. Des précautions doivent êtreespectées pour éviter l’obstruction de la sonde ; certaines manœuvres de désobstruction sont recommandées. En cas d’administration par sonde,es formes liquides doivent être privilégiées, en tenant compte de certaines caractéristiques (viscosité, osmolarité) susceptibles d’entraîner un risque’occlusion ou d’intolérance digestive. Les formes orales à libération prolongée ou gastro-résistantes ne doivent pas être écrasées. L’administratione comprimés écrasés ou du contenu de gélules doit se faire en respectant des précautions permettant d’éviter les instabilités, interactions oubstructions. Les médicaments comportant une substance toxique doivent faire l’objet de précautions particulières.
2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
ots clés : Bon usage ; Incompatibilité ; Forme galénique ; Pratique clinique ; Sonde de nutrition
bstract
The administration of oral medications in patients receiving enteral nutrition is a common problem. The prescription must be reviewed by theoctor to avoid any unnecessary administration and adapt it to the tube administration. The oral route whenever possible is recommended. Thehoice of the tube should include the possibility of drug administration. Precautions must be observed to avoid tube obstruction, some operationsre recommended to unclog the tube. When administered by tube, the liquid forms should be preferred, taking into account certain characteristics
viscosity, osmolarity), which may cause a risk of obstruction or gastrointestinal intolerance. The oral sustained-release or enteric-coated formshould not be crushed. The administration of crushed tablets or capsule contents should be in accordance with precautions to avoid instabilities,nteractions or tube obstructions. Drugs containing a toxic substance must be subject to special precautions.2013 Published by Elsevier Masson SAS.
utritio
eywords: Clinical practice; Galenic form; Good practices; Incompatibility; N∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Neuville).
1
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985-0562/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.nupar.2013.09.009
n tube
. Introduction
Les patients bénéficiant d’une nutrition entérale (NE) sontouvent polymédiqués. La question de l’administration de divers
édicaments par la sonde se pose donc fréquemment pour deombreux professionnels de santé hospitaliers ou libéraux (infir-ier(ère)s) et pour les patients et leurs aidants à domicile. Un
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56 S. Neuville et al. / Nutrition cliniq
ésusage lié à cette situation a été mis en évidence dans deombreux audits [1–3]. Des recommandations aident à la prisen charge de cette problématique, en fournissant les niveauxe preuves [4–7]. Par ailleurs, la pharmacocinétique d’un cer-ain nombre de médicaments est susceptible d’être modifiéeorsqu’ils sont co-administrés avec la NE. L’objectif de cetteise au point est de proposer une méthode générale d’approche
e cette situation, chaque cas particulier relevant d’une instruc-ion spécifique.
. Sonde. . . mais administration orale
La présence d’une sonde ne doit pas systématiquementonduire à administrer l’ensemble du traitement sous formerale via ce dispositif. En effet, les formes galéniques agissant auiveau de la sphère buccale (comprimés orodispersibles, compri-és à action gingivale et sublinguale) doivent par définition être
dministrées selon leur mode d’application habituel. Les formesrales sèches (comprimés, dragées, gélules) peuvent parfois êtrevalées sans incidence par certains patients porteurs de sonde, en’absence notamment de trouble de la déglutition : c’est alors laoie à privilégier. En cas de trouble de déglutition, il convient dehoisir la forme galénique adaptée à la texture recommandée par’orthophoniste. La prescription doit pour chaque médicamentréciser la voie d’administration (orale ou par sonde).
. Revue du traitement
Une première approche de la question de l’administration desraitements médicamenteux par voie orale pour un patient sousE consiste probablement à passer en revue la ou les prescrip-
ions et vérifier la pertinence de l’ensemble des médicamentsrescrits. En effet, la polymédication évoquée ci-dessus résultearfois de l’addition de thérapeutiques issues de différentes pres-riptions au cours du temps, sans qu’un regard global soit parfoisorté sur le traitement complet résultant. Il est donc parfoisossible de suspendre ou d’arrêter un certain nombre de médi-aments oraux, de changer la voie d’administration (ex. : formesransdermiques) sans conséquence néfaste pour le patient, ce quiimplifie ainsi la gestion de l’administration de la prescription.nfin, il est important que le prescripteur adapte sa prescriptionour tenir compte de l’administration par sonde, en recherchantes formes galéniques adaptées à cette situation.
. Règles de prescription
Lorsque l’analyse a confirmé la nécessité de procéder à’administration médicamenteuse au moyen de la sonde de NE,a priorité doit alors être donnée aux formes liquides (solutions,uspensions, gouttes buvables, sirops. . .) mais également auxorme sèches prévues pour se dissoudre ou se déliter dans de’eau : comprimés effervescents (en veillant à agiter la solutionbtenue pour en éliminer le gaz carbonique et limiter ainsi le
isque de reflux), comprimés orodispersibles ou lyocs, sachets.l faut veiller dans la mesure du possible à éviter la présencee certains excipients (alcools, . . .) susceptibles de dénatu-er le matériau constitutif de la sonde ou d’induire des effetsdfi(l
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ndésirables. Il est cependant nécessaire de rester vigilant lorse l’emploi de formes liquides :
leur viscosité est parfois excessive et peut être à l’origine d’unrisque d’obstruction de la sonde : une dilution avec de l’eauest alors nécessaire ;
leur osmolarité est parfois trop importante et peut induireune intolérance digestive : il est alors nécessaire de diluerde la même manière. L’administration en bolus par voieorale de médicaments ayant une osmolarité supérieure à1000 mOsm/L peut conduire à un retard de vidange gastriqueresponsable de nausées et vomissements. L’osmolarité dessolutions ne devrait pas dépasser 600 mosm/L ;
le recours à une forme liquide moins concentrée (forme pédia-trique pour un adulte) nécessite parfois d’administrer desvolumes importants pour une même quantité de principe actif ;il faut cependant prendre en compte l’apport d’excipient quipeut devenir excessif et induire pour certains une intolérancedigestive (sorbitol, éthanol) ;
contrairement à une idée recue, les formes injectables ne sontpas toujours buvables. Elles peuvent être inadaptées du faitde la présence de certains excipients (huile de ricin, acidesou bases, etc.) ou de leur pH (risque de brûlures du tractusgastro-intestinal pour les solutions acides) ; une solution à pHextrême peut se complexer avec la NE et précipiter les pro-téines (ex. : phenytoïne = pH 12, doxycycline = pH 1,8–3,3).L’effet thérapeutique des médicaments injectables peut êtrediminué, voire annulé du fait de la dégradation du principeactif par l’acidité gastrique (oméprazole) ou d’une mauvaiserésorption liée à des problèmes de solubilité ou de stabilité(corticoïdes). Enfin, le prix des formes injectables est souventbeaucoup plus élevé que celui des formes orales.
. Écraser ou ne pas écraser : sources documentairest règles générales
En l’absence d’alternative, la question de l’écrasement d’unomprimé ou de l’ouverture d’une gélule pour administrationar la sonde peut se poser [8].
La modification de la forme galénique (broyage ou autre)’est généralement pas prévue dans le cadre des mentionségales d’utilisation du médicament (contenu dans l’autorisatione mise sur le marché [AMM]). Il s’agit là d’une utilisationors-AMM, engageant la responsabilité du prescripteur ; celaécessite que le prescripteur soit en mesure de justifier quea prescription est conforme aux recommandations, et devraitécessiter le consentement du patient.
Cette modification de la forme galénique est susceptible deodifier l’efficacité ou la survenue d’effets indésirables : il est
écessaire d’assurer une surveillance plus importante du patient.l n’existe pas de référentiel national ou européen précis etxhaustif sur le broyage ou pilage des formes sèches [9,10].l existe très peu d’études évaluant l’efficacité ou la sécurité
’emploi dans cette situation [11]. Pour 46 médicaments identi-és comme potentiellement administrés conjointement à la NETableau 1), la survenue d’incompatibilité entre le médicament,a NE et/ou la sonde employée a été évaluée, et le niveau deS. Neuville et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 255–262 257
Tableau 1Liste de 46 médicaments étudiés administrés conjointement à la nutrition entérale [12].
Médicament/DCI Recommandation Niveau de preuve
Aciclovir Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Aminophylline Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Amiodarone Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; administrationpendant les repas
Grade 2C
Amoxicilline acide clavulanique Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Atovaquone À administrer avec la NE pour absorption maximale Grade1A
Azithromycine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Carbamazépine Réduction de l’effet ; surveiller les taux sériques de carbamazépine Grade 2B
Cimétidine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2B
Ciprofloxacine Ne pas administrer de suspension au travers des sondes de nutrition entérale Grade 2B
Clindamycine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Ciclosporine Surveiller les taux sériques de ciclosporine Grade 2C
Diazépam Utiliser les comprimés de diazépam plutôt que la solution qui se fixe sur lesmatériaux de la sonde
Grade 2B
Diltiazem Favoriser l’emploi de comprimés à libération immédiate Grade 2C
Ésoméprazole Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 h après l’administration ; les granulesdoivent être administrés avec une seringue au travers de la sonde ; la suspensiondoit être diluée dans 15 mL d’eau agitée puis administrée via la sondenasogastrique
Grade 2C
Famotidine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Fluconazole Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade1A
Hydralazine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; surveiller latension artérielle
Grade 2B
Itraconazole Les patients sous IPP ou antihistamine H2 doivent recevoir la solution ; les patientsne recevant pas d’IPP ou d’anti-H2 doivent recevoir les gélules
Grade 2C
Lanzoprazole Les granules intacts provenant des gélules GR peuvent être mélangés avec desaliments acides et administrés via la sonde. Dans le cas d’une sonde de petitdiamètrea, préférer la suspension alcaline. Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et1 h après l’administration
Grade 2B
Lanthane Risque de précipitation avec la nutrition entérale, utiliser du carbonate de calcium Grade 2C
Lévétiracétam Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 1B
Lévofloxacine Si l’infection est sévère privilégier la forme IV ; sinon, arrêter la nutrition entérale1 h avant et 2 h après l’administration
Grade 2C
Lévothyroxine Si utilisation moins de 7 j, pas de changement d’administration du médicamentnécessaire ; si utilisation plus de 7 j, arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 haprès l’administration ; fonction thyroïdienne à surveiller toutes les semaines
Grade 2B
Linézolide Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade1A
Lorazépam Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Métoprolol Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Métronidazole Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Moxifloxacine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 1C
Mycophénolate Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Oméprazole Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 h après l’administration Grade 2B
Pantoprazole Pour l’administration de la suspension à libération retardée, arrêter la nutritionentérale 30 minutes avant l’administration. Ne pas broyer les comprimés enrobés
Grade 2B
Phénoxyméthyl-pénicilline (Pénicilline V) Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 h après l’administration ; des doses plusélevées doivent être administrées ou substituées avec l’amoxicilline
Grade 2B
Phénytoïne Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 h après l’administration ; il peut êtrejustifié d’augmenter la dose de phénytoine pour réduire l’interaction avec lesnutriments. La phénytoine IV ou fosphenytoine peut être employée ; il estrecommandé d’employer des formes en 2 prises par jour, pour limiter les tempsd’arrêt
Grade 2B
Posaconazole Le médicament doit être administré avec la nutrition entérale Grade 1B
258 S. Neuville et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 255–262
Tableau 1 (Suite)
Médicament/DCI Recommandation Niveau de preuve
Ranitidine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2B
Sévélamer Ne pas administrer avec la nutrition entérale ; substituer avec le carbonate decalcium
Grade 2C
Sirolimus Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; surveiller les tauxplasmatiques de sirolimus
Grade 2C
Sucralfate Ne pas donner conjointement à la nutrition entérale ; préférer IPP ouantihistaminique H2
Grade 2C
Tacrolimus Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; surveiller les tauxplasmatiques de tacrolimus
Grade 2B
Théophylline Arrêter la nutrition entérale 1 h avant et 1 h après l’administration ; privilégier lesformes à libération immédiate et surveiller de près les taux plasmatiques dethéophylline
Grade 2B
Valaciclovir Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Valganciclovir Pas de changement d’administration du médicament nécessaire Grade 2C
Valproate Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; cependant lestaux plasmatiques de valproate doivent être surveillés
Grade 2C
Vancomycine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire quand administrépar voie orale
Grade 2C
Voriconazole Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; cependant lesniveaux de voriconazole pour des traitements de plus de 7 jours devraient êtresurveillés
Grade 1B
Warfarine Pas de changement d’administration du médicament nécessaire ; les mélangescontenant des protéines de soja doivent être évités. Surveiller l’INR
Grade 2B
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E : nutrition entérale ; GR : gastro-résistantes ; IV : intraveineuse ; IPP : inhibirothrombine.a Calibre ≤ 10 CH, sondes de jéjunostomie.
reuves précisé dans une revue de la littérature [12]. Il en ressortue peu de données de compatibilité sont disponibles.
Pour bâtir sa propre base de données, au niveau de sa struc-ure de soins, il faut, dans la mesure du possible, s’appuyerur les bases de données fournissant la méthodologie, les réfé-ences et les sources, le nom de la spécialité (avec la formealénique) ainsi que les alternatives en cas d’impossibilité deroyage ou de coupage. Il faut privilégier les travaux portantur les médicaments utilisés dans son établissement. Lorsqueela est nécessaire, il peut être utile d’interroger le laboratoireabriquant le médicament.
Les bases de données disponibles s’appuient sur les infor-ations que communiquent les laboratoires. Il est possible de
iter comme référentiels des listes rédigées par plusieurs Obser-atoires régionaux des médicaments, des dispositifs médicauxt des innovations thérapeutiques (Omédit) sur le broyage desomprimés et l’ouverture des gélules :
la liste de l’Omédit Haute Normandie [13] ; la liste de l’Omédit de Poitou Charentes [14] ; la liste de l’Omédit Centre [15].
L’interprétation des données issues des laboratoires estariable ; trois cas de figure sont rencontrés :
le laboratoire affirme que la forme est broyable/ouvrable. . .
mais les paramètres de mise à disposition au niveau del’organisme peuvent être modifiés, sans présager d’une effi-cacité différente. Le niveau de preuves n’est pas précisé ;
••
e la pompe à protons ; INR : international normalized ratio, dérivé du taux de
les études cliniques n’ont que rarement été faites dans cesconditions ;
le laboratoire se protège réglementairement, en répondant quela forme n’est pas broyable/ouvrable. . . se fondant sur le seulfait que cela n’est pas prévu dans le RCP : cette réponse nefournit pas d’alternative pour le soignant ;
les données existent pour un médicament princeps mais paspour le médicament générique, sans niveau de preuve sur lecaractère transposable des données. En effet, la formulationdes génériques peut faire appel à d’autres excipients, voired’autres formes galéniques (p. ex. : le princeps est sous formede comprimé, et le générique sous forme de gélule). Parailleurs, les formulations des médicaments peuvent évoluerdans le temps.
Dans tous ces cas, la décision finale de broyer le comprimé ouas demandera une analyse « bénéfice-risque » qui doit prendren compte les aspects cliniques (importance du traitement) etharmaceutiques (risque réel pour le médicament concerné). Leroupe de nutrition pharmaceutique britannique (BPNG) a éditén ouvrage reprenant l’ensemble des formes sèches avec desnformations sur le broyage et l’administration des médicamentsia les sondes entérales [16]. La société ISMP, groupe américainndépendant d’étude sur les erreurs médicamenteuses édite etet à jour une liste de médicaments à ne pas écraser : « do not
rush list [17] ». Dans le cas de l’absence de données, il estossible de réaliser une analyse de risques en fonction :
de la forme galénique ; du risque toxique de la molécule.
S. Neuville et al. / Nutrition clinique et métabolisme 27 (2013) 255–262 259
Tableau 2Appellations et particularités des principales formes galéniques gastro-résistantes [23].
Appellation Signification Forme galénique Particularité
EC Enteric coated Gélules avec pellets gastro-résistants Protection contre une dégradation du principe actif à pH acideEM o-rési
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N Enteric coated Dragées gastro-résistantesUPS Multiple unit pellet system Comprimé avec pellets gastr
Les formes à libération prolongée (LP) ne doivent a prioriamais être broyées, leur cinétique de libération du principe actifépendant étroitement de l’intégrité de la forme galénique. Cesormes à libération modifiée ou prolongée peuvent se présenterous diverses appellations (Tableaux 2 et 3). Certaines formesontiennent des quantités plus importantes pour permettre uneibération continue : le broyage peut induire des surdosages chezes patients exposés [8]. Le recours à une forme à libérationmmédiate adaptée à une administration par la sonde doit êtrenvisagé, en prenant cependant en compte la nécessaire adapta-ion de posologie.
Les formes gastro-résistantes ne doivent également jamaistre broyées pour administration via une sonde dont l’extrémitéerait située en site gastrique, au risque sinon d’une dégrada-ion du principe actif voire d’une toxicité gastrique. On peut, enevanche, l’envisager si la sonde émerge en site jéjunal.
Certaines gélules LP ou gastro-résistantes reposent sur’emploi de micro-granules possédant la propriété en question,e sorte que leur ouverture est possible. Cependant, la disper-ion de ces micro-granules dans de l’eau les fait se gonfler,evenir adhérentes entre elles et entraîne un risque important’obstruction de la sonde : cette pratique n’est donc pas recom-andée. Lors de l’administration de micropellets ou granules,
a taille des pellets devrait être nettement plus petite que le dia-ètre interne de la sonde pour éviter une obstruction (environ
:3).
. Sonde : laquelle choisir ?
Les critères de choix d’une sonde de NE intègrent rarementa nécessité de procéder à des administrations médicamenteuses
éLng
ableau 3ppellations et particularités des principales formes galéniques à libération prolongé
ppellation Signification
hrono –
IR Controlled ileal release
R Controlled release
R Dual release
R Extended release
AS Facilitated absorption system
A Long acting
R Modified release
ROS Oral osmotic system
R Prolonged release
etard
R Slow release
RO Slow release oral
no
OK Zero order kinetic
Protection de l’estomac en cas d’intolérance au long coursstants Protection contre une dégradation du principe actif à pH acide
travers elle, alors qu’il s’agit d’une pratique courante. Lesrincipes généraux suivants s’appliquent de la même manièreux sondes nasogastriques et aux sondes ou boutons de gastro-t jéjunostomie. Pour ces derniers, les diamètres sont souventlus élevés que les sondes nasogastriques.
Le choix du matériau constitutif de la sonde a des conséquen-es sur l’altération de la structure interne de la sonde, commeela a été montré in vitro [19]. Les sondes en polyuréthane sontrobablement les plus adaptées à une administration médica-enteuse :
pour un même calibre externe, la lumière interne est supé-rieure par rapport au silicone ;
le polyuréthane présente une excellente inertie chimique faceau risque d’interaction avec le principe actif. Les sondesen PVC, qui ne sont de toute facon pas indiquées en NEmais réservées à l’aspiration digestive, présentent un risqued’interactions avec certains médicaments (carbamazépine,tacrolimus, . . .). Les sondes en silicone ont une inertie chi-mique probablement encore supérieure [18].
Le choix de la charrière de la sonde nasogastrique est leésultat d’un compromis : les recommandations chez l’adulteont en faveur de l’emploi de sondes nasogastriques de char-ière 8 à 10, au maximum 12 [20] : plus le calibre est faible (8 à0 CH), meilleure est la tolérance de la sonde (et probablement’observance de la NE) mais plus le risque d’obstruction est
levé (une charrière de 8 correspond à un diamètre de 2,64 mm).e problème peut également se poser avec les sondes de jéju-ostomies, en revanche les sondes à ballonnet et boutons deastrostomie ont souvent un calibre supérieur (CH > 12, le pluse [23].
Forme galénique
Comprimé pelliculéGélules avec pellets gastro-résistants et retardComprimé osmotiqueComprimé triple coucheGélules avec pellets retardComprimé enrobé gastro-résistantGélules avec pellets retardCompriméComprimé osmotiqueGélule avec pellets retardComprimé filméComprimé filméGélules avec poudre formant un gel par hydratationGélules avec pellets retardComprimés avec pellets retard
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ouvent de 16 chez l’adulte). Plus la charrière sera faible, plusl conviendra donc d’être vigilant vis-à-vis de la fréquence et de’abondance des rincages.
. Administration par la sonde : précautions
.1. Prévention de l’obstruction
La préparation médicamenteuse liquide à administrer doittre la plus homogène et la plus fluide possible, afin d’éviter’obstruction des œillets de la sonde par d’éventuelles particulesssues de la forme suspension, de comprimés mal broyés ou’interaction entre plusieurs médicaments. Il est impératif derocéder au rincage régulier de la sonde lors de l’administration
e la NE, et avant toute administration de médicament, entrehaque médicament, et après le dernier médicament avec unolume d’eau suffisant (Fig. 1).iqt
Médicamentliquide
• Diluer (min 1:1)
• Bien agiter (suspension)
Stopper la nutrition entérale et rincer la tubu
Médicament à prendre à jeun strict : attendre au m
• Me (év
• Ec pro
• Pr d’epo
• Mo semé
Comprimés effervescents/ oro-dispersibles
• Dissoudre dans 10-15 ml d’eau
• Remuer afin d’enlever le gaz carbonique
Administre
Administrer chaque médicament s
Rin cer l a tubulure avec 10 – 15 m
Reprendre l’alim
Médicament à prendre à jeun strict: attendre min
Après l’administration du de Rin cer l a tubulure avec 2
ig. 1. Modalités pratiques d’administration des médicaments par la sonde de nutriti21].
métabolisme 27 (2013) 255–262
.2. Technique de désobstruction
Il ne faut jamais employer de guide au risque de déchirer laonde, voire de perforer l’œsophage en cas de sonde nasogas-rique. Il faut en premier vérifier le positionnement de la sondetorsion). Si celui-ci est correct il faut aspirer ce qui pourrait êtreontenu dans la sonde, puis administrer de l’eau tiède (5 ml ; leus d’orange ou d’ananas, ou un soda de type cola constituent deslternatives en cas d’échec) avec une seringue de grande capacité20 mL minimum afin d’éviter les surpressions pouvant entraînerne rupture de la sonde), puis clamper pendant 5 minutes ; enfinxercer une légère pression puis réaspirer. Il faut noter que lesodas à base de cola sont cependant très acides (pH de 2,5) et sus-eptibles de faire coaguler certaines protéines. En cas d’échec,l faudra changer la sonde. Des données in vitro [19] montrent
ue les solutions à base de bicarbonate, d’enzymes pancréa-iques (Créon®) ou de papaïne sont susceptibles d’avoir un effetGélules
• Mettre des gants (éventuel. un masque)
• Ouvrir
• Récupérer la totalité de la pou dre à l’ intérie ur et mettre da ns un gobe let
• Prélever avec 10-15 ml d’eau
lure avec 20 - 30 ml d’eau
oin s 30 minutes après l’arrêt de la nutrition
Comprimés
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30 minutes avant la reprise de la nutrition
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on entérale chez l’adulte (le volume de rincage étant plus faible chez l’enfant)
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élétère sur le polyuréthane, notamment en cas d’expositionsépétées.
.3. Modalités d’administration
Lorsqu’une poudre issue de l’écrasement d’une forme oraleèche ou de l’ouverture d’une gélule doit être administréear sonde, les précautions suivantes doivent être respec-ées :
toute modification de la forme galénique originelle (écrase-ment, ouverture, dilution) doit être réalisée sur un plan detravail facilement nettoyable, et extemporanément, soit auplus proche possible de l’administration ;
il ne faut jamais ajouter de médicaments dans le mélange deNE ;
la mise en solution ou suspension doit se faire avec de l’eaude boisson (environ 15 à 30 mL), selon osmolarité [4] ; lasolution ou suspension doit être mélangée avant adminis-tration et la seringue doit être maintenue dans la mesuredu possible à l’horizontale pendant l’administration, afinde réduire la sédimentation du produit dans le fond de laseringue ;
il est préférable de ne pas écraser plusieurs médicaments enmême temps et de les administrer séparément en rincant avec10 à 15 mL d’eau entre chaque administration [4] ;
l’ensemble des dispositifs ayant servi à la préparation de lapoudre (écrase-comprimé, mortier, pilon) doivent être rincésavec de l’eau qui servira à l’administration, afin que la totalitéde la dose soit bien récupérée ;
la sonde doit être rincée avant et après l’administration demédicaments, avec un volume minimum de 20 à 30 mL, laNE ayant été préalablement interrompue ; ce flush peut êtreréduit à 5 mL, notamment en pédiatrie ou en cas de restrictionhydrique ;
il est nécessaire de tenir compte du volume quotidien totald’eau de rincage apporté, notamment chez le patient à risquede surcharge hydrique ;
les seringues orales ou entérales doivent être privilégiées pourl’administration de la suspension résultante, afin d’éliminertout risque de connexion erronée et d’administration parenté-rale (IV, SC, IM) ;
les spécialités présentant un risque pour le manipulateur nedevraient être préparées que dans des locaux pharmaceutiquesdédiés [22] :◦ surtout les substances à risque toxique (anticancéreux,
acide rétinoïque et dérivés, hormones et ocytociques,immunosuppresseurs, certains antiépileptiques. . .),
◦ dans une moindre mesure, les anti-infectieux à risque derésistance et substances à risque allergique (anti-infectieux[bêtalactamines]) ;À défaut, le port de masques et de gants est recommandé
pour se prémunir du risque d’inhalation [5] ;
il faut aussi noter que les pharmaciens peuvent transfor-mer certains médicaments sous forme sèche en suspensionsbuvables, parfois stables plusieurs semaines, voire plusieursmois [8].
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. Précautions particulières
Une attention particulière doit être portée à l’administrationes médicaments devant être administrés à jeun [23]exemples : biphosphonates, fer, levothyroxine, rifampicine,étracyclines. . .). Par ailleurs, la biodisponibilité de certains
édicaments (exemples : AVK, quinolones, carbamazépine,hénytoïne, théophylline) est réduite lors d’une administra-ion concomitante avec de la NE [24] : la NE doit alors êtrenterrompue au minimum 30 minutes avant l’administration desédicaments, et n’être reprise qu’au minimum 30 minutes après
4] ; il convient d’être particulièrement vigilant aux rincagesratiqués avant et après administration et des adaptations poso-ogiques peuvent alors se justifier.
éclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.
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