Actes - groupe-sma.fr · §Président de la cOPREc construction ... (Editions du Moniteur). ETIENNE...

Actes

20 octobre

2011

Colloque « Les risques liés à la mutation du bâtiment »

Actes du colloque EXCELLENCE SMA - 20 octobre 2011

Premier assureur construction en France, la SMABTP dispose d’une expertise et d’un savoir-faire lui permettant de jouer un rôle spécifique pour accompagner tous les projets des entrepreneurs du BTP. Fidèle à sa vocation, la protection mutualiste des acteurs du BTP, elle accompagne dans une démarche permanente de prévention des risques.

La création de la fondation ExcELLEncE SMA, en 1994, se situe dans le prolongement de cette action. Son objectif est de promouvoir la qualité et la sécurité sous toutes ses formes, notamment dans le domaine de la construction, auprès des professionnels mais aussi des jeunes en formation.

Concrètement, cela passe par :

• la sensibilisation du plus grand nombre de professionnels du BTP au coût de la non qualité ;

• l’encouragement à la généralisation de comportements de prévention des sinistres ;

• la meilleure compréhension des pathologies.

ExcELLEncE SMA rassemble de nombreuses compétences au sein de son conseil d’administration et est au cœur d’un réseau de partenaires reconnus pour leur professionnalisme dans le domaine d’activité de la fonda-tion. Ce réseau couvre un large spectre des différents acteurs du monde de la construction.

Ses actions dans le domaine de la promotion de la qualité sont très variées : recueil de fiches pathologies du bâtiment en partenariat avec AQC (Agence Qualité Construction), formations sur la prévention, édition, col-loques, réunions sur la pathologie…


PRÉFACE

Les discussions et les lois nées du Grenelle de l’environnement ont impulsé, depuis 2007, une dynamique importante en France. Son ampleur a atteint un niveau insoupçonné en partie dû au fait que les réflexions et désirs de la société française sur le développement durable et la nécessaire économie de nos ressources natu-relles convergeaient avec une volonté politique unanime.

Le projet a déclenché un processus de changements dans notre pays à la fois sur le plan économique, sociétal, technologique et territorial.

Les dispositifs votés ont changé la donne pour le monde de la construction en :

- favorisant le développement d’un urbanisme économe en ressources foncières et énergétiques,

- organisant la mise en œuvre de ruptures technologiques dans l’habitat neuf et ancien,

- déployant de nouvelles règlementations pour mieux maîtriser la qualité de l’air, l’accessibilité, la résistance aux aléas sismiques et la performance thermique et énergétique.

Par ce rendez-vous annuel, notre fondation poursuit un objectif vertueux en phase avec sa raison d’être : détec-ter les difficultés et les points de faiblesses que pourraient impliquer ces mutations et imaginer avec l’ensemble des acteurs de la construction des solutions pour prévenir les pathologies de demain.

Ce document retrace fidèlement les réflexions échangées lors du colloque du 20 octobre 2011. Que tous ceux qui y ont contribué soient remerciés.

Bonne lecture à toutes et tous et rendez-vous le 9 octobre prochain pour une nouvelle journée de débats !

�� Fabienne TIERCELIN

Déléguée générale ExcELLEncE SMA


GERARD LAURENT§ Président de la fondation ExcELLEncE SMA§ Administrateur et Président du comité d’audit de la SMABTP.

§ Administrateur et membre du comité d’audit de la SGAM BTP.

ALAIN MAUGARD§ Président de Qualibat.§ Ancien Président du comité opérationnel (COMOP) « Bâtiments neufs publics et privés » du Grenelle de l’environnement.§ Ancien Président du cSTB (centre Scientifique et Technique du Bâtiment).

PHILIPPE DRESTO§ Président et Associé de l’OnTSBTP (Observatoire national des Travaux et Services liés au BTP).§ Responsable développement et marketing au sein de différentes entités opérationnelles du groupe SPIE pendant près de 10 ans.

JEAN-FRANÇOIS BERTINETTO§ Directeur d’ ID MAP (Mat ière A Penser), cabinet d’études qualitatives consommateurs global.

GUILHEM DUPUY§ Chercheur à l’École normale supérieure de Cachan, spécialisé dans les marchés immobiliers.§ Auteur de plusieurs études pour l’Agence nationale pour l’information sur le logement (ANIL) et pour la Fédération Française du Bâtiment (FBB).

NICOLAS FAVET§ Créateur de NFA (Nicolas Favet Architecture).§ Expert et consultant sur les questions de Haute Qualité Environnementale® auprès du PUCA (Plan Urbanisme, Construction, Architecture) et du PREBAT (Programme de Recherche et d’Expérimentation sur l’Energie dans le Bâtiment).

BERNARD ROTH§ P ré s iden t - fonda teu r de Pé r ic lè s Développement, société de promotion immobilière dédiée aux bâtiments BBC et passifs.§ Président d’honneur d’AMO (Architecture et Maîtres d’Ouvrage).§ Carrière consacrée à la promotion immobilière.

PAUL BREJON§ Directeur des affaires techniques de la FFB (Fédération Française du Bâtiment).§ Secrétaire général du Conseil des Professions de la FFB.§ Ancien Président de l’AICVF (Association des Ingénieurs en Climatique, Ventilation et Froid).

JACQUES JESSENNE§ Président de la cOPREc construction (Con fédé ra t i on de s Organ i smes indépendants tierce partie de Prévention, de Contrôle et d’Inspection).§ Président de l’AQC (Agence Qualité Construction).§ Membre du Directoire de Socotec SA.

DANIEL LEMAITRE§ Directeur au sein du Groupe SMABTP.§ Ex -P rés iden t de la commiss ion « Construction » de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA), en charge du groupe de travail sur la performance énergétique.

GWENAËLLE DURAND-PASQUIER§ Professeur agrégé de droit privé à l’Université d’Artois, juriste spécialiste du droit de la construction et de l’immobilier.§ Ancien Maître de conférences à l’Université de Rennes I.§ Auteur de nombreuses communications et publications sur le droit de la construction et de l’immobilier.

REMI PORTE§ Juriste à la Direction juridique et fiscale de la FFB (Fédération Française du Bâtiment).§ Chargé d’enseignement à l’Université Paris XI et Paris Dauphine.§ Auteur de « L’assurance construction », ouvrage écrit avec François-Xavier Ajaccio et Albert Caston (Editions du Moniteur).

ETIENNE CREPON§ Directeur à la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) de la Direction Générale de l’Aménagement du Logement et de la Nature (DGALN) - Ministère de l’Ecologie, du Développement durable, des Transports et du Logement.§ Ingénieur en chef des Ponts et Chaussées.

Philippe ROCHER - Animateur§ créateur et Directeur du cabinet METROL depuis 1984.§ Consultant senior en énergies renouvelables et maîtrise de l’énergie.

INTERVENANTS

OuvertureGérard LAURENT Président de la fondation ExcELLEncE SMA �� p.1

Premier temps : quels sont les besoins et les attentes du consommateur d’habitat ? ��Restitution d’enquêtes sur les attentes des consommateurs et donneurs d’ordresPhilippe DRESTO Directeur associé OnTSBTP�� p.5

Jean-François BERTINETTO Directeur ID MAP�� p.8

Industrialisation du bâtiment : quelles limites ?Guilhem DUPUY Chercheur à l’Ecole normale supérieure de Cachan �� p.11

Réaction du grand témoin �� p.13

Alain MAUGARD Président de Qualibat - Grand témoin du colloque

Les réactions �� p.15

Deuxième temps : quelles mutations pour le bâtiment ? ��L’approche de l’architecteNicolas FAVET Architecte - NFA �� p.21

L’approche du maître d’ouvrageBernard ROTH Président d’honneur d’AMO �� p.23

L’approche de l’entreprisePaul BREJON Directeur technique de la FFB �� p.25

L’approche des contrôleurs techniquesJacques JESSENNE Président de la coprec et de l’AQc �� p.28

Réaction du grand témoinAlain MAUGARD �� p.30


Troisième temps : les régimes de responsabilités et d’assurance doivent-ils s’adapter ou évoluer ? ��Daniel LEMAÎTRE Directeur SMABTP - Ex-Président de la Commission «Construction» de la FFSA, �� p.37

L’approche doctrinaleGwenaëlle DURAND-PASQUIER Professeur agrégé de droit privé à l’Université d’Artois �� p.39

L’approche des constructeursRémi PORTE Direction juridique et fiscale de la FFB �� p.43

L’approche des assureursDaniel LEMAÎTRE �� p.47

Réaction du grand témoinAlain MAUGARD �� p.49


ClôtureEtienne CREPON Directeur à la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) �� p.57

SOMMAIRE

Ouverture

1 | Actes du colloque EXCELLENCE SMA - 20 octobre 2011

Gérard LaurentPrésident de la

fondation excellence SMA

Ouverture

Messieurs les Présidents,

Messieurs les directeurs généraux,

Mesdames, Messieurs,

Chers Amis,

Je suis heureux et fier de vous accueillir aujourd’hui à l’occasion de ce 2ème colloque organisé par la fonda-tion ExcELLEncE SMA sur le thème des mutations du bâtiment et plus particulièrement du logement, qu’il soit collectif ou individuel.

Depuis plus de 30 ans, la société française connaît des bouleversements importants à l’instar des autres pays. Ce phénomène s’amplifie et s’accélère.

Ses habitants en consommateurs avertis sont de plus en plus exigeants, soucieux de leur bien-être et de leur santé, tout en étant désireux de faire des économies.

Il en va ainsi de leur logement.

Parce que l’achat d’un logement constitue pour la plu-part d’entre nous l’un des actes majeurs de notre vie, ce bien concentre toutes les attentions. Il doit être confortable, sécurisant, convivial, fonctionnel, perfor-mant et économe.

Parallèlement, le secteur du bâtiment traverse une période charnière.

Actes du colloque EXCELLENCE SMA - 20 octobre 2011 | 2

Après une longue série d’innovations techniques et technologiques impulsées notamment par les exigences exprimées par les consommateurs, il doit faire face à une évolution des contraintes sans précédent.

La crise économique, financière et monétaire, qui s’installe durablement en Europe et en Amérique, réduit les capacités des États et rend les financements des projets plus incertains.

Les préoccupations écologiques et environnementales sont désormais incontournables.

Les dispositifs législatifs et réglementaires qui témoignent de ces évolutions de la société et des besoins des consommateurs intègrent le déve-loppement durable.

Parmi quelques exemples de réglementations, on peut citer :

- l'accessibilité des bâtiments à tous les handicaps,

- la qualité de l'air intérieur et de l'eau,

- la protection optimale contre les risques naturels, comme l'aléa sismique,

- le confort acoustique,

- la qualité durable des matériaux et des équipements,

- la performance énergétique.

L'on peut et l'on doit s'interroger sur ces mutations.

consti tuent el les une évolution ou bien une révolution ?

Qu'attendent exactement les habitants de leur futur logement ?

Comment doivent se préparer toutes les parties à l'acte de construire ?

Comment prévoir et anticiper tous les risques futurs de pathologies qui accompagneront les changements dans l'art de construire ?

Quels points devront être particulièrement surveillés ?

Comment intégrer les comportements des occupants de ces logements dans la performance du bâti ?

Quels dispositifs peut on imaginer pour protéger le consommateur sans toutefois le déresponsabiliser ?

Toutes ces questions seront débattues cet après midi entre nos invités. Tous sont d'éminents spécialistes en tant qu'acteurs de la construction.

Notre grand témoin, ALAIN MAUGARD, saura comme à l'accoutumée réagir avec talent et susciter les réactions du public que j'espère nombreuses.

Sans plus tarder je passe la parole à PHILIPPE ROCHER pour l'ouverture des débats que je souhaite fructueux et enrichissants pour tous.

Premier temps

Les besoins et les attentes du consommateur d’habitat


Philippe DrestoDirecteur associé de l’ONTSBTP

Premier temps

Restitution d’enquêtes sur les attentes des consommateurs et donneurs d’ordres

La simple existence du Grenelle de l’environnement n’entraîne pas de facto la création d’un marché

PHILIPPE ROCHER ��

L’efficacité en 2020, c’est quoi ? Quels sont les leviers ? Quels scénarii sont envisageables ?

Les résultats que je vais vous présenter sont issus d’un groupe de tra-vail que j’ai l’honneur d’animer depuis plus de deux ans. Ce Club 3E (Eco-Efficacité Energétique) s’attache à identifier les impacts du Grenelle de l’environnement sur la filière bâtiment.

Cette question émane d’entrepreneurs membres d’Unions de la Fédération française du bâtiment (FFB). Elle a été posée en 2009, alors que les professionnels ne voyaient pas encore les effets des annonces du Grenelle. À l’époque, elles étaient supposées capables de nous « sauver de la crise ». Elles portaient, en germe, les marchés de l’avenir, auxquels il convenait de se préparer.

Les quatre conditions pour que le marché de l’éco-efficacité énergétique se développeJ’ai orienté ma présentation des réflexions de ce groupe de travail en tenant compte du thème du colloque d’aujourd’hui. Je me suis concentré sur les dimensions sociologiques et comportementales des relations aux donneurs d’ordre. Cette dernière catégorie abrite, dans sa grande majorité, des particuliers. Ma démarche consiste par exemple à étudier les motivations des personnes prêtes à s’endetter pour réaliser des économies d’énergie.

Revenons, dans un premier temps, sur les piliers du Grenelle de l’envi-ronnement. Les facteurs à prendre en compte pour les des dix prochaines années sont nombreux : contexte géopolitique et économique, prix de l’énergie, évolutions technologiques, certification et qualification, problématiques juridiques et de filière…


Pourquoi le marché ne se développe-t-il pas aussi vite que prévu ? Notre réflexion a finalement retenu quatre leviers fondamentaux à son émergence.

• Elle suppose, en premier lieu, une conjoncture favorable. Prenons l’exemple d’un chauffagiste menacé sur ses positions traditionnelles. Il ne sera pas tenté de se lancer dans une technologie plus complexe, qu’il maîtrise moins bien, en cas de difficultés financières.

• Deuxième levier : pour que ce marché se développe, le prix de l’éner-gie doit être suffisamment cher. Il est effectivement moins motivant de chercher à réduire la consommation d’une ressource bon mar-ché… À l’heure actuelle, l’énergie coûte-t-elle assez cher, en France, pour que l’on cherche prioritairement à l’économiser ? Quel est l’inté-rêt de réduire les émissions de carbone s’il est gratuit ?

• Troisième levier : le Grenelle procède de la volonté des Pouvoirs publics d’orienter la filière du bâtiment et de se lancer dans cette nouvelle dynamique. Pour donner le coup d’envoi au marché, l’Etat a introduit des contraintes réglementaires. Des incitations financières et fiscales sont également prévues dans le dispositif.

• Enfin, il faut des partenaires financiers actifs et les banques doivent donner leur accord pour financer les équi-pements nécessaires.

L’espoir de la rénovation de logementsSi la situation n’évolue pas, nous nous orientons vers un développement modeste de la filière. Si elle vise l’éco-effi-cacité énergétique, elle ne l’atteint pas au niveau souhaité, ni au rythme attendu. Sa croissance avoisine 5% par an.

On l’a vu, le deuxième levier pour développer ce marché s’appuie sur un renchérissement de l’énergie autour de l’approvisionnement en pétrole, en gaz et en charbon. S’il venait à se concrétiser, les investis-sements seraient réalisés dans la douleur, faute de pouvoir être financés sereinement. Cette croissance forcée serait alors comprise entre 8 à 9 points par an.

À plus long terme, la situation pourrait être plus favorable. La croissance pourrait être de retour et le prix de l’énergie plus élevé. L’Etat et les banques joueront probablement le jeu. Dans ces conditions, le marché émergerait.

La rénovation de 4 millions de logements en France, un des objectifs du Grenelle, permettrait également de relancer le secteur.

Cet exercice, entrepris pendant la première année du fonctionnement du groupe de travail, prouve une chose : la simple existence du Grenelle n’entraîne pas automatiquement la création d’un marché.

Comment faire le tri entre des informations contradictoires


Quelles sont les idées reçues par rapport au comportement du consommateur résidentiel tertiaire ?

Les idées reçues du donneur d’ordre sont nombreuses.

Elles sont tout d’abord d’ordre patrimonial et financier. L’investisseur est persuadé qu’un équipement peu oné-reux ne lui fera pas réaliser d’économies substantielles puisque l’énergie n’est pas assez chère.

Des freins techniques demeurent par ailleurs. Certains prétendent que ces démarches sont trop complexes.

Qui plus est, d’aucuns ne savent pas faire le tri entre les informations environnementales contradictoires qui cir-culent. Un particulier peine parfois à évaluer la dangerosité réelle du nucléaire. Il n’établit pas toujours de lien entre les problématiques énergétiques et ses installations. En somme, de nombreuses idées fausses se bousculent.

À l’heure actuelle, l’énergie coûte-t-elle assez cher, en France, pour que l’on cherche prioritairement à l’économiser ? Quel est l’intérêt de réduire les émissions de carbone s’il est gratuit ?

Si la situation n’évolue pas, nous nous orientons vers un développement modeste de la filière. Si elle vise l’éco-efficacité énergétique, elle ne l’atteint pas au niveau souhaité, ni au rythme attendu. Sa croissance avoisine 5% par an.


Une conversion à l’écologie conditionnée aux ressources financièresNotre étude pointe l’ambivalence des Français en matière d’environnement. Si l’on en croit les médias, nous serions tous devenus des écologistes convaincus. Pourtant, la nature des travaux réelle-ment entrepris contredit cette première impression. Si la conversion à l’écologie donne une bonne image de soi-même, elle est d’abord conditionnée aux res-sources financières du foyer. Les équipements seront ajustés en fonction de l’argent disponible.

Le retour sur investissement, qui contraste avec les velléités environnementales de la population, reste encore le maître mot du marché. La population peine, en outre, à se projeter vers le bénéfice de ces installa-tions. Les Français gèrent leur budget au jour le jour en cette période de crise…

À l’inverse, le marché ne se situe pas dans ce très court terme. Il émerge lentement, sous la contrainte. Il impose à ses consommateurs de « prendre sur eux » en économisant de l’énergie. Un fabricant de chau-dière m’a par exemple expliqué qu’il vendait essen-tiellement des chaudières au fioul en dépit d’une offre innovante sur le plan environnemental.

Pour prendre sa décision, le consommateur a besoin d’une information complète et cohérente. Il faut donc que cesse la cacophonie ambiante. Il suffit d’aller à un salon sur l’énergie pour constater à quel point les messages délivrés au particulier sont dissonants et difficilement compréhensibles. Toutes les énergies y sont présentées et… valorisées.

Une nécessité : proposer des offres plus cohérentesL’efficacité énergétique n’est toujours pas perçue comme un levier important et pertinent de dévelop-pement du marché. Les dimensions de confort non contraintes et économique priment aujourd’hui. Il est difficile de situer les dispositifs destinés aux proprié-taires et aux locataires. Enfin, le problème du finance-ment demeure.

Les offres doivent enfin devenir plus cohérentes, plus globales et moins coûteuses. Il faut cesser de raison-ner en termes climatiques, électriques ou d’isolation. Les acteurs de la filière, fabricants et distributeurs, sont prêts. Ce secteur en pleine émergence est sou-tenu par de multiples leviers. Veillons cependant à ne pas vouloir aller trop vite. La musique n’en sera que plus belle.

Il suffit d’aller à un salon sur l’énergie pour constater à quel point les messages délivrés au particulier sont dissonants et difficilement compréhensibles. Toutes les énergies y sont présentées et… valorisées.

Ce secteur en pleine émergence est soutenu par de multiples leviers. Veillons cependant à ne pas vouloir aller trop vite. La musique n’en sera que plus belle.


Premier temps

Restitution d’enquêtes sur les attentes des consommateurs et donneurs d’ordres

Jean-François BertinettoDirecteur d’ID MAP


Quelles sont les attentes des acquéreurs en matière d’énergie et de chauffage telles qu’elles apparaissent dans votre enquête ? Quel est le ressenti des usagers ? Comment les utilisateurs le vivent-ils ? Quels sont les leviers d’amélioration ?

Je vais vous présenter les résultats d’une étude portant sur les comportements des consommateurs en matière d’énergie au gaz. Elle a été menée auprès de clients déjà équipés d’une citerne, mais aussi auprès de pros-pects engagés dans des projets de construction et réfléchissant sur leur choix en matière d’énergie.

Ces travaux ont permis d’identifier un paradoxe. Alors que l’énergie au gaz via une citerne présente des atouts - je vais en présenter trois -, les comporte-ments et les attitudes des consommateurs s’inscrivent dans une logique de délégation de la décision.

• Premier atout : à l’usage, cette solution énergé-tique satisfait ses utilisateurs. Elle fonctionne bien, ne pose pas de problème d’entretien. Ses modes de réapprovisionnement sont maîtrisés et elle ne nécessite pas d’investissement lourd. Le bénéfice chaleur ressort positivement, à l’image de son image prix. Elle se distingue des autres sources d’énergie comme l’élec-tricité, réputée plus coûteuse.

• Autre atout : l’énergie au gaz véhicule une image de bien-être et de confort. Enveloppante, elle semble par-ticulièrement adaptée aux grands espaces et plus « chaude » que d’autres énergies. Cet imaginaire positif s’enrichit également de la perception d’une meilleure qualité de la cuisine au gaz - une considération très concrète et importante chez les Français...

• Enfin, l’énergie au gaz renvoie l’image d’une énergie propre, même si elle n’est pas citée en premier de façon spontanée. Elle est seulement devancée par le solaire ou le géothermique.

Faire de la citerne à gaz un objet « intelligent » est au cœur du processus de gestion de l’énergie du foyer


Une étonnante distanciationLe gaz jouit d’une réelle légitimité sur le terrain des énergies « green », auxquelles le consommateur est de plus en plus sensible. Il n’induit pas d’effet nuisible sur l’environnement ou de problèmes liés à la ges-tion des déchets. Il n’est pas perçu comme polluant, contrairement au fioul, et n’est pas associé par les consommateurs au nucléaire, à l’image de l’électricité.

Malgré ce réel potentiel, le niveau d’implication de la population à l’égard des offres et des acteurs de ce mar-ché est faible. Cette attitude est observée chez des consommateurs équipés comme non équipés d’une citerne. Elle se manifeste par une sorte de « désinvestissement » et une distanciation. Quand les sondés sont invités à restituer leurs connaissances sur le fonctionnement de cette énergie ou les acteurs de ce marché, elles restent approximatives. Ils n’expriment pas non plus d’attentes spécifiques sur cette énergie, alors même qu’ils ont conscience de l’importance de la dynamique énergétique dans l’habitat.

Résultat : les prospects préfèrent déléguer la prise de décision en matière de choix énergétique à des tiers qu’ils estiment plus experts qu’eux. Les personnes équipées ont, pour leur part, tendance à ne plus s’occuper de leur citerne et à s’en satisfaire pleinement. Ce sujet ne fait jamais réellement partie des préoccupations de chacun.

La citerne à gaz, un mode énergétique souvent choisi par défautComment comprendre ce phénomène de déresponsabilisation, de délégation, de prise de distance ?

• Il apparaît d’abord que la problématique énergétique est traitée après les exigences esthétiques liées à la construction de la maison. Elle passe au second plan, même si les Français ont conscience de son importance. Le choix des plans et des matériaux semble les motiver et les passionner davantage. L’énergie est ramenée au niveau d’une simple considération technique.

• Le mode énergétique au gaz est, en second lieu, souvent choisi par défaut. Il répond à des contraintes, par exemple à l’absence de raccordement au gaz de ville. Il est souvent retenu parce que les autres modes d’alimentation ne sont pas appréciés par le consommateur. Par exemple, l’électricité pâtit de son image d’énergie chère, le fioul est considéré comme passéiste et polluant…

Ces deux raisons conduisent à une délégation de la décision énergétique et à son corollaire, la déresponsabilisation. Le choix effectif du fournis-seur est toujours confié à un expert ou, dans tous les cas, à un tiers, à qui l’on fait confiance. Le plombier, le chauffagiste ou le promoteur du pro-gramme sont tour à tour sollicités en fonction de leurs compétences pré-sumées dans le domaine énergétique. En somme, le consommateur ne se sent pas assez armé et impliqué pour prendre une décision stratégique.

Pour les personnes déjà équipées, la citerne s’efface progressivement de leur esprit car elles en sont globalement satisfaites. L’idéal reste pour elles de ne plus avoir à s’occuper de cette installation.

Une bombe potentielle à proximité du domicilePourtant, une image négative latente reste autour de la citerne : celle d’un équipement considéré comme vieillot et ringard, « celui de ses grands-parents » ou « celui de la campagne ». Vécue comme peu esthé-tique, la citerne est choisie par contrainte, quand le consommateur n’a pas le choix.

Qui plus est, cet équipement industriel intégré dans son habitat consomme de l’espace dans le jardin. Pour certains - et notamment pour les plus âgés - la citerne reste anxiogène. Cette réserve de gaz est une bombe potentielle à proximité du domicile. Ces représentations freinent toute démarche proactive d’adhésion à cet équipement.

Le consommateur ne se sent pas assez armé et impliqué pour prendre une décision stratégique.

Les personnes interrogées ont ainsi imaginé un système permettant de réguler le chauffage en fonction de la température extérieure ou du nombre de personnes présentes dans les pièces.

Le gaz jou i t d ’une réelle légitimité sur le terra in des énergies « green », auxquelles le consommateur est de plus en plus sensible.


Avoir un autre regard sur la citerneIl convient donc d’avoir un autre regard sur la citerne à gaz pour en faire le cœur névralgique du dispositif éner-gétique de la maison et non plus un simple réservoir ou contenant. Cela suppose, par exemple, une valorisation du vocabulaire qui lui est associé ainsi qu’une mise en avant de son look et de ses fonctionnalités. La citerne devient, dans cette perspective, un objet « intelligent » au centre du processus de gestion de l’énergie du foyer. Les consommateurs attendent que ce dispositif fonctionne bien. Cette efficacité dépend de l’information déli-vrée sur le niveau de gaz qui reste dans la citerne, la consommation ou l’autonomie. Elle peut également être facilitée par des alertes de niveau ou une commande à distance.

Par ailleurs, ce système a vocation à optimiser et à améliorer l’ensemble du dispositif énergétique. Les personnes interrogées ont ainsi imaginé un système permettant de réguler le chauffage en fonction de la température exté-rieure ou du nombre de personnes présentes dans les pièces. Pourquoi, par exemple, ne pas le coupler avec des énergies renouvelables pour limiter la consommation ? Les utilisateurs se sont projetés vers un équipement susceptible de fonctionner en cas de coupure de courant ou en relais de l’alarme de la maison.

Ces pistes traduisent un déplacement de la fonction initiale de la citerne. Elles apportent une valeur ajoutée et un service supplémentaire dans ces diverses représentations. Leur spectre peut être très large. Il s’étend de l’éclairage extérieur à l’ouverture du portail ou au chauffage de la piscine.

Faire de la citerne un objet innovantSi la citerne se limite à son aspect industriel et métallique, elle ne sera pas en capacité de porter ces nouvelles valeurs ajoutées. Des codes sont alors déclinés pour exprimer ce mariage entre la technologie et la nature. Ils ont des répercussions sur le design de l’objet. Des formes ovoïdes, pures et enveloppantes, sont privilégiées pour traduire cette nouvelle image de la citerne. Elles ont d’ailleurs nourri le brief adressé par Butagaz à des industriels et à des designers pour la relooker.

Les sondés voient dans la lumière une bonne façon de symboliser l’énergie - une notion qui, par définition, reste abstraite. Tous les aménagements diffusant des halos de lumière ont donc été bien accueillis. Leurs représen-tations mêlent, enfin, des matériaux susceptibles d’incarner des symboles de modernité (le verre par exemple) et des signes empruntés à la nature (le bois, le beige, les jeux de fibres et de dégradés de couleurs…).

Cette intégration à l’environnement renvoie à la supposée intelligence de l’objet et à son caractère innovant. La citerne vécue comme simple « contenant » apparaît, pour sa part, impropre à véhiculer ces représentations positives.

Si la citerne se limite à son aspect industriel et métallique, elle ne sera pas en capacité de porter ces nouvelles valeurs ajoutées.


Guilhem DUPUYChercheur à l’École normale

supérieure de cachan

La constitution d’une équipe intégrée permet d’optimiser les processus du contrôle qualité

Premier temps

Industrialisation du bâtiment : quelles limites ?


Vous avez réalisé à la demande de la Fédération Française du Bâtiment une étude prospective ayant pour thème ‘‘Industrialisation du bâtiment : quelles limites ?’’ Parmi les atouts et les faiblesses, que ressort-il de ce travail quant à l’attente des maîtres d’ouvrage et des utilisateurs d’habitat ?

Cette étude, dont les résultats ont été publiés dans « Constructif » (n° 28, février 2011), a permis de révéler les préférences des maîtres d’ouvrage et des utilisateurs d’habitat. De façon plus pointue, cette étude a aussi dégagé une évaluation de leur nature, ainsi que le système d’acteurs qu’elles tendent à dessiner sur les marchés locaux du bâtiment à court ou moyen terme.

Les atouts de l’équipe intégréePour mieux comprendre ce sujet, il importe de préciser le sens des mots. Je fais part ici de la définition reconnue par tous. La notion de « système constructif industrialisé » désigne la préfabrication d’éléments en usine puis leur pose sur site - souvent par la même équipe. Dans certaines filières, comme celle du bois, les panneaux sont préfa-briqués, pré-câblés, pré-isolés, voire pré-peints. Des modules entiers sont pris en charge par les mêmes personnes.

La constitution d’une équipe intégrée permet d’optimiser les processus du contrôle qualité à chaque étape de la fabrication. Ils sont effectués sur la base d’une coopération implicite et explicite de tous les intervenants sur le chantier. Parce qu’ils font partie de la même équipe et de la même entreprise, ils ont tendance à com-muniquer, à travailler ensemble et à davantage échanger que sur un chantier traditionnel. Les ponts thermiques dans une cloison, par exemple, sont structurellement évités grâce au dialogue entre l’électricien et la personne chargée de l’isolation. Ils ne sont pas soumis aux aléas du chantier.

Un bouleversement de la filière et de la responsabilitéJ’ai étudié différents systèmes constructifs industrialisés. Il apparaît qu’ils peinent à gagner en volume et en valeur. Ils ne parviennent pas à décoller, en particulier quand ils sont proposés par des entreprises exté-rieures au monde du bâtiment. Ces dernières présupposent souvent une organisation de ce secteur qui ne cor-respond pas toujours aux attentes des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre et des entreprises du BTP.


En revanche, ces solutions proposent une nouvelle approche de la responsabilité, en particulier sur les plans juridiques et assurantiels. Les sociétés assu-ment toutes les phases de la construction et sont res-ponsables d’éventuelles malfaçons.

À la veille de la généralisation de la Réglementation Thermique 2012 (RT 2012), un système construc-tif traditionnel qui viserait une certification BBC

(Bâtiment Basse Consommation) reste exposé au risque qu’une ou plusieurs malfaçons liées aux aléas du chan-tier empêchent cette certification ou fassent exploser l’enveloppe budgétaire, même si les évolutions organisa-tionnelles et technologiques limitent ce phénomène. Dans ce contexte d’incertitude, les systèmes constructifs industrialisés font valoir leur valeur ajoutée depuis qu’ils sont revenus sur le devant de la scène il y a trois ou quatre ans. Ils sont capables de fournir une réelle fiabilité des coûts, de la certification BBC et des délais de livraison. Leur arrivée questionne la pertinence des systèmes d’acteurs locaux.

Savoir combiner approches globale et traditionnelleCes arguments ont séduit des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre, qui souhaitent généralement travailler dans le cadre d’une chaîne de construction où les responsabilités de tous les acteurs seraient sim-plifiées. Certaines procédures simplifiées de passation de marchés sont actuellement en vogue, du moins dans les discours, comme la procédure prévue dans l’article 75 du Code des marchés publics, qui prévoit de res-treindre la concurrence aux seuls lauréats du programme CQFD (Coûts, Qualité, Fiabilité, Délais) (*), ou encore comme la procédure de concep-tion-réalisation. Ces procédures, entend-on, empêchent la dérespon-sabilisation généralement constatée sur les chantiers qui complique le règlement du litige en cas de malfaçon, chaque intervenant cherchant à reporter la faute sur les autres intervenants.

Les systèmes constructifs industrialisés réduisent ces problèmes mais créent d’autres points d’achoppement entre les acteurs. L’entreprise intégrée peut par exemple jouer sur les asymétries d’information entre elle et le maître d’ou-vrage, et faire passer ses préférences devant celles de ce dernier. Elle peut aussi lui imposer des coûts élevés dans le cadre de partenariats de long terme. Les aléas juridiques et financiers sont alors déplacés, mais pas supprimés.

Les systèmes constructifs industrialisés demeurent un exemple intéressant pour les acteurs du bâtiment. Il convient toutefois, pour en conserver les bénéfices à moyen et long terme, de combiner les avantages de cette approche globale avec la méthode traditionnelle d’élaboration des contrats. Cette dernière présente l’avantage de ne jamais « prendre en otage » les intervenants et de se décliner pour chaque chantier selon des modalités particulières (réévaluation des coûts notamment).

Le collectif, un gisement de croissance pour les systèmes constructifsPrécisons que mon travail a été mené à partir de rencontres avec des acteurs situés à toutes les phases de la chaîne de construction (architectes, promoteurs, constructeurs, collectivités intéressées par les systèmes industrialisés…).

J’ai ainsi pu bénéficier d’une approche globale de ces solutions. J’ajoute que l’in-dustrialisation est plus développée sur le logement individuel que sur le collectif. Depuis les années 80, les procédés constructifs de la maison individuelle ont for-tement évolué, notamment sous l’impulsion du groupe Bouygues. C’est pourquoi, mon étude a été ciblée sur le logement collectif. Car c’est là que réside le potentiel de croissance des systèmes constructifs industrialisés.

(*) Le programme CQFD lancé par le PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture) a pour objectif de promouvoir conjointement l’innovation architecturale et l’innovation dans les procédés construc-tifs, industrialisés notamment, avec des équipes complètes (maître d’œuvre, ingénierie et entreprise) et d’engager la réalisation d’opérations dans le cadre du programme national de rénovation urbaine.

Les systèmes constructifs industrialisés font valoir leur valeur ajoutée depuis qu’ils sont revenus sur le devant de la scène il y a trois ou quatre ans. Ils sont capables de fournir une réelle fiabilité des coûts, de la certification BBC et des délais de livraison.

C e s p r o c é d u r e s , entend-on, empêchent la déresponsabilisation généralement constatée sur les chantiers qui complique le règlement du litige en cas de malfaçon, chaque intervenant cherchant à reporter la faute sur les autres intervenants.

Depuis les années 80, les procédés c o n s t r u c t i f s de la maison individuelle ont fortement évolué.


Le bâtiment figure désormais comme une solution aux grandes questions environnementales et énergétiques Alain Maugard

Président de Qualibat

J’ai été particulièrement intéressé par le premier temps de ce colloque parce qu’il porte sur la question de la mutation du bâtiment. En proposant d’en analyser les risques, les organisateurs ont ainsi implicitement acté cette dernière, alors que son existence fait encore l’objet, pour d’autres, d’interrogations.

Interroger le citoyen, pas le consommateurPermettez-moi de revenir sur la deuxième intervention concernant la citerne à gaz. Je considère que d’autres motivations débouchent sur le changement de notre secteur d’activité. Elles répondent aux besoins et aux attentes de la société et des citoyens et pas à celles de simples consommateurs de citernes à gaz… Le bâtiment figure désormais comme une solution aux grandes questions environnementales et énergétiques.

ces considérations quasi philosophiques ont considérablement modifié la situation antérieure. Il ne faut donc pas interroger le consommateur, mais le citoyen qui sommeille en chacun de nous.

Dans cette période pré-présidentielle, nous n’échapperons pas à une discussion sur l’avenir de la politique énergétique de notre pays. Cette question sera au cœur des débats. L’investissement du secteur du bâtiment dans le Grenelle sera évalué. Nous aboutirons certainement à une intensification de ses dispositifs parce qu’ils répondent - j’insiste - à une question de société.

Nous exigeons des consommateurs qu’ils répondent immédiatement aux questions des enquêtes. S’ils étaient invités à réfléchir en tant que citoyens, ils se projetteraient davantage dans l’avenir. Parfois, ces deux modes de pensée s’opposent.

La mutation du bâtiment ne fait pas appel aux réflexes des consommateurs. Elle ne dépend pas de leurs attentes mais de considérations de long terme. Notons par ailleurs que le marketing réussit pour le moment l’exploit de continuer à vendre des solutions qui n’auront plus de sens dans vingt ou trente ans. Le débat peut donc se résumer ainsi : comment transformer le consommateur, qui peut être aisément manipulé, en citoyen responsable des décisions qui seront prises sur le plan énergétique ? Le développement des énergies renouvelables doit-il être conduit par une entreprise centralisée ou par une série d’acteurs locaux ?

Dans cette période pré-p r é s i d e n t i e l l e , n o u s n’échapperons pas à une discussion sur l’avenir de la politique énergétique de notre pays.

Premier temps

les réactions du grand témoin


Une société plus responsableUne autre alternative porte la marque d’une société différente de celle dans laquelle nous vivons aujourd’hui. Elle fait appel à nos comportements de citoyens et valorise l’autonomie, l’autosuffisance, la gestion et l’absence de gaspillage des ressources. Mon analyse se fonde sur des notions sociopolitiques. Elle dépasse de beaucoup les réactions et les attentes des consommateurs.

Le bâtiment neuf a d’ailleurs pris de l’avance sur les autres secteurs puisque la RT 2012 aurait pu être générali-sée dès le 1er janvier 2012 (et non le 1er janvier 2013).

Le rôle de la réglementationLa réglementation joue un rôle important dans ce mouvement. Pourquoi ne décidons-nous pas d’une amélioration thermique obligatoire du stock de logements ? Rien ne nous en empêche. Je ne comprends pas pourquoi nous faisons passer le ravalement des façades, imposé par la loi Malraux, devant les performances énergétiques des bâtiments. Cela dénote assuré-ment un choix de société.

Dans le secteur du bâtiment, l’ajout de nouvelles exigences régle-mentaires prend la forme d’une strate supplémentaire et d’un surcoût. Pourtant, dans d’autres secteurs, comme l’automobile, certains s’at-tachent avant tout à repenser le processus de production plutôt que d’ag-graver cet empilement de coûts.

Un secteur encore mal préparé à l’industrialisationLa mutation du bâtiment se concentrera, aussi, sur les modes de construction eux-mêmes.

Je sais que ce secteur est peu, ou pas préparé à son industrialisation. cependant, nous aurions tort de nous priver de cette révolution des pro-cessus de fabrication, qui permet désormais de faire du sur-mesure indus-triel ainsi que des solutions pré-industrialisées des filières sèches (bois, métal et en partie béton). La cohabitation de cette multitude de métiers et de corps d’état différents n’est pas nécessaire.

La création d’une offre globale (ou d’une offre correspondant à des macrolots) par les entreprises peut générer des économies et des gains de productivité.

Je ne comprends pas pourquoi nous faisons passer le ravalement des façades, imposé par la loi Malraux, devant les performances énergétiques des bâtiments.

L a c r é a t i o n d ’ u n e offre globale (ou d’une offre correspondant à des macrolots) par les entreprises peut générer des économies et des gains de productivité.


Les réactions


Je note que notre grand témoin a associé l’adjectif « énergétique » au terme « mutation ». Or, dans son ouver-ture, le Président Laurent a également évoqué la santé ou la qualité de l’air.

ALAIN MAUGARD ��

Vous avez raison. Nous pouvons également mentionner la question du maintien à domicile jusqu’à un âge avancé ou celle de la médecine à la maison. C’est moins cher de soigner les malades à distance.

J’ajoute que mes propos n’ont pas de connotation négative. Je n’exige pas que chacun se serre la ceinture et renonce à tout confort. Je prône une autre idée de ce dernier, inséparable de l’autonomie et de la production énergétique. Un bâtiment que l’on chauffe moins n’en est pas moins agréable.

Cette vision n’est pas déconnectée de la notion de plaisir. Soyons heureux de construire des bâtiments qui pro-duisent plus d’énergie qu’ils n’en utilisent. Je me réjouis, par analogie, de conduire un véhicule qui consomme moins parce que tous ses détails ont été conçus pour limiter ses impacts environnementaux.

Je refuse l’idée selon laquelle la population ne serait pas favorable à ces investissements. Elle n’a pas encore été assez motivée et assez éduquée sur le sujet. Je crois beaucoup à notre capacité à modifier nos modes de vie. Je suis un optimiste forcené.


Le consommateur, utilisateur du bâtiment, est largement sensibilisé à la question des économies d’énergie. D’autres sujets sont délaissés, à l’image de la qualité de l’air intérieur, des COV (composants orga-niques volatils) ou du lien entre santé et conception des bâtiments…

Premier temps



Dès que l’individu saura qu’il prend un risque en occupant un bâtiment non adapté, sa motivation grandira. Pourquoi ne serions-nous pas en mesure de traiter plusieurs problèmes de front ? Nous pouvons veiller à la fois à l’étanchéité des façades et à la qualité de l’air intérieur.

Je ne complique pas le problème. Je le déplace. Je vous rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, on fêtait le chan-tier quand le gros œuvre était terminé. Cette anecdote reflétait une vision gauloise du bâtiment, selon laquelle une maison sert avant tout à ce que le ciel ne nous tombe pas sur la tête.

Or aujourd’hui, cette première étape n’apporte que 35 à 40% de la valeur ajoutée d’une construction. 60% de cette valeur vient après, dans le second œuvre. Le bâtiment est, avant tout, pensé comme un lieu où ses occupants vivront, se soigneront, produiront de l’énergie et télé-travailleront. Il est devenu un objet complexe nécessitant la mobilisation des meilleurs acteurs.

ALEXANDRE HEGO DEVEZA-BARRAU ��

Je participe au groupe de travail Plan bâtiment du Grenelle. Vous avez évoqué, Monsieur Maugard, l’idée d’une obligation de rénovation énergétique. À mon sens, elle existe déjà. Des décrets relatifs à la copropriété sortiront au début de l’an prochain. Ils prévoient la réalisation d’audits énergétiques et autorisent l’assemblée générale à contraindre le propriétaire défaillant à réaliser des travaux. Même si cette voie devra assurément être poursuivie, elle est déjà été tracée.

Alain MAUGARD ��

Je préfère pour ma part une option plus autoritaire qui consiste à transposer les dispositions de la loi Malraux au domaine énergétique. Il faut introduire des contraintes réglementaires et ne pas compter sur la seule bonne volonté des AG de copropriétaires. Notons que le Grenelle a introduit, dans le tertiaire, l’obligation de réaliser des travaux thermiques d’ici à 2020.

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas d’imposer des règles de manière arbitraire. Il convient d’aller dans l’intérêt des propriétaires. Ils ont bien compris la valeur ajoutée d’une rénovation thermique au moment de la revente d’un bien. Ils n’ont pas à attendre dix ou vingt ans pour constater un réel taux de retour sur investissement. Il est bien plus rapide si on tient compte de la valeur « verte » de revente.



Cette réalité pourrait rapidement créer un nouveau marché de “casse des bâtiments”. Certains sont tellement dépréciés qu’ils ne pourront plus trouver preneurs. Des sociétés tendent à se spécialiser dans cette activité.

ALEXANDRE HEGO DEVEZA-BARRAU ��

Certains experts en droit de la propriété insistent sur les contraintes que représenterait cette nouvelle disposition. Les AG pourraient voter des travaux concernant des parties privatives. Si les décrets sont adoptés, ces travaux seraient commandés, suivis et réceptionnés par cette instance aux frais du copropriétaire.


Cette obligation permettrait de mettre en place la notion de parties privatives d’intérêt collectif. Des particuliers seraient, par exemple, tenus de faire remplacer leurs baies vitrées. Le problème réside alors dans leur capacité à financer des travaux imposés par leur assemblée générale, sur ces parties privatives.


Au moment de la reconstruction, le plan d’épargne logement a été lancé pour aider les Français à finan-cer les travaux. Pourquoi ne pas lancer un plan d’épargne-énergie pour financer les installations nécessaires à cette rénovation ? L’épargne logement était constituée à partir d’un premier apport personnel. Des versements dédiés à l’épargne énergétique pourraient être envisagés et permettraient d’emprunter à bas taux ; les copro-priétaires manquant de moyens financiers pourraient ainsi suivre les appels de fonds décidés par la copropriété.


Vous instaurez ainsi un compte de réserve pour travaux préalables.


Cette épargne pourrait être gérée par les banques. Il est logique d’adapter nos mécanismes de financement à nos nouvelles priorités.

GUY ARCHAMBAULT, journaliste ��

Dans l’intervention de Jean-François Bertinetto, j’ai été frappé de constater que les consommateurs demandaient essentiellement d’augmenter la valeur d’usage des citernes à gaz. Il me semble que votre réponse, ciblée sur des considérations esthétiques, ne satisfait pas cette demande initiale.

Par ailleurs, j’ai remarqué dans l’intervention de Guilhem Dupuy que l’industrialisation des processus était pro-posée par des entreprises générales. Or le tissu des entreprises françaises est composé à 95% de PME et de TPE. Quelle structure de marché envisagez-vous ?

L’industrialisation des systèmes constructifs peut répondre aux besoins de main-d’œuvre au vu de l’ampleur des travaux de rénovation et de construction à venir mais il n’est pas certain que la CAPEB ou la FFB envisagent à court terme le développement de petits PPP (partenariats publics-privés).


JEAN-FRANCOIS BERTINETTO ��

Les personnes interrogées souhaitent que la citerne remplisse d’autres rôles. Leurs attentes sur le plan du design ne font que relayer ces fonctionnalités attendues. L’habillage n’est donc pas chargé de donner un nouveau sens à la citerne. Il crée une cohérence entre les missions et les codes esthétiques de l’objet.

La vision d’un marketing manipulateur est un peu trop simple. Les individus sont plus intelligents qu’on le pense. Il n’est pas si facile d’orienter leurs choix…


On oubliera bientôt qu’un bâtiment est parasismique, accessible à tous, ou à énergie positive. On se contentera d’évoluer, de vivre à l’intérieur.

JEAN-FRANCOIS BERTINETTO ��

Cet oubli constitue effectivement le but ultime. On y parvient quand le bâtiment répond aux attentes. Cette pré-occupation écologique concerne aujourd’hui l’ensemble de la population. Il y a dix ans, elle n’intéressait qu’un public converti et militant. Charge aux professionnels de proposer des solutions adaptées et financière-ment accessibles.

GUILHEM DUPUY ��

Des erreurs ont été faites quand les acteurs du secteur ont relié progrès technique et industrialisation. Dans tous les pays, le tissu économique est composé de 90 à 98 % de petites entreprises. Il n’a jamais été possible d’obte-nir des coûts plus bas en cherchant à réaliser des gros volumes et des économies d’échelle. Ils affichent parfois des prix plus élevés dans un processus industrialisé que dans un système constructif classique.

Ces entreprises ont toutes un rôle à jouer. Les PME, par exemple, devront investir le champ des réglementations s’acheminant vers une plus grande qualité intrinsèque des bâtiments. Les systèmes constructifs induits continue-ront, en effet, à s’appuyer sur de petits prestataires et sur des PME d’influence régionale.

Prenons un exemple. Les panneaux préfabriqués en béton des majors du BTP modifient la façon de construire en rationalisant la chaîne de responsabilité, les processus, la conception des solutions et l’organisation du chantier. Ils s’intègrent remarquablement bien dans le système productif de proximité et permettent de maîtriser à la fois les coûts et la qualité.

Ces partenariats demeurent locaux et limités à l’horizon temporel d’un projet. Ils sont renégociés régulièrement. Leurs modalités sont adaptées aux contingences locales puisqu’il n’est pas possible de transporter ces panneaux sur l’ensemble du territoire français. Ce système mêle donc l’industrialisation au marché de proximité du BTP.

Deuxième temps

Quelles mutations pour le bâtiment ?


Deuxième temps

L’approche de l’architecte

Nicolas FavetArchitecte - Agence nFA

Si l’industrialisation des processus n’est pas à la portée des PME, toutes sont capables de rationaliser la production


Vous représentez la jeune génération d’architectes dont on attend beaucoup sur le développement durable. Comment avez-vous structuré votre agence pour répondre aux nouveaux enjeux ? Sur les chantiers, concrètement, comment cela se traduit-il dans la relation avec les autres acteurs du bâtiment ? Qu’est-ce qui marche bien ?

Contrairement aux autres intervenants, je parle en mon nom propre. Je suis à la tête d’une agence d’architectes d’une dizaine de personnes - une taille conséquente pour la profession. À ce jour, nous avons livré nombre de bâti-ments basse consommation, à énergie positive ou dits zéro-carbone. Par ailleurs, je suis très engagé dans la profession.

Je suis autant architecte que passionné d’innovation. Mon agence conduit, en complément de ses activités, des travaux de recherche sur la performance énergétique, le bilan carbone ou l’industrialisation. Nous analysons également l’évolution de la demande des clients. Nous avons la chance d’accéder à des chantiers innovants.

Des missions d’exécution très complètesÀ titre d’exemple, nous produisons nous-mêmes l’intégralité de nos mis-sions d’exécution. Quand un architecte traditionnel réalise 50 plans, nous en dessinons plus de 600 de l’échelle 1 à l’échelle 1/20ème. Nous remplis-sons ainsi notre obligation de moyens - je suis pour ma part contre l’idée d’une obligation de résultat. Nous fournissons tous les éléments néces-saires pour transmettre le relais aux entreprises dans de bonnes conditions.

J’ai travaillé pendant près de dix ans en Finlande. À mon retour en France, j’ai été étonné de constater la grande désorganisation et la faible qualification dans le bâtiment, et que par exemple, il était plus cher de construire un mur en parpaing avec une finition brute de qualité appa-rente avec joints creux que ce même mur avec plaque de plâtre collé au MAP, toile de verre et peinture. C’est-à-dire que l’intervention d’un bon artisan coûte plus cher que celle de 3 mauvais utilisant par ailleurs plus de matériaux… C’est donc un gaspillage social et environnemental.

Quand un arch i tec te traditionnel réalise 50 plans, nous en dessinons plus de 600 de l’échelle 1 à l’échelle 1/20ème.

Nous fournissons tous les éléments nécessaires pour transmettre le relais aux entreprises dans de bonnes conditions.


Tisser une relation partenariale avec les entreprisesNous avons également révisé nos modes de fonctionnement sur les chan-tiers pour limiter les problèmes et ménager les intérêts de chacun : ceux du maître d’ouvrage, des exploitants, les nôtres, mais également ceux des entreprises. J’ai recruté un compagnon charpentier expérimenté et qualifié. Si nous tissons une relation partenariale avec les entreprises, je regrette que certaines d’entre elles ne comprennent pas cette vision et souffrent d’un réel déficit d’encadrement.

Dans la plupart des cas, les problèmes rencontrés sur site s’expliquent par un manque d’anticipation, de rigueur et de qualité, générateur par ailleurs, directement ou indirectement de préjudice financier pour les entreprises. Nos CCAP (Cahiers des Clauses Administratives Particulières) sont très encadrés pour éviter ces écueils. Ils décrivent précisément les règles du jeu.

J’ai pour habitude, après les réunions de chantier, de m’adresser directement aux artisans et aux compagnons. Contrairement à certaines idées reçues, ils ne rechignent pas à changer leurs habitudes. Ils sont parfaitement conscients de la plus-value sociétale de leurs réalisations. Malheureusement, les conducteurs de travaux et les chefs d’entreprise n’ont pas toujours les mêmes attitudes…

Une mutation énergétique déjà bien engagéeSi l’industrialisation des processus n’est pas à la portée des PME, toutes sont capables et se doivent de ratio-naliser la production. L’organisation spatiale d’un chantier ne dépend pas du chiffre d’affaires de l’entreprise. Référons-nous aux travaux organisés par des majors du BTP, qui ressemblent à des usines à ciel ouvert. Bouygues a, par exemple, développé un procédé d’innovation douce pour le logement baptisé « Inovpac », qui mixe intel-ligemment une réflexion sur les processus et l’introduction de quelques procédés industrialisés.

La réglementation thermique entérine les progrès réalisés sur le terrain. Pour ma part, je pratique le BBC depuis plus de cinq ans. Il est formidable de constater, une fois n’est pas coutume, que la réglementation intervient alors que les acteurs ont déjà bien engagé ce mouvement vers la mutation énergétique.

Dans la plupart des cas, les problèmes rencontrés sur site s’expliquent par un manque d’anticipation, de rigueur et de qualité.


Bernard RothPrésident d’honneur d’AMO

Deuxième temps

L’approche du maître d’ouvrage

La dimension écologique concernera de plus en plus la cohabitation des usages


Quelle est la réaction du maître d’ouvrage au résultat des études présentées ? Quel est le vrai sujet ? Développement sur la mixité des fonctions du bâtiment ? La clef est-elle la règlementation ?

Les mutations auxquelles nous assistons traduisent, à l’évidence, une révolution et une profonde rupture. Ce constat vaut particulièrement sur le plan démographique. Claude Lévi-Strauss a dit, peu de temps avant sa mort, qu’il comptait parmi les rares êtres humains à être né quand la terre abritait trois milliards d’habitants et à mou-rir quand elle en compterait six... Au XXème siècle, la population mondiale a donc doublé. Nous sommes désormais plus de sept milliards. En 2050, le cap des neuf milliards sera dépassé.

Bientôt 75 % de la population mondiale habitera dans des (bidons)villesAujourd’hui, la moitié de la population vit dans des villes. Cette proportion franchira la barre des 75 % dans quarante ans. Nous comptabiliserons 7 milliards d’urbains, contre 3,5 milliards il y a quelques années.

Même en supposant que les évolutions technologiques limiteront l’im-pact de ce doublement sur notre environnement, ce mouvement ne se réalisera pas sans puiser dans les ressources de la Planète. Regarderons-nous en face cette réalité ou agirons-nous comme si elle n’existait pas ? La rupture actuellement à l’œuvre ne se conteste pas. Seule notre capa-cité à l’accompagner importe.

L’indispensable mutation qui en résulte ne concerne pas seulement les grandes réalisations. Mais s’applique également aux maîtres d’ou-vrage de taille modeste qui construisent un seul immeuble. L’architecture procède avant tout d’une commande, qui ne se résume pas à l’appli-cation d’une réglementation urbaine (POS, plan d’occupation des sols, et PLU, plan local d’urbanisme). Si elle se limitait au respect de ce seul cadre, les concours d’architecture, qui autorisent sur un même projet des réponses très diverses, n’auraient plus de raison d’être. Ce fait prouve bien, s’il en était besoin, que l’architecte conserve une réelle marge de manœuvre.

La rupture actuellement à l’œuvre ne se conteste pas. Seule notre capacité à l’accompagner importe.


L a m a î t r i s e d ’ ouv rage se voit confier la fabrication de l’une des pages de la ville, grande ou petite.

Maitrise d’ouvrage : une responsabilité citoyenneLa maîtrise d’ouvrage implique une responsabilité citoyenne beaucoup plus importante que celle qu’elle s’attribue généralement. L’histoire des villes est aussi celle des grands commanditaires. À l’époque, ils n’élaboraient pas un cahier des charges quantitatif (typologie des surfaces, mode constructif...). Ils concréti-saient leur ambition du projet. La maîtrise d’ouvrage se voit confier la fabrication de l’une des pages de la ville, grande ou petite. Elle ne peut pas ne pas tenir compte, positivement ou négativement, de celles qui ont été rédigées auparavant. Ni ignorer que cette propre page influencera nécessairement celles qui lui succéderont.

L’enjeu de la mixité Autre contrainte : « construire, c’est emprunter ». Je ne connais pas de promoteurs, ni de constructeurs ayant bâti un projet sur leurs seuls fonds propres. Pour réunir les financements nécessaires, il faut convaincre des prêteurs. Il convient donc de trouver un compromis entre l’application de ses convictions, qui évoluent au gré du dialogue avec l’architecte, et l’accord avec ses financeurs. Sans ce préalable, un projet ne peut pas être mené à bien.

Le maître d’ouvrage du XXIème siècle sera différent de ceux qui l’ont précédé. Il continuera à anticiper les attentes de ses futurs acheteurs et utilisateurs. Mais désormais, en complément, il sera tenu de prendre conscience de sa responsabilité dans la fabrication de la ville.

Un autre enjeu s’ajoute à ceux cités par le Président Laurent lors de l’ouverture de ce colloque : celui de la mixi-té qui prendra une place croissante car elle contribue à qualifier un lieu. Mais, elle n’est pas uniquement sociale. Elle doit également être générationnelle et brasser différents usages.

Les défis de la ville étendueAprès avoir entendu toute ma vie que la promotion immobilière était guidée par la règle d’or de l’emplace-ment, j’en viens à m’interroger sur cette dernière notion. Renvoie-t-elle à de simples données topographiques ou à des choix d’urbanisme ? Cette question devient d’autant plus prégnante que les réalisations du Grand Paris seront situées dans la grande couronne. Elles ne seront pas implantées dans le centre de la capitale.

L’avenir valorisera également l’investissement environnemental, sans qu’il pèse trop lourdement sur le financement des projets. Cette dimen-sion écologique et sociétale ne concerne pas uniquement les probléma-tiques énergétiques. Elle touche également la cohabitation des usages. Même si elle suscite encore des réticences de la part de certains inves-tisseurs et même si elle ne peut pas être intégrée dans tous les bâtiments, je suis convaincu qu’elle prévaudra à l’avenir. Tous les commerces étaient installés au pied des immeubles avant l’apparition des centres commerciaux en périphérie…

Le poids du foncierSoyons réalistes. La maîtrise d’ouvrage travaille avec des budgets de construction insuffisants et contraints. Bien qu’elle refuse de l’ad-mettre ouvertement, pour des raisons financières, les consultations ne pri-vilégient pas toujours les projets les plus pertinents. Dans les concours, les charges foncières se vendent « aux enchères ». Pour acquérir des « matières premières », il n’y a pas d’autres solutions pour l’opéra-teur que de surpayer plus ou moins la charge foncière.

Or, un projet ne se réduit pas à l’achat de métrés de plafonds, de murs et de planchers, ni aux linéaires de maté-riaux. Je m’intéresse à plus à l’espace dans lequel je vis, je travaille ou je me déplace qu’à son enveloppe.

La réalité de la cohabitation entre la maîtrise d’ouvrage et l’architecte préfigure l’évolution de la prise en compte des contraintes environnementales. Ce travail d’équipe - puisqu’il faut bien utiliser ce terme un peu galvaudé - permet seul d’additionner les compétences. On est plus intelligent à plusieurs …

Après avoir entendu toute ma vie que la promotion immobilière était guidée par la règle d’or de l’emplacement, j’en viens à m’interroger sur cette dernière.

Je m’intéresse plus à l’espace dans lequel je vis, je travaille ou je me déplace qu’à son enveloppe.



Le secteur du bâtiment est conservateur par nature et traditionnel. Quels sont les impacts du Grenelle ?

Ma situation est différente de celle de Nicolas Favet. Je représente une institution qui accompagne 42 000 arti-sans et 15 000 PME dans un contexte marqué par le Grenelle de l’environnement. Cette démarche nous a appris que l’énergie révolutionnait les modes constructifs et les relations entre les acteurs. Ses autres dimensions entraînent des améliorations réelles mais plus classiques.

Les objectifs que le Grenelle assigne au secteur vont plus loin que tout ce que nous pouvions imaginer. Ainsi, j’étais convaincu qu’il n’était pas possible de construire dans moins de dix ans des bâtiments à énergie positive. Et pourtant, j’évolue depuis une bonne vingtaine d’années dans le monde de la recherche et de l’innovation.


À ce jour, 118 bâtiments à énergie positive sont d’ores et déjà opérationnels...

Je m’en réjouis. Pour apprécier le chemin parcouru, il suffit de songer aux comportements auxquels nous assistions à la veille d’un changement de réglementation. Un afflux de permis de construire était déposé. Nous sommes passés de la Préhistoire à l’histoire moderne de la construction.

Un calendrier raisonnableJe constate avec satisfaction que la production BBC, qui a représenté quelque 60 000 bâtiments en 2010, est répartie sur l’ensemble du territoire. Même s’ils ne peuvent pas tous obtenir cette certification, leur exis-tence rend compte d’une réelle intention de s’orienter vers ce type de construction. Il aurait été plus périlleux d’en sortir davantage de terre.

Le Grenelle a prévu, avec sagesse, un temps raisonnable entre les deux phases de la mutation énergétique (BBC et bâtiment à énergie positive). Auparavant, le législateur avait tendance à fixer des objectifs dont il connaissait le caractère inatteignable sur le terrain.

Avec le Grenelle, les entreprises valorisent compétence et qualité et remettent à plat leur processus de travail

Deuxième temps

L’approche de l’entreprise

Paul Bréjon Directeur des affaires techniques de la FFB

Le Grenel le a prévu, avec sagesse, un temps raisonnable entre les deux phases de la mutation énergé t ique (BBC e t bâtiment à énergie positive).


Au 1er janvier 2013, tous les bâtiments neufs devront être BBC et les problèmes rencontrés dans la réalisation de ces bâtiments devraient pouvoir être résolus. Le personnel aura été formé ; des réunions de sensibilisation et d’information de la population auront été organisées. Il n’est nul besoin d’accélérer le calendrier au prétexte que nous avons pris de l’avance sur cette date. La grande échéance est fixée au 1er janvier 2021, date à laquelle tous les permis de construire devront être à énergie positive...

Entreprises : une mutation qui s’annonce bienLa mutation s’annonce inévitablement technique et technologique. Il n’est pas possible de diviser drastiquement notre consommation éner-gétique si nous continuons d’utiliser l’électricité, le gaz ou le fioul dans les proportions actuelles. De nombreux sujets doivent faire l’objet d’un important travail : la performance de l’enveloppe, la perméabilité, les équipements énergétiques, la lutte contre l’inertie, l’inconfort ther-mique… L’ère des bâtiments à énergie positive nous confronte à de nou-velles problématiques. Par exemple, tout apport énergétique interne leur fait courir un risque de surchauffe désagréable, prolongée et difficile-ment régulable en toutes saisons.

Nous disposerons de tous les facteurs propices à la concrétisation de la mutation du bâtiment. Tous les acteurs seront prêts (industriels, ingénieurs, conducteurs de travaux…) et des produits auront été conçus.

Nous allons modifier nos méthodes de travail ainsi que l’organisation des chantiers. Il faudra travailler en amont avec les concepteurs pour éviter des surcoûts et l’allongement des délais. Il est par exemple stupide de dessiner un bâtiment répondant à la RT 2005 puis de le transformer en opération BBC...

Nous aurions également tort de nous priver de l’expertise des entre-prises qui bénéficient des retours d’expériences de leurs précédents projets. Elles sont capables de dialoguer en bonne intelligence avec les concepteurs.

Une image valorisante pour le bâtiment


Comment les entreprises ont-elles réagi à cette empilement réglementaire lié au Grenelle, mais aussi aux exi-gences en matière d’accessibilité, de qualité de l’air intérieur, d’acoustique ou de sismique ?

Elles ont très bien réagi. Distinguons toutefois le temps des annonces, qui correspondait à une période favorable sur le plan économique, de l’époque actuelle, marquée par la crise.

De 2007 à 2009, le Grenelle était assimilé à un défi exigeant qui tirerait l’ensemble du secteur vers le haut. Il a reçu une très forte adhésion en raison, sans doute, de l’important travail de préparation des esprits qui a été mené. Ce changement culturel a été facilité par la presse et les différents débats.

Les entreprises, d’habitude si promptes à critiquer les contraintes réglementaires supplémentaires, y voient l’occasion de valoriser compétence et qua-lité et de remettre à plat leur processus de travail. Le Grenelle leur a également permis de reposer la question du cloisonnement des métiers. Face à certains excès, il faut sans doute opérer des regroupements.

Nous allons modifier nos méthodes de travail ainsi que l’organisation des chantiers. Il faudra travailler en amont avec les concepteurs pour éviter des surcoûts et l’allongement des délais.

Nous aurions également tort de nous priver de l’expertise des entreprises qui bénéficient des retours d’expériences de leurs précédents projets.


Les entreprises ont également trouvé une réelle opportunité de renforcer l’attractivité du bâtiment. Le contexte a contribué à l’amélioration de son image auprès du grand public. Les jeunes ont envie de le rejoindre et les personnes qui y travaillent se déclarent souvent plus heureuses que dans d’autres secteurs d’activité. Le bâtiment propose des rému-nérations supérieures à celles d’autres entreprises de main-d’œuvre.

Les réactions des entrepreneurs ont été très symptomatiques de ce changement d’ère. Ils ont accueilli avec le sourire une division par trois de la consommation énergétique alors qu’ils critiquaient auparavant les réduc-tions de 15% imposées tous les cinq ans par les réglementations successives…

Les enjeux pointés par Philippe Rocher confirment la nécessité de préférer une approche globale à un cloi-sonnement entre les métiers. Il faut raisonner selon ce principe, même si tous les professionnels ne se trans-formeront pas en entreprise générale. Il leur appartient de former des équipes capables de travailler ensemble et de s’organiser pour répondre aux marchés.

Aider le consommateur à identifier les signes de qualité


Quel est le rôle de la FFB dans cette mutation ?

La FFB a d’abord pris soin de porter le message du Grenelle et d’écouter les réactions du terrain. Notons, à ce propos, que la région parisienne a enregis-tré un retard certain par rapport au reste du terri-toire. Au cours de mes déplacements, je constate que des régions moins urbaines mènent des projets très innovants. Le mouvement a pris partout.

En complément de ce rôle d’information, la FFB s’est fortement investie dans le domaine de la formation. Rappelons que les formations aux économies d’éner-gie des entreprises et des artisans du bâtiment (FEE Bat) ont démarré dès 2006, soit avant le Grenelle. ces formations ont le mérite de réunir plusieurs corps d’état et de les faire échanger sur ces problématiques.

La FFB a lancé la marque « Les Pros de la performance énergétique » pour aider le consommateur à se repérer parmi le foisonnement de signes de qualité, qui suscite l’incompréhension du plus grand nombre. Cette démarche donne de la lisibilité aux fondamentaux de l’interven-tion des entreprises, à savoir la formation, la qualification et le contrôle chantier. Nous travaillons avec Qualibat et l’ADEME (Agence de l’Envi-ronnement et de la Maîtrise de l’Energie) à leur homogénéisation et à leur communication auprès du public. À terme, nous souhaitons aboutir à une éco-conditionnalité des aides publiques. Il faut que l’Etat cesse d’ac-corder des aides aux particuliers qui confient leurs travaux à des artisans ou des entreprises dont la compétence n’aura pas été avérée.

Enfin, nous allons lancer officiellement la marque « Les Pros de l’accessibilité » lors de Batimat. Et peut-être allons-nous dupliquer cette démarche à d’autres problématiques transversales, comme la sécurité incendie…

Ils ont accueilli avec le sourire une division par trois de la consommation énergétique alors qu’ils critiquaient auparavant les réductions de 15% imposées tous les cinq ans par les réglementations successives…

Nous souhaitons aboutir à une éco-conditionnalité des aides publiques. Il faut que l’Etat cesse d’accorder des aides aux particuliers qui confient leurs travaux à des artisans ou des entreprises dont la compétence n’aura pas été avérée.



En deux mots, quelle est la mission de base d’un contrôleur technique ?

La mission de contrôle technique a été instaurée en 1978 par la loi Spinetta sur la responsabilité et l’assu-rance dans le domaine de la construction. Ce texte précisait qu’elle était destinée à « contribuer à la préven-tion des aléas techniques ». Le verbe « contribuer » a fait l’objet de diverses interprétations ayant entretenu une confusion sur le rôle du contrôle technique.

Les mutations du bâtiment contraignent les acteurs de ce secteur à une obligation de résultats alors qu’ils étaient auparavant tenus à une obligation de moyens. Le terme « résultat » peut être interprété selon son sens strict ou être assimilé à celui de performance. Or la notion de performance énergétique, par exemple, diffère des résultats de consommation.

Quoi qu’il en soit, la mutation actuellement en cours nous oblige à atteindre un certain niveau de perfor-mance. Le contrôle technique à un rôle à jouer dans ce mouvement car il s’appuie sur une analyse des risques, de la conception à la réception, mais il n’est pas suffisant.

Le chantier est devenu un systèmeLes enjeux de cette mutation ont déjà été évoqués (énergie, accessibilité, acoustique, confort, sismique…). Ils nécessitent une approche globale, ainsi qu’une nouvelle définition de l’acte de construire. La première est facilitée par les interactions entre le maître d’ouvrage et l’architecte, entre le concepteur et les entreprises et au sein de ces dernières.

L’innovation des produits, des procédés et, surtout, des processus de construction est au cœur de la mutation du bâtiment. Elle induit, elle aussi, une réflexion sur l’organisation de la profession. Elle modi-fie en profondeur les interfaces qui existaient par le passé. D’un chan-tier à l’autre, on ne changeait pas sa méthode de travail. Elle perdurait par habitude. Tous les risques liés à la transformation de ces interfaces doivent être pris en compte car les contrôleurs techniques et les assu-reurs savent qu’elles sont souvent à la source des sinistres.

Une fonction qualité pourrait voir le jour en soutien de la mission du contrôleur techniqueJacques Jessenne

Président de la coprec Construction et de l’AQC

Deuxième temps

L’approche du contrôleur technique

Tous les risques liés à la transformation de ces interfaces doivent être pris en compte car les contrôleurs techniques et les assureurs savent qu’elles sont souvent à la source des sinistres.


Le chantier est devenu un système au sein duquel tous les facteurs interagissent. Par exemple, l’ensemble des acteurs est concerné par la garantie d’une étanchéité à l’air. Prenons l’exemple de l’acoustique dont la qua-lité devra être maintenant attestée par un document spécifique. Si le maître d’ouvrage constate une non-per-formance dans ce domaine, la responsabilité sera partagée entre tous les acteurs du chantier et il sera difficile d’engager les actions correctives. Le problème se situe sans doute dans la maîtrise des interfaces.

Vers une évolution similaire à l’industrie ?En complément de son rôle en matière de prévention, on demande de plus en plus au contrôleur technique, en tant que tierce partie, de délivrer des attestations finales. Cette mission nouvelle illustre l’évolution des attentes vis-à-vis du contrôleur technique. On fait désormais appel à lui pour s’assurer qu’un résultat a été obtenu. Mais comment être certain d’atteindre la performance attendue ? L’industrialisation - au sens d’une rationalisation des processus de fabrication ou de réalisation - peut très bien s’appliquer à un projet de construction.

Le bâtiment s’achemine sans doute vers un sort similaire à celui de l’indus-trie (automobile par exemple). Alors qu’il y a vingt ou trente ans, le contrôle qualité consistait à écarter les produits défectueux, il se concentre désor-mais sur la maîtrise du process de production. Cette évolution prendra du temps. Elle pourra se matérialiser par la mise en place d’une fonction qualité indépendante, comprise comme le garant du processus et comme un auditeur, au-delà d’un contrôleur au sens propre du terme. Les contrôles exercés par les acteurs eux-mêmes dans leur propre activité et au niveau des interfaces seront aussi pris en compte dans cette démarche globale.

Une attestation qui certifie la performance par la maîtrise du processus


Si votre rôle emprunte la voie que vous décrivez, qui assurera le rôle de gendarme ?

Je n’aime pas ce terme de « gendarme ». Il est toujours désagréable de constater une malfaçon en fin de chan-tier et de devoir déterminer les responsabilités. L’attestation délivrée doit pouvoir certifier la maîtrise du processus. En effet, il est impossible de faire contrôler toutes les actions menées par tous les acteurs à chaque étape du projet par une tierce partie.

La maîtrise du processus permet d’obtenir une certaine confiance dans le résultat et une assurance (au sens être sûr) de la performance.


Auparavant, un seul test était réalisé pour vérifier l’étanchéité à l’air. Aujourd’hui, les contrôles préalables se sont multipliés et le menuisier n’est plus le seul à y être convoqué. L’électricien et le plombier sont également présents. Le contrôleur technique pourrait suivre cet exemple et intervenir à plusieurs reprises ?

Il intervient en amont et tout au long du projet. Il n’en demeure pas moins qu’une fonction qualité pourrait voir le jour en complément du contrôle technique. Elle serait en charge d’organiser, de préparer, de coordon-ner les nombreux contrôles qui ont lieu sur un chantier et de s’assurer de leur bon fonctionnement. Certains rétorqueront qu’elle crée un intervenant de plus. Je leur réponds que, dans l’industrie, cette fonction a été parfaitement intégrée. À l’heure où des groupements d’entreprises et de fonctions devront émerger et collabo-rer, il importe de veiller à la bonne maîtrise du système et des interfaces. Nous sommes prêts à accompagner cette évolution par notre positionnement de tierce partie dans la chaîne de confiance autour des missions de contrôle technique, d’assistance à maîtrise d’ouvrage qualité et maîtrise des risques et enfin attestation et certification d’ouvrages.

A l ’ h e u r e o ù d e s groupements d’entreprises et de fonctions devront émerger et collaborer, il importe de veiller à la bonne maîtrise du système et des interfaces.


Deuxième temps

Les réactions du grand témoin

Alain MaugardPrésident de Qualibat

La compétence ne peut qu’être améliorée si les entreprises travaillent ensemble

Une fois n’est pas coutume, je suis totalement en phase avec les propos tenus lors de ce deuxième temps d’échanges.

La fin de l’époque séquentielleAprès avoir vécu une époque séquentielle, les acteurs du bâtiment sont maintenant confrontés à une période où tout fait système. Autrefois traitées partiellement, leurs sciences et leurs techniques forment désormais un ensemble. L’acoustique et la thermique, par exemple, ne peuvent plus être isolés. Toute recherche de perfor-mance dans un domaine a des incidences sur les autres composantes d’un bâtiment. Par exemple, des résultats sur le plan thermique impactent les données sismiques ou relatives à la sécurité incendie d’une construction.

Le CSTB était organisé en fonction de ces différentes sciences. Il va devoir s’adapter à cette nouvelle donne et produire des ingénieurs capables d’appréhender l’ensemble des sciences. Quant à l’architecte, il continuera de les synthétiser. C’est lui qui, autrefois, apportait de la clarté à un projet.

L’autre composante de la mutation du bâtiment concerne ses acteurs. Aucun maître d’œuvre ne croit plus à la séparation entre l’architecte et les bureaux d’études. C’est désormais acté.

Il n’est également plus exclu d’associer les personnes en charge de la maintenance à la conception d’un pro-jet. Par le passé, on ne prenait pas leur avis. Les mentalités évoluent peu à peu - fort heureusement. L’idée d’une collaboration des acteurs tout au long de la conception et de la réalisation d’un bâtiment est sur le point de triompher.

La qualité de l’ouvrage dépend aussi de celle de la commande passéeJe souscris pleinement aux propos de Bernard Roth sur la maîtrise d’ouvrage. Elle doit conserver un lien fort avec la société. Quelles sont ses demandes ? Quel objet fabrique-t-elle ? Remarquons que, par le passé, le Prince était le seul à être aux manettes de la commande publique quand cette dernière a connu ses heures fastes. Il était très bien entouré. Cet exemple historique nous prouve que la qualité de l’ouvrage dépend fortement de la qualité de la commande passée.

Il n’est plus exclu d’associer les personnes en charge de la maintenance à la conception d’un projet. Par le passé, on ne prenait pas leur avis.


La compétence intrinsèque des acteurs influe également sur la réalisa-tion finale. Elle ne peut qu’être améliorée si les entreprises travaillent ensemble. Elles acquièrent toujours de nouveaux savoir-faire au contact des autres. Ainsi, un architecte en charge d’un chantier apprendra tou-jours d’un conducteur de travaux et vice et versa.

Compétence : encore des marges de progressionSur le terrain de la compétence, je ne suis personnellement pas adepte d’un discours lénifiant qui consisterait à se réjouir du haut niveau atteint par l’ensemble des opérateurs du marché. À l’avenir, les exigences de perfor-mance des bâtiments seront de plus en plus élevées. Ne nous mentons pas. Même si certains remplissent déjà ces critères de compétence, de réelles marges de progression existent. Le niveau moyen devra indéniablement progresser pour réaliser les objectifs de la mutation du bâtiment, tant en rénovation qu’en neuf.

Les professionnels ne sont pas compétents à vie. Ils doivent désormais se former tout au long de leur carrière professionnelle. Un recyclage de leurs connaissances tous les cinq ou dix ans s’avère nécessaire au vu des évolutions rapides du secteur.

À cet effort de formation continue s’ajoute l’arrivée de professionnels d’un niveau supérieur à celui des acteurs d’aujourd’hui, qui constitue une formidable opportunité pour le secteur du bâtiment. Je serai satisfait quand nous attirerons les meilleurs ingénieurs ou managers d’entreprise à leur sortie des écoles.

Je crois aussi beaucoup à l’apport de l’ingénierie - interne ou externe - aux entreprises de bâtiment. J’imagine par exemple la constitu-tion d’un noyau d’ingénieurs travaillant pour différents corps d’état. L’émergence de ce nouveau type d’entreprise est possible. Il résulterait du mariage entre des capacités de conception et de réalisation. L’avenir appartient aux entreprises qui sauront former différents pôles dans un mouvement d’hybridation des corps d’état.

Qualification : une tierce partie est obligatoireLa qualification exigible dans le bâtiment ne s’auto-proclame pas. Elle doit être constatée par une tierce partie. Les entreprises comme les architectes et les bureaux d’études doivent voir leurs compé-tences reconnues. De nombreux labels et signes de qualité cohabitent. Si nous établissons un parallèle avec le médicament, nous concluons que ces der-niers contiennent des molécules identiques. Qualibat entend rassembler ces différents principes actifs pour devenir un médicament générique, sans toute-fois diverger des labels « Eco-Artisans » de la CAPEB ou des « Pros de la performance énergétique » de la FFB.

Qualibat saura valoriser ces spécificités sur le mar-ché. À terme, l’intérêt des professionnels sera de se réclamer d’un opérateur unique couvrant l’ensemble des métiers. Il n’est nul besoin de faire jouer la concur-rence entre plusieurs organismes de qualification.

Un architecte en charge d’un chantier apprendra toujours d’un conducteur de travaux et vice et versa.

Sur le terrain de la compétence, je ne suis personnellement pas adepte d’un discours lénifiant qui consisterait à se réjouir du haut niveau atteint par l’ensemble des opérateurs du marché.

La qualification exigible dans le bâtiment ne s’autoproclame pas. Elle doit être constatée par une tierce partie.

Je serai satisfait quand nous a t t i r e rons l e s meilleurs ingénieurs ou managers d’entreprise à leur sortie des écoles.


Intervention de la salle ��

À travers les propos de Jacques Jessenne, j’ai cru comprendre qu’un inter-venant externe serait chargé du contrôle des différentes étapes de l’acte de construire. Or la loi Spinetta, qui encadre le contrôle technique dans la construction, ne le rend obligatoire que pour les missions de type « L » (solidité des ouvrages indissociables) et pour les immeubles de plus de 28 m de haut. Il est rare qu’il soit élargi à d’autres missions dans le cadre d’une maîtrise d’ouvrage privée (isolation phonique ou acous-tique, accessibilité pour les personnes handicapées par exemple). La loi évoluera-t-elle dans le sens d’une extension des missions obligatoires ?

JACQUES JESSENNE ��

Vos propos me surprennent. Cette intervention se limite parfois à la seule mission de type « L » mais, dans le même temps, les bâtiments soumis au contrôle technique obligatoire sont de plus en plus nombreux. Il s’applique par exemple aux lieux recevant du public au-delà de la cinquième catégorie. Ils doivent respecter les missions de type « L », « PS » (sécurité des personnes dans les constructions en cas de séisme), « SEI » (sécu-rité des personnes dans les établissements recevant du public) et « Hand » (accessibilité des personnes handica-pées). En pratique, d’autres missions complètent ces quatre prérequis en cas de contrôle technique obligatoire.

GWENAELLE DURAND-PASQUIER ��

Ces contrôles sont rendus obligatoires par la loi Grenelle 2. Le respect des réglementations thermique et acous-tique est garanti par des attestations avant et après travaux. Le contrôleur technique et l’architecte peuvent délivrer ces documents. Un décret 2011-544 du 18 mai dernier (« JO » du 20 mai 2011) en précise le contenu de façon peu explicite. Nous attendons la publication des arrêtés pour obtenir davantage de précisions.

Les réactions


JACQUES JESSENNE ��

Distinguons le contrôle technique tel que défini dans la loi Spinetta et la délivrance d’attestations. Même s’ils sont souvent confondus, ils poursuivent des objectifs différents. Pour le contrôle technique, c’est contribuer à la prévention des aléas, pour l’attes-tation, c’est le résultat obtenu.

NATHALIE BLAISE (Socabat) ��

La RT 2012 multiplie les interfaces. Quelles consé-quences ont-elles sur la qualité du contrat d’ouvrage ? L’APS (Avant Projet Sommaire) de l’architecte est tou-jours fournie en deux semaines. Les délais d’exécu-tion des entreprises s’en trouvent considérablement réduits. La préparation de chantier dure un mois, comme par le passé, alors que ce temps pourrait être consacré à la formation des acteurs. Ils pourraient prendre connaissance des détails techniques du projet.

BERNARD ROTH ��

Je partage votre position sans toutefois pouvoir y répondre. Nous sommes encerclés par des contraintes de nature différente. La question du financement ne se débloque qu’au moment du dépôt définitif du permis de construire, lui-même lié à l’achat effectif du terrain par le maître d’ouvrage. Il faut, en outre, que l’autorisa-tion administrative n’ait pas fait l’objet de recours de tiers.

Qui plus est, le calendrier des constructeurs n’est pas celui des vendeurs de terrain. Alors que ces derniers sou-haitent que l’opération d’achat soit rapidement bouclée, les premiers ont besoin de temps pour anticiper et veil-ler en amont à la qualité urbaine du bâtiment. Chacun veille avant tout à ses propres intérêts. La compétition autour des terrains disponibles est féroce. Les arguments de l’acheteur souhaitant rallonger le délai de réflexion autour de son projet ne se font pas entendre.

Je n’ai pas de solution. Cette situation tendue risque, à terme, de devenir absurde.

NICOLAS FAVET ��

Je préfère réduire quelque peu mes honoraires pour gagner du temps de réflexion supplémentaire. J’ai aussi tendance à proposer un rallongement des études contre un raccourcissement des délais d’exécution des travaux. C’est au sein de ces derniers que se trouvent les plus grosses marges de manœuvre, les délais d’études étant massivement sous-estimés. Leur allongement permet de réduire la durée des travaux en intégrant des processus industrialisés et en effectuant une prescription plus précise.

Cet aménagement du planning n’est généralement pas contesté puisqu’il induit une rationalisation du chantier - et donc des gains supplémentaires pour les entreprises, souvent ravies de pouvoir terminer les travaux plus tôt.

En somme, les chantiers les plus courts sont les plus performants et les mieux organisés. À titre indicatif, nous avons livré 150 logements BBC en entreprise générale en moins de 15 mois de travaux et après 4 mois de période de préparation de chantier. Dans le même temps, nous peinons à livrer 22 logements en lots séparés en moins de 22 mois en raison de problèmes de pilotage et de quelques entreprises au mieux peu motivées, au pire défaillantes qui réussissent à mettre à mal le travail des autres et toute l’organisation du chantier.


Les chantiers que nous supervisons améliorent peu à peu les savoir-faire de nos partenaires. Les entreprises mis-sionnées n’ont souvent jamais eu l’occasion de travailler sur les problématiques environnementales, construc-tives et énergétiques qui nous préoccupent. Quand tous les acteurs font preuve de bonne volonté et bonne foi - nous ne comptons pas notre temps - nous pouvons mener à bien nos projets.

PHILIPPE DRESTO ��

Je partage l’optimisme d’Alain Maugard. Le secteur parviendra à atteindre les objectifs du Grenelle.

Les propos qui ont été tenus passent sous silence l’utilisateur. Or, s’il ne sait pas se servir du bel outil qui a été mis à sa disposition, la cible est manquée. En tant que donneurs d’ordre, avez-vous songé à rédiger un guide pratique des bâtiments BBC ou BEPOS pour qu’ils le deviennent à l’usage ?

Paul BREJON ��

Nous avons conçu un guide très détaillé de l’usage à destination des occupants des 18 maisons BBC que nous avons construites à Dreux. Nous avons également dialogué avec eux - sans toutefois pouvoir parler de réelle formation. Nous souhaitions échanger pour que le livret explicatif ne soit pas mis de côté par les habitants dès réception.

Les retours d’expérience sont plus nombreux pour les immeubles de bureaux que pour l’habitat. Les usages se révèlent très éloignés des attentes. Ce problème crucial doit être débattu dès la commande. Les personnels ne doivent pas assumer la maintenance de leur lieu de travail en lieu et place de leurs missions quotidiennes. Leur productivité ne doit pas être réduite pour cette raison.

Choisissons toujours les solutions les plus simples. Je note que la RT 2012 préconise une forme de construction qui existe depuis 2 000 ans. L’architecture bioclimatique n’est pas, en soi, une nouveauté. Même si le Prince pouvait s’abstraire du respect de ces règles, les bâtiments étaient bâtis en fonction du climat, du vent et de l’en-soleillement. Retrouvons cette humilité avant de nous barder d’une technologie qu’il sera difficile d’entretenir.


Il semble effectivement plus difficile de gérer les aspects comportemen-taux sur des bâtiments tertiaires.

PAUL BREJON ��

Dans la vie courante, les objets que nous achetons sont accompagnés d’une notice d’utilisation. La maison que nous livrons en est exempte alors qu’elle est infiniment plus complexe. De la même façon, les opéra-tions de rénovation ne sont pas expliquées aux occupants.

La filière doit s’emparer de ce sujet. Les initiatives qui ont été lancées n’ont jamais été relayées. Elles sont restées lettre morte faute d’avoir été animées. Didier Ridoret, notre Président, est conscient de ce problème. Il a tenu personnellement à ce que la marque de qualité « Les Pros de la performance énergétique » intègre une dimen-sion de conseil et d’accompagnement de l’usager.


Ne pourrait-on inventer dans le secteur du bâtiment l’équivalent de l’iPhone, dont plus de 100 millions d’uni-tés ont été vendues dans le monde sans mode d’emploi dans la boite… Il faudrait, à terme, faire oublier la technique.

Troisième temps

Les régimes de responsabilités et d’assurance doivent-ils

s’adapter ou évoluer ?


Daniel LemaîtreDirecteur SMABTP | ex-Président de la

commission « construction » de la FFSA

Troisième temps :

L’approche des assureurs

La réalisation de l’ambition du Grenelle est conditionnée par la sécurisation des acteurs


La Fédération Française des Sociétés d’Assurance a passé une étude à un spécialiste du droit, Gwénaëlle Durand-Pasquier. Est-ce à dire que les assurances s’inquiètent ? Quel était le contenu de votre demande ?

Tout comme Alain Maugard, les assureurs ont accueilli le Grenelle de l’environnement comme une ambition citoyenne et de société. Ils ont souhaité y apporter leur contribution.

Au quotidien, les assureurs anticipent l’apparition de nouveaux risques. Dans le contexte du Grenelle, leur rôle a constitué à traduire cette ambition en réalisations sans, pour autant, s’aventurer. Il est inimaginable que cette démarche n’entraîne pas de changements induits. Les assureurs en ont listé trois.

• Les normes nouvelles intègrent des contraintes de résultats,

• Les processus constructifs vont être revus dans des proportions considérables,

• La contribution du consommateur final devient essentielle dans l’atteinte des résultats attendus.

Sécurité juridique : une nécessité pour les acteursFace à ces enjeux forts, les assureurs se sont interrogés sur la sécurité juri-dique du dispositif. Cette question se pose de façon cruciale car la réa-lisation de l’ambition du Grenelle est conditionnée par la sécurisation des acteurs. Leurs perceptions doivent être confortées.

Le maître d’ouvrage, par exemple, ne peut pas lancer d’importants investissements sans être certain du bien-fondé de sa démarche. Il doit être rassuré par un dispo-sitif de garanties. De son côté, l’entrepreneur doit connaître précisément ses futurs enga-gements avant de signer un contrat, ainsi que les assurances qui l’accompagnent.

F a c e à c e s enjeux forts, les assureurs se sont interrogés sur la sécurité juridique du dispositif.


Le cas des bâtiments producteurs d’énergieUne certaine littérature a affirmé que la garantie de performance énergétique devra être traitée dans le cadre classique de l’impropriété à la destination de l’ouvrage rendant la garantie décennale applicable (loi Spinetta). Nous avons donc estimé qu’il fallait approfondir cette question et créé un groupe de travail. Dans le cadre du Plan Bâtiment Grenelle, un groupe de travail a également été créé - le numéro 18 - sur la performance énergé-tique, chargé d’examiner si cette garantie est intégrable dans le dispositif existant ou si elle nécessite des solu-tions nouvelles. Ces travaux sont en cours.

Les assureurs pensent que la loi Spinetta est adaptée aux rôles traditionnellement associés aux bâtiments (pro-tection vis-à-vis de l’extérieur, confort, sécurité, santé). En revanche, il est apparu que les constructions nou-velles transformaient les bâtiments en producteurs d’énergie. Ce retour sur investissement s’inscrit-il encore dans le rôle protecteur évoqué ci-dessus ? Nous avons répondu à cette question par la négative.

Bâtir un nouveau cadre juridiqueSur la base de ce constat, nous avons tenté de bâtir un nouveau cadre juridique destiné à ces bâtiments d’un nouveau genre. Nous avons pris soin de confron-ter notre travail, d’une part au droit positif et aux solu-tions jurisprudentielles et, d’autre part, à une vision prospective.

Nous souhaitions verser des propositions au débat alors que nous aurions pu laisser la jurisprudence trancher avec les années. Il nous a semblé préférable de ne pas briser l’élan du Grenelle de l’environnement. Nous avons donc invité le Professeur Gwenaëlle Durand-Pasquier à nous aider dans cette réflexion. Je lui laisse la parole pour qu’elle nous expose l’approche juridique du problème.

Nous aurions pu laisser la jurisprudence trancher avec les années. Il nous a semblé préférable de ne pas briser l’élan du Grenelle de l’environnement.


Si la performance énergétique promise n’est pas là, l’ouvrage sera-t-il rendu impropre à sa destination ?Gwénaëlle Durand-Pasquier

Professeur agrégé de droit privé à l’Université d’Artois

Troisième temps

L’approche doctrinale


Votre principal sujet de travail, c’est la notion d’ouvrage, défini par la jurisprudence et la notion de destination. Quels sont les problèmes soulevés par la généralisation des BBC, de l’accessibilité, de la qualité de l’air intérieur ?

Dans ce groupe de travail sur la performance énergétique, nous nous sommes interrogés sur la nécessaire prise en compte des données environnementales qui s’imposent au droit de la construction et de l’immobilier. Comment peuvent-elles être appréhendées sur la base de critères qui, il faut bien l’avouer, n’on pas changés, depuis 1978 ?

Avant d’apprécier les risques, le juriste doit évaluer ces nouvelles contraintes.

Or, le premier obstacle qu’il rencontre dans cette démarche est de nature sémantique. Le vocabulaire de la RT 2012, notamment, peut entraîner des contresens et une interprétation qui diffère de celle retenue par les tech-niciens du bâtiment. La réglementation cite par exemple une « consommation d’énergie conventionnelle », des « besoins bioclimatiques conventionnels » ou une « température d’été conventionnelle ».

Après discussion avec des spécialistes, il est très clair que le terme « conventionnel » désigne pour eux la capacité du bâtiment à atteindre des températures prédéfinies. Il s’agit donc de données de laboratoire et non d’une réalité quotidienne.

Mais cette notion ne sera pas comprise par l’usager qui s’attend à un discours d’autant plus ferme sur ces performances que son investissement lui coûte plus cher. De surcroît, le magistrat et le juriste auront tendance à considérer qu’un résul-tat « conventionnel » est « contractuel » et par suite obligatoire, le contrat faisant, je le rappelle, la loi des parties.

Un véritable choc des culturesCe fait illustre un véritable choc des cultures.

• D’un côté, les mutations du bâtiment entraîneront une plus grande collaboration entre les acteurs. Les juristes devront être associés à ce mouvement. La raison tient ensuite au fait que lorsque l’on interroge les techniciens travaillant sur la RT 2012, ceux-ci distinguent les obligations de résultats (par exemple une consommation de 50 kWhep/m²/an) et celles de moyens, comme l’utilisation d’une énergie renouvelable dans les maisons individuelles ou l’installation d’un compteur d’énergie.

Le magistrat et le juriste auront tendance à considérer qu’un résultat « conventionnel » est « contractuel »


• Or, de l’autre coté, le raisonnement juridique retient une autre définition de ces notions d’obligation de moyens et d’obligation de résultat. En droit, en effet, une obligation est dite de résultat, lorsque le débiteur s’engage précisément à atteindre le résultat escompté. Autrement dit : il engage sa responsabilité si le résultat n’est pas atteint. Cette obligation de résultat s’oppose alors à l’obligation de moyen. En droit, l’obligation de moyen oblige le débiteur simplement à mettre en œuvre tous les moyens pour atteindre un résultat. Si ce résultat n’est pas atteint, sa responsabilité ne sera pas de jure engagée. Il faudra, pour engager cette responsa-bilité, que le créancier rapporte la preuve que le débiteur n’a pas mis tous les moyens en œuvre. Autrement dit, le débiteur ne sera responsable que si sa faute est prouvée.

Rapprochons cela du langage technique. En réalité, quand on impose la mise en place d’un compteur, on impose non pas une obligation de moyen, comme le disent les techniciens, mais bien juridiquement une obligation de résultat.

À l’inverse, le seuil de 50 kWhep/m²/an est, juridiquement, une obli-gation de moyens. Au moment de sa livraison, un document devra attester de la capacité du bâtiment à atteindre cette performance. Mais par la suite, le rôle de l’usager sera crucial, la responsabilité du construc-teur n’étant plus engagée.

Ces considérations terminologiques soulèvent donc une première difficulté.

Vers une modification de la définition de la destination d’un ouvrage ?

Philippe ROCHER ��

Dans quels cas la responsabilité du constructeur pourrait-elle être engagée ?

Nous utilisons des critères datant de 1978 pour évaluer la responsabilité du constructeur. Or, dans le silence de la loi, ce seront également ces mêmes critères qui seront usités en cas de défaut de performance ou de résul-tat. La responsabilité décennale sera donc déterminée à partir du standard de la destination de l’ouvrage.

Cette notion « d’impropriété de l’ouvrage à sa destination » n’a volontairement pas été définie par le droit. Le juge conclut au cas par cas au caractère impropre - ou non - de la destination à l’usage. Cette absence de précisions s’explique par la multitude de réalités pouvant être rangées sous le terme « d’ouvrage ».

Le non-respect des performances énergétiques annoncées rend-il alors l’ouvrage impropre à sa destination ? Généralement, la jurisprudence, conformément à l’esprit de la loi, estime que le désordre doit être grave pour que la destination de l’ouvrage soit rendue impropre. Des performances insuffisantes quelques mois dans l’année ou un mauvais fonctionnement de panneaux photovoltaïques ne permettent pas en principe de répondre positivement à cette question.

Néanmoins, des auteurs ont pu considérer, dès la parution de la RT 2012, que les attentes des usagers ont crû. Ces usagers ne souhaiteraient plus simplement avoir un abri. Ils désireraient, en achetant un bien soumis à la RT 2012, ou dès à présent au label BBC, occuper un bâtiment pro-ducteur d’énergie et donc source d’économies. La définition juridique de la destination d’un ouvrage s’en trouverait alors modifiée.

Dans ce cas, il pourra être considéré que le bâtiment n’est pas seulement destiné à procurer une forme de sécurité à ses occupants. Le bâtiment serait destiné également à apporter du confort, voire générer des écono-mies énergétiques et par suite financières. Par conséquent, si la perfor-mance promise n’est pas au rendez-vous, l’ouvrage pourra être considéré comme impropre à sa destination.

Le non-respect des performances énergétiques annoncées rend-il alors l’ouvrage impropre à sa destination ? Généralement, la jurisprudence, conformément à l’esprit de la loi, estime que le désordre doit être grave.

Quand on impose la mise en place d’un compteur, on impose non pas une obligation de moyen, comme le disent les techniciens, mais bien juridiquement une obligation de résultat.


Deux arrêts qui ont fait grand bruitDes arrêts ont déjà été rendus en ce sens. D’autres décisions, qui ont fait grand bruit, vont encore plus loin. Il s’agit de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 mars 2000 et de l’arrêt de la Cour de cassation du 27 sep-tembre 2000.

Chaque fois, le cas était le suivant. Une partie de l’eau chaude sanitaire d’une résidence HLM devait être chauffée par des panneaux solaires thermiques, un circuit plus traditionnel étant destiné, occasionnellement, à prendre le relais. Finalement, après les travaux, il est apparu que les panneaux ne fonctionnaient pas bien. Pour autant, du fait de la présence du circuit traditionnel, il était possible, dans chaque logement d’obtenir de l’eau à une température convenable. Les juges ont toutefois considéré que le bâtiment n’en était pas moins impropre à sa destination car il avait été conçu pour réaliser des économies d’énergie. La destination de l’ou-vrage a ainsi été définie sur la base du contrat de construction. Du fait des stipulations contractuelles, les juges ont considéré que la destination ici n’était pas un ouvrage habitable, mais un ouvrage permettant de faire des économies d’énergie.

L’épineuse question des attestations

Philippe ROCHER ��

Vous insistez donc sur l’importance de l’attestation, délivrée au moment de la livraison.

Des attestations phonique et thermique devront doré-navant être délivrées, du fait de la loi dite Grenelle 2, au moment de l’achèvement, c’est-à-dire en principe avant la réception des travaux. Pour ce faire, quatre types d’attestants ont été identifiés : les organismes agréés pour cer-tifier le bâtiment HPE (Haute Performance Energétique) ; les contrôleurs techniques ; les diagnostiqueurs immo-biliers qui réalisent les DPE (Diagnostic de Performance Energétique) ; les architectes.

Les deux premiers acteurs ne me surprennent pas. En revanche, il me semble plus étonnant que les diagnos-tiqueurs immobiliers puissent contrôler l’application de la RT 2012, car la mission est très différente de celle consistant à réaliser un diagnostic. Mais surtout, les architectes du chantier ont progressivement gagné la pos-sibilité de réaliser ces attestations, alors que seuls les architectes indépendants étaient initialement autorisés à les réaliser

Je comprends que cette décision ait été dictée par la volonté de réduire les coûts. Mais si un bâtiment promis comme devant répondre à la norme BBC n’y répond finalement pas, quelle sera la position de l’architecte du chantier, tenu alors de révéler que l’exécution du marché n’est pas conforme à ce qui était prévu ? Les risques sont importants si les normes ne sont pas respectées. Outre les sanctions civiles, des sanctions pénales seront encourues en vertu de l’article L 152-4 du Code de la construction. Une amende de 45 000 euros peut être réclamée. La responsabilité du constructeur, de l’architecte et de l’utilisateur du sol sera par ailleurs engagée.

La définition de l’attestation délivrée ne manque pas, par ailleurs, d’étonner la juriste que je suis. Elle se présente sous la forme « d’une déclaration indiquant que les normes thermiques ont été prises en compte ». Ont-elles été appliquées ou y a-t-on seulement pensé ? Des vérifications sur site seront-elles effectuées ou se limitera-t-on aux calculs effectués ? Attendons la parution des arrêtés pour en savoir plus.


Que se passera-t-il si une attestation est refusée au constructeur ? ce document doit être envoyé aux services de l’urbanisme pour obtenir une déclaration d’achèvement des travaux. Et si le bâtiment finale-ment ne se conforme pas à la RT obligatoire, quelles seront les suites ? L’ouvrage pourra être réceptionné sous réserves.

Mais est-il encore possible de transformer un bâtiment qui ne respecte pas la RT 2012 en un ouvrage qui réponde à ses critères ? Nous touchons là à la conception même du bâtiment. S’il est envisageable de renfor-cer l’isolation phonique, il semble compromis d’améliorer significa-tivement la performance thermique. Si l’attestation est délivrée à tort, plusieurs problèmes pourront survenir. S’agit-il d’une non-conformité ou d’un désordre intermédiaire ?

Trois difficultés juridiques à résoudreL’application d’un régime de garantie décennale aux problématiques thermiques et énergétiques pose à mon sens trois difficultés juridiques.

• Premièrement, la responsabilité décennale, en tant que responsabilité sans faute, se fonde sur une présomption. Cette présomption semble toutefois assez peu adaptée à des désordres qui pourront être liés aux comportements de l’usager. La marge de manœuvre de l’usager est plus grande en effet en matière de performance énergétique que dans le cas, par exemple, d’un défaut de stabilité de l’immeuble. Quelle responsabilité sera pointée par le magistrat si le bâtiment a été construit grâce à la collaboration de différents acteurs ? Une solidarité sera ins-taurée. La responsabilité est sans faute. La présence du désordre suffit à la constater. Seul un cas de force majeure ou, si elle est prouvée, la faute de l’usager permettrait de l’écarter.

• En deuxième lieu, bien que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ait fixé cette prescription de droit commun à une durée de cinq ans, le droit de la construction est sou-mis à des délais différents. La distinction s’effectue en principe selon que le désordre touche à la destination de l’ouvrage, la prescription est alors de dix ans, ou touche au bon fonctionnement d’un élément d’équipement dissociable. Or la performance thermique dépend d’élé-ments d’équipement qui, pour ceux qui sont dissociables, devraient répondre à une garantie biennale. Cela correspondait à l’esprit de la loi Spinetta. Dans ce contexte, un délai de dix ans est-il adapté ?

• Enfin, que souhaiteront obtenir l’usager et le maître d’ouvrage ? Ils aspireront sans doute à une réparation du désordre matériel. En vertu du régime de garantie décennale, la responsabilité du constructeur sera engagée et les assureurs indemniseront. Qu’adviendra-t-il si les vic-times réclament le remboursement du surcoût lié à ce désordre maté-riel ? Ils demanderont des dommages et intérêts.

Contrairement à certaines idées reçues, la responsabilité du constructeur sera engagée en vertu du principe de réparation intégrale du préjudice. En vertu de la garantie décennale, il doit payer non seulement des répa-rations, mais aussi les surcoûts liés à une surconsommation. Mais en revanche, l’assurance responsabilité obligatoire se limite à la répara-tion du désordre matériel - et pas immatériel.

Vous le voyez, dans le cadre de la performance énergétique, le régime de la garantie décennale pose beaucoup de questions.

Si un bâtiment promis comme devant répondre à la norme BBC n’y répond finalement pas, quelle sera la position de l’architecte du chantier, tenu alors de révéler que l’exécution du marché n’est pas conforme à ce qui était prévu ?

La performance thermique d é p e n d d ’ é l é m e n t s d’équipement qui, pour ceux qui sont dissociables, devraient répondre à une garantie biennale. Cela correspondait à l’esprit de la loi Spinetta. Dans ce contexte, un délai de dix ans est-il adapté ?


Il est essentiel de bien définir la performance énergétique conventionnelle et la performance énergétique réelleRémi Porte

Direction juridique et fiscale de la FFB

Troisième temps

L’approche des constructeurs


Quelle est la traduction juridique de tout cela ? Quelle est la position de la FFB ? Quelles sont ses préconisations et son rôle concret sur le terrain ?

Je voudrais d’abord rappeler que l’origine de ce colloque est le Plan Bâtiment Grenelle dont l’objectif premier est la réduction des gaz à effet de serre. Ce qui passe notamment par celle des consommations énergétiques. Le bâtiment est donc une des composantes de ce projet.

De cette louable idée initiale, il est à craindre que l’utilisateur final ne retienne qu’une chose : sa consommation énergétique doit coûter moins cher et tout surcoût doit éventuellement être indemnisé. On peut regretter qu’il ne retienne finalement que la question financière. Mais c’est dans l’air du temps...

Le bâtiment est en mutation. Les normes bougent, les attentes de l’usager évoluent…

Définir ce qui relève de la réglementation et de la liberté contractuelleSur un plan juridique, la question est de savoir si la performance énergétique relève du champ de la décennale et s’il faut adapter ou faire évoluer ce régime ?

Vous le savez, l’incertitude juridique est toujours néfaste à l’activité. Sauf pour les juristes… Or, dans la construc-tion, mieux vaut que le droit s’adapte à la technique plutôt que l’inverse…

Pour distinguer entre ce à quoi s’engage le professionnel et ce à quoi doit s’attendre le client, il faut définir la frontière entre ce qui relève de la réglementation et ce qui relève de la liberté contractuelle des parties. C’est dans ce cadre que l’on oppose souvent la performance énergétique conventionnelle réglementée à l’engagement de performance énergétique réelle. Et c’est à la frontière entre ces deux domaines que se situent les questions de responsabilité.

Distinguer les postes liés aux caractéristiques du bâtiment et ceux dit « mobiliers »Exprimée en énergie primaire (ep), la performance énergétique conventionnelle réglementée ne prend en compte que les postes liés aux caractéristiques du bâtiment et des équipements qui lui sont liés. C’est-à-dire :


• Les trois postes pour le diagnostic de performance énergétique (DPE) : chauffage, eau chaude sanitaire et cli-matisation le cas échéant.

• Les cinq postes dans le cadre de la réglementation relative au bâtiment neuf ou celle relative aux bâtiments existants : chauffage, eau chaude sanitaire, éclairage, climatisation et équipements dits « auxiliaires ».

Les autres postes de consommation dits « mobiliers » comme les machines à laver, les réfrigérateurs, la bureau-tique et les divers équipements électroménagers ne sont pas pris en compte car ils ne dépendent pas des carac-téristiques thermiques du bâtiment.

Tous ces postes de consommations sont évalués par calcul, sur la base d’un bâtiment modélisé. Cette perfor-mance énergétique conventionnelle réglementée constitue, en quelque sorte, les règles de l’art que le construc-teur doit suivre.

Ainsi, en cas de désordre à l’ouvrage, par exemple non atteinte du niveau thermique portant atteinte à l’utili-sation des lieux conformément à leur destination, la responsabilité décennale du constructeur peut se trouver engagée.

Idem pour le chauffage : la réglementation prévoit que la température intérieure normale d’un logement doit atteindre 19 °C, même lorsqu’il fait -7°C dehors. S’il fait 15 °C, la responsabilité décennale peut être engagée.

Ces principes sont classiques et connus !

La décennale ne porte que sur la réparation matérielle de l’ouvrageJe rappelle cependant que, outre la gravité des dommages, il faut qu’un vice caché affecte la construction pour mettre en jeu la garantie décennale ; et que celle-ci ne couvre que la réparation des dommages matériels affectant la construction et uniquement ces dommages.

Alors quid de la déception de l’utilisateur qui estimerait consommer trop et réclamerait des compensations. Car il ne faut pas se leurrer : dans le domaine de l’habitation, le seul capteur du consommateur risque d’être la facture d’électricité et de gaz. Or, en aucun cas la garantie décennale n’a vocation à prendre en charge des pertes financières.

La Cour de cassation le réaffirme constamment. Tout ce qui n’est pas la réparation matérielle de l’ouvrage ne relève pas de la garantie décennale mais des garanties facultatives.

À notre sens, la problématique actuelle porte plus sur la nécessité de définir ce que l’on entend par « perfor-mance énergétique conventionnelle » pour éviter le risque de se référer uniquement au « compteur » et donc à la seule facture…

L’épouvantail de la performance énergétique réelleAlors parlons maintenant de cette performance énergétique réelle qui semble affoler tout le secteur…

La RT 2012 n’évoque pas la notion de performance réelle mais seulement des performances théoriques. Dès lors, s’engager sur un niveau de performance énergétique réel ne peut résulter, pour l’instant, que des termes du contrat.

Le seu l capteur du consommateur risque d’être la facture d’électricité et de gaz. Or, en aucun cas la garantie décennale n’a vocation à prendre en charge des pertes financières.


Pour rappel, la performance réelle d’un bâtiment correspond à l’énergie finale réellement consommée par l’uti-lisateur. Cela correspond donc à la somme de toutes les dépenses énergétiques. Or, il faut distinguer entre ce qui relève des valeurs intrinsèques au bâtiment et ce qui n’en relève pas.

Selon certains, l’ensemble des biens mobiliers (réfrigérateur, machine à laver…) peut aboutir à une consomma-tion qui se situe entre 50 et 60% de la consommation totale de l’ouvrage ! La place du bâtiment à proprement parler se trouve alors réduite à environ 40 ou 50%. Nous devons garder cette proportion à l’esprit et en tenir compte lorsque l’on s’engage contractuellement sur un niveau de performance énergétique réelle !

L’Union européenne en a bien conscience. La directive de 2005 a pour objectif de mettre en place un cadre « éco-conception » pour les produits tels que les appareils domestiques, l’électronique grand public mais aussi les équipements de chauffage et de production d’eau chaude, l’éclairage ainsi que les systèmes de chauffage, ventilation et climatisation. On retrouve là nos cinq postes de référence conventionnelle…

Mais le diable est toujours dans les détails : la dernière étude issue de cette directive a porté sur les cafetières électriques. Conclusion : elles consomment trop et leur pourcentage de consommation peut s’avérer non négli-geable par rapport à l’ensemble des postes de consommation…

Quand bien même, la directive aboutirait à la réduction énergétique des produits, seule la performance intrin-sèque du produit est visée et non l’utilisation de ces produits qui ne peut être maîtrisée…

Si on considère, comme l’annoncent certains, que la consommation réelle relève de la décennale, cela signi-fierait-il que le constructeur devrait prendre en compte le modèle de la cafetière et la consommation de café par l’utilisateur final pour répondre à son obligation de résultat de construire un ouvrage exempt de désordre ? Ce n’est pas réaliste !

Un engagement qui dépend de l’existence d’un contrat d’exploitationOn le voit, le besoin de définition est urgent. Pour s’engager, le professionnel doit pouvoir cerner le champ de son engagement et le résultat attendu. Mais selon nous, cet engagement dépend également et surtout de l’existence ou non d’un contrat d’exploitation, suite aux travaux réalisés.

• En cas de travaux sans contrat d’exploitation, l’entreprise ne dispose ni du contrôle, ni d’une vision sur la ges-tion des différents équipements consommant de l’énergie. Elle ne peut donc s’engager que sur la qualité intrinsèque du bâtiment et de ses équipements à la réception de l’ouvrage réalisé.

Cette qualité ne peut être évaluée que de manière prédictive, via un calcul de consommation conventionnelle du bâtiment ou un calcul basé sur des scénarios réels d’utilisation mais à la condition que le client ait fourni des données qui alors constitueront les références à prendre en considération pour déterminer les éventuels écarts.

Pour un bâtiment neuf par exemple, on pourrait prévoir une période de service après vente, dont les conditions et la durée seront définies par contrat, pour pouvoir corriger les écarts de consommations non jus-tifiés par calcul.

• Avec un contrat d’exploitation, il est possible de s’engager sur la qualité globale du bâtiment rénové en exploi-tation en s’appuyant sur des consommations réelles du bâtiment et des équipements concourant à son fonc-tionnement, moyennant, dans le cas d’un bâtiment rénové, la mise en œuvre de deux périodes d’observations, dont la durée (1 à 2 ans) dépend du type de bâtiment :

- la première avant rénovation, permettant de définir et mieux cerner l’efficacité des solutions d’améliorations à mettre en œuvre

- la seconde après rénovation pour évaluer les éventuels changements de comportements ou d’utilisation ainsi que l’efficacité réelle des solutions d’amélioration et d’en corriger les éventuels dysfonctionnements.

Dans ce cadre, le contrat d’exploitation du bâtiment et des systèmes consommant de l’énergie doit perdurer sur une certaine période.


Performance réelle contractuelle : oui mais avec précautionsCertaines entreprises ont mis en œuvre des performances réelles contractuelles. Mais elles ont logiquement pris des précautions pour encadrer leurs engagements. Le contrat doit définir les paramètres à prendre en considé-ration, prévoir une situation de référence, des scénarii d’utilisation, une période d’observation et de réglage, de la maintenance et surtout des sanctions pécuniaires plafonnées en cas de surconsommation. En outre, cet engagement contractuel réel peut être limité à certains postes de consommation (par exemple : eau chaude ou chauffage collectif). Chaque engagement devra être du « sur mesure contractuel ».

De telles clauses doivent définir les obligations du constructeur, mais également les devoirs de l’usager et pré-voient bien souvent les sanctions applicables en cas de manquement.

Alors pourquoi évoquer le régime décennal dans ce cas ?

Si les performances prévues par la clause ne sont pas atteintes, c’est la responsabilité contractuelle de l’entre-prise qui sera engagée et l’indemnité contractuelle sera versée à titre compensatoire. Si le client est dédommagé et qu’aucun dommage matériel n’affecte la construction, la mise en jeu de la décennale s’avérera inopportune.

Pas sûr en outre que le juge n’applique pas en priorité la clause contractuelle, surtout quand celle-ci prévoit l’indem-nisation des préjudices financiers, non régis par le régime de la décennale. La jurisprudence en donne des exemples.

Le risque n’est jamais nulOn pourrait alors soutenir que les textes existants apportent déjà des réponses mais pour autant le risque n’est jamais nul.

Il nous parait essentiel de définir précisément les contours exacts de la performance énergétique conventionnelle réglementée et les paramètres et conditions possibles et réalistes à prendre en considération au titre des engagements liés à la performance énergétique réelle. La maitrise du risque est essentielle si on veut envisager de le transférer aux assureurs qui, contrairement à ce que certains pensent, ne nous semblent pas frileux mais plutôt raisonnables.

Sur ce point, espérons que le projet d‘arrêté d’attes-tation RT 2012 apportera une réponse. À priori, il devrait indiquer que la performance conventionnelle, étant par définition théorique, ne prend pas en compte les écarts avec les consommations réelles observées durant l’utilisation du bâtiment (*).

Notons également que la FFB participe aux réflexions d’un groupe de travail du Plan Grenelle Bâtiment qui étudie les conditions permettant de mettre en place une garantie de la garantie… de la performance énergé-tique. Au sein de ce groupe, la position de la FFB vise notamment à bien distinguer la consommation éner-gétique conventionnelle de la consommation énergétique réelle, en séparant clairement, dans ce dernier cas, les postes de consommation dits « mobiliers » de façon à définir un cadre objectif dans lequel la garantie don-née par le professionnel peut s’inscrire.

Je rappellerai enfin que la SGAM BTP (Société de Groupe d’Assurance Mutuelle du BTP) accompagne déjà les entreprises sur la non atteinte de la performance énergétique conventionnelle. Elle a mis en place une garan-tie spécifique « erreur thermique », contrôlée juste avant la réception selon certaines modalités. Ce qui ne peut que rassurer les clients.

Gageons que grâce à un cadre aux références mieux « normalisées », on cernera mieux les responsabilités des uns et des autres et leur contribu-tion au résultat attendu. C’est également dans un tel cadre que les assu-reurs pourront réfléchir et proposer d’autres solutions de garantie. C’est en tout cas ce que je souhaite.

(*) Cet arrêté du 11 octobre 2011 a été publié au « JO » du 22 octobre. Il est relatif aux attestations de prise en compte de la réglementation thermique et de réalisation d’une étude de faisabilité relative aux approvisionnements en énergie pour les bâti-ments neufs ou les parties nouvelles de bâtiments. Son annexe 1 donne la définition de la consommation conventionnelle d’énergie primaire.

La maitrise du risque est essentielle si on veut envisager de le transférer aux assureurs qui, contrairement à ce que certains pensent, ne nous semblent pas frileux mais plutôt raisonnables.

Gageons que grâce à un cadre aux références mieux « normalisées », on cernera mieux les responsabilités des uns et des autres et leur contribution au résultat attendu.


Daniel LemaîtreDirecteur SMABTP | ex-Président de la

commission « construction » de la FFSA

Il n’est pas exclu qu’un dispositif juridique ayant trait à la performance réelle voit le jour

Troisième temps

L’approche des assureurs

Après m’être exprimé, au début de cette séquence, en tant que Directeur de la SMABTP, je m’exprime maintenant plus généralement au nom des assureurs. Je pense que la situation évolue positivement. Un exemple : la création du groupe de travail n°18 du Plan Bâtiment Grenelle, consacré à la garantie de la performance énergétique. Son existence démontre que les acteurs ont pris conscience de l’ab-

sence de définition précise de cette notion.

Lors des échanges, il est apparu que cette garantie n’est pas une et indivisible. Elle comprend plusieurs sous-produits, comme la performance conventionnelle, inhérente à la conception du bâtiment, ou la performance mesurée, liée à son exploitation. Au démarrage des travaux de ce groupe, ces précisions n’avaient pas droit de cité. Elles sont maintenant ancrées dans la réflexion.


Les assureurs souhaitent un cadrage très précisLes questions juridiques évoquées par Rémi Porte sont aujourd’hui examinées à l’aune de la loi Spinetta. Il est permis de rêver d’un dispositif élaboré par les acteurs du secteur pour régler ces débats. C’est l’objectif qui a été assigné au groupe de travail. Ses membres souhaitent délimiter le régime de respon-sabilité et les garanties associées à la performance énergétique, après un travail préalable de clarification terminologique.

En définissant plusieurs performances énergétiques ou en retenant l’idée d’un niveau de performance, le groupe de travail éclaire le débat. La distinc-tion entre la mesure après réception, la réglemen-tation et les labels apporte également des éléments de réponse.

Les assureurs souhaitent que ce cadrage soit défi-ni de la façon la plus précise possible. La qualité de leurs réponses dépendra de ce travail liminaire. Des solutions de type « cosmétiques » donnant l’illu-sion de la sécurité pourraient apparaître sur le marché si cette première étape était manquée.

Vers la coexistence de deux systèmes ?


Echapperons-nous longtemps à une loi, pourquoi pas « Loi Pelletier », définissant « l’impropriété à destination énergétique » ?

Je pense que les deux systèmes coexisteront. Si des malfaçons sur le plan énergétique rendent un bâtiment inhabitable, le cadre classique de la loi Spinetta s’applique. Il est plus difficile d’intégrer à la réflexion des notions nouvelles comme la sur-consommation et le remboursement du surcoût, sur-tout lorsqu’elles résultent d’engagements contractuels. Le préambule et les travaux préparatoires de la loi Spinetta ne les visaient pas.

nous ne rejetons pas la mise en place d’un dispositif règlementaire contraignant ou introduisant des garan-ties. Nous insistons sur la spécificité de cette réponse qui se situe dans la zone des engagements contrac-tuels. La performance réelle se place, pour sa part, sur le terrain de l’exploitation. Il n’est pas exclu qu’un dispositif ayant trait à ce dernier champ voit le jour. D’autres secteurs sont régis par un tel système. Cependant, il doit se limiter aux garanties du contrat.

En définissant plusieurs performances énergétiques ou en retenant l’idée d’un niveau de performance, le groupe de travail éclaire le débat.

La performance réelle se place, pour sa part, sur le terrain de l’exploitation.


La réalisation de l’ambition

Troisième temps

Les réactions du grand témoin

Des outils permettront d’apprécier la performance énergétique à partir de règles conventionnelles

Si nous nous étions arrêtés à la seule complexité du débat, le Grenelle n’aurait jamais vu le jour. Car un fait physique demeure : des enveloppes du bâtiment entraînent des pertes thermiques

plus ou moins importantes. Il est en outre scientifique-ment possible de mesurer une production d’énergie éventuelle même si des inconnues perdurent, comme la durée de vie ou le degré d’usure de l’équipement.

Des outils permettront d’apprécier la performance énergétique à partir de règles conventionnelles - car il faudra bien en préciser les modalités. La norme permettant d’apprécier l’étanchéité à l’air a déjà été lancée. Une nouvelle fois, ce cadre ne laisse pas la place à l’interprétation. Je prédis l’apparition de caméras thermiques en complément de cet outil.

Alain MaugardPrésident de Qualibat

La norme conventionnelle que nous construirons pour le bâtiment devra être suffisamment forte pour ne pas être contestable.


Développer le contrôle objectivé de la performance des bâtimentsÀ terme, se développera le contrôle objectivé de la performance des bâtiments, qui sera évalué à partir de normes de consommations conventionnelles. Nous serons dotés d’outils en mesure d’éviter tout débat. On établira par exemple que lorsque la température intérieure s’élève à 19 °C, le bâtiment, selon des séquences climatiques standardisées, consommera x kWh/m2/an. Ce système est comparable aux règles conventionnelles applicables à la consommation d’une automobile à 120 km/h, 90 km/h ou en ville. Même si, dans les faits, on consomme moins - ou plus - que la norme, ces calculs établissent une consommation type. Personne ne songe à attaquer un constructeur et à s’opposer à cette référence.

Par analogie, la norme conventionnelle que nous construirons pour le bâtiment devra être suffisamment forte pour ne pas être contestable.

Le résultat final dépendra aussi du comportement de l’usagerMettons de côté les usages. La consommation électrique qui n’est pas liée au bâtiment (notamment les consommations domestiques) doit être éjectée de l’analyse. En revanche, les moteurs de ce système (chauf-fage, eau chaude sanitaire, éclairage, ventilation…) doivent être pris en compte même si le résultat final dépendra également du comporte-ment de l’usager. Les constructeurs garantiront, sur la base de mesures concrètes, la qualité du produit livré. Charge au consommateur de l’uti-liser correctement.

Si la maîtrise d’œuvre a conçu correctement un projet et si le travail d’entrepreneurs a été effectué dans les règles, il n’y a aucune raison d’en contester la performance conventionnelle - surtout si elle est vérifiée par des outils de mesure ad hoc.

L e s c o n s t r u c t e u r s garantiront, sur la base de mesures concrètes, la qualité du produit livré.



Tous les acteurs ont intérêt à identifier les responsabilités susceptibles d’être engagées. Il est, par ailleurs, inté-ressant d’associer un juriste à ces problématiques car il s’attachera également à préciser la terminologie utilisée.

Il n’est pas possible de se défausser de sa respon-sabilité si un bâtiment présente des malfaçons trois ans après sa livraison. La garantie décennale relève de l’ordre public. Aucune clause exonératoire ne permet de l’écarter. Le législateur ne reviendra pas sur ces dispositions. C’est pourquoi une ana-lyse des responsabilités qui pourront être mises en œuvre me paraît indispensable. Il faut avancer bien entendu. Toutefois est-ce que nous avancerons véritablement si la responsabilité des acteurs vient à augmenter de manière considérable ? Qui suppor-tera les risques ?

On pourrait penser à une définition de la destination de l’ouvrage, pour caractériser un peu les risques. Mais malheureusement, cette notion est précisément conçue comme un standard. Elle est faite pour s’ap-pliquer à des ouvrages très variés et il est impossible d’en donner une définition ferme et systématique. On pourrait penser alors de poser que le seuil de 50 kWhep/m2/an ne prend pas en considé-ration le mobilier ou le confort d’été. Ce serait déjà une chose. Il suffirait de le mentionner dans le contrat. Mais au-delà, quand la responsabilité du comportement de l’usager ne sera pas clairement établie, la garantie décennale jouera.

Un nouveau texte devrait être rédigé pour aider le magistrat à trancher.

Les réactions

Troisième temps


REMI PORTE ��

Les juristes ont raison de demander une définition avant que les constructeurs n’engagent leur responsabilité. Il est dommage de contrarier les bonnes volontés des entreprises en raison d’un problème juridique. Pour ma part, j’estime que la garantie décennale intervient uniquement en cas de dommage matériel à l’ouvrage.


Les enjeux majeurs d’un projet de société doivent toujours l’emporter sur sa complexité. Du reste, les problématiques posées par les mutations du bâtiment n’étaient pas si difficiles à résoudre puisque les profession-nels ont été en avance sur la réglementation. Plus personne ne conteste la possibilité, avec les techniques actuelles, de construire des bâtiments BEPOS (bâtiment à énergie positive).

Il convient désormais de sécuriser le secteur en s’adjoignant les compé-tences de juristes. Il faut protéger le professionnel qui n’a pas fait d’er-reurs mais qui a rencontré des aléas. La clarification des textes rassurera ceux qui hésitent encore à se lancer dans cette démarche.

Si nécessaire, une loi sera rédigée pour préciser les conditions d’applica-tion de la garantie décennale. La législation sera vraisemblablement fondée sur la nouvelle définition consacrée par la RT 2012. En confirmant qu’un bâtiment peut être à énergie positive, la réglementation fait de ce dernier un producteur d’énergie - il en consomme aussi, mais dans une moindre mesure. Si cette performance n’est pas remplie, un défaut « constitutif » de l’ouvrage bâtiment sera constaté. Le législateur jugera ou non pertinent de faire rentrer ce défaut dans l’assurance construction.

La nouvelle économie du bâtiment ne pourra se développer sans être accompagnée par des garanties assuran-tielles et sans une stricte définition du respect de la réglementation. Les assureurs ont d’ores et déjà compris qu’ils pourront accroître leurs garanties s’ils ont un droit de regard sur le système d’exploitation et de maintenance.

Intervention de la salle ��

En tant qu’avocat, je m’interroge sur la contribution de ma profession au débat. Comment séduire le juge pour protéger les chiffres de l’assurance construction ? Comment faire en sorte qu’un défaut de performance ne tombe pas dans l’escarcelle de l’impropriété à la destination de l’ouvrage - une notion à laquelle nos voisins européens reste hermétique ?

La garantie décennale s’applique en cas de dommage grave - et non de désordre grave. Elle joue, par exemple, quand le chauffage est défaillant. La jurisprudence nous fournit déjà des réponses annonçant les futures diffi-cultés de l’assureur de responsabilité décennale. Lorsque les normes sont respectées mais qu’un trouble affecte l’occupant des lieux, le juge fait valoir ce régime de responsabilité. Quand des tourelles perturbent le voisinage alors qu’elles ont été conçues pour en assurer le génie climatique, le juge prend une décision identique. Il place le curseur de l’impropriété à la destination selon sa propre appréciation.

Précisons que, depuis l’ordonnance du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l’obligation d’assurance dans le domaine de la construction, le législateur demande au juge de mettre de côté les éléments d’équipement ayant une vocation professionnelle. Le propos se concentre donc sur les particu-liers. La Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a considéré - Madame Durand-Pasquier l’a rappelé - qu’un appoint énergétique secondaire pouvait être un élément déterminant pour l’utilisateur. Cette décision confirme du reste que la responsabilité décennale est une garantie légale, mais qui reste fondée sur le contrat.

Le juge estimera la responsabilité des constructeurs en lien avec l’assurance construction. S’il n’est pas possible d’indemniser le tiers lésé, sa décision sera guidée par le schéma obligatoire de la garantie décennale. Je vous conseille d’offrir des garanties facultatives pour séduire le juge. Faites également en sorte que celles-ci soient consistantes, contre la tendance de l’assureur de les plafonner ou d’y adjoindre des exclusions.



Allons-nous nous diriger vers une conception anglo-saxonne de la garantie, selon laquelle tout devra figu-rer dans le contrat ?

DANIEL LEMAÎTRE ��

Je suis favorable à la cohabitation du système actuel avec d’autres perspectives législatives, ainsi qu’avec les solutions assurantielles qui les accompagneront - je fais confiance à l’imagination des assureurs. Néanmoins, s’il faut séduire quelqu’un, je pré-fère que les suffrages se portent vers les entreprises et les maîtres d’ouvrage plutôt que vers les juges.


Je suis très étonné par les propos qui ont été tenus. Revenons sur la chaîne de la performance énergétique et sur sa réalité du terrain. Le CSTB met au point un moteur de calcul. Il est intégré dans les logiciels des thermiciens qui réalisent des calculs pour les archi-tectes. Les résultats obtenus peuvent considérablement varier en fonction de la version du logiciel utilisée. J’ai pu constater un delta de près de 20% sur un bâtiment deux ans après sa livraison. Il est devenu THPE (Très Haute Performance Energétique) alors qu’il devait répondre à la RT 2005.

Puisque les autres acteurs s’engagent déjà contractuellement, pourquoi ne pas faire porter la responsabilité sur le certificateur qui signe l’attestation ? Il reçoit des honoraires que je sache. Qui plus est, la réalité ne peut pas devenir un élément de jugement. Les consommations réelles ne peuvent être connues qu’après 15 ans car cette échéance sert de référence aux moteurs de calcul qui établissent une moyenne de consommation.

J’en conclus qu’un sinistre ne peut être déclaré qu’après cette date. Selon ce raisonnement, il faudrait installer un capteur derrière chaque fenêtre pour vérifier si l’usager ne l’a pas ouvert pour fumer une cigarette. Absurde !

Je m’interroge également sur la mauvaise qualité de l’habitat. Quand sera-t-elle sanctionnée pénalement ? Quand l’utilisateur sera-t-il mis en cause parce qu’il ne respecte pas le modèle théorique ?


Ce dernier cas de figure reste inimaginable. En revanche, le comportement de l’uti-lisateur pourrait permettre d’exonérer les constructeurs de leur responsabilité si tant est qu’il est prouvé que c’est bien l’utilisateur qui a provoqué des désordres. Même si la charge de la preuve est difficile à apporter, ce raisonnement est déjà appliqué.

La complexification de la construction nous contraint à envisager d’autres types de répartition de la responsabilité. Mais, dans tous les cas, il est impossible de l’écar-ter. La délivrance d’une attestation n’exclut pas d’emblée l’application de la garantie décennale. La non-conformité aux normes n’est pas nécessairement apparente au jour de la réception. Et cette non-conformité tend de plus en plus à être appréhen-dée par les juges non plus sur un fondement contractuel, mais bien sur le fondement de la décennale. Ainsi, dans son arrêt du 11 mai 2011, la Cour de cassation n’a pas examiné la réalité d’un désordre suite à une non-conformité à une norme para-sismique. Elle a simplement estimé que le non-respect des normes parasismiques engageait de fait la responsabilité décennale du constructeur.



Les vendeurs de contrats de performance énergétique sont déjà confrontés à ce problème. Si la loi est appliquée en l’état, ils passeraient au tribunal en permanence. Il faut s’insurger contre l’absurdité de cette loi.


Des industriels comme Legrand, Wirecom Technologies ou Schneider Electric proposent déjà des moyens techniques de suivre, voire d’anticiper, les comportements des usagers d’un bâtiment. Ils imaginent que tous les appareils électriques seront bientôt dotés d’une puce permettant d’en modéliser l’utilisation. Quant aux vieux appareils, ils seront branchés sur une prise équipée d’une puce similaire, capable de reconnaître le type de produit, afin de le gérer comme les autres.

L’objectif ultime est que la maison, le bâtiment, devienne une brique de base des réseaux intelligents, dits « smarts grids ». La connaissance fine du moindre profil de consommation permettra d’adapter la fourniture d’énergie en temps réel. Cela interroge évidemment sur le droit à la liberté et à la confidentialité des habitudes des consommateurs…

Clôture


Etienne CréponDirecteur à la Direction de l’Habitat,

de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP)

Clôture

Il convient maintenant de concevoir les textes règlementaires accompagnant la dynamique du Grenelle

Les mutations introduites par le Grenelle de l’environnement modifieront profondément les conditions d’exercice de vos métiers. Le client final n’achètera plus un simple bâtiment. Il fera l’acquisition d’un ouvrage procurant un niveau de performance énergétique. Ce dernier constituera l’un des éléments moteur de sa décision.

D’abord mesurer objectivement le respect des normes…Dans ce contexte, l’Etat se préoccupe de la réglementation qu’il convient de mettre en place. Il n’est pas pos-sible, pour mener à bien cette tâche, de s’abstraire de l’instauration de règles et des normes d’usage en fonction de paramètres précis. Les opérateurs doivent s’appuyer sur des références communes pour s’assurer du respect de la réglementation.

Des garanties contractuelles apportées par le maître d’ouvrage à son client seront définies concomitamment. Elles feront le miel des juristes et des avocats.

Il convient donc de bien distinguer la question règlementaire de celle des garanties contractuelles.

Des règles sont fixées sur la base de moteurs de calcul qui évoluent régulièrement pour tenir compte des pro-grès technologiques. Elles se fondent sur cinq usages et sur le mode de vie « moyen » d’un ménage. Elles ont le mérite de servir de référence et d’être contrôlables au moment de la conception, au cours du chantier et à la livraison. Cet usage théorique permet de mesurer le respect des normes.


… Et puis responsabiliser l’usager

Un énorme effort de pédagogie et de communication doit être effectué pour faire comprendre à l’acheteur d’un appartement BBC que sa consommation d’énergie variera en fonction de l’orientation de son bien, de son étage, de son mode de vie et du nombre d’occupants. La performance promise (50 kWhep/m2/an) vaut pour l’en-semble de l’immeuble et non pour son seul appartement. Le respect de la réglementation, qui reste théorique, diffère de la facture finale. Cette dernière résultera de la première mais aussi du comportement des usagers.

Le débat dépendra, par ailleurs, de la capacité des opérateurs, des maîtres d’ouvrage, des entreprises et des clients à préciser des garanties contractuelles de la performance. Des promoteurs étudient d’ores et déjà cette question. D’importantes marges de progrès existent. Cette évolution naturelle correspondra à la demande des usagers. Elle créera également de nouveaux métiers assurantiels car les opérateurs souhaiteront couvrir ces nouveaux risques.

Le législateur prendra ses responsabilitésLes mutations du bâtiment ouvrent un nouveau champ de travail car les consommateurs achèteront de nou-veaux produits. Si les contentieux venaient à se multiplier, il deviendrait nécessaire de légiférer pour stabiliser les textes. Je ne doute pas qu’alors le législateur prendra ses responsabilités. Il n’a pas souhaité rédiger un texte en amont car il appartenait au Grenelle de l’environnement de mettre l’ensemble du secteur en mouvement. Cet objectif est aujourd’hui atteint. Il convient maintenant de concevoir les textes accompagnant cette dynamique.

Je suis évidemment preneur de vos propositions législatives et réglementaires.

Je vous remercie.


Gérard LaurentPrésident de la

fondation excellence SMA

Clôture

Monsieur le Directeur,

Messieurs les présidents,

Messieurs les directeurs généraux,

Mesdames, messieurs, chers Amis,

Cette après midi de réflexion aura été importante et utile, je l’espère, pour tous ceux qui construisent, conçoivent et habitent dans notre beau pays.

Tout ne sera pas réglé rapidement mais les réflexions développées ici même contribueront à une maturation des mentalités et des systèmes conçus pour intégrer tous ces changements.

La fondation ExcELLEncE SMA y veillera et participera comme elle le fait depuis 17 ans à la promotion des pratiques vertueuses.

Je formule le vœu de nous retrouver l’an prochain ici même sur un autre thème.

Avant de vous inviter à prendre le verre de l’amitié je tiens à remercier

- l'ensemble des intervenants qui ont accepté de venir débattre avec nous.

- PHILIPPE ROCHER, directeur de METROL.

- GENEVIèVE LARRIEU et son équipe qui nous ont assisté dans l'organisation.

Dès le mois de janvier prochain, nous vous ferons parvenir les actes du colloque que vous pourrez consulter également sur notre site internet.

Merci à vous tous et place au cocktail.

Assistance scientifique: Guillaume GAUTIER, SOCABAT

Assistance technique et animation: Philippe ROCHER, METROL

Rédaction des actes : Michel LEVRON, journaliste

Photos: Dominique ESKENAZI, photographe - FOTOLIA

Maquette et mise en page : Emilie ZECH et Christophe JACQUEMIN, SMABTP

Imprimerie: AXIOM GRAPHIC

Tous droits de reproduction réservés, sauf accord EXCELLENCE SMA - Janvier 2012.

www.smabtp.fr

114, avenue Emile Zola - 75739 Paris cedex 15

Co

llo

qu

e «

Les

ris

qu

es l

iés

à la

mu

tati

on

du

bât

imen

t »

- E

XC

EL

LE

NC

E S

MA

- O

CT

OB

RE

2011

Actes - groupe-sma.fr · §Président de la cOPREc construction ... (Editions du Moniteur). ETIENNE...

Documents

Transcript of Actes - groupe-sma.fr · §Président de la cOPREc construction ... (Editions du Moniteur). ETIENNE...