ACTES ERGOIA 2006 · 2011-04-21 · L'humain comme facteur de performance des systèmes complexes...

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L'humain comme facteur de performance des systèmes complexes Ergo'IA 2006 Bidart/Biarritz France ACTES DE LA CONFERENCE 10 e EDITION - CONFERENCE INTERNATIONALE 11/12/13 Octobre 2006 E. Brangier - Université de Metz C. Kolski - Université de Valenciennes J.-R. Ruault - DGA Edités par ESTIA & ESTIA.INNOVATION

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L'humain comme facteur de performance

des systèmes complexes

Ergo'IA 2006Bidart/Biarritz France

ACTES DE LA CONFERENCE

10e EDITION - CONFERENCE INTERNATIONALE

11/12/13 Octobre 2006

E. Brangier - Université de Metz

C. Kolski - Université de Valenciennes

J.-R. Ruault - DGA

Edités par ESTIA & ESTIA.INNOVATION

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ERGO-IA2006

Manifestation organisée par :

ESTIA & ESTIA.INNOVATIONTechopole Izarbel – 64210 Bidart

Tél : 05 59 43 84 00 – Fax 05 59 43 84 01E-mail : [email protected] – http://www.ergoia.estia.fr

PARRAINAGE SCIENTIFIQUE

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ISBN 2-9514772-6-0 La loi du 11 Mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’Article 41, d’une part que les « copies ou reproduction strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code Pénal.

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COMITE SCIENTIFIQUE

Présidence ScientifiqueÉ. BRANGIER - C. KOLSKI - J-R. RUAULT

Université Paul Verlaine Metz & Université de Valenciennes & DGA

Jean-François AUBRY, Institut de Sûreté Industrielle, Nancy

Jean-Paul BARTHES, Université Technologique de Compiègne

Josiane BASQUE, Télé-université du Quebec, Montréal

Christian BASTIEN, Université Paris V Marc-Eric BOBILLIER CHAUMON,

Université Lyon 2 François BOILLEAU, Giat Industries Guy BOURHIS, Université Metz Christian BRASSAC, Université Nancy 2 Gaëlle CALVARY, Imag, Grenoble Noëlle CARBONELL, Loria, Nancy Valérie CASTEL, Giat Industries Alain COHENCA,

Renault, Vice Président de l'AFIS Daniel COINEAU, RATP François DANIELLOU,

Université Bordeaux 2 Bertrand DAVID, ECL Lyon Michel DESMARAIS,

Ecole Polytechnique de Montréal Iñaki DORRONSORO,

Mondragon Corp.Cooperativa Annie DROUIN, Consultante, Paris Henri FANCHINI, Artis Facta Daniel GALARRETA, CNES, Toulouse Michel GALINIER, Thalès Claude GERMAIN, Université Lyon 2

Patrick GIRARD, Université Poitiers, Président de l’AFIHM

Jean-Roch GUIRESSE, ESTIA Florence HELLA, INRS Nancy Alain LANCRY, Université Amiens Valérie LEGUAY, DGA Bruno MAGGI, Université Bologne Odile MARTIAL, Consultante, Montréal Gabriel MICHEL, Université Metz Faouzi MOUSSA, Université de Tunis Michel NEBOIT, Président de la Self Anne-Sophie NYSSEN, Université de Liège Dina NOTTE, Ergodin, Belgique Philippe PALANQUE, Université Toulouse 3 Jean PARIES, Dédale René PATESSON, Université Libre de Bruxelles Gérard POULAIN, France Télécom R&D Serge QUAZZOTTI,

CRP Henri Tudor, Luxembourg Mouldi SAGAR, Université de Valenciennes Dominique SCAPIN, INRIA Jean-Claude SPERANDIO,

Pr Emérite Lab. Ergonomie Informatique, Paris V Daniel TASSET,

D.G. de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection

Jean-Claude TUCOULOU, Giat Industries, Dir. Scientifique de l'AFIS

Frédéric VANDERHAEGEN, Université de Valenciennes

RELECTEURS ADDITIONNELS

Emmanuel ADAM, LAMIH, Univ. Valenciennes Jean-Daniel FEKETE, INRIA Futurs, LRI, Orsay Virginie GOVAERE,

INRS, Vandoeuvre-les-Nancy Jean-Luc KOP, Labpsylor, Université Nancy 2

Karin LUNDGREN-CAYROL, LICEF, Montréal Jacques MARC, INRS, Vandoeuvre-les-NancyFranck TARPIN-BERNARD, ICTT, Insa Lyon Corinne VAN DE WEERDT,

INRS Vandoeuvre-les-Nancy

COMITE D’ORGANISATION

PRESIDENTJean-Marie BERCKMANS, Président de la CCI Bayonne Pays Basque MEMBRESJean-Roch GUIRESSE, ESTIA Sophie PAOLACCI, ESTIA.Innovation Michèle ROUET, ESTIA

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TABLE DES MATIERES

CONFERENCES INVITEES

Violations et migrations ordinaires dans les activités à risques : conséquences pour la résilience globale et la gestion du retour d’expérience en entreprise R. Amalberti (IMASSA) ................................................................................................................. 13

Génie système : à la croisée de la science et de l'art A. Faisandier (Directeur, Map Système) ....................................................................................... 21

Vers un prototypage des interfaces graphiques incluant vraiment l'utilisateur final J. Vanderdonckt (BCHI, Université de Louvain-La-Neuve) ........................................................... 31

ARTICLES LONGS DE RECHERCHE

Evaluation ergonomique d'un prototype de réalité augmentée par des tests utilisateurs : apports et difficultés M. Anastassova, Ch. Mégard (CEA, LIST), J.M. Burkhardt,J. Breda (Unité d'ergonomie Paris 5) ............................................................................................ 45

Association des réseaux de Pétri et des critères d'ergonomie des logiciels pour la modélisation et la réingénierie de systèmes interactifs, cas de la prescription thérapeutique en milieu hospitalier S. Bernonville (LAMIH, Valenciennes et EVALAB, Lille), N. Leroy (EVALAB), C. Kolski (LAMIH), M.C. Beuscart-Zéphir (EVALAB)................................................................................................... 55

Mémoire des documents familiers : implications pour les systèmes de récupération de fichiersT. Blanc-Brude, D.L. Scapin (INRIA, Le Chesnay)........................................................................ 63

Elaboration et validation d'un questionnaire de mesure de l'acceptation des technologies de l'information et de la communication basé sur le modèle de la symbiose humain-technologie-organisationE. Brangier, S. Hammes (Univ. Metz, ETIC) ................................................................................. 71

Métamorphose des IHM et Plasticité : article de synthèse G. Calvary, V. Ganneau, J. Coutaz, L. Balme, O. Dâassi, A. Demeure, J.S. Sottet (UJF CLIPS IMAG, Grenoble)........................................................................................................................... 79

Importance of peer-to-peer ad hoc collaboration in the development of large software systems S. Cherry, P.N. Robillard (Dpt génie informatique, Ecole Polytechnique Montréal) ...................... 87

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Pour une meilleure prise en compte des opérateurs dans la conception de nouveaux produits à partir d’une démarche d’évaluations combinées de l’activité J. Fénix, J-C. Sagot, (UTBM) C. Valot (IMASSA) ........................................................................ 95

Performances et usages d'un environnement d'apprentissage de la programmation " basé sur exemple "N. Guibert, P. Girard, L. Guittet (LISI, Poitiers) ........................................................................... 103

Approches orientées services Web de l'IHM de supervision : nouvelles solutions technologiques pour les ingénieurs et nouvelles problématiques pour les ergonomes ? D. Idoughi (Univ. Mira, Algérie et LAMIH), C. Kolski (LAMIH, Valenciennes) ............................. 111

Les déterminants du choix d’une modalité d’interaction avec une interface multimodale L. Karsenty (IntuiLab, Toulouse) ................................................................................................. 119

Usage des interactions verbales pour la conception d'applications interactives centrée Genre M. Latapy, Ph. Lopistéguy, P. Dagorret, M. Gaio (LIUPPA, IUT Bayonne) ................................. 129

Supports pour la prise en compte des experts et utilisateurs dans le développement de Systèmes Interactifs d'Aide à la Décision S. Lepreux (LAMIH, Univ. Valenciennes).................................................................................... 139

Les modèles de tâches pour la contextualisation des composants A. Lewandowski (LIL, Calais), J.-C.Tarby (Trigone, Lille), G. Bourguin (LIL, Calais) .................. 147

Interaction multimodale pour la recherché d’information d’une base de données de réunions A. Lisowska (ISSCO Univ. Genève), M. Betrancourt (TECFA, Univ. Genève)............................ 155

La prise de décision en sport de haut niveau : un exemple chez une joueuse experte en badmintonA.C. Macquet, Ph. Fleurance (Institut National du Sport, Paris) ................................................. 163

Démarche d'aide au choix des dispositifs pour l'ordinateur porté G. Masserey, O. Champalle, B. David, R. Chalon (ICTT-ECL Lyon) .......................................... 171

Une proposition pour améliorer la performance de l'usager au sein du système d'information global de la bibliothèque F. Papy, S. Chauvin (Groupe Doc. numérique et usage, Univ. Paris 8)...................................... 179

Décomposition multimodale de l'Activité : vers un outil d'aide à la conception O. Plos, S. Buisine (ENSAM, Paris) ............................................................................................ 185

Comparaison de deux méthodes de prédiction des erreurs humaines en conduite automobile Ph. Polet, A. Chaali-Djelassi, F. Vanderhaegen (LAMIH, Valenciennes) .................................... 193

La programmation sur exemple : principes, utilisation et utilité pour les applications interactivesL. Sanou, P. Girard, L. Guittet (LISI, Poitiers) .......................................................................... 201

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ARTICLES LONGS APPLIQUES

Vigiestrips une IHM innovante intégrée au système aéroport avancé J. Garron (Bertin technologie), J. Journet (Dir. Serv. De la Navigation Aérienne, Athis Mons) ... 211

Utilisation d'une Nouvelle Technologie de l'Information et la Communication - la préparation de commandes avec le guidage vocal V. Govaere, J.F. Schouller (INRS, Vandoeuvre)......................................................................... 221

Démarche centrée utilisateur, intégrée dans la conception d'un DEmonstrateur de Vision INdirecte (DEVIN) L. Kujawa (Giat Industries, Versailles) ........................................................................................ 229

RUP© et conception centrée sur l'utilisateur : une étude de cas F. Lemieux, M.C. Desmarais (Ecole Polytechnique de Montréal) ............................................... 237

Nomenclature de critères ergonomiques pour le vote électronique : éléments d'utilisabilité électoraleG. Michel (Univ. Metz), W. Cybis de Abreu (Univ. De Santa Catarina) ....................................... 245

Esquisse de processus visant à améliorer la capacité d’adaptation des systèmes à leurs environnementsJ.-R. Ruault (DGA, Paris)............................................................................................................ 253

Prise en compte du Facteur Humain dans les études de Sûreté de Fonctionnement des systèmes militaires terrestres A.S. Smouts, V. Castel (Giat Système), F. Colomban (CSSI, Toulon),V. Delebarre (Safe-River, Paris) ................................................................................................. 261

Les savoir-faire de production dans les manufactures du verre et du cristal : des automatismes aux habiletés cognitives D. Wannenmacher (Grefige, LabPsyLor Univ. Nancy)............................................................... 269

Déplacements urbains de personnes non voyantes : étude multifactorielle des difficultés et apports d'une nouvelle interface pour le recueil de données M. Wolff, Ph. Cabon, G. Uzan, J. Nelson, S. Couix (Unité d'ergonomie Paris 5) ........................ 277

Evaluation d'une interface visuelle et auditive prototype pour un équipement militaire de campagneM. Wolff, J.C. Spérandio (Unité d'ergonomie Paris 5), L. Todeschini (DGA, Montreuil) .............. 287

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ARTICLES COURTS DE RECHERCHE

Enjeux et défis de la conception des interfaces pour les assistants numériques personnels S. Baffoun, J.M. Robert (Ecole polytechnique de Montréal)........................................................ 297

Apports croisés des démarches d'inspection et de test d'usage dans l'évaluation de l'accessibilité de E-services M.E. Bobillier Chaumon (ICTT-ECL), F. Sandoz Guermond (ICTT INSA) .................................. 301

Une approche hybride pour une meilleure visualisation de grands ensembles de règles d'associationO. Couturier (CRIL, Univ. Artois), J. Rouillard, V. Chevrin (CUEEP, Univ. Lille1) ....................... 305

Les simulations en conduite incidentelle/accidentelle dans le nucléaire : proposition d’un protocole pour l’analyse de l’activité collective Cecilia De la Garza (Univ. Paris 5), Pierre Le-Bot (EDF R&D).................................................... 309

Gestion de disponibilité en communication médiatisée : premiers résultats d'une observation écologiqueG. Genieys (France Télécom R&D), J. Kahn (France Telecom VSF),J.M.C. Bastien (Univ. Paris 5) ..................................................................................................... 313

Interaction personne handicapée/système à balayage : vers un réglage automatique de la vitesse de défilement adapté à l'utilisateur S. Ghedira, P. Pino, G. Bourhis (LASC, Univ. Metz) ................................................................... 317

Ergonomie des logiciels éducatifs pour enfants déficients cognitifs : l'importance des émotionsG. Michel, M. Jobert, C. Delcourte, S. Boulakfouf, A. Dibon, G. Petit (labo. Univ. Metz) ............ 321

Comportements des conducteurs vis-à-vis de nouveaux systèmes d'assistance à la conduite automobile en situation critique Ch. Pagot, A. Clarion, C. Petit (Renault Research Dpt, Guyancourt), Ch. Collet (Univ. Lyon 1) ............................................................................................................ 325

Evaluation d'analogies scripturales pour la conception d'une méthode de saisie en mobilité - Uni-GlyphF. Poirier, M. Belatar (Labo. VALORIA) ...................................................................................... 333

Un pas vers un outil d'aide aux évaluateurs de systèmes interactifs à base d'agents A.Trabelsi, H. Ezzedine (Lamih, Univ. Valenciennes) ................................................................. 337

Evaluation précoce et conception orientée évaluation J-C. Tarby (Trigone, Lille) ........................................................................................................... 343

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ARTICLES COURTS APPLIQUES

L'innovation par l'analyse des performances humaines : application de l'ergonomie à la conception de produits cosmétiques E. Brangier (Univ. Metz, ETIC), J.C. Simon (KPSS, Darmstadt)................................................. 349

Applications of human modelling techniques in industrial design context, a multi-agent/multi-scale approach M. Shahrokhi, A. Bernard (IRCCyN, Nantes) .............................................................................. 353

Barrier Analysis through Industrial Design Processes M. Shahrokhi, A. Bernard (IRCCyN, Nantes) .............................................................................. 357

POSTERS ET DEMONSTRATIONS

Prise en compte du facteur humain pour la conception d'un système informatisé de régulation médicale de théâtre opérationnel W. Guessard (Section technique Armées), A. Puidupin, R. Besses, P.O. Miloche, G. Comtet,V. Di Giusto (Institut de médecine navale) .................................................................................. 363

Modélisation pédagogique : comment choisir les bons outils? V. Heiwy (CRIP5, Univ. Paris 5).................................................................................................. 365

Conception et Réalisation d'un site de E-recrutement avec module Datamining intégré de classificationH. Necir (Univ des Sciences de la technologie, Faculté de Bab Ezzouar, Algérie) ..................... 367

IHM et IDM : un tandem prometteur J.S. Sottet, G. Calvary, J. Coutaz, J.M. Favre (UJF CLIPS IMAG, Grenoble)............................. 369

Déplacements urbains de personnes non voyantes : observation et analyse des difficultés M. Wolff, Ph. Cabon, G. Uzan, J. Nelson, S. Couix (Unité d'ergonomie Paris 5) ........................ 371

Déplacements urbains des personnes non voyantes : la fréquence cardiaque comme indicateur potentiel de stress M. Wolff, Ph. Cabon, G. Uzan, J. Nelson, S. Couix (Unité d'ergonomie Paris 5) ........................ 375

INDEX DES AUTEURS ............................................................................................................ 381

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CONFERENCES INVITEES

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Violations et migrations ordinaires dans les activités à risques: conséquences pour la résilience globale et la gestion du retour d’expérience en entreprise

René Amalberti IMASSA, BP73, 91223, Brétigny-sur Orge

RESUMELa question des dérives et des déviances diverses dans les systèmes sûrs trouve une actualité particulière dans la sécurisation progressive des systèmes industriels. En effet, plus on contraint un système, plus le système ainsi bridé augmente ses mécanismes de violations, en général pour satisfaire une performance économique devenue trop contrainte par la sécurité. En s’inspirant du modèle de migration de Rasmussen (1997), l’auteur propose un modèle en trois étapes qui rend compte de ce mécanisme qui fait passer le système d’une ‘violation quasi normale’ (On parle de Border-line Tolerated Conditions of Use – BTCUs) à un accident spectaculaire. Les notions importantes à débattre et à modéliser sont à la fois les mécanismes spontanés des systèmes techniques pour vivre avec les dérives de tous ordres (notamment les effets pervers sur le retour d’expérience) et d’un autre côté les stratégies de sécurisation que l’on peut conseiller pour réguler de façon réaliste le système globalement, et plus localement aux trois phases de la migration. Les notions de cycle de vie des systèmes industriels, de place de la sécurité dans ces cycles de vie, de robustesse (resilience) du système et de modèle dynamique de gestion des risques sont au centre de la conférence.

MOTS CLES : Sécurité, systèmes industriels, violations, migrations,

ABSTRACT: The matters of deviance and violations in complex industrial systems are gaining importance with the continuous pressure for improving safety. Indeed, the more the systems are constrained, the more deviances occur to cope with the economic demand. This paper proposes a three phase model derived from Rasmussen’s theory of migration to boundaries to explain the mechanisms by which the deviance occurs, stabilizes, regresses, or progresses to an accident. Two points must be clearly understood: first how systems adapt to deviances and may escape to safety surveillance (including how they twist the reporting systems to hide the deviance), and second, what strategy can be realistically suggested to coping. The concepts of lifecycle of industrial systems, resilience, and dynamic risk management are other key point of the paper.

KEYWORDS : Safety, industrial systems, violations, migrations

INTRODUCTIONCe texte traite de l’(in)sécurité des grands systèmes socio-techniques (pôles énergétiques, transports publics, médecine). Ces ‘grands systèmes socio-techniques’ présentent trois caractéristiques :

Les processus à contrôler à gérer sont dynamiques, ils évoluent pour eux-mêmes mais peuvent être infléchis par l’intervention humaine. Ils restent sous le contrôle d’Hommes ‘au contact du processus’ et dans la boucle de ‘management’ ; en anglais on emploie le terme de ‘sharp end’ pour les premiers, et de ‘blunt end’ pour les seconds [23]. Cette propriété de contrôle humain horizontal et vertical ne disparaît pas quelque soit le niveau de technologie employé. Ils sont à risques; le risque est la mort physique des acteurs et/ou du système lui-même (notamment mort économique) ; cette mort peut être isolée mais s’accompagne le plus souvent d’effets collatéraux.

La sécurité de ces systèmes n’est jamais suffisante. L’espoir d’amélioration continue de cette sécurité repose sur un système de croyances au rang desquelles figurent les cinq principes suivants :

Deux principes sont relativement globaux La sécurisation réduit les risques d’exposition de l’entreprise à la crise.La réduction du volume et de la survenue des incidents réduit le nombre de plaintes et problèmes avec les clients et riverains. Il existe une voie commune de sécurisation des systèmes, basée sur l’adoption d’outils/ organisations ayant fait leur preuve: les stratégies de sécurité des meilleurs systèmes (nucléaire, aviation) trace le chemin pour tous les autres systèmes socio- techniques.

Trois principes sont plus méthodologiques, et centrés sur la réduction du risque :

La conformité à une marche ‘idéale’ est la voie de sécurisation privilégiée des systèmes. Le

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retour d’expérience et la démarche qualité sont les outils habituellement retenus pour cette mise en conformité. La réduction des écarts et évènements indésirables conduit naturellement à une meilleure sécurité. Les erreurs sont excusables sinon tolérables, et le système doit développer des barrières pour en réduire l’occurrence et les conséquences [1, 2]. Les barrières s’organisent en trois secteurs complémentaires : Prévention, Récupération, et Atténuation. La distinction entre erreurs patentes (des acteurs de première ligne) et erreurs latentes (de la gouvernance du système) est maintenant admise comme un fait à prendre en compte avec des actions ciblées sur le management [13]. Les violations restent considérées comme des actes délibérées et injustifiables.

Cette conférence veut montrer que le caractère de vérité de ces idées se réduit grandement dans la phase finale

d’optimisation de tout système socio-technique. Pour bien comprendre ce phénomène paradoxal, le texte propose d’étudier les modèles décrivant les changements de sécurité dans les cycles industriels, puis de façon plus précise le comportement des systèmes approchant leur niveau d’asymptote final, notamment en termes de violation, et enfin, le texte propose de revenir sur les solutions envisageables.

MODELISER LES CHANGEMENTS DE SECURITE DANS LES CYCLES INDUSTRIELS Le modèle de changement présenté s’inspire des travaux du sociologue Hughes [20] (voir aussi Gras [17] pour un éclairage sur les travaux de Hughes) dont le terrain d’étude privilégié a été pendant longtemps le développement de l’industrie de l’énergie électrique. Le modèle décrit trois phases qui s’étendent sur des cycles de 60 à 90 ans (soit une durée de vie finalement comparable à celle de la vie humaine) (figure1) :

Niveau de sécurité

Systèmes sous pression médiatique

TEMPS DE LA JUSTIFICATION Ralentissement des progrèsSur optimisation des solutions connues- rigidification des procédures

Transparence

TEMPS DE L’ESPOIR, progrès rapides

QUALITE

REX

Cycle des systèmes socio-techniques

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 années de vie

RUPTURETECHNOLOGIQUE

Cycle suivant

TEMPS HEROIQUES découvertes fondatricesAucune pression de sécurité

TEMPS HEROIQUES découvertes fondatrices

SECURITE

Amalberti, R. Optimum system safety and optimum system resilience: agonist or antagonists concepts? In E. Hollnagel, D. Woods, N. Levison, Resilience engineering : concepts and precepts, Aldershot, England: Ashgate, 2006: 238-256

Figure 1 : Cycle de vie des grands systèmes : Ces grands systèmes, à leur échelle, naissent et meurent –on parle de cycle industriel- en connaissant un cours de vie largement reproductible d’un système à l’autre [20]. Attention !! la mort du système n’est pas la mort de la fonction du système ; la fonction renaît de ses cendres dans une nouvelle technologie issue d’une rupture technologique : le cycle reprend, souvent sous une forme différente de couplage ; par exemple l’aéronautique civile s’approche de sa fin de cycle et devrait subir une rupture technologique de très grande envergure vers les années 2030 avec l’arrivée annoncée d’une guidage satellitaire complet du système. Les professions changeront, de même que toute l’économie du système, mais on continuera à prendre des avions pour aller de A à B (continuité du service)

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a. Une phase de créativité initiale. Quelques individus portent l’innovation et la sécurité n’est pas considérée comme une priorité à ce stade.

b. Une phase de généralisation de masse, qui s’étend souvent sur plusieurs dizaines d’années. A ce stade, l’industrie absorbe l’innovation, la standardise, l’optimise, et la généralise pour un objectif de rentabilité (économique, éthique, bien être). Cette phase se caractérise par le flux continu d’optimisation et le fait que la sécurité évolue en parallèle de la performance. La défense pénale sur des problèmes de défaillances est argumentée sur la dynamique et l’espoir technologique : par exemple, on a longtemps excusé – au sens de la responsabilité - la mort de nombreux patients par la non disponibilité scientifique d’une molécule, d’un vaccin, ou d’une technique efficace au moment de leur maladie. En même temps, on a tenu un discours très fort autour de découvertes qui règleraient dans un avenir très proche le problème des futurs patients atteints de la même maladie. Cette défense, arguant à la fois sur l’inéluctabilité de la mort par défaut de science et sur l’espoir à moyen terme d’un sort meilleur, s’est imposée d’une façon si forte et si naturelle dans l’inconscient collectif des patients et des familles jusqu’aux années 90 aux USA et en France qu’elle a longtemps réduit les plaintes et poursuites en justice.

c. Une phase d’optimisation finale, dite de ‘momentum incontrôlé’. La vitesse des progrès se ralentie et le système devient balistique en tombant souvent dans des sur-optimisations locales au détriment d’une vision stratégique globale. Cette situation génère de nombreux paradoxes.

Le paradoxe dominant fait que les systèmes ainsi devenus très sûrs deviennent en même temps plus fragiles :

La société demande plus de transparence sur le risque réel ; cette transparence motive une montée en puissance croissante de tous les moyens de retour d’expérience ; cependant, la possession de l’information rend en retour la société plus intolérante à tous les problèmes résiduels; l’épisode des accidents de charters pendant l’été 2005 autour de l’information détaillée apportée sur l’état des avions en représente un exemple caricatural : plus le public dispose de l’information, plus il est pris de doute sur ce qu’on lui cache derrière cette information. Cette posture rend parfois difficile le déploiement des systèmes d’informations trop transparents, et freine en retour la sécurisation réelle des pratiques.

On assiste à une intensification des outils et méthodes qui se sont avérés jusque là porteurs des améliorations (qualité, suppression des risques, contraintes diverses sur le processus, protocoles,

règlements). Il en résulte une attitude de plus en plus prudente ; le danger se déplace d’erreur d’action vers des erreurs par défaut d’action. Le système consomme aussi de plus en plus de ressources à se contrôler. Cette consommation, peu perceptible au départ, devient significative quand le système se déploie, particulièrement dans un climat de gestion tendue de personnel. Le déploiement et souvent les dérives des outils de qualité continue sont un bon exemple de ce paradoxe. Les contraintes réglementaires créent aussi des ordres de priorité dans les problèmes traités, en laissant dans l’ombre des secteurs objectivement plus dangereux, mais moins émotionnels, moins soumis à la pression réglementaire et aux contrôles techniques, et de facto moins médiatiques.

Cette intolérance croissante abaisse le seuil de déclenchement des situations de crises. Les crises sont plus nombreuses, plus imprévisibles, et toujours plus ardues à contrôler. Le déclencheur des crises de sécurité d’une entreprise est particulièrement sensible au regroupement des plaintes et au phénomène de résonance émotionnelle par les médias.

Enfin les affaires en justice montrent un glissement sensible de la perception des juges vis-à-vis de la responsabilité des industries et systèmes publics. Aujourd’hui, les marges de progression technologique spectaculaire sont moindres. Le public, et la justice dans son écho à la société civile, tendent à considérer que le risque perçu n’est pas lié à une technologie ou un savoir insuffisant, mais à un arbitrage incorrect donnant la priorité à d’autres dimensions que la sécurité.

Dans tous les cas, et contrairement aux principes que l’on a vus dans l’introduction, la sécurisation entraîne toujours un effet paradoxal : la sécurité devient un objet difficile à manier et elle va se mettre à sérieusement freiner la productivité du système. C’est cette ‘impossible sécurité’ doublée d’un ‘frein de productivité’ qui va créer les conditions de l’émergence d’un paradigme de rupture qui permettra de repartir dans un nouveau cycle en fin de vie des systèmes industriels.

Ainsi, si l’on raisonne en termes de robustesse (‘resilience’, voir le récent livre de Hollnagel, Woods et Levison [19]), le modèle d’évolution de la sécurité des systèmes (il faudrait plutôt parler d’évolution des fonctionnalités assumées : par exemple le transport aérien, la production énergétique, ou la stratégie chirurgicale) prédit des cycles successifs qui vont balayer plusieurs états de sécurité, avec des propriétés associées de productivité et d’organisation des professions [5].

Cinq barrières sont plus particulièrement identifiables sur la route de l’ultra sécurité ([3], voir figure 2) :

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Il faut limiter la production du système pour progresser vers l’ultra sécurité. A terme, les derniers progrès nécessitent systématiquement d’arbitrer en faveur de la sécurité au détriment de la performance. Il faut limiter l’autonomie des acteurs, et laisser la priorité à des objectifs du groupe qui sont parfois contraires à la réalisation de ses propres priorités. Il faut passer d’un modèle d’artisan, basé sur les différences individuelles et une prime à l’élite, vers un modèle d’acteurs équivalents, renonçant aux différences. La combinaison de la barrière 1 et 3 montre qu’un système sûr est

un système où la performance globale est stabilisée et standardisée (interdiction de performance exceptionnelle), mais où la délivrance de ce niveau de performance est garantie par tous les acteurs professionnels (homogénéité du corps professionnel). C’est exactement ce que l’aéronautique arrive à faire : une exploitation interdite par règlements dans tous ses aspects exceptionnels qui ne seraient pas maîtrisés par tous, mais une assurance que ce qui est à faire est faisable par tous au plus haut niveau de sécurité.

Pas de systèmes

après ce point

10-2 10-3 10-4 10-5 10-6

Aviation Civile

Industrie Nucléaire

Rail (France)

Vols chartersAlpinisme hymalayen

Sécurité routière

Industrie chimique

Risque decatastrophe

Risque médical (total)

Transfusion sanguine

Pas de limitation de performance

Activités ULM Agricole

Excessive autonomie des acteurs

Attitude d’artisan

Sur protection égocentrée des différentes couches humaines du système, notamment couche managériale

Perte de visibilité du risque, investissements paradoxaux, Conduite politique

Accroître les marges, imposer des limites

Jouer collectif

Accepter de devenir acteur équivalent

Accepter le risque résiduel

Accepter de questionner les succès passé et changer de stratégies

Très peu sûr Extrêmement sûr

Amalberti, R. Auroy, Y. Berwick, D., Barach, P. (2005) Five System Barriers To Achieving Ultrasafe Health Care, Ann Intern Med. 2005;142, 9: 756-764

5 barrières successives pour devenir ultra sûr

Vols Hélicoptères

Figure 2 : niveau de sécurité et barrières à franchir pour atteindre l’ultra sécurité

Quand le système devient plus sûr, il se trouve progressivement sous le feu des média (opus cité, phase 3 du modèle de Hughes). Les acteurs du système se renvoient la responsabilité. Il faut absolument éviter qu’une couche du système socio-technique se surprotège car la sanction est en général de mettre les autres couches en situation d’impossibilité d’effectuer le travail, les oblige à commettre plus de violations, avec un bilan

finalement souvent aggravé en matière de sécurité. La bonne maîtrise de la sécurité suppose de maintenir un risque homogènement réparti entre acteurs. La sur réglementation entre dans cette catégorie de défauts. Enfin, devenu très sûr, le système doit préserver la visibilité du risque. Les accidents sont plus rares, et la tentation est de focaliser sur des objets moins pertinents. Le retour d’expérience perd notamment de la valeur

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[5,9]. Il faut changer le mode de traitement de l’information et éviter les pièges de la sur sécurisation.

LA GESTION DES VIOLATIONS COMME VOIE COMMUNE FINALE DE SECURITE DES SYSTEMES ULTRA SURS

Les systèmes sûrs ont plus de violations que les systèmes peu sûrs

L’ajout naturel de contraintes et de normalisation sur lequel repose les paradigmes de sécurisation des systèmes aboutit logiquement à une voie commune finale de sur standardisation. Cette sécurisation n’efface pas le fait qu’il existe une variation naturelle des conditions de l’activité professionnelle (personnels absent, remplaçant,

‘charrettes’ contractuelles, enjeux économiques de l’instant, etc.). Cette variation force à des adaptations substantielles qui sont autant de points d’entrée dans des migrations de pratiques. Pour résumer, plus un système se sécurise, plus le problème résiduel à traiter est celui des violations [8]. Les écarts intentionnels aux procédures peuvent alors concerner plus de 50% des procédures en vigueur (exemple de Degani et Wiener sur les check-lists avion [12]) et peuvent surtout représenter plus de 50% des erreurs totales recensées dans le travail des équipes [18].

Les migrations et les dérives évoluent en trois phases importantes à comprendre, car l’action correctrice est différente à chaque phase (figure 3).

Migrations de performance, transgressions des règles

ESPACE DEFONCTIONNEMENTCONSIDERE COMME SÛR PAR CONCEPTION

Technologie

Pression du systèmePerformance accrueRentabilité

Pression IndividuelleQualité de vie, limitations des savoir-faire, limitation des responsabilité

Espace implicitement négociéhors analyse de sécuritéZone des violations

BTCUsBorder Line ToleratedConditions of Use

AC

CID

EN

T

PERFORMANCE

Migrationaux limites économiques

AVANTAGESINDIVIDUELS

Migrationaux limitessociales

Amalberti, R., Vincent, C., Auroy, Y., de Saint Maurice, G., Framework models of migrations and violations: a consumer guide, Quality and Safety in Healthcare, 2006, supplement Safety by design, ii 22-40

Stopper migration Comprendre les causes des migrations Réviser les règlesSanction possible Staffer et réduire la migration par consensus si inadaptées au nouveau contexte

Figure 3 : modèle cadre de migrations spontanées des systèmes complexes vers leurs limites de fonctionnement (inspiré au départ de Rasmussen [22])

La première phase est celle de la conception. Avec la pression sécuritaire, le système est souvent imaginé sur le papier avec des marges de sécurité très importantes qui satisfont, et vont même parfois au-delà des exigences légales.

La deuxième phase correspond à la mise en fonctionnement du système. Très rapidement, et encore plus si les marges de sécurité ont été très exagérées, les pratiques professionnelles se mettent à migrer pour permettre une performance économiquement viable. On parle

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de Borderline-Tolerated condition of Use (BTCUs) [4, 21]). Ces écarts sont tolérés par la hiérarchie. Ils s’accompagnent de compensations personnelles pour les opérateurs (avantages personnels) et fixent progressivement une marche officieuse du système, illégale-légale. Tout système conçu avec une sur-sécurité évolue extrêmement rapidement dans cette direction car il bride tellement la performance qu’il en devient irréaliste [10]. Ce niveau de performance basé sur une marche illégale finit par satisfaire à la fois l’entreprise et les salariés ; il devient par habitude considéré comme la norme, et, toujours par habitude, se trouve progressivement exclu du champ du retour d’expérience. Même les inspections et contrôles qualité finissent par éclipser ces comportements naturels, et ne plus les relever. Le système devient alors muet. Certains auteurs ont théorisé le départ de ces dérives en considérant surtout la dimension contextuelle de gestion de conflits d’objectifs [6, 11, 25]. D’autres considèrent cette phase typique d’une culture de sécurité en dérive (Vaughan [26] par la normalisation de la déviance, Reason, Carthey, de Leval [24] avec les syndromes de vulnérabilité) ; mais on peut simplement y lire une adaptation de survie nécessaire aux demandes et conditions changeantes de l’environnement [7], aggravée par une idéalisme de sécurité ayant poussé à l’adoption de contraintes illusoires lors de la conception (des procédures, ou de l’organisation globale [14, 15]). La troisième phase se révèle brutalement, et souvent très tardivement plusieurs mois ou années après le départ de la seconde phase, par des incidents graves. Rarement tout le système, beaucoup plus souvent certains individus, seuls ou en équipe, ont continué à migrer, sans contrôle, et finissent par provoquer la survenue d’incident ou d’accident (voir par exemple l’accident nucléaire de Tokai Mura [16]).

Les conséquences des migrations sont importantes La sécurisation d’un système avec les outils de contraintes entraîne mécaniquement une augmentation des migrations et des violations. La prévention ne doit pas reposer sur une vision idyllique -mais naïve- qui consisterait à empêcher ces violations à tous prix. En effet, le premier problème est de les identifier. Rappelons que ces migrations sont particulièrement silencieuses. Or cette identification ne peut pas reposer sur le retour d’expérience ; elle doit donc reposer sur une analyse à la base, médiée par le discours

(importance des staffs sur les pratiques), ou/et confortée par des observations neutres (rappelons là encore que des professionnels trop proches du domaine ne « voient » plus les migrations). Dans tous les cas, la meilleure façon de contrôler le processus est de le rendre visible, puis de laisser les acteurs s’autoréguler mutuellement. Un ajustement (relâchement) des normes peut parfois être utile pour mieux coller à une réalité nouvelle. Dans les cas de migrations importantes et dangereuses, portées par des individus, des sanctions peuvent être envisagées. Dans tous les cas, découvrir la migration au stade de l’incident avéré doit être considéré comme un échec de la prévention et de l’action de sécurité.

CONCLUSIONS : LEÇONS, QUEL MODELE(S) DE RISQUE(S)Le texte a permis de pointer un certain nombre de paradoxes qui battent en brèche les concepts de base sur les lesquels sont fondés les analyses de sécurité

Les questions de sécurité sont une propriété émergente de la fin de vie des systèmes déjà très matures. Les questions de sécurité ne sont qu’épisodiques dans les systèmes très peu sûrs ; elles sont centrales dans la gouvernance des systèmes sûrs. Les violations sont une propriété fonctionnelle de ce couplage, lié au fait que le processus de sécurisation contraint le système et force à des adaptations illégales pour réaliser la performance. Le mode de gouvernance est très important dans la robustesse finale et la régulation de ces caractéristiques de sécurité sur le court et moyen terme. L’industrie n’est pas homogène en matière de sécurité. Il faut plus et mieux le dire au public, en permettant ainsi des tempos différents en matière de pression judiciaire (figure 4). La confusion de genre et la globalisation peut amener le public à avoir des attentes de phase III- au sens du modèle de Hughes, opus cité- vis-à-vis de secteurs qui sont à peine en début de phase II. Dans ce cas, tout le système va se bloquer précipitamment. Il faut établir une vision plus systémique du risque, et traiter chaque secteur avec des outils de sécurité proportionnés au niveau de sécurité atteint. Peut être certains secteurs peuvent prétendre à copier l’aviation, mais pour la plupart le niveau maximum de sécurité atteignable est sans doute bien inférieur et pour longtemps. Il faut éviter une sur enchère règlementaire et sécuritaire quand les systèmes deviennent très

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sûrs (phase III de Hughes). Plus on sécurise un secteur d’activité, plus la demande va être forte de continuer à le sécuriser, au point de progressivement sécréter les conditions d’une crise de l’assurance et de la justice Inversement, le contrôle des premières barrières est impératif à terme, notamment le bridage de la performance pour garder le meilleur niveau de sécurité. Mais évidemment, le traitement de ce problème renvoie à une approche plus globale. On entend ici une

approche où tous les acteurs sont concernés, la chaîne politique et hiérarchique bien sûr, les acteurs techniques de première ligne, mais aussi les clients qui devront se responsabiliser. Enfin, quand on a beaucoup amélioré un sous système, on entre inéluctablement dans la transition entre phase II et phase III du modèle de Hugues. Il faudra alors mettre en débat des définitions et des priorités jusque là peu discutées (voir les textes sur la résilience et [5])

Une vision des changements limitée par le niveau de maturité du système

Erreurs humaines

10-1

10-7

Standardiser/protocoliserAméliorer la technique

Enseignerles compétences techniques

Ajouter des défenses

Enseigner les compétences non techniques

Imposer les conditions de travail,

SuperviserResponsabiliser

Approche centrée sur les acteurs

Contrôler la performance imposée

Réduire l’autonomie des acteurs

Passer au modèle d’acteurs

équivalents

Accepter de gérer la responsabilité

Maintenir la visibilitédu risque

Changer les valeurs de laprofession

Ajouter des lois

Embaucher des acteurs dédiés àla sécurité

Créer une culture de REX

Changer d’organisation au seul profit de la sécurité

Reconnaître les problèmes de sécurité

Viser un niveau de risque explicite

Approche centrée sur le système

Amalberti, R., Hourlier, S. Human error reduction strategies, In (Ed) P. Carayon: Handbook of Human Factors and Ergonomics in Healthcare and Patient Safety, Hillsdale , New Jersey: LEA, 2006:

Figure 4 : Une synthèse des changements envisageables en fonction du niveau de maturité du système.

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Génie système : à la croisée de la science et de l'art Alain Faisandier

MAP SYSTEME - 2 chemin de la Serre - 31450 BELBERAUD – FRANCE

[email protected]

RESUMECet article s'intéresse uniquement aux systèmes créés et utilisés par l'homme, qu'ils soient d'ordre technologique, stratégique ou organisationnel. Les études et expériences de terrain menées par la communauté des ingénieurs sys-tèmes, représentée par l'International Council On Sys-tems Engineering (INCOSE), tendent vers la définition d'une discipline nouvelle et des plus utiles dans la totali-té des secteurs industriels et organisationnels. Après une introduction brève montrant les liens entre la théorie gé-nérale des systèmes et la notion d'ingénierie de système telle qu'entrevue aujourd'hui, l'article amène progressi-vement le lecteur à prendre conscience de la nécessité d'un minimum de rationalité dans la création de ces sys-tèmes via certaines notions fondamentales, principes ou concepts. Par exemple, la réflexion méthodologique amène à comprendre que l'homme n'a pas besoin dans sa vie courante de produits mais de services. Sont briève-ment décrits les processus du génie système pour conce-voir les systèmes à partir de la description d'un besoin, ainsi que les modèles de bases utilisés par le concepteur. L'auteur s'intéresse au rapport entre concepteurs et utili-sateurs de ces systèmes pour présenter un modèle sim-plifié du mécanisme intellectuel de création par itération de cycles "analyse – synthèse", lesquels cycles donnent naissance à des opportunités d'innovation, ou au contraire à des défaillances potentielles. L'auteur s'est at-taché à donner au terme système une définition précise et rationnelle permettant de dérouler une véritable mé-thode d'ingénierie et applicable à tous les types de sys-tèmes tels que concernés. La définition assure une conti-nuité culturelle depuis les grecs à nos jours, et compati-ble des avancées technologiques et organisationnelles de notre époque. A titre d'exemple, cette définition est ap-pliquée succinctement aux entreprises industrielles. En-fin quelques limites de l'ingénierie des systèmes dues au facteur humain sont évoquées dans le contexte des sys-tèmes organisationnels.

MOTS CLES : Système, ingénierie des systèmes, conception des architectures, facteur humain.

ABSTRACTThis paper deals only with systems created and used by human beings and which can be in the domain of tech-nology, strategy or organizations. Studies and experi-ments done by the community of systems engineers, rep-resented by the International Council On Systems Engi-neering (INCOSE), aims to define a new discipline which is very useful for any industrial and organiza-

tional domains. After a brief introduction showing the links between the general theory of systems and and the notion of Systems Engineering as seen today, the paper figures out the necessity of a minimum of rationality when creating these kind of systems explaining some fundamentals, principles or concepts. As an example, the methodological thoughts leads to understand that daily humans do not need products but they need services. Are briefly reminded the systems engineering processes to design systems from the description of stakeholders' needs, as well as the basic models used by the designer. The author is interested by the relations between design-ers and users of these systems in order to present a sim-plified model of the intellectual creation mechanism, which proceeds by successive iterations of "analysis / synthesis" cycles ; this mechanism is at the source of in-novation opportunities or at the contrary at the source of potential failures of future systems.This paper provides a more precise, and rational definition than those existing in today standards that allow to perform a genuine engi-neering method applicable to any kind of concerned sys-tems. This definition ensures the cultural continuity from the Greeks till now and compatible with technological and organizational advances. As an example this defini-tion is briefly applied to industrial enterprises. Finally, some limits of Systems Engineering due to human factor are brought up in the context of organizational systems.

KEYWORDS : System, systems engineering, architec-tural design, human factors.

BREVE INTRODUCTION DE LA NOTION DE SYS-TEME ET DE GENIE SYSTEME L'article traite uniquement des systèmes créés et utilisés par l'homme, qu'ils soient d'ordre technologique, straté-gique ou organisationnel. Les études et expériences de terrain menées par la communauté des ingénieurs systè-mes, représentée par l'International Council On Systems Engineering (INCOSE), tendent vers la définition d'une discipline nouvelle et des plus utiles dans la totalité des secteurs industriels et organisationnels.

Le terme "système" a été utilisé dans le passé en philo-sophie et en métaphysique bien avant de le retrouver communément cité dans la biologie, les technologies, les affaires, voire dans le quotidien de chacun. Néanmoins si l'on ne prend pas garde à baser les mots sur des concepts et définitions précises, ils perdent leur force, leur valeur et leur sens profond ce qui entraîne progres-sivement leur abandon. Hélas ce constat est bien réel vis-

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à-vis du terme "système", même dans la communauté technique, tout simplement par le fait de le substituer au terme "produit" ou vice versa, ce qui l'ampute de sa grande richesse. A notre époque, le terme système est à la source de ce que l'on appelle la "systémique" ou science des systèmes. De façon très succincte, la systé-mique s'intéresse de nos jours à deux grands domaines :

- La théorie générale des systèmes qui traite des modè-les génériques pour tenter d'expliquer le monde et ses phénomènes ; - Les méthodes pour modéliser la vue abstraite de pro-duits complexes.

L'ingénierie des systèmes ou génie système (par ingénie-rie, comprendre les activités de spécification, descrip-tion, création et conception) adresse bien ces deux bran-ches :

- La "vision système" des produits et des services pour leur compréhension dans leur contexte d'utilisation (per-tinence) ; - Les modèles basiques et les processus génériquespour pouvoir créer les systèmes et représenter leurs ca-ractéristiques (complétude).

LE BESOIN DE SERVICES ET L'UTILISATION DE PRODUITSNotre société de consommation se focalise sur les pro-duits, du fait de modèles économiques entropiques dans lesquels on a remplacé les buts (des produits pourquoi faire ?) par les moyens (l'argent). A l'inverse le génie système, du fait de la "vision système ou holistique du monde" se focalise d'abord sur les besoins, c'est-à-dire sur le service à rendre. Le consommateur dit "J'ai besoin d'une voiture (d'un produit)" ; le raisonnable dit "J'ai be-soin de me déplacer et de transporter des objets (ser-vice)". C'est ainsi que le génie système utilise une défini-tion du terme système liant les deux vues : "combinaison d'éléments interagissant, organisés pour remplir une fi-nalité" (Cf. figure 1).

relation ?

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?Un système = un ensemble dynamique d'interactions

dans des conditions opérationnelles

relation ?

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?Un système = un ensemble dynamique d'interactions

dans des conditions opérationnelles

Figure 1: 1ère compréhension de la notion de système.

LA CONCEPTION D'UN SYSTEME A PARTIR DE LA DESCRIPTION D'UN BESOIN In fine, pour donner naissance au produit, les deux vues du besoin (se déplacer) et de la solution (voiture) devant être liées, le génie système inclut des activités intellec-tuelles (et abstraites) permettant d'effectuer les transfor-mations nécessaires. La trame de cette succession de transformations est une suite de plusieurs processus, chacun centré sur un thème précis :

- le processus de définition et d'analyse du besoin des parties prenantes ;

- le processus de définition des exigences techniques (par exigences, comprendre les caractéristiques atten-dues pour satisfaire les besoins) ;

- le processus de conception de l'architecture fonction-nelle afin de décrire les principes de fonctionnement (hors solution technologique particulière) et le compor-tement pour satisfaire les exigences ;

- le processus de conception de l'architecture organique pour décrire la solution sous forme de constituants concrets (dits organiques) et liés, capable de supporter le comportement attendu et toutes les contraintes identi-fiées sous forme d'exigences.

De tels processus génériques existent de façon standardi-sée (voir ISO 15288, EIA 632, IEEE1220 par exemple), ils décrivent les tâches à effectuer. Mais le travail d'ana-lyse et de synthèse est fait à l'aide de méthodes et de modèles basiques de représentation du système tels qu'indiqués dans la Figure 2 :

- Modèle fonctionnel : qui représente des hiérarchies de fonctions ;

- Modèle dynamique : qui représente les événements et l'enchaînement des fonctions pour réaliser des scénarios;

- Modèle sémantique : qui représente les informations véhiculées par les fonctions et les constituants (modèles de données) ;

- Modèle temporel : qui représente les fonctions et les processus selon des niveaux temporels et décisionnels ;

- Modèle organique : qui est une représentation de l'ar-chitecture des constituants réalisables physiquement ; cette architecture organique permet de construire ce que l'on appelle "l'arborescence produit" du projet.

Aux quatre processus, vient s'ajouter un processus dit d'analyses système pour évaluer et comparer des solu-tions d'architectures par rapport à des critères issus des exigences, contraintes, risques, coûts, délais d'obtention, etc. Ce processus fait appel à des modèles de types ana-

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lytiques en vue de quantifier les performances et autres critères de choix, de simuler des variations pour consoli-der les choix.

Concevoir le système

Concevoir l'architecture fonctionnelle

Concevoir l'architecture

organique

Définir le système

Définir les besoins

parties prenantes

Définir les exigences techniques

Décrire le contexte du système : Décrire l'intérieur du système :

Modèles basiques :SémantiqueFonctionnelDynamiqueTemporel

Flux échangés

Limites physiques

Limites fonctions

Fréquence exécution

Fonctions

Constituants

Flux échangés

Fréquence exécution

Modèles dans les processus d'ingénierieConcevoir le système

Concevoir l'architecture fonctionnelle

Concevoir l'architecture

organique

Définir le système

Définir les besoins

parties prenantes

Définir les exigences techniques

Décrire le contexte du système : Décrire l'intérieur du système :

Modèles basiques :SémantiqueFonctionnelDynamiqueTemporel

Flux échangés

Limites physiques

Limites fonctions

Fréquence exécution

Fonctions

Constituants

Flux échangés

Fréquence exécution

Modèles dans les processus d'ingénierie

Figure 2: Processus et modèles utilisés en génie système.

Si on a une définition récursive de la notion de système (un système est constitué de systèmes), il est alors possi-ble de définir des processus récursifs et généralisés quel-que soit le système ou sa situation dans la pyramide de décomposition.

De nos jours, l'ingénieur concepteur de systèmes dispose d'un ensemble d'outils intellectuels pour effectuer ses études et donc créer de futurs produits. Il est bien évi-dent que si cet ensemble ne forme pas un ensemble ma-thématiquement cohérent et prouvé, aucune assurance ne pourrait être donnée quant à la suite des transformations pour trouver à coup sûr au moins une solution corres-pondant à un besoin défini. D'où l'importance des tra-vaux de recherche allant dans cette voie de preuve, ou du moins pour en fixer les limites – ce type de travaux de recherche n'étant pas hélas très répandu à l'heure ac-tuelle: les ingénieurs essayent de se satisfaire de repré-sentations de type UML dont l'ensemble n'est absolu-ment pas prouvé.

En résumé, le génie système, dans l'acceptation res-treinte du terme système explicité en introduction, est tout à la fois :

- un état d'esprit qui privilégie la "vision système" c'est à dire vision globalisante d'un monde cohérent et ration-nel,

- une démarche englobant un ensemble de méthodes co-hérentes pour bâtir des solutions à un problème com-plexe,

- un ensemble d'activités regroupées en "processus" per-mettant de bâtir des produits sur des "principes solides" seuls garant d'une qualité durable.

LA CONCEPTION DES ARCHITECTURES DE SYSTE-MES : UN ART ET UNE SCIENCE L'activité autour des notions d'exigence et de besoin est essentielle pour la prise de conscience de la chaîne de transformation, et aussi pour changer les attitudes appri-

ses à l'école. L'INCOSE voudrait que chaque ingénieur sortant de l'école soit définitivement "Problem solving oriented", plutôt que "Solution creating to no problem oriented" pour caricaturer la situation actuelle. Cette ac-tivité étant de plus en plus pratiquée dans les entreprises, nous ferons plutôt un zoom sur celle de conception des architectures. D'autant que ce qui nous intéresse dans cet article est le comportement de l'humain vis-à-vis de la notion de génie système et de son "apport rationnel".

Une fois le problème posé en terme de caractéristiques attendues, le vrai travail de création commence. Mieux les exigences seront formulées et précises, plus facile se-ra le travail de synthèse, selon l'adage bien connu que "tout problème correctement posé est à moitié résolu". Néanmoins, nous savons tous que la capacité d'analyse est plus communément répandue que celle de synthèse ou de conception. Ceci provient du fait que le méca-nisme de création et ses outils n'est pas bien connu, et donc enseigné pour pouvoir être pratiqué quotidienne-ment. La plupart du temps l'apprenti concepteur fait un mélange des genres inapproprié du fait qu'il veut utiliser soit un seul point de vue, soit un seul mode de représen-tation, ou encore la même méthode, etc., faisant fi de leurs limites d'application. La conséquence est que voyant tout à plat, il perd l'aspect multidimensionnel du problème et de sa complexité naturelle d'où les multiples effets d'oublis, d'incohérences, etc. A titre d'illustration les figures 3 et 4 montrent deux approches qui pourraient être rencontrées.

Fonction

Système

Moteur

Propulser

Fonction

Mélanger aircarburant

Fonction

Contrôlercombustion

Constituant

Ensemblemoteur

Constituant

Tuyère

Constituant

Calculateur

Constituant

Capteurs

Constituant

Actionneurs

Constituant

Chambrecombustion

Constituant

Hard

Constituant

Soft

Ceci n'est pas une décomposition "système", c'est une vue "pseudo-produit"

Fonction

Système

Moteur

Propulser

Fonction

Mélanger aircarburant

Fonction

Contrôlercombustion

Constituant

Ensemblemoteur

Constituant

Tuyère

Constituant

Calculateur

Constituant

Capteurs

Constituant

Actionneurs

Constituant

Chambrecombustion

Constituant

Hard

Constituant

Soft

Ceci n'est pas une décomposition "système", c'est une vue "pseudo-produit"

Figure 3: Exemple de représentation mélangeant vues fonctionnelle et organique.

Système de combustion

Système de combustion

Système de réchauffe

Système de réchauffe

Système derégulation

Système derégulation

Système de propulsion

Système de propulsion

Système de régulation

de la tuyère

Système de régulation

de la tuyère

Système de rotation

Système de rotation

Système de régulation

du carburant

Système de régulation

du carburant

Système de compressionSystème de compression

Système de régulation de la

roue d'entrée

Système de régulation de la

roue d'entrée

Système de combustion

Système de combustion

Système de réchauffe

Système de réchauffe

Système derégulation

Système derégulation

Système de propulsion

Système de propulsion

Système de régulation

de la tuyère

Système de régulation

de la tuyère

Système de rotation

Système de rotation

Système de régulation

du carburant

Système de régulation

du carburant

Système de compressionSystème de compression

Système de régulation de la

roue d'entrée

Système de régulation de la

roue d'entrée

Figure 4: Exemple d'arborescence système.

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L'architecture des systèmes est à la fois un art et une science.

- Un art parce qu'une partie de la discipline est basée sur l'imagination ainsi que sur des heuristiques qualitatives (leçons apprises de l'expérience) ; elle se rattache à la culture et nécessite des jugements de valeur ; elle mani-pule des éléments non mesurables physiquement.

- Une science parce que l'autre partie est basée sur des techniques analytiques quantitatives (mathématique, scientifique) ; elle nécessite des démonstrations, la ri-gueur du raisonnement ; elle manipule des éléments me-surables.

La pratique de la discipline nécessite donc de faire le lien entre l'imagination (art) et la réalité tangible (science). Les heuristiques ne sont satisfaisantes que dans certaines hypothèses, lesquelles ne sont pas tou-jours exprimées ; leur justification n'est donc pas sou-vent mathématiquement sûre. Autrement dit le praticien doit répondre à la question : "Quelle est la faisabilité de mon imagination? Quelle est la distance par rapport à mon appréhension du réel ?" En ce sens, l'architecture des systèmes a des rapports avec ce que l'on met classi-quement sous le terme de "facteur humain".

En résumé, concevoir l'architecture d'un système consiste donc à imaginer de façon structurée, en s'ap-puyant sur des principes et lois universels traduits sous forme de "patterns" appropriés (c'est-à-dire des modèles fondamentaux) qui reflètent des réalités. Les heuristi-ques, principes et lois se répartissent sur les domaines fondateurs de l'architecture des systèmes :

- Domaine statique : concerne la structure, le groupe-ment et/ou la séparation des constituants, les interfaces ou liens ;

- Domaine dynamique : concerne le comportement, les fonctions et les interactions, les réactions aux événe-ments, les performances (l'efficacité) ;

- Domaine temporel : concerne l'invariance temporelle, les fréquences d'exécution, les événements cycliques ou synchrones, les niveaux décisionnels asynchrones ;

- Domaine environnemental : concerne la réaction aux agressions naturelles ou provoquées, la survivabilité, l'intégrité.

MODELE SIMPLE DU MECANISME INTELLECTUEL DE CONCEPTION Ce mécanisme est résumé sur la figure 5, il se divise en deux grandes activités que sont l'ANALYSE et la SYN-THESE.

PERCEVOIRPERCEVOIRPERCEVOIR RECONNAITREdes mots et des perceptsRECONNAITREdes mots et des percepts

COMPRENDRECOMPRENDRECOMPRENDRE ASSOCIER percepts et conceptsTRIER les conceptsASSOCIER percepts et conceptsTRIER les concepts

IMAGINERIMAGINERIMAGINER TRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idéesTRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idées

EXPRIMEREXPRIMEREXPRIMER TRANSCRIREles idées en mots / en dessinsTRANSCRIREles idées en mots / en dessins

ANALYSE

SYNTHÈSE

PERCEVOIRPERCEVOIRPERCEVOIR RECONNAITREdes mots et des perceptsRECONNAITREdes mots et des perceptsPERCEVOIRPERCEVOIRPERCEVOIR RECONNAITREdes mots et des perceptsRECONNAITREdes mots et des percepts

COMPRENDRECOMPRENDRECOMPRENDRE ASSOCIER percepts et conceptsTRIER les conceptsASSOCIER percepts et conceptsTRIER les conceptsCOMPRENDRECOMPRENDRECOMPRENDRE ASSOCIER percepts et conceptsTRIER les conceptsASSOCIER percepts et conceptsTRIER les concepts

IMAGINERIMAGINERIMAGINER TRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idéesTRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idéesIMAGINERIMAGINERIMAGINER TRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idéesTRANSFORMER les concepts en idéesORGANISER / STRUCTURER les idées

EXPRIMEREXPRIMEREXPRIMER TRANSCRIREles idées en mots / en dessinsTRANSCRIREles idées en mots / en dessinsEXPRIMEREXPRIMEREXPRIMER TRANSCRIREles idées en mots / en dessinsTRANSCRIREles idées en mots / en dessins

ANALYSE

SYNTHÈSE

Figure 5: Modèle simplifié du mécanisme intellectuel de conception.

L'ANALYSE comprend deux activités essentielles que sont la PERCEPTION et la COMPREHENSION.

- Dans la PERCEPTION, il s'agit d'identifier des per-cepts plus ou moins élaborés à l'aide des sens et de trans-formations primaires (sons, mots, formes, images, etc.), et donc de "reconnaître" ces éléments, mettant en jeu une mémoire très volatile que l'on peut qualifier d'immé-diate.

- La COMPREHENSION consiste à associer les per-cepts à des concepts et de trier parmi les concepts pour vérifier la bonne adéquation percepts/concepts. Si les concepts sont bien enfouis, enracinés dans la mémoire long terme (dit parfois schéma corporel, ou encore ar-chétypes), par contre l'association percepts/concepts siège dans une mémoire court terme relative au moment présent.

La SYNTHESE comprend elle aussi deux activités de base que sont l'IMAGINATION et l'EXPRESSION.

- Dans le mécanisme que nous décrivons ici, il s'agit d'imagination dirigée et non d'imagination intuitive dans laquelle l'intellect est en réalité déconnecté. Cette IMA-GINATION dirigée consiste à transformer les concepts en idées, à organiser ces idées et les structurer les unes par rapport aux autres selon un certain schéma décidé par le praticien. Ce schéma est une ou des méthodes très basiques qui consistent à rester campé dans un espace culturel de pratiques, d'us et coutumes (attitude peu in-novante utilisant par exemple la répétition), ou à explo-rer un peu les frontières sans trop franchir 'l'interdit" ou les lois de la physique (attitude plus innovante utilisant par exemple la similarité), ou à l'autre extrémité à fran-chir les limites usuelles, voire défiant certaines lois phy-siques (espace dans lequel l'artiste excelle).

- Enfin l'EXPRESSION consiste à transcrire les idées en mots, en dessins, etc. selon le mode d'expression choisi plus ou moins riche.

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La description de ce mécanisme, de façon un peu som-maire, permet de comprendre deux choses selon que l'on se place du côté de ses défaillances, ou du côté des op-portunités qu'il recèle. En effet, chaque activité peut comporter des défaillances et engendrer des conséquen-ces sur les produits conçus (défaut de perception pro-duit incomplet, défaut de compréhension produit ina-dapté, défaut d'imagination produit non optimisé, dé-faut d'expression produit non standard ou incompré-hensible). A l'inverse, chaque activité peut créer des op-portunités, des "breakthrough" en fonction de la richesse culturelle et de la maturité du praticien par rapport aux utilisateurs de sa création.

VISION SYSTEME ET HERITAGE CULTUREL Penser système, c'est élargir la vision des choses à des environnements plus vastes, c'est aussi envisager d'autres points de vue pour explorer des dimensions non encore envisagées, donc en quelque sorte c'est s'approcher des limites culturelles à un instant donné dans un contexte de société donné.

La "vision système" est aussi un moyen pour innover en imaginant (ou en découvrant) de nouvelles relations en-tre les objets ; cette vision des choses permet aussi d'in-venter de nouveaux objets pour répondre à de nouveaux besoins ou les susciter.

Le créateur / concepteur est néanmoins confronté à ce problème de culture, car il doit savoir jusqu'où il peut al-ler dans ces limites, au risque d'être incompris ou encore de ne pouvoir vendre sa production du simple fait de re-jet. De nombreux exemples, que les spécialistes du mar-keting sont supposés connaître, existent. Concevoir et construire une voiture particulière remplie d'innovations technologiques, nécessitant une conduite totalement dif-férente du fait d'automatismes ou encore de commandes vocale ou par joystick est quelque chose de technique-ment faisable aujourd'hui. Quelle en serait l'adoption par le public?

Depuis le début de cet article, nous utilisons le terme système sans en avoir donné une définition actuelle utili-sable dans le contexte technologique ou organisationnel. Afin de progresser dans le raisonnement, il est essentiel de considérer notre héritage culturel ; l'auteur a étudié l'Encyclopédie de D. DIDEROT en sa deuxième édition du 18ème siècle [4]. Quinze pages sont consacrées à la notion de système. En voici quelques extraits :

SYSTEME (métaphysique) n'est autre chose que la dis-position des différentes parties d'un art ou d'une science dans un état où elles se soutiennent toutes mutuellement, et où les dernières s'expliquent par les premières. Celles qui rendent raison des autres s'appellent principes ; et le système est d'autant plus parfait que les principes sont en plus petit nombre : il est même à souhaiter qu'on les réduisent à un seul. Car de même que dans une horloge

il y a un principal ressort duquel tous les autres dépen-dent, il y a aussi dans tous les systèmes un premier prin-cipe auquel sont subordonnées les différentes parties qui le composent."

"SYSTEME (philosophie) signifie en général un assem-blage ou un enchaînement de principes et de conclu-sions; ou bien encore, le tout et l'ensemble d'une théorie dont les différentes parties sont liées entre elles, se sui-vent et dépendent les unes des autres.

Ce mot est formé d'un mot grec qui signifie composition ou assemblage. C'est dans ce sens là que l'on dit : un système de philosophie, un système d'astronomie, le sys-tème de Descartes, celui de Newton… Les théologiens ont formé une quantité de systèmes sur la grâce."

"SYSTEME (en astronomie) est la supposition d'un cer-tain arrangement des différentes parties qui composent l'univers, d'après laquelle hypothèse les astronomes ex-pliquent tous les phénomènes ou apparences des corps célestes."

Dans le contexte de notre ère matérialiste, et à l'aide de ces considérations, nous pouvons parler de "Système" en tant que concept abstrait qui inclut une finalité et est dé-fini à l'origine par une mission et un périmètre. Tout changement de périmètre et/ou de mission implique la définition d'un autre système.

Tout ensemble pour lequel nous ne pouvons pas établir de finalité, de mission et de périmètre ne peut pas être appréhendé comme un système et ne peut être traité se-lon les principes de l'Ingénierie des Systèmes. C'est spé-cifiquement le cas quand nous arrivons au niveau élé-mentaire de constituant dans la décomposition hiérarchi-sée d'un système (niveau auquel il ne subsiste plus que des caractéristiques physiques), ou quand nous voulons étudier un ensemble de haut niveau d'abstraction tel un "sur-système" fortement complexe, pour lequel la mis-sion ne peut plus être identifiée avec certitude (par exemple, la société humaine).

VERS UNE DEFINITION MODERNE DE LA NOTION DE SYSTEME Certes les définitions standardisées actuelles sont inté-ressantes, néanmoins elles sont un peu limitées pour re-fléter la richesse du concept hérité du passé. A titre d'exemple, voici deux définitions, non traduites pour ne pas fausser ou amputer la compréhension :

Dans l'ISO/IEC 15288 version 2002 - A system is a combination of interacting elements organized to achieve one or more stated purposes.

NOTE 1: A system may be considered as a product or as the services it provides.

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NOTE 2: In practice, the interpretation of its meaning is frequently clarified by the use of an associative noun, e.g. aircraft system. Alternatively the word system may be substituted simply by a context dependent synonym, e.g. aircraft, though this may then obscure a system principles perspective. [1]

Bien que cette vision soit adaptée aux petits équipe-ments, elle masque en réalité la "vision système", en concentrant l'attention sur un point de vue restreint. Le standard n'englobe pas tous les concepts sous-tendus par l'approche systémique (Théorie des systèmes). Ce qu'on peut en tirer n'est pas assez puissant pour former une base cohérente à la mise en oeuvre d'une véritable "vi-sion système" et, en conséquence, pour concevoir cor-rectement des systèmes complexes.

Dans l'EIA 632 version 1999 - [A system is] an aggrega-tion of end products and enabling products to achieve a given purpose.

System concept: A system consists of both the end prod-ucts to be used by an acquirer for an intended purpose and the set of enabling products that enable the crea-tion, realization, and use of an end product, or an ag-gregation of end products. Enabling products are used to perform the associated process functions of the sys-tem—develop, produce, test, deploy, and support the end products; train the operators and maintenance staff of the end products; and retire or dispose of end products that are no longer viable for use. Both the end products and the enabling products are either developed or re-used, as appropriate. [2]

Cette définition ne reflète pas ce que nous appelons la "vision système". Ce standard décrit surtout les activités pour faire l'ingénierie des systèmes comme son titre l'in-dique.

Les considérations suivantes et les conséquences d'une définition bien structurée du terme "système" sont utiles pour l'ingénierie de n'importe quel type de système. La définition suivante a été utilisée avec succès par l'auteur de cet article dans le contexte de projets industriels.

"un système est un ensemble de constituants (personnes, équipements, logiciels, matériaux, procédures ou servi-ces) coordonnés de sorte que leurs interactions mutuel-les, utilisant des ressources dans un contexte donné, sa-tisfassent les besoins et attentes qui sont issus de la mis-sion et des objectifs du système, eux-mêmes issus de sa finalité".

Ou encore de façon moins complète : ensemble compo-site de personnels, matériels, logiciels et de processus, organisés de manière à ce que leur inter fonctionnement permette, dans un environnement donné, de satisfaire les

besoins et de remplir la mission correspondant à sa fina-lité.

Cette définition peut être modélisée comme le montre la figure 6.

Finalité

ObjectiveObjectifsObjectifs

Besoins & attentes

Interactions mutuelles

constituants constituants constituants constituants

Mission

tracés verstracée vers

tracée vers

satisfait par

exécutées par exécutées par

satisfait par

Besoins & attentesBesoins & attentes

Finalité

ObjectiveObjectifsObjectifs

Besoins & attentes

Interactions mutuelles

constituants constituants constituants constituants

Mission

tracés verstracée vers

tracée vers

satisfait par

exécutées par exécutées par

satisfait par

Besoins & attentesBesoins & attentes

Figure 6: Un modèle pour définir les systèmes.

Pour se rapprocher de la théorie des systèmes [5] et [6], la définition doit également comprendre le principe d'en-capsulation, qui postule qu'un système existe dans un système de niveau supérieur et opère en interaction avec d'autres systèmes - voir figure 7.

Système étudiéSystème

externe

Système externe

Système externe

Système externe

Sur systèmeSur sur système

Système étudiéSystème

externe

Système externe

Système externe

Système externe

Sur systèmeSur sur système

Figure 7: Principe d'encapsulation.

MODELISATION DE LA DEFINITION D'UN SYSTEME La figure 8 récapitule les différents concepts qui doivent être pris en compte pendant la définition et l'ingénierie d'un système. Ce modèle peut être appliqué à n'importe quel type de système et en particulier aux organisations et aux entreprises.

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Système

Finalité Mission Objectifs

scénarios opérationnels

Aspect frontières

Fonctions

constituants

Système externe

Système externe

est caractérisé par

est déclinée en

sont sollicités par réalisent

Aspect besoins & attentes

Aspect architectures

supportent

Système

Finalité Mission Objectifs

scénarios opérationnels

Aspect frontières

Fonctions

constituants

Système externe

Système externe

Système externe

est caractérisé par

est déclinée en

sont sollicités par réalisent

Aspect besoins & attentes

Aspect architectures

supportent

Figure 8: Eléments caractérisant un système.

Quatre aspects principaux doivent être considérés lors de la définition d'un système comme exposé ci-après.

1) L'aspect "besoins et attentes" Pour prétendre à l'appellation de "système", les points suivants nécessitent d'être identifiés :

Finalité – La finalité détermine la pertinence du système dans le contexte d'une situation donnée. La finalité est la réponse à la question "Pourquoi ce système doit-il exis-ter ?"

Mission – La mission est la fonction ultime du système, celle qui englobe toutes les autres, donc celle qui trans-forme toutes les entrées et sollicitations en sorties et ré-actions. La mission est la réponse à la question "Que doit faire le système ?"

Objectifs – Les objectifs fournissent les aspects quantita-tifs et qualitatifs de la finalité et de la mission en tant qu'informations mesurables relatives à l'espace, au temps et à l'efficacité ou la performance. Les objectifs sont les réponses aux questions : "combien d'entrées et de sor-ties ? Combien d'itérations ? Quelle fréquence ? Quelle fiabilité ? A quel coût ? Etc."

2) L'aspect "architecture fonctionnelle et organique" Ces deux vues complémentaires du système fournissent la base fondamentale de l'existence du système.

L'architecture fonctionnelle est une structure de fonc-tions qui permet au système d'exécuter tous les scénarios opérationnels identifiés sur l'ensemble du cycle de vie. Les scénarios opérationnels raffinent la mission en un ensemble de scénarios (ou cas d'utilisation). Un scénario est un ensemble de fonctions et de structures dynami-ques qui décrivent comment les différentes parties de la mission seront exécutées. En d'autres termes, une fonc-tion transforme des entrées en sorties telles que les maté-riaux, l'énergie ou l'information ; les fonctions échangent

des flux d'entrées et de sorties et commandent ou dé-clenchent d'autres fonctions.

L'architecture organique est un ensemble de constituants "physiques et concrets" qui réalisent les fonctions du système. Les constituants échangent les flux d'entrées, de sorties et de contrôle eux-mêmes transportés par des liens physiques. Ces constituants physiques, désignés dans l'ISO 15288 sous le nom de "systems" et de "sys-tem elements" peuvent être tangibles ou intangibles. Tangible signifie que le constituant est caractérisé par sa nature (logiciel, humain, service, matériel…), intangible signifie que le constituant est caractérisé par sa propre finalité et mission.

Les interactions de ces constituants tangibles et intangi-bles sont reprises par la notion d'interface, dont la com-plexité dépend fortement de la manière dont les différen-tes architectures ont été conçues. Une partie de l'archi-tecture organique traite des effets connexes à l'exécution des fonctions : utilisation de ressources, production de déchets, génération de vibration, d'effets psychologiques pour l'équipage d'un avion, etc.

3) Les aspects "périmètre et interface" Cet aspect est directement issu du principe systémique d'encapsulation. Un système, de par sa nature, n'existe que dans l'esprit des hommes. Le périmètre du système dépend de ce que l'on inclut ou pas dans le système. La notion de périmètre est non seulement une question de connexions physiques mais inclut également les limites fonctionnelles. Les interdépendances entre les systèmes sont modélisées en utilisant le concept de "scénario opé-rationnel". L'ensemble de tous les scénarios opération-nels représente le comportement global du système concernant les multiples situations de sa vie.

4) L'aspect "hiérarchie" Les systèmes sont décomposés successivement en sys-tèmes de niveaux inférieurs selon un mode hiérarchique, chaque niveau est considéré comme un système caracté-risé par sa propre finalité et mission. La décomposition est poursuivie jusqu'à ce que des constituants technolo-giques soient identifiés par des caractéristiques physi-ques plutôt que par une finalité. Par exemple, un "seg-ment sol" peut être décomposé en niveaux de "sous-systèmes de détection" jusqu'à atteindre le niveau "opé-rateur radar", "antenne" et "logiciel de surveillance".

C'est la vue hiérarchique du système. Mais gardons à l'esprit que n'importe quel système, où qu'il soit situé dans la hiérarchie, possède deux structures : une pour ses fonctions, une autre pour ses constituants physiques. Les divers niveaux d'abstraction doivent former un ensemble cohérent, depuis la fonction ultime qu'est la mission jus-qu'aux aux fonctions élémentaires réalisées par les cons-tituants.

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En conclusion de ce chapitre, la vision système incite à créer des systèmes au travers de vues harmonisées. Cel-les-ci expriment des missions précises, missions rem-plies par des constituants auxquels sont allouées les fonctions, et ceci afin d'effectuer des échanges définis par leurs interfaces.

La "vision système" permet d'organiser des entités de manière cohérente et harmonisée, où les constituants et leurs fonctions ne se "marchent pas sur leurs plates-bandes", mais collaborent pour exécuter des missions précises, où les interfaces sont bien définies et où les in-terdépendances sont claires.

APPLICATION AUX ENTREPRISES INDUSTRIELLES Pour considérer une entreprise en tant que système, nous appliquerons à ce contexte les quatre aspects précédem-ment énoncés.

1) L'aspect des besoins et des attentes La finalité d'une entreprise industrielle est aujourd'hui orientée vers un but économique et social. Une entre-prise industrielle peut être vue comme une entité abs-traite créée pour enrichir une nation ou des ensembles de personnes, qui permettent l'échange de marchandises, d'énergie et de services entre les personnes, qui aussi emploient et rémunèrent d'autres personnes, etc. Pour trouver la finalité d'une entité, nous recherchons habi-tuellement l'entité de niveau abstraite supérieure. Dans ce cas-ci, elle peut être représentée par la partie cultu-relle de la société.

Les missions pour atteindre cette finalité peuvent être, par exemple, la production de marchandises ou d'éner-gie, la fourniture de services, le transport des marchandi-ses et des personnes, la maintenance de produits, le re-trait de service d'infrastructures, etc.

Les objectifs sont les aspects quantitatifs et qualitatifs qui sont associés aux missions et parfois à la finalité : combien de marchandises à produire par jour, combien de personnes à transporter par mois, combien d'étudiants à enseigner par an, etc. ?

2) L'aspect "architectures" L'architecture fonctionnelle est représentée par les fonc-tions opérationnelles de l'entreprise. Typiquement une entreprise développe de nouveaux produits (Développe-ment) ; les produit (Production) ; les vend (Ventes) ; contrôle tous les moyens internes et fait le lien avec les administrations et les lois qui sont des objets externes au périmètre de l'entreprise (Direction). Ces fonctions de haut niveau sont décomposées en activités ; les activités sont groupées dans des ensembles de processus dédiés à ces activités tels que les processus du domaine techni-que, processus de soutien logistique, processus contrac-tuel, processus de gestion de projet, processus de support à l'activité de l'entreprise, etc. Chaque processus peut

être décomposé en sous-processus et ainsi de suite. Un processus n'est rien de moins qu'une fonction qui échange des flux d'entrée, de sortie et de commande-contrôle.

L'architecture organique est constituée des différentes entités d'organisation, tel que le Personnel, les Experts, les Gestionnaires, les Dirigeants, structurées dans des Services, Départements, Divisions, Directions, etc. Les entités d'organisation de l'entreprise exécutent les pro-cessus qui leur sont attribués. Parce que l'entreprise est basée sur des personnes, les liens physiques entre les en-tités d'organisation sont de type relationnel/sensoriel ac-compagnés d'une sémantique reconnue et partagée.

En remarque, il est habituel de présenter l'organigramme de l'entreprise plutôt que le logigramme des processus. Trop souvent, l'aspect dynamique des systèmes est né-gligé : les entreprises et les organisations tracent facile-ment des organigrammes ; les difficultés surviennent avec les processus et les procédures qui définissent les interactions entre les entités (vue dynamique et compor-tementale des flux).

3) L'aspect "périmètre et interfaces" Le périmètre d'une entreprise est défini en termes de fonctions (missions opérationnelles) et de constituants physiques (entités d'organisation), selon le domaine servi par l'entreprise. En terme de fonctions, l'entreprise défi-nit généralement ses activités autour de ses métiers de base, sous-traite des services connexes pour acquérir des ressources et/ou sous-traite une partie de ses activités pour livrer les volumes en temps et en heure. Les limites fonctionnelles sont également définies par les objectifs que l'entreprise veut réaliser, sa taille sociale, sa position sur le marché, et ainsi de suite.

Associés, clients, fournisseurs, concurrents, administra-tions, couverture géographique (locale, nationale, inter-nationale) représentent le périmètre physique, et bien sûr les interfaces sont définies par rapport à ces contextes. Comme souvent, les interfaces sont le lieu commun de difficultés : par exemple les difficultés pour répartir cor-rectement les activités entre les partenaires, c'est-à-dire quelle est la part et la responsabilité du client, de l'entre-prise, des fournisseurs de cette entreprise ?

Aujourd'hui, le contexte social et économique change rapidement ; des changements qui apparaissent mineurs au premier abord révèlent dans le temps des effets ma-jeurs et des conséquences importantes, ce qui oblige les entreprises à être capables de s'adapter en permanence.

4) L'aspect "hiérarchies" Chaque entité physique de l'entreprise (Direction, Divi-sions, Départements, Services) peut être vue à son tour comme un système. Nous devons définir pour chaque entité les quatre aspects qui caractérisent un système

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comme vu précédemment (finalité, mission, objectifs, périmètre et interfaces, architectures fonctionnelle et physique, hiérarchies). À des niveaux plus bas de dé-composition, une entité est physiquement composée de "rôles" tenus par des personnes, de procédures documen-tées, d'outils et autres moyens.

Dans une entreprise industrielle, développer un nouveau produit est généralement réalisé par l'intermédiaire d'une "équipe de projet" qui peut être vue comme un système. Ce système doit être considéré comme un système abs-trait (un système de mission) généralement appelé "un projet" parce qu'il se concentre sur la mission dans un temps limité (développer un prototype), partageant des moyens et des qualifications fournis par l'entreprise.

POURQUOI APPLIQUER CETTE DEMARCHE? 1. Complexité La complexité d'organisations telles que l'OTAN (pour laquelle nous avons appliqué définition et démarche pro-posés dans cet article), ou de grandes enteprises, réside dans le nombre de départements, d'interactions entre les départements, les buts et les objectifs multiples de cha-cun, et le partage de moyens et de l'infrastructure. La complexité est évidemment un obstacle à maîtriser pour n'importe quel type d'organisation. La vision système et les méthodes associées sont des moyens pour maîtriser la complexité. La vision système inclut des limitations à respecter :

- l'une d'entre elles est liée à la décomposition du sys-tème par niveaux, chaque niveau n'excédant pas 5 + 2 sous-systèmes, afin d'éviter la prolifération incontrôlable des interfaces ;

- une autre est de faire partager une compréhension uni-que des relations par toutes les parties impliquées.

La première limitation améliore la gestion de la com-plexité, tandis que la seconde semble éviter la réduction de complexité. Mais cette dernière impression devient fausse quand la "vision système" est appliquée comme expliqué en détail dans le chapitre 4. Quand nous consi-dérons l'OTAN comme un ensemble de systèmes intera-gissant, des simplifications peuvent surgir. En considé-rant l'OTAN de cette manière, nous faisons face à un en-semble de systèmes, et chaque système peut appliquer le même cadre pour être conçu, utilisé, maintenu, ou retiré du service.

2. Système Humain et Facteur humain Une des conséquences de la définition proposée est que des systèmes d'organisation peuvent être conçus comme les systèmes technologiques employant les mêmes prati-ques. La question qui se pose réside dans l'adoption des pratiques d'ingénierie par les acteurs de ces "Systèmes à Humains prépondérants".

Efficacité de l'approche. Les pratiques d'ingénierie ap-pliquées aux "Systèmes à Humains prépondérants" per-mettraient de justifier et d'optimiser la portée, les activi-tés, les structures, les moyens, les ressources et les in-frastructures de manière efficace et cohérente. Mais l'ef-ficacité est-elle vraiment la caractéristique la plus impor-tante de ce type de système ? Cela dépend de sa finalité et de ses objectifs ; ceci semble évident pour des Systè-mes d'Organisation axés sur l'économie : tout le monde espère des bénéfices, et des bénéfices qui augmentent en réduisant la durée et les moyens du développement tout en optimisant le système de production. Le cas de l'OTAN a été étudié et son efficacité opérationnelle ou de fonctionnement pourrait tirer profit d'une telle appro-che. Mais elle n'est probablement pas aussi évidente pour tous les types d'organisations.

Facteur humain. Dans les "Systèmes à Humains pré-pondérants" nous faisons face à ce qui s'appelle le fac-teur humain dans le contexte du travail et de la culture. Le propos de cet article n'est pas d'analyser les facteurs humains, mais quelques idées sont simplement souli-gnées :– La rationalité est une question culturelle : le raisonna-ble n'est pas dans la tête de toute les parties d'une socié-té. La vision système oblige les personnes à s'interroger sur ce qui a été fait précédemment, à remettre en cause des acquis. De façon naturelle, un ingénieur concepteur de systèmes doit s'interroger sur sa manière de travailler et remettre en cause les produits qu'il crée pour être sûr de leur pertinence par rapport à leur environnement phy-sique et au contexte culturel. Tout être humain veut-il remettre en cause son travail dans ce sens ?

– Qui est supposé faire l'ingénierie de tels systèmes ? Devrait-elle être faite par les acteurs du système ou par des ingénieurs ? La démarche d'Ingénierie des Systèmes est difficile à appliquer parce qu'elle exige une expres-sion rigoureuse du besoin et la recherche d'une solution correspondante optimisée, et pas seulement énoncer des solutions par approximations successives qui pourraient satisfaire un hypothétique problème. Généralement, les humains préfèrent travailler directement sur les objets physiques et tangibles plutôt que sur des objets immaté-riels ; or chose curieuse, les Systèmes d'Organisation sont "virtuels".

– Qui dirigent les entreprises aujourd'hui : les ingénieurs, les avocats d'affaire, les vendeurs, les directeurs finan-ciers, les actionnaires ? Très souvent, sous la pression des résultats économiques espérés, les directeurs (hors du domaine technique) veulent voir une solution réalisée immédiatement : ce problème mène à des solutions rapi-dement retenues et rédigées avant de définir les besoins les justifiant. Etant donné ce trait particulier du compor-tement humain, concevoir un Système d'Organisation aurait seulement pour résultat un organigramme sans

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prêter l'attention nécessaire au marché, aux besoins réels ou aux processus.

– N'importe quel groupe sérieux est normalement orienté par une finalité, ainsi que des objectifs plus ou moins bien définis. Parce que le contexte ou la composition du groupe pourrait changer dans le temps, l'organisation doit vérifier en permanence si les buts personnels, les objectifs et leur compréhension sont conformes à ceux du groupe, sinon le groupe se désintègre.

CONCLUSIONLe propos de cet article était de montrer que des élé-ments de la Théorie générale des systèmes peuvent être appliqués pour des systèmes créés et utilisés par l'homme aussi bien aux ensembles technologiques qu'aux organisations. Toutes les notions explicitées ont pu être appliquées sans difficulté dans plusieurs contex-tes industriels et d'organisations. Quoique l'approche dé-veloppée semble appropriée et attrayante d'une manière générale, les questions soulevées par le facteur humain,

que ce soit du côté du concepteur comme de celui de l'utilisateur, peuvent représenter un obstacle ou au contraire un catalyseur pour l'adoption des pratiques en matière de Vision Système et d'Ingénierie des Systèmes appliquée aux "Systèmes à Humains prépondérants": un vrai paradoxe !

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1998.3. Life cycle integration - Study for using ISO/IEC

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dèles. Seuil, 1977. 6. J.L. Lemoigne. Théorie des Systèmes: La théorie du

système général. PUF, 1977.

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Vers un Prototypage des Interfaces Graphiques Incluant Vraiment l’Utilisateur Final

Jean Vanderdonckt, Adrien Coyette Belgian Laboratory of Computer-Human Interaction (BCHI), Information Systems Unit (ISYS)

Louvain School of Management (IAG), Université catholique de Louvain (UCL) Place des Doyens, 1 – B-1348 Louvain-la-Neuve (Belgique)

{jean.vanderdonckt, adrien.coyette}@uclouvain.be – http://www.isys.ucl.ac.be/bchi, http://www.usixml.org

RESUME Le besoins en prototypage des interfaces homme-ma-chine graphiques varient en fonction du moment où ils interviennent dans le cycle de vie de développement de l’application interactive. Dans ce but, la notion de niveau de fidélité du prototypage est introduite, définie et illus-trée de façon à être supportée par des outils adéquats. Pour chaque niveau de fidélité, les forces et les faibles-ses de ces outils sont développées de façon à identifier quel outil peut le mieux convenir en fonction de la phase de développement. Les niveaux de fidélité basse, modé-rée et élevée sont respectivement supportés par des outils idoines développés à cet égard : respectivement, un outil d’esquisse d’interface baptisé SketchiXML, un outil de dessin vectoriel, baptisé VisiXML, et un éditeur d’inter-face avancé, baptisé GrafiXML. Ces outils logiciels sont interopérables par l’échange de spécifications d’une in-terface homme-machine, rédigées dans le langage Usi-XML (USer Interface eXtensible Markup Language), un langage de description d’interface homme-machine basé sur XML.

MOTS CLES : Approche dirigée par les modèles, con-ception assistée par ordinateur, langage de description d’interface, niveau de fidélité, outil d’esquisse, prototy-page, USer Interface eXtensible Markup Language.

ABSTRACT The requirements for prototyping graphical user inter-faces vary depending on the moment they are considered during the development life cycle of the interactive ap-plication. For this purpose, the notion of ‘level of fideli-ty’ is introduced, defined, and illustrated so as to be sup-ported by appropriate tools. For each level of fidelity, the strengths and the weaknesses of these supporting tools are discussed in order to identify which one is es-timated the most appropriate for each step of the deve-lopment life cycle. The levels of fidelity, respectively low, moderate, and high are supported by individual softwares which have been developed for this purpose: respectively a sketching tool, named SketchiXML, a vectorial drawing tool, named VisiXML, and an advan-ced interface editor, named GrafiXML. These tools are interoperable by exchanging the specifications of a user interface written in the UsiXML language (USer Inter-face eXtensible Markup Language), a XML-compliant user interface description language.

KEYWORDS : computer-aided design, level of fidelity, model-driven engineering, prototyping, sketching tool, user interface description language, USer Interface eX-tensible Markup Language.

INTRODUCTION La plupart des acteurs principaux intervenant dans l’équipe de développement d’une application interactive s’accorde généralement à dire que le prototypage de l’application en général [6] et de son interface homme-machine (IHM) en particulier [2] sont des activités à en-courager fortement. Notamment pour découvrir le plus rapidement possible les écarts entre les besoins des utili-sateurs finaux et les spécifications de l’interface, du sys-tème et pour bien d’autres raisons encore [4,25,27]. En revanche, quand il s’agit des moyens à déployer pour as-surer la réalisation de ce prototypage et garantir son re-tour sur investissement, les moyens varient largement en forme, en méthode, en ressource mobilisée, en durée. Et les acteurs si prompts à favoriser le prototypage se re-trouvent bien vite démunis quant au moyen le plus ap-proprié pour leur projet et respectant leur budget. Puis-que différents moyens de prototypage existent mettant en œuvre des moyens à coût variable, il nous paraît oppor-tun de dégager des grandes familles de méthodes de pro-totypage d’interface en fonction de différents critères. Tel est l’objectif de cette communication.

On considère généralement que le prototypage rapide de l’interface est une méthode particulière qui se situe dans le cycle général de vie de développement de cette inter-face. Ou bien: “une stratégie spécifique pour conduire l’élicitation des besoins desquels les besoins des utilisa-teurs finaux sont extraits, présentés, et raffinés sur base d’un modèle de travail de l’application” selon l’interpré-tation de Boar [6]. Pour ce qui est de l’interface en parti-culier, il s’agit d’aboutir le plus rapidement possible à des spécifications précises qui rencontrent les besoins exprimés ou perçus comme tels par les utilisateurs fi-naux. Cette démarche devrait en principe s’opérer de fa-çon à ce que cette découverte soit la plus efficace possi-ble: arriver le plus rapidement en consommant le moins de ressources possible, notamment en évitant de coder directement l’interface, une activité considérée comme coûteuse. Pour ce faire, on remplace l’interface à spéci-fier par une représentation, un modèle. Puisque l’interfa-ce est graphique par nature – ou du moins de modalité

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Fidélité\Critère Basse Moyenne Elevée Phase de développe-ment

Elicitation des besoins, concep-tion préliminaire, conceptuali-sation, début de l’application

Conception continue, validation de l’ergonomie du prototype, applica-tion en cours de route

Conception détaillée, applica-tion en fin de spécification

Contenu Présentation surtout Présentation, contenu, layout, début de la navigation

Présentation et navigation, contenu, layout, fonctionnalités

Usage Exploration, découverte, évoca-tion, communication

Simulation, raffinement, itération, amélioration, validation de l’utilisabilité, test utilisateur

Propagation générale à l’application, spécification fi-nale, documentation, marketing

Type de prototypage Horizontal Diagonal Vertical Type d’approche Ascendante (bottom up) Expansive (middle-out) Descendante (top down) Facilité de change-ment

Elevée Modérée Très faible

Coût Faible Modéré Elevé Temps requis Faible Modéré Elevé Naturalité de la re-présentation

Très élevée Modérée Faible

Niveau de détail Faible Modéré Elevé Fréquence d’itération Très élevée Elevée Faible Niveau d’interactivité Faible Modéré Elevé Représentation Esquisse Dessin, dessin vectoriel Présentation et navigation réel-

les Convient pour… Des applications de grande

taille Des applications moyennes Des applications de taille ré-

duite ou des fragments d’autres types d’application

Niveau des spécifica-tions

Abstrait Mixte Concret

Outils en général Denim [14], FreeForms [24], GUILayout [5], Paper [27], Ja-vaSketchIt [8], SILK [17], Sket-chREAD [1]

EtchaPad [22], ExcelProto [3], MidFi [12], ProtoMixer [23]

Editeurs d’interface fournis avec les environnements inté-grés de développement

Outils UsiXML SketchiXML [9,10,11] VisiXML [30] GrafiXML [19,20], FormiXML [30]

URL http://www.usixml.org/index. php?view=page&idpage=29

http://www.usixml.org/index. php?view=page&idpage=11

http://www.usixml.org/index. php?view=page&idpage=10

Tableau 1: Comparaison des caractéristiques des différents niveaux de fidélité.

graphique majoritaire –, il est fondamental que cette re-présentation soit aussi graphique. Autrement, il est diffi-cile, voire impossible, pour les utilisateurs finaux de ré-agir sur une autre représentation, de donner leur avis et de valider les spécifications en cours. Des spécifications abstraites, même si elles sont recommandables [10], ne permettent pas de faire intervenir pleinement l’utilisateur car la non-connaissance du langage abstrait demeurera toujours pour eux une barrière infranchissable. Il est donc primordial de d’abord déterminer quelle représen-tation manipuler, ce qui est abordé dans ce qui suit.

UN RÉFÉRENTIEL POUR LE PROTOTYPAGE D’INTERFACES Comme les besoins en prototypage rapide d’interface va-rient en fonction du projet et des ressources qui lui sont allouées, nous proposons de choisir un prototypage basé sur la notion de fidélité du prototypage. La fidélité du prototypage exprime la similarité entre la représentation de l’interface prototypée et l’interface finale. On dira que la fidélité est élevée (en anglais, high fidelity [26]) si la représentation du prototype est la plus proche possible de celle de l’interface finale, pour ne pas dire qu’elles sont identiques. Dans ce cas, un prototype à un niveau

de fidélité élevée devrait être aussi proche que possible de l’interface finale en termes de présentation (quels sont les objets interactifs utilisés), de navigation globale (comment naviguer entre les espaces d’information), de navigation locale (comment naviguer à l’intérieur d’un espace d’information), de contenu, de layout et de fonc-tionnalités. On dira que la fidélité est faible (en anglais, low fidelity [26]) si la représentation du prototype évo-que l’interface finale sans la représenter totalement en détails. Entre les deux, on exprimera que la fidélité est modérée (en anglais, mid fidelity [11,12]).

En général, on considère que la fidélité d’un prototype reste constante et ne fait pas intervenir différentes repré-sentations. Cependant, on peut très bien imaginer dispo-ser d’un prototypage mélangeant différents niveaux de fidélité si le prototype est composé de fragments de fidé-lité différentes. Ceci peut arriver lorsqu’un prototype est imaginé à partir de nouvelles esquisses (fidélité faible), de recopies d’écran estimées applicables (fidélité éle-vée), ou de dessins issus de logiciel de présentation as-sistée par ordinateur (fidélité moyenne). Petrie & Schneider [23] présentent ProtoMixer, un outil de sup-port au prototypage mixte mêlant plusieurs niveaux.

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Le tableau 1 compare les trois niveaux de fidélité ainsi définis sur base d’une même grille d’analyse constituée de critères. Dans la suite du texte, nous reprendrons seu-lements les critères considérés comme les plus impor-tants de cette grille d’analyse.

Le niveau de fidélité basse est applicable surtout au cours des étapes préliminaires du cycle de vie de déve-loppement d’une application interactive, principalement lorsque les spécifications de l’interface sont inconnues, incomplètes, restent à découvrir, à explorer. Dans ce cas, l’objectif est surtout d’explorer des conceptions alterna-tives possibles sans trop les raffiner afin de déterminer les grands contours de l’interface. Puisque cette étape peut être itérée fréquemment, il est fondamental que son coût et son temps de production demeurent faibles. Ceci au prix d’une représentation basse souvent centrée sur la présentation : pas question de développer ici déjà les fonctionnalités avancées de l’application si on n’est pas encore sûr qu’elles correspondent aux besoins des utili-sateurs finaux.

Au contraire, le niveau de fidélité élevée convient prin-cipalement pour les étapes avancées du cycle de vie de développement d’une application interactive. Soit parce que le domaine est suffisamment connu et maîtrisé pour proposer une interface dont on pense raisonnablement qu’elle va s’approcher favorablement de l’interface fi-nale. Soit parce que les itérations répétées du prototy-page à un niveau de fidélité plus bas ont permis de déga-ger les conceptions acceptables et qu’il importe mainte-nant de les raffiner jusqu’à obtention de l’interface fi-nale. Dans ce cas, l’objectif est surtout de peaufiner l’interface pour qu’elle soit la plus finalisée possible. Par conséquent, son coût et son temps de production sont élevés. Il est donc souhaitable de répéter le moins possi-ble un prototypage à un niveau de fidélité élevée.

Prototype à un niveaude fidélité élevée

Prototype à un niveaude fidélité modérée

Prototype à un niveaude fidélité basse

Prototype à un niveaude fidélité élevée

Prototype à un niveaude fidélité modérée

Prototype à un niveaude fidélité basse

Figure 1: Trajectoires possibles de prototypage.

Le prototypage à un niveau de fidélité élevée peut être consécutif à un prototypage à un niveau de fidélité moins élevé comme soulevé ci-dessus, mais pas néces-sairement. Toutes les trajectoires de prototypage son théoriquement possibles entre les différents niveaux de fidélité [4,14,23] comme la figure 1 le représente. En principe, le prototypage peut être initié à n’importe quel niveau de fidélité, pour autant que cela corresponde aux besoins des utilisateurs finaux et se terminer à n’importe quel niveau (figure 1). En pratique cependant, on ob-

serve très fréquemment le passage d’une fidélité basse ou moyenne à une fidélité élevée pour supporter un pro-totypage réellement progressif et itératif. Le prototypage peut être itéré à chaque niveau, mais les itérations de-vraient être moins fréquentes à un niveau de fidélité éle-vé qu’à un niveau de fidélité bas ou modéré. Il n’est pas nécessaire non plus de traverser chacun des niveaux pour obtenir le prototypage souhaité. Tout dépend de la couverture de l’interface à prototyper. Pour cela, on peut s’appuyer sur différents cadres de référence permettant d’identifier quel type de prototypage est souhaitable.

Le cadre de référence de Nielsen (figure 2) distingue deux types de prototypage en fonction du niveau d’inter-activité couvert (tableau 1). On peut décomposer une application interactive complète en trois couches : l’interface homme-machine (IHM), la couche d’abstrac-tion et de contrôle de l’application et le noyau fonction-nel comportant les fonctions sémantiques de l’applica-tion ; ceci est typique du patron MVC (Model-View-Controller) ou PAC (Présentation-Abstraction-Contrôle) de J. Coutaz.

Interface homme-machine

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Applicationinteractivecomplète

Prototype horizontalPrototype vertical

Interface homme-machine

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Applicationinteractivecomplète

Prototype horizontalPrototype vertical

Figure 2: Prototypages vertical vs. horizontal.

Le type de prototypage est alors dit horizontal si on sou-haite prototyper le maximum des fonctionnalités de l’application au travers de son interface. L’interface est alors prototypée à un niveau de fidélité faible ou modéré pour vérifier que toutes les fonctionnalités sont bien identifiées et couvertes. En revanche, le prototypage n’est pas profond puisque seuls les aspects primordiaux (p. ex. la présentation) priment sur les aspects détaillés (p. ex. les fonctions réellement implémentées). Lorsque la première couche horizontale est finalisée, par exemple au travers d’une validation par les utilisateurs finaux, le prototypage peut se propager vers les niveaux inférieurs de la figure 2. L’interface est d’abord complétée, la cou-che d’abstraction est entamée, puis les fonctions.

Le type de prototypage est dit vertical si on souhaite se concentrer sur quelques fonctionnalités de l’application et que celles-ci doivent être suffisamment avancées pour valider l’approche retenue. L’interface est alors prototy-pée à un niveau de fidélité élevée pour que ces fonction-nalités soient les plus détaillées possibles. En revanche, le prototypage n’est pas large puisque seuls les aspects détaillés (p. ex. jusqu’à la navigation locale) d’un petit nombre de fonctionnalités comptent. Lorsque la colonne de prototypage vertical est aboutie, le prototypage peut se propager latéralement pour couvrir d’autres fonction-nalités non encore traitées auparavant.

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Interface homme-machine

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Applicationinteractivecomplète

Prototype diagonal

Interface homme-machine

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Applicationinteractivecomplète

Prototype diagonal

Figure 3: Prototypage diagonal.

Dans la pratique, cependant, on observe souvent des pro-jets où certains ensembles de fonctionnalités sont tantôt bien maîtrisés (p. ex. suite à l’expérience acquise dans le passé au travers d’autres applications interactives) tantôt presque inconnus (p. ex. aucun autre système semblable n’existe, aucune expérience préalable ou retour d’utili-sation n’existe). Dans ce cas, il est possible de combiner les deux types de prototypage dans le prototypage que nous appelons diagonal [10,11] (figure 3). Dans ce type de prototypage, les parties bien maîtrisées sont soumises à un type de prototypage vertical tandis que les parties mal maîtrisées sont soumises à un type de prototypage horizontal. On peut ainsi marier les avantages des deux types sans en souffrir des conséquences négatives. La propagation du prototypage est alors dite expansive puis-qu’elle peut s’étendre dans toutes les directions. C’est pourquoi le prototypage à un niveau modéré convient bien pour un type d’approche expansive (tableau 1), par opposition au niveau bas pour une approche ascendanteet au niveau élevé pour une approche descendante.

Si maintenant nous poursuivons la décomposition de la couche interface homme-machine en trois parties (la pré-sentation, la navigation globale et la navigation locale), le type de prototypage est alors être précisé et des nou-velles trajectoires de prototypage peuvent apparaître (fi-gure 4). Le cas le plus fréquemment pratiqué consiste à initialiser le prototypage de l’interface par la partie la plus facile, la plus visuelle et la plus naturelle pour l’utilisateur final : la présentation des informations. On dit alors qu’il s’agit d’un prototype présentationnel d’a-bord (figure 4a). Il peut n’avoir aucune navigation ni globale ni locale, auquel cas il s’agit d’une simulation statique. La figure 4a montre une couverture plus large de la présentation pour refléter la partie qui est effecti-vement prototypée. En général, le prototypage par papier [27] convient bien et est largement éprouvé. Il peut aussi comporter un embryon de navigation, bien souvent glo-bale d’abord, locale ensuite car on préfère spécifier les grands traits de la navigation globale avant de préciser ceux de la navigation locale qui en découlent presque di-rectement. A nouveau, le niveau de fidélité du prototy-page est fonction de la couverture à prototyper.

Moins fréquemment, on observe le prototype naviga-tionnel global d’abord (figure 4b) dans lequel on élabore une architecture d’unités d’interaction ou d’information dont on ne spécifie que le but et que l’on relie en fonc-

tion des besoins informationnels de l’utilisateur final. Au fur et à mesure que la navigation globale se précise, on peut s’attaquer à la présentation particulière de l’unité d’interaction résultant ainsi de la navigation et en préci-ser quelques éléments de sa navigation locale. La figure 4b montre que la navigation globale est la plus touchée dans ce cas, puis la présentation, puis la navigation lo-cale.

Enfin, encore moins fréquemment apparaît le prototype navigationnel local d’abord (figure 4b). Dans celui-ci, on précise quelle interaction l’utilisateur final souhaite avoir avec les différents éléments d’information précis (p. ex. quel filtre de recherche, quel ordre d’encodage, quelle suite de boîte de dialogue dans un « wizard »). Ceci étant précisé, on représente alors physiquement ces éléments d’information (p. ex. au travers des objets inte-ractifs, du contenu) au sein de la présentation et on bou-cle le tout par spécifier les grands traits de la navigation globale. La figure 4c montre que, dans ce cas, la naviga-tion locale a attiré le centre d’intérêt du prototypage, puis la présentation, puis la navigation globale. Après quoi, un prototypage vertical ou horizontal peut être poursuivi.

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

Navigationlocale

Prototype présentationnel d’abord

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

NavigationlocalePrésentation Navigation

globaleNavigation

locale

Prototype présentationnel d’abord

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

Navigationlocale

Prototype navigationnel global d’abord

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

NavigationlocalePrésentation Navigation

globaleNavigation

locale

Prototype navigationnel global d’abord

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

Navigationlocale

Prototype navigationnel local d’abord

Couche d’abstraction

Noyau fonctionnel

Présentation Navigationglobale

NavigationlocalePrésentation Navigation

globaleNavigation

locale

Prototype navigationnel local d’abord

Figure 4: Différents prototypages de l’interface : présentation-nel (a), navigationnel global (b), navigationnel local (c).

Après avoir analysé quels sont les types de prototypage possibles et après avoir dégagé certaines tendances, voyons à présent comment supporter au mieux chaque

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niveau de fidélité par des outils logiciels appropriés. Pour chaque niveau de fidélité, nous passerons en revue d’abord les grandes caractéristiques du prototypage à supporter, puis nous citerons quelques outils représenta-tifs avant de présenter l’outil logiciel que nous avons dé-veloppé pour chaque niveau.

L’ensemble de ces outils est interopérable : ils commu-niquent entre eux tous les spécifications de l’interface en cours de prototypage au moyen d’un fichier rédigé en UsiXML (USer Interface eXtensible Markup Language, http://www.usixml.org) [19,20]. Ce langage de descrip-tion d’interface utilisateur (en anglais, User Interface Description Language - UIDL) possède une vocation descriptive (spécifier au mieux les aspects de l’interface en cours de développement) et une vocation générative (autoriser la génération automatique de code ou un rendu automatique de l’interface à partir de ses spécifications). Ce langage de type XML a été créé au sein du projet eu-ropéen Caméléon (http://giove.cnuce.cnr.it/cameleon. html) et est poursuivi actuellement au sein du réseau d’excellence Similar (http://www.similar.cc). Il couvre notamment les aspects de tâche, du domaine, de l’in-terface abstraite, de l’interface concrète et du contexte d’utilisation (c’est-à-dire l’utilisateur, sa plate-forme lo-gicielle et matérielle et l’environnement physique dans lequel il est plongé). Dans la suite, seule l’interface concrète sera utilisée. Pour plus de détails, voir [19,20] et le site. Il existe d’autres langages similaires, avec des couvertures plus ou moins différentes et des objectifs différents: l’étude [28] procure un aperçu de ces langa-ges de description sous la forme d’une grille d’analyse.

Voyons à présent quels sont les outils disponibles en commençant par le niveau de fidélité élevée puisqu’il est censé être le plus proche de l’interface finale que nous espérons. Nous verrons ensuite progressivement les ni-veaux de fidélité inférieurs. Il est aussi convenable de débuter par ce niveau car il permet de voir comment les différentes représentations de l’interface finale se trans-forment dans les niveaux de fidélité inférieurs.

PROTOTYPAGE À UN NIVEAU DE FIDÉLITÉ ELEVÉE A ce niveau, l’objectif est de maximiser la proximité en-tre l’interface prototypée et l’interface finale, à obtenir et produire. Quand on parle de proximité, il s’agit de cou-vrir un maximum des aspects de l’interface (présenta-tion, navigations globale et locale), mais aussi l’ordon-nancement dans le temps et dans l’espace de l’utilisation des fonctionnalités. Pour cela, il faudrait que le proto-type puisse accepter des entrées au départ des dispositifs d’interaction supportés (le plus souvent, le clavier et la souris) afin de les traiter et de les refléter dans le test des fonctionnalités. Certains prototypes peuvent débuter sur un jeu de données restreint, non nécessairement connec-tées à une base de données, afin de simplifier le proto-type. D’autres, au contraire, mettent en jeu des sous-ensembles utiles de bases de données.

La plupart du temps, les concepteurs et les développeurs se reposent sur les outils qui sont fournis en standard avec les environnements intégrés de développement, tels que les éditeurs d’interface (en anglais, interface buil-ders) d’origine. Par exemple, Microsoft Visual Builder dans l’environnement éponyme.

D’un côté, ces éditeurs sont ceux qui offrent la présenta-tion et la navigation native de la plate-forme sur laquelle l’application interactive est développée ; on peut repré-senter directement l’interface désirée en tirant d’une pa-lette d’objets ceux qui vont constituer l’interface et les placer dans une surface de travail, ce qui constitue un avantage indéniable tant du point de vue fonctionnel que visuel (l’interface graphique étant visuelle par nature). D’un autre côté, ces éditeurs se restreignent souvent à l’édition d’interface graphique basée sur des objets inte-ractifs statiquement prédéfinis. Dès lors qu’il s’agit d’avoir des objets interactifs non natifs, non standards ou dynamiquement gérés (p. ex. une barre de menu varia-ble, une boîte de dialogue fonction du contenu), l’avan-tage de l’éditeur cesse : il n’est plus possible d’éditer une telle interface et il faut recourir à la programmation ma-nuelle. Il en va de même pour tous les aspects de naviga-tion.

Par conséquent, les éditeurs d’interface s’avèrent appro-priés pour les prototypes présentationnels, surtout en ho-rizontal, mais très peu pour les prototypes navigation-nels, particulièrement en vertical. En effet, dès qu’il s’agit d’un comportement à développer, il faut recourir à la programmation, dont le coût n’est évidemment pas souhaitable en phase de prototypage. Par analogie, le prototypage diagonal est difficile à supporter.

En raison de ces limites, plusieurs personnes se tournent vers des outils ne présentant pas les mêmes lacunes, tels que les outils dits de façade [2,4,27]. Ces outils permet-tent de prototyper une interface en la construisant sans faire appel à du codage, soit sans nécessairement devoir développer la couche d’abstraction et/ou le noyau fonc-tionnel. Des outils hypermédia (comme HyperCard), des outils de présentation assistée par ordinateur (comme Microsoft PowerPoint, Aldus Persuasion), des outils au-teur pour des applications multimédia (comme Macro-media Director) ont déjà été considérés bien des fois. Ef-fectivement, il est possible de produire une interface à niveau de fidélité élevée avec un minimum de naviga-tion : le prototypage horizontal est mieux supporté et le prototypage vertical ou diagonal, partiellement, les pro-totypes présentationnel et navigationnel sont mieux sup-portés dans cette approche. Hélas, l’effort de production est perdu lorsqu’on passe à l’environnement de déve-loppement intégré prévu pour l’application complète. Même si un tel outil génère automatiquement du code, en tout ou en partie, ce code généré ne sera pas récupé-rable pour l’interface finale. Le développeur recom-mence le développement à zéro, avec une interface à haute fidélité.

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Figure 5: Interface de GrafiXML en mode de composition de la présentation (prototypage présentationnel).

Pour répondre à ces défis, nous avons développé Gra-fiXML (figure 5), un éditeur d’interface à niveau de fi-délité élevée fondé sur le langage UsiXML. A l’instar des éditeurs d’interface, GrafiXML permet de représen-ter une interface graphique en positionnant les objets in-teractifs souhaités, que ce soit des objets standards (p. ex. un bouton radio, une liste de sélection) ou des objets ajoutés (p. ex. la saisie d’une heure, un calendrier, un conteneur). Au lieu de générer automatiquement ou semi-automatiquement le code de l’interface ainsi repré-sentée, GrafiXML produit automatiquement des spécifi-cations fonctionnelles et opérationnelles rédigées en UsiXML. Ces spécifications peuvent être dépendantes ou indépendantes d’un contexte d’utilisation. Il est pos-sible aussi de décliner différentes interfaces possibles pour plusieurs contextes d’utilisation associés au même projet. Ceci est particulièrement approprié lorsqu’il faut développer une version multi-plate-forme d’une inter-face. La figure 5 présente l’outil en fidélité élevée au moment de la spécification de la présentation. Etant donné que cette interface peut être multi-plate-forme, seule une représentation logique est affichée. Pour obte-nir en temps réel une interface réelle, il suffit de deman-der la prévisualisation de l’interface (qui ne fonctionne qu’en Java Swing). Grâce à un système d’export, Gra-fiXML peut actuellement générer automatiquement le code de l’interface dans plusieurs langages cibles, tels que Java, XHTML ou XUL (http:// www.mozilla.org/ projects/xul/). Par exemple, la figure 6 correspond à l’interface générée en XHTML à partir de celle spécifiée à la figure 5, mais sans feuille de style associée. Il est possible d’adjoindre une feuille de style ultérieurement afin de rendre la présentation adaptée au contexte d’utili-

sation en fonction du travail du designer graphique. Cette opération est réalisée extérieurement à l’environ-nement de GrafiXML. Logiquement, GrafiXML peut simultanément couvrir plusieurs langues pour une même interface en spécifiant les ressources qui varient en fonc-tion de l’utilisateur (p. ex. les ressources textuelles, les images, les libellés, le texte de contenu). Dans ce cas, il ne faut pas dessiner plusieurs interfaces – une seule suf-fit –, mais bien spécifier les variations de contenu pro-pres à chacune des versions dans les langues différentes. Une autre différence significative de GrafiXML par rap-port à d’autres éditeurs concerne sa capacité à accueillir des plug-ins destinés à couvrir des ensembles étendus de fonctionnalités. Par exemple, des plug-ins existent pour transformer une interface existante pour un PDA, pour (dé)composer des interfaces entre elles, pour évaluer leur qualité ergonomique en cours de conception, etc.

Figure 6: Interface finale résultant de GrafiXML.

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Figure 7: Interface de GrafiXML en mode de spécification de la navigation (prototypage navigationnel).

Enfin, pour supporter le prototypage navigationnel, Gra-fiXML offre un mode de spécification de la navigation (figure 7). Dans ce dernier, chaque conteneur (cela peut être une page web, une boîte de regroupement, une fenê-tre, une boîte de dialogue) est affiché par sa miniature et les miniatures du projet en cours sont rassemblées sur la partie droite. Il est alors possible de tirer des flèches d’un objet repris dans un conteneur vers un autre conte-neur afin de spécifier des navigations globales élémen-taires, du genre « fermer la première fenêtre et ouvrir la suivante », « désactiver la première fenêtre, la réduire sous forme iconique et activer la seconde fenêtre ». Le siège de cette navigation globale (entre conteneurs) peut résider dans le chef d’un objet interactif en particulier (p. ex. un bouton de commande) soit dans le chef du conte-neur lui-même, signifiant par là un comportement atta-ché à ce conteneur. Ici aussi, l’outil génère les spécifica-tions détaillées en UsiXML V1.6.4 correspondant au comportement souhaité, tant du point de vue de la pré-sentation et de la navigation, que du contenu et du layout (actuellement, quatre types de layout sont disponibles pour la plupart des situations rencontrées). Actuellement, GrafiXML ne supporte que la navigation globale. Nous sommes en train de développer la partie relative à la spé-cification de la navigation locale. Ce qui est bien plus complexe étant donné la variation et la complexité des navigations possibles (p. ex. si je sélectionne telle langue dans la liste de sélection, alors activer la valeur X dans le radio bouton et activer le bouton de commande du conteneur). Il est ardu de définir une notation graphique permettant d’exprimer un ensemble significatif de ces comportements. Aussi, nous espérons nous limiter à une stylistique simple.

Remarquons enfin que GrafiXML ne dispose pas actuel-lement de la capacité à incorporer un objet interactif non prédéfini dans UsiXML. Actuellement, il y a une tren-taine d’objets, mais cet ensemble peut toujours évoluer en importance. Par conséquent, GrafiXML souffre de la même lacune que les éditeurs concernant les objets mé-tier. Nous verrons cependant qu’une solution partielle à ce problème a été instaurée dans le prototypage à un ni-veau de fidélité basse.

PROTOTYPAGE À UN NIVEAU DE FIDÉLITÉ MODÉ-RÉETant qu’il s’agit de représenter graphiquement la présen-tation et/ou la navigation dans GrafiXML, le coût et le temps de production semblent rester au moins égal à ceux encourus dans un éditeur d’interface courant, si ce n’est la capacité d’expression plus importante. Ceci mis à part, les spécifications rédigées en UsiXML produites par cet outil (ou par d’autres d’ailleurs) restent toujours disponibles et permettent en principe de ne pas perdre l’effort de prototypage lorsqu’il s’agit de passer à la phase de développement. Si on peut récupérer les spéci-fications afin de produire du code (capacité générative), un tel code peut être produit par diverses techniques de génération (p. ex. par squelette, par analyse statique de code, par « generative programming »).

Pour ce qui est des propriétés avancées de la présenta-tion et de la navigation qui ne font pas l’objet d’une spé-cification graphique dans GrafiXML, le concepteur a la possibilité de les spécifier dans des feuilles de propriétés ou de laisser le système générer automatiquement des valeurs par défaut pour lui (qui sont réglables et paramé-trables). Cette approche convient lorsque l’on connaît bien l’interface finale ou tout au moins que l’on est pro-che de son résultat. Si on n’est pas trop sûr de la mouture finale de cette interface, on peut vite regretter que le coût et le temps de création deviennent prohibitifs face au re-tour sur investissement. C’est pourquoi il peut s’avérer judicieux de passer à un niveau de fidélité modérée.

Figure 8: Interface de VisiXML en mode de spécification de la présentation (prototypage présentationnel).

Dans ce but, nous avons développé VisiXML (figure 8), un éditeur d’interface à niveau de fidélité modérée per-mettant de se restreindre aux aspects visuels uniquement sans passer par de la programmation ou du codage sup-plémentaire. VisiXML se présente sous la forme d’un plug-in développé au sein de l’environnement Microsoft Visio Pro agrémenté d’un stencil comportant les icônes de dessin de tous les conteneurs et objets interactifs pré-vus dans une interface concrète spécifiable par UsiXML

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(voir partie gauche de la figure 8). Dans VisiXML, le concepteur se résume à dessiner l’interface souhaitée en sélectionnant les conteneurs et objets interactifs indivi-duels souhaités. La différence fondamentale entre Gra-fiXML (fidélité élevée) et VisiXML (fidélité modérée) réside dans le fait qu’ici, il ne s’agit que d’un dessin vec-toriel, en principe plus facilement modifiable, mais dont la présentation est liée à celle d’une plate-forme logi-cielle cible. Au contraire, dans GrafiXML, l’édition n’est pas liée à un environnement particulier.

Comme VisiXML est incorporé à l’environnement Mi-crosoft Visio, on bénéficie de tout ce qui est supporté par cet environnement : on peut dessiner n’importe quel au-tre objet vectoriel de base tel que de la décoration, du texte, des figures, des dessins. Ceci permet enfin de spé-cifier des éléments de présentation qui ne seraient pas définis en standard dans UsiXML, mais ces dessins sont perdus dans l’export : quand le concepteur pense avoir terminé sa conception, il peut cliquer sur une première icône qui détermine automatiquement une hiérarchie des objets présentés, puis sur une autre icône permettant de générer automatiquement les spécifications en UsiXML. Lorsqu’il s’agit d’autres éléments de dessin prévus par Visio, mais pas par VisiXML, ces éléments sont sauve-gardés dans le prototype de fidélité modérée, mais per-dus dans les spécifications générées. Ceci engendre une incohérence latente entre la représentation externe (l’in-terface dessinée) et la représentation conceptuelle (l’in-terface spécifiée en UsiXML). En contrepartie, la facilité d’édition est plus importante, permettant de modifier plus rapidement et moins en détails l’interface en cours de prototypage. En effet, le prototypage est restreint aux seules propriétés physiques et pour la plupart des pro-priétés physiques ayant un impact visuel, des valeurs par défaut sont spécifiées afin de minimiser l’apport du concepteur. Si néanmoins, le concepteur souhaite spéci-fier des paramètres jugés fort fins pour ce niveau (p. ex. la police de caractères d’un texte, sa taille, sa couleur), il peut le faire via la feuille de propriétés située en bas à droite de la figure 8. Ces propriétés sont retenues dans la génération des spécifications en UsiXML. Là où la ca-pacité de VisiXML s’arrête, c’est lorsqu’il s’agit de pas-ser à une autre plate-forme (ici, seul Microsoft Windows XP est supporté) ou de prototyper à des fins d’explora-tion de conceptions alternatives. Certes, VisiXML com-porte la faculté de dessin, mais sa représentation liée à une plate-forme ne permet pas de faire penser qu’il s’agit d’une interface en pleine évolution : son niveau formel [14] de détails procure l’impression qu’il s’agit déjà d’une interface presque finale, en tout cas dans les yeux de l’utilisateur final.

En conclusion, VisiXML, même s’il est restreint à du dessin vectoriel sur une plate-forme donnée, permet de supporter le prototypage présentationnel et navigationnel global. Le prototypage navigationnel local n’est aucu-nement supporté.

Dans la même veine, Berger [4] a imaginé un outil de prototypage d’interface à un niveau de fidélité modérée au sein de l’environnement Microsoft Excel avec la par-ticularité que des comportements minimaux sur les don-nées peuvent être effectués grâce au langage de macro-commande d’Excel.

PROTOTYPAGE À UN NIVEAU DE FIDÉLITÉ BASSE Pour ne plus véhiculer l’impression d’une interface dont la représentation est quasi finale, même si sa conception l’est, il est judicieux de passer à un niveau de fidélité basse. Lorsqu’on se situe à un niveau de fidélité basse, la représentation de l’interface que l’on manipule doit être la plus naturelle possible pour ne pas entraver le proces-sus de création, de conception exploratoire. La représen-tation graphique de l’interface manipulée au sein de l’éditeur est donc fondamentale pour donner l’impression à l’utilisateur qu’il s’agit d’une interface en cours de conception et non d’une interface finale. Le ca-ractère informel [14] des spécifications est à préserver.

Figure 9: Interface de GUILayout en mode de spécification de la présentation (prototypage présentationnel).

Au bas de l’échelle des représentations graphiques se trouve GUILayout [4] dont l’interface est reproduite à la figure 9. Nous y voyons que le concepteur peut définir des zones contenant des types d’information différents : texte, graphique, vidéo, formulaire. Ces zones informa-tionnelles de base peuvent être récursivement composées au sein de conteneurs de niveau immédiatement supé-rieur. Pour représenter l’interface finale de la figure 6, le concepteur a ici dessiné un conteneur reprenant les zo-nes de texte (destinées à contenir les informations de guidage) et la zone de formulaire. La représentation gra-phique manipulée par GUILayout est celle du niveau de fidélité le plus bas que nous connaissons aujourd’hui. Pour donner un aperçu avant développement d’une inter-face, cette représentation suffit. Mais dès qu’il s’agit de préciser le contenu des zones dessinées, l’utilité de l’outil s’interrompt. Nous jugeons que cette représenta-tion est de niveau trop bas pour être exploitée de manière continue dans la suite du cycle de vie de développement.

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A un stade moins bas que GUILayout résident les tra-vaux de Meyer [21] avec son outil SketchaPad [22]. Meyer estime pour sa part que même une représentation graphique de l’interface finale qui serait indépendante de la plate-forme (p. ex. la partie gauche de la figure 10) reste insuffisante et risque tout de même de donner l’impression que la conception de l’interface est suffi-samment aboutie, précise pour donner l’impression à l’utilisateur final que l’interface est déjà obtenue, finali-sée. C’est pourquoi il a développé un algorithme graphi-que permettant d’affecter automatiquement des contours flous aux représentations graphiques des objets interac-tifs représentés (la partie droite de la figure 10).

Figure 10: Deux représentations graphique d’une interface en prototypage à niveau de fidélité basse [21].

A un niveau plus élevé qu’EtchaPad réside une famille d’outils d’esquisse d’interfaces manipulant une représen-tation dessinée (« esquisse », en anglais, sketching) de l’interface en cours de prototypage. Les représentants les plus caractéristiques de cette famille sont dans l’ordre alphabétique : Denim [14], EtchaPad [22], FreeForms [24, 25], JavaSketchit [8] basé sur la bibliothèque de re-connaissance de forme CALI [13], SILK [16,17], Sket-chRead [1]. Ces outils partagent un mode de fonction-nement presque commun : au lieu de manipuler une re-présentation graphique de l‘interface, proche ou éloignée comme dans [21], ils permettent au concepteur de dessi-ner librement l’interface en cours de conception comme dans un outil de dessin graphique libre. Prototyper une interface à un niveau de fidélité basse permet de décou-vrir autant de problèmes qu’à un niveau plus élevé.

Premièrement, un utilisateur final possède autant la ca-pacité de dessiner une interface qu’un concepteur ou qu’un développeur : dans une étude préliminaire [11], nous n’avons pas décelé de différence statistiquement significative entre la capacité d’un utilisateur final et celle d’un concepteur d’interface pour dessiner une in-terface. Voici donc un moyen d’inclure vraiment l’utilisateur final dans le prototypage puisqu’il peut lui-même dessiner aussi bien que son concepteur. Il est inté-ressant d’étudier le binôme (concepteur, utilisateur final) en situation collaborative de conception, mais ceci re-quiert une autre infrastructure qui est celle d’un environ-nement collaboratif de conception (figure 11).

Figure 11: Un environnement collaboratif de conception basé sur plusieurs niveaux de fidélité concurrents (source :

http://www.isys.ucl.ac.be/bchi/members/jgo/Research.html)

Dans cet environnement, un ou plusieurs niveaux de fi-délité peuvent se côtoyer : mono-fidélité si un seul des trois niveaux est mobilisé, multi-fidélité si plus d’un ni-veau de fidélité est mobilisé. On dira que la multi-fidélité est mixte (comme dans [23]) lorsqu’une repré-sentation mélange plusieurs niveaux de fidélité simulta-nément ou distribuée lorsque plusieurs représentations ayant chacune une fidélité donnée se côtoient.

Deuxièmement, ce n’est pas parce que le niveau de fidé-lité du prototypage s’exprime à un niveau inférieur à ce-lui de la réalité (autrement dit, à un niveau de fidélité moyenne ou basse) que la capacité du prototype à révé-ler ses avantages et ses inconvénients diminue. En parti-culier, il a été montré que le nombre de problèmes ergo-nomiques identifiés à l’aide d’une évaluation heuristique n’est pas moindre avec une fidélité basse qu’avec une fi-délité élevée.

Troisièmement, plusieurs principes fondamentaux prési-dent au prototypage à un niveau de fidélité basse :

Principe de naturalité : il faut que l’interface en cours de dessin soit la plus naturelle possible et que son dessin soit le plus naturel possible pour ne pas limiter les capacités exploratrices de son utilisateur, même si sa représentation n’est pas immédiatement similaire à celle de l’interface finale. Principe de non-obstrusion : comme corollaire au principe de naturalité, il faut que le système de sup-port à l’esquisse soit le moins obstrusif possible et perturbe le moins possible le concepteur durant cette phase de prototypage. La représentation en fidélité basse ne doit donc en aucun cas introduire des tâ-ches ou des actions qui soient étrangères à la nature originale de l’activité de prototypage. Principe de continuité : il faut que le système de support à l’esquisse supporte continûment le dessin quelle que soit la nature de l’élément sujet au proto-typage (p. ex. un objet interactif, du texte, du dessin, du contenu multimédia). L’utilisateur ne devrait pas changer de mode de dessin si un élément de nature différente doit être représenté.

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Principe de récupération : l’effort obtenu suite à l’esquisse ne doit pas être perdu pour le reste du cy-cle de vie de développement de l’application inte-ractive. En principe, pour minimiser les coûts, l’ef-fort consenti durant ce prototypage, même s’il est de niveau de fidélité basse, devrait être perdu le moins possible ou récupéré le plus possible dans la suite.

L’ensemble de ces outils adhère plus ou moins aux trois premiers principes dans une certaine mesure, mais géné-ralement pas au dernier. C’est pourquoi, nous avons dé-veloppé SketchiXML [9,10,11], un éditeur d’interface à niveau de fidélité basse fondé sur le langage UsiXML, dont l’interface est reproduite à la figure 12.

Figure 12: Interface de GUILayout en mode de spécification de la présentation (prototypage présentationnel).

Dans cet outil, le concepteur peut spécifier ou non un profil exprimant un contexte d’utilisation cible (c’est-à-dire pour un utilisateur, une plate-forme et un environ-nement donné). Ensuite, il peut dessiner en dessin libre l’interface en cours de prototypage. Bien que Sket-chiXML puisse être aussi utilisé sur un ordinateur nor-mal équipé d’un clavier et d’une souris, il trouve sa pleine utilisation sur des plateformes de type TabletPC ou Wacom Cintiq (cfr. http://www.wacom.com/lcdtablets/index .cfm) qui of-frent à son utilisateur la capacité d’écrire et de dessiner directement sur l’écran, minimisant ainsi l’écart entre le lieu d’interaction et sa représentation. A tout moment, le concepteur peut demander au système de reconnaître le contenu de l’esquisse pour générer aussi automatique-ment que possible des spécifications de base d’une inter-face en UsiXML. Pour ce faire, chaque objet interactif de base (p. ex. une liste de sélection) a été encodé dans une grammaire graphique sous la forme de trois repré-sentations préférentielles. Ces trois représentations sont issues de tests utilisateur qui ont permis de déterminer quelle sont les trois représentations graphiques préférées des personnes (concepteurs et non-concepteurs) pour chaque objet interactif. Pour les autres, seule l’esquisse demeure et ne donne pas lieu à de la reconnaissance.

SketchiXML tente donc d’adhérer aux quatre principes fondamentaux introduits ci-avant de la façon suivante :

Principe de naturalité : le dessin et l’écriture du concepteur forment les seules entrées possibles de base pour réaliser une esquisse, l’objectif étant de maximiser la métaphore de l’esquisse papier. Ces deux formes d’expression sont largement reconnues comme supportant largement un processus de con-ception, hautement créatif par nature [25,27]. Principe de non-obstrusion : si le concepteur le préfère, aucun traitement de l’esquisse n’est effectué en cours de conception. En particulier, aucune re-connaissance des objets interactifs et de l’écriture ne sont opérées. Celles-ci ne sont déclenchées qu’à la demande du concepteur afin de préserver le contrôle explicite et de ne pas perturber le concepteur. La fi-gure 12 montre que certaines formes ont été recon-nues et enrichis par le nom de l’objet correspondant. Principe de continuité : tant que le concepteur est en train d’effectuer une esquisse, il reste dans ce mode. Il ne doit pas passer d’un mode à l’autre pour exprimer tantôt un objet interactif, tantôt du conte-nu, tantôt du texte, tantôt une commande de manipu-lation de l’esquisse (par exemple, effacer un frag-ment de l’esquisse, déplacer un fragment). A cette fin, SketchiXML est équipé d’un moteur de recon-naissance de formes basé sur une grammaire gra-phique existant sous la forme de la bibliothèque CALI [13], d’un moteur de reconnaissance de gestes basé sur le traitement du signal émis par le stylet et d’une bibliothèque de reconnaissance d’écriture. Principe de récupération : contrairement à Denim [14] qui ne supporte aucune reconnaissance et plus loin que FreeForms [24] qui reconnaît moins d’objets, SketchiXML reconnaît environ une tren-taine d’objets interactifs, soit tous ceux qui sont dé-finis dans l’interface concrète en UsiXML [19]. Il peut donc exporter le résultat de l’esquisse dans un fichier UsiXML qui est alors récupéré dans l’outil GrafiXML (figures 5, 7) afin d’être affiné jusqu’au niveau de détails demandé.

Au terme de ce parcours d’outils, la figure 1 peut être revisitée à la lumière des avancées effectuées et permet de couvrir à présent les trajectoires de la figure 13.

Prototype à fidélitéélevée : GrafiXML

Prototype à fidélitémodérée : VisiXML

Prototype à fidélitébasse : SketchiXML

Prototype à fidélitéélevée : GrafiXML

Prototype à fidélitémodérée : VisiXML

Prototype à fidélitébasse : SketchiXML

Figure 13: Trajectoires possibles de prototypages en UsiXML.

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PROTOTYPAGE AVEC D’AUTRES MODALITES Les outils analysés jusqu’ici se basent évidemment tous sur une même hypothèse de travail : l’interface de l’ap-plication à prototyper est de modalité graphique domi-nante. La question concernant l’adaptation de ces ré-flexions à d’autres modalités d’interaction ou à des types particuliers d’applications interactive est une question en cours de recherche. Par exemple, SUEDE [15] permet de prototyper rapidement une application vocale en mani-pulant une abstraction de questions et réponses. La ques-tion du niveau de fidélité se pose ici en d’autres termes et n’a pas encore fait l’objet de réflexion. De même, MultiXML [29] permet de prototyper relativement rapi-dement une interface multimodale (graphique, vocale, tactile ou combinant celles-ci) pour le web, mais la ques-tion du niveau de fidélité n’est pas encore résolue non plus. Enfin, Topiary [18] exploite l’expérience acquise dans le développement d’applications sensibles au contexte pour proposer des représentations de natures différentes utiles au prototypage de telles applications.

CONCLUSION Au terme de ce parcours, nous avons montré qu’à l’aide de la trilogie GrafiXML-VisiXML-SketchiXML, il est possible de supporter différents niveaux de fidélité du prototypage d’une interface graphique (élevée, modérée, basse) et qu’il est possible de passer de n’importe quel niveau de fidélité à un autre en principe. VisiXML ne supporte que l’interface graphique pour une plate-forme de type MS Windows au contraire des deux autres outils. Les trajectoires de prototypage de la figure 13 sont cou-vertes. En comparant les différents outils de support au prototypage, nous avons pu identifier quels sont ceux qui conviennent pour un prototypage horizontal, vertical ou diagonal, présentationnel, navigationnel global ou local. L’expérience acquise jusqu’ici semble révéler que le prototypage à un niveau de fidélité basse est promis à un avenir certain tant la naturalité est importante : le concepteur, l’utilisateur final lui-même ou bien les deux ensembles peuvent pour la première fois collaborer di-rectement au prototype en cours de conception. Gageons que ces nouvelles formes de prototypage procureront à l’utilisateur final un réel sentiment d’implication.

REMERCIEMENTSLes auteurs remercient particulièrement le projet Re-Quest (Rapid prototyping of e-commerce applications, Programme «WIST» Wallonie Information Science & Technology, Convention n°315592), financé par la Ré-gion Wallonne (Belgique), ainsi que le réseau d’excel-lence SIMILAR (The European research taskforce crea-ting human-machine interfaces SIMILAR to human-hu-man communication, http://www.similar.cc, FP6-IST1-2003-507609), financé dans le cadre du 6ième Programme Cadre de la Commission Européenne. Ensuite, nous re-mercions WACOM Research Europe. Nous remercions aussi chaleureusement A. Caetano, N. Goulart, M. Fon-seca, et J.A. Jorge (INESC-ID, Portugal) pour nous avoir permis d’utiliser leur bibliothèque CALI.

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20. Limbourg, Q. and Vanderdonckt, J. UsiXML: A User Interface Description Language Supporting Multiple Levels of Independence. In Matera, M., Comai, S. (Eds.), Engineering Advanced Web Ap-

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29. Stanciulescu, A. and Vanderdonckt, J. Design Op-tions for Multimodal Web Applications. In Proc. of 6th Int. Conf. on Computer-Aided Design of User In-terfaces CADUI’2006 (Bucharest, 6-8 June 2006), Springer-Verlag, Berlin, 2006, pp. 41-56.

30. Vanderdonckt, J., A MDA-Compliant Environment for Developing User Interfaces of Information Sys-tems. In Proc. of 17th Conf. on Advanced Informa-tion Systems Engineering CAiSE'05 (Porto, 13-17 juin 2005), O. Pastor & J. Falcão e Cunha (eds.), Lecture Notes in Computer Science, Vol. 3520, Springer-Verlag, Berlin, 2005, pp. 16-31.

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ARTICLES LONGS DE RECHERCHE

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Evaluation ergonomique d’un prototype de réalité aug-mentée par des tests utilisateurs : apports et difficultés

Margarita Anastassova 1,2, Christine Mégard1Commissariat à l’Energie Atomique

Laboratoire d’Intégration des Systèmes et des Technologies (LIST) 18, route du Panorama

92265 Fontenay-aux-Roses Cedex [email protected]

[email protected]

Jean-Marie Burkhardt, Juliette Breda2Unversité René Descartes - Paris 5

Unité d’Ergonomie Laboratoire d’Ergonomie Informatique (LEI)

45, rue des Saints-Pères 75270 Paris Cedex 06

[email protected]@wanadoo.fr

RESUMECette recherche concerne les apports et les difficultés de l’évaluation d’un prototype de Réalité Augmentée (RA). L’objectif est d’évaluer la qualité ergonomique du dis-positif et de voir certains avantages et limites des tests utilisateurs appliqués à une technologie émergente. D’abord, nous présentons les méthodes utilisées pour l’évaluation ergonomique de la RA et les principales conclusions sur l’utilité et l’utilisabilité des systèmes existants. Ensuite, nous exposons la méthodologie de l’étude. Elle repose sur une comparaison de 2 groupes expérimentaux : le premier utilise le prototype de RA et le deuxième utilise une procédure en papier pour la ré-alisation d’une même tâche de maintenance. Les résul-tats montrent que les sujets réalisent plus rapidement et plus facilement la tâche en utilisant la procédure en pa-pier. D’un point de vue méthodologique, on constate que les tests utilisateurs sont très utiles pour l’évaluation de la compatibilité du prototype avec la tâche, mais leur mise en œuvre rencontre plusieurs difficultés.

MOTS CLES : Evaluation ergonomique, maintenance, réalité augmentée, tests utilisateurs.

ABSTRACT This study concerns the difficulties and the benefits from a user evaluation of an Augmented Reality (AR) proto-type. The purpose is to assess the utility and the usability of the application and to see some of the advantages and the limits of user testing of emerging technologies. We present the methodology used for the evaluation of AR technologies and the major conclusions on their utility and usability. Then, we expose the methodology of our study, which compares the performance of two groups on the same maintenance task. One of the groups uses paper instructions, and the other – the AR prototype for guiding the assembly. The results show that the assem-bly task is done faster and easier using the paper instruc-tions. From a methodological point of view, we conclude that user testing is very useful for evaluating the com-patibility of the prototype with the task, but the realiza-

tion of such tests of emerging technologies is quite diffi-cult.

KEYWORDS : Augmented reality, maintenance, usabil-ity evaluation, user testing.

INTRODUCTIONLa Réalité Augmentée (RA) est un ensemble de techno-logies qui induisent de nouvelles formes d’interaction homme - machine. Ces technologies sont basées sur l’association sémantique, spatiale et temporelle d’objets réels et virtuels (notion de recalage). Fixes ou mobiles, les systèmes de RA sont construits sur la base d’une ar-chitecture comprenant généralement quatre composants principaux: une caméra filmant la scène visionnée par l’utilisateur ; un ordinateur générant les objets virtuels ; des dispositifs d’entrée et de présentation d’information ; des capteurs de position [2]. L’idée d’augmentation ren-voie ainsi à l’enrichissement supposé de l’information véhiculée par les objets virtuels, par réfé-rence aux seules informations accessibles à l’utilisateur dans l’environnement immédiat du monde réel.

L’étude présentée dans cet article a une double visée : 1) évaluer l’utilité et l’utilisabilité d’un prototype de RA destiné à l’assistance à la maintenance de trains et 2) dis-cuter des difficultés d’utilisation des méthodes classi-ques d’évaluation tels des tests utilisateurs. Dans cette étude, l’utilité est considérée comme un avantage signi-ficatif pour l’utilisateur dans la tâche de maintenance (ex. : en termes d’efficacité et de rapidité), tandis que l’utilisabilité correspond à un nombre de critères tels que facilité d’apprentissage, utilisation sans erreurs, etc. [6]. Dans la première partie de l’article, nous présentons brièvement les méthodes utilisées pour la conception et l’évaluation ergonomique des systèmes de RA ainsi que les principales conclusions sur leur utilité et utilisabilité. Ensuite sont exposés la méthodologie utilisée et les prin-cipaux résultats de notre évaluation. Enfin, nous discu-tons ces résultats et soulignons certaines limites de la re-cherche.

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CONCEPTION ET EVALUATION ERGONOMIQUE DE SYSTEMES DE RA Actuellement, les dispositifs de RA font surtout l’objet de recherches technologiques. Par conséquent, il y a très peu de retours d’expérience concernant des utilisateurs réels ainsi que peu de réflexions sur des méthodes d’évaluation adaptées aux technologies émergentes (mais voir [4]). De surcroît, certaines des rares évalua-tions publiées comportent des biais méthodologiques, voire restent informelles et peu rigoureuses [1].

Connaissances actuelles et orientation des études empiriquesLes principes fondés empiriquement pour la conception ergonomique des dispositifs de RA sont encore peu nombreux et très généraux. On trouve par exemple que :

les visiocasques posent de nombreux problèmes de charge physique et induisent une certaine surcharge mentale [3]. C’est pourquoi plusieurs auteurs préco-nisent un port de visiocasques d’une durée relative-ment limitée ainsi qu’une distribution équitable du poids des dispositifs entre les différentes parties du corps en fonction de l’activité de l’opérateur ; les interfaces tactiles sont difficilement associables à une activité manuelle [3] ; la commande vocale utilisée en entrée n’est pas adaptée aux environnements bruyants ; selon la pré-cision de la reconnaissance vocale, la vitesse de ré-alisation des tâches peut être fortement affectée, etc.

Une explication possible de la généralité des principes mentionnés ci-dessus est le fait que le recours à des étu-des du contexte spécifique d’utilisation en même temps qu’une analyse fine de la tâche à réaliser restent rares. Pourtant, la multiplication de telles analyses fines et « spécifiques » est également primordiale pour assurer le développement de technologies mieux adaptées. Cela est probablement d’autant plus vrai que l’on se situe hors du domaine classique de la micro-informatique et des inter-faces écran-clavier-souris. Les aspects d’ambiances phy-siques sont, par exemple, importants du fait de la multi-modalité des dispositifs d’interaction, de la mobilité et de l’exploitation des objets physiques dans l’environnement. Ainsi aujourd’hui, les recherches réali-sées avec des utilisateurs devraient avoir non seulement la fonction de faire avancer la conception de tel ou tel prototype particulier, mais également d’établir les fonda-tions empiriques pour des principes et des méthodes d’évaluation spécifiques à la RA.

Les évaluations ergonomiques menées aujourd’hui Bien que l’utilité et les usages des prototypes de RA soient des questions cruciales pour l’ergonomie, dans de nombreux cas, les problèmes relatifs à l’utilisabilité des techniques d’interaction sont les seuls discutés dans la littérature.

Les tests utilisateurs sont la méthode la plus souvent em-ployée afin d’évaluer la qualité ergonomique des proto-types de RA (ex. [17]). Réalisés en laboratoire d’une manière analytique, en utilisant de petits échantillons, ils comparent différents dispositifs d’interaction afin de dé-terminer le plus pertinent pour une tâche donnée. Les tâ-ches assignées sont souvent courtes et artificielles, de l’ordre de l’interaction élémentaire plutôt que de l’activité finalisée dans des situations visant à sauvegar-der une certaine écologie (pour plus de détails voir [1]). Les indices comportementaux relevés sont principale-ment le temps de réalisation de la tâche et le nombre d’erreurs. Les évaluations sur le terrain, assez rares, sont conduites par des questionnaires et des entretiens, sou-vent informels (ex. : [16]). Dans ce cas, l’intérêt porte principalement sur la satisfaction des utilisateurs.

Des auteurs ont également recours à des évaluations ex-pertes bien que l’utilisation de cette méthode soit beau-coup moins documentée dans la littérature sur l’ergonomie de la RA. Actuellement, l’évaluation ex-perte est réalisée sur des maquettes d’écrans, générale-ment très en amont de la conception des dispositifs. Le principal avantage de l’utilisation de cette méthode dans le cadre d’un projet serait le bon rapport coût / résultats utilisables par la conception [8].

Utilisabilité et compatibilité avec les tâches Les recherches actuelles montrent que les systèmes de RA, basés sur l’utilisation de visiocasques, n’améliorent pas, voire détériorent les performances des sujets par rapport à un système utilisant un écran classique lors-qu’il s’agit de tâches simples telles que la détection, l’identification et le suivi de cibles, la réaction à des alarmes [15, 5]. Ces résultats pourraient être expliqués par nombre de limitations technologiques des casques (ex. : défauts de présentation de la profondeur). En re-vanche, les visiocasques et le recalage se révèleraient avantageux quand il s’agit de donner un retour rapide sur l’avancement d’une tâche élémentaire réalisée en pa-rallèle avec d’autres tâches, par exemple sur un poste de travail multi-écrans.

Le suivi de procédures est l’un des domaines d’application privilégiés de la RA. Les chercheurs arri-vent à des conclusions controversées dans les évalua-tions empiriques qui ont été réalisées. Dans certains cas, on montre que des sujets réalisent une tâche de montage / démontage plus rapidement et avec moins d’erreurs s’ils sont guidés par un système de RA comparativement à un guidage par des manuels papiers [17]. Au contraire, d’autres études (ex. : [7]) n’arrivent pas à montrer la su-périorité du guidage à l’aide de la RA par rapport au gui-dage en utilisant des supports en papier. Il paraît difficile de conclure sur l’effet lié à l’usage d’un système de RA vu que, souvent, une même information peut être présen-tée différemment en fonction du support et la littérature donne rarement des précisions sur ce point.

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Un résultat intéressant des études empiriques concerne l’adaptabilité des aides au suivi de procédures en RA à différents contextes de travail et différents modes opéra-toires. Plusieurs recherches montrent que l’utilisation d’un système de RA réduit la variabilité inter- et intra-individuelle des modes opératoires dans la mesure où l’ordonnancement des tâches est contraint par le système [3]. Nous pouvons nous interroger sur les problèmes et les gains que peut poser une réduction de la variabilité des modes opératoires. Ainsi, l’utilisation d’un système de RA pourrait être avantageux pour des tâches deman-dant une application stricte de procédures. En revanche, ce phénomène peut être une contrainte dans des contex-tes de travail hautement dynamiques.

UNE ETUDE POUR EVALUER UN SYSTEME DE RA L’étude présentée ici s’appuie sur deux méthodes d’évaluation. La première est le test avec des utilisateurs, ensuite complété par des entretiens semi-dirigés. Une partie des résultats et nos premières conclusions sont ex-posées dans cet article. Deuxièmement, une étude par inspection est menée au moyen de critères ergonomiques initialement développés pour l’évaluation d’environnements virtuels. Les données obtenues grâce à la deuxième technique sont en cours d’analyse.

Objectif de l’étude et questions de recherche Notre étude ergonomique vise à évaluer d’une manière empirique et rapide l’utilité et l’utilisabilité d’un proto-type de RA. Ce prototype devrait assister des techniciens de maintenance de trains novices dans la réalisation de leurs tâches en affichant et en annotant certaines parties cachées et visibles d’un transformateur électrique réel. Dans ce cas, l’avantage principal de la RA par rapport à une procédure en papier serait la réduction du nombre d’erreurs et du temps de recherche et de traitement de l’information grâce à la présentation de consignes contextualisées en temps réel, au moment et à l’endroit appropriés.

Les résultats de l’évaluation doivent servir à la re-conception du prototype développé dans le cadre d’une coopération entre un partenaire industriel et plusieurs la-boratoires de recherche.

D’un point de vue recherche, l’étude est conduite égale-ment afin de réfléchir sur les apports et les limites des tests utilisateurs classiques dans le cadre d’évaluations d’outils issus des technologies émergentes. Une autre question de recherche porte sur l’usage et l’utilité de la RA pour le guidage dans l’exécution de procédures.

MéthodeSujets. A l’étape actuelle, la participation des futurs uti-lisateurs « réels » ou représentatifs (c’est-à-dire des techniciens spécialisés dans la maintenance de trains) est peu envisageable pour deux raisons : (1) le partenaire industriel n’exprime pas une volonté claire de fournir

des participants aux tests ; (2) le prototype est techni-quement et fonctionnellement immature et ce fait engen-dre un risque de rejet de la technologie. Par conséquent, les tests sont réalisés avec 10 sujets (6H, 4F), tous ingé-nieurs en informatique et en électronique dans un des la-boratoires de recherche participant au projet. Ils sont ré-partis aléatoirement en deux groupes de 5 sujets en fonc-tion du guidage utilisé : le premier groupe ne dispose que d’instructions en papier, tandis que le deuxième uti-lise le prototype de RA afin de réaliser la tâche assignée.

L’âge des sujets varie entre 26 ans et 46 ans (M=30, ET=6). Neuf sujets sont Français et un sujet est Alle-mand francophone. Ils ont une connaissance des techno-logies de RA par leur culture scientifique, mais ne sont que partiellement familiarisés avec leur utilisation. Tous les sujets ont un niveau d’études élevé (Bac + 5 ou plus) et une bonne connaissance de la langue anglaise. Aucun ne présente de problèmes visuels particuliers.

Le nombre relativement faible de sujets pourrait être ex-pliqué par les contraintes inhérentes au projet, exposées plus haut, et par la nécessité de faire une évaluation as-sez rapide de la technologie. D’un point de vue métho-dologique, cette limite de l’expérimentation a l’avantage de remettre en question la validité théorique et pratique du nombre « magique » de 5 sujets suffisants pour cer-ner 85% des problèmes d’utilisabilité d’un produit [12].

Tâche à réaliser. La tâche à réaliser est une tâche de démontage de la partie latérale et du câblage d’un trans-formateur électrique présenté par une maquette à taille réelle. La tâche et la maquette physique sont identiques dans la condition « procédure papier » et dans la condi-tion « procédure en RA ». La tâche comporte 9 étapes, une étape consistant en une ou plusieurs actions élémen-taires (ex. : vissage, desserrage, etc.). Notre analyse se concentre sur les 8 premières étapes car la maquette phy-sique disponible pour l’expérimentation ne permet pas la réalisation de l’étape 9. En effet à cette étape, il s’agit de retirer un câble qui n’est pas présent sur la maquette.

Matériel. La consigne pour la tâche est présentée (en format papier et en format électronique) en anglais puis-que les futurs utilisateurs sont anglophones. La procé-dure papier est imprimée sur deux feuilles A4 au recto.

En RA, l’utilisateur a accès à la procédure par l’intermédiaire d’une interface Windows, Icons, Menus, Pointing (WIMP). Dans une fenêtre centrale sont affi-chés l’image du transformateur, un modèle numérique en 3 dimensions (3D) de celui-ci ainsi que d’autres entités virtuelles (ex. : texte, flèches dynamiques et statiques). Dans une deuxième fenêtre sous la fenêtre principale ap-paraît le texte de la procédure à suivre (cf. Fig. 1). Des boutons de contrôle (« Mise en marche / Arrêt de la vi-déo», « Arrêt », « Précèdent », « Suivant » concernant le

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contrôle du défilement du texte, et « Effacer ») apparais-sent au dessus et à droite de la fenêtre principale.

Figure 1: Ecran principal du logiciel de RA

Le dispositif d’entrée d’information utilisé est un stylet. A l’aide du stylet, l’utilisateur valide une étape de la pro-cédure afin de passer à la suivante et fait apparaître des indications textuelles sur les noms des pièces. Les ani-mations se déclanchent automatiquement avec le passage d’une étape de la procédure à l’autre.

Système de RA testé. L’architecture matérielle du sys-tème de RA utilisé est la suivante : une caméra haute dé-finition fixée sur un ordinateur portable (Tablette PC) filme une maquette du transformateur électrique à taille réelle. La scène filmée est affichée en temps réel sur l’écran de l’ordinateur portable et enrichie par des élé-ments virtuels. En raison de la puissance limitée des Ta-blette PC actuels et des ressources nécessitées par les al-gorithmes de traitement, une délocalisation des calculs vers un PC distant est nécessaire. Par conséquent, les différents éléments sont reliés par un certain nombre de câbles. Au total, le dispositif porté par l’utilisateur pèse 2 kg. Le sujet passe une sangle reliée à l’ordinateur por-table derrière son cou afin de maintenir le prototype (cf. Fig. 2).

Figure 2: Le dispositif de RA porté par un sujet

Procédure. Les passations individuelles sont encadrées par deux ergonomes. Le premier filme l’utilisateur, tan-dis que le deuxième donne - si nécessaire et à la de-mande - des explications sur le vocabulaire et le fonc-tionnement du prototype.

Après une courte présentation de la tâche à réaliser, l’utilisateur est laissé libre afin de se familiariser avec le matériel. Ensuite, l’expérimentateur précise au sujet qu’il doit effectuer sur le transformateur une partie des opérations décrites dans la procédure sans contrainte de temps particulière. Il est demandé au sujet d’accompagner l’exécution de la tâche par une explica-tion à haute voix. Les sujets sont libres de poser tout type de questions relatives au vocabulaire et à l’utilisation du système de RA.

Les sujets qui utilisent le guidage en RA passent ensuite un entretien portant sur l’utilité du prototype pour la tâ-che de maintenance, sur les caractéristiques de l’interface (animations, recalage, etc.) et sur d’éventuelles propositions d’amélioration.

Données recueillies Les données recueillies sont issues, d’une part, des enre-gistrements vidéo des passations individuelles et, d’autre part, des entretiens post-expérimentaux retranscrits ver-batim et analysés. Afin de ne pas gêner le sujet et à cause de contraintes matérielles, l’écran du dispositif de RA et les actions de l’utilisateur sur l’interface n’ont pas pu être filmés. De plus, les fichiers logs ne sont pas ex-ploitables à des fins d’évaluation ergonomique, car une telle utilisation n’a pas été prévue par les concepteurs du système.

Méthodes d’analyse. L’analyse des enregistrements vi-déo concerne des indicateurs de performance tels que le nombre d’étapes réalisées ; le nombre de déviations de la procédure prescrite ; le temps total de réalisation de cha-que étape. Ce dernier se décompose 1) en temps de com-préhension de la procédure, mesuré à partir du moment où le sujet prend connaissance de la consigne jusqu’au moment où il débute la réalisation manuelle de la tâche, et 2) en temps de manipulation de la maquette réelle.

Les stratégies des sujets sont analysées à partir de la fré-quence des allers-retours du regard entre la maquette et le dispositif d’affichage de la procédure ; le type de questions posées (ex. : concernant le prototype de RA et la maquette physique, des demandes d’approbation et de traduction) ; les déplacements et les postures adoptées pendant la réalisation de la tâche.

Enfin, l’analyse des entretiens est une analyse du conte-nu thématique. L’unité d’analyse est définie par l’idée principale exprimée et délimitée par le changement d’idée. Trois grands thèmes se dégagent: les difficultés rencontrées par les sujets, les avantages du prototype évoqués et les améliorations suggérées. Le choix a été fait de faire reposer l’analyse sur des indi-cateurs statistiques uniquement descriptifs, dans la me-sure où le recours à l’inférence (F de Snedecor, t de Stu-dent ou encore Chi2) n’est aucunement justifié par les conditions de l’étude expérimentale. D’abord dans le ca-

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dre de ce projet, une généralisation des résultats n’était pas recherchée. Ensuite, l’échantillon n’était ni tiré au hasard ni suivait une distribution normale.

RésultatsPerformance dans la réalisation de la tâche Une supériorité de la condition « papier » en termes de nombre d’étapes réalisées. L’analyse des enregis-trements vidéo montre qu’en moyenne, les sujets du groupe utilisant la procédure en papier (PAP) réalisent 7 étapes sur les 8 possibles (Ety=1), tandis que les sujets du groupe utilisant la réalité augmentée (RA) réalisent en moyenne 6.4 étapes (Ety=1.34).

Pour les analyses qui suivent, nous avons retenu uni-quement les étapes réalisées par au moins 4 sujets dans chaque condition. En effet, les étapes 5 et 7 ont été abor-dées par très peu de sujets, puisque les consignes respec-tives étaient ambiguës et, par conséquent, interprétées différemment par les différents participants.

Un temps total de réalisation plus court dans la condition « papier ». Globalement, les sujets du groupe PAP réalisent chaque étape plus rapidement que les su-jets du groupe RA (Moy tpap=101s, Etypap=40s vs. Moy tra=121s, Etyra=83s). Il faut, en moyenne, 20 % de temps en plus avec la RA pour réaliser l’ensemble d’une étape par comparaison avec la procédure papier. Une analyse détaillée de l’activité du sujet à chaque étape montre cette même supériorité en termes de vitesse de lecture et de compréhension de la procédure (Moy tpap=53s, Ety-pap= 34.6s vs. Moy tra=80s, Etyra=72s.), la différence étant encore plus importante (i.e. 50% de temps en plus).

Mais un temps de manipulation de la maquette plus important dans la condition « papier ». Le temps de manipulation de la maquette réelle est plus élevé de 16% quand les sujets utilisent la procédure papier (Moy tpap=51s, Etypap=24.9s) que quand ils utilisent le proto-type de RA (Moy tra=44s, Etyra=36s).

Enfin d’une manière générale et dans les deux condi-tions, le temps moyen de compréhension de la consigne est plus long que le temps de manipulation effective de la maquette réelle. Dans la condition « papier », cette différence est légère (Moy tpap= 53s, Etypap= 34.6s vs. Moy tpap=51s, Etypap=24.9s). Dans la condition « RA », cette différence est plus prononcée (Moy tra=80s, Ety-ra=72s vs. Moy tra=44s, Etyra=36s).Une efficacité comparable des deux guidages en termes de nombre de déviations de la procédure. Au cours de l’expérimentation, le groupe PAP commet au-tant d’erreurs que le groupe RA. En revanche, la distri-bution des erreurs est différente dans les deux groupes. Ainsi, les sujets du groupe RA dévient de la procédure uniquement à l’étape 3, tandis qu’aucune erreur n’est constatée à cette étape dans la condition « papier ».

Stratégies et comportements observés Une stratégie de recherche de l’information plus lon-gue avec la procédure papier. La stratégie de recher-che et de traitement de l’information, estimée à partir de la fréquence moyenne des allers-retours du regard entre la procédure et la maquette, est légèrement plus longue dans la condition « papier » (Moypap= 1.87, Etypap= 0.95 vs. Moyra=1.77, Etyra= 1.43).

Un nombre plus élevé de questions posées dans la condition « RA ». Le nombre de questions posées en moyenne à chaque étape est plus élevé en RA que dans le groupe PAP (Moypap=5.7, Etypap=2 vs. Moyra=9.3,Etyra=8). Quand les sujets travaillent avec une procédure papier, ils posent plus de questions relatives à la ma-quette (Taux De Liaison (TDL)=0.22) ainsi que de ques-tions de traduction / localisation (TDL=0.19). Quand les sujets travaillent en RA, leurs questions portent majori-tairement sur l’utilisation du dispositif (TDL=0.60).Quelque soit la condition, les sujets posent à peu près le même nombre questions d’approbation (TDL=0.03).

Moins de changements de posture dans la condition « RA ». Les sujets en condition « RA » passent en moyenne 56% de leur temps debout (Ety=15%), 42% de leur temps accroupi (Ety=16%) et 2% debout penché en avant (Ety=2%) de leur côté, les sujets en condition « papier » passent en moyenne 25% de leur temps de-bout (Ety=12%), 71% de leur temps accroupi (Ety= 13%) et 4% debout penché en avant (Ety=3%). De plus en moyenne, les sujets en condition « papier » changent plus souvent de posture (Moypap=2.02, Etypap=1.14) que les sujets en condition « RA » (Moyra=1.67, Etyra=0.96).

Les données des entretiens Des difficultés avec le prototype de RA liées principa-lement aux problèmes de recalage. Dans les entretiens post-expérimentaux, les sujets évoquent essentiellement des problèmes relatifs au recalage (33% des difficultés soulignées par les sujets). En effet, 4 sujets sur les 5 in-terrogés affirment ne pas avoir perçu et/ou utilisé le re-calage.

La conception des animations semble également avoir été problématique (25% des difficultés évoquées). Tous les sujets mentionnent cet aspect au cours des entretiens. Les animations sont jugées trop rapides et pas assez clai-res d’un point de vue sémantique. Trois sujets évoquent des problèmes relatifs au prototype de RA : le dispositif est jugé encombrant, peu utilisable et peu utile pour la tâche de maintenance. D’autres diffi-cultés exposées moins souvent concernent la clarté de la procédure, l’éclairement du local de l’expérimentation et l’utilisabilité de l’interface du logiciel de RA (ex. l’absence d’aide).

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Peu de suggestions d’amélioration. Comparativement au nombre de problèmes évoqués, 3 fois moins de sug-gestions d’amélioration ont été émises. Elles concernent principalement la conception des animations (ex. ajout de flèches indicatives, changement de couleurs) et le re-calage. Il est intéressant de noter que 2 sujets suggèrent de ne pas se servir du recalage pour la tâche à réaliser.

DISCUSSIONAu moins deux aspects essentiels des résultats exposés plus haut méritent une discussion plus approfondie. Il s’agit, d’une part, des aspects liés à l’utilité et l’utilisabilité du prototype de RA testé et, d’autre part, des points méthodologiques liés à l’utilisation des tests utilisateurs dans le contexte d’une technologie émer-gente.

L’utilité et l’utilisabilité du prototype de RA testé Le prototype de RA ne semble pas améliorer l’exactitude des sujets quant au suivi de la procédure. Les utilisateurs de la technologie sautent plus d’étapes et commettent au-tant d’erreurs que les sujets travaillant à l’aide d’une procédure papier classique. Plusieurs hypothèses peu-vent être avancées afin d’expliquer ces résultats.

Une première interprétation du nombre plus important d’étapes sautées en RA est liée à la nouveauté de la tech-nologie testée qui pourrait demander plus de temps de familiarisation aux sujets. De surcroît, une technologie émergente susciterait probablement un intérêt plus fort que la tâche de maintenance elle-même, d’autant plus que les utilisateurs sont des ingénieurs travaillant dans le domaine des NTIC. Ainsi, ils accorderaient plus d’attention à l’utilisation de la technologie qu’au suivi de la procédure. Une deuxième interprétation, moins flat-teuse pour le prototype de RA, concerne ses défauts d’utilisabilité, notamment son poids assez important ; la concentration de la charge sur le cou de l’opérateur ; la contrainte de la position verticale ; la relative incompati-bilité du Tablette PC et du stylet avec les tâches manuel-les de maintenance (ex. vissage, dévissage) ; l’existence de câbles de liaison gênant les déplacements des utilisa-teurs ; les problèmes d’interface logicielle mentionnés dans les entretiens post-expérimentaux (ex. : recalage lent, animations difficilement percevables et/ou compré-hensibles).

Le prototype ne semble pas non plus réduire le nombre d’erreurs, mais une analyse détaillée des résultats montre que dans le groupe RA l’ensemble des déviations a lieu à l’étape 3. En condition papier, aucune erreur n’est cons-tatée à cette étape. Les déviations en condition « RA » seraient éventuellement imputables à une mauvaise transcription de la procédure papier qui pourrait concer-ner, encore une fois, la sémantique ou la visibilité des animations, le texte de la procédure étant le même dans les deux conditions. En excluant les résultats de l’étape 3 des analyses, on arrive à des conclusions concordantes

avec celles de Baber [3] qui suggère que l’utilisation de prototypes de RA uniformiserait les modes opératoires. Cette caractéristique de la technologie serait potentielle-ment intéressante dans le contexte hautement sécuritaire de la maintenance de trains.

Il existe une deuxième piste pour expliquer le nombre égal de déviations de la procédure dans les deux condi-tions. Dans les entretiens post-expérimentaux, trois su-jets rapportent qu’à certains moments de l’expérimentation, ils avaient accès uniquement au mo-dèle 3D du transformateur électrique et non pas à son image réelle recalée par rapport au modèle 3D. Nous pouvons alors présumer que le nombre réduit d’erreurs est la conséquence d’un guidage en utilisant le seul mo-dèle 3D. D’ailleurs, cette conclusion est appuyée par les sujets qui, dans les entretiens, jugent le guidage en utili-sant le modèle 3D suffisant pour réaliser la procédure. Ainsi est remise en question l’utilisation du recalage précis, processus technique exigeant beaucoup de res-sources machine, pour des tâches de maintenance sim-ples telles que le vissage et le dévissage, pourtant consi-dérées comme des applications privilégiées de la RA.

En termes de rapidité, le temps total de réalisation de la tâche de maintenance est plus long avec le prototype de RA qu’avec la procédure papier classique. Ce résultat global est également observable pendant la première phase de recherche d’informations et de compréhension des consignes. Cette phase est plus longue en condition RA qu’en condition papier. Afin d’expliquer ces résul-tats, nous pouvons proposer les mêmes hypothèses que celles avancées pour interpréter le nombre plus impor-tant d’étapes sautées dans le groupe « RA » que dans le groupe « papier ». La nouveauté du prototype ainsi que ses défauts d’utilisabilité, notamment le recalage lent et difficile, semblent avoir été déterminants pour les per-formances inférieures des sujets en RA. Encore une fois, nous pouvons nous interroger sur la valeur ajoutée du recalage dans de telles situations de maintenance.

Cependant, il ne s’agit pas ici de prendre une position anti-technologique, mais d’insister sur la nécessité d’une conception centrée sur l’utilisateur des technologies émergentes. Une telle approche assurerait, par exemple, un meilleur choix des tâches à implanter dans les proto-types, une exploitation plus efficace des caractéristiques des objets physiques dans l’environnement ainsi qu’une modélisation plus adéquate des objets virtuels utilisés. De fait, une conception centrée sur l’utilisateur aboutirait à une exploitation plus efficace des potentialités offertes par les technologies émergentes telles que la RA.

Cette affirmation nous amène naturellement vers une ré-flexion sur la méthodologie du processus de conception centrée sur l’utilisateur dans le contexte des technologies émergentes et notamment sur la place des tests utilisa-teurs « classiques » dans ce processus.

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Quelques points méthodologiques Les résultats de l’évaluation ergonomique rapide mon-trent que les tests utilisateurs ont un apport indéniable à l’évaluation de l’utilité et de la compatibilité de l’application avec la tâche. Cet avantage de la méthode est d’autant plus appréciable que les technologies émer-gentes, en générale, et la RA, en particulier, sont des technologies en recherche d’applications.

Cependant, les indicateurs comportementaux utilisés, no-tamment le temps de réalisation de la tâche et le nombre d’erreurs, bien qu’informatifs, semblent insuffisants dans un objectif d’évaluation formative et d’aide à la re-conception du dispositif. Le caractère novateur des tech-nologies émergentes pourrait expliquer cette insuffi-sance. Ainsi, les utilisateurs ciblés et leurs besoins sont mal cernés. De ce fait, le recrutement de sujets « repré-sentatifs » est une tâche peu facile. De surcroît, une grande partie des sujets recrutés n’a pas d’expérience avec le système. En conséquence, les performances va-rient fortement et les résultats des tests d’évaluation peu-vent se révéler peu profitables aux concepteurs, étant donné qu’aucune tendance ne se dégage clairement. Pour ces raisons dans le cadre de reconception de tech-nologies innovantes, une analyse détaillée et qualitative des stratégies d’utilisation et des difficultés rencontrées par chaque utilisateur semble plus appropriée qu’une analyse purement quantitative en termes de performan-ces.

Un deuxième argument pour des analyses plus qualitati-ves est le caractère souvent prototypique des technolo-gies émergentes existantes. D’une part, les prototypes sont extrêmement variés et peu nombreux, donc diffici-les à comparer, de même que les études à dupliquer. D’autre part, l’immaturité de la technique rend le travail d’évaluation assez complexe. Par exemple dans notre cas, l’instabilité et le nombre de fonctions limité de l’application a introduit la nécessité d’avoir deux évalua-teurs travaillant en même temps. Dans d’autres situa-tions, cette même contrainte pourrait également réduire les possibilités de construire des tâches expérimentales tant soit peu réalistes. Une autre difficulté des tests utilisateurs de technologies émergentes est la mobilité des systèmes à tester. Cette spécificité complique notablement le travail d’évaluation, les défis majeurs étant l’enregistrement des différents comportements de l’utilisateur ; le contrôle du contexte physique (ex. éclairement, environnement so-nore, etc.) ; la prise en compte des interactions avec l’environnement réel qui est un élément clé d’un système de RA [4] ; la création de scénarios écologiques d’évaluation [9]. Afin d’enregistrer un maximum de comportements utilisateur dans une situation « écologi-que » d’interaction, les chercheurs s’orientent majoritai-rement vers le port par l’utilisateur même de dispositifs d’évaluation assez lourds, à savoir plusieurs caméras plus ou moins miniaturisations filmant les différentes ac-

tions du sujet et l’utilisation des fichiers log [9]. En re-vanche, les problèmes du contrôle de l’environnement physique et la prise en compte des interactions avec ce-lui-ci trouvent peu de solutions satisfaisantes, notam-ment si les évaluations sont conduites à l’extérieur.

Les tests utilisateurs « classiques » de technologies émergentes se heurtent également à d’autres types de contraintes. Ainsi, comme pour l’étude exposée dans cet article, les contraintes temporelles de conception et la position généralement technocentrée des décideurs im-posent des évaluations ergonomiques avec de petits échantillons composés fréquemment d’ingénieurs qui ont travaillé sur le projet (ex. : [10]). Cette limitation en-traîne à la fois des avantages et des inconvénients. Nous y voyons trois principaux inconvénients, à savoir les connaissances souvent limitées des tâches réelles des fu-turs utilisateurs ; l’impossibilité de généraliser les résul-tats de l’évaluation ; le nombre relativement réduit de problèmes d’utilisabilité détectés (une douzaine dans no-tre cas). En effet, certains auteurs avancent l’idée que les conclusions de Nielsen [12] sur le fait que cinq sujets suffisent pour détecter 85% des défauts d’utilisabilité ne seraient valables que si tous les problèmes ont la même probabilité d’être détectés et si tous les utilisateurs ont la même capacité à découvrir ces problèmes [18] . Unetelle configuration paraît peu probable dans le cadre d’évaluations de technologies émergentes, puisque l’expérience de leur utilisation varie beaucoup d’un sujet à un autre.

En revanche, le fait d’impliquer d’actuels ou de futurs concepteurs de technologies dans une démarche ergo-nomique de conception pourrait avoir plusieurs avanta-ges, par exemple une meilleure prise de conscience des difficultés d’utilisation ainsi que du travail de l’ergonome [13].

Enfin, comme dans le cadre d’évaluations ergonomiques de technologies plus classiques, les résultats des tests utilisateurs sont fortement conditionnés par la tâche ex-périmentale assignée aux sujets. De ce fait, nombre de défauts ergonomiques qui ne seront pas abordés dans une tâche donnée peuvent être masqués. Afin de pallier ce problème, une « triangulation » [11] de plusieurs mé-thodes d’évaluation semble nécessaire afin de mesurer d’une manière adéquate l’utilité et l’utilisabilité des technologies émergentes. L’utilisation de critères ergo-nomiques, par exemple, est une possibilité dans cette di-rection.

LIMITES ET PERSPECTIVES Cette recherche a plusieurs limites, à savoir un échantil-lon d’utilisateurs assez petit, composé de non-spécialistes de la tâche ; un dispositif technologique peu fonctionnel et instable ; des conditions d’évaluation dif-férentes de celles dans une situation réelle de mainte-

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nance de trains. Par conséquent, les résultats de l’étude ne sont pas généralisables.

Cependant, l’évaluation ergonomique du prototype de RA ouvre un nombre de pistes de réflexion. Une partie de ces réflexions ont été exposées plus haut. Une autre partie concerne le besoin de préciser et faire évoluer les apports recherchés à travers les tests utilisateurs aussi bien dans les équipes de conception que dans la commu-nauté IHM. Par exemple, nous pouvons constater que réaliser un seul test utilisateurs dans le cadre d’une éva-luation formative, sans analyse détaillée et précise des comportements, fait peu pour avancer les connaissances dans le domaine. Une piste dans cette direction pourrait être un plus grand nombre de recherches et de publica-tions sur des tests utilisateurs de technologies émergen-tes, qui aideraient à différencier la spécificité de chaque situation étudiée et, ainsi, à dégager des principes plus généraux d’évaluation et de conception. Enfin, un travail futur sur le développement et l’intégration de méthodes systématiques de description des performances et des comportements des utilisateurs semble nécessaire.

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Association des Réseaux de Pétri et des critères d’ergonomie des logiciels pour la modélisation et la

réingénierie de systèmes interactifs, cas de la prescription thérapeutique en milieu hospitalier

Stéphanie Bernonville 1,2, Nicolas Leroy 2

(1) LAMIH-UMR 8530 Le Mont Houy

F-50313 Valenciennes cedex 9 [email protected]

Christophe Kolski 1, Marie-Catherine Beuscart 2

(2) EVALAB-EA 2694 Faculté de Médicine, 1 place de Verdun

F-59045 Lille [email protected]

RESUMEL’objectif de la méthode proposée dans cet article, est d’aider à la réingénierie de logiciel interactif en proposant un support commun de travail entre spécialistes du Génie Logiciel et spécialistes des facteurs humains et de l’ergonomie. La méthode proposée combine explicitement réseaux de Petri et critères d’ergonomie des logiciels. Des cas d’étude dans le domaine de la prescription thérapeutique en milieu hospitalier illustrent l’utilisation de cette méthode.

MOTS CLES : interaction homme-machine, réseaux de Petri (RdP), critères ergonomiques, réingénierie

ABSTRACT The objective of the method proposed in this article is to help existant interactive software reingeneering by proposing a common work support between Software Engineering and Human Factors specialists. The method combines explicitely Petri Nets and ergonomic criteria. Case studies illustrating the method concern medication ordering in healthcare domain.

KEYWORDS: human-computer interaction, Petri nets (PN), ergonomic criteria, reingeneering.

INTRODUCTIONDe nombreuses études ont démontré l’importance de l’ergonomie dans les projets informatiques, notamment en terme de retour sur investissement [21]. Les ergonomes peuvent intervenir dans différentes phases d’un cycle de développement d’un projet, notamment la définition des besoins, la conception et l’évaluation. Pour notre part, nous nous intéressons aux projets dans lesquels il s’agit principalement, pour les spécialistes des facteurs humains et de l’ergonomie, d’analyser et de modéliser la situation de travail, de fournir des recommandations pour la création et la réingénierie des systèmes interactifs.

Dans ce contexte, les spécialistes des facteurs humains et de l’ergonomie doivent travailler en

étroite collaboration avec les concepteurs et développeurs de logiciel. Néanmoins, les spécialistes de l’ingénierie logiciel utilisent leur propre langage, en l’occurrence les méthodes et modèles du Génie Logiciel définies par P. Jaulent [16], comme « un ensemble de procédures, méthodes, langages, ateliers, imposés ou préconisés par les normes adaptées à l’environnement d’utilisation, afin de favoriser la production et la maintenance de composants logiciels de qualité ». Ces différents intervenants proviennent de disciplines aux vocabulaires et méthodes très spécifiques. Des difficultés de dialogue et de compréhension rendent souvent difficile leur coopération [10]. Pour reprendre les propos de Scapin et Bastien dans [8], on peut estimer que la recherche en ergonomie et en IHM devrait conserver l’objectif de concevoir des outils pouvant être utilisés à la fois par des spécialistes et des non spécialistes en spécifications formelle et semi-formelle, le problème crucial étant de faciliter les échanges entre les différents intervenants (ergonomes, concepteurs, développeurs), dans un projet de conception de système interactif complexe.

L’objectif de la méthode proposée dans cet article, est justement d’aider à la réingénierie de logiciel interactif existant en proposant un support commun de travail entre spécialistes du Génie Logiciel et spécialistes des facteurs humains et de l’ergonomie (Figure 1). La méthode proposée vise à contribuer à ce support commun en combinant réseaux de Pétri et critères d’ergonomie des logiciels. Dans la première partie, nous fournissons des éléments bibliographiques en rapport avec l’utilisation des réseaux de Petri en IHM. Puis nous décrivons la méthode proposée, en l’illustrant ensuite de cas réels provenant du domaine de la prescription thérapeutique en milieu hospitalier.

UTILISATION DES RDP EN IHM Les réseaux de Pétri sont utilisés depuis près d’une vingtaine d’années en IHM ; par manque de place il n’est pas possible d’être exhaustif quant à la

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description de leur exploitation en IHM, niconcernant les différentes variantes de RdP.

Inspection ergonomiquedu logiciel

Analyse de l’activitéTests utilisateurs

Proposition de modificationsde l’existant

Création de maquette

Analyse des résultats/prise en compte des contraintes

du logicielDéveloppement

Supports d’analyse et d’aidepour la ré-ingénierie

Ergonomes

Développeurs

Figure 1. Intégration des supports d’analyse et d’aide pour la réingénierie.

Notons qu’ils ont été utilisés dans un premier tempspour la modélisation des tâches humaines [2, 4, 19,22, 25], puis ont été exploitées progressivementpour la spécification et la conception du systèmeinteractif visé, sous l’angle particulièrement de sa dynamique [14, 24, 25] ; cf. par exemple les ICO(Interactive Cooperative Objects) [24]. Couplés auxconcepts objets, ils servent d’outil de modélisationdans TOOD (Task Object Oriented Design [20, 27]visant à disposer d’une méthode allant de lamodélisation des tâches jusqu’à la génération de parties de l’IHM. Dans [13], les RdP ont servi de moyen d’étude des tâches sous l’angle dessituations normales et anormales de fonctionnementdu système technique dans un but de spécificationdu système interactif. Les RdP peuvent servir aussid’outil de comparaison formelle entre tâchehumaine prescrite (théorique) et tâche réelle [1, 3, 4]. Ainsi, selon le même état d’esprit que lesrecherches sur les modèles prédictifs de tâches [15, 18], les RdP nous semblent présenter des potentialités pour contribuer à faciliter desévaluations prédictives, moyennant éventuellementdes aménagements pour qu’ils soient plusfacilement compréhensibles et exploitables par des spécialistes des sciences cognitives. Nous nous situons dans cet état d’esprit.

Dans [26], Palanque et al. proposent des règlespour effectuer une vérification automatique demodèles du système interactif. Pour notre part,notre proposition consiste en la démarche suivante :après des évaluations, des ergonomes positionnent manuellement (grâce à un éditeur dédié) desproblèmes ergonomiques sur un modèle du systèmeinteractif, puis expliquent aux informaticiens sur un nouveau modèle comment ce problème pourrait êtrerésolu, avec une visée de réingénierie.

CRITERES D’ERGONOMIE DES LOGICIELS L’inspection ergonomique est une méthodecouramment utilisée par les ergonomes [5, 23, 17].Elle consiste pour un petit panel d’évaluateurs à

examiner les interfaces et juger de leur respect des principes de l’utilisabilité. Même si certainsévaluateurs ne se basent que sur leur expérience etintuitions, il est recommandé de se baser surcertaines règles, compilées dans des guidelines. Parmi les structurations (de règles) les pluscouramment utilisées lors des inspectionsergonomiques, on retrouve celle sous l’angle des critères ergonomiques provenant de Bastien etScapin. Ils sont issus d’une synthèse de résultatsexpérimentaux et de recommandations qui ont ététraduites en règles et ensuite regroupés en 8 critères et 13 sous critères [7] (voir figure 2). Une étude expérimentale a notamment montré que lescritères ergonomiques étaient plus efficaces que lesnormes de dialogue ISO/DIS 9241-10 pour détecterles problèmes ergonomiques sur une IHM [6, 9].

8. Compatibilité

7. Signifiance des codes et dénominations

6. Homogénéité/cohérence

5. Gestion des erreurs5.1 Protection contre les erreurs5.2 Qualité des messages d’erreur5.3 Correction des erreurs

4. Adaptabilité4.1 Flexibilité4.2 Prise en compte de l’expérience de l’utilisateur

3. Contrôle explicite3.1 Actions explicites3.2 Contrôle utilisateur

2. Charge de travail2.1 Brièveté

2.1.1 Concision2.1.2 Actions minimales

2.2 Densité informationnelle

1. Guidage1.1 Incitation1.2 Groupement/distinction entre items

1.2.1 Groupement/distinction par la localisation1.2.2 Groupement/distinction par le format

1.3 Feed-back immédiat1.4 Lisibilité

8. Compatibilité

7. Signifiance des codes et dénominations

6. Homogénéité/cohérence

5. Gestion des erreurs5.1 Protection contre les erreurs5.2 Qualité des messages d’erreur5.3 Correction des erreurs

4. Adaptabilité4.1 Flexibilité4.2 Prise en compte de l’expérience de l’utilisateur

3. Contrôle explicite3.1 Actions explicites3.2 Contrôle utilisateur

2. Charge de travail2.1 Brièveté

2.1.1 Concision2.1.2 Actions minimales

2.2 Densité informationnelle

1. Guidage1.1 Incitation1.2 Groupement/distinction entre items

1.2.1 Groupement/distinction par la localisation1.2.2 Groupement/distinction par le format

1.3 Feed-back immédiat1.4 Lisibilité

Tableau 1 : Liste des critères et sous-critères ergonomiques.

PROPOSITION D’UNE ASSOCIATION DES RESEAUX DE PETRI ET DES CRITERES D’ERGONOMIE DES LOGICIELS

Buts de la méthodeLa méthode que nous proposons, combine les RdPaux critères d’ergonomie des logiciels. Elle a pourvocation de servir de supports d’aide et d’analyse,communs aux informaticiens et aux ergonomes.Nous avons choisi de l’intituler ErgoPNets (Ergonomic criteria associated with Petri Nets).

Justification des choix et intérêts de la méthodeNous avons choisi d’utiliser les réseaux de Pétri car ils permettent de représenter graphiquement ladescription de la dynamique de la tâche et dans notre contexte, de modéliser les procédures prévues par les logiciels et les recommandations données

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par les ergonomes. Les critères ont été créés dans lebut d’aider les évaluateurs à détecter les problèmeslors d’inspections ergonomiques. Ils représententégalement les dimensions ergonomiques majeuresselon lesquelles un logiciel interactif peut êtrespécifié ou évalué [5]. Nous les utilisons donc pour catégoriser les problèmes détectés à l’aide d’autresméthodes, telles que les observations ou les testsutilisateurs. En effet, ces critères ont été conçus demanière à pouvoir être utilisés, aussi bien par des spécialistes que par des non spécialistes des facteurs humains [6]. La création de ces supportspermet aux ergonomes de décrire de façon standardisée les problèmes d’utilisabilité qu’ils ontdétectés, ainsi que les recommandations qui leursont associées.

Explications des différentes étapes de la méthode ErgoPNetsLa première étape consiste à définir l’objectifprincipal que doit atteindre l’utilisateur du logiciel.Ensuite, il s’agit de décrire la procédure prévue parle logiciel et correspondant à cet objectif, à l’aidedes réseaux de Pétri. Pour cela, le formalisme debase est appliqué, c’est-à-dire l’utilisation desplaces et des transitions, auxquelles ont été ajoutées quelques adaptations pour une meilleurecompréhension de tous les acteurs d’un projet.Ainsi, les états du système ou places (représentéspar de petits cercles) sont les actions des utilisateursou de la machine et les transitions (représentées par de petits rectangles) sont les évènements dechangement permettant de passer d’un état à unautre. Chaque place et chaque transition est décrite textuellement et l’utilisation des mots « et », « ou »et « puis » permet la représentation de plusieursactions ou plusieurs évènements. Le mot « et »n’impose pas d’ordre tandis que le « puis » signifiequ’il y a un ordre. L’étape suivante consiste à associer chacun des 8 critères d’ergonomie deslogiciels issus directement des travaux de Bastien etScapin (Tab. 2), représentés chacun par une icône.

Ainsi, l’association des réseaux de Pétri et de ceshuit icônes permet de modéliser les problèmesergonomiques identifiés lors des inspectionsd’utilisabilité. Pour cela, après avoir décrit lesprocédures correspondant à l’objectif fixé, il s’agitd’encadrer chaque problème identifié et d’y associer une ou plusieurs des huit icônes. Le niveaude détail dans la description des procédures a étéadapté à chaque situation. Ainsi, certains évènements ont été simplifiés car ils ne sont pasnécessaires à l’identification des problèmesergonomiques. Cependant, ils sont présents pour une représentation complète et logique des procédures répondant à l’objectif de départ. Uncode supplémentaire est rajouté lorsqu’il s’agitd’un problème lié au choix de l’utilisateur dulogiciel et que ces choix engendrent différentschemins possibles, dont certains ne permettent pas à

l’utilisateur d’atteindre son objectif. On distingue donc les procédures correctes (trait noir) etincorrectes (trait gris). Enfin, une explicationtextuelle des problèmes identifiés, reprenant le nomdu critère et éventuellement du sous-critère (au sens du tableau 1), justifie l’emploi des critèresd’ergonomie du logiciel.

Icônes CritèresGuidage

Charge detravail

Contrôleexplicite

Adaptabilité

Gestion deserreurs

Homogénéité

Signifiancedes codes

Compatibilité

Icônes CritèresGuidage

Charge detravail

Contrôleexplicite

Adaptabilité

Gestion deserreurs

Homogénéité

Signifiancedes codes

Compatibilité

Tableau 2. Icônes représentatives de critèresergonomiques.

A la suite des inspections d’utilisabilité, lesergonomes proposent des solutions aux problèmesidentifiés dont certaines peuvent être illustrées pardes maquettes. Par conséquent, pour expliquer ces solutions, la prochaine étape consiste à appliquernotre méthode en intégrant les recommandationsdes ergonomes. Ainsi, nous obtenons deuxprocédures, l’une concernant l’application existanteet l’autre concernant les recommandations. Cette dernière illustre le même objectif que la procédurede l’application existante. Les solutions proposées sont encadrées en trait gras et les icônes précédemment employée(s) pour identifier lesproblèmes, sont ré–utilisées et cochées à l’aide d’unsigne de validation. Une explication textuellecomplémentaire est également ajoutée. Tous ces éléments de représentation seront illustrés plus loindans les figures 3 et 4.

En conclusion, la modélisation des procédures prévues par le logiciel et des recommandationsillustrées par les maquettes, constitue un support d’aide et d’analyse. Les ergonomes peuvent donc utiliser ErgoPNets pour formaliser leursrecommandations de façon plus utilisable par les développeurs.

OUTIL SUPPORTANT LA METHODEERGOPNETSLes modèles ErgoPNets sont réalisés à l’aide du logiciel VISIO©, qui permet la création de

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diagrammes organisationnels ainsi que de schémastechniques et informatiques. Nous avons créé ungabarit ErgoPNets regroupant les icônes présentéesdans le tableau 2 ainsi que les formes figurant dansle tableau 3. La figure 2 montre un exempled’application de notre méthode au sein du logicielVisio.

Signe de validation (à placer sur l’icône critère lors del’identification des recommandations sur le réseau de

Pétri)

Lien (association d’une icône et d’une zone de texte)

Zone de texte (description des problèmes etrecommandations)

cadre (identification des problèmes et recommandationssur le réseau de Pétri)

Arc (lien entre état du système et événement)

Transition (Événement)

Place (État du système)

SignificationFormes

Signe de validation (à placer sur l’icône critère lors del’identification des recommandations sur le réseau de

Pétri)

Lien (association d’une icône et d’une zone de texte)

Zone de texte (description des problèmes etrecommandations)

cadre (identification des problèmes et recommandationssur le réseau de Pétri)

Arc (lien entre état du système et événement)

Transition (Événement)

Place (État du système)

SignificationFormes

Critère ergonomique /sous-critère ergonomique

description

Tableau 3. Liste des formes contenues dans le Gabarit Visio supportant ErgoPNets.

Figure 2. Exemple de modélisation avec la méthode ErgoPNets (extrait de l’outil Visio).

CAS D’ETUDE DANS LE DOMAINE DE LAPRESCRIPTION THERAPEUTIQUENous avons testé notre méthode, dans le cadre d’un projet de réingénierie d’un logiciel de prescriptionthérapeutique, utilisé dans les hôpitaux par lepersonnel hospitalier (médecin, infirmière,pharmacien) [11, 28]. Pour la description des procédures, nous avons simulé des scénariosmontrant les cas d’utilisation de l’applicationinformatique qui nous intéresse. Le scénario quenous avons choisi pour illustrer la méthode estprésenté en tableau 4.

Pour l’application d’ErgoPNets, nous nous sommesintéressés à la prescription des médicaments par le

médecin à l’aide d’un logiciel de prescription.Plusieurs cas ont été traités, illustrant l’exploitationde 4 critères d’ergonomie des logiciels, parmi les 8 proposés par la méthode. Pour illustrer notre démarche, nous avons choisi, dans cette partie, de montrer deux cas particuliers du logiciel deprescription : la recherche d’un produit et laconstitution d’une perfusion.

8. Affichage de la liste desprescriptions du patient modifiée

7. Validation de la prescription

6. Saisie de la prescription

5. Affichage du masque de saisiepour la prescription du produit

4. Sélection d’un produit

3. Affichage de la liste des produitscorrespondant à la recherche

2. Recherche d’un produit

1. Affichage de la liste desprescriptions du patient

UTILISATEUR DU SYSTEMESYSTEME INFORMATIQUE

8. Affichage de la liste desprescriptions du patient modifiée

7. Validation de la prescription

6. Saisie de la prescription

5. Affichage du masque de saisiepour la prescription du produit

4. Sélection d’un produit

3. Affichage de la liste des produitscorrespondant à la recherche

2. Recherche d’un produit

1. Affichage de la liste desprescriptions du patient

UTILISATEUR DU SYSTEMESYSTEME INFORMATIQUE

Tableau 4. Scénario pour la prescription à l’aide du logiciel.

Exemples d’application : la recherche d’unproduit et la constitution d’une perfusionLa constitution des supports d’aide se présente en quatre parties (figures 3 et 4) : (1) la description desprocédures prévues par le logiciel existant, (2) l’analyse ergonomique des procédures prévues par le logiciel existant, (3) la description des procéduresintégrant les recommandations des ergonomes et (4) l’analyse ergonomique des procédures intégrant lesrecommandations des ergonomes.

Description de la procédure prévue par lelogicielPour commencer, nous avons défini un objectif à atteindre pour l’utilisateur. Dans nos deux cas(figure 3 et 4), il s’agit : (1) pour le médecin, de constituer une perfusion et pour cela, decommencer par la recherche du produit qu’il désireprescrire et (2) de prescrire un ou plusieurscomposant(s) pour constituer une perfusion.

Nous avons, pour chacun des cas, d’abord modéliséles procédures « recherche d’un produit » pour lepremier cas et « constitution d’une perfusion » pour le deuxième, prévues par le logiciel (réseau de Pétrià gauche sur les figures). Nous avons utilisé lesplaces pour décrire les actions de l’utilisateur ou dusystème informatique (ex : affichage de la liste desprescriptions du patient, ajout d’un nouveau composant par l’utilisateur, déblocage de la saisie de la durée d’écoulement…) et les transitions quicorrespondent aux évènements permettant de passer d’une place à une autre (ex : clic sur bouton

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« jumelles », produit par voie orale sélectionné par l’utilisateur, quantité de produit saisie…).

Nous avons également procédé à des simplifications, identifiées sur les réseaux de Pétri par des astérisques (ex : produit par voie orale sélectionné par l’utilisateur, produit prescrit, heure de début sélectionnée par l’utilisateur…). Ainsi, on obtient une description focalisée sur les actions et évènements pertinents à l’analyse ergonomique.

Analyse ergonomique de la procédure prévue par logiciel existant (modélisation des problèmes ergonomiques identifies par les ergonomes)Dans cette partie, il s’agit de modéliser les problèmes ergonomiques concernant la recherche d’un produit (figure 3) et la prescription de composants d’une perfusion (figure 4), mis en évidence lors de l’inspection d’utilisabilité du logiciel. Dans nos exemples d’application, les problèmes identifiés ont été catégorisés respectivement selon les critères d’ergonomie des logiciels suivants : « homogénéité » et « gestion des erreurs » pour la recherche d’un produit (figure 3) et selon les critères « compatibilité » et « charge de travail » pour la prescription de composants d’une perfusion (figure 4). Sur les RdP, la modélisation est la suivante : les problèmes sont encadrés, numérotés et une ou plusieurs icônes (voir tableau 2) leur sont associées. Enfin, des cadres où figure le nom du critère (éventuellement du sous–critère en respectant la classification initiale de Bastien et Scapin), le numéro du problème et une explication textuelle du problème, sont reliés aux icônes. Par exemple, sur la figure 3, on a identifié deux problèmes pour un même ensemble de transitions. Cet ensemble est encadré et deux icônes correspondant aux critères « homogénéité » et « gestion des erreurs » lui sont associés ainsi que des numéros près de chaque icône. Deux cadres portant chacun le numéro du problème et le critère associé (éventuellement le sous–critère, « protection contre les erreurs » pour le critère « gestion des erreurs »), donnent respectivement une explication du problème d’homogénéité et du problème de gestion des erreurs. Enfin, on voit également sur le réseau de Pétri de la figure 3, que les deux chemins proposés sont distingués. Celui en gris correspond au mauvais choix de procédure par rapport à l’objectif de départ. Tandis que celui en noir correspond au choix qui convient. Cette distribution a été rajoutée pour insister sur le fait qu’un problème identifié, est lié au choix de procédure, en l’occurrence pour le problème de gestion des erreurs dans notre exemple.

Description de la procédure intégrant les recommandations des ergonomes Suite aux problèmes identifiés dans la partie précédente, les ergonomes ont proposé des

solutions. Le second réseau de Pétri répond au même objectif de départ et intègre ces recommandations (réseau de Pétri à droite sur les figures 3 et 4). Pour mieux comprendre la correspondance entre les deux réseaux de Pétri ainsi que les changements liés aux recommandations, nous avons placé les réseaux de Pétri dans un tableau (à gauche la procédure prévue par le logiciel, à droite le réseau de Pétri intégrant les recommandations). Chaque ligne du tableau correspond au découpage des réseaux de Pétri en parties, celles–ci traitant les mêmes étapes pour atteindre l’objectif. Sur la figure 3, on voit qu’une partie a été rajoutée par rapport à la procédure prévue. Tandis que sur la figure 4, on remarque qu’une partie présente des changements importants dans la procédure intégrant les recommandations.

Analyse ergonomique de la procédure intégrant les recommandations (modélisation des solutions proposées par les ergonomes) Pour modéliser les solutions prises en compte dans les réseaux de Pétri que nous venons de voir dans la partie précédente, les ensembles d’actions et d’évènements rajoutés ou modifiés sont encadrés, portent le même numéro que le problème auquel ils correspondent dans le réseau de Pétri situé à gauche. Les icônes correspondant aux critères tels que « homogénéité », « gestion des erreurs », « charge de travail » et « compatibilité » que nous avons utilisés dans la partie analyse ergonomique de la procédure prévue par le logiciel existant, sont à nouveau employés et cochés par un signe de validation( ). Enfin, une explication textuelle de la solution apportée est ajoutée dans le cadre correspondant au problème traité. Par exemple, sur la figure 2, un problème de compatibilité a été identifié et modélisé. Une solution est proposée par les ergonomes et modélisée dans le réseau de Pétri de droite. Un même cadre, relié aux icônes « homogénéité » et « homogénéité » coché d’un signe de validation, portant le numéro 1 et le critère « compatibilité », comporte les explications du problème et de la solution.

RESULTATS PRELIMINAIRESDans le cadre de projets de réingénierie de logiciel de prescription thérapeutique, ErgoPNets a fait l’objet de premiers tests auprès d’une équipe de 5 ergonomes.

Au cours de l’utilisation de la méthode, plusieurs types d’utilisation sont ressortis : (1) les ergonomes pouvaient vérifier en permanence la validité de leurs recommandations au cours de la construction de maquettes. En effet, la modélisation des recommandations a souvent permis de détecter d’éventuelles incohérences dans la procédure proposée.

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Procédure prévue par le logiciel existant

Clic bouton« piqûre »

Affichage du masque desaisie perfusion

*4 premières lettres duproduit souhaité saisiesdans le champ « ajouter

un médicament »puis

( )Clic bouton « jumelles »

ouTouche entrée saisie( )

Affichage des produits

Clic bouton « perfusion »ou

Clic bouton « PCA »

Procédure intégrant les recommandations des ergonomes

Affichage d’une fenêtreavec les bouton « piqûre »

« PCA » « perfusion »

Affichage de la liste desprescriptions du patient

* Per os prescritpuis

Clic sur le bouton validationde la prescription

Affichage de la liste desprescriptions du patient

Affichage de la liste desper os et des injectables

Clic bouton « constitutiond’une nouvelle perfusion »

Affichage de la listedes injectables

Affichage du masquede saisie per os

* 4 premières lettres duproduit souhaité saisiesdans le champ « ajouter

un médicament »puis

( )Clic bouton « jumelles »

ouTouche entrée saisie( )

* 4 premières lettres duproduit souhaité saisiesdans le champ « ajouter

un médicament »( )

puis( )

Affichage du masquede saisie perfusion

* per os prescritpuis

Clic sur le boutonvalidation de la

prescription

* Produit per os sélectionnépar l’utilisateur

* Produit injectablesélectionné par

l’utilisateur* Produit injectablesélectionné par l’utilisateur

ou * injectable sélectionnépar l’utilisateur

Affichage du masque desaisie per os

* description simplifiée car elle n’est pas nécessaire à l’analyse des problèmes identifiés ici

2. Gestion des erreurs / sous-critère protection contre les

erreurs :

PROBLEMEL’icône permettant de rechercher un

composant d’une perfusion etd’afficher le masque de saisiecorrespondant est éloigné du

champ « ajouter un médicament ».Dans la majorité des cas, l’utilisateura tendance à taper sur l’icône a côtédu champ (icône jumelles) ou sur la

touche entrée. Par conséquent, ilaffiche le masque de saisie per os

qui ne correspond pas à la saisie descomposants d’une perfusion.

SOLUTIONSi le produit est identifié par le

logiciel comme un IV, un messagelui demande si c’est une perf, unepiqûre ou une PCA pour afficher lemasque de saisie correspondant.

1

1

1. Homogénéité :

PROBLEMEConcernant l’icône à cliquer pourrechercher les composants de laperfusion : pour le premier, il faut

cliquer sur l’icône « constitution d’unenouvelle perfusion », pour les autres,il faut cliquer sur l’icône « jumelle »

SOLUTIONIl n’y a plus qu’un seul bouton pourlancer la recherche. L’affichage du

masque de saisie se décide plus tarddans la procédure.

2

2

Homogénéité

Homogénéité

Gestion des erreurs /protection contre les

erreurs

Gestion des erreurs /protectioncontre les erreurs

* injectable prescritpuis

Clic sur le boutonvalidation de la

prescription

* Perfusion ou PCA prescrits

puisClic sur le bouton validation

de la prescription

* per os sélectionnépar l’utilisateur

( )

Figure 3. Support d’aide à l’analyse et à la modélisation des problèmes et recommandations ergonomiques, cas de la recherche d’un produit pour la prescription thérapeutique.

* Quantité de produit saisiepuis

Clic sur l’onglet « posologie »

Procédure prévue par le logiciel existant

Affichage du masque de saisie « posologie » avecl’onglet « fréquence et instants » affiché par défaut

Affichage du masque de saisie« composant » avec l’onglet

« quantité » affiché par défaut

Déblocage de la saisie d’une durée d’écoulement

* Heure de début sélectionnée parl’utilisateur

ou* Fréquence « toutes les »sélectionnée par l’utilisateur

Clic sur lebouton « 30min »

Affichage de la durée égale à30min dans le

champ/Affichage du

bouton « 30min »sur fond jaune

Nombre saisi avec lacalculette

puisClic sur le bouton « h »

Affichage de la duréedans le champ/

Affichage du bouton« h » sur sur fond jaune

Affichage de la duréedans le champ/

Affichage du bouton« min » sur fond

jaune

Nombre saisiavec la calculette

puisClic sur le bouton

« min »

Nombre saisi avec lacalculette

puisClic sur le bouton « h »

Affichage de la duréedans le champ/

Affichage du bouton« h » sur sur fond jaune

Nombre saisi avec lacalculette

puisClic sur le bouton

« min »Affichage de la durée

dans le champ/Affichage du bouton

« min » sur fond jaune

* Recherche d’un produit effectuéepuis

* Composant d’une perfusion sélectionné

clic sur le boutonvalidation de la

prescription

Affichage de la liste des prescriptions du patient

Sais

ie d

urée

d’é

coul

emen

t

*description simplifiée car elle n’est pas nécessaire à l’analyse des problèmes identifiés ici

1. Compatibilité :

PROBLEMEPour saisir une duréed’écoulement de la

perfusion, le médecindoit d’abord saisir une

fréquence « toutes les »ou un horaire (perte de

temps)

SOLUTIONL’interface n’impose pas

d’ordre de saisie

2. Charge de travail /sous-critère action

minimale :

PROBLEMELes aller-retour entre la

calculette et lesboutons pour saisir une

durée d’écoulementfont perdre du temps

SOLUTIONLa saisie de la durée

d’écoulement se fait auclavier ou via une liste

déroulante dans unchamp spécifique

1

2

* Quantité deproduit saisie

puisClic sur le bouton

« validation » Affichage du masque de saisie« composant » avec nom du composant

et quantité saisie dans le tableau

Affichage du masque de saisie« composant » avec une fenêtre

constituée des onglets« quantité » et « dose »

* Recherche d’unproduit effectuée

puis* Composant d’une

perfusion sélectionné

Affichage de la liste desprescriptions du patient

* Fréquence « toutes les » saisieou

* Moments saisieou

* heure de début saisieet

Taper dans le champ « duréed’écoulement » la durée souhaitée

ouSélectionner dans la liste déroulante

la durée d’écoulement souhaitée( )( )

Sais

ie d

urée

d’é

coul

emen

t

clic sur le bouton validationde la prescription

Affichage des informations saisies

1

2

Procédure intégrant les recommandations des ergonomes

Compatibilité

Charge de travail/action minimale

Charge de travail/action minimale

Compatibilité

clic sur le boutonvalidation de la

prescription

clic sur le boutonvalidation de la

prescription

clic sur le boutonvalidation de la

prescription

Figure 4. Support d’aide à l’analyse et à la modélisation des problèmes et recommandations ergonomiques, cas de la constitution d’une perfusion.

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(2) Les modèles ErgoPNets ont constitué un support de communication entre ergonomes et informaticiens. En effet, les ergonomes ont testé ErgoPNets pour structurer et modéliser leurs résultats et les présenter aux informaticiens afin de leur rendre compte des éventuels points à considérer concernant le logiciel testé. (3) Si on compare à une description purement textuelle des problèmes et recommandations, l’utilisation des procédures précise la localisation des problèmes et recommandations et permet d’éviter des ambiguïtés d’interprétation pour les développeurs. (4) La création de ces modèles a permis d’alimenter la mémoire du projet (intégration dans la documentation du projet).

La caractéristique principale d’ErgoPNets est l’association des réseaux de Pétri et des critères ergonomiques pour l’intégration des problèmes et recommandations ergonomiques au sein des procédures. Son emploi est particulièrement adapté pour décrire les problèmes liés à la dynamique des procédures prévues par le logiciel, qui ne sont pas toujours compatibles avec l’activité réelle des utilisateurs. Ainsi, la description des problèmes relatifs à certains critères tels que « charge de travail », « adaptabilité », « gestion des erreurs », « homogénéité » et « compatibilité » se prêtent efficacement à l’application de notre méthode. En effet, le formalisme permet d’identifier graphiquement l’impact des recommandations des ergonomes sur les procédures existantes.

Les résultats préliminaires décrits dans cette partie sont issus des remarques des ergonomes, qui ont réalisé les premiers tests. A ce jour, ErgoPNets doit donc faire l’objet d’une validation plus approfondie. La mise en place d’un protocole de test est en cours de préparation.

CONCLUSION ET PERSPECTIVESGrâce aux réseaux de Pétri et aux critères ergonomiques, ErgoPNets prend en compte, d’une part les aspects descriptifs et prescriptifs des procédures, et d’autre part l’aspect évaluatif de l’IHM. Cette méthode a fait l’objet de premières expérimentations en rapport avec la réingénierie d’un logiciel de prescription thérapeutique. De nombreuses perspectives découlent de ce travail. Nous envisageons une analyse profonde des activités des ergonomes et informaticiens utilisant la méthode ErgoPNets, afin en particulier d’étudier l’intégration de la méthode dans leurs activités, ses points forts et points faibles. L’outil peut faire l’objet d’améliorations sous l’angle de différentes aides à l’utilisateur durant la création et la modification des modèles, de même que sous l’angle de l’aide à la documentation dans un projet. Enfin, il sera important de fournir aux utilisateurs

de la méthode des moyens permettant de vérifier différentes propriétés (réseau borné, vivacité d’un réseau, réversibilité d’un réseau, réseau sans blocage) propres aux RdP [12].

REMERCIEMENTSLes auteurs remercient la Région Nord-Pas de Calais, le FEDER (projets TAC MIAOU et EUCUE) et le réseau RNTS (projet Presc’Info) qui ont contribué à financer ces recherches.

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semi-formels pour la conception et l’évaluation des systèmes homme-machine.Mémoire d’HDR, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, Mai 2001.

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12. Diaz, M. (Ed.). Réseaux de Pétri, Modèles Avancés. Hermes, Paris, 2002.

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Mémoire des documents familiers : Implications pour les systèmes de récupération de fichiers

INRIA 78153 Le Chesnay cedex, France [email protected]

INRIA 78153 Le Chesnay cedex, France [email protected]

RÉSUMÉ

MOTS CLES :

ABSTRACT

KEYWORDS :

INTRODUCTION

LE RÔLE DES ATTRIBUTS DE DOCUMENT DANS LEUR RÉCUPÉRATION

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64

MÉTHODOLOGIE Participants

Procédure

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Matériel

RESULTATS

Phase de rappel

Fréquence des attributs rappelés.

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Exactitude des attributs rappelés.

Caractéristiques des rappels partiels.

Caractéristiques des rappels erronés.

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Moyens d’expressions utilisés.

Types d'informations rappelées.

Phase de récupération des documents

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DISCUSSION ET IMPLICATIONS POUR LA CONCEPTION

Favoriser les attributs appropriés

Favoriser les expressions appropriées

Prévoir de la flexibilité dans les requêtes

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Permettre l'extensibilité des résultats

Fournir des visualisations du contenu des docu-ments

Exploiter les relations explicites entre les docu-ments

Fournir les logs de certaines opérations effectuées sur les documents

Permettre la combinaison semi-automatique d'attri-buts

CONCLUSION

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70

REMERCIEMENTS

BIBLIOGRAPHIE

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Élaboration et validation d’un questionnaire de mesure de l’acceptation des technologies de l’information et de

la communication basé sur le modèle de la symbiose humain-technologie-organisation

Éric Brangier & Sonia Hammes Université Paul Verlaine – Metz. LabPsyLor (EA 3947)

Équipe Transdisciplinaire sur l’Interaction et la Cognition Ile du Saulcy. BP30309 - F - 57006, Metz Cedex 1

[email protected] & [email protected]

RESUME Cet article a pour objet de mieux comprendre les facteurs qui expliquent l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Dans un premier temps, il reprend les éléments d’une théorie de la sym-biose humain-technologie-organisation et un modèle formel fait d’équations sémantiques qui permettent de ca-ractériser ce modèle. Dans un second temps, cette com-munication propose une échelle de mesure de la liaison entre l’humain et les technologies de l’information et de la communication. Cette échelle se présente sous la forme d’un questionnaire composé de 27 items, dont la passation sur un échantillon de 172 personnes tend à montrer la pertinence.

MOTS CLES : Symbiose, relation homme-technologie-organisation, questionnaire, validation.

ABSTRACT This article concerns the creation and validation of a questionnaire about human-technology-organisation symbiosis level using a sample of 172 persons, about their use of new technologies. This questionnaire has been devised following symbiosis’ model by Brangier [2, 3]. The interest of this study is, on the one hand, to cor-roborate Brangier’s model and, on the other hand to give useful information for technological advances

KEYWORDS: Acceptance, Human-machine symbiosis, human-technology-organisation relationship, question-naire, validation of a technology use scale.

INTRODUCTIONPlusieurs recherches récentes portant sur les formes d’appropriation, d’utilisation ou d’acceptation sociales des technologies nouvelles ont insisté sur la notion de symbiose pour caractériser la relation qui se noue entre l’homme et la machine [1, 2, 3, 5, 11, 14].

Dans la continuité de ce champ théorique, l’objectif de cet article est de faire le point sur la notion de symbiose, puis de proposer un questionnaire d’évaluation de la symbiose humain – technologie - organisation. La passa-tion de ce questionnaire sur un échantillon de 172 per-sonnes ouvrira ensuite sur la présentation des résultats obtenus. Finalement, l’interprétation des résultats per-mettra de discuter la pertinence de l’approche symbioti-que par rapport aux autres approches de l’acception so-ciale des technologies.

ORIENTATION THEORIQUE : LA SYMBIOSE HUMAIN-TECHNOLOGIE-ORGANISATION Le modèle biologique de la symbiose Le terme de symbiose est en général utilisé par les scien-ces de la vie pour définir un état d’interdépendance du-rable entre deux êtres vivants. Il s’agit d’un fait courant dans le monde animal, végétal et bactérien, dans lequel chaque organisme va profiter des avantages découlant de l’association avec l’autre organisme. On peut tout sim-plement penser à la fertilisation des fleurs par l’action des insectes butineurs qui bénéficient en échange d’un accès à une nourriture.

Le lien entre la biologie et les technologies de l’information et de communication (TIC) peut sembler lointain mais si l’on considère cette idée d’un point de vue métaphorique, on peut comprendre l’emploi de ce terme car l’homme d’aujourd’hui entretient une relation durable et profitable avec TIC. En effet, l’homme cons-truit des TIC visant à l’aider dans son travail ou à l’assister dans sa vie quotidienne. Il bénéficie chaque jour de ces dispositifs techniques pour l’accompagner ou totalement le suppléer dans ses activités (en particulier

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les plus pénibles). En retour, l’homme « alimente » la technologie, l’améliore et la fait progresser de manière continue.

L’émergence de la notion de symbiose humain-machine.Pour l’approche symbiotique, la relation entre l’homme et la technologie est durable et mutuellement profitable. L’application de la notion de symbiose à la caractérisa-tion de la relation entre l’humain et la machine provient des travaux initiaux de Licklider [13] qui, en 1960 avait été le premier à utiliser la notion de symbiose pour des-siner le futur de l’informatique en soulignant que l’ordinateur devait quitter le domaine des « calculs » pour se transformer en outil de communication moderne. Ce faisant, Licklider fut suffisamment clairvoyant pour imaginer que l’ordinateur pourrait devenir une sorte de symbiote technologique destiné à assister l’humain dans sa vie toute entière. L’histoire lui a sans doute donné rai-son. Du moins, c’est ce que nos résultats tendent à mon-trer.

Plus récemment, l’approche symbiotique a été dévelop-pée dans le domaine de la relation entre l’homme et la technologie par Bender, De Haan et Bennett [1] et aussi par De Rosnay [14] qui a contribué à diffuser cette no-tion. D’un point de vue plus théorique, Brangier [2] a proposé un modèle de la symbiose humain-technologie-organisation que nous ne redévelopperons pas ici, mais que nous opérationnaliserons dans les paragraphes sui-vants.

L’humain agit sur les TIC qui agissent sur l’humainL’idée centrale de la symbiose est de considérer que l’humain et les TIC sont intimement liés et que le genre humain est devenu, sur le plan phylogénétique et ontogé-nétique un homme technologique. Des théories anthropo-logiques et des théories organisationnelles importantes soutiennent depuis longtemps que toute action humaine est technique : donc la relation entre homme et technolo-gie n’est pas une nouveauté. L’humain se définit par et en rapport avec la technologie, qui n’est pas un élément qui lui est extérieur mais bien une dimension essentielle de l’existence humaine. L’humain naît, vit, se développe, travaille, joue, consomme, apprend, etc, dans des espaces technologiques qui sont à la fois co-extensifs de la nature humaine et constructifs de l’essence humaine. L’originalité du modèle symbiotique est donc de complé-ter les modèles classiques de l’acceptation des TIC qui reposent sur une sorte d’apprentissage des interactions ou de gestion des changements socio-organisationnels. Par-mi ces modèles, on pense au TAM : Technology Accep-tance Model de Davis [7 et 8] qui souligne que l’utilité perçue et la facilité d’utilisation sont des variables dé-terminant l’acceptation de la technologie. On peut cons-tater immédiatement qu’il manque un versant essentiel à ce modèle qui est celui des considérations psychosociales et socio-organisationelles. C’est sans doute pour ces rai-

sons que Karahanna et Straub [10] ont fait appel à trois facteurs supplémentaires qui sont la présence sociale, l’influence sociale et le support technique et ont ainsi ré-visé le TAM de Davis. Mais malgré cette révision, la va-leur explicative du TAM cité précédemment tourne au-tour de 24%, valeur qui est sensiblement la même pour son petit frère le TAM révisé [10].

Un autre modèle intéressant a été développé par Roy et Illia [12]. Les auteurs remarquent que de nombreux mo-dèles explicatifs de l’utilisation des TI ont été développés sans qu’il ne soit jamais fait la liaison entre eux c’est ce qu’ils se proposent de faire en créant un nouveau modèle intégrant les facteurs et les théories utilisés par leurs pré-décesseurs. Ces auteurs proposent un « modèle concep-tuel intégré » qui met en relation les deux orientations prises par l’étude des interactions homme-machine et dé-finies par Clegg [6], c'est-à-dire le versant ergonomique et le versant psycho-sociologique. Ce modèle conceptuel intégré est assez séduisant car il intègre de nombreuses variables et souligne, d’une part, les relations causales entre les variables et, d’autre part, il permet de compren-dre que ces variables forment un système plus ou moins stable et régulé. Mais à ce jour, nous ne connaissons pas de validation de ce modèle, du moins sur le plan statisti-que. La capacité explicative de ce modèle est plus empi-rique que statistique. Nous ne savons donc pas quel est le poids relatif de chaque facteur. En bref, ce modèle sem-ble certes intégrer une multitude de facteurs et de théo-ries, mais cela complique singulièrement sa possibilité d’utilisation à des fins d’opérationnalisation et de valida-tion. Il nous semble par ailleurs qu’il serait possible de faire des regroupements entre certains facteurs. C’est ce que nous proposons de faire dans le modèle ci-dessous.

Modélisation de la symbiose humain-technologie-organisation La symbiose est un processus caractérisant l’acceptation des technologies qui s’enclenche si des conditions parti-culières de la relation homme-technologie-organisation sont satisfaites. Ces conditions particulières reposent sur la mise en oeuvre de trois facteurs déterminant la sym-biose, à savoir : • les fonctionnalités : la symbiose suppose une adapta-

tion optimale des fonctions proposées par la techno-logie aux objectifs à atteindre par l’homme, par son travail, par son environnement organisationnel. La première condition d’acceptation est donc de consi-dérer qu’une TIC doit être dotée de fonctionnalités utiles, ou du moins évaluées comme telles.

• l’utilisabilité : c'est-à-dire la facilité d’utilisation du système technique, souvent exprimée par le niveau de compatibilité entre l’humain, la TIC et la tâche. La deuxième condition d’acceptation repose donc sur la simplicité d’utilisation ce qui correspond en-core à l’optimisation ergonomique de la TIC.

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• les formes de régulation liées aux comportements organisationnels : il s’agit des formes d’appropriation, de rejet, d’innovation sociale et au-tres accommodements construits par l’homme dans un contexte social qui est transformé par l’arrivée d’une technologie. La troisième condition de la symbiose vise donc à restituer l’optimisation de la TIC aux contextes sociaux d’utilisation.

Détaillons ces trois points et montrons leur manière de s’agencer.

Fonctionnalités. Une fonctionnalité est une action utile réalisée avec un système technique. Les fonctionnalités à mettre en œuvre dans une TIC sont dégagées lors de l’analyse du travail d’un opérateur réalisant ce travail. Il y a symbiose si le système propose des fonctionnalités valides, c'est-à-dire des fonctionnalités dont l’utilisateur a réellement besoin et que le système a la possibilité technique de fournir.

D’un point de vue formel, la fonctionnalité « f » propo-sée par une TIC doit être compatible avec le travail « T » de l’humain « H ». On a alors : • la réalisation de f par le système « S », soit S(f) ; • le modèle mental que l’homme se fait de la réalisa-

tion de la fonctionnalité par la technologie soit H(f) ; • la tâche à réaliser avec la fonctionnalité f soit T(f). Si les modèles de connaissance en jeu dans S(f), H(f) et T(f) sont proches, alors on peut dire que la symbiose est optimisée au niveau de la fonctionnalité. Autrement dit,

les fonctionnalités proposées par la technologie sont conformes à ce que l’homme souhaite réaliser (H(f)) pour effectuer une tâche donnée (T(f)).

Utilisabilité. Pour profiter pleinement des fonctionnali-tés, il est nécessaire que l’homme puisse s’en servir faci-lement. Elles doivent donc être adaptées aux caractéristi-ques humaines, le but étant de réduire au maximum l’écart entre le fonctionnement de l’humain et le système. L’utilisabilité apprécie donc la fluidité des échanges en-tre l’humain et le système [4].

Sur le plan formel, si nous reprenons la fonctionnalité f et sa réalisation par un système technique, soit S(f). L’utilisabilité de cette fonctionnalité serait U(S(f)). L’utilisabilité peut-être formalisée par la proximité des modèles de connaissance en jeu au niveau de l’homme soit H(S(f)) et au niveau de la tâche T(S(f)). Moins il y a de différence entre U(S(f)), H(S(f)) et T(S(f)) et plus l’utilisabilité du système (U(S(f)) est proche de ce que les gens ont dans la tête (H(S(f)) et est proche de la ma-nière dont le travail se retrouve dans le système (T(S(f)) ; alors on peut considérer l’utilisabilité comme appropriée. A ce niveau, la symbiose vise donc à qualifier le type de compatibilité entre les caractéristiques de l’utilisabilité du système U(S(f)), la tâche (T(S(f))) et la représentation que l’homme (H(S(f)) se fait de la fonctionnalité implan-tée dans l’instrument.

Fonctionnalité Utilisabilité Régulation Conditions de symbiose

Niveau de la technologie S(f) U(S(f)) R(S) S(f) U(A(f)) R(A) Symbiose optimisée au ni-

veau de la technologie

Niveau de l’humain H(f) H(S(f)) R(H) H(f) H(S(f)) R(H)

Symbiose optimisée au ni-veau de l’humain

Niveau du contexte organi-sationnel

T(f) T(S(f)) R(O) T(f) T(S(f)) R(O)

Symbiose optimisée au ni-veau de l’organisation

Conditions de symbiose S(f) H(f) T(f)

Symbiose optimisée au niveau des fonc-

tionnalités

U(S(f)) H(S(f)) T(S(f)) Symbiose optimisée au ni-

veau de l’utilisabilité

R(S) R(H) R(O) Symbiose optimisée au niveau des régu-

lations

Tableau 1 : Modèle de connaissance en jeu aux différents niveaux de l’interaction homme-technologie-organisation croisés avec les processus de la symbiose –fonctionnalité, utilisabilité, régulations (le signe correspond à la proximité, à la compatibilité des modè-

les en jeu), selon Brangier [2] et [3].

Régulations. Pour être utilisée, une technologie ne doit pas seulement fournir des fonctionnalités pertinentes et facilement utilisables ; elle doit encore être située dans un contexte social qui l’accepte (c’est le principe sym-

biotique de tolérance du contexte de l’organisme exté-rieur par l’hôte). Autrement dit, une condition supplé-mentaire porte sur les régulations socio-organisationnelles qui généreront des attitudes et des re-

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présentations plus ou moins favorables. Lors de l’implantation d’une nouvelle technologie, les humains qui l’utilisent produisent des compromis, des arrange-ments socialement acceptables avec ces technologies, qui engendrent par conséquent des changements durables des comportements personnels et professionnels. Les hom-mes doivent mettre en œuvre des moyens nouveaux pour adapter la technologie à leur fonctionnement, s’adapter eux-mêmes ou adapter le mode de fonctionnement social et organisationnel, si la technologie ne s’adapte pas elle-même.

On a donc : • des régulations en jeu au niveau de l’homme : R(H) ;

c'est-à-dire ses adaptations psychosociales et psy-chologiques en lien avec la technologie. Selon leurs possibilités, les humains régulent les usages des technologies.

• des régulations en jeu au niveau de la technologie : R(S) ; c'est-à-dire son adaptabilité à la situation d’utilisation.

• des régulations en jeu au niveau du contexte organi-sationnel R(O) : c'est-à-dire les modifications collec-tives (i.e. relatives au groupe social) mises en place lors de l’introduction de la technologie.

La régulation est maximisée lorsque l’on peut observer la concordance de ces trois formes de régulations. La sym-biose est alors optimisée au niveau des régulations socia-les.

D’une manière générale, la symbiose repose sur une compatibilité cognitive des modèles en jeu [16]. Une technologie sera acceptée si elle correspond à l’idée que s’en fait l’utilisateur, à son mode de fonctionnement, à l’idée qu’il se fait de sa tâche, de lui-même et de son en-vironnement social et professionnel. Le modèle proposé (tableau 1) n’est pas un modèle purement explicatif où telle cause expliquerait tel effet. Les processus (fonction-nalité, utilisabilité, régulation) constituant les éléments de la symbiose sont interdépendants. Ces trois dimen-sions sont enchevêtrées, tant les variables qui les compo-sent sont nombreuses, diversifiées et complexes. Par ail-leurs, il faut signaler que la symbiose, une fois optimisée ne peut pas être prise comme un état stable. La modifica-tion d’un des éléments peut modifier l’équilibre d’ensemble et entraîner des changements d’état. La rela-tion symbiotique est donc le résultat d’un processus en équilibre délicat. Il suffit qu’un de ces constituants soit modifié pour que l’équilibre soit rompu et entraîne, par exemple, insatisfaction, résistance, rejet, malveillance, inutilisation, sabotage etc., de la part des humains.

PROBLEMATIQUE GENERALE Problème posé.La validation d’un modèle scientifique passe toujours par une confrontation aux données mesurées. Aussi, en pro-posant de caractériser l’acceptation des TIC par la notion

de symbiose, nous cherchons également à produire des données qui peuvent valider ou invalider le modèle pro-posé. Notre modèle consiste à défendre l’idée que la symbiose entre l’humain, la technologie et l’organisation va dépendre de l’adaptation des fonctionnalités, de l’utilisabilité et des régulations aux différents éléments de la situation (technologie, humain, organisation). La re-lation symbiotique est donc à rechercher dans les trois li-gnes et trois colonnes du tableau 1, soit dans les neuf ca-ses.

En conséquence, le tableau 1 est à lire comme jouant un rôle charnière entre l’explication que nous donnons à la symbiose d’une part, et, l’opérationnalisation d’une échelle quantitative qui permettrait de valider le modèle, d’autre part. Pour ce qui nous concerne, nous proposons une validation quantitative en établissant un question-naire qui, soumis à une population, servira à mesurer des scores de symbiose. Ce score sera à la fois global et dé-composable en plusieurs sous-échelles correspondant à chacune des lignes ou des colonnes (i.e sous-échelles de symbiose ou niveau des fonctionnalités, de l’utilisabilté ou des régulations). Ce sont à la fois les réponses faibles ou fortes et l’organisation statistique des réponses des questionnés qui permettront la discussion de la proposi-tion scientifique de notre modèle de l’acceptation des TIC basé sur la symbiose.

Attentes Plus que des hypothèses, la validation d’une échelle im-plique des attentes métriques particulières. Aussi, le questionnaire devrait-il prétendre à :

1. Une bonne corrélation entre l’utilisation réelle des TIC et le score de symbiose mesuré par le question-naire. Plus les questionnés se déclarent d’intenses utilisateurs, plus le score global de symbiose devra être élevé, et inversement.

2. Une valeur explicative supérieure à celle du TAM [7, 8, 11] soit plus de 24% de la variance expliquée.

3. Une fiabilité ou cohérence interne de l’échelle de-vrait être élevée, sans quoi nous rejetons le modèle de la symbiose. A l’inverse, si les items ont une rela-tion forte avec la variable latente (notion de sym-biose) alors ils auront une forte corrélation entre eux. On s’attendrait donc à un Alpha de Cronbach supérieur à .70. Une échelle fidèle ou stable doit as-surer un rapport minimum entre la somme des va-riances des items et la variance du score total de l'échelle entre les répondants. Plus une échelle pré-sente un cœfficient Alpha élevé, plus sa fidélité est jugée excellente.

4. Une bonne corrélation de tous les items et des sous-échelles qui montrerait une relation entre toutes les réponses aux questions. Cela serait un élément de preuve de ce nous appelons l’équivalence (ou la proximité) des modèles en jeu à chaque niveau de la

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symbiose [2] et [3]. Si cette corrélation de toutes les réponses aux items existe, nous pouvons alors sup-poser qu’il serait intéressant, pour mesurer le niveau de symbiose, de ne mesurer qu’un seul niveau (ou du moins d’identifier la sous-échelle qui est la plus dé-terminante). Nous tenterons par la méthode de ré-gression ascendante de mettre en évidence ce trait particulier.

5. Des résultats ayant une structure factorielle organi-sée autour d’un seul facteur qui restitue la notion de symbiose. Une forte corrélation inter-items suggère que tous les items partagent une notion commune. Ainsi une échelle unidimensionnelle ou une dimen-sion d’une échelle multidimensionnelle serait un in-dicateur supplémentaire de la véracité de la notion de symbiose.

METHODOLOGIE Matériel La méthode utilisée repose sur l’élaboration et la valida-tion d’une échelle quantitative de mesure de l’acceptabilité des technologies. Elle se présente sous la forme d’un questionnaire dont la validation fait l’objet du présent article. Ce questionnaire tente de repérer la relation (acceptation/refus) entretenue par les humains avec les TIC. Conscient de la polysémie de ce concept, les TIC sont ici vues d’un point de vue générique. C’est un des avantages de ce questionnaire. Nous nous intéressons donc à toutes les TIC en général, et à leurs représentations chez de nombreux utilisateurs. Le référencement de 19 types de TIC permet aux questionnés de déclarer ce qu’ils utilisent ou pas comme TIC et la durée d’utilisation. Nous avons donc une mesure déclarée (en nombre et en temps) des TIC utilisées par les questionnés.

Ce questionnaire reprend à la fois les trois processus à optimiser lors de la mise en place d’une TIC (fonctionna-lité, utilisabilité, régulation) ainsi que les trois domaines concernés par la symbiose (homme, technologie et orga-nisation). Les trois processus seront subdivisés à nouveau en trois, représentant des niveaux de symbiose successifs ou en quelque sorte l’intensité de la relation symbiotique (faible, moyenne ou forte) :

1. La fonctionnalité perçue est appréciée par l’idée que l’utilisateur n’a pas le sentiment de maîtriser la TIC, possède une maîtrise opératoire (maîtrise du fonc-tionnement visible), ou a développé une maîtrise co-gnitive (maîtrise du fonctionnement interne) de la technologie.

2. L’utilisabilité perçue est également appréciée par trois critères : sans utilisabilité perçue, simplicité et facilité d’utilisation, ou perception d’aisance dans l’utilisation.

3. La régulation sociale perçue est également vue en trois niveaux : sans aucune régulation perçue, régu-

lation gérée, régulation des changements a été dé-passée et l’on assiste au développement de conduites inventives (ou innovantes).

Ceci nous donne donc un questionnaire à 27 questions, fondées sur les 9 cases du tableau 1 multipliées par les trois niveaux d’intensité. Chaque question correspond à un croisement entre les processus en jeu dans la sym-biose et les niveaux de la symbiose.

1. Les TIC sont d’un grand intérêt. 2. Je sais manipuler les TIC. 3. Je n’ai jamais de problème avec les TIC. 4. Je sais comment faire pour réaliser ce que je souhaite à l’aide des TIC. 5. Si une TIC est en panne, j’essaie de « bidouiller » pour la remettre en fonctionnement. 6. Je pense que je suis capable de réparer une TIC en panne. 7. Dans la société, les TIC sont omniprésentes. 8. Les TIC me proposent des fonctions qui me permettent de gagner du temps et d’être plus efficace au quotidien. 9. J’organise ma vie quotidienne (communications, relations, travail) en fonction de ce que les TIC me permettent de faire. 10. Les TIC sont faciles à utiliser. 11. Je peux apprendre rapidement à utiliser les TIC.12. Le simple fait d’utiliser des TIC m’amuse. 13. Les TIC m’indiquent clairement la manière dont je dois les utiliser. 14. Les concepteurs de TIC tiennent compte de l’avis des utili-sateurs. 15. J’aime beaucoup passer du temps à comprendre comment fonctionne une TIC. 16. Pour réaliser mes activités quotidiennes, je trouve que les moyens traditionnels sont souvent moins appropriés que les TIC. 17. J’ai l’impression que les interactions que j’ai avec les TIC sont toujours optimisées. 18. Les opérations proposées par les TIC donnent un côté plus ludique (= plaisant et amusant) à mes activités. 19. Je pense que les TIC sont faites de telle manière qu’elles permettent à l’homme de conserver ses habitudes. 20. J’ai l’impression que l’évolution des TIC va dans le sens d’une meilleure adaptation aux attentes de l’homme. 21. J’ai l’impression que les TIC devancent les besoins hu-mains. 22. L’usage des TIC me transforme mentalement. 23. Je sais gérer les changements que m’imposent les TIC. 24. J’utilise assez souvent les TIC pour autre chose que ce qui est initialement prévu. 25. Les TIC s’intègrent facilement dans la société. 26. Je pense que les changements produits par les TIC dans la société sont prévisibles et donc gérables. 27. Les changements engendrés par les TIC dans la société sont bénéfiques car ils me permettent d’être créatif.

Tableau 2 : les 27 items de l’échelle de symbiose humain-technologie-organisation.

Le découpage du questionnaire en six sous-échelles (fonctionnalités, utilisabilité, régulation, technologie, homme, contexte) n’est pas explicité aux questionnés. La passation se fait en auto-administration. Les personnes doivent coter la fréquence avec laquelle ils ressentent

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différentes impressions sur une échelle de Lickert en 7 points allant de 0 « jamais ressenti » à 6 « ressenti très fréquemment ». Un score élevé à l’item évoque un ni-veau élevé de symbiose, à l’inverse un score faible évo-que un faible niveau de symbiose. Pour chaque échelle, le score recueilli a la même signification en fonction de son niveau mais correspond plus particulièrement aux fonctionnalités, à l’utilisabilité, à la régulation sociale, au niveau de la technologie, de l’homme ou du contexte. Arbitrairement, nous avons décidé que le score moyen de symbiose serait la moyenne des scores obtenus à chaque question. De la même façon, le score de chaque échelle sera la moyenne des réponses aux questions correspon-dantes.

La première partie du questionnaire porte sur les caracté-ristiques du répondant (âge, sexe, expérience...), en par-ticulier dans son rapport aux TIC (nombre de TIC utili-sées et durée d’utilisation déclarée). La seconde partie est présentée dans le tableau 2.

Participants et procédure L’échantillon était composé de 101 hommes et 71 fem-mes d’un âge moyen de 38,45 ans (écart-type = 20,68 ; âge minimum = 18 ans ; âge maximum = 84 ans). La pas-sation de ce questionnaire est relativement courte, de 5 à 10 minutes en fonction des sujets.

RESULTATS Les résultats sont restitués selon l’ordre des attentes ex-primées dans la partie « problématique ».

Corrélation entre l’utilisation des TIC et la symbiose : supérieure à 0.6 Pour présager de l’efficacité de l’échelle de symbiose, nous avons donc demandé aux répondants de nous lister les TIC qu’ils utilisaient. Nous les avons comptées, ce qui a permis ensuite de calculer une corrélation entre le nombre de TIC utilisées et le score de symbiose. Il appa-raît que le nombre de TIC utilisées suit le score de sym-biose (r= .68 ; p < .001). Ce score diminue également avec l’augmentation de l’âge du répondant (r= -.67 ; p < .001).

Valeur explicative supérieure au TAM (46% contre 24%) Une régression par la méthode ascendante effectuée sur la part représentée par le score de symbiose dans l’explication d’une plus ou moins forte utilisation des TIC, montre que la symbiose explique 46% des varia-tions observables dans le nombre de TIC utilisées. De ce point de vue, notre modèle explique 46% de la variation dans l’utilisation des TIC. Ce pourcentage obtenu parait énorme par rapport à celui mis en évidence par Davis [7, 8] dans le TAM et par dans le TAM révisé [11] soit 24%. Nous pouvons penser que ce résultat élevé pour no-tre modèle soit dû :

• à une plus grande qualité du modèle proposé qui ba-laye bien tout le champ de la relation homme-technologie-organisation.

• au type de population choisi qui est tout de même extrêmement typique dans son rapport à la technolo-gie. Nous avons ici en majorité des personnes qui semblent avoir un rapport en tout ou rien à la tech-nologie. Il faudrait tester une nouvelle fois ce critère sur un échantillon plus vaste, représentatif de la po-pulation générale.

Fidélité : Alpha de Cronbach à 0.9 Le coefficient Alpha de Cronbach obtenu pour l’ensemble des items s’élève à .954, ce qui traduit une excellente cohérence interne de l’échelle. Seuls les items 7, 21 et 25 une fois enlevés augmenteraient la cohérence interne du questionnaire à .956 (pour la question 7) et .955 (pour les questions 21 et 25). Pour augmenter la fi-délité, nous pourrions améliorer ces questions pour une prochaine version de l’échelle. Ceci dit, la fidélité du questionnaire est déjà très bonne. Nous pouvons donc conclure que notre questionnaire dispose d’une excel-lente consistance interne. Presque tous les items contri-buent bien à la mesure du score final de symbiose1.

Corrélation des items entre eux, items-échelle, échelle – sous-échelle et sous-échelles entre elles. En ce qui concerne la corrélation des items avec l’échelle globale de symbiose, seuls 2 items (7 et 25) possèdent des corrélations inférieures à .35. Plus de 81% des autres items ont des corrélations supérieures à .60. (p= .01). Excepté les items 7, 21 et 25, tous les items sont au mi-nimum corrélés à r = .30 (p < .01) à 19 autres items. Au total 65,52% des 351 corrélations effectuées sont supé-rieures à .40 (p = .01). Les sous-échelles, quant à elles, sont toutes très fortement corrélées à l’échelle globale de symbiose (p= .01) avec des corrélations allant de .89 pour l’échelle de régulation à .96 pour l’échelle d’utilisabilité (figure 1).

Les sous-échelles sont également fortement corrélées en-tre elles avec des indices allant de .67 pour les échelles de régulation et de fonctionnalité, à .92 pour les échelles d’utilisabilité et celle du niveau de l’homme. Si l’on étu-die les corrélations des sous-échelles deux à deux, elles sont toutes fortement corrélées les unes avec les autres.

Comme attendu, le calcul de la régression ascendante permet de mettre en évidence un facteur suffisant ou un trait particulier qui est fortement explicatif de la relation symbiotique. Parmi les sous-échelles, c’est celle d’utilisabilité perçue qui s’avère être la plus explicative des variations du score global de symbiose : environ 92% de la variance provient de cette sous-échelle (r² ajusté=

1 Si l’on tente de savoir comment améliorer encore la fidélité grâce à l’Alpha de l’échelle sans l’item, nous remarquons que la suppression de 3 items améliorerait la fidélité.

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.916). Bien entendu, il s’agit d’une supériorité relative, car les autres sous-échelles ont des pourcentages d’explicativité très élevés également étant donné que tou-tes sont très fortement corrélées à l’échelle globale.

.912

.937

.957

.953.948

.889

Technologie

Homme

Organisation

Symbiose

Régulations

Utilisabilité

Fonctionnalités

Figure 1 : Corrélations échelle de symbiose avec chacune des sous-échelles (fonctionnalités, utilisabilité, régulation, homme,

technologie, organisation)

Analyse factorielle La structure factorielle des résultats repose principale-ment sur un facteur qui comprend 19 items et explique plus de 46% de la variance du score de symbiose. La dis-sémination des résultats sur les autres facteurs est relati-vement faible, sauf pour les questions 7, 21, 25 et 26 qui pourraient être révisées.

DISCUSSIONCette recherche tente de comprendre et mesurer les fac-teurs qui expliquent l’acceptation de TIC. L’intérêt de cette question réside dans le fait de mieux comprendre les comportements des utilisateurs et de souligner que ces comportements sont déterminés par une série de co-gnitions qui relève de la manière dont les humains s’emparent des TIC dans un contexte organisationnel donné. Au-delà de son intérêt explicatif, ce type de re-cherche a également pour objectif de permettre la prise en compte des facteurs qui déterminent une utilisation harmonieuse des TIC et cherche donc à pronostiquer des succès ou échecs d’utilisation, sur la base d’une échelle composée de 27 items.

Aujourd’hui, les modèles [5, 7, 8, 9, 10, 12, 15] dont le manager, l’ergonome, l’ingénieur et l’informaticien dis-posent sont souvent discutés grâce à des recherches éco-logiques ou des validations empiriques. Or comme le souligne Illia et Roy [12], les modèles proposés ren-voient à des théories distinctes rarement superposables. Il est donc nécessaire de disposer d’une théorie unifiée et de résultats pour valider cette théorie. Pour ce qui nous concerne, nous estimons que notre modèle de la sym-biose présente des intérêts scientifiques importants à

même d’expliquer le comportement humain dans les en-vironnements techniques. Qui plus est, cette théorie sou-ligne que nos façons de travailler, de vivre et de penser se trouvent transformées en même temps que le système technique dans lequel elles se déroulent. De ce point de vue, la technologie agit sur l’être humain qui, à son tour, agit sur les facteurs technologiques qui le déterminent. C’est donc bien la nature des relations en œuvre qui per-met d’expliquer la valeur des nouvelles technologies et l’orientation de la conduite humaine dans les systèmes technologiques. Ces valeurs associées à la technologie relèvent des fonctionnalités proposées, de leur niveau d’utilisabilité perçues et finalement des formes de régula-tions sociales qui leurs sont attachées. Par voie de consé-quence, l’humain évalue les TIC en fonction du modèle de connaissance qu’il s’en construit, ce modèle étant fondé d’abord sur les fonctionnalités, l’utilisabilité et les régulations et sur la compatibilité entre les modèles de connaissances en jeu. Autrement dit, soient :

• Une fonctionnalité « f » ; • S(f) la réalisation d’une fonctionnalité f par un sys-

tème technique, • H(f), le modèle mental lié à la fonctionnalité f, • T(f), le travail réalisé avec la fonctionnalité f, • U(S(f)) l’utilisabilité de la fonctionnalité f implan-

tée dans le système S. • H(S(f)) le modèle de connaissance de l’homme,

c’est-à-dire la représentation mentale de la fonc-tionnalité f implémentée dans le dispositif.

• T(S(f)) le travail à réaliser avec le système. • R(S) la régulation du système, c’est-à-dire son

adaptabilité aux variations de la situation ; • R(H) la régulation de l’homme, c’est-à-dire les pro-

cessus psychosociaux de son rapport à la technolo-gie ;

• R(O) la régulation de l’organisation, les formes de changements organisationnels réactives à la mise en place du nouveau dispositif.

Moins il y a de désaccord entre les modèles de connais-sances en jeu et plus la relation symbiotique est impor-tante. Autrement dit, plus les niveaux et les processus sont compatibles, plus l’utilisation générale d’une TIC s’en trouve optimisée : plus S(f), H(f), T(f) sont proches ; plus U(S(f)), H(S(f)), T(S(f)) sont également proches ; et plus R(S), R(H), R(O) le sont aussi ; et plus le système technologique est d’une nature symbiotique optimisée.

Les résultats présentés, qui se situent au niveau des re-présentations (car il s’agit d’un questionnaire), nous amènent à considérer que l’échelle proposée présente des qualités statistiques qui vont dans le sens d’une valida-tion du modèle de la symbiose humain-technologie-organisation. En effet, si l’on s’intéresse aux sous-échelles, on s’aperçoit que celles-ci sont toutes très for-tement corrélées à l’échelle globale de symbiose. Nous pouvons donc penser que presque tous les items et toutes

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les sous-échelles sont une mesure pertinente de la sym-biose telle que modélisée dans le tableau 1, c’est sans doute un élément de validation qui souligne (comme at-tendu dans [5 et 6]) que la symbiose est un phénomène constitué de cognitions interdépendantes et imbriquées les unes dans les autres.

Finalement, le score global de symbiose est conforme à celui que nous attendions, même au-delà. Aussi, avons-nous tendance à penser que ces résultats sont suffisam-ment significatifs pour que de nouvelles passations de ce questionnaire aient lieu sur un échantillon plus large.

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Métamorphose des IHM et Plasticité :Article de synthèse

Gaëlle Calvary Joëlle Coutaz Olfa Dâassi Vincent Ganneau

Lionel Balme Alexandre Demeure Jean-Sébastien Sottet

Université Joseph-FourierLaboratoire CLIPS-IMAG

BP53, 38041 Grenoble Cedex [email protected]

RESUMECet article traite de la métamorphose des InterfacesHomme-Machine (IHM) qui, grâce aux progrès techno-logiques, passent du centralisé au distribué, du classiqueà l’exotique, du monomodal au multimodal, del’explicite à l’implicite, du sédentaire au nomade et durigide au plastique. L’article se focalise sur la plasticitédes IHM, c’est-à-dire la capacité d’une IHM à s’adapterà son contexte d’usage (<utilisateur, plate-forme, envi-ronnement>) dans le respect de son utilisabilité. Un es-pace problème est dressé, recensant les questions à seposer lors de l’ingénierie d’IHM plastiques. Ces ques-tions sont aujourd’hui ouvertes, en l’attente d’un reculsuffisant pour l’élaboration peut-être de recommanda-tions ergonomiques servant alors de garde-fou àl’ingénierie d’IHM plastiques.

MOTS CLES : Métamorphose des IHM, plasticité desIHM, adaptation, contexte d’usage, utilisabilité.

ABSTRACTThis paper deals with the metamorphosis of User Inter-faces (UI) in ambient intelligence. Thanks to technologi-cal advances, UIs can now be distributed, multimodal,exotic in their input and output devices, no more limitedto explicit interaction, mobile and plastic. This paper fo-cuses on plasticity. In Human-Computer Interaction,plasticity refers to the ability of a UI to withstand varia-tions of context of use while preserving usability. Aproblem space is provided. It identifies open issues thatcomputer scientists have to deal with when developingplastic UIs. A revision or extension of traditional ergo-nomic criteria might be relevant for both guiding devel-opers and sustaining evaluation.

KEYWORDS : Metamorphosis of UIs, advanced UIs,plasticity of UIs, adaptation, context of use, usability.

INTRODUCTIONJusqu’ici l’interaction Homme-Machine était confinée àune unique plate-forme : l’utilisateur était scotché à sonordinateur boîte grise et interagissait avec ses tradition-nels clavier-souris. Les Interfaces Homme-Machine(IHM) étaient conçues selon des méthodes centrées utili-

sateur [16] en renfort desquelles venaient les critèresd’ergonomie. Par exemple, dans le référentiel de C. Bas-tien et D. Scapin [3], le critère de guidage/sous-critèreretour d’information qui prône l’affichage del’information là où l’utilisateur est censé regarder pou-vait être interprété comme : au moins afficherl’information dans la zone la plus visible de l’écran.Dans ce même référentiel, le critère charge de tra-vail/sous-critère actions minimales qui incite à une lon-gueur de trajectoire d’interaction la plus courte possibleétait entendu comme : réduire le nombre d’actions phy-siques (déplacements de la souris, entrées de données)nécessaires à l’accomplissement d’un but. Si la com-plexité de l’ouvrage pour des IHM classiques s’est tou-jours soldée par un échec des générateurs d’IHM [14], ledéconfinement des IHM complexifie encore le problème.

Avec les avancées des réseaux et les progrès en miniatu-risation, l’utilisateur est imaginé comme mobile, évo-luant dans un environnement varié et recourant, de ma-nière opportuniste, à des plates-formes d’interaction di-verses. Si cette vision séduit du point de vue de l’usage,elle pose de nouveaux défis en ingénierie de l’InteractionHomme-Machine. Vous êtes au salon, confortablementinstallé dans votre canapé quand tout à coup votre mo-bile, perdu au fin fond de votre sac, vous annoncel’arrivée d’un message (SMS). Dans le meilleur des cas,vous entendez la sonnerie et courez à la recherche devotre mobile. Mais quid alors des critères de guidage etcharge de travail ? Dans le pire des cas, vous n’entendezpas la sonnerie et découvrez votre message trois joursplus tard. Pourquoi votre SMS ne s’afficherait-il pas surla surface d’affichage à laquelle vous faîtes face (mur,télévision, etc.), filtrant les éléments du SMS selon votrecontexte d’usage ? Si typiquement vous êtes en récep-tion, il pourrait être indiscret de dévoiler l’identité del’émetteur. En revanche, au départ de vos convives,pourquoi la pièce ne vous rappellerait-elle pasl’existence de ce message en attente ? Pourquoi ne vouspermettrait-elle pas d’y répondre sans grimper à l’étagepour chercher votre mobile ? La notion d’espace interac-tif prend alors tout son sens extirpant le desktop de saboîte grise.

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Dans une première section, l’article dresse les lignes deforce de la métamorphose des IHM. Parmi elles, nousretenons la plasticité qui, lorsqu’appliquée aux IHM, dé-note la capacité d’un système interactif à s’adapter à soncontexte d’usage dans le respect de son utilisabilité. Lecontexte d’usage est ici défini comme un triplet <utilisa-teur, plate-forme, environnement>. L’article se focalisesur la plasticité. Il en présente l’espace problème mettantainsi au jour un ensemble de questions à se poser lors del’ingénierie d’IHM plastiques. Ces questions, au-jourd’hui sans réponse, pourraient justifier une relecture,voire un ré-examen des critères et recommandations er-gonomiques actuels pour mieux assister les informati-ciens dans la conception et l’évaluation de tels systèmes.

METAMORPHOSE DES IHMAvec les avancées technologiques, les IHM passent :

• Du centralisé au distribué. Pour exemples : la méta-phore du peintre explorée dans Pick and Drop [20]ou la télécommande universelle développée dansPebbles [15]. Les IHM ne sont plus concentrées enun unique écran. Elles s’étalent sur un ensemble deplates-formes mettant à profit les caractéristiquesintrinsèques et extrinsèques de ces plates-formes.Dans Pick and Drop par exemple (Figure 1),l’assistant personnel (PDA), par son caractère mo-bile (intrinsèque) est perçu comme une paletted’outils dans laquelle l’enseignant vient piochercouleurs, dessins, films…

Figure 1: La métaphore du peintre dans Pick and Drop[20]. L’IHM de l’éditeur de dessin est distribuée entre un

PDA et un PC.

On pourrait imaginer d’autres rôles aux PDA, parexemple, l’affichage d’informations personnelles.Par leur petite taille d’écran et a priori leur proximitéde l’utilisateur, l’information devrait en effet y êtrepeu lisible pour des coups d’œil indiscrets ;

• Du classique à l’exotique dans les dispositifsd’entrée/sortie. Alors que nos ordinateurs de bu-reaux arborent inlassablement le triptyque écran-clavier-souris, des prototypes de recherche rivalisentd’imagination tant en entrée qu’en sortie. Pour

exemples, AmbientRoom [12] (Figure 2) qui imagi-nait les fioles comme dispositifs de sortie ou plus ré-cemment l’IO Brush [23], un pinceau magique per-mettant de prélever un motif (couleur, texture, mou-vement) dans le monde physique puis de le repro-duire et le manipuler dans le monde numérique. Enproduits commercialisés, mentionnons le lapin deViolet (le « Nabaztag ») qui allie entrée et sortie(http://www.nabaztag.com).

Figure 2: De l’écran aux fioles en dispositifs de sortie[12].

Si ces dispositifs restent marginaux, ils forcentnéanmoins une ouverture d’esprit : les sorties nesont plus limitées aux seuls écrans et les entréespeuvent être médiées par des dispositifs autres queles claviers-souris. Dès lors, les notions d’entitésphysiques et de rôles supplantent l’ex triptyqueécran-clavier-souris [13]. Un mur est une entité phy-sique appropriée pour jouer le rôle de surfaced’affichage. Le doigt ou un stylo par leurs formesallongées peuvent jouer le rôle de dispositifsd’entrée. Quant à la main, certains y voient dansl’alignement des doigts l’opportunité d’un affichagepar lignes [1] (Figure 3).

Figure 3: La main en dispositif de sortie [1].

Ainsi, tout objet de l’environnement, dès lors qu’ilest perçu et/ou manipulable par le système, devientdispositif potentiel d’entrée/sortie et prend alors partà la plate-forme au même titre que les anciensécrans-claviers-souris. C’est un déconfinement desIHM au profit du monde physique. Les recherchesen systèmes mixtes entrent dans ce cadre ;

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• Du monomodal au multimodal. Classiquement,l’interaction Homme-Machine privilégie la vue, letoucher et l’ouie. Les autres sens humains sont né-gligés. Le projet Exhalia de France Telecom explorel’olfactif. Lorque l’utilisateur navigue sur Internet,des odeurs accompagnent les images. Les recherchessont aujourd’hui prospectives, mais on pourrait ima-giner, pour la sécurité, d’exprimer un danger ou d’enrenforcer le signal par une odeur diffuse.L’utilisateur n’est alors plus rivé devant l’écran oule voyant. L’odeur est diffusée là où l’utilisateur setrouve, satisfaisant ainsi l’exigence de retourd’information telle qu’exprimée dans le référentielde C. Bastien et D. Scapin [3] ;

• De l’explicite à l’implicite. Alors que les actionsphysiques explicites de l’utilisateur sur les disposi-tifs d’entrée dirigeaient jusqu’ici l’interactionHomme-Machine, elles perdent aujourd’hui leurmonopole. Désormais, la pièce peut vous écouter,comprendre le propos du discours et en compléter lateneur par des informations affichées, par exemple,au mur. C’est de l’interaction implicite ;

• Du sédentaire au nomade. Jusqu’ici scotchées à leurordinateur d’exécution, les IHM "valsent" désormaisdans leur espace interactif, au gré de l’utilisateur,selon l’arrivée et le départ de ressources. Elles mi-grent partiellement ou totalement, changeant ainsileur état de distribution et s’adaptant si nécessaireaux capacités de la plate-forme cible. Typiquement,dans les surfaces augmentées de Rekimoto [21], laprésentation des objets (tables et chaises) s’adapte àl’inclinaison horizontale (vue de dessus 2D) ou ver-ticale (perspective 3D) de la surface d’affichage (Fi-gure 4).

Figure 4 : Les objets s’affichent en 2D versus 3D selonl’inclinaison de la surface d’affichage (table horizontale /

écran vertical) [21].• Du rigide au plastique. Alors que jusqu’ici les IHM

étaient "de marbre" répondant aux seules actions del’utilisateur, elles s’adaptent désormais à un contexted’usage changeant. On parle de plasticité lorsquel’adaptation se fait dans le respect de l’utilisabilité.Un exemple classique est celui de FlexClock [11]qui, selon la taille de la fenêtre, affiche l’heure cou-

rante de différentes façons et rajoute la date lorsquececi est possible (Figure 5). Cette forme de plasticitéest appelée remodelage : elle joue sur la présentationdes concepts du domaine et des tâches utilisateursans changer l’état de distribution de l’IHM : l’IHMétait centralisée sur une certaine machine M. Ellereste centralisée sur cette même machine M.

Figure 5 : Dans FlexClock [11], la présentation del’heure et optionnellement de la date s’adapte à la taille dela fenêtre. C’est un exemple de remodelage. A l’époque, la

plasticité n’était étudiée que sous cet angle.

C’est plus tardivement que la réflexion est élargiecomprenant que la métamorphose des IHM diversi-fie les leviers de plasticité. Par exemple, dans Se-dan-Bouillon [2] (un site web pour la promotion despays de Sedan et Bouillon, site web plastique déve-loppé dans le cadre du projet européen CAME-LEON), l’arrivée d’un PDA est vue commel’opportunité d’étaler l’IHM entre l’actuel PC et cenouveau PDA. Dans ce prototype, lorsquel’utilisateur Lionel se ballade sur le site web à partird’un PC (log_Lionel_0 sur la figure 6a) et s’yconnecte subitement via un PDA (log_Lionel_1),une proposition de redistribution lui est faite (Figure6a) : le site est structuré en un titre, une barre de na-vigation et un contenu. Lionel peut afficher là où ille souhaite les différents espaces de travail. Lionelchoisit d’avoir le titre et le contenu sur PC (Figure6b) et souhaite disposer sur PDA du titre et de la na-vigation (Figure 6c). Cette redistribution lui permetde parcourir le site, confortablement installé dansson canapé. On notera que, dans ce prototype,l’adaptation est placée sous le contrôle del’utilisateur. Ce contrôle explicite requiert une IHM(Figure 6a). Nous appelons méta-IHM cette IHM dela plasticité. La méta-IHM est en charge de rendreobservable et contrôlable à l’utilisateur le processusd’adaptation.

Si, dans la métamorphose des IHM, la multimodalité(du monomodal au multimodal) est un moyen deremodelage en plasticité, les autres axes relèvent de

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la redistribution : "du centralisé au distribué" est uneredistribution de l’IHM sur la plate-forme ; "du clas-sique à l’exotique", une redistribution entre lesmondes physique et numérique ; "de l’explicite àl’implicite", une redistribution des tâches entrel’utilisateur et le système, "du sédentaire au no-made", une redistribution dynamique. La redistribu-tion est donc un levier fondamental à considérer encette période de métamorphose des IHM. Elle peut,en pratique, être assortie d’un remodelage pours’accommoder de capacités différentes entre lesplates-formes source et cible. Par exemple, alors quesur PC la barre de navigation figurait en bandeaugauche, elle apparaît horizontalement en partie hautesur PDA (Figure 6c).

Figure 6 : (a) Méta-IHM rendant observable le contexted’usage (ici les plates-formes) et proposant à l’utilisateur

une redistribution. Lionel demande à disposer sur PC(log_Lionel_0) du titre et du contenu (a et b) et placer sur

PDA (log_Lionel_1) la navigation et le titre (a et c).

Jusqu’ici les deux leviers (remodelage et redistribution)ont été étudiés de façon cloisonnée (découverte progres-sive des difficultés et séparation des préoccupations). Lasection suivante en propose un espace problème unifica-teur.

PLASTICITE DES IHMLa plasticité des IHM est une propriété des systèmes in-teractifs qui fut introduite en 1998 en réponse à la diver-sité des plates-formes [25]. Comme à l’évidence l’IHMne peut être la même sur grand et petit écran, l’idée étaitde régler, par l’adaptation, les coûts de développement etde maintenance ainsi que les incohérences ergonomiquesrésultant de développements cloisonnés entre les ver-sions petit et grand écran. Très vite, l’environnement estconsidéré, l’utilisateur ensuite, pour enfin revenir à laplate-forme comprenant que les IHM n’étaient plus seu-lement centralisées et sédentaires mais pouvaient se re-distribuer au gré du contexte d’usage en termesd’utilisateur, de plate-forme et d’environnement. La dé-finition était alors posée.

Le sujet connaît très vite un vif engouement. Différentsangles d’attaque se dessinent, en particulier le multici-blage (méthodes et outils pour la construction d’IHMadaptées à un contexte d’usage donné – pour exemple,des outils de forward et reverse engineering tels que Te-resa [4] ou WebRevenge [19]), l’information située [24]et la technologie support dite « context aware compu-ting » [7]. Ces différents éclairages confirment la com-plexité de l’ouvrage.

L’ambition de cette section est une prise de recul parrapport aux différentes recherches pour établir un espaceproblème unique regroupant et structurant les questionsclé de l’ingénierie d’IHM plastiques. La structurations’appuie sur la décomposition fonctionnelle présentée enFigure 7. Cette décomposition fonctionnelle rappelle quela plasticité s’appuie sur des fonctions de reconnaissancedu contexte d’usage ; qu’elle consiste à calculerl’évolution du système interactif sur changement de cecontexte ; que cette évolution peut être apprise ; et enfinque l’ensemble du processus peut être placé sousl’observabilité et/ou le contrôle de l’utilisateur via uneméta-IHM. Cette section examine chaque fonction.

Figure 7 : Décomposition fonctionnelle d’un système interactifplastique.

(a)

(b)

(c)

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Contexte d’usageSi dans la définition de la plasticité, le contexte d’usageest défini en termes d’utilisateur, de plate-forme etd’environnement, dans les faits, les travaux se cloison-nent selon la couverture faite du contexte d’usage. Cer-tains se focalisent sur l’adaptation à l’utilisateur [8] ;d’autres sur l’adaptation à la plate-forme [2] tandis quel’environnement reste à notre connaissance encore peuconsidéré. Reconnaître le contexte d’usage, c’est enpremier lieu le percevoir. Dans les travaux de Crowley[6], la perception est dirigée par l’action : ne sont perçusdans le contexte que les éléments jugés pertinents pourdiriger l’action, c’est-à-dire l’adaptation. Un modèle decontexte définit les indices à percevoir, par exemple« batterie faible » qui déclenchera un changement de si-tuation. Le contexte est modélisé comme un graphe desituations. Les actions (par exemple, migrer vers la plate-forme la plus proche) sont attachées aux changements desituation. Les avantages de l’approche sont nombreux :(a) restreindre la perception à son strict minimum ; (b)maintenir l’état courant du contexte et son historique. Enpratique, la perception du contexte requiert des capteurs.Rey [22] propose des contexteurs pour la mise à disposi-tion, au bon niveau d’abstraction, des informations decontexte aux systèmes interactifs. Les fonctionsd’évolution disposent de ces informations pour calculeret mettre en œuvre la bonne réaction (par exemple, mi-grer).

EvolutionL’évolution est en charge du calcul et de la mise en œu-vre de la réaction. Deux leviers sont identifiés : le remo-delage et la redistribution. C’est par l’étude du remode-lage que les recherches en plasticité commencèrent. Unpremier résultat fut l’identification des niveauxd’abstraction auxquels l’adaptation peut avoir lieu [26].Le modèle d’architecture logicielle ARCH était mis àprofit pour distinguer cinq niveaux d’abstraction : lenoyau fonctionnel (NF), l’adaptateur de noyau fonction-nel (ANF), le contrôleur de dialogue (CD), les présenta-tions logique et physique. Les recherches étaient alorsmenées dans le seul cadre du graphique. Depuis, d’autresmodalités sont considérées, en particulier le vocal [4]. Ildevient alors pertinent de préciser si les modalités hu-maines sont préservées ou non lors du remodelage. Onparlera de remodelage intra-modal (par exemple graphi-que vers graphique) lorsque la modalité est préservée,d’inter-modal (aussi dit transmodal, par exemple, gra-phique vers vocal) pour un changement de modalité et demultimodal dès lors que des modalités sont combinées(par exemple, graphique et vocal dans Teresa [4]).L’intégration de la perspective système de la notion demodalité telle que définie par L. Nigay [17] est un pro-longement direct au travail.

La redistribution joue sur l’éparpillement de l’IHM surles différentes plates-formes. On distinguera les redistri-butions qui conservent l’état centralisé d’une IHM (mi-gration totale du PC vers le PDA ; ces redistributionssont notées C C sur la Figure 9 pour Centralisée versCentralisée), l’éclatent la faisant passer d’un état centra-lisé à distribué (c’est le cas de Sedan-Bouillon où le sitese répartit entre le PC et le PDA ; elles sont notéesC D) ; la reconcentrent sur une unique plate-forme, lafaisant ainsi passer d’un état distribué à centralisé(D C) ou en changent l’état de distribution (D D).Dès lors que l’IHM est distribuée, il convient de réfléchirau rôle de chaque plate-forme. Sont-elles par exemplecomplémentaires en charge chacune d’un sous-ensembledes tâches utilisateur ? Agissent-elles en totale équiva-lence permettant à l’utilisateur de réaliser sa tâche soitsur le PC soit sur le PDA, à sa convenance ? On voit queles propriétés CARE [5] (Complémentarité, Assignation,Redondance, Equivalence) sont ici pertinentes pour rai-sonner sur la distribution de l’IHM.

D’un point de vue de la mise en œuvre de la réactionqu’elle soit de type remodelage et/ou redistribution, sixdimensions sont à considérer :

• La granularité de l’adaptation. L’adaptation se fait-elle au grain de l’interacteur, compactant par exem-ple un jeu de boutons radio en un menu déroulant ?Se fait-elle au grain de l’espace de travail, c’est-à-dire d’un ensemble de tâches logiquement connec-tées (modification d’un canevas ou d’une fenêtre engraphique) ? Ou modifie-t-elle au contraire toutel’IHM ?

• La localisation interne (aussi dite close, notée I)et/ou externe (aussi dite open, notée E) del’adaptation [18]. Il s’agit ici de décider qui del’IHM (interacteur, espace de travail ou application)ou d’un tiers (un intergiciel de l’adaptation) embar-que les mécanismes d’adaptation. Aucune recom-mandation n’existe sur le dosage d’interne/externe.Des critères de performance ou d’ouverture peuventêtre typiquement considérés. Les approches à ser-vice poussent très fort à l’ouverture. L’opportunismequ’elles laissent percevoir (j’arrive à la gare, je dis-pose d’un service imprévu) va dans le sens del’informatique ambiante ;

• Les espaces technologiques au sens de l’IngénierieDirigée par les Modèles (IDM ou Model Driven En-gineering en anglais), par exemple, JAVA, HTML,etc. …). L’adaptation est-elle intra-espace technolo-gique (par exemple, JAVA vers JAVA), inter-espaces (par exemple, HTML vers JAVA) ou multi-espaces combinant par exemple JAVA et HTMLavant et après transformation ?

• La production statique (S) et/ou dynamique (D) desIHM. Les IHM sont-elles préfabriquées (statique)

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et/ou générées à la volée (dynamique) ? Dans Artis-tic Resizing [9], c’est un mixte de statique et de dy-namique qui est opéré. Les IHM sont préfabriquéesà des instants clé de l’interaction (échantillonnage etcréation par des designers) ; les transitions sont cal-culées à la volée ;

• Le déploiement statique (S) ou dynamique (D) del’adaptation. L’utilisateur doit-il quitter sa session(statique) le temps que l’adaptation se fasse oul’adaptation se fait-elle à la volée (dynamique) per-mettant, en parallèle, à l’utilisateur de poursuivre satâche ?

• Le grain de reprise, qui permet de mesurer en termesd’actions physiques le coût de l’adaptation pourl’utilisateur. Trois grains sont identifiés : l’actionphysique (l’utilisateur ne perd aucune action lors del’adaptation – dans Sedan-Bouillon, si l’utilisateuravait sélectionné « Hotels » sur son site Web, cettesélection est conservée lors de la migration de labarre de navigation sur PDA : l’option « Hotels » yest sélectionnée) ; la tâche (seules les tâches utilisa-teur achevées sont alors restaurées – les actions phy-siques contribuant à la réalisation d’une nouvelle tâ-che sont perdues) ; la session (l’utilisateur redémarrede zéro : il a perdu le bénéfice de toutes ses actions).

ApprentissageL’apprentissage est une dimension nouvelle en plasticité.L’idée serait ici d’ajuster les règles d’évolution (parexemple, préférer les remodelages aux redistributions)selon les préférences et habitudes utilisateur. Les travauxen User Modeling entrent dans ce cadre.

Méta-IHMLa méta-IHM concerne le degré de contrôle accordé àl’utilisateur dans le processus d’adaptation. Au regard ducritère de Guidage/sous-critère Retour d’information [3],l’observabilité est le degré minimum. Au delà de cetteseule observabilité, une négociation peut être opérée en-tre l’utilisateur et le système. La dominance del’utilisateur ou du système est à étudier. Cette réflexionest liée aux critères de contrôle explicite et d’adaptabilité[3] qui méritent d’être ré-examinés sous cet angle.

Dans le processus d’adaptation, nous distinguons cinqétapes sujettes à observabilité et/ou contrôle : la recon-naissance du contexte d’usage (rendre observable àl’utilisateur l’arrivée d’un PDA par exemple) ;l’initiative de l’adaptation, le calcul et la mise en œuvrede la réaction (migrer vers le PDA) et enfin l’évaluationde la réaction et son apprentissage. Ces étapes sont un af-finement de Dieterich [8].

Contrairement aux autres fonctions de l’adaptation(contexte, évolution, apprentissage) qui ont déjà faitl’objet de travaux à finalité de plasticité ou autre, le ter-

rain est quasiment vierge en matière de méta-IHM : au-cune théorie, aucun modèle, juste quelques idées de mé-taphores. Par exemple, nous envisageons les ciseaux (Fi-gure 8a) ou les déchirures (Figure 8b) pour exprimer lecaractère détachable ou déchirable d’une IHM : détacha-ble, l’utilisateur peut la découper pour éventuellement laredistribuer ; déchirable, c’est à ses risques et périls, uneperte d’utilisabilité pouvant s’encourir. Nous envisa-geons les aimants pour exprimer la compatibili-té/incompatibilité d’IHM, les puzzles pour exprimer lacomplémentarité (CARE). Le domaine du "End-UserProgramming" est ici à examiner.

a) b)

Figure 8 : Vers de nouvelles métaphores. Ici, les ciseaux et lesdéchirures pour exprimer le caractère détachable versus déchi-

rable d’espaces de travail.

La Figure 9 résume l’espace problème ainsi obtenu. Cetespace problème est à destination des concepteurs pourles aider à (a) imaginer des solutions innovantes et (b) seposer les bonnes questions quant à leur ingénierie. Il neprétend pas à l’exhaustivité mais compile un ensemblede questions en cours d’exploration dans la littérature ouà investiguer.

CONCLUSION ET PERSPECTIVESCet article caractérise, dans un premier temps, la méta-morphose des IHM puis se focalise sur la plasticitémontrant comment les autres dimensions y sont mises àprofit pour passer d’IHM rigides à des IHM capables des’adapter à leur contexte d’usage. Un espace problèmeest dressé, compilant des questions essentielles pourl’ingénierie d’IHM plastiques. Au delà des modèles,méthodes et outils permettant la construction, l’exécutionet l’évaluation de telles IHM, nous voyons comme pers-pective au travail l’utilisabilité. Alors que la plasticitérevendique dans sa définition la préservation del’utilisabilité, très peu de travaux sont paradoxalementmenés sur cet axe. Des premières règles de dégradationélégante d’IHM apparaissent [10] sans qu’une concilia-tion et intégration ne soit faite, à notre connaissance,avec les référentiels existants. Le sujet est loin d’être closs’ouvrant sur de nombreuses communautés.

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Figure 9 : Espace problème de la plasticité. Dans cet espace, les croix (+) dénotent des valeurs non exclusives contrai-rement aux tirets (-).

.

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Importance of peer-to-peer ad hoc collaboration in thedevelopment of large software systems

Sébastien Cherry

Département de génie informatiqueÉcole Polytechnique de Montréal

C.P. 6079 succ Centre-villeMontréal, Qc. Canada, H3C 3A7

[email protected]

Pierre-N. Robillard

Département de génie informatiqueÉcole Polytechnique de Montréal

C.P. 6079 succ Centre-villeMontréal, Qc, Canada, H3C 3A7

[email protected]

ABSTRACTSoftware development is an intensive cognitive task inwhich co-located team-mates experience peer-to-peercollaboration, which is composed of face-to-face com-munications and in e-mail interactions. Global softwaredevelopments are oriented toward the use of interactivesoftware tools to support and increase the efficiency ofglobally distributed software developments. This empiri-cal study explores the mechanisms of ad hoc collabora-tion in a complex industrial software development envi-ronment. Observations based on audio-video recordingare analyzed with a methodology from the human sci-ences research domain. The observed characteristics ofpeer-to-peer ad hoc collaborative activities are pre-sented, showing the impact of the participant roles on thead hoc communications profile. There is a very greatneed for ad hoc face-to-face communications in co-located team-work, and these could represent up to 30%of the total team time resources. E-mail interactions werefound to be relatively less important. The various profilesof ad hoc communications are compared and globalcommunications patterns are presented.

KEY WORDS: Ad hoc collaborations, face-to-face com-munications, e-mail interactions, empirical studies, teamcollaborative activties, communications profiles.

INTRODUCTIONSoftware engineering is becoming increasingly recog-nized as a human experience, in spite of the fact that thehuman aspects of software development have been stud-ied little in the past. The whole system is quite complex,since humans interact with computers through varioussoftware tools, and they also interact among themselvesto share information and synchronize their mental modelof the system to be designed. With the rise in globalsoftware development, numerous software tools are be-ing built to facilitate distributed development and teaminteraction. We realized that not much is known abouthuman interaction in co-located teams, which is essen-tially ad hoc and based on peer-to-peer collaborationsand e-mail exchanges.

This shortcoming, according to Perry, Staudenmayer andVotta [8], is primarily the result of the difficulty in quan-titatively measuring the human facets of engineering.However, as observed by Seaman [11], more and morestudies have been aimed at measuring the so-called “peo-ple factors”. Of these factors, communication [12], coor-dination [4,5] and collaboration [10] among software en-gineers are relevant aspects on which a number of re-searchers have focused in the past few years.

Along a similar line of study, Perry, Staudenmayer andVotta, who are pioneers in the field, tried to describehow developers spend their time as a software develop-ment project unfolds [8]. Their study showed, amongother things, that developers spend 75 minutes per dayon unplanned informal communications. This observa-tion was later supported by Robillard and Robillard intheir study of the different types of collaborative workperformed in software engineering [10]. These types are:mandatory meetings, called or scheduled meetings, adhoc meetings and individual work. A later study byD’Astous and Robillard [3] analyzed the patterns of ex-change between team-mates during called meetings.These meetings are scheduled in advance and are mostlypeer-review meetings. They built a model to representthe qualitative and quantitative importance of the variousexchanges that occur during these meetings.

Ad hoc collabaorations are more difficult to study, giventheir spontaneous nature. They are nevertheless impor-tant, since they account for a significant amount of thetime spent on a software project, as observed by Perryand his colleagues. These observations convinced themof the importance of these activities to team dynamics, aconviction shared by many other authors in subsequentstudies. Herbsleb and Grinter [5] and Seaman and Basili[12] come to mind. Despite a fairly large consensus, noknown study has yet described and characterized ad hoccollaborative activities and their corresponding commu-nications patterns.

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These studies are important for measuring the impact ofnew technologies such as e-mails and chats on the effi-ciency of team interaction in building large and complexsoftware projects.

RESEARCH METHODOLOGIESDuring the course of this research, the observer acts as acomplete participant for several reasons, the most impor-tant being that the topic of this research was to study theefficiency of ad hoc collaborative activites, includingtheir content [1]. The nature of the interactions betweenthe observed software developers required that the ob-server be in a position to understand the jargon used byobservers in their everyday work, as well as the cultureof the organization and the sub-culture of the team [6].Thus, in order to reach this level of understanding, theobserver had to become involved fairly actively in theactivities of the group. In addition, in order to observesituations that were as valid as possible, the observer hadto adopt the viewpoint of an insider, and thus, as dis-cussed above, become an insider himself. However, toavoid introducing subjectivity into the research, the datawere validated and analyzed by researchers who were notinvolved with the team studied.

Our observations, based on audio-video recording, weremade on a software development team performing in alarge software development organization. This team wascomposed of 13 individuals ranging widely in age, withdifferent levels of schooling from bachelor’s to doctoraldegrees in the computer sciences and engineering, andexperience ranging from 2 to 16 years in the field andfrom 9 months to 5 years of service in the company. Inaddition, even though this team is evolving within a largesoftware organization having a highly standardized proc-ess and comprising several thousand software developersin several countries, the setting has the attributes ofsmaller organizations as well, since development is di-vided among a number of small teams of up to 15 mem-bers each, often located in one place. However, develop-ers regularly need to cooperate with stakeholders fromremote locations and in different time zones. This is be-cause they are organized according to their functionalexpertise as well as by product areas or software compo-nents, all of which are ultimately tightly integrated toform a enormous solution of millions of lines of code. Inthis complex context, collaboration with a wide range ofexperts is essential.

The observation phase was conducted in two successiveperiods. The first, which we have called the ethno-graphic period, occupied a time interval of severalmonths during which the observer was integrated withinthe group as a regular employee.

All the necessary measures were put into place to guaran-tee the ethical use of recordings, and our research proto-

col was approved by an independent committee at theÉcole Polytechnique de Montréal, which is mandated tosupervise research with human subjects. An Ethics Cer-tificate was issued for this research.

The issue of potential bias due to the presence of thecamera was addressed by beginning to record threeweeks before our desired start date in order to allow oursubjects, who were not aware of this buffer period, to be-come accustomed to the presence of the camera, thus re-ducing bias to a minimum.

The audio-video recording was combined with othermethods, including the automatic copying of all elec-tronic e-mail messages exchanged between the membersof the group by means of the messaging software used inthe company, a daily backup of the source code of thesoftware developed from the versioning system, as wellas all the files found on the file server used by the teamwhere working documents were stored. With the audio-video recordings and e-mail messages, we were confidentthat we could capture some of the complexity of the cog-nitive behaviors of software developers in a complex en-vironment. Then, during the two months of the observa-tion and data collection phase, we gathered the followingdata:

• nearly 200 hours of audio-video recordings ofworking sessions;

• around 2,500 e-mail messages exchanged be-tween team-mates;

• daily backups of the source code from the ver-sioning system;

• all the documents found on the file servershared by the team.

This paper reports on the analysis of the peer-to-peer adhoc collaborations, which is composed of face-to-face(F2F) communications and the e-mail interactions.

DATA VALIDATIONA detailed analysis was performed on the data obtainedfrom four of the twelve members of the team observed.These subjects were chosen because, through a judgedsampling, they were identified during our ethnographicphase as presenting a much more representative behaviorthan the others.

A stratified sample of working sessions was analyzed,and, from that first sample, a number were removed inorder to discard bias due to nonrepresentative sessions,where some of the subjects were absent or involved informal meetings, which prevented them from collaborat-ing with their colleagues as they usually did. Finally,

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nearly 35 hours of audio-video recordings were analyzed,during which a total of 431 ad hoc collaborative activi-ties were observed involving our four subjects interactingwith one another, as well as with other stakeholders.

SUBJECT ROLESThe observations of the team-mates in their normal day-to-day activities prior to the beginning of recordingmade it possible for us to identify the role of each of thefour subjects within the team dynamics.

• The rookie (MS1) is the new recruit on theteam. He tries to gather, consolidate and crystal-lize all the pieces of information in order to un-derstand the environment as well as the techni-cal content related to developing and maintain-ing software.

• The coach (MS2) is the project manager whooccupies the formal leadership position. His in-terests are centered as much on the task as onthe person, hoping for little more than adequateoutput while he tries to convince and motivatehis subordinates by making occasional com-promises.

• The reference (MS3) is responsible for configu-ration management. While he is not to be con-sidered a guru, he is a fount of knowledge forhis colleagues, who often ask him for informa-tion or help in solving problems.

• The cooperator (MS4) does not play any spe-cific formal or informal role on the team. He isthe embodiment of the average developer, per-forming his tasks well and cooperating fruitfullywith his colleagues.

MEASUREMENTS OF AD HOC COLLABORATIONSAd hoc collaborations were identified as activities form-ing a logical communicative unit of one or more se-quences that presents an evident internal continuity,while at the same time being distinct from what precedesor follows it, as defined by [7]. We recall the very spe-cific nature of these collaboration, which are spontane-ous, unplanned and of unknown duration. Ad hoc activi-ties, by contrast, are seen by most of the subjects as aninterruption of what they are doing.

Figure 1 illustrates the importance of ad hoc collabora-tons. It shows the average percentages of ad hoc collabo-rative work observed for each subject throughout the to-tal length of the analyzed recording.

For example, MS1 spends 21% of his total working timeon ad hoc activities. The two subjects who exhibit lead-ership in one form or another (MS2 or MS3) spend more

time on ad hoc collaboration than the other two subjects.The coach and the reference roles accounted for 29% and41% of their total time spent on ad hoc collaborative ac-tivities respectively. As for the rookie, MS1, and the co-operator, MS4, they spent an average of 21% and 25%percent respectively.

21

29

41

25

0

10

20

30

40

50

MS1 MS2 MS3 MS4

Participant

%Ad Hoc

Activities

Figure 1. Average percentages of ad hoc collaborativework observed per participant.

On a team basis, the ad hoc activities account for almost30%, on average, of all their activities. Ad hoc collabora-tions are only one component of collaborative activities.The other two main collaborative activities are scheduledmeetings and mandatory meetings. Team-mates also per-form individual work.

Ad hoc activities must be initiated by someone. Figure 2shows the percentage of interactions initiated by eachsubject. For example, MS1 was involved in 108 ad hoccollaborations, of which he initiated 69, which adds up to64%. The rookie, MS1, initiated almost twice as manyad hoc collaborations as the other team members. Thismakes sense, since the rookie was new to the team andon his way up the learning curve. His efficiency dependson gathering more information than the other players.This data may quantify the belief that adding someonenew to a project that is late will just delay the project fur-ther, since many ad hoc collaborations are initiated bythe newcomer to catch up with the team expertise.

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90

0

20

40

60

80

MS1 MS2 MS3 MS4

Participant

%InitiatedAd Hoc

Activities

Figure 2 Percentage of ad hoc collaborations initiated bythe participants.

The four observed participants worked as a team on afew components of a large project. In the course of theirtasks, they needed to interact with the other 13 partici-pants making up the larger group, and also with threepeople from outside this larger project group. At thesame time, people from outside the observed teamneeded to interact with the team members.

0

10

20

30

40

50

60

70

Replied Initiated Replied Initiated Replied Initiated Replied Initiated

MS1 MS2 MS3 MS4

Team

EXT

Figure 3. Number of ad hoc collaborations responded toand initiated from within and from outside the team.

Figure 3 presents the number of ad hoc collaborationsinitiated from within and from outside the team for eachobserved participant. For example, looking at the secondpair of columns, starting from the left, we see that MS1initiated almost 40 ad hoc collaboarations with his team-mates, while he responded to almost 30 ad hoc collabo-rations from someone outside the team. We observe thatthere is almost as much collaborations between the team-mates as with people outside the team. MS2, who occu-pies the role of manager, is the main link for ad hoc col-laborations coming from outside the team, as expected.

The Internet, and specifically e-mail interaction, is animportant tool for facilitating written ad hoc collabora-tions, particularly in the software development environ-ment. However, there is an important difference betweenF2F ad hoc communications and e-mail interactions. F2F

ad hoc communications is always synchronous, while e-mail interactions could be asynchronous.

We studied the exchange of e-mail messages to see howthis collaboration mechanism compares to F2F commu-nications within this project environment.

e-mail messages

0

10

20

30

40

50

60

Replied Init iated Replied Init iated Replied Init iated Replied Init iated

M S1 M S2 M S3 M S4

Team

EXT

Figure 4. Number of e-mail messages responded to andinitiated from within and from outside the team.

Figure 4 shows that e-mail interaction was not used in-tensively within the team. The team members seemed toprefer F2F communications. However, e-mail was ex-tensively used by MS2, the manager, to interact withpeople outside the team, and, by the same token, theyused e-mail to interact with him. Comparing Figures 3and 4, we see that MS2 is the only team member with asmany e-mail interactions as F2F communications.

PATTERNS OF AD HOC COLLABORATIONSAd hoc collaboration, F2F communications and e-mailinteractions constitute an important component of co-located team dynamics. Below, we integrate the data ofall the participants to derive general patterns of ad hocactivities.

The box on the right-hand side of Figure 5 represents theteam activities of the four observed participants. In it,we represent the relative percentages of ad hoc collabo-ration within the team. The upper round arrows indicatethat 17% of the total number of ad hoc collaborations areF2F communications among the four observed teammembers, while the lower round arrows indicate that 4%of the total team collaboration are e-mail interactionsamong the same participant.

The ad hoc activities involving people outside the ob-served team are represented by the straight and brokenarrows on the left-hand side of the team box. The tail ofthe arrow indicates the origin of those activities. An ar-row originating on the left and pointing to the box repre-sents ad hoc activities that are initiated by people outsidethe team for which observed teammates are respondingto. An arrow originating from within the team box andpointing toward the left to the outside represents ad hocactivities that are initiated by one of the four team mem-

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bers. Straight arrows represent F2F communications, andbroken arrows e-mail interactions.

Ad hoc collaboration profileF2F communications and

e-mail interactionsResponded to

16%

23%

Initiated

17%

Face-to-face

E-mail

4%

11%

9%

E-mail

Face-to-face

Figure 5. Overview of face-to-face communications ande-mail interactions.

The upper arrow pointing to the right, toward the teambox, indicates that 23% of the ad hoc F2F communica-tions with one of the team-mates were initiated by a per-son outside the observed teammates. The second upperarrow pointing to the left, away from the team box, indi-cates that 16% of the ad hoc F2F communications wereinitiated by one of the team-mates to a person outside theteam. The broken arrow second from the bottom, point-ing toward the team box, indicates that 11% of the adhoc e-mail interactions were initiated by a person outsidethe team. The broken arrow at the bottom, pointing to theleft, away from the team box, indicates that 9% of the adhoc e-mail interactions were initiated by one of the team-mates to people outside the team.

We see that F2F communications is still the dominantmeans for people to collaborate, both within the teamand with people outside the team. It should be remem-bered that this study was conducted on a co-located team,and that the dynamics of ad hoc collaborations could bequite different within teams whose members are scat-tered.

Figure 6 shows some of the previously presented results,combined in the form of a path analysis of the ad hoccollaboration network between the participants and otherstakeholders. This diagram stresses the main characteris-tics of the four participants and their respective roles.The size of the bubbles represents the relative proportionof all collaborations in which each particpant was in-volved. The size of the arrows depicts the relative num-ber of collaborations initiated by the particpant fromwhom the arrow originates, and directed to the partici-pant toward whom the arrow is directed. For example,the communication channel MS1-MS2 has 13 communi-cations through MS2, and 8 through MS1. Arrows also

point from and toward those outside the team, namely 13other individuals in the organization who have collabo-rated with the observed participants. Each arrow pointingaway from or toward those outside the team refers to thetotal number of ad hoc collaborations among any of the18 people involved. For example, MS1 initiated 36 adhoc collaborations with someone outside the team of fourobserved participants, and 41 ad hoc collaborations wereinitiated by someone outside the team.

Figure 6. Path analysis of the ad hoc collaboration net-work between the participants and other individuals

Figure 6 presents, in detail, the ad hoc collaboration pat-terns between the team of observed participants and peo-ple outside the team. The rookie (MS1) has absorbed in-formation from the team. He mostly initiated ad hoc col-laborations to obtain information, as is shown by the factthat there are large arrows pointing away from MS1, andhe is rarely involved in responding to requests fromwithin the observed team. This is a quantitative demon-stration of the impact of a newcomer on the team dynam-ics.

The cooperator (MS4) was involved with the oppositesituation, as shown by the fact that there are many largearrows pointing toward him, which indicates that peoplehave been asking him questions. He was more often in-terrupted by ad hoc collaborations than he was initiatingad hoc collaborations. This pattern quantitatively con-firms his cooperator status. He communicates informa-tion in F2F relationships with his colleagues, eventhough he was not involved in a significantly higher per-centage of collaborations than the rookie.

The reference (MS3) shows an interesting pattern. Heseems to have transferred the information from the out-side world to the team. There is a large flow of informa-tion coming in from outside, and this flow is propagated,through him, to the team, specifically toward MS2 andMS4. We may recall that MS1 is a junior team member,

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and so is not likely to have answers to the questionsposed by MS3. These data quantify the importance of thereference role to the team dynamics.

The coach (MS2) was the main ad hoc collaborator withpeople outside the team. It is interesting to note that theinput from outside the team is almost as important as thatfor MS4, but, in this case, there is no pattern of internalpropagation of the information. MS4 was probably proc-essing the information himself. His ad hoc collaborationwith the other team members are more balanced.

CONCLUSIONThis paper presented an empirical study conducted in anindustrial software engineering setting with the objectiveof measuring and analyzing the complexity of the ad hoccollaborative activities observed in a professional soft-ware development team. Ad hoc collaborations havebeen observed in previous studies, but, up to now, therehas been little published research on this type of activity,even though it may account for a fairly large proportionof the time spent on a software project. Observationalapproaches borrow from the social sciences, enabling usto quantitatively measure the activities sustaining ad hoccollaborations.

Such studies reveal the importance of face-to-face com-munications in team activities. This study was conductedin a high-technology environment with experts in soft-ware engineering. It is interesting to note that e-mail in-teractions is not the main channel for collaboration inthis setting. Personal contact is an important parameter inteam activities. Viewed from the outside, the team seemshave good cohesion and capable of working on this pro-ject autonomously. This analysis shows that, although theteam has good internal cohesion, the members collabo-rate with the outside world as much as they do amongthemselves.

The need for collaboration in a complex environment isshown to be very important. The ergonomics of theworking space for a software development project shouldtake this into account.

This study provides some quantitative basis for evaluat-ing the cost of ad hoc collaborations with respect to thevarious roles. The reference subject plays an importantrole in that he is a channel of communication between theteam and people outside the team. A significant amountof his time is devoted to this activity. The managershould take this into account in planning the referencesubject’s tasks.

This analysis stresses the importance of participant rolesin ad hoc collaborations. New team members need toachieve team-level expertise, and, in order to do so, theyneed to communicate on an ad hoc basis even if formal

training is available. Ad hoc collaboration is a kind of‘just in time’ learning. Some people are friendly and col-laborate with everyone, and others act as a kind of a guruwho is a resource for all. The cooperator subject of thisstudy exhibited this pattern. This individual is an impor-tant team member, either because of his knowledge or hisability to help others, or both. Undue pressure on him fortask completion is likely to affect some team members,since a number of teammates rely on him. It is generallyacknowledged that managers are fairly busy. In thisstudy, we can see that his ad hoc collaborations with in-dividuals outside the team are more important than thosewith the observed team-mates.

Software development is becoming so complex that teamactivities are required in most projects. Team activitiesbased on human collaboration are requirements for theemergence of design and new ideas. The social scienceshave proven sets of methods and research paradigms tostudy human collaboration. This paper illustrates howthese approaches can be used to derive the exchange pat-terns of ad hoc collaboration in a team project.

Our study provides a deep understanding of the humanactivities performed within a software development team,and enables us to better understand and quantify the vari-ous roles of participants. Although this case study isbased on the observation of a specific organization,which constitutes the primary limitation of this type ofresearch, the results can be extrapolated to some extentto a broader set of contexts, any software developmentorganization for example, and possibly any team settingwith similar dynamics.

ACKNOWLEDGMENTThis research would not have been possible without theagreement of the company in which it was conducted,and without the generous participation and patience ofthe software development team members from which thedata were collected. To all these people, we extend ourgrateful thanks. This research was supported in part byNSERC grant A-0141.

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Pour une meilleure prise en compte des opérateursdans la conception de nouveaux produits à partir d'une

démarche d’évaluations combinées de l’activité

Chemins de fer fédérauxsuisse, Brückfeldstrasse 16,

CH-3000 Bern [email protected]

Université de TechnologieBelfort-Montbeliard,

Laboratoire Système etTransport, F-90010 Belfort

[email protected]

Institut de MédecineAérospatiale du Service de

Santé des Armées, BP 73, F-91220 Brétigny sur Orge

[email protected]

RESUME

MOTS CLES :

ABSTRACT

KEYWORDS :

INTRODUCTION ET PROBLEMATIQUE

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MÉTHODOLOGIE

Sélection de méthodes d’évaluation etcomplémentarité des intervenants

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APPLICATIONIntroduction

Diagnostic de l’existant (étude de faisabilité)

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Evaluation de l’activité future et définition d'unconcept (études préliminaires)

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ÉvaluationsHRA

Propositions

Prototypage

Simulationsempiriques

Solutionacceptable

modifications

© 2006, CFF SA, P-OP

DISCUSSION

oo

o

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Produit

Prototype

Avant-projets / Préconcept

Étap

essu

cces

sives

Généralisation

Activité future souhaitable et scénarios

BESOIN

Solution intermédiaireacceptable

Caractérisation

Modificationsouhaitée

Modificationsouhaitée

Cahier des charges fonctionnelles

Étape suivanteÉtape suivante

Conformité validée

Produit finalacceptable

Études détailléesIndustrialisation

Étude de faisabilité

Évaluationscombinées

Études préliminaires

• •

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CONCLUSION

REMERCIEMENTS

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Performances et usages d’un environnementd’apprentisage de la programmation

« basé sur exemple ».

Nicolas Guibert, Patrick Girard, Laurent GuittetLISI / ENSMA

Téléport 2 - 1 avenue Clément AderBP 40109

86961 Futuroscope Chasseneuil cedex{guibert,guittet,girard}@ensma.fr

RESUMEMalgré la place grandissante occupée par l’activité deprogrammation, en tant qu’outils d’analyse ou instru-ments de mesure, dans les sciences expérimentales, sonapprentissage demeure toujours très difficile. De nom-breuses études ont caractérisé les erreurs et difficultésrencontrées par les programmeurs novices. Depuis quel-ques années, nous explorons l’utilisation d’un paradigmeparticulier, la programmation sur exemple, dans le but deréduire ces difficultés.

Le travail présenté ici se veut une évaluation de cettedémarche, et sera articulé autour de deux axes, celui del’analyse des usages et celui de l’efficacité del’apprentissage. Trois expérimentations de MELBA,l’outil développé dans le cadre du projet, utilisant diver-ses méthodes d’évaluation, sont ainsi présentées et ana-lysées.

MOTS CLES : Psychologie et didactique de la program-mation, Programmation sur exemples, EnvironnementInformatique pour l’Apprentissage Humain, Expéri-mentations, Occulométrie.

ABSTRACTAlthough computers and programs have now become es-sential in experimental sciences such as analysis ormeasurement tools, many students still find learningComputer Science is extremely difficult. Many studieshave characterized the errors and difficulties encoun-tered by novice programmers. For some years, we ex-plore the use of a particular paradigm, programming byexample, to lower these difficulties.

The work being presented here intends to be an evalua-tion of this approach, in the perserpective of analysingits efficiency in learning, and how learners appropriateit. Three experiments of MELBA, the tool developed inthe context of the project, using different methods andmetrics, are thus described and discussed.

KEYWORDS : Psychology and didactics of program-ming, Programming by demonstration, Computer-aidedlearning and teaching, Experimentations.

INTRODUCTIONAlors que micro-ordinateurs et programmes informati-ques se sont implantés dans de nombreuses disciplinesscientifiques en tant qu’outils d’analyse ou instrumentsde mesure (physique, chimie, sciences de la vie… onparle même dans ce dernier cas de bio-informatique),l’acquisition des compétences requises pour la concep-tion de programmes ne se fait pas aisément. Käasboll[10] rapporte que, de par le monde, entre 25 et 80 % desétudiants sont en situation d’échec. Pourquoi la pro-grammation est-elle si difficile d’accès ? Nous nous atta-chons, en préambule, à ébaucher une réponse à cettequestion. Pour cela, à partir de la littérature en psycholo-gie ou en didactique de la programmation, nous prati-quons une synthèse des différents types de difficultésauxquelles sont confrontés les programmeurs débutants.

Par la suite, nous définissons l’approche suivie pour ré-duire ces difficultés, et décrivons l’outil réalisé dans laperspective de la mettre en œuvre. Puis, nous présentonsune évaluation de l’apprentissage réalisée à partir dedeux expérimentations en situation réelle, et discutonsdu choix et de la pertinence des métriques et du proto-cole, en comparaison avec d’autres études en psycholo-gie de la programmation. Enfin, nous complétons cetteévaluation et analysons les usages de l’environnement àpartir des résultats d’une expérience avec un oculomètre.

DIFFICULTES DANS L’APPRENTISSAGE DE LAPROGRAMMATION.Duchâteau propose la définition suivante de la pro-grammation : « faire faire une tâche à un ordinateur »[5]. Cette définition peut être raffinée en un modèle de laconception d’un programme (figure 1), qui nous permetde regrouper les difficultés et les erreurs des program-meurs novices, rencontrées dans la littérature [4; 12; 13].

La première étape, le "quoi faire", consiste à définir pré-cisément la tâche à automatiser pour parvenir aux spéci-

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fications du programme. Cependant, cette étape est géné-ralement court-circuitée : les tâches concernées sont très(ou trop) simples (pour un humain). Les premières diffi-cultés surviennent donc à l’étape suivante, lorsque l’ons’efforce d’abstraire une stratégie en permettantl’automatisation.

Figure 1: Modèle de conception d’un programme, d’après [5].

Cette activité met en exergue la première difficulté ma-jeure de la programmation, à savoir la difficultéd’abstraction : le programmeur doit factoriser dans leprogramme l’ensemble des comportements de la tâche. Ilen résulte un « syndrome de la page blanche », mis enévidence notamment par Käasboll. Selon les étudiants :

« … lorsque le problème est présenté … on le dé-compose comme ça, comme ça, comme ça. Tout al’air simple et très logique, et puis c’est à toi etOuch! Par quoi je commence ? Peut-être que c’estfacile, mais le problème c’est que tu ne sais pas parquel bout commencer quand il faut résoudre le pro-blème … »

L’étape suivante, « comment faire faire », décrit cettestratégie sous une forme compréhensible par l’exécutant-ordinateur. Le programmeur débutant est alors confrontéà une difficulté importante venant de la distance cogni-tive séparant sa sémantique de la tâche de la sémantiqueutilisée par l’ordinateur.

Considérons une description informatique d’un trianglepar : « int [][] ABC = {{2,2}, {4,13}, {10,6}} ». Cetteprésentation « formelle » [5], issue de la sémantique del’ordinateur, diffère grandement de la représentation quel’humain peut se faire des données de la tâche1 (enl’occurrence le triangle). Cette problématique est com-pliquée par le fait que, comme le fait remarquer Ben-Ari[1] le débutant ne possède aucun modèle « naïf » de 1 Notons bien que ce « fossé cognitif » touche à des re-présentations « conceptuelles », et qu’il est donc quasi-ment indépendant du choix du langage de programma-tion que fera l’enseignant. Par exemple, il sera identiqueavec Ada, Pascal et C, car tous trois sont des langagesprocéduraux qui manipulent les même concepts.

l’ « intérieur » de l’ordinateur. Une personne, étudiant laphysique, cherche à comprendre des phénomènes qui(pour la physique élémentaire !) lui sont déjà familiers.En revanche, en informatique, l’expérience pratique desordinateurs (suite bureautique, Internet, jeux vidéos …)est pratiquement inutile pour comprendre la program-mation.

Après avoir traduit l’algorithme ainsi obtenu dans unlangage particulier, et après l’inévitable cortèged’erreurs syntaxiques peu utiles pour modéliser le fonc-tionnement de l’ordinateur, la dernière étape consiste àvalider le programme, par une série de tests, dontl’interprétation des résultats soulève les mêmes diffi-cultés. Il faut attendre cette phase (qui se caractérise parun retour d’information « inversé » dans le temps – 1, 2,3, figure 1) pour pouvoir juger de la validité de toutes lesprécédentes.

Cette absence d’écho immédiat est la troisième difficultémajeure de la programmation. Blackwell [2] qui, lui,parle de « perte de manipulation directe », note que cettecaractéristique est celle qui conditionne l’appellation de« programmation » dans le sens commun. Les gens di-sent qu’ils « programment » leur magnétoscope, leur siteWeb en HTML, etc. Cette absence représente bien sûrun important facteur aggravant pour les deux difficultésprécédentes…

Ces différentes difficultés nous ont conduits à définirtrois objectifs pédagogiques spécifiques :1. Apprendre à modéliser la tâche (abstraire de façon

exhaustive son déroulement)2. Apprendre le modèle d’exécution du programme

(être capable de faire le lien entre la position dans leprogramme et l’état du système).

3. Apprendre le modèle des données (pouvoir manipu-ler les structures de données informatiques et pou-voir modéliser les objets de la tâche par des structu-res adaptées).

Pour ce faire, il nous paraît essentiel de disposer d’unenvironnement d’apprentissage permettant de séparer leplus possible les activités et les difficultés liées à chaqueobjectif, afin de supporter un modèle incrémental de laprogrammation2.

2 En effet, contrairement à la physique (où on étudied’abord la cinématique du point, puis la mécanique dessolides, puis la mécanique des fluides), en programma-tion, l’apprentissage des différents concepts se fait qua-sisimultanément. Ceci est en partie du au fait quel’enseignement s’appuie sur des langages et des envi-ronnements « professionnels » (dans le sens où ilss’adressent tous à des programmeurs confirmés).

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UNE APPROCHE « BASEE SUR L’EXEMPLE » DEL’APPRENTISSAGE DE LA PROGRAMMATION.Tentant de réduire ces difficultés de conception, Smithintroduit avec Pygmalion le concept de « Programmationsur Exemple » ([3] et [9]). Le programme édité est asso-cié à un exemple concret, qui fournit en temps réel unretour sur le comportement du programme.

Illustrations de l’approche.Nous nous proposons à présent d’illustrer cette approcheà partir de deux exemples tirés de l’état de l’art, à savoirPygmalion [3], le premier environnement de program-mation basé sur l’exemple, et StageCast Creator [9], unenvironnement permettant de concevoir « sur exemple »des simulations ou des jeux vidéo en 2D.

Pygmalion, tout d’abord est un environnement de pro-grammation visuelle « sur exemple » basé sur la méta-phore du tableau blanc (ou noir), et sur le langageSmallTalk. Il ne s’agit donc pas d’un langage3 visuel àproprement parler, mais d’un espace de travail graphi-que. Comme on peut le constater figure 2, les différentesvariables et paramètres apparaissent sous la forme de ca-ses, lesquelles contiennent la valeur courante de la va-riable. L’état du programme peut ainsi être affiché de fa-çon exhaustive et continue, ce qui rétablit le principe demanipulation directe.

Figure 2: l’environnement de programmation Pygmalion ; lafigure représente la conception d’un programme calculant n ! .

Stagecast Creator, pour sa part, reprend l’approche surexemple en y ajoutant un aspect « pragmatique », dans lesens où toutes les actions sont exprimées dans le réfé-rentiel du domaine de la tâche, et non dans un référentielinformatique (par exemple, avec des trains et des rails, etnon pas avec des tableaux, des entiers, ou des «boo-léens» -figure 3).

3 Pour plus de détail sur la distinction entre langage vi-suel (comme G pour Labview) et environnement de vi-sualisation de programmes, le lecteur pourra consulterles taxonomies de Myers[10].

Figure 3: l’environnement Stagecast Creator, pendant la cons-truction d’une simulation de traffic ferroviaire

Pertinence et limitations de l’approche « sur exem-ple ».Dans le cadre de l’apprentissage de la programmation,l’écho immédiat pourrait permettre de construire un mo-dèle mental viable du comportement du programme, etune représentation graphique « pragmatique » de l’étatdu système devrait faciliter l’évaluation de celui-ci encomblant le gouffre d’évaluation lié à la différence deréférentiels. L’apprentissage du modèle informatique dereprésentation de la tâche serait alors l’étape suivante, etpourrait ainsi s’appuyer sur le socle de connaissancesdéjà existant.

On peut cependant reprocher aux systèmes « sur exem-ple » existants deux défauts majeurs. D’une part, ayantpour cible un public d’« utilisateurs finaux », ilss’attachent majoritairement à cacher le programme in-formatique qu’ils construisent, et donc ne permettent pasde construire la relation programme-état au cœur de nosobjectifs pédagogiques. D’autre part, l’évaluation pro-gressive de l’état du système est généralement obtenueen contraignant les possibilités d’interactions avec leprogramme.

En effet, l’écho proposé par le système impose obligatoi-rement que le programme soit toujours dans un état co-hérent. La plupart de ces environnements vont plus loinencore en obligeant le programmeur à entrer les com-mandes dans l’ordre chronologique. Les facilités appor-tées par l’évaluation progressive de l’état du système etl’expressivité des commandes sont alors gommées parces contraintes, que Green [7] désigne sous le terme d’« engagement prématuré ». Il leur manque le plus sou-vent la capacité de « revenir en arrière », ce qui génèreun grand « degré d’engagement », dans le sens où cha-que erreur oblige l’utilisateur à reprendre tout depuis ledébut. Il est donc conduit à planifier ses actions àl’avance (« prévisualisation forcée ») pour éviter lamoindre erreur.

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Zone dereprésentation et

d’édition duprogramme (sous la

forme d’un arbred’instructions)

Zone de sélection desinstructions / structures à

ajouter au programme

Exemple présenté sousforme graphiquepermettant de

visualiser l’état duprogramme.

Zone de changement de mode, permetde basculer en fonctionnement

interactif ou pas. La barre contrôle lavitesse d’animation de l’exécution (en

mode PLAY)

Zone de visualisation de latrace d’exécution du

programme

Figure 4 : Vue d’ensemble des composants de l’environnement MELBA.

Pour mesurer les apports que pourrait apporter àl’apprentissage l’usage d’un exemple concret pendant laconception du programme, nous avons conçul’environnement MELBA (Metaphor-based Environ-ment to Learn the Basics of Algorithmic) décrit par la fi-gure 4.

MELBA : UN ENVIRONNEMENT D’APPRENTISSAGEDE LA PROGRAMMATION « BASE SUR L’EXEMPLE »L’étudiant interagit avec le système en construisant parinsertions et suppressions le programme, qui est présentésous la forme d’un arbre. A chaque exercice est associéun ensemble spécifique de commandes et de tests, acces-sibles par menus déroulants dans la zone opération, quiagissent sur un modèle formel du système représentésous forme graphique dans la fenêtre d’exécution. Alter-nativement, il est possible de faire des exercices« classiques » manipulant des données informatiques parl’opération d’affectation. Une fenêtre d’historique sup-porte une représentation de la trace d’exécution du pro-gramme.

Le système peut être piloté suivant 3 modes. En mode« Record », les fenêtres d’exécution et d’historique sontsynchronisées avec l’instruction en surbrillance dans leprogramme. A chaque fois que l’utilisateur clique surune instruction et à chaque fois qu’une instruction est

ajoutée, l’environnement affiche l’état après exécutionde cette instruction, et la trace associée à l’exécution duprogramme jusqu’à ce point. « Lecture » fonctionne demême, mais propose une animation de l’exécution, etnon pas seulement le résultat. Enfin, « stop » désactivel’exécution immédiate, et le programme peut alors êtreédité de façon « classique ».

OBJETS DES ETUDES EXPERIMENTALESNous présentons dans les sections suivantes un ensembled’expérimentations sur l’environnement MELBA pouréclairer la pertinence de l’approche « à based’exemples » pour l’apprentissage de la programmation.Pour ce faire nous avons testé les hypothèses suivantes :1. L’évaluation progressive permise par une exécution

interactive peut-elle jouer un rôle positif dansl’apprentissage de la programmation ?

2. La programmation « sur exemple », vu qu’elleajoute des contraintes à l’édition du système, est elleutilisable par un apprenant débutant, ou bien le faitde devoir intégrer simultanément le fonctionnementd’un programme et le fonctionnement del’environnement crée-t-il chez lui une surcharge co-gnitive ?

3. Quelles compétences sont alors concernées, du dia-gnostic et de la compréhension de programmes àleur composition ?

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4. Est-il pertinent d’utiliser la visualisation de pro-gramme en apprentissage de l’algorithmique et de laprogrammation ?

5. Faut-il privilégier en ce cas une approche superfi-cielle (qui permet d’avoir rapidement une vued’ensemble de l’état du système) ou bien en profon-deur (qui fournit une information précise et détail-lée, mais nécessite d’être explorée par l’apprenant) ?

6. Ces deux approches peuvent-elles être combinées ?(par exemple en proposant deux représentations si-multanées et en partie redondantes entre lesquellesl’utilisateur pourrait créer des liens), ou cela crée-t-ilune surcharge cognitive ?

7. L’animation a-t-elle une importance critique dans lavisualisation de programme pour l’apprentissage dela programmation ? Ou bien est-il plus pertinent dereprésenter uniquement l’état du programme à cer-taines positions importantes (sur le modèle des« points d’arrêts » des debuggers) ?

CHOIX DES METRIQUES ET DES MODALITESD’EVALUATION.Concernant un environnement destiné à l’apprentissage,la mesure de l’utilité couvre deux aspects distincts et ce-pendant connectés [11]. D’une part, on souhaite évaluerl’apprentissage (de la discipline enseignée et non pas dela manipulation du système), et d’autre part on souhaitetester la capacité à réaliser des tâches (exercices de pro-grammation).

Pour ceci, nous allons utiliser des méthodologies de testsissues de différentes disciplines dont l’objet d’étude estl’apprentissage. On peut pratiquer une première disc-tinction entre méthodes « quantitatives », qui visent àquantifier l’impact d’un environnement sur la réalisationde tâches et/ou l’apprentissage, ou méthodes« qualitatives » qui permettent de comprendre le chemi-nement interne de l’apprenant ou de donner des indica-tions sur son degré de conscience face à son apprentis-sage. D’autre part, on peut distinguer deux types de me-sures : « en-ligne », où la mesure se fait pendant la tâche(nombres d’erreurs, temps pour accomplir la tâche, fixa-tions oculaires …) ou « hors-ligne ». Cette seconde ap-proche ne permet pas d’évaluer le comportement del’étudiant pendant son apprentissage, mais peut donnerdes informations importantes sur sa compréhension.

PREMIERE EXPERIMENTATION.Dans un premier temps, nous avons cherché à obtenirdes indicateurs sur la première hypothèse. Pour ce faire,nous avons choisi de pratiquer une évaluation en condi-tions réelles dans un cours d’initiation à la programma-tion en L3 pour des bio-informaticiens, comportant 4hde cours et 12 h de Travaux Dirigés (TD). Le choix de laméthode s’est portée sur une évaluation quantitativehors-ligne, sous la forme d’un test (classique dans cecontexte), avec documents, deux semaines après lesséances de TD, car notre objectif était de quantifier

l’impact à long terme sur la compréhension. Sur les 65étudiants suivant le cours, 24 ont utilisé l’environnementMELBA. Le reste de la promotion a suivi un cursus deTD classique (papier-crayon).

L’environnement Melba, dans cette expérimentation,était dégradé de telle sorte que seul le mode « sur exem-ple » (RECORD) était disponible, car cette fonctionna-lité constitue le socle de l’approche – et devait donc êtreévaluée en priorité (pas de programmation « classique »ni d’animation). L’historique n’était pas non plus dispo-nible. Les études sur les facteurs influant sur les résultatsaux premiers modules de programmation – telles que [6]- ayant mis en évidence une corrélation importante avecune expérience préalable en programmation, nous avonsfait en sorte de « distribuer » uniformément les élèvesayant déjà ces compétences. Les étudiants du groupemachine étaient répartis à un par machine. Les résultatsdu partiel montrent que le taux d’élève ayant la moyenneaux exercices portant sur les concepts travaillés avecl’outil est supérieure de 18 points dans le groupe avecMELBA (table 1). Cela représente une significativité de74% (0,26) selon le test khi2. Si, dans l’absolu, un tel ré-sultat est assez faible, au vu de la taille des échantillons,il s’avère suffisant pour ouvrir la voie à des expérimen-tations plus approfondies.

Groupes PsE(22)

Groupes témoins(43)

% de résultats>= moyenne

76 %(16)

58 %(25)

Table 1 : Résultats comparés des groupes avec et sans l’outil.

La répartition des notes (table 2) montre que les diffé-rences se concentrent essentiellement sur les notes lesplus faibles et sur les notes moyennes, même si le pour-centage de scores supérieurs à 75% est également supé-rieur avec l’outil. Ces résultats tendent à confirmerl’hypothèse 1.

Répartion des notes (par quart)Q1 Q2 Q3 Q4

Melba 2 (9%) 4 (18%) 6 (27%) 10 (45%)Témoin 10 (23%) 8 (19%) 8 (19%) 17 (40%)

Table 2 : Répartitions des notes des groupes avec et sansl’outil.

DEUXIEME EXPERIMENTATIONNous avons ensuite complété l’outil en ajoutant les au-tres modes, et en permettant deux types de visualisation.Pour le programme, le composant d’historique complètele panneau du programme, en permettant d’explorer trèsfinement la trace de l’exécution. Pour l’exemple, unevue « système » montrant les structures de données futrajoutée, pouvant remplacer ou compléter la visualisa-tion graphique de la tâche. Ces nouveaux composantsnous permettent dès lors de tester directement les hypo-

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thèses 4, 5, 6 et 7, par les mêmes modalités que précé-demment.

Nous avons donc mené une deuxième expérience sur uncursus d’ « Initiation à la programmation pour les biolo-gistes » en L1/L2. Celui-ci se décomposait en deux par-ties : une partie introductive, d’initiation àl’algorithmique (4h de cours et 6h de TD) validée par unpartiel, sans document, et une partie consacrée au lan-gage Perl. L’expérimentation avait pour cadre la pre-mière partie.

Sur les 41 étudiants qui suivaient ce cours, 17 ont forméun groupe de TD travaillant sur MELBA. Pour 15d’entre eux, ce cours était une première initiation. Pourdes raisons logistiques, les étudiants étaient 2 par ma-chine, et non pas seuls face à l’environnement. 24 autresont suivi un cursus de TD classique, parmi lesquels 18novices complets. Parmi les exercices du partiel, troisportaient sur un objectif spécifique traité avec l’outil enTD (voir table 3). Ce découpage plus fin doit permettrede tester la troisième question. Ces tâches ont donné lesrésultats suivants:

Notes supérieures à lamoyenne

Melba(15)

Témoin(18)

Description d’exécution: 6 (40%) 4 (22%)Rédaction de programme: 6 (40%) 6 (33%)Compréhension de la tâche: 14 (93%) 14 (78%)Total : 7 (47%) 5 (28%)

Table 3 : pourcentages de notes supérieures ou égales à lamoyenne dans les deux groupes, selon la tâche demandée.

On retrouve le même type d’écart observé dansl’expérimentation précédente, pour tout ce qui concernela compréhension (au sens large) de programmes (i.e.+18, +16 et +19 points). Ces écarts sont significatif àrespectivement 89, 68 et 86% selon le test du khi2. Lepremier et le dernier écart sont donc très significatifs depar la faible taille de l’échantillon. Pour ce qui concernel’écriture de programmes, l’écart est plus faible(« significatif » à 56% !).

Cela est étonnant, car le test de la première expérimenta-tion portait essentiellement sur cette activité. Plusieurshypothèses peuvent être faites à ce sujet, qui prennent encompte deux changements dans le protocole. D’une part,il est possible que placer les étudiants à deux par ma-chine ait changé la donne. Les étudiants ayant eu un rôlemoins actif n’auraient pas eu le même bénéfice dans unesituation de composition, mais que leur rôled’observateur leur ait permis de développer la compré-hension de programmes. La deuxième hypothèse seraitque dans le premier test, les étudiants ayant eu droit auxdocuments, leur meilleure compréhension des corrigésleur aurait permis de s’en inspirer efficacement.

Un des enseignements que l’on peut en tirer est que,alors que nous avons observé pendant les TD (évaluationen-ligne qualitative) que de nombreux étudiants faisaientun usage intensif de la fonctionnalité d’animation, les ré-sultats quantitatifs ne sont pas meilleurs pour autant. Enparallèle, nous avons noté une désaffection du compo-sant d’historique, et une utilisation exclusive de la repré-sentation la plus synthétique de l’état du système, quanddeux vues parallèles étaient proposées. Il sembleraitdonc que si la visualisation se soit avérée pertinente dansnotre cas (4) pour exprimer les relations état-programme,elle doive y être focalisée sur une vue superficielle per-mettant de donner du premier coup d’œil l’état généraldu système (5). L’hypothèse 6 sur l’usage en combinai-son des deux approches de la visualisation s’est avéréenon fondée. Le tableau 4 ci-dessous illustre la répartitiondes résultats dans les différentes tâches. Celle-ci s’avèreplus « uniforme » que lors du premier test, même si lepic au troisième quartant y réapparait lors de la tâche decompréhension, la différence dans Q4 se retrouvant, elle,dans la tâche de rédaction.

Répartition des Notes (Description de la trace) :Q1 Q2 Q3 Q4 >=50%

9 (60%) 0% 4 (27%) 2 (13%) 40%12 (67%) 2 (11%) 2 (11%) 2 (11%) 22%

Répartition des Notes (Rédaction de programme) :Q1 Q2 Q3 Q4 >=50%

5 (33%) 4 (27%) 2 (13%) 4 (27%) 40%5 (28%) 7 (39%) 2 (11%) 4 (22%) 33%

Table 4 : Répartition des notes dans les deux groupes.

USAGES DE L’ENVIRONNEMENTPar ailleurs, dans le but de répondre aux questions tenantplus à l’usage et à l’accomplissement de la tâche (2, parexemple), une évaluation en-ligne s’imposait, car seulecette approche est à même de quantifier les usages et lesdifficultés d’utilisations éprouvées par les apprenants.Pour cela, une expérimentation a été conduite sur unoculomètre Tobii 1750 par Multicom, à Grenoble, au-près de 6 sujets, 3 étudiants de première année et 3 ly-céens de première S. Deux tâches spécifiques (compré-hension et correction, rédaction complète) y ont été étu-diées. Cette expérience a délivré des traces de deux ty-pes, d’une part des indicateurs oculaires, d’autre part lelog des clics souris, notamment sur les changements demode.

Indicateurs Oculaires Les indicateurs de l’oculomètre (table 5) nous permettentainsi de répondre rapidement à la dernière question. Onconstate que la zone d’historique est très peu regardée(respectivement 2,5% et 1,1% des fixations oculaires),les zones les plus pertinentes pour les apprenants étant(sans surprise) le programme, suivi des zones opérationet exécution. La deuxième information importante est la

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forte augmentation du pourcentage de fixations dans leszones programme et opération au détriment de la zoneexécution, lors de la tâche 2.

Zône d’intérêt Tâche 1 Tâche 2Programme 45,5% 51,9%Exécution 24,2% 9,8%Opérations 18,8% 28,5%Historique 2,5% 1,1%Modes 3,3% 1,9%Popups_erreur 5,7% 6,8%

Table 5 : Distribution des fixations en pourcentage, pour lestâches de correction (1) et de rédaction de programme (2).

Les différences de nature entre les deux tâches peuventêtre considérées comme la première raison de ces chan-gements. En effet, la première tâche consiste à corrigerun programme existant, donc l’exploration du pro-gramme pour le comprendre est essentielle et explique laplace prépondérante des zones de programme etd’édition. A contrario, dans la deuxième tâche, le pro-gramme manipulé est celui de l’utilisateur, de plus cons-truit progressivement, et ne nécessite donc pas une ex-ploration approfondie pour en inférer le sens. Cette hy-pothèse est cohérente avec les transitions entre zones(Figures 5a et 5b). Les transitions Programme-Exécutionne diminuent que de 4 points environ, ce qui atteste quec’est l’exploration interne de la zone d’exemple qui di-minue dans la seconde tâche, bien plus que les consulta-tions de celle-ci.

Figure 5a : Transitions entre les différentes zones del’interface, dans l’exercice de détection/correction d’erreur.

Figure 5b : Transitions entre les différentes zones del’interface, dans l’exercice de rédaction de programme.

Par ailleurs, ces indicateurs laissent à penser que la re-cherche d’un écho du système à chaque modificationn’est pas systématique, ce qui contredit un peu le para-digme « sur exemple ». Pour pouvoir confirmer ou in-

firmer cette hypothèse, analysons l’utilisation des diffé-rents modes du système.

Traces des clics souris Intéressons-nous en premier lieu à la répartition del’usage des modes sur l’ensemble des deux tâches, enmesurant le prorata de temps passé dans chaque mode(table 6). Le temps passé en mode interactif (qui fournitun écho actif : RECORD et PLAY) est plus important,ce qui confirme le besoin d’un retour rapide et facile àdécrypter. Néanmoins les valeurs importantes de PLAYet STOP semblent également confirmer la difficultéd’intégrer le paradigme d’édition « sur exemple ». Parailleurs RECORD progresse au détriment de PLAY.Cela n’est qu’à première vue incohérent avec les indica-teurs oculaires. En effet, si le nombre de commandesexécutées est de 10, par exemple, le programmeurconsulte l’exemple 10 fois en mode PLAY, contre 1 enmode RECORD (l’état final)…

Mode : Debug : Composition : Total :RECORD 26,2% 37,6% 31,9%PLAY 29,2% 19,3% 24,2%STOP 44,3% 43,1% 43,7%

Table 6 : Répartition de l’usage des différents modes du logi-ciel pour chaque tâche.

Ces informations demeurent cependant encore trop géné-rales pour pouvoir tirer des conclusions sur les usages del’environnement. Les tables 7a et 7b répertorientl’utilisation de chaque mode par chaque sujet. On cons-tate une grande variabilité interindividuelle. On peut ce-pendant extraire trois catégories, une proche de la pro-grammation « sur exemple » (80%+ en mode interactif,édition en RECORD), une correspondant à ce que per-mettent les environnements de programmation classique( 35% PLAY, 65% STOP) et un profil hybride ( 50%interactif).

Exercice 1 – Correction d’erreursSujet RECORD PLAY STOP TempsS1 73,9% 13,3% 12,2% 17 mn 07 sS2 10,4% 35,5% 53,2% 17 mn 24 sS3 70,4% 11,8% 17,9% 4 mn 52 sS4 0% 34,6% 65,4% 10 mn 24 sS5 2,4% 38,4% 58,4% 2 mn 58 sS6 0% 41,8% 58,2% 4 mn 25 s

Table 7a : Utilisation de chaque mode par chaque sujet, ettemps de réalisation (1° tâche)

On peut constater que les trois profils sont équitablementrépartis et ne sont pas en corrélation avec le tempsd’accomplissement de la tâche. De plus, un individu peutchanger de profil d’une tâche à l’autre (tels que S1, S2,et S4). Il se peut que le choix du style d’interaction selonla tâche dépende du style d’apprentissage du sujet ou

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d’une autre caractéristique cognitive. Le confirmer oupas demandera des investigations ultérieures.

Exercice 2 – Composition de programmeSujet RECORD PLAY STOP TempsS1 23,2% 12,9% 63,8% 8 mn 10 sS2 78,8% 4,5% 16,7% 16 mn 45 sS3 91,6% 0% 8,4% 4 mn 45 sS4 28,9% 21,4% 49,8% 8 mn 35 sS5 0% 28,7% 71,3% 8 mn 42 sS6 3,1% 48,1% 48,8% 17 mn 07 s

Table 7b : Utilisation de chaque mode par chaque sujet, ettemps de réalisation (2° tâches)

CONCLUSION ET PERSPECTIVESDans cet article, nous avons étudié la pertinence d’unparadigme alternatif de conception : « la programmationsur exemple » pour supporter l’apprentissage de la pro-grammation. Pour cela, nous avons proposé une synthèsedes différents types de difficultés auxquels sontconfrontés les étudiants en initiation à la programmation,qui semble attester de l’adéquation de cette approche auxobjectifs pédagogiques.

Nous avons présenté un environnement d’apprentissagede la programmation, MELBA, basé sur ces concepts, etrapporté les résultats de trois expérimentations menéessur cet outil pour évaluer l’approche. En travaillant surla base de sept hypothèses, nous sommes arrivés à uncertain nombre de conclusions :

L’évaluation progressive permise par une exécutioninteractive joue un rôle positif dans l’apprentissaged’un modèle d’exécution du programme (H1), enparticulier en compréhension de programme, et enrecherche / correction d’erreurs (H3).Pour cela, des techniques de visualisation de pro-gramme proposant un modèle graphique de l’état dusystème sont nécessaires (H4) ; pour être efficaces,elles doivent fournir une vue d’ensemble d’où lesinformations importantes peuvent être extraites ra-pidement (H5).Combiner plusieurs modèles graphiques de la mêmeinformation semble inutile et superflu (H6).L’animation de l’exécution du programme, quoiquenaturellement utilisée par beaucoup d’étudiants, nesemble pas apporter de gain quantifiable (H7).Les mesures des usages nous indiquent que la pro-grammation « sur l’exemple » est utilisée indiffé-remment par des néophytes ou par des étudiantsplus qualifiés (H2). Cependant, les contraintesqu’elle impose sur l’ordre d’édition n’en font pro-bablement pas le mode d’interaction le plus naturelpour nombre d’apprenants.

Ces mesures nous ont amenés à définir deux autres pro-fils d’utilisation, eux aussi indépendants du niveau en

programmation. L’association de ces trois profils à descaractéristiques cognitives de l’apprenant est une pisted’approfondissement, tout comme étudier la pertinencede l’approche en enseignement à distance.

REMERCIEMENTSNous souhaitons remercier les membres de l’équipeMulticom du laboratoire CLIPS-IMAG pour leurconduite de l’expérimentation oculométrique, et leuraide à l’exploitation des résultats.

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Approches orientées services Web de l'IHM desupervision : nouvelles solutions technologiques pour

les ingénieurs et nouvelles problématiquespour les ergonomes ?

Djilali Idoughi (1,2) (1) Université A. Mira, Béjaia 06000, Algérie.

[email protected]

Christophe Kolski (2) (2) LAMIH-UMR CNRS 8530, University of valen-

ciennes and Hainaut Cambrésis, Le Mont Houy 59313, Valenciennes cedex 9,

[email protected]

RESUMEDans cet article, nous considérons l’IHM de supervision dans un contexte technologique nouveau et en constante évolution, lequel est caractérisé par des aspects impor-tants comme la mobilité et la coopération entre acteurs d’une part, et l’inter connectivité, l’interopérabilité et l’hétérogénéité des systèmes industriels utilisés d’autre part. De nouvelles solutions technologiques « attrayan-tes » pour les ingénieurs devraient conduire à de nouvel-les problématiques pour les ergonomes.

MOTS CLES : Supervision basée sur le web, Interac-tion Homme-Machine, Services Web, Architecture orientée services, Processus métier, Intégration de servi-ces.

ABSTRACTWe consider HCI issues for modern supervisory and control systems within a new technological context, in constant evolution. This evolution is characterized by some important features such as mobility, cooperation between human actors, but also interconnectivity, inter-operability and heterogeneity of industrial systems. New technological solutions, which are attractive for the en-gineers, have to lead to new problematics for the ergo-nomists.

KEYWORDS : Web-based Supervision, Human-Computer Interaction, Web services, Services oriented Architecture, Business processes, Services integration.

INTRODUCTIONL’Interaction Homme-Machine joue un rôle prépondé-rant dans tout système de supervision [18,22,23]. Depuis longtemps, on considère que l’opérateur humain en salle de contrôle doit disposer de vue(s) globale(s) sur le sys-tème tout en ayant la possibilité de modifier des valeurs de paramètres du procédé supervisé selon la situation en cours [10,16]. De façon plus globale, le système interac-tif mis à la disposition des différents acteurs (incluant les opérateurs de supervision) de l’organisation mise en place au sein de l’entreprise doit considérer les principa-

les missions de la supervision, en l’occurrence la surveillance, la gestion des alarmes, l’analyse des don-nées, l’amélioration de la maintenance, l’optimisation des procédés, la garantie de la qualité ou encore la ges-tion de la traçabilité. La facilité d’utilisation des différentes fonctions mises à la disposition de ces différents acteurs sera aussi d’une importance capitale [15].

La tendance actuelle dans l’industrie est d’intégrer de tels systèmes de supervision que l'on qualifie de tradi-tionnels, avec de nouvelles fonctions inhérentes au sys-tème d’information sous-jacent intégrant les personnes, le(s) process et les informations, lesquels peuvent être accédés désormais en dehors de la salle de contrôle. Grâce à l’évolution au niveau des nouvelles sciences et technologies de l’information et de la communication, différents supports d’information peuvent même être maintenant envisagés (PDA, Pocket PC, téléphones por-tables, etc.) [8] et font d’ailleurs d’ores et déjà l’objet de nombreuses réalisations dans les industries de process, alors qu’elles n’ont fait l’objet que de peu d’évaluations sous l’angle de l’ergonomie.

Pourtant, différents modes d’utilisation, différentes res-sources matérielles imposent des interactions Homme-Machine différentes. A l’évidence, l’IHM d’une applica-tion ne peut être identique sur un téléphone portable ou sur une station de travail en raison de leurs différences en termes de ressources matérielles (taille de l’écran, ab-sence de claviers, etc.) [25]. Ceci induit non seulement le développement de solutions interactionnelles ou d’IHM dédiées, mais aussi de préciser clairement les différentes classes d’utilisateurs concernées et les différents types de tâches qui sont susceptibles d’évoluer suite à l’apport de ces nouveaux moyens d’interaction.

Dans ces conditions, la nécessité ou le besoin d’une nouvelle approche pour la conception et l’évaluation de ces nouveaux systèmes de supervision de processus in-dustriels devient impératif ; de nouvelles perspectives et problématiques semblent apparaître pour les ergonomes.

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Certes le concepteur des nouvelles IHM de supervision doit proposer une méthodologie de conception dont le rôle central est l'opérateur humain, mais la supervision conventionnelle ou traditionnelle est profondément dif-férente de celle basée sur les technologies de l'informa-tion, notamment celles du web. En ce sens, les besoins et les spécifications de l'opérateur dans le contexte d'une supervision basée sur le web sont ou peuvent être expri-mées différemment. Jusqu'à présent, les recherches me-nées sur l'IHM en général et la supervision en particulier ont proposé des méthodologies de conception d'IHM d'une manière générale où les spécifications de l'opéra-teur vis-à-vis de l'IHM de supervision ne sont exprimées que par rapport à un contexte centralisé de la supervision (en salle de contrôle), difficilement modifiable.

Peu de travaux ont été réalisés pour obtenir un retour d’expérience quant à l’exploitation et l'utilisation des technologies du Web et d’internet dans le contexte de la supervision, malgré un potentiel mis en évidence par plusieurs auteurs [11,28,32,33]. En réalité, la supervision et le contrôle basés sur Internet sont un nouveau et ré-cent concept où réellement peu de travaux ont été effec-tués pour développer des méthodes de conception sys-tématiques, dans lesquels des volets importants de conception sont à considérer selon un nouvel angle de vue [33] ; en particulier : la spécification des besoins re-latifs aux acteurs de différents types distribués dans le temps et l’espace, la sélection d’architecture ou de mo-dèle d’architecture basé sur le web, la conception d’interface Web, la supervision et le contrôle (et un en-semble de tâches annexes) exploitant les potentialités du web, les tests de sûreté du système totalement distribué et l’accès concurrentiel aux utilisateurs (et donc pas seu-lement aux opérateurs de la salle de contrôle, mais à un ensemble d’intervenants de différents corps de métier, et de niveaux hiérarchiques variés).

Il s’agit à terme d’intégrer la dimension technologique notamment celle du Web et des sciences et technologies de l’information et de la communication dans le proces-sus de construction d’IHM de supervision basé sur la no-tion de services Web ; pour cela il devient possible pour les ingénieurs de s’appuyer sur une architecture orientée services dont les principales motivations et objectifs sont exposés brièvement ci-après.

NOUVELLES MOTIVATIONS ET NOUVEAUX OBJECTIFS POUR LES INGENIEURS Le besoin de réseaux de communication est né de l'inté-rêt de mettre à disposition des utilisateurs, répartis géo-graphiquement, des fonctions de traitement et des res-sources informatiques présentes sur un ensemble de sta-tions.

Les applications informatiques y compris celles de su-pervision sont devenues réparties et sont construites à partir de ressources matérielles et logicielles qui sont

physiquement séparées mais qui coopèrent pour réaliser différentes tâches. Par conséquent, les informations né-cessaires à une supervision sont devenues désormais dis-tribuées et l'accès à l'information, son traitement se font souvent dans des lieux différents. Le support de l'infor-mation est aussi très hétérogène, dû à la diversité des équipements, des différents systèmes d'exploitation, des langages de programmation, des nombreux types de ba-ses de données. Il apparaît donc nécessaire de considérer la supervision dans un environnement hétérogène et dis-tribué. Un traitement répondant à ce besoin est un trai-tement ouvert réparti.

Généralement, au niveau des différents responsables de départements ou services, comme par exemple des res-ponsables de production, méthodes, qualité, maintenance et autres, la supervision accumule un nombre considéra-ble d'informations devant être traitées et analysées effi-cacement et fiablement sachant que la complexité d'un système de supervision devient importante dès que les données échangées s’accroissent relativement au nombre de plus en plus important d'équipements qu’il devient possible de superviser. Par conséquent, la supervision doit pouvoir fournir suffisamment d'outils et de métho-des de visualisation et d'extraction d'informations per-mettant une information synthétique, accessible de par-tout, au moment voulu et indépendamment des disposi-tifs d'accès (PC, PDA, Pocket PC, etc...).

Une tendance actuelle tente de mettre la supervision au cœur de l'entreprise où tous les acteurs de cette entre-prise puissent interagir avec tous les processus métiers et en apportant de nombreuses possibilités de visualisation ou de vues de l'entreprise selon les besoins et les objec-tifs de chaque acteur dans un environnement Web ex-primés à l’aide de services Web. L'application web de supervision consultée par un opérateur humain résulte en fait de la mise en œuvre de services Web pouvant être assemblés et développés en interne à l'entreprise dans l'objectif d'intégration d'applications d'entreprise, de per-sonnes et de process, et en externe dans le cas de la su-pervision multi-sites par exemple ou d'ouverture de l'en-treprise à l'extérieur pour ses partenaires et fournisseurs.

ARCHITECTURE ORIENTEE SERVICES (SOA) ET CONCEPT DE L’ORIENTATION SERVICES L'architecture orientée services (SOA) est un moyen de réutiliser l'existant et de le transformer en des services plus agiles [5] (visant une grande interconnexion entre les différents départements, groupes de travail ou sim-ples acteurs de l’entreprise, pour aller vers des capacités de réactivité de plus en plus grandes). La base d'une SOA repose sur des services répondant aux critères sui-vants : faiblement couplés, distribués, invocables et pu-bliables et orientés métier. Avec ce type d'architecture, les processus métiers, les présentations des informations et contenus (écrans), les logiques applicatives et les don-nées sont séparées dans des couches distinctes et faible-

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ment couplées [4]. L'architecture décompose les applica-tions en services, disponibles et réutilisables à travers la-quelle le système d'information d'une entreprise peut êtretotalement intégré, c'est-à-dire qu’il doit permettre unecombinaison efficace et flexible de ressources que cons-tituent les personnes, les process et les informations dans un but d'optimisation, par exemple de la productionquand il s'agit de la supervision, à travers et au delà del'entreprise.

L'approche SOA prône une conception désolidarisée des développements traditionnels (conçus le plus souvent se-lon le découpage suivant : présentation, logique métier,base de données) ; en ce sens, elle sépare la conceptionselon la présentation, l'interaction, les processus, les ser-vices et les bases de données. Par conséquent, le choixen amont d'une telle architecture va guider la manièredont les applications (et donc leurs IHM) vont êtreconçues, tant sur la manière de concevoir les composantset les services, que sur leurs interactions dans le cadre du système d'information global [5].

Les services web [30] forment un des éléments d'uneSOA. Ils fournissent la base technologique pour fairecommuniquer les applications entre elles. Ils ont l'intérêtde réduire les coûts et la complexité dans la mise en œu-vre d'une SOA [13], comme expliqué dans la section sui-vante.

DEFINITIONS ET CARACTERISTIQUES TECHNIQUES DES SERVICES WEBLes services web sont des applications auto descriptives,modulaires et faiblement couplées qui fournissent unmodèle simple de programmation et de déploiementd’applications, basé sur des normes et s’exécutant aux travers de l’infrastructure Web. Ils réalisent des fonc-tions allant des simples requêtes aux processus métierssophistiqués.

Les Services Web ont pour objectif d’assurer à travers leréseau Internet ou intranet, l’interaction entre les appli-cations, les ordinateurs et les processus métier via lesprotocoles Internet et XML [7] en permettant d’accéder de manière uniforme, à partir d’un seul accès Web à plu-sieurs services applicatifs distants. Ils correspondentdonc à de nouveaux composants logiciels dans un sys-tème d’interaction fondé sur le Web, et sont déployés sur de multiples canaux de distribution [13].

Dans une SOA basée sur les services web, une applica-tion Web est définie comme étant une application au tra-vers d’un ou de plusieurs services Web chargésd’adapter la présentation de l’information au canal de distribution et aux profils des utilisateurs. Ainsi,l’utilisateur final doit disposer en principe del’information dont il a besoin quel que soit son moded’accès [4]. Cet accès en aval à ces services web a été la préoccupation d'un groupe de sociétés et d'éditeurs

comme IBM, Epicentric [6], Netgrity/DataChannel re-groupés sous l'égide du comité technique WSIA (WebServices Interactive Applications) au sein de l'OASIS(Organization for the Advancement of Structured Infor-mation Standards) [19]. Cet accès aux applications et aux services web concerne tant l'accès direct par l'utilisa-teur aux services via un navigateur web que la gestion de la syndication1 et de l'assemblage de services web pardifférents intermédiaires avant l'interaction avec l'utilisa-teur final. Les deux scénarios ayant servi de base à l'éla-boration de spécifications décrites ci-dessous sont d'unepart : l'accès multi canal des utilisateurs aux services web (PC, PDA, Téléphones cellulaires) et d'autre part,l'agrégation de services web sous une mise en page uni-que par un intermédiaire d'un canal de distribution qu'estcelui de portails (voir plus loin). Mais aussi, des spécifi-cations comme WSFL d'IBM, Xlang de Microsoft ontété élaborées pour assurer l'assemblage en amont desservices web. Cet aspect n'est pas considéré dans cet ar-ticle.

Les Services Web s’appuient sur un modèle d’interactionassurant trois rôles : (1) celui de fournisseur de services,(2) celui d’annuaire de services, (3) celui de demandeurde services. Ceci est réalisé selon les trois typesd’opérations suivantes : Publication de description deservices (Opération Publish/Publier), Recherche et dé-couverte de la bonne description de services (Opérationfind/Rechercher) et Association ou invocation des servi-ces basés sur la description (Opération bind/Lier), d’une part, et d’autre part, en se basant sur un ensemble destandards tels que : http, SOAP [24], WSDL [31] etUDDI [26] facilitant le transport, l’invocation, la des-cription et la recherche de services Web, comme illustrépar la figure 1.

Figure 1 : Déploiement des services web

LES PRINCIPALES APPROCHES DE SOLUTIONSORIENTEES SERVICES POUR L’INTERFACEHOMME-MACHINECette section présente et décrit très brièvement les diffé-rentes spécifications concernant les interfaces utilisateurs

1 Syndication : procédé consistant à rendre disponible une partie du contenu d'un site web afin qu'elle soit utilisée par d'autres sites. Pour une définition plus complète, voir : http://www.dicodunet.com/definitions/commenter-430.htm

annuaire de Services

demandeurde services

fournisseurde Services

Description de services

TrouverPublier

WSDL, UDDI WSDL,UDDI

Invoquer

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des services Web qui sont : WSUI exploitant XML [32], WSXL d’IBM en utilisant WSDL [12], WSIA [21] et WSRP [20] d'OASIS.

WSUI - Web Service User Interface. WSUI a été propo-sé à l’origine par Epicentric. Son objectif vise à décrire : (1) la présentation des services Web à leur utilisateur via des instructions de mise en page des résultats des invo-cations de ces services ; (2) le modèle des interactions avec l’utilisateur. WSUI peut donc faire office de stan-dard pour la définition d'interfaces utilisateurs relatives aux services web [2]. A ces fins, WSUI introduit et for-malise en un dialecte XML les composants suivants : composants et conteneurs, pages et vues, évènements et flux d’interaction. Le composant WSUI, entièrement dé-crit en XML, est une application Web indépendante de la plate-forme d’exécution, capable d’invoquer des services Web d’une part, et de présenter des informations à l’utilisateur et de réagir à ses commandes c’est-à-dire à un ou plusieurs services Web avec son interface graphi-que et son modèle d’interactions d’autre part. Le conte-neur peut être constitué de plusieurs pages Web ; chaque page Web comporte une ou plusieurs vues sur des com-posants WSUI. Un composant peut être affiché sous plu-sieurs vues dans la même application (ex. html pour na-vigateur Web et WML pour un téléphone WAP). A no-tre avis, cette possibilité peut être exploitée pour prendre en charge les notions d’adaptabilité en rapport avec celle de plasticité2 d’IHM [3,25].

WSXL - Web Service Experience Language.WSXL est la spécification XML écrite par IBM et qui a pour objet la gestion, l'agrégation et syndication des in-terfaces utilisateurs des applications et des services Web pour l'utilisateur final. L’approche WSXL d’IBM s’inscrit dans le prolongement de modèles orientés ob-jets des interfaces graphiques et s’est inspirée du modèle de référence MVC (Model View Controller), dans lequel les données (modèle), leurs vues et les commandes utilisateurs (Controller) sont séparées [17]. Une application WSXL est constituée d'un ou plusieurs composants de données, d'un ou plusieurs composants de présentation et d'un composant de contrôle (du dialogue homme-machine) qui lie les composants de données et présentation en spécifiant leur comportement collectif en réponse aux commandes de l’utilisateur. WSXL propose donc quatre classes de composants qui sont : (1) Composants de base, dont tous les autres composants héritent, (2) les composants de données, (3) les composants de présentation, (4) les composants de

2 Sur le site de l’Action Spéciale (AS) 160 « Plasticité des interfaces » on trouve actuellement la définition suivante : « Cette AS traite de la plasticité des systèmes interactifs, c’est-à-dire de leur capacité à s’adapter à la diversité des plates-formes d’interaction (PC, assistant personnel, téléphone mobile) et à l’environnement physique dans le-quel s’inscrit l’interaction (chez soi, en voiture, en train, etc.). L’adaptation logicielle à la diversité des contextes d’interaction doit se faire à moindre coût pour le développeur tout en préservant l’utilisabilité du système » (Cf. http://insitu.lri.fr/RTP/a_as.htm)

tion, (4) les composants de contrôle. L'ensemble de com-posants de données et de présentation liés par un compo-sant de contrôle forme un conteneur WSXL.

WSIA - Web Services for Interactive Applications. WSIA [21] est une spécification proposée par l'OASIS dont l'objectif est de fournir un modèle de composants d'interfaces basé sur XML et les services web pour consolider les travaux déjà engagés par IBM avec WSXL d'une part et les efforts engagés par Epicentric avec WSUI d'autre part. WSIA constitue un modèle uni-fié des interactions avec les services web.

WSRP - Web Service Remote Portal. La spécification WSRP [20] concerne l'agrégation de contenus entre por-tails d'information en formalisant l'architecture de por-tlets3 sous-jacentes à WSXL.

Les Services Web pour Applications Interactives (WSIA) et Services Web pour Portails distants (WSRP) définissent une interface de service web pour accéder et interagir avec des présentations interactives orientées web services indépendamment des canaux de diffusion.

APPLICATION A L'IHM DE SUPERVISION Nous nous intéressons aux systèmes ayant la capacité à créer des interfaces utilisateurs pouvant dialoguer avec les processus métiers d’une part, et ayant des capacités de Workflow intégrées permettant d’assigner des tâches aux opérateurs en fonction de leur profil d’autre part. Aussi, l’IHM d’un système de supervision est basée sur le modèle des services Web décrit précédemment. Ce modèle d’IHM propose plusieurs services Web relatifs à la supervision et la communication (interaction) entre différents acteurs humains (opérateurs en salle de contrôle, rondiers, équipes de maintenance, ingénieurs de production, décideurs, managers, experts, etc.) consti-tuant l’organisation globale de l'entreprise.

Transformation de scénarios de supervision en ser-vices web et en Workflow de tâches opérateurs. Ils'agit de définir les composants du système de supervi-sion pouvant être accédés à l’aide de services Web par un utilisateur. Cet accès peut être solicité soit par une application à travers un service web automatisé, soit par un poste opérateur (humain) demandant une fonction (tâ-che) à travers un serveur de services. Ce dernier gère la requête en appelant le service stocké dans un référentiel (annuaire), se charge de son exécution puis renvoie la ré-

3 Portlet : module intégré à un portail d'entreprise, qui permet à l'utili-sateur de disposer, dans la même fenêtre, d'un accès centralisé et convi-vial à différentes ressources (données, applications, sites Web, etc.), de modifier l'interface du portail selon ses besoins et de personnaliser ainsi son environnement de travail (source : http://www.journaldunet.com/encyclopedie/definition/398/51/20/portlet.shtml).

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la réponse à l’utilisateur initial sous le format désirécomme illustré par la figure 2.

Figure 2. Accès opérateur via un serveur de services web

Le scénario d’une tâche de supervision correspond donc à l’invocation d’un ou plusieurs services Web donnantnaissance à un ou plusieurs Workflow définissant un service composé [28] et implémenté suivant une choré-graphie de services Web [1].

Les différentes catégories ou classes de services Webque peuvent composer le modèle de supervision sont à titre d’exemple, les services web de Production, Métho-des, Qualité, Maintenance, Approvisionnement, Logisti-que, Formation, Direction générale, etc. Ce sont des ser-vices web orientés non seulement vers les opérateurs dela salle de contrôle, mais aussi vers de nombreux autresmembres de l’organisation que ces services web peuventpermettre de faire interagir.

Scénario de supervision. Il s'agit pour les personnelsde l'entreprise de pouvoir interagir avec l'interface utili-sateur du portail de l'entreprise pour accomplir différen-tes tâches qui leur sont assignées suivant leur profil, col-laborer avec leurs collègues et ceci à travers les diffé-rents services Web des activités verticales de l’entreprise implémentés par exemple sous forme de portlets à l’aidede WSRP. L’interface utilisateur peut être déployée sur différents dispositifs de sortie ou même une partie desrenseignements requis peut être passée à un autre serviceWeb pour un traitement spécifique comme illustré à tra-vers l’exemple suivant de service de support et mainte-

nance à distance : on suppose que ce service peut per-mettre à un opérateur d’astreinte d'accéder depuis n'im-porte quel dispositif d'accès (PC, PDA, Pocket PC, Télé-phone cellulaire) de partout, pour superviser, diagnosti-quer à l'aide des fonctions de diagnostic intégrées et, au besoin, commander via Intranet/Internet les machines et équipements concernés.

Serveur Web

Utilisateur

…Requêtes/réponsesHTTP

Requêtes/réponsesSOAP

Services Web

Serveur Web

Utilisateur

…Requêtes/réponsesHTTP

Requêtes/réponsesSOAP

Services Web

L’opérateur d’astreinte est contacté par le superviseur enchef selon le principe visible en figure 3. L’opérateurd'astreinte reçoit un message sur son téléphone portablede la part du superviseur en chef (le moyen de commu-nication choisi par cet opérateur pour être joint) ; ilconsulte et prend connaissance du message qui lui de-mande d'intervenir pour dénouer une situation délicatede supervision, accepte et confirme la mission. A partir de son téléphone portable, il décide d'accéder au systèmede supervision de son entreprise à travers son IHM(agrégation et intégration de services), via des portletsimplémentant les différents outils et tâches que peut ac-complir un opérateur de supervision (Cf. figure 2).

Puis il s'authentifie. Le système affiche un certain nom-bre de services sous forme de portlet. L’opérateur choisitle service de maintenance à distance. Il intervient à dis-tance et dénoue la situation pour laquelle il rend compteà son superviseur en chef en lui envoyant différentesvues d’affichage du process en question sur différentsdispositifs de sortie avec un courrier électronique adres-sé au responsable de la maintenance pour traitement ul-térieur.

Services WebProfils opérateurs

Appli.Web

Opérateur

Services webdédiées aux activités verticales de l'entreprise

Services WebMaintenance

Services WebApprovisionnement

Services WebLogistique

Services WebProfils opérateurs

Appli.Web

Opérateur

Services webdédiées aux activités verticales de l'entreprise

Services WebMaintenance

Services WebApprovisionnement

Services WebLogistique

Figure 3. Application web vue en tant qu’agrégationde services web (inspiré de [4])

DISCUSSION : VERS DE NOUVELLES PROBLEMA-TIQUES ET PISTES DE RCHERCHE POUR LES ER-GONOMESDe nombreuses questions de recherche vis-à-vis de l’incidence de cette nouvelle approche de supervision se posent potentiellement aux ergonomes. Il est possible

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d’en recenser sans souci d’exhaustivité, mais surtout de représentativité.

D’abord, il s’agit d’analyser et de comprendre les inci-dences, intérêts et limites de passer à une supervision classique où les opérateurs sont en salle de contrôle, à une supervision où des acteurs hors salle de contrôle ont la possibilité d’utiliser à distance des fonctionnalités de supervision. Il est important de bien analyser les respon-sabilités et tâches possibles qu’il est possible d’attribuer à ces acteurs, qu’ils soient acteurs directs de la supervi-sion ou non.

Par exemple, si des fonctionnalités de e-maintenance (maintenance à distance) sont utilisées sur des machines ou composants d’installations industrielles, il est impor-tant de faire en sorte que les opérateurs en salle de contrôle soient prévenus automatiquement, de manière à ce qu’ils intègrent ces interventions se voulant les plus transparentes possibles, dans leur processus de rai-sonnement.

Il est important aussi de souligner qu’à partir du moment où des utilisateurs sont nomades et qu’il est important de procéder à des évaluations en terme d’utilité et d’utilisabilité de dispositifs interactifs d’aide aux activi-tés, on se situe dans un challenge difficile et encore peu traité aussi bien au niveau national qu’international, rela-tif à la nécessité de méthodes d’évaluation adaptées. Voir [14] pour une présentation de plusieurs méthodes utiles à ce sujet.

De manière générale, il serait important d’analyser les nouvelles articulations à trouver concernant les différen-tes activités de l’entreprise, au travers de ces services à distance. Certaines d’entre elles n’ont peut-être jamais été envisagées ou approfondies. Par exemple, dans des cas de figure particuliers, les chargés de clientèle peu-vent avoir intérêt à consulter avant, voire même pendant les interactions chez les clients, des informations relati-ves à la production en cours ou aux prévisions en terme de production.

Il serait intéressant d’analyser l’apport de ces nouvelles technologies dans un contexte de changement (relève) de poste/d’équipe, phase critique du travail en équipes suc-cessives (cf. par exemple [9]). Par exemple, serait-il pos-sible et/ou utile de se préparer à un changement en anti-cipant sur la consultation d’un ensemble de variables, par exemple significatives de l’état de fonctionnement du procédé, à l’aide par exemple de son téléphone porta-ble ou d’un PDA ?

Un domaine de recherche très actif est la plasticité des interfaces homme-machine [3,25], concept très intéres-sant dans une optique de services web. Il est très impor-tant que les interfaces homme-machine utilisées par des utilisateurs nomades en lien avec la supervision (par

exemple, un rondier réalisant une action sur le processus industriel à la demande des opérateurs de la salle de contrôle, tout en s’appuyant sur des informations sur cer-taines machines, disponibles par l’intermédiaire d’un PDA ou un pocket PC) soient les plus ergonomiques possibles. Il faut à ce sujet préciser que peu de recher-ches ont été menées relativement à la plasticité des IHM dans un contexte de supervision. C’est un domaine à dé-fricher.

Les concepts de formation sur le lieu de travail (ou en dehors de celui-ci) peuvent éventuellement faire l’objet aussi d’évolutions tirant profit des concepts de service web. Il est dans ce cas important de réorganiser le travail de manière à ce que des séquences d’auto-formation ou entraînement puissent y être intégrées de manière utile et harmonieuse (portant par exemple sur des procédures d’intervention dans des situations inhabituelles), sans nuire à la qualité du travail en cours, par exemple lors de phases d’attente ou de déplacement.

CONCLUSIONDans cet article, nous avons mis en avant une nouvelle approche de conception d’IHM de supervision à travers la notion de services Web et les technologies sous-jacentes orientées interfaces utilisateurs et pouvant ré-pondre aux nouvelles exigences et contraintes mises en évidence en introduction.

Le modèle orienté services de l’IHM de supervision peut mettre en avant l’agrégation et la syndication de sources d'information indépendantes au niveau de la couche pré-sentation sous le contrôle de l'utilisateur à travers de nouveaux standards d’échange et de présentation de données, oeuvrant à donner une représentation transpa-rente (le plus souvent en se basant sur XML), de la pré-sentation des Web Services et des interactions avec leurs utilisateurs rendant ainsi en principe facile voire automa-tique leur adaptation aux différents modes d’accès.

Aussi, la modélisation des activités d’un opérateur comme service web est un choix de conception qui peut être considéré lors du processus de conception de l'IHM. La supervision utilisant les technologies du Web et d'In-ternet ouvre beaucoup de perspectives en termes de com-munication et de partage d'informations au sein d’une entreprise et au plus près des équipements permettent ainsi un transfert vertical d’informations de l’installation (terrain) qui représente le niveau le plus bas de la hiérarchie vers le niveau le plus supérieur qu’est celui du management.

Ces nouvelles technologies très attrayantes pour les in-génieurs sont d’ores et déjà disponibles et même de plus en plus utilisées. Encore faut-il maintenant qu’elles soient connues par les ergonomes, que leurs avantages et inconvénients soient bien cernés, et que de nouvelles

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méthodes de conception et d’évaluation adaptées appa-raissent.

REMERCIEMENTSLes auteurs remercient la Région Nord-Pas de Calais et le FEDER (projets TAC MIAOU et EUCUE, TAT SART) qui ont contribué à financer certaines parties de ces recherches.

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Les déterminants du choix d’une modalité d’interaction avec une interface multimodale

Laurent Karsenty INTUILAB, Prologue 1, La Pyrénéenne, 31672 Labège

[email protected]

RESUMELes applications industrielles des interfaces multimodales touchent de plus en plus de domaines. Pourtant, leur conception soulève encore de nombreuses questions, en partie liées à notre méconnaissance des déterminants du choix d’une modalité d’interaction par l’utilisateur. Cet article rapporte une série d’observations tirées d’expérimentations d’interfaces multimodales qui comblent en partie ce manque. L’effet de certains déterminants est spécifiquement discuté, comme la nature de la tâche et l’évaluation subjective et contextualisée de la performance réalisée par l’utilisateur alors qu’il utilise le système.

MOTS CLES : multimodalité, commande vocale, geste

ABSTRACT Multimodal interfaces get wider recognition in industry and more and more applications are considered today. However, their design still raises many questions, partly related to our lack of knowledge regarding the determinants of the choice of an interaction modality by users. This article reports a series of observations on the use of multimodal interfaces which partly fill this lack. The effect of some determinants is specifically discussed, such as the nature of the task and the subjective and contextualized evaluation of the performance carried out by users as they are using the system.

KEYWORDS : multimodality, spoken command, gesture

INTRODUCTIONLes développements récents de l’informatique et des infrastructures de télécommunication ouvrent aujourd’hui la porte à une interaction plus riche entre l’homme et la machine. En particulier, il devient possible d’avoir recours à une interaction multimodale, dépassant le paradigme clavier-souris-écran pour exploiter plusieurs modalités d’interaction, que ce soit sur un poste fixe ou un terminal mobile. Ces perspectives concernent des applications aussi variées que les bornes publiques d’information (ex., Lamel et al., 2002), les services mobiles de recherche d’information (Karsenty et al., 2005), les systèmes embarqués (ex., Kamp, 1998), les environnements

collaboratifs et les applications de réalité virtuelle (Thalman, 2002), pour ne citer que quelques exemples. Si les premiers travaux significatifs sur la multimodalité ne datent pas d’aujourd’hui, force est de reconnaître que la conception d’interfaces multimodales soulève encore de nombreuses questions. Pour une part, ces questions sont liées à la méconnaissance des déterminants du choix de chaque modalité d’interaction ou combinaison de modalités par l’utilisateur. Pourtant, en analysant les travaux empiriques à notre disposition et en recoupant plusieurs résultats disparates, on s’aperçoit qu’une certaine connaissance est déjà disponible laquelle, si elle est encore insuffisante pour établir une théorie complète et précisément guider les choix de conception, peut néanmoins faciliter certaines décisions des concepteurs. C’est l’objectif de cet article que de rapporter les résultats d’une telle analyse sous forme d’une synthèse des principales observations recueillies sur l’usage d’interfaces multimodales. Cette synthèse permettra de tirer une série d’enseignements et de pistes de réflexion. Pour respecter les limites imposées à cet article, nous nous focaliserons dans la suite sur la multimodalité enentrée. L’usage des modalités vocale et gestuelle sera plus particulièrement traité car elles sont au cœur de nombreuses applications envisagées aujourd’hui. Par gestes, nous entendrons à la fois les gestes 2D ou 3D mais aussi les gestes de manipulation d’une souris, d’un stylet ou de tout autre dispositif de commande.

QUELQUES DEFINITIONS

Système multimodal Nous considérerons comme système multimodal tout permettant d’utiliser plusieurs canaux de communication en entrée et/ou en sortie (Nigay et Coutaz, 1996, Martin, Julia et Cheyer, 1998). Nous retiendrons en outre que les systèmes multimodaux offrent une autre source de flexibilité aux utilisateurs : elle concerne le format des informations transmises ou, ce que Bernsen (2002) a proposé d’appeler la modalité représentationnelle. Pour chaque canal, il existe en effet plusieurs façons de « conditionner » l’information à transmettre. Par exemple, en s’adressant à un serveur vocal, l’utilisateur peut formater son message en une suite de mots-clés, de morceaux de phrase simplifiée ou en une expression totalement naturelle. Nous verrons que du point de vue

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de l’utilisateur, ces deux dimensions, canal de communication et modalité représentationnelle, ne sont pas indépendantes.

Modes de coordination entre modalités La transmission d’une information peut s’appuyer sur une modalité unique ou sur une combinaison de modalités. Ainsi, pour indiquer une destination souhaitée, on peut dire « Je voudrais aller au 5 rue du Pont » ou désigner le lieu souhaité tout en disant « Je voudrais aller ici. » Avec des systèmes où une combinaison de modalités en entrée est possible, l’utilisateur doit connaître les modes de coordination entre modalités autorisés (Coutaz & Nigay, 1994). L’usage de plusieurs modalités peut être séquentiel ou parallèle. Certains systèmes n’autorisent que des combinaisons séquentielles de modalités, sans recouvrement dans le temps. C’est le cas notamment du prototype MiPad (Huang et al., 2001) où l’utilisateur, pour remplir un champ d’information, doit d’abord cliquer dessus puis parler. D’autres systèmes autorisent des recouvrements de modalités, en faisant intervenir un mécanisme explicite ou implicite de fusion multimodale combinant le sens extrait de chaque modalité. Par exemple, avec le système Intuikit développé par Intuilab1, l’utilisateur peut saisir un objet représentant une valeur boursière avec sa main sur un écran tactile et dire en même temps « Je voudrais en acheter pour 200 euros », par exemple. Quel que soit le mode disponible ou choisi, les modalités peuvent être utilisées de façon complémentaire,redondante ou même concurrente. Deux modalités sont complémentaires si les informations que chacune véhicule constituent une partie du sens global communiqué. Deux modalités utilisées de façon séquentielle ou parallèle sont redondantes si les informations que chacune véhicule sont identiques. Par exemple, un utilisateur peut dire : « Je veux aller à Toulouse » tout en montrant la ville de Toulouse sur une carte. Enfin, deux modalités peuvent être utilisées de façon concurrente, au sens de contradictoire ou conflictuelle. Par exemple, un utilisateur pourrait lancer la commande vocale « tourne à droite » en désignant gestuellement la gauche. Enfin, deux modalités sont équivalentes si l’utilisateur ou le système les utilise indifféremment pour transmettre la même information. Dans le cas inverse, on peut parler de l’assignation d’un type d’information à une modalité donnée.Toutes ces distinctions sont fondamentales pour l’étude des usages de la multimodalité. Si un système offre plusieurs modalités d’entrée, on peut en effet se demander s’il y a intérêt à fournir des mécanismes de fusion multimodale supposant que l’utilisateur agisse en combinant deux modalités (à peu près) en même temps 1 On pourra consulter une démo de cette application à : http://www.intuilab.com/presentation/202-demos.html

ou si celui-ci ne trouverait pas plus facile et/ou plus efficace de les enchaîner séquentiellement. On peut aussi se demander s’il préférerait tirer parti des spécificités de chaque modalité et les combiner de façon complémentaire ou, au contraire, chercher à réaliser un acte complet avec seulement une modalité, quitte à être parfois moins efficace. Il est aussi nécessaire de savoir si l’utilisateur adopterait plusieurs modalités indifféremment pour transmettre une même information ou si, au contraire, il ne préférerait pas toujours la même modalité pour une fonctionnalité ou une commande donnée, auquel cas il serait inutile de fournir plusieurs modalités. Enfin, il convient de déterminer s’il n’existe pas plusieurs profils d’utilisateurs face à ces nouvelles interfaces et ce qui les caractériserait.

USAGES OBSERVES LORS D’EXPERIMENTATIONS Une synthèse des résultats de plusieurs expérimentations est présentée ici. Soulignons que beaucoup de ces travaux de recherche portent sur des environnements simulant en partie les capacités du système. Pour cette raison, une attitude prudente dans l’interprétation des résultats reste nécessaire.

Commandes multimodales vs. monomodales Plusieurs travaux comparent le taux de commandes multimodales au taux de commandes monomodales pour vérifier l’intérêt des premières. Généralement, le terme de commande multimodale y désigne une utilisation complémentaire et parallèle des modalités. De façon générale, on constate la prédominance de commandes uniquement vocales : ainsi, dans des tâches exploitant le plan d’une ville, Oviatt et al. (1997) enregistre 63,5% de commandes effectuées oralement, contre 17,5% effectuées par l’écriture et 19% par des commandes multimodales associant parole et stylet. Dans une tâche de manipulation de fichiers, la même prédominance a été observée (Huls & Bos, 1998) : environ 58% des commandes étaient réalisées à la voix uniquement, alors que seulement 11% environ étaient réalisées de façon multimodale. Toutefois, ces résultats varient en fonction des tâchesréalisées par les utilisateurs. Ainsi, dans une tâche d’aménagement d’un salon, impliquant la manipulation et l’organisation d’objets dans l’espace (canapé, table, chaises, etc.), Mignot et Carbonel (1996) ont enregistré 43% de commandes vocales, contre 41% de commandes multimodales (geste+voix) et 16% de commandes uniquement gestuelles. Oviatt et al. (1997) ont constaté de leur côté que les commandes multimodales étaient produites plus fréquemment pour des tâches spatiales de localisation (ajouter, déplacer, modifier ou calculer la distance entre les objets). Enfin, Catinis et Caelen (1995) enregistrent, sur une tâche de dessin, 66% de commandes multimodales. Cela dit, dans ce dernier cas, l’utilisation de la commande vocale était très contrainte : une seule structure syntaxique et un vocabulaire de quelques dizaines de mots seulement étaient autorisés.

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Cette spécificité, qui a pu favoriser le recours à la multimodalité, révèle que l’adoption d’une modalité au sens de canal de communication peut dépendre à la fois de la tâche mais aussi du format d’information autorisé. De plus, certaines conditions externes favoriseraient le recours à l’une ou l’autre des modalités. Huls et Bos (1998) ont notamment révélé l’effet de deux facteurs sur ce choix dans une tâche de manipulation de fichiers informatiques (des résultats similaires sont présentés dans Oviatt et al., 1997) :

La longueur des mots (noms de fichier) : les mots courts – 3 à 4 caractères dans cette étude – favorisaient le recours à la modalité vocale (76% des commandes) alors que les mots longs – plus de 8 caractères dans cette même étude – conduisaient à un ré-équilibrage dans le choix des commandes avec 39% de commandes de type manipulation directe (avec la souris), 18% de commandes multimodales (parole + désignation avec la souris) et 43% de commandes vocales. L’accessibilité visuelle des objets : dans l’expérimentation de Huls et Bos, les fichiers à manipuler pouvaient être visibles à l’écran ou non. Lorsqu’ils n’étaient pas visibles, les utilisateurs avaient préférentiellement recours à la modalité vocale seule pour y faire référence (72% des cas). Par contre, lorsqu’ils étaient visibles, la modalité vocale seule ne représentait plus que 44% des cas.

Bien évidemment, la combinaison de ces deux facteurs a produit des résultats encore plus marqués puisque, dans le cas de noms courts et non visibles, 86% des commandes utilisaient la parole seule, alors qu’avec des noms longs visibles, la commande vocale ne représentait plus que 28% des cas. D’autres conditions favoriseraient l’adoption d’une modalité en particulier au détriment des autres. C’est le cas notamment de la modalité de sortie utilisée par le système. Ainsi, on a observé qu’un prompt vocal favorisait le choix de la modalité vocale en entrée alors que plusieurs modalités étaient disponibles (Lamel et al., 2002). On peut supposer qu’une forme de pré-activation intra-modale est possible entre la modalité utilisée en entrée et celle utilisée en sortie.

Modifications du langage dans un environnement multimodalPlusieurs auteurs ont montré que l’utilisation de plusieurs modalités modifiait le comportement langagier.Les modifications suivantes ont notamment été relevées :

Simplification du langage : les expressions produites dans un environnement multimodal sont plus brèves et moins complexes que les énoncés unimodaux (Oviatt et al., 1997, Petrelli et al., 1997). Par exemple, si avec la modalité vocale seule, l’utilisateur dit (Oviatt et al., 1997) : « Je voudrais voir la photo de la maison à l’extrémité sud-ouest de Reward Lake», dans un environnement multimodal, il encerclerait la maison avec son stylet tout en

disant : "Montre la photo". Les études citées ne disent pas, par contre, si une telle simplification est observée chez tous les utilisateurs. Par contre, ils mentionnent qu’elle implique une amélioration des taux de reconnaissance correcte des commandes vocales.Antériorité du composant de localisation avec le geste : dans les énoncés vocaux, le constituant de localisation est rarement au début (seulement dans 1% des énoncés) ; par contre, les expressions multimodales débutent invariablement avec un geste graphique délivrant l’information de localisation suivi d’un énoncé verbal (Oviatt et al., 1997) . Par exemple, l’utilisateur dessine un cercle et dit : « Ajoute une piscine », alors qu’avec la voix seule, il dirait plus probablement: « Ajoute une piscine + [énoncé de localisation] »). Il faut souligner que l’antériorité du geste sur la parole a été observée systématiquement dans les études sur la communication humaine (cf. Butterworth & Hadar, 1989) et devrait reposer sur des dispositions naturelles mises en œuvre en planifiant un acte multimodal. Apparition de nouvelles formes de référence. Plusieurs études font mention notamment des formes suivantes (Siroux et al.,1995, Petrelli et al., 1997) : o des références déictiques combinées à un geste

désignant une localisation (ex. « Y a-t-il des campings ici ? ») ;

o l’utilisation redondante de références définies vocales avec un geste déictique (ex. « Donne moi la distance entre Lansing et Morestel » avec une désignation tactile sur chacune des deux villes) ;

o des références mixtes, avec une désignation tactile complétant une requête verbale sans référence à un lieu (ex. « Quels sont les campings » + une désignation sur une localisation). Toutefois, il convient de noter que ce dernier type de combinaison est soit observé rarement, soit observé avec des utilisateurs expérimentés. Il ne semble donc pas « naturel » mais pourrait apparaître intéressant avec l’expérience.

Conception des expressions référentielles en fonction des caractéristiques perceptives :l’exploitation d’un support visuel peut aussi modifier le langage et, en particulier, les expressions référentielles (Gaiffe & Romary, 1997). Ainsi, l’absence de structuration spatiale et/ou de caractéristiques perceptives contrastant des objets représentés induit des expressions complexes et variables d’un utilisateur à l’autre. Par exemple, pour désigner un point non identifié sur la carte d’une ville, l’utilisateur peut dire : « … entre le Pont Charlemagne et l’avenue Gabriel Péri ». Par contre,

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si la carte est quadrillée, l’utilisateur pourra employer une expression plus simple telle que «… en A 8». Toutefois, notons que cette analyse ne prévoit pas la difficulté potentielle de l’utilisateur pour savoir quelle(s) caractéristique(s) perceptive(s) il peut exploiter vocalement pour faire référence à un objet présenté visuellement.

Toutes ces observations confirment l’idée que la multimodalité a un réel potentiel pour améliorer la performance des utilisateurs et qu’une partie de ce gain au moins peut être acquis naturellement en vertu du fait que l‘action humaine – langagière, manuelle ou autre - est fortement contextualisée

Usage complémentaire des modalités La complémentarité a été observée dans plusieurs études. Cette complémentarité concerne le plus souvent la combinaison entre une expression déictique (ici, là, ce, …) et un geste déictique et sert ainsi à faciliter la localisation. Mais elle peut aussi servir d’autres fonctions. Elle permet notamment de combiner un geste anaphorique ou un geste de manipulation avec de la parole.Ainsi, avec le système QuickSet (Cohen et al., 1997), l’utilisateur peut contrôler un environnement multimodal de simulation et lancer des commandes du type : « Jeep 23, suivez cette route d’évacuation » avec un geste (stylet) montrant la direction à suivre. Le geste peut ici simplement consister à indiquer par une flèche la direction à suivre : il possède pour cette raison des vertus anaphoriques. Avec le même système, l’utilisateur peut dessiner un carré tout en disant « Crée une unité médicale ici », la parole donnant alors sens au geste de manipulation de l’outil dessin. Avec un utilisateur entraîné à ces styles d’interaction, le temps de création d’entités a été divisé par 9 par rapport à l’utilisation d’une interface graphique standard (Cohen et al., 1998).Trois types de complémentarité se dessinent donc :

geste déictique + voix ; geste anaphorique + voix ; geste de manipulation + voix.

Beaucoup de travaux insistent sur le premier type de complémentarité. Pourtant, il se pourrait bien qu’il n’ait qu’un intérêt relatif dans le cadre de l’interaction homme-machine. Une étude sur l’utilisation d’une carte de ville multimodale dans laquelle les utilisateurs pouvaient créer, déplacer, supprimer des objets ou calculer des distances entre des points (Oviatt et al., 1997), a montré que les expressions multimodales du type geste déictique + voix représentaient 14% de l’ensemble des expressions multimodales, les 86% restant étant constitué d’expressions du type geste de manipulation + voix. Ces résultats semblent indiquer que les utilisateurs exploitent avantageusement la multimodalité pour des actions complexes, là où le gain en efficacité devrait être le plus marqué.

Effets de l’expérience Un fait à mettre en parallèle avec cette apparente recherche d’efficacité est l’accroissement du taux de commandes multimodales avec l’expérience. Par exemple, Petrelli et al. (1997) notent que des utilisateurs expérimentés réalisent 84% de leurs commandes de façon multimodale alors qu’ils ne sont que 30% parmi les novices. Des résultats moins impressionnants mais démontrant la même tendance ont été enregistrés par Mignot & Carbonell (1996). Toutefois, cette évolution ne concernait alors qu’une moitié des utilisateurs. Globalement, ces observations suggèrent que la réalisation de commandes multimodales apparaît soit peu intuitive à l’utilisateur novice, soit difficile à exécuter ne serait-ce que parce qu’elle demande à combiner deux modalités. Ce n’est qu’avec l’expérience, et donc une certaine maîtrise des commandes à modalité unique, que certains d’entre eux se lanceraient à expérimenter les commandes multimodales. Ils auraient alors la possibilité de constater les gains d’efficacité que leur apporte cette nouvelle forme d‘interaction.

Usage parallèle ou séquentiel de modalités Théoriquement, les modalités utilisées de façon complémentaire peuvent être mises en œuvre parallèlement ou séquentiellement. Une question importante est de savoir si, spontanément, l’utilisateur aurait le plus souvent recours à un usage parallèle ou séquentiel des modalités. Cette question a souvent été traitée en analysant l’utilisation conjointe d’un geste déictique avec une référence déictique. En fait, les résultats obtenus à ce jour sont contradictoires :

Une étude empirique de la temporalité des modalités (Oviatt et al., 1997) a montré que l’usage parallèle des modalités ne constituait pas la majorité des cas. Le parallélisme entre une expression déictique et un geste déictique (« mets ce triangle ici ») ne concernait alors que 25% de ce type de commande. Le plus souvent, le geste précédait la parole, avec un intervalle de temps moyen de 1 seconde, et un espace de variation allant de 0 à 4 secondes maximum. D’un autre côté, dans l’expérimentation de Hauptmann & McAvinney (1993) sur des manipulations multimodales de cubes, les gestes étaient réalisés pendant ou après le début de la voix dans 50% des cas. Ils ne commençaient avant la commande vocale que dans 8-9% des cas. Le même type de résultat a été enregistré par Catinis (1998) dans une tâche de dessin.

A côté de cela, il est intéressant de constater que des mesures très proches de celles fournies par Oviatt et al. ont été obtenues à partir d’études de la multimodalité geste + parole dans la communication homme-homme (cf. Butterworth & Hadar, 1989). On pourrait donc penser que la précédence du geste sur la parole a un caractère naturel ou spontané intéressant à reproduire en interaction homme-machine. Mais il est aussi possible

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que suivant le dispositif offert aux utilisateurs (type de microphone, type de dispositif de désignation : main ou stylet, type de geste autorisé : 2D ou 3D, etc.) et suivant les tâches étudiées, cette règle ne s’applique pas de façon identique.

Usage redondant des modalités De manière générale, peu de redondance dans les expressions multimodales a été observée. Toutefois, les observations recueillies ne sont pas toutes homogènes. Ainsi, Petrelli et al. (1997) ont constaté que la redondance caractérisait 25% des références quand le référent – il s’agissait de champs d’information à remplir - avait un nom très court (une seule lettre). Par contre, elle ne caractérisait que 10% environ des références quand le référent – toujours un champ - comportait un nom plus long (par ex., « Informations générales »). Les auteurs suggèrent l’idée que la redondance serait favorisée quand le coût de la désignation verbale est faible.Si l’effort est une variable à prendre en compte pour comprendre la redondance multimodale, elle ne semble toutefois pas être la seule. La fiabilité semble aussi jouer un rôle dans la décision d’appliquer deux modalités redondantes. C’est ce qui se dégage de l’analyse des corpus de Catinis (1998) concernant une application de dessin multimodal. Ainsi, l’auteur constate que parmi les actions “dessiner”, “déplacer” et “effacer”, la dernière est celle qui suscite le plus de redondance. Or, cette action est celle qui comporte le plus de risque (aucune demande de confirmation ne suivait l’action d’effacement). La redondance pourrait donc être exploitée aussi pour fiabiliser une commande.

Usage concurrent de modalités L’application de modalités concurrentes par l’utilisateur a rarement été observée. Dans l’étude de Mignot et Carbonell (1996), un cas est relaté. L’utilisateur demandait au système de changer l’emplacement du canapé et de l’armoire. Tout en formulant cette commande, il se rendît compte qu’un piano se trouvait sur la trajectoire des meubles et le désigna alors pour le traîner vers le centre de la pièce. Un traitement correct de cette séquence supposerait d’interpréter chaque acte – verbal et gestuel – de façon autonome. À cette forme de concurrence, on peut ajouter les erreurs typiques d’orientation (ex., désigner la gauche en disant à droite ou l’inverse) ainsi que les lapsus (ex. désigner un objet tout en en nommant un autre par erreur). Toutefois, ces cas devraient être relativement rares, ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait en sous-estimer l’importance en particulier si l’erreur peut avoir des conséquences dommageables. En utilisation réelle, on peut toutefois anticiper qu’un plus grand nombre de cas de concurrence apparaîtra, liés non pas aux actes de l’utilisateur mais aux erreurs de reconnaissance du système. Ainsi, un utilisateur pourrait demander à un système de navigation : « Je voudrais

aller ici », tout en pointant sur la « Rue Minguy » et le système comprendrait « Je voudrais aller Rue du Séjour » par le canal vocal et « Rue Minguy » par le canal gestuel. La conception des systèmes multimodaux devra permettre à l’utilisateur de détecter ces états d’incohérence et les corriger facilement.

Equivalence et assignation des modalités L’équivalence est rarement analysée et n’a été observée que dans peu d’études. Catinis (1998) fait toutefois état d’un nombre assez important de commandes de dessin (38%) qui sont exprimées par les sujets indifféremment par la parole, avec la souris, ou par une combinaison des deux. Par contre, l’assignation est un phénomène qui semble plus largement répandu. Il faut souligner que l’assignation peut concerner soit une modalité dans son ensemble – dans ce cas, l’utilisateur a tendance à utiliser le système toujours avec la même modalité quel que soit le contexte de dialogue – soit une modalité (ou combinaison de modalités) pour une commande donnée (Calvet et al., 2001, Catinis, 1988).L’assignation apparaît moins comme un phénomène s’imposant dès le départ que comme un phénomène émergent d’une succession d‘interactions. Certains auteurs ont d’ailleurs noté que cette stabilisation des usages apparaissait relativement vite, pour certains utilisateurs juste après un ou deux essais (Carbonell et al., 1996). De manière générale, l’assignation semble résulter d’une recherche d’efficacité de l’interaction mais, parfois, elle ne conduit pas forcément l’utilisateur à sélectionner les modes d’interaction les plus efficaces (Mignot et Carbonell, 1996). La question reste toutefois posée quant à savoir si le choix de modalités moins efficaces se fait parce que l’utilisateur y trouve tout de même un intérêt ou s’il se fait par manque de connaissance (voire par oubli) de toutes les possibilités offertes par le système.

Différences inter-individuelles Plusieurs études font le même constat : la phase d’appropriation d’un système multimodal ne converge pas vers l’adoption des mêmes modalités quel que soit l’utilisateur (Mignot et Carbonell, 1996, Siroux et al., 1997, Calvet et al., 2001 entre autres). Carbonell et al. (1996) parlent de profils ou styles multimodaux individualisés, sans expliquer ce qui conduit les uns ou les autres à préférer telle(s) modalité(s). Calvet & al. (2001) introduisent l’idée de préférences individuellesqui inclineraient chaque utilisateur à adopter plutôt telle(s) modalité(s) ou telle(s) autre(s). Ils précisent que ces préférences semblent être liées à de nombreux facteurs, par exemple un goût pour la nouveauté, une aversion pour le vocal (on sait que 15 à 20% des utilisateurs raccrochent immédiatement quand ils s’aperçoivent qu’ils doivent parler à un serveur vocal), ou encore une tendance prononcée pour l’exploration (ou l’inverse). Ces analyses ne conduisent toutefois pas

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à penser que l’utilisateur abandonnerait totalement le recours à une modalité non préférée : dans certaines circonstances, on constate en effet une utilisation ponctuelle d’une modalité généralement délaissée.

Changement de modalité face à des erreurs du système Une situation particulière peut justement provoquer un changement de modalité : il s’agit de l’impossibilité de résoudre rapidement une erreur en gardant la même modalité. Par exemple, Catinis (1998) a fait les constats suivants :

après une première erreur, l’utilisateur a réitéré la commande avec le même mode dans 78% des cas dans une tâche de dessin et dans 65% des cas dans une tâche de traitement de texte ; après le deuxième ou troisième échec, l’utilisateur est passé/e à un autre mode dans 82% des cas pour la tâche de dessin (le calcul n’est pas disponible pour la tâche de traitement de texte).

Parallèlement, plusieurs études ont montré que persévérer en ré-appliquant la modalité vocale après une erreur du système conduisait généralement à dégrader les taux de reconnaissance (ex., Karsenty & Botherel, 2005) et qu’un changement de canal de communication ou de modalité représentationnelle était en général plus efficace pour rétablir la compréhension (Karsenty & Botherel, 2005, Suhm & al., 2001). La question est de savoir si l’utilisateur novice aurait tendance à changer par lui-même de modalité lorsqu’il rencontre une erreur répétitive ou s’il a besoin d’incitation pour cela. Certaines études tendraient à montrer que, dans ces conditions, le changement de modalité s’effectue « naturellement » (par ex., Oviatt & VanGent, 1996), au moins chez une partie des utilisateurs. Toutefois, d’autres études non publiées dont nous avons eu connaissance ont révélé que les utilisateurs pouvaient persévérer un grand nombre de fois en répétant les mêmes commandes avant de changer de modalité, voire sans jamais le faire. Il est possible que ces observations contradictoires soient liées à des variations dans les conditions d’expérimentation.

DISCUSSIONLes observations passées en revue dans cet article permettent d’identifier 4 grandes classes de déterminants du choix d’une modalité par l’utilisateur :

la tâche ; une fonction d‘évaluation subjective de la performance mise en œuvre par l’utilisateur ; ses préférences initiales qui le prédisposeraient à opter au départ pour certaines modalités, ou les délaisser, indépendamment de toute autre considération ;l’expérience, qui semble pouvoir modifier en partie les préférences initiales de l’utilisateur et concourir à développer, d’une part, l’usage combiné de plusieurs modalités et, d’autre part, l’assignation de

certaines modalités ou combinaisons de modalités à certaines commandes.

Dans cette discussion, nous proposons une analyse de l’effet des deux premiers déterminants afin de mieux en comprendre la nature.

Impact de la nature de la tâche Plusieurs études invitent à penser que l’usage d’une interface multimodale dépend de la nature de la tâche. Mais comment l’expliquer ? En s’appuyant sur des travaux de Psychologie Cognitive, on peut avancer que la dépendance tâche-modalité repose en premier lieu sur la nature de la représentation du but que construit chaque utilisateur. Certaines tâches engagent plus facilement à construire des représentations imagées et spatialisées du but, comme par exemple le déplacement ou la manipulation d’un objet ou l’identification d’un lieu, d’une zone ou d’une distance. D’autres induisent plutôt la formation de représentations dites propositionnelles, comme lors d’une recherche d’un numéro de téléphone ou une requête d’action sur un objet donné (ex., supprimer un fichier). Or, il semble que chacun de ces types de représentation ait un pouvoir de pré-activation de certaines modalités d’action (cf. Krauss et al., 2000) : les représentations imagées pré-activeraient le plus souvent la modalité gestuelle tandis que les représentations propositionnelles pré-activeraient les modalités de production – orale ou écrite - d’un discours. Par ailleurs, il faut noter qu’un geste ne peut représenter que certaines catégories d’information : une forme ou une distance, une localisation dans l’espace, une trajectoire ou une direction. Tous les concepts ne peuvent donc pas être traduits sous forme de geste. A l’inverse, le discours peut théoriquement traduire tout concept mais cette modalité est simplement parfois beaucoup plus coûteuse - on pourrait aussi dire moins « naturelle » - que d’autres pour transmettre certains d’entre eux. Une autre raison expliquant le lien tâche-modalité est liée aux exigences à satisfaire dans l’atteinte d’un but.Certaines tâches imposent par exemple de réaliser le but très rapidement, ou alors avec aucune erreur, ou encore avec un effort minimum. D’autres n’imposent pas ces exigences. Or, chaque modalité ne satisfait pas de la même façon chacune d’entre elles.

Evaluation subjective de la performance En fait, on peut supposer que l’utilisateur évalue sa performance avec une modalité donnée – soit avant de l’utiliser, soit en l’utilisant - pour vérifier qu’elle lui permettra de satisfaire ses exigences de tâche. On peut ainsi rendre compte que l’usage de l’écriture manuscrite sur PDA, qui cause encore un taux d’erreur non négligeable, soit jugée comme acceptable dès lors que l’utilisateur a pour principale contrainte de prendre des notes rapidement. Il est intéressant de noter que les trois exigences que nous avons mentionnées, vitesse d’exécution, effort de mise en oeuvre et fiabilité, sont

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interdépendantes si bien que lorsque la priorité est mise sur l’une, le poids des autres, ou au moins de l’une des autres, est généralement affaibli. Autrement dit, mettre la priorité sur l’une d’elles doit conduire l’utilisateur à être plus tolérant sur la satisfaction des autres et devrait donc rendre plus acceptable des modalités qui ne les satisferaient pas totalement. L’évaluation de la performance repose en partie sur une évaluation de l’effort de mise en œuvre avec chaque modalité. A ce titre, on peut comprendre que certaines caractéristiques de l’interface aient un impact sur le choix d’une modalité : c’est le cas par exemple des dispositifs physiques d’utilisation d’une modalité (ex., le Push-To-Talk pour activer la reconnaissance de parole versus l’utilisation libre de la reconnaissance de parole au téléphone) ou du degré de précision exigée dans la réalisation d’un geste. Autre facteur affectant l’évaluation de performance : les caractéristiques de l’objet de l’action. On a notamment vu que la longueur de son nom ou son niveau d’accessibilité à l’écran affectait directement le choix d’une modalité. Un autre facteur devrait affecter cette évaluation : il s’agit de la modalité sélectionnée pour l’action juste précédente. Catinis (1998) rapporte des travaux ayant montré qu’un changement de modalité entraîne toujours un coût non négligeable. Si l’utilisateur évalue son effort avant d’adopter une modalité donnée dans un contexte donné, ce paramètre doit entrer en jeu et pourrait le conduire à préférer maintenir la modalité active même si elle peut apparaître moins performante lorsqu’elle est considérée isolément. On pourrait expliquer ainsi que certains utilisateurs persévèrent avant de changer de modalité lorsqu’ils rencontrent des erreurs répétées. Cette hypothèse pourrait aussi rendre compte d’une observation inattendue extraite de l’évaluation d’une IHM multimodale sur smartphone (décrite dans Karsenty et al., 2005) : à de nombreuses reprises, les utilisateurs ont confirmé vocalement une requête réalisée en vocal en disant « OK », après avoir activé la reconnaissance de parole en appuyant sur un bouton Push-To-Talk présenté à l’écran, alors que ce même écran présentait un bouton de confirmation « OK », parfaitement visible, sur lequel un simple clic aurait suffit. Dans la très grande majorité des cas, cette confirmation vocale suivait une autre commande vocale.

CONCLUSIONOn peut tirer une série d’enseignements de la synthèse des travaux présentée ici et des éléments d’analyse qui ont suivi :

Pour décider de la pertinence d’une (nouvelle) modalité dans un dispositif d’interaction, les concepteurs devraient prendre en compte en premier lieu la nature même de la tâche et, en particulier, la nature des représentations de but qu’elle induit chez les utilisateurs ainsi que les propriétés des objets sur lesquels ceux-ci vont pouvoir agir (ex. degré d’accessibilité, longueur de leur nom, etc.).

Une fois cette analyse menée, on doit considérer qu’il n’y a toutefois pas une modalité qui est préférable aux autres pour tous les utilisateurs, même pour une tâche donnée. Des différences inter-individuelles fortes existent, pouvant remettre en cause le lien qui pourrait sembler naturel entre une tâche et une modalité. Idéalement, toute tâche devrait donc être réalisable par la modalité supposée la plus efficace pour une tâche donnée et au moins une modalité supplémentaire, dont le choix doit dépendre des acquis antérieurs de la population ciblée.Au-delà de ces facteurs, le choix d’une modalité par l’utilisateur semble résulter d’une évaluation subjective de sa performance a priori et pendant l’action. Nous avons avancé que la performance avec une modalité donnée était évaluée par rapport à 3 critères inter-dépendants, l’effort de mise en œuvre, la vitesse d’exécution et la fiabilité, tout en reconnaissant que l’utilisateur recherchait probablement le meilleur compromis au vu de ses exigences liées à la tâche. Rien n’empêche donc, par exemple, qu’il choisisse une modalité moins fiable mais plus rapide que les autres si sa principale contrainte est le temps disponible. Par ailleurs, il apparaît que cette évaluation de performance est fortement contextualisée, dépendant tout à la fois de l’état interne de l’utilisateur (ex., phénomène de pré-activation intra-modale liée à la sortie du système ; modalité utilisée précédemment par l’utilisateur), de l’état du système, des propriétés de l‘environnement ou encore des autres modalités disponibles – et donc concurrentes - pour une même action. Une conséquence, parmi d’autres, de cette caractéristique est que la conception et l’évaluation des interfaces multimodales accompagnant le lancement de nouveaux produits devraient s’extraire des conditions de laboratoire – prégnantes dans les 15 dernières années - pour s’ancrer maintenant au plus près des contextes d’usage réels amenant leur lot de complexité… mais aussi de représentativité des conditions d’acceptabilité. Enfin, on pourra retenir que la mise en œuvre parallèle de deux modalités – thème au cœur de nombreux travaux de recherche sur la multimodalité - est peu probable par des utilisateurs novices (au moins, tant que cette forme d’interaction n’est pas devenue très répandue). L’usage monomodal ou, éventuellement, multimodal sous forme d’une séquence de commandes semble bien plus probable. Par contre, la multimodalité synergique peut apparaître avantageuse avec l’expérience pour certaines tâches et satisfaire les attentes des utilisateurs fréquents. Dans ce cas, concernant la coordination geste/parole, les concepteurs devraient rechercher à créer des systèmes flexibles, acceptant différents modes de coordination entre le geste et la

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parole avec certaines limites temporelles entre les deux pour pouvoir distinguer une commande multimodale complémentaire d’une séquence de 2 commandes indépendantes réalisées chacune avec une modalité différente.

Au-delà de ces enseignements, les travaux rapportés ici soulèvent quelques questions qu’il reste à traiter. L’une d’elles concerne l’effort d’apprentissage face à une interface multimodale. Peu d’études abordent cette question pourtant centrale dans la perspective de déployer commercialement des produits ou services multimodaux. Or, à l’image des interfaces vocales dont on pensait à tort qu’elles pouvaient être naturelles, c-à-d., utilisable sans apprentissage (Karsenty, 2002), il apparaît relativement évident que les interfaces multimodales nécessiteront aussi un certain apprentissage. Quelle forme devra-t-il prendre ? Quelles propriétés des interfaces multimodales devront être apprises ? Dans quelle mesure des commandes multimodales pourraient être découvertes dans la continuité des (séquences de) commandes monomodales ? Quelles sont les limites d’acceptabilité des utilisateurs face à cette exigence d’apprentissage ? Voici quelques questions que la recherche sur la multimodalité devra aborder dans un avenir proche.

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Usage des interactions verbales pour la conceptiond’applications interactives centrée Genre

LIUPPA - Laboratoire d’Informatique de l’Université de Pau et Pays de l’AdourIUT de Bayonne, Château Neuf, Place Paul Bert

64100 BAYONNE[Latapy, Lopisteguy, Dagorret, Gaio]@univ-pau.fr

RESUME

MOTS CLES :

ABSTRACT

KEYWORDS:

INTRODUCTION

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LA NOTION DE GENRE

••

DES INTERACTIONS VERBALES AUXINTERACTIONS ENTRE UTILISATEUR ETAPPLICATION

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Organisation hiérarchique

Cadre interactionnel

Système de place

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Propriétés de démarcation

Propriétés d’enchaînement

WEB

Propriétés de complétude

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UNE NOTATION POUR LES SCENARIOSINTERACTIONNELS

Notation pour l’interaction

Opérateurs de synchronisation

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ILLUSTRATION - UNE APPLICATION LUDO-EDUCATIVE

Le cadre interactionnel

SchémaParticipa-tionnel

Domaine ThématiquesTempsLieu

But

Enfant 8-10 ans +«Splash!»

Laplage

* Heureouverture* Heurefermeture* Sifflet* Zones deplage* Drapeaux* …

20 mnet

Ecole

Consolider etévaluer lesconnaissancesdes risquesde la plagetout enjouant

Un genre ludique et un genre pédagogique pourrationaliser l’interaction

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Le système de place

SurveillerPlage Rôle Enonciation TraitsEnfant 8-10

ansStagiaire

MNSDéclaratif

Personnageprincipal

Chefde

poste

Impératif,Déclaratif

PNJ

MèreExclamatif,Interrogatif

PNJ7«Splash!»

Surfer Interrogatif PNJ

CONCLUSION

Genred’application

Unitésd’interaction

Schémainteractionnel

SIW,Encyclopédique

Nœud, Menu,VisiteGuidée …

Schémanavigationnel

PédagogiqueExercice,Cours …

Learningscenario

LudiqueEpreuve,Niveau …

Game design

Narrative Acte, Scène … Scénario

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BIBLIOGRAPHIE

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Supports pour la prise en compte des experts et utilisa-teurs dans le développement de Systèmes Interactifs

d’Aide à la DécisionSophie Lepreux

LAMIH – UMR CNRS 8530 Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis,

Le Mont-Houy 59313, Valenciennes Cedex 9, France [email protected]

RESUMELa prise de décision est toujours un problème d’actualité et le développement de Systèmes Interactifs d’Aide à la Décisison (SIAD) reste complexe. Les approches de développement classiques ne sont pas suffisantes pour être applicables aux SIAD. Nous proposons une approche mixant les principes des travaux de différents domaines et visant à mieux prendre en compte les facteurs humains dans la conception de SIAD. Des moyens permettant d’impliquer les acteurs sont proposés puis évalués par l’application de cette approche pour le développement d’un SIAD dans le domaine ferroviaire. Les premières évaluations avec les utilisateurs permettent de montrer l’apport des moyens proposés à la fois d’un point de vue ergonomique mais aussi d’un point de vue de l’aide dans leur processus de prise de décision. Des perspectives dans le domaine des IHM sont alors introduites.

MOTS CLES : Templates, Patrons, Systèmes Interactifs d’Aide à la Décision (SIAD), Approche de développement, IHM.

ABSTRACT Decision making is always a topical problem. The existing classical development approaches are not sufficient to DSS development. This paper proposes a mixed approach from several domains which aims at better taking account of human factors. Means as templates allowing to increase the actors implication are proposed. This approach is applied to DSS development in railway investments. The first evaluations with the end users allow to validate the means. The evaluations are oriented on ergonomics criteria and on decision making process support. Conclusion and perspectives in HCI domain are presented.

KEYWORDS: Templates, Patterns, Decision Support System (DSS), Development approach, HCI.

INTRODUCTIONLes systèmes interactifs d’aide à la décision sont le plus couramment des systèmes décideurs. Pour nous, ces

systèmes doivent permettre à l’utilisateur de mesurer les conséquences de ses choix en essayant de ne pas l’induire en erreur. Pour cela, il doit pouvoir comparer les diverses options pour pouvoir faire le choix le plus approprié. Des outils d’analyse lui sont alors nécessaires. Ces outils peuvent être de natures très différentes (simulateur, système expert, recherche opérationnelle,…) et apportent tous un indicateur de décision. Le système doit alors fournir une interface ou des interactions permettant à l’utilisateur d’utiliser l’ensemble de ces outils et d’analyser l’ensemble des résultats afin de prendre une décision. Nous nous situons ici dans le processus de décision basé sur la connaissance dans le modèle de Rassmussen [20].

Les IHM dans les systèmes d’aide à la décision ont déjà fait l’objet de recherches. Par exemple, Chen [6] a cherché à améliorer les IHM pour les systèmes experts. en connectant chaque composant du système expert avec des interfaces homme-machine pour apporter une meilleure information à l’utilisateur. Pour cela, il propose un composant wrapper d’interface. Chaque interface peut être spécifique au composant qu’elle « emballe ». Les utilisateurs experts n’ont pas nécessairement besoin des interactions fournissant plus de précision sur le fonctionnement tandis que les novices pourront les utiliser pour mieux comprendre le fonctionnement du système. De cette manière, l’utilisateur peut suivre le processus du système et donc avoir plus confiance dans ses résultats. Ces interfaces peuvent également permettre aux utilisateurs de mieux vérifier les bases de connaissance et identifier les incompatibilités. Le principe adopté par Chen est intéressant car il montre l’intérêt d’associer des interfaces utilisateur à chaque composant métier. Pour nous, tous les composants métiers sont considérés comme possédant une interface utilisateur.

Nos travaux précédents ont consisté à proposer une amélioration à une démarche de développement de SIAD permettant de mieux prendre en compte l’utilisateur en phase d’analyse [16]. Cette méthode nous semble encore insuffisante c’est pourquoi ce papier propose une

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démarche plus complète pour intégrer l’ensemble des acteurs dans le cycle de développement.

Dans la première section, nous présenterons les modèles de divers domaines en précisant leurs avantages et inconvénients pour le dévelopement d’un SIAD. L’approche de développement de SIAD, et en particulier la méthode intégrant des moyens d’assister les experts et les utilisateurs lors de la phase d’analyse, sera présentée en deuxième section. La troisième section présentera une étude de cas dans le domaine ferroviaire, basée sur l’approche, où l’utilisation des supports proposés sera illustrée. La quatrième section présente les résultats des évaluations réalisées par des experts sur l’étude de cas. Nous pourrons alors conclure et présenter les perspectives de ces travaux.

TRAVAUX RELATIFS Malgré l’importance des SIAD, il n’existe pas d’approche de développement générique et spécifique aux SIAD. Les méthodes existantes dans ce domaine sont souvent spécifiques à un domaine d’application [19] ou centré sur un moyen de calcul (RO, IA, simulation…) [18]. Nous nous sommes donc intéressés aux méthodes « génériques » issues d’autres domaines. Le modèle en V est le plus connu des modèles du génie logiciel [14]. Il structure les étapes en deux phases : une descendante pour la conception et une ascendante pour l’intégration et l’évaluation. Les moyens d’évaluation sont définis dans la phase descendante. Ce modèle n’est pas suffi-samment spécifique pour permettre un développement efficace d’un SIAD. Ce modèle est un pilier du génie logiciel ; il a souvent été réutilisé et adapté dans d’autres domaines, comme nous le verrons dans la fin de cette section. Il existe de nouvelles méthodes proposées dans le génie logiciel tels que RUP et eXtreme Programming (XP). Cette dernière est strictement itérative ; les déve-loppements s’effectuent selon un système d’itérations imbriquées de courtes durées comprenant les itérations de développement et les itérations de livraison [7]. Cer-taines pratiques sont très intéressantes comme « assurer un feedback constant » mais qui amène des principes tel que le développement piloté par les tests. Or ce principe est difficile à mettre en œuvre dans le cadre de dévelop-pement de systèmes tels que des SIAD. Selon nous, la phase d’analyse est indispensable pour ce type de sys-tème comme nous le verrons par la suite. Un autre dé-faut, à notre avis, de cette méthode pour le développe-ment de SIAD vient de sa particularité qui consiste à re-fuser toute rédaction de documentation d’analyse et de conception. Le cycle en V a été utilisé dans le domaine des IHM puisqu’il a inspiré le modèle en U [1, 16]. Ce dernier modèle intègre des étapes centrées sur les fac-teurs humains et a par la suite été enrichi d’étapes per-mettant de mieux intégrer les experts dans la phase des-cendante. Ce modèle commence à s’approcher du do-maine des SIAD mais il n’est pas assez complet en terme de gestion des connaissances. Un autre modèle du do-

maine des IHM qui n’est pas basé sur le modèle en V est le modèle en étoile [13]. Il a l’intérêt de placer l’évaluation au centre du processus. Cela permet de réel-lement intégrer les utilisateurs au centre du processus par le biais des évaluations. Cependant, ce cycle n’est pas suffisamment complet pour un développement logiciel. Le cycle en V a été enrichi dans le domaine de la réutili-sation pour intégrer la gestion des composants. Le cycle en X résultant intègre des étapes d’utilisation et de fabri-cation et stockage des composants [8]. Dans le domaine de la gestion des connaissances, le modèle MODESTI couple les principes des IHM et l’intégration des experts [10]. Il propose trois phases descendantes en parallèle, une dédiée à l’expert, une à l’utilisateur, et une compor-tant les étapes classiques du génie logiciel. Cependant il ne prend pas en compte la réutilisabilité. L’ensemble des modèles offre des principes intéressant selon les besoins. Ils ne sont pas suffisants pour le développement d’un SIAD tel que nous l’avons défini. C’est pourquoi la sec-tion suivante présente un modèle proposé pour le déve-loppement de SIAD.

Développement du SIAD

Phase descendante de conception

Phase ascendante d’évaluation

Activités issues du GL, des IHM, des SBC

Développement du SIAD

Phase descendante de conception

Phase ascendante d’évaluation

Développement du SIAD

Phase descendante de conception

Phase ascendante d’évaluation

Activités issues du GL, des IHM, des SBC

Activités issues du GL, des IHM, des SBC

FaisabilitéExploitationMaintenance

Activités issues du GLFaisabilitéFaisabilité

ExploitationMaintenanceExploitationMaintenance

Activités issues du GLActivités issues du GL

Evaluation technique et

évaluation par les utilisateurs

Activités issues du GL, des IHM

Evaluation technique et

évaluation par les utilisateurs

Evaluation technique et

évaluation par les utilisateurs

Evaluation technique et

évaluation par les utilisateurs

Activités issues du GL, des IHM

Activités issues du GL, des IHM

Validation des composants

Recherche /conception des composants

Dépôt de composants

Activités issues de la réutilisation

Validation des composantsValidation des composantsValidation des composants

Recherche /conception des composants

Dépôt de composants

Activités issues de la réutilisation

Recherche /conception des composantsRecherche /conception des composants

Dépôt de composantsDépôt de composants

Activités issues de la réutilisation

Activités issues de la réutilisation

Figure 1 : Le modèle d’ADESIAD, vue globale

APPROCHE DE DEVELOPPEMENT DE SIAD L’approche proposée se compose d’un modèle, d’une méthode et d’une architecture. Le modèle est une combinaison des cycles en V, en U et en étoile, en X et MODESTI. Ce cycle se veut également itératif. Le cycle proposé, vu en Figure 1, permet d’impliquer les utilisateurs et experts lors des phases (1) descendante dite de conception, (2) ascendante qui comprend l’intégration et les évaluations techniques et terminales (ou sommatives) et (3) centrale dite d’évaluations formatives. Ce modèle est plus développé dans [15].

Dire

ctio

nCo

gnitic

ien

Info

rmat

icien

Ergo

nom

eEx

pert

Utilis

ateu

rBi

bliot

héca

ire

CYC

LE D

E D

EVEL

OPP

EMEN

T Identification du problème Légende

Spécification Contribution majeure (rôle moteur)

Conception Contribution mineure (rôle participatif)

Réalisation Se tient informé

Validation

CYC

LE D

E D

EVEL

OPP

EMEN

T

Acteur

Phases de développement

Figure 2 : Acteurs du développement

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Les acteurs agissant dans ce modèle sont présentés en Figure 2. Ce schéma est issu des travaux de [5, 10] au-quel nous avons ajouté le bibliothécaire. On retrouve alors le groupe de pilotage qui définit les finalités et ar-rête des stratégies pour l’ensemble des aspects du projet. Ce groupe a une fonction de contrôle et de coordination. Le groupe de développement est composé d’un cogniti-cien, d’un informaticien, d’un ergonome et d’un biblio-thécaire. Le cogniticien recueille et analyse les connais-sances expertes, élabore les modèles. La réalisation est à la charge de l’informaticien qui définit les orientations pour la réalisation physique et concrétise le système. L’ergonome analyse les besoins de l’utilisateur. Le bi-bliothécaire est chargé de fournir les documents aux au-tres intervenants et de classer les nouveaux documents établis de manière à avoir un suivi et un archivage de toutes les décisions et actions.

Figure 3 : Template pour la description d’un problème

La méthode permet de détailler l’ensemble des étapes du modèle. Elle introduit la notion de patron dans chacune des étapes de la phase descendante de conception. Ces patrons sont utilisés pour la réutilisation des connaissan-ces, à la fois expertes (métier) et informatiques avant de devenir des composants réutilisables. Ces patrons sont un des moyens introduits dans le cycle pour impliquer les utilisateurs et décideurs et pour permettre de capitali-ser les connaissances relatives au problème. Nous appe-lons template la structure du patron (les champs sont à renseigner) et patron une instance du template dont les champs sont renseignés. Un exemple de template est fourni en Figure 3. Ce template sert de support aux ex-perts, utilisateurs et ergonome(s) pour la définition des problèmes métier relatifs au SIAD. Le template est inspi-ré des canevas proposés par [11]. De manière à utiliser et partager cette connaissance, chaque problème doit porter un nom. Une définition doit y être associée pour permet-tre à d’autres personnes non initiées de comprendre le problème. Le problème est toujours lié à des entités qui sont précisées dans le champ « attribut ». Le but du tem-plate est de relier les problèmes entre eux ; pour cela les champs « problème père » et « sous-problème » assurent la navigabilité. Enfin, d’autres relations peuvent exister

entre deux problèmes ; elles sont figurées dans le champ « problèmes connexes » qui est optionnel. Pour terminer, le champ « analyse » permet de renseigner les méthodes de traitement qui permettent d’analyser ou de résoudre le problème. Si des solutions sont d’ores et déjà connues, el-les figurent dans le champ « solution ». Le template four-nit ainsi un support réutilisable par tous et une base de dis-cussion. Il peut toutefois être adapté en fonction des atten-tes et des remarques des experts et du domaine. Nous ver-rons par la suite que les patrons instanciés à partir de ce template serviront à la description des composants métier associés mais aussi à la présentation des informations dans certaines interfaces utilisateur du SIAD. Un exemple est donné pour le problème de déplacement en Figure 4. Les sous-problèmes ou problèmes pères sont représentés par de simples flèches. De la même ma-nière, il est possible d’enrichir le template et la notation par exemple par des notations « ET » et « OU ». Des exemples intéressants existent dans les travaux de [4]. Ce template permet de supporter trois des cinq étapes du processus décisionnel proposé par [2] qui sont la dé-composition du problème en sous-problèmes, l’identification des options et la spécification des fac-teurs et autres informations pertinentes. La quatrième étape consiste à évaluer l’ensemble des options. Cette étape est supportée en partie par le champ « analyse » qui permet de donner une piste pour traiter le problème. Cependant, ce champ ne permet pas à l’utilisateur d’effectuer l’analyse. Ce champ « analyse » permet d’identifier les composants métier qui seront utilisés par les utilisateurs et experts finaux. Ces composants métier sont spécifiés en phase de spécification à l’aide d’un template proposé par la méthode et vu en Figure 5. On retrouve dans ce template un champ « nom », l’intention qui correspond à l’action que devra accomplir le compo-sant, le « contexte » dans lequel il s’applique et les pro-blèmes qu’il résout, les « données d’entrée obligatoires » qui devront être renseignées par l’utilisateur, les « don-nées d’entrée facultatives » qui ne sont pas indispensa-bles au fonctionnement de l’outil mais qui peuvent per-mettre de fournir plus de précision, les « données de sor-tie » correspondent au résultat attendu suite à l’utilisation de ce composant et enfin le champ « solu-tion » permet de fournir une description succincte ou un algorithme plus précis. Ces composants sont ensuite re-cherchés dans la mémoire de l’entreprise ou à l’extérieur pour être intégrés au SIAD. Ces composants métier peu-vent être intégrés sous la forme de composant ou de ser-vice. Ce choix doit être fait par l’équipe. La Figure 6 présente les définitions des composants métier qui de-vraient être utilisés pour le problème de la recherche d’un moyen de transport privé et personnel. La dernière étape du processus de décision est la promulgation de la décision avec examen des résultats. Cette étape est sup-portée par les IHM du SIAD qui présentent les résultats.

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Figure 4 : Exemple de décomposition d’un problème de déplacement, mise en forme à l’aide du patron de problème

Figure 5 : Template pour la définition des composants

L’architecture d’ADESIAD permet de situer les élé-ments par rapport aux couches interface, spécifique au système, spécifique au domaine infrastructure et plate-forme logicielle. Elle n’est pas développée ici par man-que de place, une description se trouve dans [15]

APPLICATION A L’AIDE A LA DECISION DANS LES INVESTISSEMENTS FERROVIAIRES L’approche proposée dans la section précédente a été appliquée au développement d’un SIAD dans le domaine ferroviaire. Le SIAD a pour objectif d’aider la prise de décision dans les investissements dans les infrastructures ferroviaires. Le développement du SIAD a suivi le cycle proposé par l’approche. Dans la phase descendante (dite de conception) et conformément à la méthode, les tem-plates ont été utilisés pour la décomposition du problème

principal qui est l’investissement en infrastructure. La décomposition du problème a été validée après trois ten-tatives ; les rémises en cause ont été facilitées par les évaluations formatives placées au centre du modèle et faisant intervenir l’ensemble des acteurs.

Figure 6 : Composants associés au sous-problème de recher-che d’un moyen de transport privé et personnel

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Figure 7 : Décomposition du problème d’investissement dans les infrastructures ferroviaires

Le problème d’investissement a été scindé en trois sous-problèmes dont un est relatif à l’analyse de l’infrastructure par rapport au trafic ferroviaire, un à l’analyse de l’infrastructure seule et un à l’analyse du trafic seul. Ceux-ci ont été décomposés à leur tour pour donner l’arborescence vue en Figure 7 (Seuls les noms de problèmes sont indiqués). Les patrons du problème principal et d’un de ses sous-problèmes feuilles sont vi-sibles de manière plus complète en Figure 8 et 9. On re-marque que le problème de capacité en ligne, vu en Fi-gure 9, indique quatre analyses possibles. Un compo-sant, associé à une de ces analyses et qui consiste à insé-rer un type de sillon, est présenté en Figure 10. Ce com-posant devra être développé, intégré à la base de compo-sant et pourra ensuite être intégré lors de la phase ascen-dante en tant que composant métier. Une partie des inte-ractions homme-machine a été modélisée par un dia-gramme état-transition issu de UML, cf. Figure 11. Cette modélisation, réalisée en présence d’experts, d’utilisateurs, d’ergonomes et d’informaticiens, a permis de définir le nombre d’écrans à utiliser, l’enchaînement des vues, les modalités de dialogue homme-machine. Pour chacune des vues, les modes de présentation des in-formations sont définies en collaboration avec l’expert, l’utilisateur et l’informaticien. Les modes d’activation des différents outils d’aide sont déterminés. Sur la Fi-gure 10 sont également présentées les activités dans les-quelles l’utilisateur peut se trouver. Les cinq étapes du processus de décision ont été synthétisées en trois types d’activités qui sont le choix des outils (intégrant les éta-pes 1, 2 et 3), l’utilisation (étape 4) et l’analyse des ré-sultats (étape 5). Ce qui correspond aux étapes 1, 2 et 3 sera basé sur les patrons de problème qui ont été définis. Le choix des outils intègre trois types d’aide traduits par différents modes d’affichage des outils. Le mode par liste présente l’ensemble des outils. La sélection peut être faite par mots-clés pour donner un affichage dit « par mots-clés ». Le troisième mode d’affichage suit la décomposition du problème faite en analyse et est nom-

mé « par thème ». L’utilisation correspond à l’utilisation des composants métier associés. L’étape 5 consiste théo-riquement à composer une interface avec les résultats hé-térogènes issus des divers composants. Cette étape n’a pas été réalisée lors de ce développement.

Figure 8 : Patron relatif au problème d’investissement

Figure 9 : Patron relatif au problème de la capacité en ligne

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Figure 10 : Patron relatif au composant métier d’insertion d’un sillon dans une grille horaire

ESTIMATION PAR LES UTILISATEURS Les évaluations qui ont été menées consistent à valider l’utilisation du template et des patrons associés pour l’aide à la prise de décision. Selon le cycle de dévelop-pement, la validation débute par le SIAD indépendam-ment des composants métier. L’objectif étant de valider l’intérêt des supports pour l’aide à la décision, seule l’activité de choix des outils correspondant au template sera présentée. Le protocole est centré sur l’évaluation de l’interaction et l’influence des modes de présentation des outils sur les utilisateurs. Pour mener à bien cette évaluation, les futurs utilisateurs ont été mis en situation la plus réelle possible. L’évaluation s’est déroulée en quatre étapes : (1) la présentation du système et des modes de choix qui lui sont proposés, (2) la familiarisation de l’utilisateur

avec le système, (3) une première mise en situation avec un problème issu du domaine. L’utilisateur a dû utiliser le SIAD pour choisir les outils adaptés à son problème et a répété cette action trois fois pour chacun des modes d’aide au choix. A la fin de chaque sélection, l’utilisateur a rempli un questionnaire sur son impression par rapport au mode utilisé et les résultats obtenus. A la fin, il a rempli un questionnaire permettant d’évaluer le SIAD selon les critères d’utilisabilité de Bastien et Sca-pin [3]. (4) L’utilisateur a reproduit le même scénario avec deux autres problèmes caractéristiques du domaine mais en utilisant les modes selon un ordre préétabli. Les documents recueillis sont les questionnaires sur les pro-blèmes d’investissement ferroviaires, le questionnaire d’évaluation ergonomique de l’IHM et l’enregistrement sur vidéo (image et son) contenant l’ensemble des ac-tions exécutées par l’utilisateur. Celui-ci a été enregistré à partir de la première mise en situation jusqu’à la fin de l’expérimentation. Trois utilisateurs de profils différents ont participé à ces évaluations. L’utilisateur dit « no-vice » a des notions issues du domaine ferroviaire mais ne travaille pas directement dans le domaine de l’expertise. L’utilisateur débutant est un chargé d’étude ferroviaire ayant une expérience de deux ans et l’utilisateur dit « expert » est un chargé d’étude ferro-viaire de trente ans d’expérience. Nous n’avons pas sou-haité faire participer plus de monde car ces évaluations ne sont pas terminales.

Figure 11 : Diagramme états-transitions pour la spécification des IHM

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Sur le Tableau 1, on constate que l’utilisateur considéré comme expert a préféré commencer l’étude avec le mode de recherche par liste car il ne lui semblait pas utile d’être aidé par les autres mécanismes. L’utilisateur débu-tant a choisi le mode thème car il a apprécié la structure arborescente le guidant dans le choix des outils en fonc-tion du problème ; d’après cet utilisateur, ce mode a l’avantage de lui éviter d’oublier des outils. Le troisième utilisateur, dit novice, a utilisé le mode mots-clés car il lui semblait lui permettre de trouver une sélection à son problème. A la fin des études, l’utilisateur expert gardera sa préférence pour le mode Liste, le débutant celle pour le mode Thème et l’utilisateur novice celle pour les mo-des par liste et par mots-clés. On notera que l’utilisateur novice a été gêné lors de l’utilisation de SIADIF avec le mode thème car des outils ont été proposés plusieurs fois dans des thèmes différents. Les autres utilisateurs n’ont pas été gênés et ont été globalement en accord avec les propositions de ce mode. A chaque fin d’utilisation selon un mode, il a été de-mandé aux utilisateurs de quantifier leur satisfaction par rapport à la sélection d’outils faite. Il en ressort que les trois utilisateurs ont jugé les résultats sortants du mode « recherche par liste » comme sensiblement meilleurs par rapport aux deux autres modes, cf. Figure 12. On remarque par ailleurs que les utilisateurs expert et débu-tant n’ont pas apprécié les résultats sortis de l’usage du mode par Mots-clés. Or pour l’utilisateur expert les ou-tils sélectionnés dans le mode Mots-clés sont plus nom-breux que dans les autres modes. Le mode a donc cor-rectement proposé les outils (sans manque). Concernant l’utilisateur débutant, la sélection est rigoureusement la même entre le mode Liste et le mode mots-clés. Pour cet utilisateur, la différence de sélection entre l’outil 1 et 3 est dûe à un changement d’avis concernant la stratégie à suivre pour résoudre le problème, indépendant de l’utilisation du système. La seule différence dûe au mode de recherche se situe au niveau d’un outil non sélection-né lors de l’utilisation du mode Thème car celui-ci n’était pas proposé. A contrario, un des outils n’a pas été sélectionné par l’utilisateur expert lors de l’utilisation du mode Thème alors que ce mode le proposait ; on peut supposer que le problème est de reconnaissance. L’outil ne devait pas être présent là où l’utilisateur s’attendait à le trouver. C’est principalement pour cette raison que l’utilisateur expert est moins satisfait des résultats obte-nus à l’aide du mode Thème.

Liste Thème Mots-clés Préfé-rence fi-

naleExpert 1 3 2 ListeDébu-tant

2 1 3 Thème

Novice 2 3 1 Liste ou Mots-clés

Tableau 1 : Ordonnancement du choix de mode par chaque utilisateur

satisfaction des utilisateurs concernant la sélection d'outils obtenue par mode

0,00

50,00

100,00

Thème Liste Mots clés

mode de sélection

utilisateur noviceutilisateur débutantutilisateur expert

Figure 12 : Degré de satisfaction des résultats par rapport aux modes utilisés

D’un point de vue utilisabilité, le principal reproche concernait le manque de retour d’information particuliè-rement dans le mode thème. Le mode thème proposait les outils dans plusieurs tableaux. Des outils pouvaient se retrouver dans plusieurs thèmes. Le manque de retour d’information obligeait les utilisateurs à se souvenir ou à prendre en note les outils au fur et à mesure de la sélec-tion. Cela s’est répercuté sur leur notation dans la grille d’utilisabilité, cf. Figure 13 concernant le guidage.

0,00

50,00

100,00guidage

charge de travail

contrôle explicite

adaptabilité

gestion des erreurs

homogéneité/cohérence

signif ication des codes

compatibilité

utilisateur novice

utilisateur débutant

utilisateur expert

moyenne

Figure 13 : Résultats globaux relatifs à l’utilisabilité.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES Ce papier a présenté un certain nombre de cycles de dé-veloppement issus de divers domaines en lien avec les SIAD. Pour nous le SIAD est un moyen d’assistance qui permet de proposer un ensemble d’outils accompagné d’une aide pour faciliter l’ensemble du processus de dé-cision. Les cycles ont montré des avantages mais aussi souvent des insuffisances pour le développement des SIAD. Une approche couplant un certain nombre de principes a été présentée. Des supports à la prise en compte des utilisateurs et des experts pour le dévelop-pement et la réutilisation ont été proposés. Ceux-ci sont génériques mais peuvent être adaptés à des cas particu-liers. Une étude de cas dans le domaine ferroviaire a ten-té de montrer l’intérêt des supports pour l’aide à la déci-sion et notamment dans un premier temps dans le choix des outils. L’approche proposée peut encore être affinée et approfondie. Une plateforme la supportant serait une réelle aide dans le cadre du développement, notamment pour faciliter la gestion des patrons introduits lors d’un développement. Le SIAD tel qu’il est développé à l’aide de l’approche permet de manipuler un certain nombre

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d’outils. L’étape finale du processus de décision est la synthèse des analyses de manière à aboutir à une déci-sion. Cette synthèse, supportée par le SIAD, est effec-tuée grâce aux opérateurs de composition des IHM [17]. Ce travail fait partie des perspectives car il existe peu de moyen pour composer des IHM. Les travaux relatifs au projet RAINBOW [9] visent cet objectif à partir de spé-cification de l’IHM en SUNML. Cette problématique est également abordée dans les travaux relatifs à la composi-tion de composants [12]. Cependant, il faut dans le cas du SIAD que la composition soit réalisée de manière, encore une fois, à supporter le décideur.

REMERCIEMENTSLes auteurs remercient les experts de RFF pour leur participation dans ce travail et la région Nord - Pas-de-Calais qui a participé au co-financement de la thèse avec RFF. Ce travail bénéficie aussi d’idées provenant du projet TACT MIAOU et EUCUE supportés par la région Nord- Pas-de-Calais et le FEDER.

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Les Modèles de Tâchespour la Contextualisation des Composants

Arnaud Lewandowski, Grégory Bourguin

Laboratoire d Informatique du Littoral50, rue Ferdinand Buisson

62228, Calais, France{lewandowski, bourguin}@lil.univ-littoral.fr

Jean-Claude Tarby

Laboratoire TrigoneInstitut CUEEP, Université Lille 159655 Villeneuve d Ascq, [email protected]

RESUMEUne solution permettant de répondre au caractère émer-geant et évolutif des besoins des utilisateurs, vis-à-visdes environnements logiciels supportant leurs activités,consiste à leur donner les moyens d’adapter ces environ-nements par l’intégration de nouveaux outils. De nom-breuses solutions techniques existent pour l’intégrationde composants logiciels, mais leur accessibilité restecantonnée aux développeurs expérimentés. Une des rai-sons principales réside dans le fait que les approchesd’intégration dynamique sont confrontées à un problèmed’ordre sémantique : pour bien intégrer un outil dans uneactivité, il faut en effet bien comprendre quelle sera saplace dans cette activité. Pour faciliter cette compréhen-sion et donc l’intégration dynamique et fine de compo-sants, nous proposons une nouvelle approche de concep-tion et d’intégration inspirée de travaux sur la modélisa-tion des tâches.

MOTS CLES : Composant, Intégration, Tâche.

ABSTRACTUsers’ needs towards the software environments sup-porting their activities are emerging and continuouslyevolve. A solution is to give to the users the means toadapt these environments, by integrating the tools theyneed. Many technical solutions exist, but their use islimited to a public of experts in software developement.The main reason is that current dynamic integration ap-proaches face a semantic problem: in order to finely in-tegrate a tool in an activity, one must indeed well under-stand what will be its place in this activity. In order tofacilitate this understanding and this dynamic integra-tion, we propose a new approach of conception and inte-gration, based on previous work on task modelling.

KEYWORDS: Component, Integration, Task.

INTRODUCTIONAujourd’hui, de nombreux travaux tendent à apporterdes réponses aux besoins émergents des utilisateurs vis-à-vis des environnements logiciels supportant leurs acti-vités. En effet, les avancées technologiques ont large-ment contribué à rendre les utilisateurs de plus en plusexigeants vis-à-vis des systèmes informatiques. Par ail-leurs, la démocratisation de l’Internet et des accès haut-

débit a contribué à la mise à disposition d’une pléthored’outils destinés à supporter les activités humaines. Ain-si, si autrefois l’utilisateur n’avait d’autre choix que des’adapter à un système rigide et sans concurrence, latendance est à présent inversée : si l’utilisateur n’est pasen mesure d’adapter le système à ses besoins émergents,il est probable qu’il en change. Pour répondre à ce be-soin de plus en plus prégnant, une des approches propo-sées consiste à fournir aux utilisateurs les moyens leurpermettant d’adapter au fil de leurs besoins leur environ-nement logiciel de support d’activités. Cela sous-entendd’implanter dans l’environnement les mécanismes adé-quats qui permettront aux utilisateurs d’y intégrer lesnouveaux outils qu’ils téléchargent sur le Web. S’ilexiste des mécanismes avancés qui permettent de réalisercette contextualisation d’outils d’un point de vue tech-nologique, il est intéressant de noter que ces solutionssont toujours confrontées à un problème d’ordre séman-tique : pour intégrer de manière fine un outil (ou compo-sant logiciel) dans l’environnement, il est nécessaire decomprendre le fonctionnement de ce composant, etquelle sera sa place dans l’activité globale supportée parl’environnement. Or, nous pensons que les modèles etoutils actuels présentent des lacunes de ce point de vue,et restent inaccessibles pour l’utilisateur final. Pour pal-lier ce manque, nous avons amorcé une nouvelle appro-che pour la définition, le développement et l’intégrationdynamique de composants. Nous proposons de mieuxutiliser les modèles de tâches issus du domaine des IHM,qui, dans l’approche de conception classique, ont ten-dance à s’évaporer au fil du processus de développementpour finalement disparaître. Nous pensons que ces mo-dèles de tâches peuvent améliorer la compréhension etfaciliter la contextualisation des composants par les utili-sateurs. Dans un premier temps, nous détaillerons la pro-blématique de l’intégration fine et dynamique de compo-sants, en évoquant les solutions existantes et les problè-mes auxquels elles font face, notamment du point de vuede l’accessibilité aux utilisateurs. Nous proposerons en-suite l’approche de conception Orientée Tâches (OT)visant à ajouter de la sémantique dans les composants autravers des modèles de tâches, en vue d’assister lacontextualisation de ces composants. Enfin, nous intro-duirons une mise en œuvre de cette démarche dans laplateforme CooLDev.

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LE PROBLEME DE LA CONTEXTUALISATIONDe nombreuses études théoriques et empiriques ont dé-montré le caractère émergeant des besoins des utilisa-teurs vis-à-vis de leurs activités et des environnementslogiciels les supportant [8,12,16,29,34]. De fait, de nom-breux travaux de recherche tendent à intégrer aux envi-ronnements logiciels les mécanismes permettant de sup-porter ces besoins émergents, et à donner aux utilisateursla possibilité de faire évoluer eux-mêmes ces environ-nements. Comme nous l’avons évoqué dansl’introduction, les utilisateurs n’hésitent plus à recher-cher sur l’Internet les outils qui répondent le mieux àleurs besoins, outils qu’ils utiliseront ensuite dans lecadre de leur activité. Supporter une telle évolution del’environnement consiste donc à supporter la contextua-lisation (ou intégration) de nouveaux outils (ou compo-sants) dans l’environnement.

La contextualisation – vision inspirée des SHSLe domaine du TCAO (Travail Coopératif Assisté parOrdinateur) a intégré depuis longtemps les résultats derecherches en Sciences Humaines et Sociales, établissantclairement que les besoins des utilisateurs ne peuventêtre complètement définis a priori et de manière exhaus-tive. Ainsi, la Théorie de l’Activité [1] met en évidencele fait que l’activité humaine, et tous les éléments qui lacomposent, est sujette à l’évolution, y compris les be-soins des utilisateurs, qui émergent de celle-ci. Un sys-tème informatique dédié à supporter une activité parti-culière doit donc également être en mesure d’évoluer.C’est ainsi que nos travaux tentent de fournir des envi-ronnements informatiques adéquats suivant le principede coévolution (défini en détails dans [4,5]), c’est-à-direpermettant aux utilisateurs finaux de (re)définir dynami-quement et coopérativement leur propre environnementinformatique. Cette (re)définition peut par exemple setraduire par une évolution des rôles mis en jeu dansl’activité coopérative, ou encore par l’intégration dyna-mique de nouveaux outils (sous forme de composants)au sein de l’environnement de travail. Nos travaux étantfortement inspirés par la Théorie de l’Activité, nousavons traduit ce besoin d’intégration dynamique d’outilsen terme de gestion de l’inter-activités [17]. Cette appro-che considère que chaque outil est destiné à supporter untype d’activité en particulier. Mais lorsque plusieurs ou-tils sont utilisés en parallèle par un groupe d’acteurs, ilsservent généralement une activité de plus haut niveauque celle pour laquelle chaque outil a été créé. Imagi-nons par exemple qu’un groupe utilise en parallèle uncomposant de discussion synchrone, un outil de partagede document de type CVS1, et un éditeur de code. Cesdivers outils supportent chacun une activité (discussionsynchrone pour le chat, etc.) et ne se connaissent pas.Cependant, ils sont utilisés de manière complémentairepar le groupe du fait qu’ils servent une activité coopéra-tive globale de développement de logiciel. Bien souvent,

1 CVS (Concurrent Versions System) est un outil de gestion centraliséede versions, très utilisé par les équipes de développement logiciel.

la cohérence de l’environnement est principalement gé-rée mentalement par les utilisateurs. Notre objectif est defournir un environnement qui crée le contexted’utilisation des divers outils impliqués dans une activitéglobale et supporte par exemple l’activité de développe-ment de logiciel en gérant les liens existants entre cesdiverses (sous-)activités, c’est-à-dire en gérant l’inter-activités. Gérer l’inter-activités consiste principalement àgérer le contexte d’exécution des outils mis en œuvre parles utilisateurs dans la réalisation de leur activité globale[17]. Un contexte particulier pourra par exemple confi-gurer les outils pour refléter le rôle de l’utilisateur dansl’activité globale supportée par l’environnement. Ainsi,les acteurs chargés du test dans l’activité de productiond’un logiciel n’auront pas, par exemple, les droitsd’accès leur permettant de modifier le code du logiciel.Ce contexte pourra aussi piloter les outils (supportant lessous-activités) en fonction de changements d’états dansl’activité globale. La mise en œuvre de tels scénariosdans l’inter-activités, orchestrant un ensemble d’outils nese connaissant pas a priori, suppose que ces compo-sants/outils puissent être contextualités de manière finedans l’environnement global.

La contextualisation – solutions techniquesLe problème de l’intégration de composants logiciels estun domaine de recherche complexe. De nombreuses so-lutions techniques tentent d’ailleurs d’y apporter desréponses. Par exemple, les composants distribués de typeCorba [37], EJB (Enterprise JavaBeans) [2], ou encoreles Services Web [11] sont conçus en vue de leur inté-gration future. Y sont parfois associés des langages decomposition [36] qui permettent d’intégrer de manièrefine ces composants ou services informatiques au seind’applications. Il est à noter que ces solutions technolo-giques pour l’intégration sont à destination exclusive-ment de développeurs expérimentés, notamment en rai-son de leur complexité, de leur coût de mise en œuvre etde la spécificité des techniques employées [13]. Néan-moins, ces différentes méthodes d’intégration fonction-nent suivant le même principe : il est possible de décou-vrir dynamiquement les objets sur l’Internet, de les ins-tancier, de découvrir par introspection leurs méthodespubliques ainsi que leurs éventuels canauxd’événements, et finalement de les utiliser. Ces méca-nismes sont fort intéressants pour nous permettre de gé-rer l’inter-activités. Pourtant, ils apportent principale-ment une solution à la dimension technique du problème.En effet, intégrer dynamiquement un outil de manièrefine suppose qu’on puisse l’utiliser, mais aussi que l’oncomprenne comment l’utiliser. Pour pallier ce problèmede sémantique des composants, les technologies Orien-tées Objets (OO) fournissent quelques supports pour leurcompréhension, comme le WSDL [3], langage de des-cription des Services Web ; ou encore la Javadoc [14],une documentation des composants JavaBeans générée àpartir de balises insérées dans le code desdits compo-sants sous forme de commentaires. Ainsi, dans

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l’exemple de la création d’un chat intégrable, la Javadocassociée pourrait décrire la liste des méthodes publiquesde l’outil pour son pilotage telles que envoyerMessage,authentifier, afficherGroupe, etc. Néanmoins, pour inté-grer un tel composant, ce genre de documentation, quidécrit le fonctionnement des méthodes mais pas la façonde les utiliser, n’est généralement pas suffisante. Toutdéveloppeur a d’ailleurs déjà été confronté à ce pro-blème. Par exemple, dans quel ordre ces méthodes doi-vent-elles être appelées par l’application qui contextua-lise le chat pour que ce composant fonctionne correcte-ment ? Une solution consiste à rechercher des exemplesd’utilisation, en épluchant le code d’une autre applica-tion qui utilise le même composant, ou en procédant àune initiation à sa mise en œuvre sous forme de tutoriel,dans le meilleur des cas.

Nous pensons que ces difficultés liées à l’intégrationdynamique de composants tiers proviennent d’une pertede sémantique dans les moyens proposés quant à leurdocumentation. Seuls des informaticiens passionnés sonten général capables d’intégrer au mieux la plupart descomposants émergeant sur l’Internet car, procédant parl’étude de codes existants, ils doivent presque totalementreconstruire mentalement la mécanique de fonctionne-ment de l’outil qu’ils tentent d’intégrer. Cette probléma-tique limite la réutilisation à des utilisateurs très spéciali-sés. D’ailleurs, si de nombreux travaux sont en cours[15,21], visant à pallier ce problème sémantique dans lesmodèles de composants, les solutions proposées restentgénéralement à destination de développeurs expérimen-tés. Or, dans le cadre de nos travaux sur la coévolution[5], nous avons montré qu’il serait fort bénéfique de fa-ciliter cette intégration fine et dynamique de composant,y compris pour et par les utilisateurs finaux. C’est ainsique d’autres solutions ont été envisagées, consistant àintégrer des composants dans un environnement cibleparticulier qui fournit des mécanismes permettant derelever le niveau d’abstraction de l’intégration ; c’est lecas des plug-ins Eclipse [24] intégrables exclusivement àcette plateforme. Si cette intégration est plus accessibleaux utilisateurs finaux, c’est au détriment de la souplessede l’intégration ; la spécification de la façon dont uncomposant sera intégré est en effet souvent codée direc-tement dans le composant, et il difficile de (re)définirfinement ce « schéma » d’intégration autrement qu’enmodifiant le code. L’intégration fine et dynamique parles utilisateurs est donc toujours un problème prégnant :en effet, les méthodes permettant de réaliser une telleintégration sont confrontées à des problèmes sémanti-ques, et ne sont accessibles qu’à un public d’experts –donc pas les utilisateurs finaux. Ces utilisateurs, infor-maticiens ou non, ne sont pas des spécialistes de la tech-nologie mise en œuvre, mais plutôt des spécialistes de latâche qu’ils veulent accomplir.

Qu est-ce qu un outil du point de vue de la tâche ?En cohérence avec notre approche de l’inter-activités, onpeut considérer que chaque outil supporte une tâche àlaquelle il est dédié. En d’autres termes, tout composantinformatique peut être vu comme un support générique àune tâche particulière, cette tâche étant inscrite plus oumoins implicitement dans l’outil. En effet, le concepteurde l’outil a créé les mécanismes sous-jacents et son inter-face de manière à proposer un support adéquat à unetâche donnée. Ainsi, un composant de mail supporte laréalisation de tâches de mailing, un composant de chatsupporte des activités de discussion synchrone, etc. Enconclusion, on peut considérer que contextualiser unoutil, c’est contextualiser une tâche existante dans lecadre d’une tâche plus globale. De manière à facilitercette contextualisation et à apporter une réponse auxproblèmes de l’intégration dynamique, nous proposonsci-après de mieux utiliser le modèle de tâches du compo-sant, sorte de chaînon manquant qui disparaît générale-ment entre la phase de conception et le code produit.

DE L ORIENTE OBJET A L ORIENTE TACHES

Utilisation des modèles de tâches dans le cycle dedéveloppementTrès tôt, les ergonomes se sont penchés sur la logique defonctionnement et la logique d’utilisation [31] afin decomprendre le mode de fonctionnement des utilisateurspendant leurs activités, c'est-à-dire lors de la réalisationde leurs tâches. Petit à petit, l’analyse des tâches s’estétoffée avec la modélisation permettant non seulementde décrire précisément les tâches effectives (celles réali-sées réellement par les utilisateurs), mais égalementd’écrire le modèle des tâches prescrites, c'est-à-dire cel-les que les utilisateurs sont censés réaliser par la suite.Cette modélisation, ainsi que les méthodes associées(CARD, ACTU2, etc. [25]), devenant de plus en pluscomplexe, une multitude de formalismes ont fait leurapparition, la majorité étant couplée à des outils le plussouvent graphiques, par exemple CTTE [22] pour leformalisme CTT [27] et TAMOT [18] pour Diane+ [35].

L’utilisation des tâches prend une place de plus en plusimportante dans le Génie Logiciel, principalement dansle domaine des IHM. Nombreux sont les travaux dans cedomaine qui portent sur les moyens visant à exprimer lestâches des utilisateurs. Cette approche orientée tâches estgénéralement utilisée dans les phases amont ou aval d’unprocessus de conception [7,9,18,19,20,26,27,30]. Toute-fois, il est intéressant de constater que si ces méthodesproposent de commencer la conception d’un composantpar une modélisation de la tâche, cette démarche s’efface

2 CARD (Collaborative Analysis of Requirements and Design) etACTU (Analyse Collaborative des Tâches des Utilisateurs) sont desméthodes de conception participative, basées sur l’utilisation de cartesà jouer représentant des tâches et des objets familiers pour les partici-pants. Ces méthodes permettent de recueillir facilement des modèles detâches utlisateur.

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progressivement pour finalement être absorbée par unedémarche de conception orientée objet inspirée parl’ingénierie informatique. Cette approche de conceptionclassique tend à transformer les modèles de tâches enmodèles d’objets, d’où découle implicitement la structu-ration en classes du composant produit (cf. Figure 1,partie supérieure). Le modèle de tâches de base se re-trouve noyé, inscrit de manière implicite dans la com-plexité du code produit. En effet, les approches orientéestâches ne sont pas ou peu utilisées pendant le cycle deconception et de développement, c'est-à-dire après lerecueil des besoins et leur analyse. Par ailleurs, les outilsde conception actuels, principalement ceux reconnus enGénie Logiciel – qu’il s’agisse d’Environnements deDéveloppement Intégrés (EDI) dédiés à supporter lesphases de programmation/test, ou des Ateliers de GénieLogiciel (AGL) comme Rational Rose, tendant à sup-porter l’intégralité du processus de production –n’intègrent absolument pas les approches orientées tâ-ches. UML lui-même, n’intègre pas du tout la notion detâches telle que nous la connaissons en IHM. Par exem-ple : UML ne contient pas les notions de buts utilisateurou d’intentions de l’utilisateur ; UML ne permet pas demodéliser les utilisateurs (connaissances, habitudes,…) ;la différence de notion entre tâche interactive, tâchesystème et tâche manuelle n’existe pas dans UML.Pourtant, nombreux sont les travaux qui ont tenté deremédier à ce manque [6,23,28,32], profitant de similitu-des entre certains concepts d’UML et des approchesorientées tâches pour créer des « traducteurs ».On constate donc que le bénéfice réalisé dans les phasesamont lors de la modélisation des tâches disparaît tota-lement lors de la conception et de l’implémentation.Même si le code produit reflète les tâches initialementidentifiées, il est très difficile de retrouver le modèle de

tâches associé à partir du code. Ceci rejoint le fait évo-qué précédemment concernant la nécessité pour les inté-grateurs d’entrer dans le code du composant pour en ré-extraire la logique de fonctionnement du point de vueinformatique, et surtout sa logique d’utilisation du pointde vue de l’utilisateur, c’est-à-dire reconstruire et rendreà nouveau explicite le modèle de tâches sous-jacent.C’est aussi pour cela que lors des phases de tests finaux,les équipes de développement sont obligées de recouriraux « espions », aux interviews, et à d’autres techniquespour retrouver une partie de ce modèle de tâches. Parconséquent, nous sommes convaincus que la conserva-tion explicite du modèle de tâches, jusque dans la mise àdisposition du composant logiciel, sera bénéfique àl’intégration dynamique des outils dans l’activité desutilisateurs. De plus, les modèles de tâches servent aussisouvent, en tant qu’objet partagé, à une meilleure com-munication entre les différents acteurs (y compris lesfuturs utilisateurs) du processus complexe de dévelop-pement. De ce fait, la mise à disposition du modèle detâches devrait non seulement permettre la compréhen-sion du fonctionnement de l’outil à intégrer, mais aussifaciliter l’intégration au niveau de la tâche globale parles utilisateurs finaux eux-mêmes en fournissant sa logi-que d’utilisation. C’est ce que nous proposons de réalisergrâce à une nouvelle approche de conception.

Une nouvelle démarche de conceptionComme nous l’avons illustré précédemment, le bénéficede l’utilisation des modèles de tâches est présent à tousles stades du cycle de vie du composant logiciel, depuissa conception, en passant par son développement, et jus-qu’à sa contextualisation. Notre proposition consiste enune démarche de conception Orientée Tâche (OT), c’est-à-dire une approche ‘classique’ augmentée par le main-

Figure 1. Schématisation de l’approche de conception classique, et de l’approche Orientée Tâches qui tend à préserver lemodèle de tâches tout au long du processus de développement, pour une meilleure contextualisation du composant.

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tien explicite des liens entre le code et le modèle de tâ-ches qui en est à la base. Notre démarche n’impose au-cun formalisme particulier pour la modélisation des tâ-ches puisque nous nous attachons à relier des conceptsdes modèles de tâches (indépendants donc du forma-lisme) au code. De la même manière, cette démarche deconception n’a pas d’incidence directe sur la structura-tion des classes du composant. En effet, notre démarcheconsiste justement à identifier les liens entre le code ducomposant (autrement dit sa structuration) et le modèlede tâches qui en est à l’origine. Ces liens sont inscritsdans le code sous forme de balises (à la manière des ba-lises de la Javadoc, insérées dans le code sous forme decommentaires, pour permettre la génération automatiquede documentation) lors de la phase d’implémentation.Cette démarche permet d’obtenir des composants avecun modèle de tâches documenté et lié au code (cf. Fi-gure 1, partie inférieure).

L’avantage de cette démarche réside dans le fait qu’ellen’induit qu’une faible surcharge du travail des concep-teurs et des développeurs. En effet, si le modèle de tâ-ches est déjà réalisé pour les besoins de l’analyse, lasurcharge consiste uniquement à inscrire dans le code lesliens susmentionnés et à livrer le composant avec sonmodèle de tâches. En revanche, le gain en matière desémantique concernant le fonctionnement du composantest appréciable, et pourra aider à sa compréhension. Pourla contextualisation, nous proposons de fournir lesmoyens de manipulation associant les mécanismesd’introspection et de documentation classiques avec lemodèle de tâches du composant.

MISE EN ŒUVRE DANS LA PLATEFORME COOLDEVL’objectif du projet CooLDev (Développement Coopé-ratif du Logiciel) est de proposer un environnement glo-bal pour le support des activités coopératives de déve-loppement logiciel. L’environnement CooLDev, fondésur la plate-forme Eclipse, propose déjà des moyens pourla gestion de l’inter-activités. Un méta-modèle, auquelnous avons associé divers mécanismes pour l’exécution,permet notamment de décrire et de gérer les liens exis-tant entre des activités [17]. Toutefois, ces mécanismesétaient jusqu’à présent limités dans leur utilisation par leproblème de sémantique que nous venons d’exposer. Lesmoyens techniques pour la contextualisation des outilsexistent, mais le problème réside dans la compréhensionde leur fonctionnement. Nous pensons que la nouvelleapproche OT que nous présentons permettrait d’apporterune réponse à ce problème. Pour valider cette approche,nous avons décidé de procéder au développement d’unplug-in Eclipse de discussion synchrone que nous pour-rons contextualiser dans la plateforme CooLDev.

Conception et développement d un composant OTNotre démarche présente de nombreuses similitudes avecles approches classiques. La conception a été faite sur labase d’un modèle de tâches construit de manière incré-

mentale au fur et à mesure de la définition des besoinspour l’outil de discussion. En l’occurrence, c’est le for-malisme Diane+ [35] que nous avons utilisé pourl’élaboration de ce modèle de tâches. Toutefois, commenotre démarche s’attache à relier au code des conceptsgénéraux des modèles de tâches, il est tout à fait possibled’utiliser d’autres formalismes comme CTT [27]. Cemodèle (dont le premier niveau de décomposition estdonné sur la Figure 2) est constitué de plusieurs tâches(se connecter, communiquer, etc.), elles-mêmes éven-tuellement décomposées en sous-tâches (c’est le cas destâches communiquer et administrer). C’est ce modèlequi, suivant notre démarche, sera conservé lors du pro-cessus de développement. C’est donc également ce mo-dèle qui sera utilisé pour la contextualisation du compo-sant dans une tâche plus globale. En fonction du nouveaucontexte d’usage (défini lors de la contextualisation),certaines parties du modèle pourront être shuntées. Dansnotre exemple, la tâche se connecter (à laquelle corres-pond l’interface demandant à l’utilisateur de renseignerses informations de connexion) peut être shuntée par unappel direct au lien validate. Ce type de shunt est sou-vent mis en œuvre dans un environnement global qui secharge de récupérer les informations de connexion desacteurs et les transmet lui-même aux outils qui y sontintégrés de manière à les configurer automatiquement.

Figure 2. La tâche du chat (niveau global).

La phase suivante correspond au codage de l’outil et deson interface sur la base du modèle de tâches défini enamont. La particularité de cette phase consiste à conser-ver les liens entre ce modèle et le code produit. Ces lienssont inscrits dans le code grâce à des tags de type xdoclet(balises sémantiques insérées dans le code, suivant lemodèle des balises de la Javadoc) qui référencent desentités du modèle (tâches, liens, etc.). Cependant, chaqueentité du modèle de tâches n’est pas forcément reliée àune portion de code ; c’est par exemple le cas de la plu-part des tâches complexes qui sont constituées de plu-sieurs tâches (comme la tâche administrer) et dont laréalisation peut s’effectuer de plusieurs manières. Ici,

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d’une manière générale, les tags ajoutés au code mettenten correspondance des méthodes avec des tâches(comme la tâche se connecter, par exemple) ou des liensdu modèle de tâches (comme le lien validate). Ainsi, lecorps de la méthode authentifier(String login, Stringpassword) est précédé d’une balise xdoclet(@taskmodel.link name="validate"), qui indique que lelien validate du modèle de tâches est réalisé par cetteméthode. La tâche se connecter peut ainsi être shuntéepar une entité extérieure (d’un autre modèle de tâches)faisant un appel direct à la méthode authentifier en ren-seignant ses deux paramètres. On dispose alors d’uncomposant fonctionnel livré avec son modèle de tâchessous forme d’un fichier XML lié à celui-ci.

Contextualisation d un composant OTA partir de ce composant OT, on peut donc appliquer lesmécanismes d’introspection classiques qui nous permet-tront d’obtenir la liste des méthodes utilisables pour sonintégration, la Javadoc qui décrit le fonctionnement decette méthode dans une approche Orientée Objet, maisaussi les liens directs entre ces méthodes et le modèle detâches sous-jacent. Pour faciliter la contextualisation ducomposant dans l’activité globale, nous avons développéun prototype (cf. Figure 3) permettant de réaliser cetteintrospection du point de vue du modèle de tâches descomposants, avec ses différents niveaux de décomposi-tion, et d’effectuer sa liaison avec la tâche de l’activitéglobale. Dans l’exemple, le modèle de tâches du compo-sant de discussion synchrone a été intégré à la tâche glo-bale d’utilisation de l’environnement Eclipse, via le liende connexion présenté dans le paragraphe précédent.

Figure 3. Maquette d’intégration du modèle de tâches du chatdans la tâche globale par shunt de la tâche se connecter.

Ce prototype permet d’une part d’avoir une vision glo-bale du modèle de tâches du composant à intégrer, etdonc contribue à la compréhension de son fonctionne-ment. D’autre part, il permet de spécifier la façon dont lecomposant sera intégré à la tâche globale, au travers dela définition de liens entre le modèle de tâches du com-posant et le modèle de la tâche globale. Ce genre de lienstend à supporter une contextualisation d’une dimensionplus fine du composant dans l’activité, qui va plus loinqu’une simple intégration visuelle dans l’environnement.

Cette première mise en œuvre de la démarche deconception OT a permis de mettre en évidence plusieurséléments. D’une part, comme nous l’avons évoqué, cettedémarche n’induit effectivement qu’une faible surchargede travail pour les concepteurs et les développeurs, sitant est que l’analyse faite en amont ait donné lieu àl’élaboration d’un modèle de tâches. D’autre part, nousavons pu constater, dans le cadre de cet exemple simple,que l’adjonction aux autres moyens de documentation(Javadoc, etc.) d’un modèle de tâches décrivant le fonc-tionnement et l’utilisation du composant rend sa com-préhension plus intuitive. La contextualisation dansl’environnement global par la création de liens fins s’entrouve facilitée. Nos travaux se poursuivent avecl’objectif de rendre plus accessibles aux utilisateurs fi-naux ces mécanismes d’introspection sur les modèles detâches et leur manipulation pour la contextualisation descomposants au sein de leurs activités.

CONCLUSIONUne réponse aux besoins émergents des utilisateursconsiste à leur proposer l’intégration dynamique de nou-veaux outils dans leur environnement de travail infor-matisé. Si l’on considère les moyens existants du pointde vue de l’activité humaine, cette intégration dynami-que pose problème au niveau sémantique. En effet,l’intégration fine d’un composant implique la compré-hension de la (sous-)tâche qu’il supporte pour définir laplace qu’il occupera dans l’activité visée. Malheureuse-ment les moyens actuels induisent une perte sémantiquelors de la réalisation des outils. L’approche OrientéeTâche (OT) que nous avons proposée tire parti du pro-cessus de modélisation des tâches réalisé en amont de laphase de conception du composant. Généralement, cesmodèles de tâches se retrouvent finalement dilués dans lecode du composant. Notre approche les conserve tout aulong du processus de développement, et les livre avec lecomposant final en tissant des liens fins entre le modèlede tâches à l’origine du composant et le code correspon-dant à sa réalisation. Nous avons vérifié la faisabilité decette approche par le développement et l’intégration d’unplug-in de chat pour la plate-forme CooLDev. Nos tra-vaux actuels consistent à parfaire ces nouveaux moyensd’introspection et leur outillage de manière à faciliterdavantage l’intégration dynamique de composants/outilspar les utilisateurs finaux, pour une meilleure coévolu-tion [5].

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REMERCIEMENTSLes auteurs tiennent à remercier la Direction de la Re-cherche pour l’ACI CooLDEv, le programme TAC fi-nancé par la Région Nord/Pas-de-Calais et l’Etat dans lecadre du CPER pour les projets MIAOU et EUCUE.

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Interaction multimodale pour la recherched’information dans une base de données de réunions

Agnes Lisowska

ISSCO/TIM/ETI, University of Geneva1211 Geneva 4, Switzerland

[email protected]

Mireille Betrancourt

TECFA / FPSE, Université de Genève

CH 1211 Genève 4, Suisse

[email protected]

ABSTRACTIn this paper we discuss the results of user-based experi-ments to determine whether multimodal input to an inter-face for browsing and retrieving multimedia meetingsgives users added value in their interactions. We focus ourwork on interaction with the Archivus interface usingmouse, keyboard, voice and touchscreen input. We findthat voice input in particular does appear to give addedvalue, especially when used in combination with morefamiliar modalities such as the mouse and keyboard. Weconclude with a discussion of some of the contributingfactors to these findings and directions for future experi-ments.

KEYWORDSMultimodal interaction, meeting database, informationsearch.

RESUMECet article présente les résultats d’une expérience explo-rant les effets de l’utilisation de modalités d’entrée mul-timodales pour la navigation et la recherche dans une basede documents de réunions multimédia. Nous nous som-mes intéressés particulièrement à l’interaction avecl’interface Archivus sous différentes modalités (souris,clavier, voix et écran tactile). Notre expérience prélimi-naire montre que la voix facilite l’interaction, en particu-lier lorsqu’elle est combinée avec des modalités plusfamilières comme le clavier et la souris. Nous concluonssur une discussion des facteurs qui expliqueraient cesrésultats et les expériences que nous allons mener pourvérifier ces hypothèses.

MOTS CLESInteraction multimodale, base de données de réunion,recherche d’information.

INTRODUCTIONDans le cadre de projets1 impliquant la collection dedonnées multimodales de réunion, une interface spécifique

1 The IM2 project http://www.im2.ch, the AMI projectwww.amiproject.org, The Meeting Room Project at Car-negie Mellon University, http://www.is.cs.cmu.edu/mie/,Rich transcription of natural and impromptu meetings atICSI, Berkeley, http://www.icsi.berkeley.edu/icsi-

appelée SmartRoom a été conçue pour enregistrer lesréunions de telle sorte que les données multimodalesrésultantes puissent être facilement synchronisées, traitéeset stockées. Par exemple, dans le projet IM2, dans lequelle présent travail est inséré, les réunions sont enregistréesau moyen de l’outil SmartRoom [7] et les données résul-tantes sont stockées dans une base de données qui contientles informations visuelles et audio d'une réunion, unetranscription des textes de la réunion, ainsi que diversniveaux d'annotation, y compris linguistiques (des actesde dialogue, des segments de matière, des mots-clés) etmétaniveaux (actions de réunion). En outre, les donnéesde réunion contiennent les versions électroniques de tousles documents utilisés lors des réunions, les notes prisespar les participants, et ce qui a été écrit sur le whiteboardélectronique disponible dans la pièce.Une question centrale est alors comment un utilisateurréel, tel que l’employé d'une compagnie qui emploie untel SmartRoom, peut mieux exploiter ces données. Tuc-ker et Whittaker [10] fournissent une bonne vue d'ensem-ble des types de navigateurs de réunion qui ont été déve-loppés dans divers projets et suggèrent une taxonomie en4 catégories –audio, vidéo, artefact et discours. Cepen-dant, les outils de navigation proposés pour ces donnéesde réunion reposent sur les dispositifs d’entrée standard,souris et de clavier. A notre connaissance, aucune recher-che ne s’est penché sur la possibilité d'incorporer l'entréemultimodale dans le système de navigation et de récupéra-tion de données multimodales, en l’occurrence des docu-ments de réunions.

Oviatt [8] déclare que l'entrée vocale combinée avec lasouris et le clavier était l’une des combinaisons de moda-lité les plus tôt utilisées dans les systèmes multimodaux.Dans ces systèmes, le langage naturel a été préféré pourpermettre « une plus grande puissance expressive pourl'utilisateur ». Les récentes recherches sur les interactionsmultimodales se sont intéressés à des domaines impli-quant des tâches spatio-temporelles comme tracer desactions sur une carte [8], où stylo la voix sont souventemployées. Les résultats ont prouvé que les utilisateursagissent de façon multimodale dans de tels systèmes.Ainsi, dans la combinaison stylet-voix, le stylet est

ro.html, and the Multimodal Meeting Managerhttp://www.m4project.org/.

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utilisé pour désigner des éléments tels que les symboles,les localisations et les objets physiques, alors que la voixest employée pour les éléments temporels ou plus abs-traits de l'interaction [8]. La modalité vocale est égale-ment employée dans les systèmes conversationnels dansun contexte d’interaction téléphonique qui n’implique pasd’interface graphique [3, 4, 11]. D’autres recherches surla modalité vocale concernent les interactions avec unmonde virtuel, comme dans le système Hans ChristianAnderson, où l’enfant peut converser avec une représenta-tion virtuelle de l’auteur de contes de fées pour apprendresur sa vie ou ses histoires [1]. Le système sur lequelporte cette étude s’inspire de ces deux types d’interactionspour créer une interface conversationnelle multimodale.

Notre hypothèse est que l’exploitation des données deréunions pourrait être facilitée par l’utilisation d’uneinterface conversationnelle qui permettrait l’emploi d’unevariété de modalités d’accès à l’information : requêtescomplexes en langage naturel par la voix et/ou le clavier,et dispositifs de pointage avec la souris et/ou directementsur un écran tactile. La multimodalité devrait être particu-lièrement adéquate dans ce contexte, dans la mesure où lesinformations peuvent être stockées dans différentes ré-unions et sur différents médias, impliquant des requêtescomplexes.

Dans le système à l’étude, le langage naturel peut êtreutilisé en entrée vocale ou écrite au clavier et peut êtreinterprété à deux niveaux. Le premier niveau est celui descommandes, où le langage est utilisé pour contrôlerl’interface, comme on cliquerait sur des objets del’interface graphique. Ce niveau ne nécessite pas de trai-tement particulier au niveau du système si ce n’estl’implantation d’un système de reconnaissance vocale. Ledeuxième niveau est celui des requêtes complexes expri-mées de façon libre pour la recherche d’informations dansla base, ce qui nécessite d’équiper le système d’un moduled’interprétation syntaxique et sémantique de l’entrée utili-sateur.

En collaboration avec nos collègues du Laboratoired’Intelligence Artificielle de l’Ecole Polytechnique deLausanne, nous avons participé à la conception d’unsystème, Archivus, [6] poursuivant les objectifs men-tionnés précédemment. Le présent article décrit les résul-tats d’une expérience dont l’objectif était de déterminer sila multimodalité en entrée améliore l’interaction avec unebase de données de réunions multimodales utilisant lesystème Archivus, et le cas échéant, de quelle nature estcette interaction multimodale. Il est important de noterque nous définissons l’amélioration en termes d’efficienceaccrue (nombre d’informations trouvées dans un tempsdonné), d’utilité (l’information peut-elle être retrouvéeainsi), et de satisfaction globale (opinion générale del’utilisateur).

LE SYSTEME ARCHIVUSLe système Archivus, décrit en détail dans [6], a été conçusur la base des indications relevées dans une analyse desbesoins pour l’interface d’exploration et de recherche dedonnées de réunions [5]. Les données recueillies dans cetteétude ont permis de dégager le type d’informations que lesutilisateurs voudraient rechercher à propos des réunions,ce qui nous a aidé à structurer à la fois la disposition desfonctionnalités de l’interface et les chemins que les utili-sateurs emprunteraient pour trouver l’information dans labase de données. En outre, le système a été conçu pourêtre multimodal de façon flexible, ce qui signifie quel’utilisateur peut employer la modalité d’entrée qu’ilsouhaite (dans ce cas souris, clavier, écran tactile ouvoix), l’employer seule ou en combinaison avec d’autresmodalités. Cette flexibilité nous permet d’étudier com-ment les utilisateurs gère la multimodalité d’entrée lors-que les contraintes d’utilisation sont minimales.

La Figure 1 présente l’interface dont les différents élé-ments sont numérotés et décrits ci-après.

Figure 1: L’interface du système Archivus.

Pour rendre l’interface plus familière aux utilisateurs, il aété choisi d’utiliser la métaphore de la bibliothèque ou desarchives. Dans cette métaphore, chaque réunion est repré-sentée par un livre (zone 2) et l’ensemble de la base parune étagère (zone 1). À tout moment, l’utilisateur voitl’étagère, et les réunions pertinentes pour la recherche encours sont mises en évidence. Quand un utilisateur ouvreun livre, il a accès à tous les aspects de la réunion, ycompris tous les médias associés à cette réunion, qu’ilssoient audio, vidéo ou textuels. Les utilisateurs peuventexplorer ces réunions comme ils le feraient avec un livre,peuvent lancer les médias audio et visuels (zone 3) ourechercher des éléments particuliers dans une réunion.

Les utilisateurs peuvent spécifier leurs critères de recher-che de deux façons : premièrement, en utilisant la barre

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de recherche (zone 5) où les utilisateurs peuvent demanderau système de trouver l’information qu’ils cherchent enentrant une requête en langage naturel. Il peut s’agit demots clé ou d’expressions linguistiques plus complexes.Cependant, même si les utilisateurs peuvent poser desquestions de forme très libres comme par exemple « Quiétait en retard à la réunion du 21 janvier ? », le systèmene fournit pas une réponse mais indique les documents dela réunion qui peuvent contenir la réponse (en zone 2). Ladeuxième façon de rechercher de l’information consiste àutiliser les boutons de critères (zone 6). Ces boutonsservent aussi de représentation des annotations sous-jacentes dans la base de données. En cliquant sur cesannotations, les utilisateurs peuvent naviguer dans la basepour atteindre les informations recherchées. De cettemanière, les utilisateurs novices peuvent apprendre quel-les sont les annotations et options d’interaction disponi-bles dans le système. Les experts quant à eux peuventdéjà connaître les options et annotations de la base – dansce cas, ils peuvent directement émettre une requête vocalepour atteindre des éléments précis en se servant des critè-res de la base. Néanmoins, dans une situation où ils nepourraient pas utiliser la voix, ils peuvent accéder à lamême information en interagissant avec les boutons denavigation

Les utilisateurs sont également guidés dans leurs interac-tions par un système d’aide (zone 4) qui leur donne unfeedback par rapport à leur recherche et des indices concer-nant les zones où l’information a des chances de se trou-ver. Enfin, une liste des critères courants (zone 7) sert àrappeler à l’utilisateur les critères qu’il a entrés dans lesystème depuis le début de l’interaction. Cela permet àl’utilisateur d’enlever tout critère qui s’avèrerait non per-tinent sans avoir à respécifier les autres, ce qui est parti-culièrement utile lorsque les critères ont été générés par lesystème à partir d’une entrée en langage naturel. La zone8 présente des boutons de commande générale du systèmecomme « Aide » et « Initialisation ».

Le système Archivus utilisé dans cette expérience n’avaitpas encore de module de reconnaissance de la parole etn’avait qu’un module élémentaire de traitement de requêtesen langage naturel. C’est pourquoi nous avons utilisé unparadigme Magicien d’Oz pour simuler les fonctionnalitésqui n’étaient pas opérationnelles (voir section suivante).Loin d’être un obstacle, la simulation permetd’expérimenter l’interaction multimodale avec un mini-mum de contraintes sur la situation et sur la tâche.

L’ENVIRONNEMENT EXPERIMENTALNous avons mené une expérience pour explorerl’interaction multimodale dans une base de données mul-timodales dans le contexte de l’archivage de documents deréunions. En particulier, nous nous sommes intéressés àl’ordre et la fréquence d’utilisation de modalités particuliè-

res, le type d’expression langagière utilisé et l’efficacitépour accomplir les recherches dans la base. Pour obtenirces informations, les interactions de l’utilisateur avec lesystème ont été enregistrées à l’aide de deux caméras (unecaméra filmant le visage et une filmant les mains et lesdispositifs d’interaction) et d’un équipement qui enregis-trait tout ce qui se déroulait sur l’écran de l’utilisateur. Ledispositif comprenait un ordinateur (dans ce cas un PC debureau avec un écran tactile), des haut-parleurs, une sourissans fil et un microphone main libre.

Dans la mesure où nous envisageons que l’usage de lamultimodalité, et particulièrement de la modalité vocale,n’apporte de valeur ajoutée que si l’utilisation du langagenaturel est possible, il fallait donc permettre l’utilisationdu langage nature dans cette expérience. Or un systèmerobuste et fiable de traitement du langage naturel vocal nepeut être développé que si l’on connaît les contraintes quele système doit satisfaire et notamment le type de vocabu-laire utilisé et le type d’expression que le système doitpouvoir traiter. C’est pourquoi nous avons employé laméthode du Magicien d’Oz [2, 9]. Selon cette méthode,les utilisateurs interagissent avec ce qu’ils croient être unsystème finalisé comportant un module de traitement dulangage naturel (en plus des autres modalitésd’interaction). En réalité, la reconnaissance de la parole etle traitement de la requête sont simulés par un humain, le« magicien », qui intervient sur l’interface depuis uneautre pièce. Le magicien entend ce que dit l’utilisateur etvoit l’état son interface, de sorte à pouvoir gérerl’interaction de façon transparente. Dans l’environnementexpérimental que nous avons utilisé, l’information de lacaméra de face, les entrées micro et l’écran de l’utilisateurétaient directement transmis au magicien, qui disposait dedeux ordinateur : un pour le traitement de la requête del’utilisateur, l’autre pour visualiser l’écran de l’utilisateur.Un troisième écran montrait le visage de l’utilisateurpendant qu’il interagit avec l’interface pour que le magi-cien puisse voir ses réactions. Toutes ces informationspermettaient au magicien d’avoir une vision globale del’interaction et de simuler le traitement langagier de façonaussi adéquate que possible.

L’EXPERIENCELa présente étude est à considérer comme une expériencepréliminaire qui sera suivie d’expériences plus ciblées.Elle a pour objectif d’évaluer les performances des utilisa-teurs avec le système Archivus en fonction de la modalitéd’entrée utilisée (souris, clavier, voix, écran tactile ou unecombinaison de ces modalités) et d’évaluer l’usage spon-tané de modalités nouvelles comme la voix et l’écrantactile.

ParticipantsLes participants étaient 24 utilisateurs (11 femmes et 13hommes) principalement entre 18 et 35 ans. Ils n’étaient

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pas de langue maternelle anglaise mais maîtrisaientl’anglais. La majorité (63%) assistait à au moins uneréunion par mois. Dans la mesure où les systèmesd’interrogation de base de données de réunions sont encoreau stade de prototype, nous ne pouvions pas trouverd’experts sur ce type d’interface. Toutefois, tous les utili-sateurs utilisaient l’informatique au moins 2 heures parjour, et 67% l’utilisaient entre 5 et 10 heures par jour. Lesystème d’exploitation le plus utilisé était MicrosoftWindows (83% des utilisateurs), suivi d’Unix (12 %)puis Apple (5%). Les utilisateurs ont rapporté utiliserfréquemment (plus d’une fois par semaine) les applica-tions suivantes : navigateurs internet (100% des utilisa-teurs), traitement de texte (83%), lecteur vidéo (54%),lecteur audio (67%), base de données (25%). En outre,17% des utilisateurs ont déjà utilisé la modalité vocalepour interagir avec un ordinateur et 88% ont déjà utiliséun écran tactile. En effet, en Suisse de nombreux services(banques, billetteries de train, etc.) utilisent des automatesà écrans tactiles.

Plan expérimentalAu total, 4 modalités d’interaction ont été utilisées –souris (S), voix (V), clavier (C) et écran tactile (T) – etont donné lieu à huit conditions en fonction de la ou desmodalités imposées en première phase (S, T, V, S-C, V-C, T-V-C, S-V-C, S-T-V-C, ce dernier groupe servant decontrôle puisque toutes les modalités étaient disponibledès la première phase). Les conditions ont été comparéesen inter-sujets afin de contrôler le niveau d’expérienceacquis par les participants au cours de la passation.

MatérielLe scénario d’utilisation était le suivant : les participantsdevaient s’imaginer être de nouveaux employés d’unecompagnie qui utilise le système SmartRooms pourenregistrer ses réunions et à qui le supérieur a demandé derechercher certaines informations avec l’interface Archi-vus. Les participants étaient informés du type de donnéesqu’ils pouvaient trouver dans la base. Le questionnaire derecherche d’information comportait 21 questions de deuxtypes : des questions vrai/faux (Le budget était-il de 1000FS ?) et des questions à réponses courtes (Qui a assisté àtoutes les réunions ?). Les questions étaient conçues desorte à ce qu’elles nécessitent l’exploration de différenteszones et de différents types de média dans le système.

L’ordre dans lequel les questions étaient posées était variéaléatoirement entre les participants.

ProcédureLa passation était individuelle. On demandait d’abord auxparticipants de remplir un questionnaire factuel (donnéesdémographiques et usages informatiques) et un formulairede consentement. Le scénario d’utilisation leur était en-suite donné ainsi qu’une description du système Archivuset de ses principales fonctionnalités (sans manipulationdu système). La passation expérimentale comportait deuxphases, de 20 minutes chacune. Dans une première phase,les participants n’avaient accès qu’à un sous-ensemble demodalités en fonction de la condition à laquelle ils étaientaffectés (cf. Plan expérimental). Ils devaient alors répon-dre à 11 questions (5 vrai/faux, 6 à réponses courtes).Dans une seconde phase, les participants avaient accès àtoutes les modalités et devaient répondre à 10 questions (5vrai/faux, 5 à réponses courtes). Enfin, les participantsrépondaient à un questionnaire post-expérimental et à unbref entretien avec l’expérimentateur. Pendant les deuxphases de l’expérience, les participants étaient seuls dansla pièce, l’expérimentateur n’intervenant que qu’entre lesdeux phases pour donner le deuxième questionnaire

RESULTATS ET DISCUSSIONL’analyse des données s’est portée sur quatre aspectsprincipaux – performance à la tâche, effet d’apprentissage,nombre d’interactions et appréciation subjective del’utilisateur.

Performance de recherche d’informationCompte tenu de la familiarité des utilisateurs avec lasouris et le clavier et le peu de temps alloué pour mani-puler le système, nous postulions que la condition souris-clavier serait la plus performante pour la tache de recher-che d’information. Nous avons choisi comme indicateurle nombre de réponses correctes mais aussi le nombre deréponses trouvées, qu’elles soient ou non correctes. Eneffet, nous sommes intéressés dans cette étude àl’interaction multimodale plus qu’à l’efficacité del’interface de recherche d’informations (notamment outilsd’aide à la recherche, fonctionnalités).Le tableau 1 présente le taux moyen de réponses correctesen phase 1 pour chacune des 8 conditions. Les données dutableau 1 montrent clairement que l’hypothèse d’unesupériorité de la condition Souris – Clavier n’est pas con-

Table 1: Taux moyen (en pourcentage) et écart-type du nombre de réponses correctes en Phase 1 en fonction de lacondition2.

Conditions S V-C-S-T T S-V-C T-V-C V S-C V-CTaux moy. 36 25 24 24 21 18 12 6ET 3.7 0.22 1.6 1.6 0.22 0.67 0.22 0.22

2 Les chiffres dans tous les tableaux sont les moyennes calculées sur les 3 utilisateurs de chaque condition.

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-firmée. A l’inverse, les participants dans cette conditionréalisent l’avant-dernier score. La condition Souris-Clavier apparaît, sur résultats observés, en deçà des condi-tions impliquant des modalités d’interaction nouvelle(Voix, Tactile – Voix – Clavier, Souris – Voix – Cla-vier). Ce sont les participants en condition Souris qui ontles meilleures performances, puis de la condition avectoutes les modalités, et ensuite écran Tactile seul. Lesbonnes performances des conditions impliquant quel’interaction déictique souris ou écran tactile suggère quedans ce système, la recherche d’information par naviga-tion amènerait à de meilleures performances que la recher-che par requêtes verbales. Le deuxième constat est que lesconditions impliquant la voix sont plutôt efficientes, cequi renforce l’hypothèse selon laquelle la voix serait unemodalité intéressante dans ce contexte. En outre, il estintéressant de noter l’efficience de la condition « toutesmodalités ». L’analyse de l’activité montre que les inte-ractions vocales représentent 17% des interactions danscette condition. Enfin, on note que la condition Tactileseul semble moins efficiente que la condition Sourisseule, alors que ces deux conditions sont fonctionnelle-ment équivalentes. Cette différence pourrait provenird’une moins grande familiarité des utilisateurs avecl’écran tactile, et d’ailleurs la différence se retrouve entreles conditions S-C-V et T-C-V. Compte tenu du faibleeffectif, il n’est pas possible d’opérer des statistiquesinférentielles sur ces résultats.

Analyse des interactionsÀ partir des vidéos des actions utilisateurs, nous avonsrelevé le nombre d’interactions réalisées dans chaquemodalité. Le tableau 2 montre le nombre totald’interactions dans chaque modalité pour chaque condi-tion.

Condition Phase 1S T V C Total

1 S 268 2682 T 195 1953 S-C-V 150 0 8 158

4 T-C-V 62 4 15 815 V 62 626 V-C 47 2 49

Table 2: Nombre d’interactions en phase 1 pour chaquecondition. Les cellules grisées indiquent les modalités qui

n’étaient pas disponibles.

Dans la mesure où le langage induit un temps de traite-ment plus lent que les modalités de pointage, nous nepouvons que comparer les fonctionnalités qui sont équiva-lentes au niveau du système. En ce qui concerne lesconditions avec modalité de pointage, le nombred’interactions est plus important en condition Sourisqu’en condition écran Tactile (Tableau 2, lignes 1 et 2),,

de même qu’il y a plus d’interactions en condition Souris-Clavier-Voix qu’en condition écran Tactile-Clavier-Voix.Cette différence pourrait s’expliquer par un effet de blo-cage qu’exercerait la modalité nouvelle qu’est l’écrantactile. Parce que cette modalité n’est pas familière auxutilisateurs, ceux-ci seraient plus hésitants à l’utiliser,alors même qu’elle est fonctionnellement équivalente à lasouris. Cet effet de blocage pourrait également expliquerla différence entre la condition Voix seule et Voix-Clavier(Tableau 2, lignes 5 et 6). En effet, les participants dansla condition Voix seule ont produits plus d’interactionsque les participants en condition Voix-Clavier, alors quel’on aurait pu attendre l’inverse, le clavier étant une mo-dalité familière. Il est possible que de présenter une nou-velle modalité seule incite à davantage l’utiliser qu’enassociation avec la modalité la moins efficace (clavier) del’usuelle combinaison clavier-souris. En outre, dans lacondition Voix-Clavier, la Voix est utilisé bien plusfréquemment que le clavier (Tableau 2 ligne 6) ce quisuggère que la voix semble préférée au clavier. Cepen-dant, en phase 2 où toutes les modalités sont accessibles,les participants de la condition Voix-Clavier utilisentalors bien plus le clavier que la voix (cf. Tableau 3).

Phase 1 Phase 2Voix 97% 25%

Clavier 3% 75%

Table 3 : Pourcentage d’interactions avec la modalitéVoix et la modalité clavier dans la condition Voix-Clavieren phases 1 et 2 (Phase 1, voix et clavier seulement,Phase 2, toutes modalités utilisables).

Là encore, il est possible que ce changement s’expliquepar la familiarité de l’interaction clavier-souris. En re-trouvant l’interaction avec la souris, les utilisateurs aban-donnent l’interaction vocale pour utiliser le clavier, moda-lité plus familière qui est automatiquement associée à lasouris et qui est habituellement considérée comme effi-cace. Cependant, les résultats montrent aussi que la pré-pondérance de l’interaction classique clavier-souris peutêtre diminuée dans certaines circonstances. Par exemple,en phase 2 de la condition Souris-Clavier, la voix estutilisée deux fois plus que le clavier même si la souriscontinue à être utilisée aussi fréquemment qu’en Phase 1.

Effet d’apprentissageNous nous attendions à un effet d’apprentissage dans laphase 2 : les participants de conditions où seules étaientdisponibles les modalités langagières d’interaction (Cla-vier mais surtout Voix) dans la première phase devraientdavantage utiliser les modalités langagières dans ladeuxième phase. Cette attente était basée sur le fait queles participants n’ayant pas utilisé ces modalités en pre-mière phase n’auraient qu’une expérience limitée dans les

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interactions langagières et donc ne seraient pas enclins àles utiliser en deuxième phase. Le tableau 4 montre lespourcentages d’utilisation de chaque modalité en phase 2en fonction de la condition.

Pointage LangageConditions

S T V C1 V 89 2 5 4

2 V-C 88 0 3 9

3 S-C 40 26 29 5

4 V-C-S-T 61 18 4 175 S 84 5 7 4

Table 4 : Taux d’interactions par modalité en phase 2en fonction de la condition (modalités disponibles en

phase 1).

Contrairement à nos attentes, ce sont les participants quiont bénéficié d’une interaction traditionnelle en phase 1(Souris-Clavier) qui ont utilisé la voix le plus fréquem-ment en phase 2 (29%). Les participants qui ont eu accèsà toutes les modalités (Tableau 4, ligne 4) sont ensuiteceux qui utilisent le plus fréquemment les interactionslangagières, mais principalement par le clavier. Àl’inverse, les participants des conditions avec langage seul(lignes 1 et 2) ont très peu utilisé ces modalitésd’interaction. Enfin, les participants ne disposant que dela souris ont utilisé un paradigme d’interaction familieren phase 1 et l’ont maintenu en phase 2.Notre interprétation est la suivante : les participants de lacondition toutes modalités ont pu explorer les modalitéslangagières en phase 1 et revenir à des modalités familiè-res au cas où. Ils auraient donc volontiers utilisé lesmodalités langagières en phase 2 parce que a) ils étaientdéjà familiers du système et b) ils savaient qu’ils pou-vaient se rabattre sur des modalités «de confort». Àl’inverse, les participants qui n’avaient que l’entrée langa-gière ont pu se sentir perdus ou frustrés lors des interac-tions initiales avec le système en n’ayant que des modali-tés peu familières. Par conséquent, lorsqu’ils ont eu lapossibilité d’utiliser toutes les modalités en phase 2, ilssont immédiatement revenus à des modalités familières.Un autre résultat intéressant est que les utilisateurs encondition écran Tactile ont utilisé majoritairement lasouris (60%) plutôt que l’écran tactile (26%) en phase 2,ce qui renforce l’hypothèse selon laquelle la souris pro-cure un haut niveau de confort dans les interactions initia-les avec un nouveau système.

Satisfaction des utilisateursLes réactions des utilisateurs par rapport au système,telles que rapportées dans le questionnaire d’évaluationsubjective posé à l’issue de l’expérience, ont mis enévidence de sérieux problèmes de fonctionnement dusystème qui ont depuis été résolus. Toutefois, ce ques-

tionnaire fournit des données intéressantes pour interpréterles données d’interaction.De manière générale, les utilisateurs ont trouvé le sys-tème difficile à utiliser, ne l’ont pas trouvé convivial etne pensaient pas qu’ils le maîtrisaient après 40 mnd’utilisation. En effet, les participants n’ont pas eu detutoriel explicite avant l’utilisation. En outre, les partici-pants ont trouvé que l’interaction avec le langage étaitparticulièrement lente, du fait de l’intervention du magi-cien mais également parce que l’interface utilisée par lemagicien pour analyser la requête langagière n’était pasoptimale. Ainsi, les utilisateurs ont classé la souriscomme la modalité la plus efficace, à l’exception du casoù il fallait trouver une information dans un livre deréunion, où la souris et le clavier ont été classés commeégalement efficaces.Par ailleurs, 38% des participants ont estimé que le lan-gage naturel n’avait pas facilité leur interaction avec lesystème, contre 21% qui l’ont apprécié (28%sans opi-nion). Toutefois, 54% ont admis que le fait de contrôlerle système par la voix était utile. Il est possible quel’opinion défavorable des utilisateurs provienne de lalenteur du système et des conseils audio qui leur été four-nis tout au long de l’interaction. Alors que plus de lamoitié des participants trouvaient que ces conseils étaientcompréhensibles, d’un ton et d’une longueur corrects, ilsont estimé qu’ils ne leur donnaient pas assezd’information sur la façon de travailler avec le système.En outre, plus de la moitié n’ont pas aimé la voix syn-thétique utilisée pour générer ces conseils. Ces deuxpoints précis seront pris en compte pour des versionsfutures du système.

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVESCet article rapporte des résultats encourageants concernantl’utilisation de la multimodalité dans des interfaces debase de données de réunion. En particulier, nous avons vuque les utilisateurs pouvaient être encouragés à utiliserdes modalités d’interaction nouvelles, et que certaines deces modalités, en particulier la voix, pouvait même surun temps court d’apprentissage, s’avérer efficace. Enoutre, il semble que le fait de pouvoir utiliser des modali-tés plus familières en début d’interaction avec le nouveausystème favorise l’utilisation de ces modalités nouvelles,en l’occurrence la modalité voix, probablement parcequ’elles augmentent le sentiment de « confort » desutilisateurs. Parallèlement, les résultats montraient que laseule modalité de pointage provoquait des performancesélevée, ce qui suggère que la récupération des informationdans le système Archivus se fait plus facilement parnavigation que par requête en langage naturel.Les limites de l’expérience présentée ici tiennent en pre-mier lieu à la difficulté d’utilisation du système Archivuslui-même, comme l’ont montré les faibles performancesde réussite des tâches en temps limité. Ces problèmesd’utilisation ont pu entacher l’efficience des différentes

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modalités d’interaction. Une deuxième limite provient ducaractère exploratoire de cette expérience, qui a comparéun grand nombre de conditions d’interaction avec unfaible nombre de participants. Les résultats obtenus ontpour objectif de suggérer des hypothèses qui pourront êtreexplorées dans les expériences suivantes.

En ce qui concerne l’utilisation du système lui-même,une nouvelle version du système Archivus a été réaliséeen fonction des résultats de cette expérience. Un testutilisateur est en cours de passation pour vérifier sonergonomie d’utilisation, notamment au niveau du tempsd’apprentissage de l’interface. Par exemple, l’ouvertured’un livre de réunion nécessitait deux clics consécutifsplutôt qu’un double-clic traditionnel, ce qui a semé laconfusion chez les utilisateurs, d’autant que tous lesobjets ne réagissaient pas de la même façon. D’autre part,la voix synthétique utilisée pour donner des conseils étaitjugée désagréable, peu informative et la plupart des utili-sateurs l’ont désactivée. Ceci a pu les rebuter d’utiliser lamodalité vocale. Les indices audio ont été révisés et lavoix améliorée pour la prochaine version. En outre, plu-tôt qu’un écran tactile, le système sera équipé d’un écranréactif à un stylet, plus habituel pour ce typed’équipement de bureau et aussi plus précis. Enfin, auniveau méthodologique, la prochaine expérimentation, àplus grande échelle, sera ciblée sur le test des hypothèsesrelevées dans cette première expérience. L’efficacité del’interaction sera prise en compte en plus de l’efficience etles démarches utilisateurs seront analysées à l’aide d’unmodèle de tâche pour chaque recherche.La contribution principale de cette recherche était d’étudierla contribution de l’interaction multimodale pour la navi-gation et la recherche dans une base de données multimo-dale (en l’occurrence des données de réunions). Toutefois,cette recherche a soulevé des questions méthodologiquesintéressantes pour la recherche sur des modalitésd’interaction innovantes. En effet, il est nécessaire quel’utilisateur interagisse suffisamment avec le système,avec des tâches authentiques et signifiantes, pour se fami-liariser avec ses fonctionnalités et son contenu. Cettecondition est déjà en elle-même difficilement réalisable encondition de laboratoire, nécessaire tant que l’expériencese déroule en magicien d’Oz. D’autre part, on ne peutséparer l’utilisation des modalités d’interaction del’utilisabilité générale du système, de sorte que les résul-tats doivent être contextualisés en fonction du systèmeconcerné et en l’occurrence, de l’organisation des docu-ments et des fonctionnalités de navigation disponibles.Ces obstacles méthodologiques expliquent la difficultéque rencontrent les recherches sur les modalitésd’interaction innovantes pour satisfaire à la fois la rigueurméthodologique et l’écologie de la situation étudiée,seules conditions pour générer des résultats exploitablesdans d’autres contextes.

REMERCIEMENTSLes auteurs aimeraient remercier Susan Armstrong, Mar-tin Rajman, Mirek Melichar et Marita Ailomaa de leurcollaboration à la conception et au développement dusystème Archivus, et à la passation de l’expérience .Merci à Marcin Bogobowicz d’avoir conçu la composantegraphique de l’interface et à la fondation Suisse de larecherche ainsi qu’à l’Université de Genève d’avoir fi-nancé cette recherche.

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La prise de décision en sport de haut niveau :un exemple chez une joueuse experte en badminton.

Anne-Claire Macquet Institut National du Sport et de l’Education Physique

11, avenue du Tremblay 75012 Paris

[email protected]

Philippe Fleurance Institut National du Sport

et de l’Education Physique 11, avenue du Tremblay

75012 Paris [email protected]

RESUMEPour produire de la performance en situation complexe, le sportif de haut niveau prend rapidement des décisions efficaces. Des modèles théoriques [e.g. 8, 1, 5] envisagent la prise de décision à travers deux phases : la compréhension de la situation et le choix d’une décision. La présente étude a examiné les prises de décision d’une joueuse experte en badminton, en situation dynamique. Deux matches ont été filmés ; deux entretiens d’auto-confrontation ont été menés, puis retranscrits verbatim. L’analyse des données a mis en évidence trois points principaux. Le premier a permis d’identifier trois types d’intentions dans l’échange, et huit types de décisions en situation. Les intentions visaient à : maintenir l’échange, prendre l’avantage, finir l’échange. Les décisions visaient à : réaliser un choix restreint, assurer son action, observer l’adversaire, l’influencer, lui mettre de la pression, la surprendre, reproduire une action efficace et agrandir le court. Le deuxième point a montré des différences dans les types de décisions prises au cours des matches et une prégnance de certaines décisions (e.g. reproduire une action efficace). Le troisième point a permis d’identifier diverses informations et connaissances (e.g. informations sur les adversaires, connaissances sur les règles). Les résultats liés aux différentes phases de la prise de décision sont discutés en référence aux modèles théoriques. Ils permettent de montrer le mode de compréhension de la situation, son caractère progressif, la prise en compte du temps dans la prise de décision et l’origine de la décision (préconstruite ou émergente). Des implicationssont envisagées pour l’entraînement.

MOTS CLES. Prise de décision, joueuse experte en badminton, situations dynamiques

ABSTRACT To produce performance in dynamic situation, elite athlete quickly makes efficient decisions. For theoretical models [e.g. 8, 1, 5], decision making is composed of two phases: situation assessment and decision making. The present study focuses on decision making of a woman expert badminton player during dynamic situations. Two matches were videotaped and self-confrontation interviews were used to collect data. Interviews were transcribed verbatim. Results were organised in three points. The first point revealed three types of intentions during a rally: to maintain the rally; to take the advantage; and to finish the point. It also revealed eight types of decisions related to a situation: to ensure an action; to observe the opponent’s decision; to put pressure on the opponent; to surprise the opponent; to reproduce an efficient action; and to play wide. The second point showed differences between decisions during the matches and differences in the decision frequencies (e.g. the player often reproduced an efficient action). The third point revealed different types of information and knowledge which were reported during decision making (e.g. information related to the opponent, knowledge about rules). Results according to different phases of decision making are discussed in relation to theoretical models. They allow to show the mode of assessment situation, its progressive nature, the taking time in consideration in decision making and the origin of decision (retrieved from memory or emergent). Consequences for training are suggested.

KEYWORDS. Decision-making, expert badminton player, dynamic situations.

INTRODUCTIONPour produire de la performance en sport de haut niveau, les athlètes sont amenés à prendre des décisions efficaces et à les mettre en œuvre dans le cours du jeu. Si l’expertise dans leur domaine leur permet de les réaliser avec efficience, la question du choix demeure délicate. La décision vise un résultat particulier, elle doit permettre, en badminton, de contrôler tout ou partie de la situation et aboutir à un gain de l’échange ou à un

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avantage dans l’échange pour le joueur. En référence aux travaux en ergonomie cognitive [2], la majorité des situations sportives est dynamique : les situations évoluent en partie en dehors du contrôle de l’opérateur. En badminton, le joueur et son adversaire contribuent à la faire évoluer : la décision de l’un dépend largement de l’action de l’autre. Une minorité de situations (e.g. le service) est statique : le serveur initie l’échange, sa décision est première dans l’échange. Les situations sont peu prévisibles ; leur incertitude peut être liée à la nature de l’événement, au lieu d’apparition, au temps (moment d’apparition et temps disponible pour agir). Les situations apparaissent complexes. Elles sont mal définies, elles se réalisent sous pression temporelle et sont susceptibles de contenir des risques [8] : le joueur est amené à agir vite, à prendre des risques au regard de l’évolution du score. La prise de décision est rendue plus difficile en situation mal définie et incertaine, lorsque que le joueur n’a le temps ni de tout comprendre ni de tout faire.

Pour gérer cette difficulté, les entraîneurs contribuent à développer chez les joueurs un répertoire d’actions efficaces associées à des situations spécifiques [5]. Ils considèrent qu’une solution particulière correspond à un type de problème. Le travail de l’entraîneur consiste alors à identifier les problèmes rencontrés en compétition, à les classer, à trouver des solutions et à les travailler avec les athlètes à l’entraînement, afin qu’ils puissent les reproduire en compétition. Les situations proposées à l’entraînement sont standardisées. L’incertitude propre au travail est manipulée par l’entraîneur dans la constitution de son exercice, elle ne renvoie pas à la constitution naturelle du jeu compétitif. Les décisions choisies sont ainsi préconstruites, sur la base d’un registre purement technique et tactique maîtrisé par l’entraîneur. Ce modèle est rassurant pour l’entraîneur et pour le joueur qui disposent d’un répertoire d’actions correspondant à des situations problèmes. Il est économique et permet de faire face à la pression temporelle. L’apprentissage passe par la perception des informations pertinentes pour l’entraîneur, il consiste en une reconnaissance de la situation, il vise à créer puis à renforcer les liens entre une situation type contenue en mémoire et la situation occurrente. L’idée consiste à apprendre à reproduire des actions efficaces, basées sur des règles, qui prennent en compte le jeu, l’athlète, l’adversaire.

L’utilisation de ce modèle par le joueur repose sur une analyse comparative : la situation occurrente est comparée à un ensemble de situations contenu en mémoire. En référence aux travaux sur la « situation awareness » [4] et au modèle de la décision basée sur la reconnaissance (« Recognition Primed Decision »)[8], la comparaison s’appuie sur des traits de la situation considérés comme saillants pour un ensemble d’experts. Lorsque le joueur note une correspondance entre ces traits contenus dans la situation occurrente et ceux

contenus dans une situation problème stockée en mémoire, il peut choisir une ou la décision correspondant à ce problème et l’exécuter. Le processus de prise de décision consiste ainsi en deux phases : une phase de compréhension de la situation et une phase de choix d’une décision. Ce processus en deux étapes a été expliqué par le modèle de la « Naturalistic Decision Making » [8] pour des décisions prises en situations mal définies, incertaines, changeantes, à forte pression temporelle et contenant des risques. L’évaluation ou compréhension de la situation passe par une prise en compte rapide des caractéristiques changeantes de la situation, qui correspond à la « situation awareness » [4]. Cette compréhension procède par comparaison entre la situation actuelle et un ensemble de situations contenues en mémoire. Le choix d’un cours d’action est envisagé au regard des possibilités liées à la situation. Il est réalisé à partir d’un registre d’actions réalisables par des experts du domaine dans des situations problèmes.

Pour le modèle de la suffisance cognitive [1], ce choix n’est pas seulement efficace, il est également satisfaisant pour l’opérateur qui va le réaliser. Ce modèle ne porte pas directement sur la prise de décision, il vise plus largement à expliquer l’activité de l’opérateur en situation dynamique. Il apparaît séduisant pour comprendre la prise de décision en sport de haut niveau. Il est basé sur l’idée d’une compréhension suffisante de la situation et du choix d’une décision efficace et satisfaisante. La compréhension procède par actualisation de la situation occurrente. En situation complexe, l’opérateur ne peut pas tout comprendre : les informations utiles ne sont pas toujours disponibles ; il doit se satisfaire d’une compréhension partielle. Cette dernière est le plus souvent suffisante pour agir. Le modèle s’appuie sur des décisions optimales, sur des compromis, pour un opérateur engagé dans une situation à un instant donné. A partir de ce modèle, on peut considérer que l’apprentissage ne vise pas la reproduction d’un modèle idéal, basé principalement sur des décisions préconstruites, mais plutôt le développement d’un modèle de compromis, qui s’appuie à la fois sur des décisions stockées en mémoire et automatisées pour jouer en réflexe et sur des décisions construites localement, afin d’assurer une adaptation permanente aux conditions changeantes du couplage entre le joueur et la situation.

Cette étude a visé à analyser la nature des décisions prises en situations compétitives, par une joueuse experte en badminton, ainsi que les éléments qui ont contribué à ces choix. Les décisions ont été considérées dans la temporalité des matches.

METHODELa participante Une joueuse experte en badminton a participé volontairement à l’étude. Elle était classée parmi les quarante meilleures joueuses mondiales au moment de l’étude.

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Le recueil des données Deux types de données qualitatives ont été recueillis : des données issues de matches enregistrés dans leur totalité et des données issues d’entretiens en auto-confrontation menés dans les 48 heures suivant chaque match. Deux matches ont été filmés lors de tournois internationaux, pris en compte pour le classement mondial et pour la qualification aux Jeux Olympiques d’Athènes. Ils concernaient deux adversaires différentes. L’entretien en auto-confrontation permet de mettre à jour les cognitions de l’athlète lors de la compétition [3]. Nos entretiens ont porté plus spécifiquement sur l’activité décisionnelle de la joueuse qui était amenée à décrire ses perceptions, ses focalisations, ses communications, ses sentiments, ses analyses à l’origine de ses choix d’action liés aux quatre premières frappes de chaque échange, des deux premiers sets. Le choix des décisions à analyser a été contraint par le temps : la durée de l’entretien a été fixé à 1h30, du fait des nombreuses activités de la joueuse. Ce choix des décisions a été discuté avec les entraîneurs qui les considéraient comme les plus significatives de l’échange.

Le traitement des données Les entretiens ont été retranscrits verbatim, puis validés par la joueuse. Le traitement des données a procédé par des descriptions puis par une analyse inductive. Il a été élaboré en trois phases : la première consistait à découper les décisions au sein des verbalisations et à décrire les situations correspondantes (score, comportements…). La deuxième phase a permis de construire des catégories de décisions en rapport avec l’évolution de la situation et des catégories d’intentions en rapport à l’évolution de l’échange. La troisième phase visait à identifier les catégories d’informations et de connaissances utilisées par celle-ci pour prendre sa décision. Le traitement a été validé par un autre chercheur et discuté avec les entraîneurs.

RESULTATS L’analyse des résultats a permis de mettre à jour 217 décisions : 119 dans le match 1 et 98 dans le match 2. Le match 1 a été gagné en trois sets et le match 2 a été perdu en deux sets.

La mise à jour des décisions en situation et des intentions dans l’échange Les décisions et les intentions renvoyaient à des temporalités différentes : les décisions concernaient l’effet attendu de la décision sur la situation occurrente et les intentions étaient liées à l’effet de la décision sur l’évolution de l’échange. Trois types d’intention et huit types de décisions ont été identifiés. L’intention « maintenir l’échange » indiquait que le joueur souhaitait poursuivre ou engager l’échange. L’intention « prendre l’avantage dans l’échange » renvoyait à la volonté de la joueuse d’imposer son jeu afin de mettre en place les conditions favorables pour finir l’échange par la suite. L’intention « finir l’échange » se référait à la volonté de

gagner l’échange. L’intention de « maintenir l’échange » comprenait trois décisions : « assurer son action », « réaliser un choix restreint », « observer l’adversaire ». Dans la première décision, la joueuse ne voulait pas prendre de risques (exemple : « je joue la sécurité, je vais remettre au fond », match 2, set 1, décision 4). Dans la deuxième, elle était dans l’urgence et ses possibilités d’action étaient réduites (exemple : « j’peux rien faire d’autre que dégager » match 1, set 2, décision 15). Dans la troisième, elle souhaitait tester les possibilités adverses, pour les exploiter par la suite (exemple… « j’fais un amorti droit … j’lai pas encore fait, j’veux voir c’que ça donne », match 1, set 2, décision 95). L’intention « prendre l’avantage dans l’échange » consistait en 5 décisions : « influencer la décision adverse », « mettre de la pression sur l’adversaire », « surprendre l’adversaire », « reproduire une action efficace », « agrandir le court ». En visant à influencer l’adversaire, elle voulait l’inciter à prendre une décision particulière ou à la dissuader d’une décision qui l’aurait mise en difficulté (exemple : « je sers court pour qu’elle lobe ou qu’elle amortisse », match 2, set 2, décision 29). En cherchant à mettre de la pression, elle souhaitait placer l’adversaire en situation d’urgence (exemple : « je veux descendre le volant », match 2, set 1, décision 2). En tentant de surprendre l’adversaire, elle tentait de s’opposer aux attentes présumées de l’adversaire (exemple, « je fais un slice croisé pour la surprendre », match 2, set 1, décision 22). En visant à reproduire une action efficace, elle optait pour une action qu’elle maîtrisait particulièrement et dont le résultat avait été efficace dans le passé (exemple : « je sers long, je fais quelque chose que je maîtrise tout de suite », match 1, set 1, décision 1). En voulant « agrandir » le court, elle visait à amener l’adversaire à réaliser un grand déplacement (exemple : « j’essaie d’agrandir avec un dégagement croisé » match 2, set 1, décision 3. L’intention « finir l’échange » concernait à la fois l’échange et la situation, de ce fait elle pouvait être considérée comme une intention et une décision (exemple : « là je joue pour finir le point, j’y vais pour marquer », match 2, set 1, décision 46).

Les intentions et les décisions au cours des matches L’analyse des intentions au cours des matches a mis en évidence la prédominance de l’intention prendre l’avantage dans l’échange (figures 1, 2, 3 et 4). Dans le match 1, les décisions étaient plus variées au deuxième set qu’au premier et en seconde partie de set qu’en première. Dans le match 2, la différence était moins importante. La décision la plus fréquente consistait à reproduire une action efficace. La deuxième fréquence concernait les décisions d’agrandir le court et de mettre la pression sur l’adversaire. La volonté de mettre de la pression sur l’adversaire était plus marquée au match 1 et celle d’agrandir le court l’était davantage au match 2. La troisième tendance renvoyait aux décisions d’assurer, de réaliser un choix restreint, puis de surprendre

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l’adversaire. Ces décisions apparaissaient davantage dans le match 2 que dans le match 1. La décision de finir était plus fréquente dans le match 1, que la joueuse a gagné, que dans le match 2, qu’elle a perdu. Les décisions d’influencer l’action adverse et d’observer l’adversaire étaient peu prises.

Les informations et les connaissances rapportées par la joueuse pour prendre sa décision L’analyse des verbalisations a permis de mettre en évidence trois catégories d’informations utiles et six catégories de connaissances. Les informations concernaient : (a) l’adversaire (comportement, position…, exemple : « elle fait son revers », match 1, set 1, décision 28), (b) la joueuse (comportement, position…, exemple : « je suis très avancée », match 2, set 1, décision 3) et (c) la trajectoire du volant (vitesse, direction, exemple : « son lob est court », match 2, set 1, décision 5). Les connaissances portaient sur : (a) la joueuse (exemple : « je maîtrise pas bien le service court», match 1, set 1, décision 3), (b) l’adversaire (exemple : « elle fait ça tout le temps, aussitôt que le volant est levé », match 2, set 1, décision 21), (c) les règles individuelles (exemple : « je fais quelque chose que je maîtrise tout de suite « , match 1, set 1, décision 1) et les règles liées à la situation (exemple : « quand je suis en retard filet, réflexe, je lobe » match 2, set 2,

décision 4), (d) un événement antérieur (exemple : « çafaisait deux fois que je descendais le volant, que je perdais l’avantage », match 2, set 1, décision 12), (e) des attentes concernant l’action adverse (exemple : « jem’attends à un service court », match 2, set 1, décision 6), (f) des conséquences de l’action envisagée (exemple : « c’est dur d’attaquer quand le volant est bien servi »,match 1, set 2, décision 3). En envisageant l’analyse de la situation réalisée par la joueuse pour chaque type de décision, nous avons mis en évidence quelques régularités, entre les éléments pris en compte pour prendre une décision et le type de décision concomitante. Dans ce texte, nous nous sommes limités à la représentation des résultats liés aux décisions qui apparaissaient régulièrement. Nous n’avons pas retenu les décisions consistant à observer l’action adverse et à influencer l’adversaire. Les résultats exprimés en nombre d’occurrences décisionnelles ont montré (table 1) que la joueuse rapportait le plus souvent des informations concernant son adversaire. Les informations la concernant étaient moins fréquentes. Les informations liées à la trajectoire du volant étaient relativement peu verbalisées. Ces dernières apparaissaient plutôt lorsque la joueuse décidait de finir l’échange. Les informations inhérentes à l’adversaire apparaissaient plus souvent lorsque la joueuse choisissait d’agrandir le court, de finir l’échange, de réaliser un

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choix restreint et de mettre de la pression sur son adversaire. Les informations liées à la joueuse étaient plus souvent rapportées lorsqu’elle décidait d’agrandir le court, de surprendre l’adversaire, de mettre de la pression et de réaliser un choix restreint.

Les connaissances les plus rapportées concernaient les règles, puis un événement antérieur (table 2). Les connaissances liées l’adversaire ont été plus particulièrement verbalisées dans le match 1, lorsqu’elle cherchait à mettre de la pression. Celles inhérentes à la joueuse ont été plus souvent rapportées dans le match 2, lorsqu’elle visait à reproduire une action efficace. Les règles individuelles étaient plutôt explicitées au cours du match 1, dans les décisions de reproduire une action efficace et d’assurer son action. Elles étaient peu rapportées dans le match 2. Les règles liées à la situation étaient plutôt considérées au cours des deux matches pour les décisions de réaliser un choix restreint. Elles l’étaient également au second match pour les décisions d’agrandir le court, d’assurer et de reproduire. Les connaissances portant sur un événement antérieur concernaient plutôt, pour les deux matches les décisions de reproduire une action efficace. Les attentes étaient plus particulièrement envisagées pour la décision de reproduire, au match 1 et à un niveau moindre, de surprendre au match 2. Les conséquences des actions étaient plus souvent rapportées pour les décisions de mettre de la pression, d’agrandir le court et de reproduire une action efficace.

DISCUSSION

Adversaire Joueuse Trajectoire du volant Set 1 Set 2 Set 1 Set 2 Set 1 Set 2

Assurer son action 3 8 2 9 1 4Réaliser un choix restreint 6 10 7 6 1 3

Mettre de la pression 16 5 15 2 1 2Surprendre l’adversaire 4 10 3 8 0 2Reproduire une action 7 17 7 16 0 4

Agrandir le court 3 24 3 15 2 3Finir l’échange 6 3 3 2 4 3

Table 1. Les occurrences dans les types d’informations rapportées dans les décisions pour chaque match

RèglesAdversaire Joueuse Règles

individuelles Règles

situation

Evénement antérieur

Attentes / adversaire

Conséquencesdes actions

S1 S2 S1 S2 S1 S2 S1 S2 S1 S2 S1 S2 S1 S2Assurer 1 1 1 2 8 1 0 6 2 5 0 2 0 2Choix 1 0 2 3 2 0 4 10 0 1 2 2 1 1Pression 8 1 3 2 5 1 2 1 7 2 1 1 8 1Surprendre 1 0 2 3 6 0 0 1 1 4 0 3 0 1Reproduire 2 5 4 13 9 2 2 5 6 11 5 1 3 5Agrandir 0 5 1 4 1 0 0 6 0 6 0 1 2 6Finir 1 0 2 6 1 0 0 1 1 0 1 0 1 0

Table 2 : Les occurrences dans les types de connaissances rapportées dans les décisions pour chaque match

Les résultats ont montré que la joueuse ne visait pas immédiatement à gagner l’échange, elle tentait le plus souvent à mettre en place les conditions pour prendre l’avantage dans l’échange. Les résultats sont discutés en rapport avec les différentes phases de la prise de décision en référence aux modèles théoriques. Ils permettent de montrer le processus de compréhension de la situation, son caractère progressif, la prise en compte du temps dans la prise de décision et l’origine de la décision (préconstruite ou émergente). Des implications sont envisagées pour l’entraînement.

Le processus de compréhension de la situation Les résultats ont indiqué la prégnance de certaines informations (e.g. liées à l’adversaire et à la joueuse) et connaissances (e.g. inhérentes aux règles et à un événement antérieur). Ceux-ci suggèrent l’idée d’une compréhension fondée sur la comparaison des traits saillants, contenus dans la situation actuelle à ceux, contenus dans un répertoire mémorisé par la joueuse. Ce dernier était sans cesse actualisé à partir des situations liées aux matches, aux connaissances sur elle-même et sur l’adversaire. Ce répertoire semble construit sur une base commune aux experts d’un domaine et d’un complément propre aux connaissances, compétences et expériences propres à la joueuse. La base commune serait composée des règles liées à la situation, des conséquences des actions, des connaissances liées à l’adversaire. La base personnelle consisterait en les règles individuelles, les connaissances liées à la joueuse,

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les attentes, les événements antérieurs et des connaissances sur l’adversaire. Cette compréhension de la situation fondée sur un processus de comparaison valide le modèle des bases de connaissances [5] et celui de la « Naturalistic Decision Making » [8], qui s’appuie sur la modélisation de la compréhension à partir de la « situation awareness » [4].L’évaluation de la situation n’était pas figée, elle se poursuivait dans le temps, la joueuse prenant en compte les éléments nouveaux apparaissant dans la situation (comportement de la joueuse, trajectoire du volant). Elle restait « en éveil », poursuivant sa recherche d’informations utiles. Cette compréhension progressive basée sur une évaluation continue de la situation renforce la modélisation de la compréhension proposée à travers la « situation awareness » [4], ainsi que le modèle de la suffisance cognitive [1]. Ce dernier prédit une compréhension par actualisation de la situation occurrente.

La prise en compte du temps dans la prise de décisionL’analyse des verbalisations a révélé des différences dans le niveau et dans le moment de compréhension des situations par la joueuse. Certaines situations étaient comprises très tardivement, ce qui lui laissait peu de temps pour se décider et pour agir. Elle était amenée à bricoler une solution dans l’urgence, elle était le plus souvent acculée à réaliser un choix restreint. D’autres situations présentaient une temporalité plus importante, qui facilitait la compréhension et le choix. Ces différences de compréhension liées à la fois à la pression temporelle et à l’incertitude contenue dans la situation confortent le modèle de la suffisance cognitive [1]. Selon les prédictions de ce modèle, l’opérateur ne peut pas tout comprendre, il se centre sur des informations saillantes qui vont lui permettre de donner suffisamment de sens à la situation pour pouvoir agir. Dans notre étude, ces informations concernaient plus particulièrement l’adversaire et elle-même. Les informations sur la trajectoire du volant étaient peu rapportées, sans doute du fait de la nécessité de comprendre la situation relativement tôt, pour avoir le temps d’agir.

Les résultats ont montré que la joueuse recourrait à des temporalités variées pour prendre sa décision : les situations passées (liées au match actuel ou à des matches précédents), la situation actuelle et les situations futures anticipées (évolution de la situation, de l’échange, du set, du match). Les catégories de connaissances contribuent également à souligner cette temporalité : la joueuse se référait au passé à travers la prise en compte d’événements antérieurs, au présent, à partir de sa connaissance de l’adversaire, d’elle-même et des règles, et au futur anticipé à travers la construction de connaissances sur les attentes et les conséquences de l’action envisagée. La prise en compte de temporalités variées conforte les travaux menés en volley-ball [6] et en tennis de table [7]. La joueuse a montré qu’elle

s’appuyait le plus souvent sur des connaissances liées au passé et au présent, plutôt qu’à l’avenir.

La décision est apparue comme une projection dans l’avenir : elle était basée sur des intentions tactiques et était bornée par la contrainte temporelle. Cet avenir présentait plusieurs échéances : une échéance immédiate qui renvoyait à la réalisation d’un geste technico-tactique, une échéance différée liée à l’évolution de la situation, une échéance plus « lointaine » inhérente à l’effet attendu sur l’évolution de l’échange. En badminton, le jeu se construit le plus souvent sur plusieurs coups. Chaque décision est envisagée dans l’idée d’une construction progressive de l’échange, du set et du match. Chaque nouvelle décision s’appuie à la fois sur la compréhension de la situation occurrente, les possibilités projetées de la joueuse, le résultat des décisions précédentes dans des situations similaires, l’évolution du score…

L’origine de la décision La décision était ensuite choisie dans le répertoire de la joueuse, en fonction des caractéristiques spécifiques de la situation, des ressources propres à la joueuse à cet instant et des effets attendus sur le jeu. Les notions d’efficacité dans le jeu et de satisfaction pour la joueuse renforcent le modèle de la suffisance cognitive [1]. La recherche d’efficacité n’était pas toujours totale : la joueuse choisissait de différer l’intention de maîtriser l’échange, préférant au préalable se mettre dans des conditions favorables pour pouvoir finir. La décision est apparue comme un compromis entre l’intention de gagner, les possibilités de la joueuse en situation et le répertoire d’actions possibles actualisé dans cette situation.

Le répertoire de la joueuse pouvait différer du registre technico-tactique développé à l’entraînement. Celui-là était sans cesse actualisé par ses compétences à un instant, par des contraintes liées aux possibilités motrices et biomécaniques… Une différence semblait apparaître entre le modèle idéal utilisé par l’entraîneur, qui visait une décision efficace dans une situation problème typique et les modèles utilisés par la joueuse, qui oscillaient entre un modèle idéal basé sur la reproduction de décisions pré-construites à l’entraînement et un modèle de compromis, qui visait la construction de décisions en cours d’action. Les décisions pré-construites s’appuyaient sur la reproduction de routines d’exécution, qualifiées « d’automatismes » par la joueuse ; elles semblaient concerner plus particulièrement les décisions de reproduire une action efficace, de réaliser un choix restreint et d’assurer son action. Ces automatismes semblent intéressants en situation dynamique, lorsque la joueuse dispose de très peu de temps pour agir. Ils présentent un coût cognitif moins important pour l’athlète et ils permettent de pallier à une compréhension moindre de la situation [1]. Les autres

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types de décision rapportées dans l’étude se référaient le plus souvent à des décisions contenues dans le registre de la joueuse et adaptées au cours de l’action, en fonction de l’adversaire, d’elle-même, des événements antérieurs liés au match ou à des matches précédents, aux conséquences des actions et aux attentes à l’égard de l’adversaire.

Perspectives pour l’entraînement Globalement deux types de décisions sont apparues au cours des matches : des décisions pré-construites basées sur des routines d’exécution contenues en mémoire et des décisions construites en cours d’action, émergeant de la co-détermination entre la joueuse et la situation. Bien que ce travail ne constitue qu’une étude de cas, la mise en évidence de ces deux types de décisions suggère quelques implications pour l’entraînement. Si l’utilisation des décisions pré-construites semble être utile à cette joueuse, le jeu a montré que ses décisions n’étaient pas toujours efficaces et l’adversaire pouvait s’habituer à ces préférences. L’élaboration de décisions « inédites » en cours d’action est apparue comme une autre voie pour varier le jeu et tenter d’augmenter son efficacité. Cette construction de solutions s’inscrit dans une perspective développementale visant l’adaptation permanente de la joueuse aux situations dans lesquelles elle est engagée. Dans cette perspective, l’entraîneur ne se contenterait plus d’indiquer les traits saillants de la situation, ni de donner une « solution toute faite » à la joueuse, mais il l’inciterait, au cours de l’entraînement et de compétition, à analyser plus en profondeur le jeu adverse, pour élaborer les solutions optimales en situations dynamiques. L’entraîneur ne serait plus la référence essentielle. Ce type de situation s’appuierait sur l’analyse et l’exploitation du jeu adverse, sur la base de la réalisation de matches à thèmes, à l’entraînement. Dans ces conditions, la joueuse pourrait apprendre à l’entraînement non seulement à reproduire des décisions pré-construites, mais aussi à analyser et à exploiter le jeu adverse, en fonction de thématiques précises (adaptation à un jeu basé sur la reproduction, à un jeu varié…). Cette étude ne représente qu’une étude de cas qui pourra être enrichie par d’autres cas, pour mieux comprendre « ce qui se passe » en compétition.

REMERCIEMENTS Cette étude a été financée par le Ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative. Nous remercions la joueuse et son entraîneur, pour leur participation à l’étude.

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Démarche d’aide au choix de dispositifs pour l'ordinateur porté

Guillaume Masserey, Olivier Champalle, Bertrand David, René Chalon Laboratoire ICTT – Ecole Centrale de Lyon

36, av. Guy de Collongue 69134 Ecully Cedex

{ Guillaume.Masserey, Olivier.Champalle, Bertrand.David, Rene.Chalon } @ec-lyon.fr

RESUMECet article décrit une démarche d’aide au choix de dis-positifs d’interaction pour l’ordinateur porté dans le contexte de systèmes mobiles et de Réalité Augmentée. Elle est basée sur un référentiel de dispositifs d’interaction qui a pour vocation de guider le concepteur dans le choix des éléments à utiliser. Ce référentiel est couplé à des matrices dispositifs/critères permettant des comparaisons entre les dispositifs. Ces matrices aident au choix des dispositifs les plus performants c'est-à-dire les plus adaptés aux tâches à réaliser. Le fil conducteur de ce processus est la modélisation des tâches et des tâ-ches d’interaction les composant. Après avoir présenté la démarche, nous l’illustrons dans notre cadre de recher-che, à savoir l’ingénierie des systèmes mobiles et de Ré-alité Augmentée. Enfin nous conclurons sur son apport.

MOTS CLES : Démarche d’ingénierie, performance, er-gonomie, ordinateur porté.

ABSTRACT This article describes a method of choice of interaction peripherals for wearable computer in mobile and aug-mented Reality context. It is based on a referential of in-teraction devices which vocation is to support choices of devices to be used. This referential is coupled with ma-trices devices/criteria allowing comparisons between dif-ferent devices. These matrices guide choice of most powerful devices i.e. most adapted to the tasks to be done. The process is guided by tasks modelling and their interaction tasks, necessary for human machine interac-tion. After having presented this method, we illustrate it within our research framework, wearable computer in-teraction devices choice for mobile and of Augmented Reality situations. Finally we will conclude by the dis-cussion of its contribution.

KEYWORDS: Engineering method, performance, ergo-nomics, wearable computer.

INTRODUCTIONL’ingénierie des systèmes mixtes [27] et mobiles [24] n’est pas une activité facile, car elle nécessite de bien connaître les dispositifs et technologies existants et de les choisir en tenant compte des exigences qu’il est sou-haitable d’expliciter. C’est en particulier le cas en ce qui concerne le choix de dispositifs d’interaction dans le cas

d’ordinateurs portés, ordinateurs non seulement portable (déplaçables), mais pouvant être utilisés en mouvement, en déplacement. Notre objectif est d’équiper l’acteur, porteur d’ordinateur porté, de dispositifs en adéquation avec les tâches qu’il doit assurer. C’est pour cela que la base de notre démarche est de fournir au concepteur un référentiel sur lequel va s’appuyer le processus de choix de dispositifs d’interaction. Ce référentiel, couplé à des matrices dispositifs/critères, facilite l’évaluation de la performance de l’ordinateur porté au fur et à mesure de sa conception et permet de se rendre compte des com-promis à réaliser, en justifiant et traçant les choix effec-tués selon une approche de Design Rationale [5, 17, 20, 21] de sorte à pouvoir aisément remettre en cause des choix si l’on se trouvait dans une impasse. Le choix d’un dispositif est quant à lui basé sur un raisonnement QoC [16] ou tout autre raisonnement logique prenant en compte différents critères [17, 18] mais de sorte à réali-ser un compromis entre ceux-ci. Cette démarche est en fait un processus itératif qui prend en compte les tâches à réaliser et plus particulièrement les tâches d’interaction qui les composent, prises séparément mais aussi considé-rées ensemble pour tenir compte des critères tels que la continuité de l’interaction [12] et la réduction du nombre de dispositifs.

Nous présentons dans un premier temps la démarche, après avoir défini les notions fondamentales auxquelles elle fait appel c'est-à-dire la tâche, le référentiel et les matrices/critères. Dans un deuxième temps nous décri-vons une étude de cas montrant l’application de la dé-marche.

PRINCIPELa tâche à assurer par l’acteur porteur de l’ordinateur (figure 1, T) constitue le point de départ de notre démar-che. Celle-ci peut être décomposée en tâches plus préci-ses, ces dernières pouvant faire apparaître les tâches d’interaction, tâches sur lesquelles s’appuient les interac-tions.

L’affectation de dispositifs se fait pour chaque tâche d’interaction prise séparément mais aussi considérée avec l’ensemble des tâches d’interaction de la (sous-) tâ-che à laquelle elle appartient. Pour évaluer la capacité d’un dispositif à répondre à une tâche d’interaction, étant donnée la diversité des tâches d’interaction possibles, un

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intermédiaire entre tâche d’interaction et dispositif est nécessaire, c’est la technique d’interaction. Le concep-teur doit considérer d’abord le niveau sémantique de la tâche concrétisée en tâches d’interaction puis le niveau syntaxique [6] que représentent les techniques d’interaction [13] qui composent chaque tâche d’interaction (figure 1, I).

Tâche

Tâche d'interaction 1

Tâche d'interaction 2

Tâche d'interaction N...

Technique d'interaction 1

Technique d'interaction L

...

Dispositif d'interaction 1

Dispositif d'interaction K

...

T

I

D

Figure 1 : Mise en relation de la Tâche avec les Techniques d’interaction et les Dispositifs d’interaction

Etant donné le nombre de techniques d’interaction pos-sibles, un guidage des techniques d’interaction utilisables est conseillé ; à cet effet, nous avons choisi d’utiliser les tâches d’interaction types [11] qui sont Sélection, Position, Orientation, Chemin, Saisie de Texte et Saisie de Nombre. Selon ce principe, chaque tâche d’interaction de la tâche devra être assimilée à une de ces tâches d’interaction types. D’un autre côté, une évaluation/comparaison des dispositifs pour réaliser cha-cune de ces techniques d’interaction doit exister pour dé-terminer lesquels affecter à ces techniques d’interaction et donc aux tâches d’interaction et finalement aux tâches à réaliser.

LE REFERENTIEL Le référentiel doit être choisi avec précaution pour ex-primer tous les éléments pouvant potentiellement entrer dans la sélection de dispositifs de l’ordinateur porté.

Le référentiel s’organise en axes (figure 2), chaque axe pouvant être utilisé ou non dans la configuration à bâtir. Si un axe n’est pas utilisé, c’est comme s’il prenait la va-leur 0. Plus les éléments sont situés vers l’extrémité des axes et plus ceux-ci sont performants relativement à un critère pertinent de l’axe. Par exemple pour l’axe Affi-chage, les différents éléments sont placés selon le critère de continuité du regard de plus en plus important.

La figure 2 présente un référentiel adapté pour la conception de systèmes mobiles et de Réalité Augmen-tée (RA). On peut remarquer le découpage en 4 groupes,

ces groupes correspondent aux trois grandes parties d’un système mobile et de RA et plus généralement d’un sys-tème interactif, ainsi qu’une partie plus système (Com-munication). Ces groupes sont les interactions HM en entrées, les interactions IHM en sorties, les interactions de l’utilisateur avec l’environnement avec l’idée sous-jacente de traiter certains aspects des environnements ubiquitaires [26] et enfin un groupe système (Communi-cation).

Figure 2: Un exemple de référentiel pour les systèmes mobi-les et de Réalité Augmentée

Le groupe interaction en entréeIl comprend 4 axes (Interaction graphique, Interaction vocale, Interaction à l’œil, Interaction gestuelle). Ce dé-coupage en 4 axes n’est pas réalisé au hasard, il s’inscrit dans un raisonnement initié depuis plusieurs années qui tend à découper les interactions d’entrée selon les moda-lités et d’autres critères [2, 7, 13, 15, 19] descriptifs du dispositif ou du média traité.

Le groupe interaction en sortieIl comprend 3 axes (Affichage, Sortie sonore, Sortie sen-sorielle), ces trois axes correspondent aux modalités d’interaction en sortie [1, 3, 8] les plus importantes.

Le groupe interaction avec l’environnement Il comprend 2 axes (Localisation, Contextualisation). Ces deux axes définissent les moyens requis pour la mise en place d’environnement ubiquitaires [25].

Le groupe système Il comprend un unique élément Communication qui cor-respond aux moyens utilisés pour réaliser la communica-tion avec d’autres ordinateurs ou des capteurs ou autres objets communicants.

Tags RFID

Lunettes à écran intégré

Lecteur RFID

TabletPCEye-trackerMicro

Gant de don-nées

Lecteurs et tags RFID

Caméra(et marqueurs)

Autres capteurs

Gant

Armature

Combinaison

PDA ou TabletPC

Opaque dans lu-nettes

Semi-transparent dans lunettes

GPS (géographi-que)

RFID(logique)

GPS et RFID

Micro-clavier

Ecriture sur écran tactile

Clavier virtuel et gant

Micro fixe

Micro porté

Eye-tracker porté

Interactionvocale

Interactionà l’oeil

Interactiongestuelle

Contextualisation

Interactiongraphique

Affichage

Haut-parleur

Sortie so-nore

OreilletteCasque

Casque audio

Localisation

Communication

BT

WiFi

GPRS / 3G

Point d’accès WiFi

Sortie senso-rielle

Cellule piezo-électrique

Cellulebraille

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PRINCIPE D’AFFECTATION DE DISPOSITIFS Pour affecter un dispositif à une tâche d’interaction, il faut savoir quelles techniques d’interaction il supporte pour pouvoir évaluer sa capacité à la réaliser. Dans no-tre démarche cela équivaut à évaluer :

Son adéquation avec la technique d’interaction (et respectivement la tâche d’interaction pour considé-rer des critères tels que la continuité de l’interaction ou la minimisation du nombre de dispositifs).

Ses capacités dans les conditions de réalisation de la tâche, qu’elles soient environnementales (humidité, champs magnétique, …) ou de l’utilisateur (ressour-ces disponibles : 0, 1 ou 2 mains libres, porte ou non des lunettes …).

Ses valeurs dans les critères de performance relati-vement à la technique d’interaction (et respective-ment la tâche d’interaction) et aux conditions de ré-alisation.

De manière plus synthétique, le choix d’un dispositif se fait selon la technique (respectivement la tâche) d’interaction à réaliser, selon les conditions de réalisa-tion de la tâche, et en fonction de ses valeurs dans les différents critères, voir figure 3. Pour chacune des tech-niques d’interaction, on est amené à évaluer chacun des dispositifs, dans les différentes conditions d’utilisation.

Figure 3 : Cube des possibles pour une tâche d’interaction

Cela revient à réaliser autant de cubes que de techniques d’interaction, ainsi le nombre de cubes peut être très im-portant. Si l’on souhaite appliquer la démarche au niveau tâche d’interaction, il faut considérer les tâches d’interaction types ; ainsi il y aurait 6 cubes : Sélection, Position, Orientation, Chemin, Saisie de Texte, Saisie de Nombre.

Figure 4 : Un plan dispositifs/critères pour une condition et une technique d’interaction donnée

MATRICES MULTICRITERE Pour chaque condition, le plan formé par les axes dispo-sitifs et critères pris indépendamment des conditions (fi-

gure 4) forme une matrice « dispositifs/critères » (figure 5).

La figure 5 présente une matrice critères/dispositifs sans les valeurs. Cette matrice est celle de la technique d’interaction Saisie de Texte sous des conditions non explicitées (Ci). A noter que les conditions s’expriment comme des contraintes plutôt que comme des possibili-tés ainsi on pourrait avoir la contrainte « 2 mains pri-ses » au lieu de donner la contrainte « 0 mains libres ». Les préférences et « différences » interindividuelles s’expriment aussi sous formes de conditions.

C1 C2 … CN SCOREClavierSouris Gant Eye-trackerMicro Ecran-tactile+styletEcran-tactile+doigt Tablette-tactile+stylet

MOYENNE

Figure 5 : Une matrice de description dispositifs/critères

Définition d’une matrice multicritère Les critères sont placés sur les colonnes (C1, C2, … CN). Les dispositifs sont mis sur les lignes. La dernière colonne contient le score du dispositif. Le score est la valeur globale du dispositif ; sa valeur est définie par une formule établie par le concepteur et utilisée pour calculer la valeur des scores de chacun des dispositifs d’une même matrice. La formule la plus simple étant la somme des valeurs du dispositif dans chaque critère, d’autres formules telles que la somme de la valeur des critères pondérés peuvent s’avérer pertinentes.

La dernière ligne contient une ou plusieurs valeurs ca-ractéristiques pour chacun des critères et le score par rapport à l’ensemble des dispositifs ; ce peut être la va-leur moyenne du critère ou du score, ou la valeur MMM (Minimum / Moyenne / Maximum) qui permet de se rendre compte des valeurs minimales, moyennes et maximales que peuvent avoir les critères et le score par rapport à l’ensemble des dispositifs. Ces valeurs calcu-lées permettent d’estimer rapidement la place qu’occupe notre dispositif en respect de ses critères ou de son score et de déduire notamment si certains dispositifs ont des meilleures valeurs de critères ou ont de meilleurs scores et cela sans parcourir la table complète.

Notes des dispositifs selon les différents critères L’affectation de notes dans chaque critère et à chaque dispositif doit se faire avec précaution, le plus objecti-vement possible et ne peut être réalisé que par un expert des domaines concernés à savoir les systèmes mobiles et de RA mais aussi des domaines induits par les critères

Critères

Conditions

Dispositifs

Critères

Dispositifs

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considérés. Dans le cas de critères tels que l’utilisabilité, les valeurs à affecter à chacun des dispositifs devraient soient être le résultat d’études réalisées au préalable, soient calculées par un ergonome expert ; dans tous les cas, les valeurs doivent être affectées le plus objective-ment possible pour ne pas fausser tout le processus.

Utilisation des couleurs dans la matrice L’utilisation de différentes couleurs de fond est recom-mandée pour définir la matrice de manière à la rendre la plus lisible possible et donc la plus efficiente. Ainsi, on conseille l’usage de quatre couleurs distinctes pour met-tre en évidence les différentes cellules de la matrice : - Elément non singulier, - Valeur la plus faible (de critère pris séparément), - Valeur la plus forte (de critère pris séparément), - Rubrique calculée pour la dernière colonne (score)

et la dernière ligne (moyenne ou valeur MMM).

Ces différentes couleurs devront se retrouver respecti-vement dans chaque matrice. Si les dispositifs ne sont pas ordonnés par score (parce qu’ils le sont par modalités par exemple) le dispositif de plus faible score (et respectivement de plus fort score) peut être mis en évidence en coloriant sa cellule « nom » de la couleur « Valeur la plus faible score » (et respectivement de la couleur « Valeur de plus fort score »). Il est important de mettre en évidence ces valeurs minimales et maximales de chaque critère puisque l’on va être amené à considérer les critères selon un ordre précis dans une première phase, puis de manière globale dans une deuxième. PRESENTATION DE LA DEMARCHE Une fois les éléments précédents modélisées (Tâche, Ré-férentiel, Matrices), la démarche peut s’appliquer. Il s’agit de parcourir la tâche en profondeur d’abord et d’affecter à chaque tâche d’interaction un dispositif se-lon un compromis tendant à maximiser la performance, au sens des valeurs du dispositif dans chacun des critè-res. Mais, il faut également tenir compte de toutes les techniques d’interaction de la tâche pour faire un bon choix de dispositif ainsi que de tenir compte de l’ensemble des dispositifs qui ont déjà été sélectionnés pour réaliser une autre sous-tâche et cela pour minimiser le nombre de dispositifs, le coût des équipements, le poids, l’encombrement, maximiser la continuité de l’interaction et tout autre critère relatif à la prise en compte de la tâche de manière globale.

Nous décrivons maintenant le raisonnement que doit mener le concepteur lorsqu’il doit affecter un dispositif à une tâche d’interaction.

Sélection de dispositifs pour une tâche d’interaction Le concepteur doit d’abord se demander à quelle tâche d’interaction type (Sélection, Position, …) la tâche d’interaction est assimilable pour déterminer les techni-ques d’interaction qui vont pouvoir être utilisées. Ayant

décomposé la tâche d’interaction en techniques d’interaction [11, 12, 13, 14, 15], il va devoir appliquer de manière itérative le raisonnement de sélection de dis-positifs pour chacune de ces techniques d’interaction, tout en tenant compte des choix réalisés pour chacune d’entre elles.

Sélection de dispositifs pour une technique d’interactionLe concepteur ne peut encore comparer les dispositifs tant qu’il n’a pas déterminé les conditions de réalisation de la tâche : ces conditions peuvent être des indications hors formalisme (ex : « La tâche se déroule en exté-rieur ») ou des conséquences logiques des tâches d’interaction qui viennent d’être réalisées ou qui peuvent être réalisées en parallèle et donc des dispositifs précé-demment sélectionnés ou couramment utilisés. Une fois cela fait, la matrice dispositifs/critères est déterminée.

Dans un premier temps, le concepteur revoit le référen-tiel pour se remettre en tête les différents dispositifs qui peuvent répondre à son problème ; cette évaluation reste fortement subjective. Dans un deuxième temps, une fois qu’il a déterminé les dispositifs [18] qui lui semblent les plus adaptés dans le référentiel et selon les critères de performance, aidé de la matrice dispositifs/critères sélec-tionnée, il évalue ce dispositif et le compare aux autres ; il fait alors le choix selon les critères préétablis (heuris-tique). Si son choix ne s’avère pas particulièrement per-formant(ex : si un des critères extra heuristique a une très mauvaise valeur), il peut consulter à nouveau le ré-férentiel pour choisir d’autres dispositifs ou continuer son choix directement depuis la matrice.

Application des critères pour le choix du dispositif Les critères sont ordonnés préalablement à l’exécution de la démarche. La prise en compte de cet ensemble de critères doit cependant se comprendre comme un com-promis. Aussi un critère ayant une valeur très mauvaise peut écarter un dispositif même si celui-ci a une très bonne valeur dans un critère plus prioritaire. En effet, nous sommes bien dans un raisonnement de logique floue visant à atteindre un équilibre entre différentes contraintes pour arriver à proposer une configuration de dispositifs cohérente. Le concepteur va donc considérer les critères dans un certain ordre, mais sans jamais ap-pliquer de raisonnement tout ou rien.

Traçage – Retour en arrière (Backwarding) Le processus de sélection est incrémental ; un choix de dispositif peut empêcher l’exécution complète de la tâ-che ou altérer la performance globale de celle-ci s’il est incompatible avec ceux permettant de réaliser des parties de la tâche qu’il ne permet pas d’effectuer. Dans ce cas, il faut se demander si les choix précédents, bien qu’ils formaient alors le meilleur compromis, ne doivent pas être révisés pour finalement sélectionner un autre dispo-sitif certes moins performant mais aboutissant finalement

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à un meilleur compromis. Pour rendre possible ce méca-nisme de retour en arrière (backwarding), il faut tracerles choix effectués, c’est-à-dire noter les explica-tions/justifications de chacun de ceux-ci avec leurs sco-res, leurs avantages et inconvénients. Grâce à cette trace, le concepteur est, en principe, capable de justifier tous les choix réalisés et de ne pas refaire un même choix alors qu’il ne peut aboutir à l’ingénierie complète du système mais aussi de modifier des choix antérieurs, uni-tairement (technique d’interaction) ou par bloc (techni-que(s) d’interaction, tâche(s) d’interaction, tâche). Cette trace peut-être représentée de manière graphique sur l’arbre de tâches, dans un tableau ou textuellement ; dans tous les cas, il est vivement conseillé de la structurer si-non elle va devenir rapidement illisible et inexploitable.

Il est à noter qu’en fonction des dispositifs retenus, de leur coût, de leur fragilité et de l’impossibilité de les por-ter en même temps, le concepteur peut être amené, en dernier recours, à reconsidérer l’organisation des tâches dans le but de déduire une configuration (ensemble co-hérent de dispositifs) en appliquant à nouveau la démar-che.

Outil informatique pour la démarche Un outil informatique (s’inspirant de [4]) en cours de développement en Java/XML va bientôt permettre d’éditer ces choix numériquement et ainsi d’expliciter les choix effectués plus simplement tout en stockant les traces de chaque choix dans un fichier et tout en calcu-lant le score au fur et à mesure des options choisies avec les valeurs moyennes selon les différents critères. Cet outil permettra à terme en plus de représenter graphi-quement les choix sur l’arbre de tâches, de présenter les choix sous forme de tableau et d’imprimer ceux-ci avec leurs justifications. Il va également historiser les diffé-rents chemins empruntés, des solutions obtenues ou sans issues constatés (par exemple dûes à l’absence de dispo-sitifs compatibles avec les autres déjà utilisés pour cette tâche). Cette historisation permet une explication a pos-teriori des choix effectués, ce qui est particulièrement important si ces choix sont amenés à être remis en ques-tion par exemple suite à un retour d’expérience.

ETUDE DE CAS Dans cette partie, nous mettons en pratique la démarche explicitée plus haut. Pour ce faire, nous décidons d’évo-luer dans le cadre du projet HelpMeToDo actuellement traité au laboratoire ICTT qui vise à exploiter des nou-veaux moyens de communication mobiles pour le grand public et les professionnels dans toutes les activités né-cessitant de l’aide. Les besoins d’information, de forma-tion, d’assistance, d’aide à la maintenance et de dépan-nage dans des contextes individuels, collectifs, indus-triels ou grand public sont donc pris en compte. Le Mo-bile Learning (apprentissage juste à temps situé dans le contexte d’intervention) vise à amener, sur le lieu d’action, grâce aux principes MOCOCO (MObilité –

COllaboration – COntextualisation), l’ensemble des in-formations nécessaires. Les besoins d’information, de formation, d’assistance, d’aide à la maintenance et de dépannage sont ainsi pris en compte.

Contexte du scénario Nous nous plaçons ici dans la situation d’un technicien « volant » chargé d’intervenir sur un équipement qu’il ne connaît pas ou peu. Ce technicien est employé dans une société de service fournissant des prestations de mainte-nance sur des équipements de type bureautiques : im-primantes, photocopieuses, scanner, fax, PC (portable et fixe), téléphone. Ces équipements peuvent avoir été loués par les clients. Ce technicien est considéré comme polyvalent et capable d’intervenir sur ces différents d’équipements même s’il n’est pas expert des appareils qu’il va être amené à réparer. Dans ce but, il maitrise et est susceptible d’utiliser des dispositifs innovants, mobi-les ou de réalité augmentée.

Le scénario Nous décrivons ci-après l’intervention d’un technicien sur une imprimante dont la marque et le modèle lui sont inconnus : 1 Le technicien utilise un dispositif mobile pour se

connecter au site web de sa SSII. 2 Il s’identifie et accède à la partie réservée aux techni-

ciens.3 Il recherche le nom et la marque de l’imprimante à

dépanner pour accéder à sa documentation. 4 De là, le technicien détermine l’origine du problème

correspondant au remplacement du tambour de l’imprimante, modèle standard dont il dispose dans son véhicule. Cependant, il ne sait pas comment opé-rer pour remplacer le tambour défectueux.

5 A ce moment, le dépannage commence et le techni-cien utilise ses deux mains pour pouvoir intervenir sur l’équipement, tout en consultant la documenta-tion adaptée, utilisant le média approprié (texte, image, vidéo, son), et accomplir sa tâche.

6 A l’issue de l’intervention, le technicien écrit un rap-port, une facture …

Analyse Dans ce scénario, nous pouvons, par notre expérience, deviner des équipements plus adaptés que d’autres. Et ce, notamment pour les tâches 1, 2, 3, 4 et 6 où les dis-positifs de type PDA ou Tablet PC semblent convenir naturellement. Cependant, il n’en va pas de même pour la tâche 5 correspondant à l’intervention directe du tech-nicien sur l’imprimante défectueuse, dont les contraintes (deux mains prises et consultation de documentation) ne nous permettent pas d’appréhender simplement le ou les dispositifs nécessaires. Nous détaillons donc l’application de notre démarche aux contraintes de la tâ-che 5 avec comme critères la mobilité, l’efficience et la satisfaction. Nous résumons dans la figure 6 ci-dessous

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l’arbre simplifié de la tâche 5 exprimé à l’aide du forma-lise CTT [23].

Notre arbre laisse clairement apparaître les techniques d’interaction auxquelles l’utilisateur va devoir faire ap-pel afin de sélectionner la documentation indispensable pour accomplir son intervention. Notre but est de pou-voir déterminer à l’aide de la démarche, explicitée plus haut, le ou les dispositif(s) à retenir dans les conditions d’intervention de la tâche 5.

Nous choisissons arbitrairement de traiter la tâche d’interaction « Sélection du média » qui est une tâche d’interaction d’entrée contrairement aux deux autres (« Consulter … »), nous ne traitons pas la tâche « consulter le média » qui contient les mêmes tâches d’interaction que la tâche « Consulter menu media » car elle ne met pas en valeur d’autres aspects de la démar-che, excepté, des critères comme la continuité de l’interaction et la minimisation du nombre de dispositifs, car il y a récurrence des tâches d’interaction. Nous nous occupons maintenant de l’affectation des dis-positifs à chacune des techniques d’interaction, nous nous limitons au raisonnement basé sur les matrices sans insister sur la consultation du référentiel antérieur à l’utilisation des matrices. Dans les différentes matrices ci-dessous, le système de notation retenu va de 1 (très peu adapté) à 5 (très adapté).

1. Défiler Nous présentons ci-dessous, figure 7, la matrice de des-cription dispositifs/critères propre à la technique d’interaction « DEFILER » et avec la condition : « deux mains prises ».

Dispositifs Mobi-lité Efficience Satisfaction

utilisateur SCORE

Eye-trackerporté 2 4 2 8

Micro porté 5 2 2 9MOYENNE 3,5 3 2 8,5

Privilégier le critère de mobilité nous conduit, à l’issue de l’utilisation de notre matrice, au choix du micro porté, plus léger et plus agréable pour les utilisateurs que l’Eye-Tracker lourd et inconfortable. Il faut toutefois nepas oublier la faible efficience du micro porté induite par l’imperfection du système de reconnaissance vocale, notamment dû à sa difficulté de calibration. Ce critère pourrait être crucial dans la suite de notre analyse, car les erreurs du système pourraient dérouter le technicien.

2. Choisir item La figure 8 présente la matrice de description disposi-tifs/critères propre à la technique d’interaction « CHOI-SIR ITEM ».

Dispositifs Mobi-lité Efficience Satisfaction

utilisateur SCORE

Eye-trackerporté 2 5 3 10

Micro porté 5 2 2 9MOYENNE 3,5 3,5 2,5 9,5

Cette nouvelle matrice, nous conduit à retenir le disposi-tif Eye-Tracker dont l’efficience et la satisfaction utilisa-teur pour la technique d’interaction « CHOISIR ITEM », dans les conditions établies, est supérieure au micro por-té.

3. Confirmer Nous nous intéressons à présent au dernier dispositif d’entrée de notre tâche d’interaction « Sélection du mé-dia ». Pour ce faire nous utilisons la matrice disposi-tifs/critères suivante (Figure 9).

Dispositifs Mobi-lité Efficience Satisfaction

utilisateur SCORE

Eye-trackerporté 2 3 2 7

Micro porté 5 4 4 13MOYENNE 3,5 3,5 3 10

Le micro porté est le dispositif le plus intéressant en rap-port à nos besoins. En effet, il est plus facile pour un uti-lisateur de confirmer le choix d’un item avec le son de sa voix qu’avec le regard. Le résultat de notre analyse, pour la tâche « Sélection du média », fait ressortir le be-soin d’utiliser en même temps un dispositif micro porté ainsi qu’un eye-tracker. Notre technicien sera donc ca-pable de faire défiler la liste de média disponible avec le son de sa voix, de choisir un média à l’aide de ses yeux et pour finir de confirmer la sélection à nouveau avec le son de sa voix. Notre étude ne serait pas complète si nous ne choisissions pas, via la même démarche, les dis-positifs en sortie. Nous avons déjà précisé, dans notre scénario, que l’utilisateur devrait être à même de visuali-Figure 7 : matrice dispositifs/critères « DEFILER »-

deux mains prises-en mobilité

Figure 8 : matrice dispositifs/critères « CHOISIR ITEM »-deux mains prises-en mobilité

Figure 9 : matrice dispositifs/critères « CONFIR-MER »-deux mains prises-en mobilité

Figure 6 : Arbre de la tâche 5

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ser des menus, via la tâche système « Consulter menu média », et de consulter de la documentation adaptée que ce soit du texte, des images, de la vidéo ou du son. Nous traitons donc maintenant la tâche d’interaction en sortie « Consulter menu média ».

4. Visualiser La figure 10 nous permet de choisir le dispositif le plus adapté au besoin du technicien. En fonction des notes constatées, nous décidons de porter notre choix sur les lunettes à écran opaque (micro-écran de 0,3 pouces). Ce dispositif, moins mobile que les lunettes à écran semi-transparent, est cependant le plus adapté aux besoins de visualisation du technicien.

Dispositifs Mobilité Efficience Satisfac-tion SCORE

Lunettes à écran opaque 3 4 3 10

Lunettes à écran semi-transparent

4 2 2 8

MOYENNE 3,5 3 5 9

Faisant suite à notre analyse concernant la technique d’interaction « VISUALISER », notre démarche nous permet de nous interroger sur la difficulté ergonomique, pour le technicien de porter en même temps, et durant toute la phase d’intervention, un eye-tracker (déterminé plus haut) ainsi que des lunettes à écran opaque. Nous décidons cependant de conserver cette organisation mais nous nous montrerons vigilants sur le calibrage et la pré-cision de l’eye-tracker en question afin de permettre au technicien de désigner « facilement » les informations qui lui seront utiles.

5. Ecouter Notre dernière analyse porte sur la technique d’interaction « Ecouter ». Le technicien pouvant être à même d’utiliser des documentations sonores, nous utili-sons la matrice suivante :

Dispositifs Mobilité Efficience Satisfac-tion SCORE

Casque audio 4 5 3 12Oreillette 5 4 4 13

MOYENNE 4,5 4,5 3,5 12,5

Figure 11 : Matrice dispositifs/critères « ECOUTER »-deux mains prises-en mobilité

La lecture de cette matrice nous permet de dégager le choix de l’oreillette. Plus légère et ne couvrant qu’une seule oreille contrario à un casque stéréo, elle offre un bon équilibre entre l’efficience que nous recherchons et la satisfaction. En outre, l’oreillette et le micro porté sont deux éléments importants de notre configuration. Nous décidons donc de retenir un seul dispositif porté compo-sé d’un micro et oreillette, si possible. Le choix de cet

équipement s’avère, en fait, plus judicieux et confortable pour le technicien et souvent plus économique.

Bilan : dispositifs requis La figure 12 présente un bilan récapitulatif des résultats établis en suivant la démarche, pour la réalisation de la tâche Dépannage (5) de notre scénario. Le technicien devra donc utiliser les types de dispositifs retenus, asso-ciés à chaque tâche d’interaction. A savoir : le micro et l’oreillette portés, l’eye-tracker et l’écran opaque dans des lunettes.

Figure 12 : Récapitulatif des choix proposés par la démarche

Validation du système Il faut maintenant se demander si le fait d’utiliser en en-trée un micro et un eye-tracker est judicieux et si l’utilisation de l’un ou l’autre de ces dispositifs n’aboutirait pas à une meilleure performance globale. Ainsi, on peut s’interroger sur l’usage du micro seule-ment en entrée, pour un meilleur compromis. L’utilisation d’un eye-tracker est contraignante, il faut l’installer, le calibrer, le manipuler avec précaution. Fi-nalement, sa faible implication dans la tâche (seulement pour « Choisir item »), fait que l’usage du micro seule-ment est le compromis qui maximise la continuité de l’interaction et minimise le nombre de dispositifs requis. L’usage du micro seul en entrée augmente la perfor-mance globale du système. La configuration détermi-née par la démarche est finalement l’ensemble formé par les Lunettes à écran opaque et le casque comportant Micro et oreillette.

CONCLUSIONDans cet article, nous avons décrit une démarche aidant au choix de dispositifs d’ordinateur porté dans le contexte de mobilité et de Réalité Augmentée. Nous avons décrit les différents éléments qu’elle nécessite

Figure 10 : Matrice dispositifs/critères « VISUALISER »-deux mains prises-en mobilité

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pour s’appliquer et donné un aperçu de son efficacité et sa reproductibilité sur un exemple concret. Cette démar-che se veut générique et s’applique à l’ensemble des dis-positifs d’interaction existants ou à venir. Elle permet de configurer l’ordinateur porté en relation avec les tâches à effectuer.

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Une proposition pour améliorer la performance de l'usager au sein du système d'information global de la

bibliothèque

Fabrice Papy Document numérique & Usages

Université Paris 8 2 rue de la liberté 93526 Saint-Denis Tél: 01 49 40 64 17 Fax : 01 49 40

[email protected]

Sophie Chauvin Document numérique & Usages

Université Paris 8 2 rue de la liberté 93526 Saint-Denis Tél: 01 49 40 64 17 Fax : 01 49 40

[email protected]

RESUMELa conservation et la diffusion des connaissances font partie des missions clairement identifiées des bibliothèques universitaires et aboutissent à la création de systèmes d'information extrêmement complexes. Ainsi, l'activité d'expertise des bibliothécaires en matière d'organisation et de description des connaissances vient rencontrer et accompagner une intégration importante de ressources documentaires (traditionnelles et électroniques) et d'outils informatiques (OPAC, SRI, portail documentaire) en constante évolution. Construite sur des modèles anciens d'organisation des connaissances, la bibliothèque doit s'adapter aux plus récentes évolutions technologiques du traitement de l'information afin de les mettre à la disposition des usagers. De ce point de vue, la bibliothèque constitue un système hybride simultanément obsolète et innovant dont il est difficile d'évaluer la performance indépendamment de la position de l'usager, de son degré de familiarité avec les propositions techno-documentaires du lieu et de sa compréhension du modèle conceptuel dans lequel s'inscrit toute la complexité de l'objet culturel. A partir d'une interface d'interrogation des données bibliographiques conçue et expérimentée au sein de la bibliothèque de l'Université Paris 8, il a été possible d'identifier des éléments structurels qui améliorent la compréhension du modèle conceptuel sous-jacent de la bibliothèque et ses usages potentiels.

MOTS CLES : Système d'information des bibliothèques, usager, bibliothécaire, complexité, modèle conceptuel, TIC, efficacité, évaluation, représentation, Visual…Catalog, OPAC

ABSTRACT Making accessibility and preserving knowledge are clearly identified missions of academic libraries and lead to build complex information systems. So, the librarians' expert activities in terms of knowledge organisation and description meet and go with an important integration of various resources (both traditional and digital) and tools (OPAC, IRS) in constant increasing. Built upon old knowledge organisation models, the academic library

has to evoluate in order to give to the users very recent information technologies. From this point of view, the library is an hybrid system which is simultaneously obsolete and innovating and it is difficult to assess its performance without considering the user posture, his usability with the librarian information system and his comprehension of the library conceptual model. With the environnement we have developed and tested into an academic library, we have identified some structural elements which ameliorate the comprehension of the library conceptual model and its potential uses.

KEYWORDS : Library Information System, user, librarian, complexity, conceptual model, ICT, efficiency, assessment, representation, Visual…Catalog, OPAC

LA BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE : UN SYSTEME DOCUMENTAIRE COMPLEXE Un espace multidimensionnel La bibliothèque universitaire est un lieu multidimensionnel où les activités de l'expertise professionnelle des bibliothécaires en matière d'organisation des connaissances rencontrent les activités intellectuelles et cognitives des usagers reliés directement aux études supérieures et à la recherche. Accompagnant les dimensions culturelle et sociale, ce sont également les dimensions logistique (acquisition et traitements du document) technique (service aux usagers, fonctionnement réglementaire de la bibliothèque) et technologique (catalogues, bases de données et ressources électroniques) qui participent à l'accessibilité du fonds documentaire. Ces différentes dimensions qui répondent à des réalités et des logiques de fonctionnement spécifiques se doivent de converger afin de servir au mieux les missions institutionnelles de la bibliothèque universitaire dans tout ce qui relève de la conservation et de diffusion des connaissances. [1, 8].

Ces espaces documentaires institutionnels physiques, numérisés et numériques, revisités par la médiation technologique, pensés pour favoriser l’accessibilité [6,7,9], proposent des modèles génériques d’organisation des savoirs que matérialisent les

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classifications telles que Dewey, CDU, Bliss, LCC, etc. [18].

L’organisation structurée et rationnelle portée par les classifications imprime une volonté d’universalisation de tous les savoirs. Vœu pieu, démesure ou exagération prétentieuse, les classifications -à quelques tentatives près partiellement appliquées comme la Classification à facettes Colon- finissent par produire une approche décontextualisée des connaissances. Sans pour autant constituer la focale de l'activité des professionnels de la bibliothèque (la formation et les services aux usagers en sont d'autres), cette exigence de la classification pèse sur la politique documentaire des services communs de documentation (SCD), oriente une grande part de l'activité professionnelle des bibliothécaires (acquisition, catalogage) et concrétise l'adéquation de la bibliothèque avec les formations suivies par les étudiants, les cours dispensés par les enseignants et les activités scientifiques des chercheurs.

Avec les OPAC (On Line Public Access Catalog) les catalogues informatisés des bibliothèques, ce ne sont ni plus ni moins que les structures de données Unimarc, les classifications (de type LCC, Dewey, CDU), les vedettes-matières, qui sont brutalement portées à l’appréciation d’usagers globalement incompétents. De fait, la prétendue accessibilité dont sont porteuses les TIC notamment en ce qui concerne l'information numérique met en évidence l’existence de deux communautés juxtaposées : d’une part celle des usagers-utilisateurs en quête d’information mais peu concernés par les exigences et les problématiques des bibliothèques et d’autre part celle des bibliothécaires impliqués dans des exigences professionnelles quotidiennes (service public, acquisition, conservation, catalogage, prêt, échanges de données).

Les évaluations des services aux usagers mettent en évidence que l’amélioration de la qualité des services passe par un subtil mélange de connaissances effectives de la bibliothèque et d’une plus grande accessibilité de l’expertise de ses professionnels.

La bibliothèque : lieu de savoirs, espace des professionnels de la bibliothèque Cependant les bibliothèques demeurent, malgré l'accessibilité technique introduite par les TIC , des lieux extrêmement spécialisés où les activités des professionnels de la bibliothèques traduisent, encapsulent et reflètent des modes d'organisation et de communication, des savoirs, des contextes, des objets physiques, des représentations mentales, des procédures, et des systèmes de valeurs. En cela, les bibliothèques sont le reflet d'une institution culturelle qui renvoie à des valeurs, une organisation et un espace social complexe [13]. Plus encore, la bibliothèque apparaît comme un lieu de contradiction où l'organisation en place s'évertue à développer, préserver une organisation rationnelle des savoirs relevant presque d'un idéal à l'intention d'un

public qui en ignore (fréquemment) toutes les exigences et toutes les subtilités.

La bibliothèque se présente alors comme un espace ordonné, condamné à être mis cycliquement en désordre par les usagers qui la pratiquent. Imaginer un usager/lecteur – idéal - ayant développé une expertise des lieux lui permettant d'exploiter à son avantage l'organisation pointilleuse de la bibliothèque, sans en perturber ni l'ordre ni le fonctionnement relève d'un manifeste improbable. Ce modèle idéal de l'usager-expert reste hautement anecdotique et cède la place au modèle plus commun de l'usager-néophyte ayant des besoins élémentaires de localisation et de disponibilité d'ouvrages, de sélection de sources, de méthodologie de la recherche, d'expression linguistique de ses recherches, de transcription de ses demandes en expressions syntaxiques "compréhensibles" par la multitude des systèmes d'informations automatisés disponibles (catalogue, cédéroms, sites spécialisées, Web généraliste,..).

Cette fracture entre les capacités avérées et les habiletés présumées de l'usager, vision de l'esprit des professionnels de la bibliothèque [10] se vérifie d'autant mieux à l'éclairage des enseignements apportés par les formations à la maîtrise de l'information, de la méthodologie documentaire et du travail universitaire [3] [5]. On y découvre que cet usager-néophyte vit généralement dans l'ignorance de la complexité de l'organisation technique, institutionnelle et socioculturelle de la bibliothèque et qu'il est d'autant moins versé à y manifester de l'intérêt que la plus grande part de ses efforts portera dans ses deux premières années universitaires à appréhender, identifier et s'approprier les règles du travail intellectuel qui forment le canevas invisible de sa réussite.

Par rapport à cette activité déterminante, la bibliothèque considérée cette fois-ci du point de vue des compétences professionnelles impliquées et des expertises s'y développant - qu'ignorent fréquemment les usagers - implique une démarche volontaire de cohérence, de sens global, selon des relations complexes de présupposition logique, de généalogie, de complémentarité, d'explicitation mutuelle [7] qui assurément introduit une autre dimension que la simple accumulation d'ouvrages [11].

UNE ORGANISATION INTELLECTUELLE PEU VISIBLE PAR LES USAGERS Ces impératifs de la gestion de la chaîne documentaire ont réduit les processus d'organisation intellectuelle et de cohérence globale du fonds et des collections, où interviennent l'expertise professionnelle des bibliothécaires (spécialités disciplinaires, connaissances des formations proposées par l'université) à quelques propriétés qui n'apparaissent que trop discrètement dans les OPAC [2, 20].

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C'est dans le cadre d'une action de recherches pluri-disciplinaire (Sciences de l'Information et de la Communication, Informatique, Sciences de l'Education, Cartographie, Psychologie-Ergonomie) que nous avons cherché à vérifier l'hypothèse qu'un dispositif rénovant les fonctionnalités des OPAC pourrait améliorer les performances en RI des usagers principalement quand les recherches s'inscrivent dans un processus de repérages et de reconnaissances de champs et de frontières disciplinaires [4, 15].

Améliorer les performances de l'usager Il s'agit de rendre visible les objets conceptuels et leurs relations qui interviennent de façon significative dans l'organisation intellectuelle de la bibliothèque. On constate souvent que les représentations de la bibliothèque qu'ont les usagers sont erronées. Cette différence profonde entre la représentation qu'ils en ont et la réalité des missions de la bibliothèque universitaire et de recherche provient d'un référent inadapté.

En effet, les usagers qui n'ont eu la possibilité de suivre dans leur cursus universitaire un cours de méthodologie documentaire [5] garde une représentation de la bibliothèque universitaire proche de celle qu'ils peuvent avoir du Centre de Documentation et d'Information (CDI) de leur période lycéenne ou bien encore construire à partir de leur pratique personnelle de la bibliothèque municipale.

Il arrive cependant que ces usagers aient pu suivre quelques heures de formations (dites formations aux usagers) mises en place par les SCD eux-mêmes. Ces formations de quelques heures subissent l'effet instrumental des dispositifs en libre accès proposés par les SCD. De fait, c'est la formation à la logique des outils de RI généralistes et spécialisés (moteurs de recherches, annuaires, encyclopédies, catalogues, bases de données) qui l'emporte lors des séances planifiées (2 x 3h).

Quelles que soient leurs qualités et l'implication du per-sonnel du SCD, ces formations demeurent parcellaires (elles ne permettent pas de toucher tout le public de l'uni-versité) et insuffisantes pour aboutir chez l'usager au développement de véritables habiletés pour maîtriser les dispositifs techniques [16]. L'offre toujours plus importante d'outils informatiques et de bases de données destinés à la RI accapare le temps des formations, qui n'apportent alors que très indirectement un apprentissage de la cohérence globale du système d'information de la bibliothèque dans un objectif d'appropriation [14].

UN MODELE CONCEPTUEL EN COUCHE : CLASSES, NOTICES ET ELEMENTS CONCEPTUELS RAMEAU Les opérations de classification et de description séman-tique à partir d'un langage documentaire et d'un vocabu-laire contrôlé organisés ou non en thésaurus, la distribution d'un ouvrage dans une ou plusieurs classes thématiques constituent de la part des professionnels de

ces lieux, de véritables actions meta-cognitives visant à homogénéiser et organiser les collections et le fonds documentaire d'un point de vue intellectuel [6, 17, 19].

L'organisation des salles de lecture et la distribution des secteurs disciplinaires au sein de chaque salle constituent de véritables connaissances de références introduites par les conservateurs et bibliothécaires afin de donner aux usagers tous les moyens de saisir les logiques d'organisa-tion des collections et des proximités disciplinaires.

Le modèle que nous présentons (Fig. 1) rassemble sur 3 niveaux les objets qui sont porteurs de la visibilité de cette méta-connaissance d'organisation.

La couche supérieure "Classe" signale les grandes catégories scientifiques relatives à la classification adoptée (CDU, Dewey, Bliss, LCC) et aménagée en fonction des spécialités développées par les établissements de l'enseignement supé-rieur. Chacune de ces classes regroupe plusieurs ouvrages qui sont reconnus par les acquéreurs comme conformes aux propriétés de la catégorie où ils figurent. Le sens des flèches du graphique partant de chacun des nœuds de la couche "Classe" peut être interprété comme "subdivision composée de".

Ce sont les notices bibliographiques qui sont représen-tées dans la couche intermédiaire "entités". La notices et les informations descriptives qui la composent (champs et sous-champs UNIMARC) apportent tous les éléments facilitant l'indexation et la recherche de l'ouvrage. Elles rassemblent des méta-données destinées aux usagers (Ti-tres, auteurs, éditeurs, format, …) et aux bibliothécaires (zone SIBIL).

Les meta-données descriptives portent sur l'ouvrage en tant qu'entité et sur ses instances (les exemplaires). Les exemplaires sont dotées de propriétés spécifiques comme le statut (empruntable, exclu du prêt, en traitement, …) et la classe de rattachement. C'est par l'intermédiaire des exemplaires que la notice se trouve rattachée à une, voire plusieurs catégories scientifiques.

Eléments conceptuels RAMEAU

Notices (entités)

Classes (organisation intellectuelle)

Eléments conceptuels RAMEAU

Notices (entités)

Classes (organisation intellectuelle)

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Fig. 1 : Modèle d'organisation intellectuelle des collections dans une bibliothèque : classes, éléments conceptuels RAMEAU et notices

La dernière couche (éléments conceptuels RAMEAU) contient, dans des notices d'autorité reliées provenant du répertoire national RAMEAU (Répertoire d'Autorité-Matière Encyclopédique Alphabétique et Unifié) (cf. http://rameau.bnf.fr), le vocabulaire et les indications qui permettent de construire les vedettes-matières dans un fichier bibliographique.

Le répertoire évolue sur la base des propositions faites par le réseau des utilisateurs professionnels. La liste d'autorité est complétée par le guide d'indexation qui en assure la lecture cohérente et le bon usage. A la différence d'un thésaurus, la liste d'autorité encyclopédique n'est pas constituée a priori mais au fur et à mesure des besoins d'indexation et évolue sur la base des propositions faites par le réseau de ses utilisateurs.

Une notice peut-être caractérisée par plusieurs vedettes-matières. Une vedette-matière peut être rattachée à plu-sieurs notices.

Un modèle utilisable par l'usager Par rapport à une implication intellectuelle immédiate que l'usager développe à l'endroit de la bibliothèque poussé par les travaux de natures différentes que lui imposent les exigences de son parcours universitaire, les réseaux liés à la classification et au vocabulaire RAMEAU s'avèrent selon nous les plus adaptés pour pouvoir exploiter le plus exhaustivement possible le fonds documentaire en limitant la désorientation et la surcharge cognitive.

Comme l'illustre la figure 1, les deux réseaux organisent par des logiques bien distinctes le fonds documentaire. Celui de la classification utilise un regroupement thématique pré-établi qui créera une relation entre l'exemplaire, l'univers intellectuel et l'espace de la bibliothèque (les exemplaires sont généralement placés en salles de lecture).

Le second, à l'inverse, s'affranchira des exemplaires pour signer sémantiquement la notice d'un document. Cette information offre alors la possibilité de croisement dans des réserves bibliographiques mutualisées.

A partir de ce modèle, nous avons développé un disposi-tif expérimental (cf. figure 2) qui tout en utilisant les mêmes meta-données, rénove le fonctionnement des OPAC traditionnels [12]. Il se compose de 3 modules : l'interrogation, l'exploration de la classification et la localisation à partir d’une cartographie interactive. Cette approche complémentaire à la recherche documentaire repose sur l'intégralité du fonds bibliographiques du SCD de l'université Paris 8 (360 000 notices bibliographiques).

Fig. 2 : Le Visual…Catalog, Interface d'interrogation basée sur le modèle classes, notices et éléments conceptuels RAMEAU (http://visualcatalog.univ-paris8.fr)

CONCLUSIONLa généralisation des services de type "Bibliothèques Numériques", passe invariablement par des catalogues en ligne qui banalisent l'accès à des modes d'organisation des connaissances qui demeure d'une rare complexité en regard de l'immensité de la tâche. Cette mécanisation logicielle systématique des systèmes d'informations, induite par les TIC issues du Web, s'accompagne d'un "allant de soi" en matière de manipulations techniques qui tend à déteindre sur les habiletés intellectuelles sous-tendues. Il ne faut pas oublier que ces systèmes d'informations ne sont en définitive que les ingrédients destinés à agrémenter un processus long et exigeant de transformation des individus, de compréhension et de connaissances de soi, des autres, et des systèmes - quels qu'ils soient - dans lesquels ils évoluent par choix ou par contrainte. Dans ce dessein et indépendamment de toute considération technologique, la capacité de l'individu à appréhender et idéalement à s'approprier ces informations, est loin d'être acquise. Elle repose sur des habiletés, des stratégies, des savoir-faire qu'il revient à chacun d'adapter et de puiser au fil des expériences sociales, culturelles et cognitives qu'il est amené à vivre et qui sont garantes de performances escomptées.

Le Visual…Catalog se présente comme un amplificateur visuel des structurations sous-jacentes de la bibliothèque et favorise les relations constructives entre la libre associativité des usagers et les documents disponibles.

Il révèle l'organisation globale résultant des missions des bibliothèques en matière de conservation et de diffusion des connaissances. Placé à la périphérie du cœur des activités intellectuelles complexes associées à la transmission, la construction, l'acquisition et l'organisation de connaissances, le dispositif tend à suggérer à l'usager la nécessité d'acquérir les habiletés "méta-documentaires" dépassant les démarches documentaires individuelles des étudiants et enseignants-chercheurs, afin d'utiliser ce lieu de connaissances à la hauteur des ressources

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documentaires, techniques, humaines imbriquées et reliées, qu'il met à leur disposition.

Ce dispositif expérimental fonctionne depuis octobre 2004 à la bibliothèque de l'université Paris 8 et exploite les mêmes données bibliographiques (actualisées quotidiennement) que l'OPAC propriétaire (Absys).

Les sessions d'interrogation longues (entre 45 minutes et 4 heures, en local ou en distant) que nous avons pu constater grâce aux croisements de données des fichiers-journaux du serveur Web et des requêtes des usagers représentent selon nous un indicateur pertinent d'une transformation du comportement de RI de l'usager. Il n'est malheureusement pas possible de confronter ces données avec celles de l'OPAC propriétaire, les données d'enregistrement que celui-ci fournit étant beaucoup moins fines.

A partir de ces sessions de consultations longues, rien ne permet cependant de confirmer l'hypothèse d'une amélioration des performances de l'usager en RI dans la bibliothèque, rien ne permet de l'infirmer non plus. Les prochains résultats d'une étude ergonomique menée par une équipe de psychologues-ergonomes auprès de 10 sujets expérimentateurs nous en apprendront davantage.

REMERCIEMENTSCe travail de recherches s'effectue avec le SCD de l'université Paris 8 et le groupe de recherche en Psychologie-Ergonomie (C3U) dans le cadre d'un partenariat de recherche.

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Décomposition Multimodale de l’Activité :Vers un outil d’aide à la conception

Plos Ornella Buisine Stéphanie Ecole Nationale Supérieure d’Arts et Métiers

Laboratoire Conception de Produits et Innovation 151, bd de l’Hôpital 75013 Paris

[email protected] [email protected]

RESUMEAujourd’hui les produits de la vie quotidienne ont ten-dance à se doter de pouvoirs numériques, information-nels, communicationnels, etc. Ils deviennent donc « mul-tifonctionnels » et par là même bien souvent « multimé-dia » ou « multimodaux ». Cependant il existe encore des problèmes d’accessibilité de ces produits aux per-sonnes en situation de handicap. Dans cet article, nous présentons une méthode originale d’Analyse de l’Activité : au-delà de la décomposition des activités en actes élémentaires, nous faisons apparaître dans les dia-grammes de représentation les modalités perceptives et motrices associées à ces actes. Baptisée Décomposition Multimodale de l’Activité, elle permet la prise en compte des utilisateurs déficients dans le processus de conception ainsi que la formalisation des données ergo-nomiques issues de l’analyse de l’activité.

MOTS CLES : Ergonomie, Analyse de l’Activité, Han-dicap, Conception.

ABSTRACT Nowadays products of the daily life tend to be augmented with numeric, informative or communicative power. They become thus “multifunctional” and therefore often “multimedia” or “multimodal”. However, there are still problems of product accessibility to disabled people. In this article, we present an original method of Activity Analysis: beyond the decomposition of the activities in elementary acts, we insert in the diagrams the representation of perceptive and motor modalities associated to these acts. With this new method called Multimodal Decomposition of the Activity, it becomes possible to account for disabled users in the design process. It also enables a formalization of the ergonomic data collected during the analysis of the activity.

KEYWORDS : Ergonomics, Activity Analysis, Disabled People, Design.

INTRODUCTIONAvec le développement et la miniaturisation des techno-logies numériques, de plus en plus de produits de notre environnement quotidien intègrent une interface multi-

média (téléphones mobiles, assistants personnels de type PDA, lecteurs MP3, domotique…). Une interface est dite multimédia lorsqu’elle transmet à l’utilisateur des informations sous plusieurs modalités de communication (informations visuelles, auditives, tactiles ou propriocep-tives…) ; lorsque l’utilisateur peut lui aussi utiliser plu-sieurs modalités pour transmettre des informations au système (entrées gestuelles, verbales…), l’interface est dite multimodale [8]. Le multimédia et le multimodal rendent potentiellement l’interaction plus riche, plus in-tuitive et parfois plus flexible. Encore faut-il, pour l’utilisateur, disposer de toutes ses modalités perceptives et motrices.

L’accessibilité des nouvelles technologies aux personnes présentant des déficiences est devenue une préoccupa-tion affichée pour de nombreux industriels et pour les pouvoirs publics. En France, cette préoccupation a ré-cemment été formalisée par une loi (loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handica-pées). A première vue, l’adaptation des produits multi-média et multimodaux ne semble pas poser de problèmes insurmontables : ces produits exploitant par nature plu-sieurs canaux de communication avec l’utilisateur, on peut imaginer compenser totalement l’absence d’une modalité par le recours à une ou plusieurs autres modali-tés. Mais ceci nécessite d’avoir au préalable idéntifié précisément le besoin, puis de l’avoir traduit de manière appropriée en paramètres de conception. Prenons l’exemple d’un utilisateur aveugle et d’un téléphone mobile : si on considère uniquement que cet utilisateur ne pourra pas recevoir les informations visuelles, on peut penser que la déficience sera compensée par un système de synthèse vocale (qui lit les informations affichées à l’écran). Or, l’absence de vision perturbe également les actions motrices de l’utilisateur, puisqu’il ne peut identi-fier par la vue les touches sur lesquelles il doit appuyer. On pourrait alors penser que l’ajout d’un système de re-connaissance vocale (permettant d’agir sur le téléphone par la parole au lieu du geste) résoudra le problème. Mais en réalité il s’avère que pour certaines opérations il n’est pas souhaitable d’utiliser des commandes vocales (par exemple, lorsque l’utilisateur doit entrer son code

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PIN). Ainsi, l’accessibilité d’un téléphone mobile pour un utilisateur aveugle impliquera nécessairement que le clavier soit utilisable, notamment grâce à des repères tac-tiles [9]. Cet exemple montre que la conception de pro-duits multimédia ou multimodaux adaptés aux personnes présentant des déficiences nécessite une connaissance approfondie à la fois des besoins des utilisateurs en ter-mes de modalités d’interaction, et de l’activité réalisée avec le produit ou le système.

L’objectif de cet article est de présenter une méthode d’analyse de l’activité permettant de visualiser les moda-lités d’interaction sollicitées lors de l’utilisation d’un produit ou d’un système. Dans un premier temps, nous proposerons un bref état de l’art des méthodes d’analyse des tâches ou de l’activité. Puis nous exposerons les principes de notre méthode, intitulée Décomposition Multimodale de l’Activité (DMA), avant d’en donner un exemple d’application. Enfin, nous positionnerons les apports potentiels de cette méthode dans le processus de conception.

LES MODELES D’ANALYSE DES TACHES L’analyse des tâches consiste à décrire précisément les actions nécessaires lors de l’utilisation d’un système pour atteindre un objectif donné. On distingue classi-quement la tâche prescrite, telle qu’elle a été imaginée par le concepteur du système, et l’activité, telle qu’elle est effectivement réalisée par l’utilisateur. Les modèles d’analyse de la tâche ou de l’activité sont des méthodes qui permettent de formaliser et de visualiser les résultats de cette analyse. Cette partie, destinée à présenter un ra-pide panorama des modèles existants, s’appuie principa-lement sur l’état de l’art fourni par Scapin et Bastien [10].

Les modèles d’analyse des tâches se présentent sous des formes variées comme par exemple les diagrammes d’entrées-sorties, les organigrammes fonctionnels, les arborescences, les réseaux de Petri, etc. Un des principes de base consiste à décomposer la tâche en sous-tâches jusqu’au niveau terminal des actions. A cette décomposi-tion peuvent s’ajouter d’autres relations entre les élé-ments : causales (conjonction et/ou occurrence), tempo-relles (séquencement, simultanéité), cognitives (compa-raison, choix, décision…), etc.

Parmi les premiers modèles d’analyse des tâches, le mo-dèle HTA pour Hierarchical Task Analysis [2] consiste à décomposer, de façon hiérarchique, une tâche globale en sous-tâches élémentaires. Il permet alors de mettre en évidence les informations nécessaires à l’utilisateur pour chaque but et chaque sous-but. Par la suite, d’autres mo-dèles se sont inspirés de cette structure, et notamment :

Le modèle CLG (Commun Language Gram-mar), qui comporte trois composants : concep-tuel, communication, physique [6].

Le modèle GOMS qui décompose la tâche en Goals, Operators, Methods et Selection rules [4]. Le modèle KLM (Keystroke Level Model) [3], qui permet de prédire le temps d’exécution des tâches.Le modèle MAD* ou MAD (STAR) (Modèle Analytique de Description des tâcheS utilisa-Teur orienté spécificAtion d’inteRface) [10] qui permet de prendre en compte la dynamique de la tâche avec ses interruptions, itérations, chan-gements de niveaux, etc.

Ces modèles abordent l’analyse de l’activité sous des angles légèrement différents, en intégrant des informa-tions différentes, et permettent ainsi de répondre à des objectifs d’évaluation ou de conception différents. Dans le contexte qui nous intéresse (la conception de produits multimédia / multimodaux adaptés pour des personnes présentant des déficiences perceptives ou motrices), il nous semble pertinent de chercher à intégrer les modali-tés d’interaction dans l’analyse de l’activité. Vis-à-vis des méthodes que nous avons recensées, cette idée appa-raît originale puisqu’elle ne semble pas avoir été mise en œuvre auparavant. C’est en nous appuyant sur ce constat que nous proposons ci-après une méthode de Décompo-sition Multimodale de l’Activité.

LA DECOMPOSITION MULTIMODALE DE L’ACTIVITE Certaines méthodes innovantes sont nées du rapproche-ment de différents modèles et outils préexistants ; c’est le cas par exemple de la méthode SADT/Petri [1]. Nous inspirant de cette démarche, nous avons pensé utiliser de manière conjointe le modèle HTA [2] et la modélisation dynamique et formelle des réseaux de Petri pour propo-ser une nouvelle méthode.

Les réseaux de Petri permettent de décrire de façon for-melle des sytèmes composés de variables, les places (re-présentées par des ellipses) qui peuvent changer d’état grâce à des opérateurs de changement d’état, les transi-tions (représentées par des rectangles). L’état du système est modélisé par une distribution de jetons dans les pla-ces du réseau représentant la valeur des variables [7]. La figure 1 présente un exemple de réseau de Petri : la place 1 contient un jeton et la place 2 n’en contient pas, on dit alors que la place 1 est marquée. La transition 1 a besoin d’au moins un jeton dans la place 1 pour pouvoir s’exécuter, on parle alors de franchir une transition. Comme la place 1 contient un jeton, la transition 1 peut être franchie, en retirant le jeton de la place 1 et en dépo-sant le jeton dans la place 2. Après le franchissement de la transition 1, la place 2 contient un jeton, rendant fran-chissable la transition 2, etc.

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Figure 1: Exemple de réseau de Petri.

Certains réseaux de Petri appelés Object Petri Nets ont été utilisés dans le cadre d’analyse des tâches comme ICO (Interactive Cooperative Object) [7] ou TOOD (Task Object Oriented Design) [11] ainsi que pour mo-déliser l’activité cognitive [5]. Ils permettent notamment de modéliser des objets d’un système disposés en réseau. Cette représentation a l’avantage de permettre une sou-plesse de modélisation en faisant ressortir l’aspect dy-namique (parallèlisme, synchronisation, etc.) des tâches.

Le principe de l’intégration de jetons dans le diagramme représentant l’activité nous a semblé intéressant pour faire apparaître les modalités d’interaction. Nous avons donc élaboré la méthode de Décomposition Multimodale de l’Activité (DMA) en combinant une analyse de l’activité de type HTA [2] avec la représentation graphi-que des réseaux de Petri.

En reprenant le principe de décomposition du modèle HTA [2], l’activité est décomposée en actions jusqu’à obtenir des actes élémentaires. Cette décomposition poussée permet d’identifier, pour chaque acte élémen-taire, les modalités perceptives (visuelle, auditive, tac-tile, etc.), motrices (geste, parole, etc.) et cognitive (dans notre modèle, la modalité cognitive regroupe toutes les fonctions cognitives de manière non différenciée : un choix, une décision, une recherche en mémoire, etc.) de l’interaction homme-système.

Chacun de ces éléments (les actes élémentaires, les mo-dalités) est ensuite traduit au sein d’une représentation globale utilisant le formalisme graphique des réseaux de Petri. Les actes élémentaires sont représentés comme un ensemble de places (P) et de transitions de places (T). Chaque place est marquée par la mise en jeu d’une ou plusieurs modalités, représentées par des jetons ronds, triangulaires et carrés (correspondant aux modalités per-ceptives, motrices et cognitives, respectivement). Dans notre modèle, ce sont donc les modalités (jetons) qui permettent de passer d’un acte élémentaire à un autre (places, transitions de places). Si une place obligatoire (représentée par un cercle continu) n’est pas marquée (absence de jetons) car la ou les modalités sont déficien-tes ou absentes, la transition ne peut être franchie. Il

existe également des places facultatives (représentées par des cercles en pointillé) et des transitions facultatives (représentées par des rectangles en pointillé), qui corres-pondent à des actes élémentaires qui ne sont pas toujours observés dans l’activité.

Il faut souligner que nous n’avons adopté que la repré-sentation graphique des réseaux de Petri et non l’intégralité de leur fonctionnement. En effet, certaines règles n’ont pas pu être respectées, notamment au niveau du parcours des jetons : dans les réseaux de Petri, c’est un même jeton qui franchit des transitions successives. Or, dans le cas des modalités d’interaction, il est parfois nécessaire de mettre en jeu différentes modalités pour accomplir des actes élémentaires successifs. Chaque modalité n’est pas nécessaire à toutes les places et une modalité unique est insuffisante pour parcourir tout le diagramme. En conséquence, nous ne faisons apparaître au niveau de chaque place que les modalités qui y sont mises en jeu. Par exemple, si une partie de l’activité consiste à réagir à un signal sonore par un geste, la pre-mière place fera apparaître la modalité auditive unique-ment et la seconde fera apparaître la modalité gestuelle uniquement.

Pour marquer une place obligatoire en l’absence de je-ton, l’ajout d’un compensateur (C) permet de « réparer » les conséquences d’une modalité absente ou déficiente. Cette notion peut être assimilée à celle des réparateurs que l’on retrouve dans les résaux de Petri utilisés en « sécurité machine ». Ces éléments permettent notam-ment de franchir une transition si la place n’est pas mar-quée. Par exemple, pour un équipement qui tombe en panne, la transition « attente de réparation » peut être franchie si un réparateur externe est disponible (figure 2). Dans notre méthode DMA, les compensateurs sont représentés par des losanges et peuvent être une solution qui englobe plusieurs places, ou une solution qui agit sur une seule transition.

Figure 2: Exemple de réseau de Petri avec un réparateur.

P1 : équipement en marche

P2 : équipement en panne

T1 : panne

T2 : équipement en attente de réparation

P3 : équipement en réparationT1 : équipement réparé

R : réparateur disponible

Place 1

Place 2

Transition 1

Transition 2

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L’originalité de ce nouveau modèle repose sur le fait de pouvoir identifier et comprendre la mise en jeu des diffé-rentes modalités lors de la réalisation d’une activité. Il permet de voir, de façon schématique, quels actes élé-mentaires vont poser problème lorsqu’une modalité est déficiente ou absente. L’équipe de conception peut alors réfléchir à la façon d’éviter un blocage lié à une défi-cience, c’est-à-dire d’intégrer des compensateurs ou d’en créer de nouveaux. Les compensateurs peuvent provenir notamment :

D’une modification des modalités d’interaction existantes : par exemple une personne mal-voyante peut avoir besoin d’augmenter la taille et le contraste des caractères dans un message textuel.Et/ou de l’utilisation de modalités alternatives : pour une personne aveugle on peut compenser en améliorant les retours sonores ou tactiles.

Dans la section suivante, nous proposons de déployer la méthode de Décomposition Multimodale de l’Activité à un exemple concret.

APPLICATION A L’UTILISATION D’UN TELEPHONE PORTABLE Avec un taux d’équipement avoisinant les 70% en France, le téléphone mobile peut être considéré comme un produit grand public, à forte valeur ajoutée. Ce pro-duit réunit à la fois une interface physique et une inter-face numérique, qui sont liées dans le sens où la facilité de navigation de l’interface numérique (l’accès aux dif-férents menus, les retours en arrière, l’intuitivité…) est en partie dépendante de l’utilisabilité de l’interface phy-sique (prise en main et taille du téléphone, taille et réso-lution de l’écran, taille du clavier, forme et emplacement des touches, symboles des raccourcis…). Au final, il est difficile de traiter l’un sans l’autre, l’interface physique pouvant avoir des conséquences sur l’interface numéri-que. Pour comprendre cette relation de dépendance, il semble préférable d’étudier le produit dans sa globalité.

Parmi toutes les manières d’émettre un appel au moyen d’un téléphone portable (composer un numéro, utiliser le répertoire…), nous prendrons l’activité « composer un numéro » pour appliquer notre méthode DMA.

Cette activité peut être décomposée en actes élémentai-res (par exemple : presser une touche), auxquels sont as-sociées des modalités perceptives, motrices et cogniti-ves. La figure 3 montre trois diagrammes (un par co-lonne) obtenus en appliquant notre méthode à l’activité « composer un numéro ». Les places sont représentées par des cercles, les transitions de places par des rectan-gles. A l’intérieur du diagramme figurent des jetons qui représentent les modalités : les jetons ronds correspon-dent aux modalités perceptives (vue, toucher, ouïe), les

jetons triangulaires aux modalités motrices (geste et pa-role) et le jeton carré représente les modalités cognitives.

La colonne de gauche décrit l’activité « composer un numéro » pour une personne non déficiente disposant de toutes ses modalités. La colonne du milieu illustre la même activité à effectuer par une personne non voyante. L’absence de la modalité « vue » s’exprime par la sup-pression du jeton rond bleu dans le diagramme. Cela permet d’identifier les actes élémentaires (places et tran-sitions de places) qui vont être touchés par l’absence de cette modalité. Les places problématiques pour une per-sonne non voyante sont par conséquent :

L’identification des touches (reconnaître les touches portant un numéro des touches de contrôle, distinguer les touches portant des nu-méros entre elles, etc.). La vérification, à l’écran, du chiffre ou du nu-méro composé (être sûr qu’on a bien appuyé sur la bonne touche).

La colonne de droite représente l’activité réalisée par une personne non voyante avec différentes solutions (ou compensateurs) possibles mises à disposition. L’introduction d’un compensateur (représenté par un lo-sange) entraîne l’apparition de nouvelles modalités dans le diagramme. Par exemple, une solution de discrimina-tion tactile des touches se traduit par un nouveau jeton de perception tactile, un système de reconnaissance vo-cale permet l’introduction d’un jeton de parole, et des feedbacks auditifs donnent lieu à autant de jetons de per-ception auditive. La modélisation DMA pour un utilisa-teur non voyant (colonne de droite) offre une vue syn-thétique de l’activité avec notamment :

Des solutions existantes comme la reconnais-sance vocale (commande vocale) disponible sur certains modèles de téléphones portables, ou la synthèse vocale. Certaines stratégies employées par les utilisa-teurs, que nous avons identifiées grâce à des en-tretiens et des observations. C’est par exemple le cas du repérage tactile grâce au point sur la touche 5 du clavier. De nouvelles voies de solution, comme par exemple le repérage par discrimination tactile des touches : l’utilisateur pourrait identifier cer-taines touches grâce à leur forme particulière ou à leur texture.

La méthode DMA peut ainsi s’avérer utile en phase de traduction du besoin, pour formaliser les résultats de l’analyse du besoin et en déduire des spécifications pour la conception ou la re-conception. Mais les bénéfices po-tentiels de cette méthode ne se limitent pas à cette

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Figure 3: Exemple de diagrammes DMA appliqués à l’activité « composer un numéro » sur un téléphone portable. Le modèle de gauche correspond à la réalisation de cette activité par un utilisateur disposant de toutes ses modalités ; les deux autres modèles par

un utilisateur non voyant sans compensateurs (milieu) et avec compensateur (droite).

P0 : appeler contact

T0 : composer le n°

P1 : choix du contact à apeler

T1 : n° à composer retrouvé

P2.2 : Diriger et positionner son doigt sur la tou-che x

T2 : touche x sélectionnée

P2.1 : identifier la touche x

P4.1 : entendre la pression (bip ou clic)P4.2 : sentir le retour d’effort P4.3 : voir le chif-fre à l’écran

P3 : presser la touche x

T3 : touche x pressée

P5 : vérification du n° composé

P6.1 : identifier la touche appeler

T4 : n° vérifié P6.2 : Diriger et positionner son doigt sur la tou-che appeler

T5 : touche appe-ler sélectionnée

P7 : presser la touche appeler

P8.1 : entendre la pression (bip ou clic)P8.2 : sentir le retour d’effort P8.3 : voir l’appel à l’écran

T6 : touche appeler pressée

P9 : attendre l’émission de l’appel

T7 : appel émis

Activité effectuée par une personne non déficiente

P0

T0

P1

T1

P2.2

T2P4.1P4.2

P4.3 : entendre le chiffre com-posé s’afficher à l’écran

P3

T3

P5 : entendre le n° composé

P6.1 = P2.1

T4

P6.2

T6

P9

T7

C2 : synthèse vocale

C1

Modalités perceptives

touchervueouïe

Modalités motrices parolegeste

Modalités cognitives

P : Place obligatoire

P : Place facultative

T : Transition

P : Place problématique à compenser

C : Compensateur

T5

P7

P8.1P8.2

P8.3 : enten-dre la confirmationd’appel

Activité effectuée par une personne non voyante

Activité à effectuer par une personne non voyante

P2.1 : identifier la touche x par repérage tac-tile (point sur le 5) et repré-sentation men-tale du clavier

T : Transition facultative

C3 : reconnais-sance vocale

P0

T0

P1

T1

P2.2

T2

P2.1

P4.1

P4.2P4.3

P3

T3

P5

P6.1

T4

P6.2

T5

P7

T6

P9

T7

P8.1P8.2P8.3

C1 : texture, forme, espa-

cement des touches

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seule phase, comme nous allons tenter de le montrer dans la section suivante.

INTEGRATION AU PROCESSUS DE CONCEPTION La figure 4 montre différents points d’insertion pour la méthode DMA dans le processus de conception. Nous considérons ici principalement un projet du type conception de produit multimédia ou multimodal, en particulier lorsqu’un des objectifs est qu’il soit adapté aux personnes présentant des déficiences ; car dans ce cas l’étude des modalités d’interaction doit être plus fine.

En phase de traduction du besoin, la DMA peut être utilisée en trois points (DMA1, DMA2, DMA3 sur la figure 4). La DMA1 est réalisée par les concepteurs, et repose sur deux sources principales :

L’Analyse Fonctionnelle Externe (méthode APTE®) des produits existants et de leur en-vironnement, qui permet d’avoir une première idée du fonctionnement global du système. L’analyse des produits et solutions existantes, la veille technologique, afin d’intégrer au mo-dèle les technologies disponibles.

Figure 4: Utilisations potentielles de l’outil DMA dans le processus de conception.

Analyse de l’existant

Description structurelle et fonctionnelle du système

Analyse fonctionnelle Analyse de l’activité de l’utilisateur

Modélisation de l’activité effectuée

par l’utilisateur Modélisation de

l’activité à effectuer par un utilisateur

TRADUCTION DU BESOIN

DMA1DMA2

DMA3

Cahier des charges fonctionnel DMA3

Phase créative : rechercher et proposer de nouveaux

concepts technologiques et d’usage

Recherche de concepts d’usage

Recherche de concepts technologiques

DMA4

INTERPRETATIONDU BESOIN

Cahier des charges concepteur

DMA4

Matérialisation et évaluation du produit (pré-maquette et

prototype) DMA5

Tests utilisateurs

DEFINITION ET VALIDATION

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DMA1 correspond plus ou moins à l’usage prescrit par l’équipe de conception en phase amont. Vis-à-vis de notre précédent exemple (figure 4), DMA1 correspond aux organigrammes de gauche (utilisateur non défi-cient) et du milieu (hypothèse et anticipation des pro-blèmes d’un utilisateur présentant une déficience et ne bénéficiant d’aucun compensateur). DMA2 concerne davantage les données réelles issues de l’analyse de l’activité des utilisateurs cibles. Cette étape permet de recueillir les stratégies et les besoins des utilisateurs, et a pour but d’aboutir à des recommandations d’ordre ergonomique pour la conception du nouveau produit. La méthode DMA permet non seulement de synthétiser les données recueillies, mais également de guider l’analyse de l’activité. En effet, la réflexion sur l’usage possible (prescrit) menée avec DMA1 pourrait permet-tre de préparer le terrain et d’observer tout de suite les places qui ne s’effectuent pas de la manière prévue, celles qui manquent… DMA2 aboutit à une comparai-son du prescrit et du réel.

DMA3 est un modèle synthétique et enrichi (DMA1+DMA2), dont l’objectif est à la fois d’être le plus proche possible de l’activité réelle d’utilisation des produits existants et de faire figurer de premières solutions et hypothèses de conception. DMA3 est des-tiné à servir de donnée d’entrée à la rédaction du Ca-hier des Charges Fonctionnel.

DMA3 faisant également ressortir les besoins des utili-sateurs, cette représentation intermédiaire peut aussi être un support de créativité lors de la phase d’interprétation du besoin. Face à l’altération ou l’absence d’une ou plusieurs modalités, la phase de créativité peut être orientée vers la recherche de solu-tions et de compensateurs, aboutissant ainsi à de nou-veaux concepts d’usages. Une fois un ou plusieurs concepts sélectionnés, le modèle est remis à jour pour les intégrer. On obtient alors DMA4.

En phase de définition et de validation du produit,DMA4 est traduit en paramètres de conception. Ce même diagramme peut aussi permettre d’élaborer un guide d’évaluation du produit soulignant les critères à respecter au niveau des modalités mises en jeu dans l’utilisation du produit (DMA5).

Le processus de conception présenté en figure 4 inclut la possibilité de retours en arrière vers DMA3 ou DMA4 afin de les corriger en fonction des résultats d’évaluation de la maquette ou du prototype, et ainsi d’opérer une boucle d’amélioration du produit.

CONCLUSIONLa méthode de Décomposition Multimodale de l’Activité proposée dans cet article peut s’avérer être un outil d’aide à la conception permettant la prise en

compte des spécificités d’une population en termes de modalités d’interaction :

DMA peut aider à identifier les problèmes po-tentiels et réels liés à l’absence ou l’altération d’une modalité. Elle peut aussi faciliter la recherche de solu-tions existantes ou innovantes pour compenser des modalités d’interaction déficientes.

Comme tout modèle d’analyse de la tâche ou de l’activité, DMA n’est qu’une représentation abstraite de la réalisation de l’activité, qui peut varier en fonc-tion des différences interindividuelles, du contexte, du produit, etc. Elle ne permet de comprendre que certains aspects du problème, mais peut néanmoins être utile à l’analyse et à la conception.

L’emprunt du formalisme graphique des réseaux de Pe-tri permet au modèle DMA de proposer une décompo-sition uniforme de l’activité, avec une description des interactions aussi bien déclarative (état des choses) que procédurale (façon d’arriver à ces états). Autorisant la prise en compte de phases parallèles et séquentielles, DMA peut être ajusté en fonction du système étudié ou du contexte de réalisation de l’activité.

L’originalité de DMA repose sur la mise en avant des modalités d’interactions utilisateur-système dans l’usage d’un produit. Elle permet d’identifier les pro-blèmes liés à une modalité déficiente mais pourrait aus-si être utilisée pour un produit qui utilise une modalité plus qu’une autre, etc. Cette méthode permet de forma-liser les données issues du terrain et d’intégrer l’analyse de l’activité de façon schématique dans un outil utilisé par l’ensemble de l’équipe de conception. Elle permet également au concepteur d’imaginer l’usage d’un produit encore non-existant et d’en antici-per ses problèmes potentiels.

Nous avons mis en œuvre l’outil DMA dans le cadre d’un projet de définition d’un Cahier des Charges d’Evaluation Handicap de terminaux mobiles pour un opérateur français de téléphonie mobile. Notre utilisa-tion s’est arrêtée au stade DMA3 et n’a pas été étendue à un processus de conception complet, néanmoins cette méthode a été appréciée pour ses qualités de synthèse des données recueillies lors de l’analyse de l’existant et de l’analyse des besoins des utilisateurs.

La méthode DMA n’ayant pas été appliquée à toutes les étapes du processus de conception, elle manque sans doute de maturité à l’heure actuelle. Son utilisa-tion tout au long de la démarche de conception devrait permettre d’évaluer sa pertinence pour chaque étape et éventuellement de l’améliorer. Nous pouvons aussi en-visager d’expérimenter son usage par différents acteurs

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de la conception afin d’évaluer ses coûts et ses bénéfi-ces. Car si la DMA propose une logique de fonction-nement qui se veut intuitive, empruntée aux réseaux de Petri, il s’avère nécessaire de s’accoutumer, par ap-prentissage, au formalisme graphique.

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Comparaison de deux méthodes de prédiction deserreurs humaines en conduite automobile

Polet Philippe, Chaali-Djelassi Abir, Vanderhaegen Fréderic

Laboratoire d'Automatique de Mécanique et d’Informatique industrielles et Humaines (LAMIH)Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis - UMR 8530 CNRS

Le Mont Houy - 59313 Valenciennes Cedex 9 – FRANCE

{ppolet,vanderhaegen,abir.djelassi}@univ-valenciennes.fr

RESUMECet article présente deux modèles de prédiction de com-portements humains erronés particuliers : les franchisse-ments de barrières qui sont des non-respects volontaires,i.e. des violations, de barrières de sécurité [1]. L’analysede ce type de comportement suit les caractéristiques dumodèle BCD qui détermine les bénéfices, coûts et défi-cits potentiels qui sont associés à ces franchissements debarrières et qui motivent leur occurrence. Deux modèlessont proposés : un basé sur le raisonnement à partir decas, un second basé sur un réseau de neurones. Ils sontvalidés et comparés à partir de résultats d’une campagneexpérimentale de simulation de conduite automobile.

MOTS CLES : Fiabilité Humaine, violations, conduiteautomobile, réseau de neurones, Raisonnement à partirde cas.

ABSTRACTThis paper purpose two model in order to predict particu-lar erroneous human behaviour : barrier removal whichcorrespond to intentional non-respect (i.e. violation) ofsafety rules, or safety equipment [1]. The analysis of thiskind of behaviour may be supported by the BCD modeldetermining benefit, cost and deficit associated to thebarrier and motivating its removal. Two models are pro-posed : the first one, the case-based reasoning, and thesecond one, a neural network oriented approach. Thepreliminary results obtained with these methods arepresented. The data come from an experimental cam-paign in car driving simulation.

KEYWORDS : Human Reliability, violations, car driv-ing, neural network, Case-Based Reasoning.

INTRODUCTIONLa majeure partie des systèmes industriels comporte desrisques liés à leur exploitation. Afin de diminuer cesrisques, les concepteurs mettent en place des moyens deprévention et/ou protection appelés barrières. Hollnagel[2] définit la barrière comme un obstacle, une obstructionou une gêne qui peut soit (1) prévenir l’exécution d’uneaction ou l’apparition d’un événement, soit (2) prévenir

ou diminuer l’impact des conséquences. Or, il n’est pasrare de constater que des barrières soient désactivéessciemment par les opérateurs humains. Ce type de com-portement est appelé un franchissement de barrières.Afin d’améliorer la sécurité des systèmes il est primor-dial de comprendre les raisons poussant les opérateurshumains à commettre ces comportements erronés. Il estégalement important de pouvoir anticiper ces comporte-ments déviés afin de mettre en place des moyens de sécu-risation adaptés. Ces comportements sont qualifiés d'er-ronés en référence à la définition de l'erreur humaine ensûreté de fonctionnement : « Écart entre le comporte-ment de l’opérateur humain et ce qu’il aurait dû être, cetécart dépassant des limites d’acceptabilité dans desconditions données » [17]. Cet article présente dans unpremier temps le cadre théorique du franchissement debarrière. Une seconde partie propose deux méthodes deprédiction des franchissements de barrières. Les résultatsdes deux approches sont ensuite comparés. Une dernièrepartie tire les conclusions de cette étude préliminaire etpropose des perspectives de recherche.

LE FRANCHISSEMENT DE BARRIÈRELa majeure partie des méthodes d’analyse de la fiabilitéhumaine se base sur des typologies d’erreurs humaines.La typologie proposée par Reason [3] est certainementl’une des plus utilisée (Cf. figure 1).

Figure 1: typologie des erreurs humaines selon Reason [3].

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Deux catégories d’erreurs sont retenues les erreursintentionnelles (les ratés, les lapsus et les fautes) et leserreurs intentionnelles (les violations).

Les méthodes d’analyse de la fiabilité humaine sefocalisent essentiellement sur les erreurs non-intentionnelles, pour lesquelles il est possible de calculerdes probabilités d’occurrence. La plupart des méthodesne sont pas adaptées pour l’analyse des violations. Uneanalyse spécifique des violations doit être réalisée afind’en déterminer les causes. En effet, les violations sontune conséquence inévitable de la recherche deperformance dans les systèmes sociaux techniquescomplexes. C'est le point de vue de Diane Vaughan danssa célèbre analyse de l'accident de Chalenger, pour quiles « derives normales » sont placées au coeur des causesd'accidents[11].

Polet et al. [4] proposent un modèle explicatif (le modèleBCD) du franchissement de barrière. Pour ce faire, uneapproche multi-critères est nécessaire. En effet, l’opéra-teur humain, lors de la réalisation de ses tâches, tientcompte de différents critères tels que la productivité, laqualité des produits réalisés, sa charge de travail, la sécu-rité… . Son objectif est d’optimiser son activité afin demaximiser ces critères.

Le respect de barrières constitue dans certains cas descontraintes pour l’opérateur. Par exemple, cela impliqueune augmentation de la charge de travail de celui-ci enobligeant l’arrêt d’une ligne de production pour effectuerune opération de maintenance. En effet, certains disposi-tifs de sécurité empêchent toute intervention sur un outilquand il est en marche.

Selon ces auteurs, un franchissement de barrière est unedérive comportementale intentionnelle dont lesconséquences sur la situation courante peuvent être ana-lysées suivant trois paramètres d’évaluation multicritère.

- Un bénéfice immédiat qui représente le gain associé aunon-respect de la barrière.

- Un coût immédiat qui est une perte acceptable pour l’u-tilisateur afin d’atteindre le bénéfice attendu. Il est phy-sique lors du retrait de la barrière, puis cognitif afin decontrôler le déficit potentiel.

- Un déficit potentiel est une perte inacceptable due à unéchec possible du franchissement de barrière.

Ce modèle a démontré son utilité pour expliquer les fran-chissements de barrières. Néanmoins, il nécessite a prio-ri, d'avoir identifié les bénéfices, coûts et déficits perçuspar l'opérateur. Ces données ne sont pas toujours dispo-nibles.

Notre objectif est de déterminer s'il est possible de pré-dire le comportement d'un opérateur humain face à desbarrières en ne se basant que sur l'observation du com-portement en cours, de l'opérateur.

Nos approches doivent tenir compte du fait que nous n'a-vons pas de connaissances formalisées sur le domaine.Par conséquent, nous proposons deux approches : l'unebasée sur les réseaux de neurones, la deuxième basée surle raisonnement à partir de cas.

Pour ce faire, le contexte expérimental retenu a été laconduite automobile. Il s'agit en effet, d'un contexte oùles franchissements de barrières (infractions au code laroute) sont importants.

PRÉSENTATION DE LA CAMPAGNE EXPÉRIMEN-TALE

Le LAMIH dispose d'un simulateur de conduite grandeéchelle (cf . figure 2).

Figure 2 : Le simulateur de conduite du LAMIH.

Pendant l'expérimentation, 22 sujets ont été confrontésdeux ou quatre fois à trois types de barrières : le respectde la ligne continue, un stop et une intersection avecpriorité à droite. L'étude présentée dans cet articleconcerne unique ment les situations d'intersections avecpriorité à droite devant être respectées par le sujet (cf.figure 3).

Figure 3: situation d'intersection avec règle de priorité à droite.

Différentes données durant l'expérimentation ont étéenregistrées par le simulateur de conduite pour chaque

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sujets : le numéro d'ordre de la situation, le nombre defois où le sujet était confronté à cette situation (2 ou 4),les vitesses d'approche à l'intersection, les rapports deboite de vitesse, la position des pédales d'accélérateur etde frein, l'angle du volant.

Par ailleurs des indicateurs ont été calculés. En effet, unvéhicule se déplace dans un environnement avec lequel ilpeut interagir. A tout moment, il est possible de calculerdans une fenêtre temporelle, les points qui pourront êtreatteints par le véhicule. Certains de ces pointscorrespondent à des point de collision (cf. figure 4).

Figure 4 : prévision des points atteignables par un véhicule enmouvement.

3 indicateurs ont été élaboréss :• La sécurité (S), qui est évaluée comme suit

∑= ,

ou tac représente le temps avant collision.• le degré de liberté (DL) :

• L'espace libre autour du véhicule E

L'analyse à posteriori des situations a permis de statuersur le comportement (respect ou non de la priorité àdroite). Dans chacune des situations un véhicule se trouv-ait à la droite du véhicule du sujet. Si le sujet ne laissaitpas passer le véhicule à droite on constatait un refus depriorité (noté FB).

Chaque situation a donc été décrite selon un vecteur d'en-trées utilisable soit par un réseau de neurone ou un rais-onnement à partir de cas.

L'APPROCHE BASÉE SUR LES RÉSEAUX DE NEU-RONES

Un réseau de neurones permet de copier partiellement letraitement de l’information effectué par des opérateurshumains. Il est composé d’une série de neurones inter-connectés et agissant de manière à résoudre une tâchedonnée [5]. La tâche à modéliser ici est le respect ou lefranchissement, par les utilisateurs d’une machine don-née, de barrières techniques prévues par les concepteursde celle-ci.

Un neurone intègre en général une sommation p des ent-rées xi pondérées par des poids wi et une transformationde cette pondération par une fonction F(p), (cf. figure 5).

Figure 5 : Principes d’un réseau de neurones.

Les entrées xi d’un neurone peuvent être externes à unréseau de neurones ou être les sorties d’un de ces der-niers. Différentes connexions peuvent alors être détermi-nées à partir des flux de transfert de l’information dansun réseau donné. Par exemple, dans une connexionrécurrente, le calcul de la sortie d’un neurone est un pro-cessus en boucle fermée alors que dans une connexiondirecte, il est en boucle ouverte.

Les travaux de Kohonen [5] basés sur les cartes auto-or-ganisatrices ont été appliqués pour prédire les décisionsde franchissements de barrières. Une carte auto-organisa-trice est le résultat d’un réseau récurrent de k neurones àn entrées et k sorties. Elle permet d’établir une cartogra-phie des distributions de données en propageant par cal-cul de similarité la sortie d’un neurone sur les neuronesvoisins. On peut imaginer que le fonctionnement de ceréseau se présente sous la forme d’une série de n harpes àk cordes désaccordées et dont les notes initiales sont in-connues. La phase d’apprentissage du réseau permetalors d’accorder toutes les harpes en fonction des avisdes opérateurs humains et de déterminer le meilleur ac-cord commun.

Les valeurs initiales des poids wi sont fixées arbitraire-ment mais sont remises à jour successivement afin de dé-terminer le modèle reproduisant le plus fidèlement pos-sible le comportement des données d’entrée. Ces der-nières sont implantées dans le réseau sous la forme d’unvecteur d’entrée x={x1, x2, …, xn}. La sortie du réseauest un autre vecteur y={y1, y2, …, yk}. A la premièreitération, la sortie yi de chaque neurone est alors

=

= ∑ où le poids du neurone i est le vecteur

wi={wi1, wi2, …, win}. Avant d’entamer les itérations

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suivantes pour le calcul de nouvelles sorties jusqu’à la finde la phase d’apprentissage, le réseau recherche le neu-rone i0 à partir d’une fonction de similarité prédéfinie :

− = − . Le réseau remet ensuite à

jour les poids de ce neurone ainsi que ceux des neuronesvoisins en appliquant la règle suivante :

α ⎡ ⎤← + −⎣ ⎦ , étant une fonction de ré-ajustement d’un poids à partir d’une distance donnée.

Dans l’étude de faisabilité de prédiction des franchisse-ments de barrières, les vecteurs d’entrée contiennent unesérie d’informations relatives aux franchissements debarrières FB. Ces vecteurs sont notés xj(xj1, xj1, xj1, xj2,xj2, xj2, …, xji, xji, xji, FBj). Dans la phase d’apprentis-sage, tous les paramètres d’un vecteur d’entrées sontconnectés à tous les neurones du réseau afin de détermi-ner celui qui a le vecteur de poids (wi1, wi2, wi3, …win) le plus proche du vecteur d’entrée proposé, figure 3.Les poids sont remis à jour afin de structurer le réseau deneurone et d’accentuer les liens entre chaque neurone (cf.figure 6).

Figure 6: Phase d’apprentissage du réseau de neurones.

Pour la phase d’apprentissage, le paramètre FBj est sup-primé du vecteur d’entrée afin de le prédire à partir duneurone gagnant déterminé en fonction des autres carac-téristiques. La valeur qui lui est associée est alors de 1 sile poids wi0n du neurone gagnant qui correspond au para-mètre FBj dépasse 0,5, et de 0 sinon (i.e. pas de franchis-sement de barrière). Ce résultat est ensuite comparé avecla valeur réelle observée afin de calculer un taux de pré-diction correcte pour chaque itération, figure 7.

Figure 7 : Algorithme de prédiction avec le réseau deneurones.

L'APPROCHE RAISONNEMENT À PARTIR DE CAS(RÀPC)

Le RÀPC trouve tout son intérêt quand on désire ré-soudre des problèmes issus d’un domaine pour lequel lesconnaissances sont incomplètes et/ou non formalisées. Ilne peut s’appliquer que pour des problèmes pour lesquelsdes solutions à des problèmes similaires sont connus. LeRÀPC constitue, par conséquent, un outil de capitalisa-tion et d’apprentissage des connaissances.

Le RÀPC consiste à rechercher un cas similaire au prob-lème parmi ceux déjà rencontrés et de réutiliser la solu-tion et/ou le raisonnement employé dans le cas déjà enre-gistré (cf. figure 8). Bien évidemment le cas enregistréest rarement identique au problème traité.On distingue 2 types de RÀPC [6]:

• Le RÀPC de résolution a pour objectif de re-chercher la solution d’un problème précis. Ilconsiste à trouver un chemin, par une suite d’ac-tions ou d’inférences, entre les données d’unproblème, et une ou plusieurs solutions.

• Le RÀPC d’interprétation permet l’interpréta-tion d’une situation nouvelle par confrontation àun ensemble de situations mémorisées. Ilconsiste à évaluer des situations ou des solu-tions, et donc de comparer et contraster des caspour interpréter une situation.

Les travaux présentés dans cet article s’inscrivent dansl’interprétation de situation.

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Figure 8 : Les différentes étapes du cycle du RÀPC, d'aprèsSlade [7] et Haton [8] .

Un cas est un ensemble de conjonctions de descripteurs,appelés également dimensions. Le problème lié à la re-présentation des cas consiste à déterminer les descrip-teurs utiles et nécessaires pour décrire une situation.Dans le cas d’un RÀPC de résolution, la description ducas comprendra tous les éléments ayant servi à sa résolu-tion.La détermination des descripteurs utiles aux étapes fu-tures du raisonnement est une des phases les plus impor-tantes pour le RÀPC. Ces descripteurs sont exprimés enfonction des connaissances du domaine d’application.Leur détermination nécessite donc une bonne compré-hension du domaine et de la tâche à réaliser.Les cas sont organisés dans une mémoire de cas appeléebase de cas. Les cas sont des expériences réelles qui seprésentent sous la forme :Triplet<P,S,J> où :

• P est la description du problème• S est la solution du problème• J est la justification de la solution

Si cible est le problème actuel alors résoudre_cible re-vient à choisir un problème source auquel est associé unesolution sol(source), et à adapter cette solution pour pro-duire sol(cible) [9].L’appariement de cas [10] peut alors faire appel à :

• la recherche des correspondances entre descrip-teurs,

• le calcul du degré d’appariement des descrip-teurs,

• la pondération éventuelle des descripteurs dansle cas.

La notion de similarité, au sens le plus large du terme, esttraitée dans de nombreux domaines tel que l’analyse dedonnées, la psychologie cognitive ainsi que l’intelligenceartificielle.

Dans de nombreuses situations, les étapes d’adaptationset d’améliorations sont facultatives. Ainsi le RÀPC estutilisé pour rechercher le cas connu le plus proche (ausens de la similarité) du cas cible.

A la différence d'un réseau de neurones, le RÀPC estopérationnel dès qu'un cas est enregistré dans la base decas.

RÉSULTATS DES PRÉDICTIONS DES DEUX AP-PROCHES

Nous avons comparé les capacités prédictives des deuxapproches. Le but était de prédire le comportement (FBou non) d'un conducteur pour chaque situation.Pour chaque approche un nombre minimal (N) de situa-tions a constitué soit la base de cas, soit les donnéesd 'apprentissage. Puis, les situations suivantes ont été pré-dites. Nous avons fait varier N de 1 à 91 pour le RÀPC,et de 10 à 91 pour le réseau de neurones. Pour chaque ité-ration de N les prédictions ont été comparées avec lescomportements observés. Les taux de prédictions ontdonc été calculés pour chaque itération que ce soit pourle réseau de neurones ou le RÀPC (Cf. figures 9 & 10).

Prédiction par le réseau de neurones

Figure 9 : Taux de prédiction du réseau de neurones enfonction du nombre de situation pris en compte pour

l'apprentissage.

La courbe d'apprentissage du réseau de neurones montrecombien la phase d'apprentissage reste une étapeconséquente. En effet les résultats sont fortement disper-sés. Néanmoins, le taux de prédiction oscille entre 70 et80% à partir de N=80.

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Figure 10 : Taux de prédiction du RÀPC, en fonction dunombre de cas insérés dans la base de cas.

Le RÀPC donne un taux de prédiction supérieur à 90% àpartir de N=15 (le taux de prédiction moyen 91%). LeRÀPC semble, dans, cette étude moins sensible à la va-riation des cas dans la base (ajout de nouveau cas).Le raisonnement à partir de cas permet d'obtenir rapide-ment (peu de cas dans la base) des taux de prédiction trèssatisfaisants.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES

Cette étude comparative a démontré expérimentalementque la prédiction du comportement dévié des opérateurshumains, correspondant à des violations, était possible.Cette prédiction réalisée dans le cadre de la conduite au-tomobile ne s'est basée que sur des données objectives.

Deux approches ont été proposées : l'une basée sur les ré-seaux de neurones, l'autre sur le raisonnement à partir decas. La comparaison de ces deux approches montre quele RÀPC est plus appropriée dans les situations où le re-tour d'expérience est faible.

D'autre études devront être menées pour l'étude de situa-tions différentes : respect de STOP, respect de lignecontinue... Par ailleurs, les deux approches devraient êtrecomparées avec un retour d'expérience plus important,afin de confirmer ou infirmer la comparaison prélimi-naire présentée dans cet article.

Par ailleurs, des données concernant le profil de conduc-teur devraient être intégrées. En effet, certains facteurstels que l'age, le sexe, le kilométrage annuel semblent,selon certains auteurs ([12], [13], [14], [15]), favoriserl'apparition de violations en conduite automobile.

Les travaux présentés dans ce papier nous permettentd'envisager l'élaboration de systèmes embarqués afin d'a-méliorer la sécurité du conducteur. Ces systèmes embar-qués formeraient un second niveau de barrières. L'inte-

raction de ces barrières avec le conducteur doit être étu-diée de manière approfondie. En effet, ces barrières neseront efficaces que si elles prédisent correctementl'intention du conducteur et si leur déclenchement est to-léré par celui-ci. Sinon, ces barrières seront franchies etn'auront pas d'intérêt pour la sécurité.

REMERCIEMENTSLes travaux présentés dans cet article s'inscrivent dans lecadre du pôle ST2 (Sciences et technologies pour laSécurité dans les Transports), du thème 4 (Facteurs hu-mains : défaillances et parades).

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La programmation sur exemple : principes, utilisationet utilité pour les applications interactives

Loé SANOU – Patrick GIRARD – Laurent GUITTET

Laboratoire d Informatique Scientifique et Industrielle (LISI / ENSMA)Téléport 2 -1, avenue Clément Ader BP 40109

86961 Futuroscope, France[sanou, girard, guittet]@ensma.fr

RESUMELa programmation sur exemple, issue du besoind’adaptation des applications interactives aux activitésde l’utilisateur, recouvre toute une série de techniques,allant de l’enregistrement-rejeu à l’inférence de règles àpartir des interactions de l’utilisateur. Dans ce travail,nous analysons les principes qui sous-tendent la pro-grammation sur exemple, et montrons que, à travers uneutilisation de plus en plus large, elle constitue une solu-tion pertinente pour certaines classes de problèmes oùelle était jusqu’à présent peu utilisée.

MOTS CLES : Programmation sur exemple, Adaptabilité,Adaptativité, Assistance, Tests d interfaces.

ABSTRACTProgramming by Demonstration, which comes from theneed to adapt interactive applications to users’ activities,stands for some techniques, starting from record-ing/replaying to rule inference from user interactions. Inthis work, we analyse the underlying principles of Pro-gramming by Demonstration. Then, we demonstratehow, through an increasing usage, it constitutes a perti-nent solution for some problem classes, where it has notbeen largely used yet.

KEYWORDS : Programming by demonstration, example-based programming, Adaptable, Adaptative, Assistance,User Interface Testing

INTRODUCTIONDepuis l’avènement des interfaces graphiques, les logi-ciels ont globalement évolué vers une augmentation desfonctionnalités. Les logiciels de bureautique, commeMS-Word© ou MS-Excel©, qui contiennent aujourd’huiplusieurs centaines de fonctions, en sont la parfaite illus-tration, au point que la majorité des utilisateurs neconnaissent pas, et donc n’utilisent pas, la plus grandepart de leurs fonctions. Cette course en avant sur lesfonctionnalités aboutit à imposer à l’utilisateur des inter-faces de plus en plus lourdes, où les menus s’allongent,et où le nombre d’interactions purement articulatoiresaugmente de façon déraisonnable. L’émergence destechniques post-WIMP a engendré très récemment unesalutaire remise en cause de cette tendance [2].

On peut pourtant considérer que la recherche de solu-tions à ce problème, dans les années 1980, constitue lepoint de départ des travaux sur le « End-User program-ming ». Ainsi, la première réponse a consisté à permettreà l’utilisateur d’adapter son application à ses besoinspropres, au moyen de choix prédéfinis, les« Préférences », présentes aujourd’hui dans la majoritédes logiciels. Tout naturellement, l’étape suivante aconsisté en la possibilité d’adapter l’interface, par exem-ple en modifiant les items de menus mis à disposition del’utilisateur. On appelle cette technique la« personnalisation ». Des solutions adaptatives ont en-suite été utilisées avec plus ou moins de bonheur. Lesmenus « adaptatifs » de certaines versions de MS-Word©

ont ainsi été proposés, puis éliminés.

Toutes ces techniques présentent néanmoinsl’inconvénient de manquer singulièrement de puissanced’expression. On ne peut en effet ni créer une nouvellecommande par assemblage de commandes existantes, nimême automatiser des enchaînements de commandes.Afin d’augmenter les possibilités d’adaptation, il étaittentant de revenir aux principes simples et universels dela programmation. Des langages de scripts ont ainsi étéconçus, permettant d’obtenir le degré de puissance sou-haité. Malheureusement, cette technique, qui nécessite lamaîtrise des principes de la programmation, s’avère inu-tilisable pour l’utilisateur « commun », le « end-user »des anglo-saxons. Des techniques d’enregistrement demacros ont alors vu le jour, tout particulièrement dans ledomaine des systèmes iconiques [16, 17]. La program-mation devenait accessible au « end-user ».

L’utilisation accrue de l’image a conduit à jeter les basesde la programmation dite visuelle (« Visual Program-ming »[12]). Cette dernière s’appuie sur le fait établique, dans la majorité des cas, la symbolique de l’imageapporte une information beaucoup plus importantequ’une simple représentation textuelle. Dans le domainede la programmation, de nombreux systèmes ont ainsiété développés. Cependant, une compréhension des prin-cipes de la programmation est là encore nécessaire. Au-delà de la simple utilisation de l’image, c’est sur celle del’exemple que se sont concentrés les travaux. L’idée gé-nérale est que tout raisonnement autour de l’exemple est

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plus intuitif qu’un raisonnement abstrait. C’est ainsiqu’ont vu le jour les systèmes « avec exemple » (Pro-gramming with example), qui permettent l’exécutionimmédiate de l’exemple en cours de construction, et sur-tout les systèmes « sur exemple » (Programming byExample ou Programming by Demonstration, que nousappellerons PsE par la suite) [10].

La figure 1 ci-dessous représente une illustration des dif-férentes approches exposées précédemment, selon l’axede l’engagement par rapport à l’exemple, et de la puis-sance d’expression de ces solutions.

Figure 1 : Illustration des différentes approches

Au-delà de cette trame historique, la programmation surexemple (PsE) a été expérimentée dans des domainestrès variés. Elle apparaît par exemple dans des applica-tions grand public, comme MS-Excel© par exemple.Certains champs d’application ont exploité ses fonde-ments avec beaucoup de réussite, comme la conceptiontechnique [11]. Enfin, la « End-User Programming » ap-paraît dans de nombreuses conférences et workshops.

Le présent papier a pour but de présenter une synthèsedes principes, de l’utilisation et de l’utilité des systèmesde programmation sur exemple, qui nous conduira à ex-plorer de nouvelles pistes où sa généralisation noussemble souhaitable. Notre exposé sera découpé en troispoints. Dans un premier temps, nous décrivons quelquessystèmes de PsE afin d’illustrer de façon concrète notrepropos. Dans une deuxième partie, nous analysons lesprincipes sous-jacents. Enfin, nous proposons des axesoù il nous semble que la généralisation de son utilisationapporte des solutions originales et efficaces.

QUELQUES EXEMPLESLes systèmes de PsE couvrent une grande variétéd’applications. Nous décrivons ici quelques systèmes re-présentatifs des différentes notions que nous détailleronsdans la section suivante.

Naissance d un conceptPygmalion [6] est considéré comme l’un des tous pre-miers systèmes relevant de la PsE. Son objectif est depermettre la construction d’un programme en s’appuyantsur un exemple. L’environnement du système, semi gra-phique, est basé sur la métaphore du « tableau noir » : lazone de travail est vue comme un tableau où le pro-grammeur peut « dessiner » ses idées. La figure 2présente l’environnement Pygmalion lors de la réalisa-tion d’un exemple : la fonction « factorielle ».Pygmalion est à l’origine du concept d’icône disposant àla fois d’une image, d’un contenu (du texte pour uneicône du document), et d’un comportement (déplacementd’une icône par « Drag and Drop »). Pygmalion fournitun menu permettant d’accéder aux icônes et aux opéra-teurs portant sur ces icônes. Lorsque Pygmalion est enmode enregistrement, une zone d’historique(« remembered ») affiche les deux dernières actions exé-cutées. Le système dispose aussi d’une zone où leprogrammeur peut taper et évaluer des expressions écri-tes en Smalltalk.

Figure 2 : Pygmalion : Réalisation de la fonction« factorielle ».

Pygmalion fournit des représentations graphiques stan-dard d’opérateurs arithmétiques et booléens. Pourréaliser la fonction « factorielle » par exemple, on com-mence par allouer une icône. Ensuite l’utilisateur luiassocie deux sous icônes pour représenter l’argument etla valeur de la fonction, et il dessine un symbole pour lareprésenter (figure 2). On rend la bordure invisible et onassocie un nom avec l’icône par une com-mande « define ». Le système effectue alors une captured’écran : la zone de travail sera restaurée dans cet étatchaque fois que la fonction sera appelée. L’appel de lafonction « define » fait basculer le système en mode en-registrement. On peut alors spécifier le comportement dela fonction, à l’aide d’un exemple.

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Des macros iconiquesLe domaine des macros est, comme nous l’avons dit enintroduction, un domaine privilégié de la programmationpar l’utilisateur final. Des systèmes plus ou moins gra-phiques et interactifs ont été développés, et des révisionsmodernes sont proposées, comme Automator dans lesystème Mac OS X, permettant d’automatiser des tâchesrépétitives comme le renommage de fichiers. SmallStar[16] est une des premières tentatives pour adapter unetechnique graphique de PsE à cette problématique.SmallStar est une simulation de l’interface graphique dusystème d’exploitation Star de Xerox [28] à laquelle descapacités de PsE ont été rajoutées. C’est le premier sys-tème de PsE destiné au grand public (i.e. des utilisateursn’ayant pas de connaissance préalable de la programma-tion) dans le but d’automatiser les tâches répétitivessouvent rencontrées lorsqu’ils utilisent Star.

Figure 3: Bureau SmallStar.

Star utilise la métaphore du bureau avec les icônes repré-sentant les différents objets du système (programmes,imprimantes, documents, formulaires, boîtes aux lettres,tableaux, etc.). Dans SmallStar, pour créer un pro-gramme, l’utilisateur commence par ouvrir une icôneprogramme puis presse le bouton « Start Recording »pour démarrer l’enregistrement. Il effectue ensuite lesétapes nécessaires puis presse le bouton « Stop Recor-ding » pour arrêter l’enregistrement. Une fois la phased’enregistrement du programme terminée, l’utilisateurdoit effectuer les généralisations nécessaires. Pour cha-que type d’objet présent dans le système, y compris lescommandes enregistrées, SmallStar propose un ensemblede descripteurs de données présenté à l’utilisateur dansune boîte de dialogue. L’utilisateur spécifie explicite-ment, au moyen d’interfaces textuelles dirigées, lesstructures de contrôle et les descripteurs de données. Unecommande sous SmallStar possède un nom et un ensem-ble d’arguments ; elle peut impliquer plusieurs actions dela part de l’utilisateur.

Le domaine de la conception techniqueLe domaine de la conception technique (incluant en par-ticulier la CAO, conception assistée par ordinateur) apleinement assimilé les techniques de la PsE, au pointqu’aujourd’hui, les systèmes dits paramétriques, les plusutilisés au plan industriel, fondent leur modélisation surdes principes de PsE.

Example Based Programming [25], (EBP) est un exem-ple d’environnement de développement de programmesparamétrés, susceptibles de générer des comportementsstandard. Il permet en particulier de mettre au point parmanipulation directe et visuelle les programmes générés.EBP utilise des techniques de programmation sur exem-ple permettant la création de familles de composantsstandard portables par des utilisateurs de systèmes deconception assistée par ordinateur.

Figure 4: Environnement EBP.

Le système EBP manipule des entités géométriques sim-ples (points, droites infinies, segments, cercles, arcs,etc.) et des entités structurées (courbes, surfaces planeset ensembles structurés). La plupart des contraintes ré-sultant des règles de dessin technique sont supportées.EBP permet de spécifier interactivement, de façon gra-phique un programme contenant des structures decontrôle usuelles et offre la possibilité de générer ducode. La programmation sur exemple est réalisée dansEBP via un mode enregistrement des appels de fonctionsdu système. Les programmes au sein d’EBP (où ils sontnommés « instances ») sont séparés des exemples. EBPespionne l’utilisateur et construit une instance aprèsl’activation du mode enregistrement. Le passage enmode utilisation permet à l’utilisateur d’exploiter cetteinstance. Lors de l’exécution de l’instance en mode en-registrement, la définition de la valeur du paramètreeffectif est constituée d’une expression quelconque met-tant en jeu des entités ou des paramètres du programmeappelant. EBP comporte des structures de contrôle com-plètes. Les sous-programmes, les alternatives et lesrépétitions sont totalement disponibles.

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Enseignement, éducation, simulationFournir une assistance, par l’exemple, à la compréhen-sion des mécanismes de programmation est un thèmeimportant dans les systèmes de PsE.

Un environnement d’initiation à la programmation et ba-sé sur l’exemple est MELBA [13] (Metaphors-basedEnvironment to Learn the Basics of Algorithmic). C’estun système d’apprentissage composé de trois zones :l’espace du programme qui permet de représenter etd’éditer celui-ci, une zone sémantique (représentantl’exécutant) et une zone pragmatique (représentant gra-phiquement le sujet du programme). Chaque zone estinteractive et la cohérence de l’ensemble est assurée pardes mécanismes de programmation sur ou avec exemple.MELBA est un environnement très souple, qui ne pré-juge pas de la méthode utilisée pour appréhender lesprincipes de la programmation. Ainsi, l’utilisateur peut-ilpartir de son savoir-faire sur la tâche et induire un pro-gramme avec l’aide du mécanisme de programmationsur exemple ou au contaire chercher à comprendre unprogramme grâce à l’animation de la zone de la tâche[15].

Figure 5: Environnement MELBAaprès chargement des données d’un exercice.

Assistance à l utilisateurEager [5] est un système emblématique de la PsE. Ilpermet d’automatiser les tâches répétitives, comme parexemple constituer automatiquement une liste numérotéede titres de documents. Il prend en compte le fait quel’utilisateur ne réalise pas toujours immédiatement qu’ilpeut créer un programme pour accomplir la tâche quil’intéresse. Eager observe en permanence le comporte-ment de l’utilisateur pour essayer de prédire sesprochaines commandes. Il anticipe la commande sui-vante de l’utilisateur sans l’exécuter lorsqu’il détecte uneboucle. Pour cela, il propose à l’utilisateur la prochaineaction à effectuer, à charge pour lui de le confirmer. Lafigure 6 illustre l’étape où Eager (le petit chat) propose laprochaine action à l’utilisateur. Si celui-ci confirmel’inférence d’Eager, ce dernier est en mesure de terminerautomatiquement la tâche.

Eager fait partie des systèmes qui cherchent à déduiredes actions de l’utilisateur ses intentions, pour lui propo-ser son aide lorsque certains patterns d’interaction,comme une répétition, sont reconnus. De nombreux sys-tèmes ont suivi cette voie, permettant dans certains casde créer de nouvelles règles à partir des exemples.

Figure 6: Anticipation de commande dans le menu Eager.

Après ces quelques exemples, nous analysons, dans lasection suivante, les principes qui fondent la PsE.

PRINCIPES DES SYSTEMES DE PSELa différence essentielle entre la programmation avecexemple et la programmation sur exemple réside dans lefait que cette dernière s’appuie sur une manipulationconcrète de l’exemple. De fait, la technique de baseconsiste à implanter dans un système interactif un sys-tème d’enregistrement-rejeu, cher aux systèmes demacros sur exemple [19, 23].

L enregistrement-rejeuDans l’utilisation de la PsE, il convient de distinguerdeux modes qui s’ajoutent ou se superposent àl’utilisation interactive classique du système. Le premiermode est le mode « enregistrement », pendant lequel lesystème enregistre les actions de l’utilisateur pour cons-truire une trace. Cet enregistrement peut être explicite,comme dans les systèmes de macro, ou implicite commedans Eager [4]. Dans le premier cas, l’application dis-pose d’un outil de type « panneau de contrôle de systèmeenregistreur », avec les fonctions « RECORD »,« PLAY », « STOP », ou encore « PAUSE » (figure 7).

Figure 7 : Un panneau de contrôle d’enregistrement-rejeu, icidans l’application Jacareto1

Ce principe est poussé à son paroxysme dans les systè-mes dits paramétriques, qui modélisent leurs données

1 http://jacareto.sourceforge.net/

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comme un historique d’actions constructives, enregistréau cours de la construction interactive de l’objet.

Le niveau d’enregistrement peut être très différent selonles systèmes. Les travaux menés sur les systèmes deconception technique [9, 11, 26, 31] ont permis de carac-tériser cinq niveaux d’enregistrement-rejeu.1. Le premier niveau correspond à l’enregistrement des

actions les plus élémentaires de l’utilisateur. Lespremiers systèmes d’enregistrement de macro fonc-tionnaient selon ce principe, avec comme corollaireque la situation initiale jouait un rôle prépondérantsur le bon déroulement de la phase de rejeu : les posi-tions graphiques étant enregistrées en absolu, toutedifférence dans la configuration initiale de l’écranaboutissait à une exécution erronée de la macro.Dans Jacareto, l’enregistrement se passe au niveau dela boîte à outils d’interaction, Swing en l’occurrence ;ce sont ainsi les événements de bas-niveau (MouseE-vent, MouseMoveEvent, KeyEvent) qui sontenregistrés et rejoués, permettant un rejeu àl’identique de toutes les actions de l’utilisateur.

2. Le deuxième niveau concerne l’aspect lexical del’interaction. Les éléments sont enregistrés au niveaude l’action élémentaire, du point de vue del’utilisateur, et non plus de la boîte à outils. Eager [4]en est la parfaite illustration. Les actions telles que lechangement de focus sur une application, ou la sélec-tion d’un item de menu, sont ainsi rejouées pourpermettre à l’utilisateur de confirmer les propositionsdu système.

3. Le troisième niveau correspond à l’aspect syntaxiquede l’interaction. Le système Like [9] en est un bonexemple. Dans ce système de conception technique,le dialogue entre l’utilisateur et le système est décritpar le moyen d’automates évolués (des AugmentedTransition Networks, ou ATN [32]), manipulant desjetons de dialogue (commandes, paramètres).L’enregistrement de ces jetons constitue la base del’enregistrement au niveau syntaxique. Nous verronsque ce niveau d’enregistrement présente un intérêtcertain pour l’interprétation des actions del’utilisateur. Notons que, lorsque le style de dialogueest la manipulation directe, comme c’est le cas parexemple pour Peridot [22], il est très difficile dedistinguer le niveau lexical du niveau syntaxique :chaque interaction élémentaire est à la fois un élé-ment lexical et un élément syntaxique, puisque laréaction du système est supposée continue.

4. Le quatrième niveau est tout naturellement le niveausémantique, en référence à la théorie de la compila-tion. Il s’agit là d’enregistrer la fonction du systèmeinvoquée par l’utilisateur, pour être à même de la re-jouer directement en phase d’exécution. Dans lessystèmes de conception technique, cette approche estreprésentée par EBP [25], dont le but premierconsiste à créer de véritables programmes paramé-trés, échangeables d’un système de CAO à un autre.

Grammex [21] et StageCast Creator [3] sont deux au-tres exemples de ce niveau d’enregistrement.

5. Le dernier niveau concerne le niveau pragmatique.Ici, on ne considère que les actions du système quiont un rôle dans la résolution du but final del’utilisateur. Les actions articulatoires, ainsi que lesopérations non constructives ne sont pas enregistrées.Les systèmes paramétriques en conception techniqueen sont la parfaite illustration. Comme il est expliquédans [31], ce sont les données mêmes de l’applicationqui enregistrent leur historique de construction, cequi permet de les rejouer après d’éventuelles modifi-cations de paramètres.

Le choix du niveau de l’enregistrement est très importanten fonction du but recherché par l’utilisation de la PsE.En effet, plus l’enregistrement s’effectue à un niveauélémentaire dans le dialogue entre l’utilisateur etl’application, et plus il sera dépendant des changementsintervenant dans l’interface de l’application. Si l’objectifde la PsE consiste à construire des programmes réutilisa-bles (comme des programmes paramétrés en conceptiontechnique, par exemple), tout changement dansl’interface invalidera ces programmes si l’enregistrementse fait à un niveau inférieur au niveau sémantique.

La généralisationLe simple enregistrement-rejeu ne permet pas de faireautre chose que de la répétition à l’identique d’une sé-quence, qu’elle se situe au niveau de l’interaction ou dusystème lui-même. Ce qui distingue une simple traced’exécution d’un vrai programme relève de la générali-sation.

Le premier niveau de généralisation consiste à considé-rer les objets manipulés. En effet, un programme estcensé pouvoir s’exécuter sur des « variables », c’est-à-dire avec des valeurs différentes d’une exécution àl’autre. Lorsque l’on travaille sur un exemple, on disposede valeurs concrètes ; la généralisation consiste à distin-guer les valeurs qui vont changer d’une exécution àl’autre de celles qui demeureront constantes. SmallStar[16, 17] est le premier système à se focaliser sur les ca-ractéristiques des objets manipulés par les systèmes dePsE. Il définit une notion de descripteur, qui permet detransformer la référence à un objet unique en une défini-tion sémantique. La notion de variable, bien connue enprogrammation classique, est évidemment définie. Elleest étendue par des notions plus spécifiques, comme parexemple la notion de collection : une variable peut êtregénéralisée de manière à répondre à une définition géné-rique, ce qui entraîne implicitement une itération decollection. Le système appartient à la catégorie des sys-tèmes iconiques, et la généralisation se traduit parexemple par l’utilisation de joker, comme « *.txt » pourreprésenter des noms comportant obligatoirement un suf-fixe particulier. Notons que, dans la majorité des cas, lasémantique de la variable n’a pas besoin d’être connue

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par le système d’espionnage, qui se contente d’être ca-pable de référencer l’objet pendant la phase de rejeu.Ceci n’est plus vrai dès lors que l’on ajoute des structu-res de contrôle au programme.

La deuxième phase de généralisation consiste à ajouterune sémantique de contrôle au programme. Très naturel-lement, les techniques peuvent relever d’approchesdifférentes. Lorsque l’on s’appuie sur une sémantique deprogrammation structurée, il convient d’ajouter ou de re-pérer des alternatives et des répétitions. C’est le cas deSmallStar, par exemple. Les approches fonctionnelles(Pygmalion [29]) ou logiques (StageCast Creator [3]) ontégalement été explorées. Dans tous les cas, afin decontrôler les structures utilisées, il devient nécessaire dedéfinir parmi les objets une sémantique booléenne. Eneffet, lors du rejeu, c’est une valeur booléenne qui per-mettra de choisir quelle alternative exécuter, ou quidirigera la règle à appliquer. Des expressions booléennesplus complexes pourront s’avérer nécessaires (EBP[25]). Enfin, pour permettre à l’utilisateur de comprendreplus facilement cette sémantique, des expressions numé-riques seront également introduites.

Inférence, règlesLa mise en œuvre de la généralisation peut s’effectuer demanières très diverses. Nombreux sont les systèmes quidemandent explicitement à l’utilisateur de faire cette gé-néralisation. SmallStar oblige l’édition du programmeenregistré, pour effectuer manuellement la généralisationdes objets, et impose l’introduction textuelle des structu-res de contrôle. Le caractère sur exemple devient moinsmarqué. D’autres systèmes (Pygmalion, EBP, StageCastCreator) exigent que les structures de contrôle soientprévues par le programmeur, et introduites par des com-mandes spécifiques.

Pour éviter ce côté explicite, analysé comme contraire àla logique de l’utilisateur non-programmeur, plusieursauteurs ont choisi de proposer des méthodes utilisantl’exemple de façon plus marquée. Ainsi, PBE [1] se sert-il de deux exécutions différentes pour déduire quellessont les variables et quelles sont les constantes. Eager [4]demande à l’utilisateur de confirmer les actions qu’il adétectées, et analyse les déviations pour construire leprogramme correct.

Allant plus loin sur la voie de l’inférence, c’est-à-direl’induction de faits nouveaux à partir de faits connus, denombreux auteurs ont couplé des moteurs d’inférenceaux systèmes de PsE. Eager [4] ou Mondrian [20] recon-naissent ainsi des situations complexes. Des résultatsprobants ont ainsi été obtenus dans le domaine de la si-mulation. La définition de nouvelles règles parl’utilisateur est considérée comme l’étape suivante :Grammex [21] permet ainsi de définir explicitement, surexemple, de nouvelles règles qui s’appliqueront ensuitecomme des règles pré-existantes dans le système. Ces

approches, quoique séduisantes, se trouvent le plus sou-vent limitées par leur pouvoir d’expression : elles sontspécifiques du domaine d’application, et peuvent diffici-lement être généralisées. Elles se heurtent à un deuxièmeobstacle : lorsque l’on construit de nouvelles règles, il estdifficile d’être sûr qu’elles s’appliqueront sans erreurdans tous les cas de figure.

DES CHAMPS D APPLICATION EN EXPANSIONLa PsE a donné lieu à de nombreux systèmes. Le repro-che que l’on peut faire à ces travaux est le manqued’évaluations conduites à leur propos. En dehors deMELBA, pour lequel plusieurs expérimentations ont étéréalisées, aucune démarche formelle d’évaluation n’a étéengagée. On peut considérer néanmoins que la commer-cialisation de systèmes relevant de la PsE constitue uneforme d’évaluation. La plus grande réussite est certaine-ment celle des systèmes de conception technique ditsparamétriques, qui constituent aujourd’hui la majoritédes systèmes de cette catégorie. Un autre domaine nota-ble est celui de la simulation, où des logiciels commeStageCast Creator2 ou AgentSheets3 ont été commercia-lisés.

Trois domaines se dégagent comme particulièrementpertinents du point de vue de la PsE.

Fonction d assistanceIl s’agit ici d’un retour aux sources. La possibilité depersonnaliser son application est un besoin considérécomme majeur par les utilisateurs. De nombreux éditeursde logiciels ont ainsi développé des solutions s’appuyantpeu ou prou sur les techniques de la PsE pour enrichir lespossibilités d’adaptation. Les techniques de généralisa-tion a priori sont utilisées dans l’outil Automator4 quipermet d’automatiser des tâches dans Mac OS X. Lestechniques d’inférence et d’espionnage trouvent leur uti-lité dans des agents d’aide, ou autres assistants. DansMS-Excel©, par exemple, un espionnage systématique del’utilisateur permet de détecter les situationss’apparentant à une gestion de liste (Figure 8), comme lefait Eager.

Les techniques de la PsE, utilisées de façon ponctuelledans certaines situations d’interaction, sont de nature àapporter de nouvelles fonctions d’assistance àl’utilisateur. Selon les besoins, des techniques explicitesde généralisation seront préférables à l’utilisation del’inférence, principalement lorsqu’on souhaitera quel’utilisateur puisse contrôler finement son automatisa-tion. Elles sont la base de l’adaptabilité des applications.L’usage de l’inférence permet en plus d’atteindre des ob-jectifs d’adaptativité.

2 http://www.stagecast.com/3 http://www.agentsheets.com/4 http://www.apple.com/fr/macosx/features/automator/

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Figure 8 : L’exemple d’utilisation de la PsE dans MS-Excel©

PédagogieLes applications pédagogiques et de simulation consti-tuent un champ d’investigation important pour la PsE.Les objectifs des systèmes qui l’utilisent sont très variés.Ils peuvent concerner l’apprentissage de la programma-tion (MELBA [14], Toontalk5[18] ), ou plusgénéralement de la stratégie de résolution de problème(StageCast Creator [30], Agentsheets [27]). L’effortprincipal se porte dans ces systèmes sur l’aide àl’explicitation des principes de généralisation. De ce fait,un effort tout particulier est porté sur la visualisation desprogrammes, qui cherche à être la plus explicite possible.Les avancées dans le domaine des nouvelles techniquesd’interaction trouvent également leur application dans laPsE. Ainsi, l’application des techniques des interfacestangibles a donné lieu au Topobo6, qui permet à de jeu-nes enfants à étudier la dynamique des actions (et doncla programmation) en s’appuyant sur la manipulation ded’objets de construction qui mémorisent leurs actions etles rejouent.

Outils de conception et de validationLe domaine des outils de conception est certainement ce-lui où la PsE est intégrée le plus profondément auxapplications. Les outils graphiques modernes utilisentabondamment l’analyse temps-réel des interactions pourfournir une assistance au placement des composants (ali-gnement, contraintes, etc.). On trouve ces fonctionnalitésdans des outils de dessin (OmniGraffle7), de présentation(Keynote8) ou encore les GUI-Builders (Matisse9 dansNetBeans).

L’utilisation des techniques d’enregistrement-rejeus’avère extrêmement prometteuse pour la vérification etla validation des applications interactives. Alors que lestechniques de tests unitaires font de plus en plus

5 http://www.toontalk.com/6 http://web.media.mit.edu/~hayes/topobo/7 http://www.omnigroup.com/applications/omnigraffle/8 http://www.apple.com/iwork/keynote/9 http://www.netbeans.org/kb/articles/matisse.html

d’émules10, et que leurs outils sont de plus en plus lar-gement utilisés, tester les interfaces s’avère encore unprocessus difficile. Les techniques d’analyse de code ontlargement montré leurs limites, et la validation par lesmodèles n’est pas encore opérationnelle au niveau indus-triel. Aujourd’hui, ce sont les approches intégrant la PsEqui semblent émerger. Ainsi, Jacareto11 permet-ild’enregistrer les interactions de bas-niveau et autorise-t-il l’automatisation de tests d’interface. Pour rendre cesoutils plus puissants, un couplage avec les approches àbase d’analyse de tâches, comme dans [8], s’avère trèsefficace.

CONCLUSIONLa programmation sur exemple recouvre une série detechniques, allant de l’enregistrement-rejeu à l’inférencede règles à partir des actions de l’utilisateur. La cons-tante de ces techniques est l’utilisation intensive d’unexemple tiré de l’action de l’utilisateur sur un systèmeinteractif.

Les différentes facettes de la PsE ont été décrites et vali-dées dans de nombreux systèmes expérimentaux. Alorsque la PsE véhicule une image de technique à la portéelimitée, on s’aperçoit qu’elle est de plus en plus souventutilisée dans les applications interactives. À partir d’uneprésentation d’exemples significatifs, nous avons analyséles principes qui sous-tendent la PsE. Nous avons pu ain-si définir cinq niveaux possibles dans l’enregistrementdes actions de l’utilisateur, qui s’appliquent à des pro-blématiques différentes. Nous avons ensuite catégoriséles diverses formes de généralisation des programmes.Enfin, dans une dernière partie, nous avons exploréquelques grands secteurs où la PsE apporte des résultatssignificatifs, en terme d’augmentation des possibilitésdes systèmes.

La généralisation des techniques de PsE passe, à notresens, par la définition d’outils permettant une implémen-tation généralisée de ces techniques. Cela est vrai auniveau des techniques d’enregistrement, ou des appro-ches internes (Aide [24]) comme externes (PbDScript[7]) doivent être proposées. Cela est vrai également pourles techniques de généralisation, qui doivent être abor-dées de façon générique. Les champs d’investigationdemeurent ici largement ouverts. Pour terminer, notonsque le point faible des travaux sur la PsE réside dans lesétudes d’utilisabilité, qui n’ont été que très rarementconduites jusqu’à présent. Il y a là également de grandespossibilités pour de futurs travaux.

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ARTICLES LONGS APPLIQUES

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Vigiestrips une IHM innovante intégrée au systèmeAéroport Avancé

Joël GARRON Bertin Technologies (1)

10 bis, avenue Ampère – Montigny le Bretonneux 78053 St Quentin en Yvelines

[email protected]

Jérôme JOURNET Direction des Services de la Navigation Aérienne (2) Zone aéroportuaire - Route périphérique Bât 1608

91200 Athis-Mons [email protected]

RESUMECet article fait le point sur un projet de remplacement des strips papier dans les tours de contrôle de l’aéroport de Roissy Charles De Gaulle (CDG). Il montre dans une première partie à quel point le fonctionnement de cette plate-forme aéroportuaire s’apparente à un système com-plexe. Dans une deuxième partie consacrée aux strips papier, les auteurs exposent tout d’abord les qualités opérationnelles de ce support vis à vis de l’activité des contrôleurs SOL et LOC de CDG. Puis, ils mettent en exergue les limites réelles de ce même support en regard du fonctionnement d’un système qui va en se complexi-fiant. Dans une troisième partie, l’article présente le concept Vigiestrips et les deux axes autour desquels il s’articule (services rendus au contrôleur utilisant l’outil Vigiestrips et mise en réseau des données entre le contrôleur et les autres acteurs du système). Les auteurs présentent ensuite les valeurs ajoutées de ce concept dans le contexte d’un système « Aéroport Avancé », no-tamment dans la perspective d’en satisfaire les deux principaux objectifs: sécurité et efficacité du trafic.

MOTS CLES : ATC, Aéroport, système complexe, strips papier, Vigiestrips, facteur de performance.

ABSTRACT This article deals with a project aiming at replacing paper strips currently used in the Control Towers of Paris-Charles de Gaulle Airport with electronic artifacts. The first part demonstrates that an airport platform is actually a complex system. Operational advantages of paper strips are then detailed while focusing on GROUND and RUNWAY air traffic controllers activity at CDG. Limits and drawbacks of these strips are then mentioned with regards to an ever complexifying system. Vigiestrips concept is then discussed following two guidelines : services for the controller on the one side, and networking of information between controller and other actors of the system on the other side. Added values of Vigiestrips concept are then enumerated in the frame of an “advanced airport“ system, relying especially on two key objectives : airport safety and efficiency.

KEYWORDS : ATC, Airport, paper strips, complex system, Vigiestrips, performance factor.

INTRODUCTIONLorsque l’on visite aujourd’hui les vigies des tours sud et nord de l’aéroport de CDG, on est toujours étonné de-vant l’effervescence de l’activité des contrôleurs aériens et la complexité de leur environnement de travail. Les contrôleurs en vigie (prévol, SOL, LOC), responsables de la surveillance et du guidage des aéronefs sur la plate-forme et dans ses environs, centralisent et traitent des in-formations en provenance d’outils nombreux et hétéro-gènes tels que la fréquence radio, l’image radar sol et air, l’image météo aux seuils de piste et la vue extérieure. Ces informations sont de surcroît exploitées dans un en-vironnement fortement contraint (pressions temporelles fortes).

En association avec cet environnement complexe, les contrôleurs SOL et LOC concentrent pourtant une part essentielle de leur activité gestuelle et perceptive sur l’utilisation de simples supports papier (les strips). Ces strips, assimilables à un outil « papier-crayon », s’avèrent en fait d’une grande richesse sur le plan opéra-tionnel car ils constituent pour les contrôleurs une aide déterminante dans la gestion de leurs ressources percep-tives et cognitives. En revanche, les strips revêtent un certain nombre de limites inhérentes à la nature et aux propriétés du support papier. De plus, leur faible capaci-té d’évolution les rend de plus en plus inadaptés face à la complexification croissante du système aéroportuaire et aux nouveaux enjeux en terme de sécurité et d’efficacité (fluidité, capacité) du trafic. C’est dans ce contexte que la conception de solutions IHM, intégrant cette com-plexité et positionnant toujours le contrôleur en tant que facteur de performance, est aujourd’hui un enjeu majeur.

L’AEROPORT : UN SYSTEME COMPLEXE La navigation aérienne L’ATC (Air Trafic Control) assure globalement la ges-tion du trafic aérien dans les aéroports et dans l’espace aérien. Afin d’assurer cette tâche, l’espace est découpé en zones géographiques appelées secteurs de contrôle. Tout au long du vol un aéronef va donc traverser succes-

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sivement un ensemble de secteurs qui constituent une chaîne de responsabilités jusqu’à son arrivée au parking de destination. Cette activité du contrôle de la navigation aérienne offre une complexité qui provient de plusieurs facteurs. Il y a d’une part l’hétérogénéité de ses usagers : au sein des mêmes infrastructures se côtoient le trafic commercial (plusieurs milliards de passager par an dans le monde), l’aviation amateur et l’aviation militaire. Elle vient d’autre part d’une exigence de sécurité très forte ayant un impact majeur sur les organisations humaines et techniques. Enfin, la multiplicité des acteurs en jeu, aux contraintes fortes et parfois contradictoires constitue une caractéristique indissociable de ce domaine.

Le système de Roissy-CDG

Figure 1 : Navigation aérienne et CDG

L’aéroport constitue le centre névralgique de cette chaîne (cf. Figure 1), au sein de laquelle des conditions de sécurité maximales et une efficacité optimale du trafic doivent être atteints. Contrairement à l’espace aérien, où la répartition du trafic est largement compartimentée se-lon les différentes catégories d’aviation (tourisme, dé-fense, commerciale), les infrastructures aéroportuaires (pistes, taxiways, parkings) doivent être simultanément partagées entre tous les usagers (de l’appareil de 400 tonnes à l’avion de tourisme biplace). L’ATC doit alors assurer la gestion complète des aéronefs sur l’aéroport, éviter tout risque d’abordage tout en assurant un écou-lement fluide du trafic. Les contraintes à intégrer y sont diverses : respecter pour chaque avion le créneau horaire de décollage prévu, intégrer des contraintes anticipées (gestion du dégivrage avant décollage, ravitaillement…) ou subies en temps réel (déchargement d’un bagage à la dernière minute, anomalies avant décollage, problèmes d’allocation de parkings…).

CDG figure parmi les aéroports les plus importants et les plus complexes au monde. Y assurer la gestion du trafic aérien implique la mise en place d’interfaces avec un certain nombre d’acteurs extérieurs. La CFMU (Central

Flow Management Unit) tout d’abord peut imposer de respecter des délais unitaires au départ en fonction de contraintes ou de surcharges de l’espace aérien à l’échelle européenne. L’aéroport et les compagnies cons-tituent également des interlocuteurs privilégiés dont il faut intégrer les contraintes : les intentions départs plani-fiées évoluent en fonction du déroulement des opérations d’escale pour chaque appareil, et peuvent se révéler contradictoires avec les stratégies de planification mises en place par l’ATC et la CFMU. En cas de dégradation des conditions météorologiques, les moyens de dégi-vrage deviennent également un acteur critique qui im-pacte de façon décisive la gestion des aéronefs sur la plate-forme. Enfin les centre de contrôle (Approches, En-route) et aéroports adjacents influent significative-ment le trafic en temps réel, en cas de congestion de l’espace aérien supérieur ou en cas de déroutements dus à une dégradation météo sur des terrains proches insuffi-samment équipés.

Aéroport CDG

AMAN Approche

ATC

CFMUTraitementplan de vo l

En Route

Autresterrains

DMAN RIMCAS

Les objectifs du système « Aéroport Avancé » de CDGL’ensemble des outils développés ou en cours de déve-loppement pour tendre vers un environnement « Aéroport Avancé » se décline au travers des deux grands objectifs fédérateurs du système aéroport.

L’objectif Sécurité :

Les services fournis par l’outil RIMCAS (infor-mation et alarme lors d’une situation potentiel-lement conflictuelle ou conflictuelle aux abords des pistes) se basent sur un algorithme d’incursions pistes adapté à CDG. La mise en place de verrous de sécurité se dé-cline également au travers de barres d’arrêt sur les bretelles d’accès aux pistes, commandables depuis la tour de contrôle, qui empêchent tout mobile (véhicule ou aéronef) d’accéder aux pis-tes pendant les phases critiques (atterrissage, dé-collage).

L’objectif Efficacité :

L’outil DMAN (Departure Manager) se base sur un algorithme d’aide plus global destiné à ré-pondre conjointement aux besoins des aéroports de la région parisienne et des centres en-route intégrant différents flux de départs. Son rôle est la prédiction et l’optimisation de séquences de décollage et des charges de trafic pour les sec-teurs en-route d’intégration.L’outil AMAN (Arrival Manager) optimise la capacité d’atterrissage sur les terrains de la ré-gion parisienne en permettant aux secteurs en-route d’appliquer une séquence des aéronefs à l’arrivée le plus tôt possible, afin de lisser le tra-

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fic et éviter les congestions au niveau de l’aéroport.Le CDM (Collaborative Decision Making), par-ticipe de la volonté de mettre en commun un cer-tain nombre d’informations et de requêtes en provenance de différents acteurs (ADP, Air France…).

Vers une complexité croissante. En regard de ces objectifs, la recherche de performance et de précision exigée par ces outils accroît progressivement le besoin de collaboration en ligne des différents acteurs de CDG(contrôleurs, Air France, gestionnaire de parking, ADP, CFMU…). En effet, l’impact potentiel des contraintes de chacun est tel que leur connaissance mutuelle par l’ensemble des acteurs du système devient le garant du bon fonctionnement de la plate-forme de CDG.

LE STRIP PAPIER A CDG Un outil à haute valeur ajoutée…

Figure 2 : Strips papiers à la tour

Dans le cadre d’une étude terrain effectuée en 2001 à la tour sud de CDG, une équipe d’ergonome de la DSNA (cf. [1]) a centré ses observations sur les méthodes de travail des contrôleurs SOL et LOC associées à la ges-tion des strips papier (cf. Figure 2). Un strip papier correspond à un aéronef (cf. Figure 3). Chaque strip est manipulé dans un tableau alloué (le tableau opération-nel) et annoté à plusieurs reprises par le contrôleur lors-que l’aéronef associé se trouve dans son secteur de res-ponsabilité (i.e. une partie des parkings et de la plate-forme CDG pour le contrôleur SOL, la zone de servitu-des pistes sud ou nord pour le contrôleur LOC). En tout premier lieu, les auteurs purent mettre en évidence la forte dimension cognitive inhérente à l’usage de ce sup-port (résultats corroborant les travaux de recherche dans le domaine, cf. [3] et [4]). L’environnement de type « stripping » constitue un réel prolongement de l’activité mentale et perceptive des contrôleurs. Par ailleurs, en permettant un partage continu des informations entre le SOL et le LOC, ce support enrichit le travail collectif et contribue directement à la constitution d’une conscience partagée du trafic. Enfin, le strip s’avère un outil de tout

premier plan pour la gestion du stress du contrôleur. Le fait de disposer d’un support d’information fiable en toute circonstance ainsi que le sentiment de mieux maî-triser le trafic (manipulation d’un objet concret) rassure réellement le contrôleur.

Figure 3 : Détail d’un strip papier

… mais un outil en voie d’obsolescence Le support papier présente cependant des limites intrin-sèques difficilement contournables. Aujourd’hui déjà, certaines situations opérationnelles mettent à mal la ro-bustesse de ce support (pics de trafic, situations transitoi-res mal anticipées…). Sous la contrainte de temps, le contrôleur se trouve confronté à des difficultés dans la gestion et la mise à jour de son tableau de strips (tri des strips à la sortie d’imprimante, recherche d’un strip, existence potentielle de strips en double, débordement du tableau de strips…).

De plus, la complexification progressive du système aé-roportuaire de CDG , implique une réévaluation du rôle du contrôleur en tant qu’acteur central et facteur de per-formance au sein de ce système. Il s’agit en effet de gar-der l’homme dans la boucle en lui donnant les moyens d’interagir avec d’autres acteurs toujours plus nombreux du système (partage dynamique des informations). Or, il n’est guère concevable de conserver un outil comme le strip papier qui constitue un obstacle réel vis à vis des besoins croissants en termes de collaboration en ligne des différents acteurs. Tout d’abord, le strip papier, qui ne véhicule les « traces » de l’activité du contrôleur que d’une manière locale, s’adapte mal aux évolutions d’un système qui doit promouvoir une collaboration accrue entre les contrôleurs de CDG et leurs interlocuteurs di-rects dans la chaîne de contrôle (Approche et CRNA Nord). D’autre part, les actions de contrôle (clairances données aux pilotes par les contrôleurs SOL et LOC et inscrites sur le strip papier) devront pouvoir être trans-mises en temps réel vers un certain nombre d’outils d’aides au contrôle, afin de rendre ces derniers plus réac-tifs aux évènements de trafic. Enfin, dans un contexte d’Aéroport Avancé, le contrôleur devra gérer d’une ma-nière centralisée et cohérente une quantité toujours plus grande d’informations en provenance d’un nombre croissant d’acteurs du système de contrôle (facteurs hu-mains ou techniques). Or, l’absence d’évolutivité du papier (matière inerte) ne permet pas au strip papier de faire vivre des informations (affichage et mise à jour ré-gulière) et interdit donc à ce support tout rôle d’intégration dynamique.

Par conséquent, sous peine de dégrader le niveau de per-formance du contrôleur et donc de l’ensemble du sys-

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tème aéroportuaire, le strip papier doit aujourd’hui être considéré à CDG comme un outil obsolète.

LES TENTATIVES DE SUPPRESSION DU STRIP PA-PIER DANS L’ATC La transition vers un environnement de travail « tout électronique » dans l’ATC est une préoccupation remon-tant au début des années 80. Aujourd’hui encore, à l’exception de certains aéroports (canadiens, brésiliens, ou encore européens comme Oslo et Bruxelles), la majo-rité des terrains dans le monde n’a pas effectué cette transition vers un contrôle aérien sans strip. Deux gran-des familles de solutions ont émergé : l’une orientée vers une gestion des vols par listes, l’autre proposant une transposition du support papier dans un environnement électronique.

Les nombreuses tentatives infructueuses qui ont essaimé l’histoire du contrôle aérien dans ce domaine sont à cet égard tout à fait notables. Le rejet chronique des contrô-leurs aériens face aux solutions proposées tenait à plu-sieurs facteurs :

Pour les systèmes conçus à base de listes, l’écueil fut de vaciller de façon récurrente entre des solutions automati-sant les classements, mal acceptées (principes d’animation peu ou mal connus, algorithmes de tri ina-daptés), et des solutions proposant une gestion manuelle des listes, se heurtant à une lourdeur de manipulation et une inefficacité globale rédhibitoires (cf. [10]). Ces solu-tions se heurtaient également à une immaturité techni-que : puissances de calcul insuffisantes, technologies tactiles peu fiables.

Des systèmes proposant une transposition de la méthode de travail élaborée avec le strip papier sont apparus plus tard, tentant, en l’immergeant dans un environnement électronique, de reproduire les avantages du strip papier tout en lui conférant un comportement dynamique. Di-gistrips, projet développé par la DSNA à la fin des an-nées 90 (cf. [5]), marqua ainsi un réel tournant dans les possibilités envisageables. Ce projet proposait un dé-monstrateur sur écran tactile reproduisant la gestuelle as-sociée aux strips papier pour le contrôle En Route. La DSNA, considérant cette étude comme prospective, ne la concrétisa pas par des expérimentations réalistes et le démonstrateur ne fut pas adapté à un centre En route particulier. A noter cependant que quelques industriels en ont tenté des applications concrètes.

L’application au domaine aéroportuaire est plus récente. Des solutions intermédiaires ont été mises en place sur certains aéroports, plus sophistiquées qu’une simple ges-tion de liste mais ne reproduisant qu’imparfaitement les apports du support papier sur un plan cognitif (aide à l’anticipation, la mémorisation et la représentation men-tale du trafic). Ce type de produits, s’il peut s’avérer adaptable à des terrains de taille moyenne ou à des in-

frastructures peu complexes, ne peut être envisagé pour CDG, où la charge de trafic et la complexité du système sont telles que seule une solution réellement intégrée à l’activité du SOL et du LOC et aux méthodes de travail associées peut être envisagée.

VIGIESTRIPS : UN OUTIL REMETTANT LE CONTRO-LEUR AU CENTRE DU SYSTEME AEROPORT

Le concept Vigiestrips Ayant bien intégré le rôle actuel des strips papier dans les tours de CDG et appréhendé les futurs enjeux opéra-tionnels associés à la complexification du système aéro-port, les protagonistes du programme Vigiestrips se sont orientés vers un concept qui s’articule autour de deux axes fondamentaux :

Premier axe - Conserver les qualités opérationnelles reconnues des strips papier tout en gommant leurs limites sur le plan de la manipulation. Deuxième axe - Intégrer des fonctions nouvelles à fortes valeurs ajoutées replaçant le contrôleur au centre du système (cf. Figure 4) et permettant de répondre aux exigences futures de l’environnement Aéroport Avancé.

Figure 4 : Vigiestrips au centre du système de contrôle aéro-

ips : une IHM dépassant les limites du strips

portuaire

Vigiestrpapier En référence au premier axe du concept Vigiestrips, les choix de conception IHM se sont inspirés de l’environnement Digistrips (cf. ci-dessus). Dans la lignée de ce projet, les concepteurs de Vigiestrips ont conservé la notion de « stripping » (manipulation de strips par le contrôleur) en mettant en avant une IHM alliant intuitivi-té et simplicité d’usage. Ils ont dans cette perspective re-pris le principe d’une interaction directe sur une dalle tactile (stylet). La suite du chapitre présente de manière synthétique les principaux services proposés autour de la

DMAN VIGIESTRIPS

SOL LOC

A

Barres d’arrêt

Balisages au sol

CDM

ADPParking Air France

éroport CDG

RIMCAS

Autrescontrôleurs

Prévol

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gestion des strips devenus des « e-strips » (strips élec-troniques).

tion des colonnes à l’approche de l’e-strip…) et aides au positionnement

Figure 5 : IHM Vigiestrips

L’IHM Vigiestrips (cf. Figure 5) conserve les deux principales zones actuelles de gestion des strips : le tableau d’attente à gauche (zone de stockage des strips correspondant aux aéronefs qui vont arriver sur le secteur) et le tableau opérationnel au centre (zone de manipulation et de classification des strips correspondants aux aéronefs sous la responsabilité du contrôleur). La gestion du tableau d’attente, apparentée aujourd’hui à des actions peu valorisées (e.g. recherche des strips à l’imprimante, pré tri), a été pour l’essentiel déléguée au système (mise en place et classification automatique des e-strips). De ce fait, le contrôleur se trouve soulagé d’un grand nombre d’actions parasites et coûteuses (notamment dans le cas de pics de trafic) et peut donc se concentrer sur ses actions de contrôle. En revanche, comme l’a démontrée l’étude terrain, les manipulations de strips dans le tableau opérationnel s’avèrent essentielles pour le contrôleur SOL comme pour le LOC. Vigiestrips préserve donc une grande liberté de déplacement et de positionnement des e-strips dans ce tableau. Cette liberté d’action est de plus enrichie d’un certain nombre de services IHM destinés à faciliter toutes les gestuelles de manipulations : fonctions de guidage dynamique (position fantôme de l’e-strip anticipant sa position future, activa

(déplacements groupés, insertions entre deux e-strips, décalages rapides, effets d’attraction de l’e-strip par la colonne activée …).

Les actions d’annotations sur les strips, également assi-milées à des actions “valorisées” sur un plan opération-nel (i.e. gestes d’écriture facilitant le processus de mé-morisation), ont également été reproduites dans l’environnement Vigiestrips. Le contrôleur dispose à cet effet de deux modalités pour annoter son e-strip : la re-connaissance de gestes et l’écriture libre. Ces deux mo-dalités perpétuent l’acte d’écriture directe par le biais du stylet sur la dalle tactile de manière à en conserver toute

la richesse cognitive et la naturalité d’exécution. La mo-dalité d’écriture libre, accessible sur un format d’e-strip zoomé (cf. Figure 6), permet au contrôleur d’écrire des

-ue (e.g. l’entourage ou le soulignage d’un item) ou ’une petite phrase (e.g. Problème radio).

informations diverses, qu’il s’agisse d’un symbole uniqd

Figure 6 : Ecriture libre sur e-strips zoomés

La modalité d’écriture mettant en œuvre la reconnais-sance de gestes a été réservée à la saisie d’instructions de contrôle (e.g. ordre de roulage aujourd’hui concrétisé par le tracé d’un R sur le strip papier, ordre de décollage concrétisé par le tracé d’un T, etc.). Plusieurs facteurs ont orienté ce choix de conception. Tout d’abord le nombre de gestes saisi est relativement restreint (moins de dix gestes). Ces gestes sont ensuite simples à tracer et de caractère stable (les mêmes symboles sont partagés

en restituer un feed-back bien lisible pour le contrôleur (cf. Figure 7). Enfin et surtout, une fois le symbole reconnu, le système est en mesure de diffuser l’information en temps réel aux autres acteurs du système aéroport.

par tous les contrôleurs).. Pour favoriser le caractère na-turel de la saisie, ces symboles (R, T…) ont donc été re-produits et intégrés dans la bibliothèque de gestes.

L’intérêt de la reconnaissance de gestes se situe égale-ment dans le fait que le système interprète le symbole tracé et qu’il peut

Figure 7 : Reconnaissance de gestes

Vigiestrips : un support d’intégration des fonctions du système Aéroport Avancé En référence au second axe du concept Vigiestrips, Les nouveaux services fournis ont pour ambition de favoriser la mise place du système Aéroport Avancé et de contribuer à l’atteinte des objectifs de sécurité et d’efficacité du trafic. A ce titre, et comme cela a déjà été mis en avant par D.Pavet et al. (Cf. [7]), l’environnement Vigiestrips se positionne comme unvéritable outil d’intégration des données circulant entre les différents acteurs (humains et techniques) du système.

La prise en compte des fonctions de Sécurité.L’activité de guidage et de surveillance du trafic est tout d’abord favorisée par la hiérarchisation et le partage des

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informations via le support e-strip. Les contrôleurs SOL et LOC peuvent par exemple partager la visualisation de l’e-strip d’un seul et même aéronef sur leur IHM Vigies-trips respective (un seul contrôleur en a cependant la responsabilité à un instant t). Ensuite, le support e-strip

ermet de créer une redondance des informations qui ne nt aujourd’hui radar. C’est le

as notamment des informations et des alarmes générées ar l’outil RIMCAS (cf. Figure 8).

ation ou une alarme qui est affichée directement sur l’e-strip. La prise en compte par le sys-

e à guider le pilote jusqu’à la piste. Cela doit induire une réelle

é évoqué par E. Page (cf. [6]), le principe d’alimenter le système avec les actions du

nce ou au contraire en retard sur son créneau. Dans ce cas, une information nt aux contrôleurs SOL et LOC sur le tem ou à faire gagner à l’aéronef er de se réinsérer

).

e construite par le LOC en récupérant les informations de la position rela-

considération les choix du contrôleur.

Un exemple est donné illustrant les échanges entre le DMAN et les IHM des contrôleurs dans le cas de la ges-tion d’un retard créneau (cf. Figure 10).

pso affichées que sur l’image cp

Figure 8 : Redondance des informations et des alarmes

De plus, la prise en compte par le système des actions du contrôleur (saisie de clairances effectuée via la zone de reconnaissance de gestes et récupérées par RIMCAS) doit permettre une meilleure anticipation d’une situation à risque. Par exemple, un aéronef au décollage débutant une accélération sur la piste peut être considérée comme une situation à risque si le système n’a pas détecté la clairance de décollage effectuée par le LOC (tracé du symbole T sur l’e-strip). RIMCAS traite cette donnée en association avec des données radar et génère le cas échéant une inform

tème des actions du contrôleur doit aussi grandement fa-voriser la gestion des éclairages au sol pour les barres d’arrêt (feux rouges régulant l’accès à la piste pour les mobiles au sol) .

A titre d’exemple, une autorisation d’alignement piste (saisie du geste « I » par le contrôleur LOC) enclenche l’activation du feu vert au niveau de la barre d’arrêt ainsi que l’allumage des éclairages au sol de manièr

amélioration dans le fonctionnement du système aéroport dans la mesure où toutes ces actions sont aujourd’hui effectuées sur des écrans différents et alourdissent considérablement la tâche du contrôleur.

La prise en compte des objectifs d’efficacité du trafic.Comme cela a ét

contrôleur SOL ou LOC est également avantageux pour des fonctions de l’Aéroport Avancé telles que des aides à l’optimisation de la séquence Départ et la gestion des créneaux CFMU.

A titre d’exemple, les clairances saisies par le contrôleur pour les aéronefs au Départ (sortie de parking, roulage) sont envoyées au DMAN. Cet outil est alors en mesure d’affiner l’estimée de décollage de chaque aéronef Départ sur la base de ces clairances et d’en informer en retour le contrôleur et la compagnie aérienne. Concrètement, il envoie au contrôleur prévol (qui gère les parkings) une heure optimisée pour la mise en route des aéronefs et au contrôleur SOL une heure optimisée pour leur faire quitter le parking. Ces mises à jour de l’estimée de décollage permettent également au DMAN d’informer les contrôleurs qu’un aéronef ayant un créneau CFMU sera éventuellement en ava

est fournie spécifiquemeps à faire perdre

pour permettre à ce dernidans son créneau de décollage (cf. Figure 9

Figure 9 : Information de temps à gagner

Pour l’optimisation de la séquence Départ, l’exploitation des actions du contrôleur par le système aéroport ne se limite pas aux annotations des e-strips. L’environnement Vigiestrips permet également de transmettre au DMAN les informations de la séquence global

tive de chaque e-strip dans la colonne des Départs du ta-bleau opérationnel. Le DMAN peut alors affiner réguliè-rement ses calculs de séquence globale en prenant en

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Figure 10 : Services DMAN

La compagnie aérienne Air France et les gestionnaires de parking, autres acteurs du système aéroportuaire de CDG, bénéficient eux aussi de la récupération temps réel des actions des contrôleurs SOL et LOC. En effet, les clairances de sortie de parking (repoussage concrétisé par la saisie d’un P sur l’e-strip), de décollage ou d’atterrissage (saisie d’un L sur l’e-strip) sont traitées par le DMAN et récupérées par l’outil CDM qui informe en retour les différents acteurs d’éventuels délais sur la disponibilité des parkings, les heures précises de sorties de parking, etc. Le partage de ces informations doit concourir à optimiser les allocations de parkings et donc à éviter l’encombrement des taxiways par des aéronefs en attente d’un parking.

LE PROCESSUS D’EVALUATION DE VIGIESTRIPS

Figure 11 : Démarche d’évaluation

Les étapes expérimentales Suite à l’étude terrain évoquée plus en avant dans cet ar-ticle, le processus d’évaluation de Vigiestrips s’est à ce

jour déroulé en deux étapes : deux séries de pre-expérimentations (small-scale experimentations) en 2004 et une expérimentation de validation complète (extensive experimentations) en 2005 ; ces étapes étant en confor-mité avec la méthodologie prônée par le comité de vali-dation de la DSNA – cf. [8] et [9]).

La première série de pre-expérimentations était centrée sur le thème de la manipulation des e-strips dans un es-pace défini (décalages, déplacements verticaux, horizon-taux, en biais…) et la deuxième série était centrée sur le thème de l’écriture sur e-strips (symboles ou mots). Les deux séries étaient bâties sur une logique de comparai-son : les sujets devaient effectuer une même série de pe-tits exercices alternativement sur un tableau de strips (strips papier) et sur Vigiestrips (e-strips). Chaque exer-cice était filmé et chronométré. Pour les deux séries, les résultats quantitatifs et objectifs se sont avérés être à l’avantage des strips papiers (les erreurs système dans la reconnaissance de symboles, les erreurs « humaine » dans l’exécution de la tâche et le temps mis pour effec-tuer l’exercice étaient supérieurs sur Vigiestrips) alors que les résultats subjectifs qualitatifs et quantitatifs (de-briefings, questionnaire incluant la notion de charge de travail perçue) étaient au contraire plus en faveur de Vi-giestrips (effet de séduction d’un environnement « high-tech », dialogues jugés naturels, sentiment d’un environ-nement propre et bien rangé à la fin de chaque exer-cice…).

L’analyse des résultats de ces pre-expérimentations, et plus particulièrement ceux défavorables à Vigiestrips (indicateurs quantitatifs objectifs), a permis aux expéri-mentateurs d’identifier un certain nombre d’axes d’améliorations dont les principaux sont cités en-suivant. Le type d’écran et la technologie utilisés ont été changés. Les écrans tactiles résistifs interdisant le double contact (le sujet ne peut pas appuyer sa main ou son avant bras sur l’écran lors de l’écriture) et présentant des limites di-verses (problèmes de parallaxes, nécessité d’exercer une pression assez forte sur le stylet) ont été remplacés par une technologie de type électromagnétique bien plus ap-propriée (pression du stylet minimisée et possibilité d’effectuer un double contact sur l’écran). Des éléments de conception de la maquette ont été modifiés afin de minimiser les temps de réponse de l’IHM, l’algorithme de reconnaissance de gestes a été optimisé par le biais d’une bibliothèque de symboles simplifiée, quelques fonctions IHM sensibles (sources d’erreurs dans leur mise en oeuvre) ont été améliorées. Field studies at CDG airport

(paper strips : advantages and drawbacks)

Input(dialogues devices, intuitiveness, naturality…)

HMI functions / working methods(intra and inter-positions)

Graphic design / Look and Feel

System tools (PRIMA, DMAN)

Small-scale Experimentations

Extensive Experimentations

Studies

Output(Feed-back / animations)

Field studies at CDG airport(paper strips : advantages and drawbacks)

Input(dialogues devices, intuitiveness, naturality…)

HMI functions / working methods(intra and inter-positions)

Graphic design / Look and Feel

System tools (PRIMA, DMAN)

Small-scale Experimentations

Extensive Experimentations

Studies

Output(Feed-back / animations)

Toutes ces évolutions ont été concrétisées pour la pre-mière expérimentation de validation complète qui a eu lieu entre avril et septembre 2005 (5 sessions de 3 jour-nées chacune). 10 contrôleurs de Roissy CDG ont parti-cipé à ces sessions (2 par session). Les deux positions SOL et LOC étaient simulées dans un environnement complet (visuel 3D de l’aéroport, scénarios variés com-

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portant différentes charges et configurations de trafic, présence de pilotes écho radar, liaisons téléphone et VHF, intégration du DMAN et de PRIMA, etc.). A ce stade, l’expérimentation n’était pas de nature compara-tive (pas de confrontation avec un environnement « Baseline » avec strips papier). L’environnement ré-aliste ainsi que la prise en compte croisée de nombreux indicateurs (thèmes sécurité et efficacité du trafic appréhendés par le biais d’indicateurs tels que la charge de travail perçue, le collectif de travail, les communica-tions, la mise en oeuvre de fonctions IHM spécifiques, etc.) ont cependant permis d’obtenir des résultats solides et étayés.

Les principaux résultats L’exploitation et l’analyse de l’ensemble des données recueillies par différentes sources (archivages informati-ques, enregistrements audio/vidéo, grilles d’observation, débriefings, questionnaires) ont permis de montrer que le concept Vigiestrips, associé à d’autres outils de contrôle (Vue extérieure, image radar, DMAN, PRIMA) répondait sur un plan individuel (SOL et LOC) comme sur un plan collectif (collaboration SOL-LOC) aux prin-cipales attentes opérationnelles du contrôle en tour à CDG (anticipation et organisation du trafic, prévention des incursions pistes, transferts et coordinations, gestion des traversées de pistes, etc.). La pertinence de certains choix techniques (interaction tactile) et conceptuels (par-tage des tâches homme-machine, logiques de manipula-tions des e-strips et d’écriture…) en ressort renforcée. A titre d’exemple, les figures ci-dessous (cf. Figure 12 et Figure 13) extraites des résultats des expérimentations, il-lustrent les avis des contrôleurs sur les évolutions par rapport aux strips papier en général et l’impact sur la sécurité des pistes en particulier.

Figure 12 : Comparaison e-strips / strips papier

Figure 13 : Sécurité des pistes

Une interrogation majeure persiste cependant au sujet de la reconnaissance de symboles par le système (saisie d’instructions). Son intérêt opérationnel (naturalité, aide à la mémorisation, clarté du feed back) a été parfaite-ment perçu par les contrôleurs mais les erreurs de recon-naissance résiduelles, même si elles ont fortement dimi-nué comparativement aux pre-expérimentations (35% d’erreurs pour certains symboles ramenés à moins de 5%) persistent. Or, il a été clairement observé qu’une seule erreur de reconnaissance pouvait avoir de lourdes conséquences sur la sécurité du contrôle (e.g. le LOC saisit un T pour l’autorisation de décollage d’un vol, le système ne reconnaît pas le symbole et ne l’affiche pas sur l’e-strip, le LOC peut donc quelques minutes plus tard oublier le fait qu’il a autorisé ce vol au décollage). La figure ci-dessous (cf. Figure 14) issue du traitement des données illustre ces réserves (position du curseur dans la partie « compromis actif »).

Figure 14 : Qualité de la reconnaissance de symboles

Des études complémentaires doivent donc être effec-tuées sur ce thème précis pour décider à terme de sa via-bilité dans l’activité de contrôle en tour. Il faut retenir au global que sur le fond, et malgré quelques réserves sur certains points IHM à améliorer, le concept Vigies-trips a recueilli l’adhésion de la totalité des contrôleurs ayant participé aux expérimentations. Ils demandent clai-rement que ce projet ait une suite concrète.

Principe des saisies de symboles (LOC)

y=-8 x=8

-28

0

28

-20 0 2

Utilité

Utili

sabi

lité

0

IHM adaptée mais fonctions inutiles

Fonctions utiles mais IHM inadaptée

Fonctions utiles et IHM adaptée

Fonctions inutiles et IHM

inadaptée

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CONCLUSIONLa phase de conception et la première étape de l’évaluation de l’IHM Vigiestrips est aujourd’hui termi-née. Les résultats issus de la campagne d’expérimentations menée avec des contrôleurs de CDG en 2005 (cf. [2]) valident le concept Vigiestrips ainsi qu’une majeure partie des choix IHM. De nouvelles éta-pes dans le processus d’évaluation doivent être fran-chies prochainement pour aller vers une implantation opérationnelle progressive. Un certain nombre de métri-ques devront être abordées (e.g. évolution de la criticité des alarmes générées, gains en capacité et fluidité de tra-fic …) pour quantifier précisément les différents gains par rapport aux strips papier, et illustrer de manière concrète les impacts de la mise en réseau de l’activité des contrôleurs (exploitation en temps réel par le sys-tème d’actes comme les saisies d’instructions sur les e-strips) sur la performance globale du système Aéroport Avancé.

Pour cela, différentes actions vont être entreprises, telles que l’organisation de nouvelles expérimentations com-plètes de type comparative (mesures des gains sur un plan sécurité et efficacité pour alimenter notamment des considérations de retours sur investissement) et l’installation de Vigiestrips en position miroir sur le site de CDG (connection au trafic réel et mise en réseau des données). Cette deuxième action aura plusieurs avanta-ges comme de permettre la confrontation de l’outil aux conditions réelles d’exploitation (utilisation dans la du-rée, ambiances lumineuses de la tour, aléas du quotidien comme le renversement de la tasse de café sur l’écran, simulations de pannes diverses, etc.) et de donner la possibilité à tous les contrôleurs de découvrir et de tester l’outil sur place.

Il s’agit au final, alors que le thème de « l’Homme dans la boucle » fait toujours débat dans le domaine du contrôle aérien (e.g. le concept de free flight est toujours vivace chez certains membres de la communauté aéro-nautique), de garder le contrôleur aérien au centre d’un système global participatif. Avec Vigiestrips, l’interopérabilité totale entre les différents acteurs (Compagnies, Centre de régulation CFMU, gestionnaires d’aéroports et contrôle aérien) peut être sérieusement envisagée.

Cette interopérabilité se traduira par une compréhension et une représentation partagée des différentes situations de trafic et des prises de décision concer-tées (renégociation participative des créneaux de décol-lages, répercussions rapides des modifications de pro-grammation compagnies sur les prévisions de charges de trafic,etc.). Là où aujourd’hui les différents acteurs ont des vues encore trop souvent cloisonnées (non coordon-nées et non mises en réseau), la mise en place d’interfaces communes et interactives ouvre la voie à un système intégré et à des prises de décisions dans le sens de l’intérêt global du système aéroport CDG et vers une efficacité optimale de l’ATC.

BIBLIOGRAPHY 1. Coullon, I. Garron, J. Pavet, D. Henry-Ducos, P.

Utilisation des strips papier par les contrôleurs de la Vigie Sud à Paris/LFPG – CENA/ICS/R00-010

2. Garron, J. Saladin étape 2 – Résultats d’expérimentations. SDER/NT05-340.

3. Gras, A. et al. Face à l’automate : le pilote, le contrôleur et l’ingénieur. Publications de la Sor-bonne, 1994.

4. Mackay, W. Is paper Safer ? The Role of paper Flight Strips in Air Traffic Control.ACM/Transactions on Computer-Human Interaction (2000) Vol. 6 (4), pp. 311-340

5. Mertz, C. Vinot, J.L. Chatty, S. Pushing the limits of ATC User Interface Design beyond S&M Interaction : the Digistrips experience – FAA/EECR&D seminar ATM 2000-Napoli.

6. Page, E. Laurent, T. Pavet, D. Departure manager for the Paris region – Revue technique de la DTI – DSNA – June 2005.

7. Pavet, P. et al. Use of paper strips by tower air traffic controllers and promises offered by new design technologies on user interface – USA/Europe R&D seminar ATM 2001-Santa-Fe.

8. Pavet, D. Comité Validation, Objectifs, Mandat – NT02-183

9. Chabrol, C. Guide pratique de la validation au CENA – CENA/ICS/NT03-043

10. De Beler, N. Mavern, F. Spécifications de la ma-quette HEGIAS 94 – CENA/ICS/R94-040

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Utilisation d’une Nouvelle Technologie de l’Information et la Communication – la préparation de commandes avec le

guidage vocal

Virginie Govaere et Jean-François Schouller INRS

Département Homme au travail BP 27

54701 Vandoeuvre cedex Email : [email protected]@inrs.fr

Email : [email protected]

RESUMECe travail s’inscrit dans une étude, menée par l’INRS, sur les effets de l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour la santé et la sécurité des opérateurs. L’intervention s’est déroulée dans le secteur de la logistique et a concerné l’activité de préparation de commandes. L’introduction du guidage vocal a permis à l’entreprise de réaliser des gains de productivité importants. Cependant, ce guidage semble contribuer à la diminution des marges de manœuvre des préparateurs du fait de l’organisation du cycle de préparation de commande en « pas à pas ». Malgré cette restriction sévère des marges, certains opérateurs parviennent à regagner d’autres espaces : réaliser des pronostics ou valider par anticipation ce qui va être commandé. Ces premières analyses ont permis de montrer que la principale modification introduite par le guidage vocal intervient plutôt sur la composante mentale de la tâche de préparation qu’au niveau de la pénibilité physique.

MOTS CLES Logistique, préparation de commandes, Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication, santé et sécurité

ABSTRACTThis study falls under a program of the INRS on the effects of the use of Information and Communication Technologies (ICT) for health and safety of the operators. The intervention took place in the logistics sector and was related to the activity of preparation of orders. The introduction of vocal guidance led to carry out important profits of productivity for the company. However, this guidance seems to contribute to the reduction in the margins of manoeuvre of the operators because of the cycle of preparation of order in “step by step”. In spite of this severe restriction of the margins, some operators manage to regain other spaces: to carry out predictions about task sequences or to validate by anticipation what will be ordered. These first analyses made it possible to show that the principal modification introduced by vocal guidance intervenes rather on the

mental component of the task of preparation that on the level of physical painfulness.

KEYWORDSICT, logistic, health and safety

INTRODUCTIONCe travail s’inscrit dans une étude, menée par l’INRS, sur les effets pour la santé et sécurité des opérateurs de l’utilisation des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC). Il répond également à une demande de la Caisse Régionale d’Assurance Maladie (CRAM) des Pays de la Loire et d’une entreprise qui souhaitent connaître les effets de l’utilisation du guidage vocal sur les préparateurs de commandes, en termes de santé et de sécurité. Les changements induits par l’innovation en matière d’information et de communication constituent un progrès pour l’entreprise et favorisent l’efficacité. Mais, comme toute introduction de nouveaux outils, ces technologies amènent des modifications dans la façon de travailler, dans les compétences à mettre en œuvre par les utilisateurs et probablement dans la façon dont l’entreprise toute entière organise son fonctionnement [6, 5, 7]. Ces nouvelles situations de travail peuvent conduire à une réduction de certains risques et/ou engendrer des risques nouveaux pour les opérateurs. L’étude présentée visait à mieux comprendre les modifications du travail liées à l’utilisation de ces NTIC afin de prévenir les éventuels risques professionnels. L’intervention s’est déroulée dans le secteur de la logistique. Ce secteur présente deux caractéristiques :

Un indice élevé de fréquence d’accidents de travail avec arrêt (1,75 fois supérieur à la moyenne nationale, tous CTN confondus),

Une transformation organisationnelle du secteur qui se traduit par l’intégration de technologies informatiques et de réseaux de communication dans l’ensemble des processus [1]. La logistique évolue des opérations d’entreposage ou liées au transport vers la notion de « supply chain » (« chaîne logistique »). Elle peut ainsi se définir comme « la technologie de la

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maîtrise des flux tout au long de la chaîne clients-fournisseur » [2].

Il existe actuellement peu d’études ergonomiques sur l’activité de préparation de commandes dans ce secteur. Le préparateur de commandes a pour mission principale la préparation matérielle des commandes à partir d’un bordereau ou d’un dispositif informatique portatif.

CONTEXTE DE L’INTERVENTION La plate-forme logistique sur laquelle nous sommes intervenus est orientée vers la grande distribution (hypermarchés et supermarchés). Elle comprend 150 salariés dont 60 préparateurs de commandes. Ces derniers se déplacent dans l’entrepôt (20 500m2) avec un chariot motorisé. Les préparateurs sont guidés dans la réalisation des commandes par un système de reconnaissance vocale (NTIC). L’introduction de cet outil a pour objectif de diminuer fortement le nombre d’inversions, suppressions ou ajouts de colis dans les commandes. Ainsi, un guidage pas à pas des préparateurs dans le déroulement et le contenu des opérations à réaliser est retenu dans le fonctionnement du système de guidage vocal. Ce choix induit un niveau de prescription très élevé pour les préparateurs (Figure 1).

Figure 1: Préparateur de commandes en cours de prélèvement de colis

Afin d’accéder à une compréhension de la situation de travail, nous avons procédé à l’analyse :

de la tâche à réaliser, du ressenti des préparateurs en termes de stress, de

fatigue, de satisfaction, des contraintes temporelles, mentales, hiérarchiques

qui pèsent sur le préparateur, du collectif de travail (constitution des équipes,

répartition du travail, du relationnel).

METHODOLOGIELe recueil des données d’analyse de l’activité a mis en oeuvre différentes méthodes :

Des observations directes et instrumentées (vidéo, audio et mesures physiques) quantifiaient l’activité des préparateurs de commandes. 10 préparateurs ont participé à cette phase d’enregistrement et ont été sélectionnés sur des critères d’âge, d’ancienneté et de volontariat. L’enregistrement comprenait la réalisation de plusieurs commandes. Des données audio, relatives aux échanges entre le système de guidage vocal et les préparateurs, ont également été recueillies.

Des entretiens libres ont été conduits pour comprendre le fonctionnement de la plate-forme ainsi

que des entretiens semi-dirigés pour saisir le ressenti des préparateurs de commandes.

Des auto confrontations amenaient les préparateurs à réagir à différentes séquences filmées de leur activité. Tous les préparateurs y ont participé. Il s’agissait de tenter d’accéder aux représentations et stratégies mises en œuvre par les préparateurs dans leur travail.

Un questionnaire, comportant 20 questions réparties en quatre thèmes : fatigue physique, fatigue nerveuse, fatigue auditive et satisfaction au travail a été soumis à 24 préparateurs, en une passation au milieu de la semaine. Les préparateurs étaient volontaires et leur répartition respectait les critères d’âge et d’ancienneté établis pour l’intervention.

Une évaluation subjective de la fatigue physique sur une journée de travail a été soumise à 24 préparateurs. Le principe de l’échelle de Borg [3, 4] a été retenu. Celle-ci consiste à demander à l’opérateur, au cours de son activité, d’évaluer la fatigue ressentie au niveau d’un segment musculaire sur une échelle en dix points. Cette évaluation a porté sur 8 segments : le cou, le dos, les avant-bras gauche et droit, les bras gauche et droit, les jambes gauche et droite. Six passations ont été effectuées : à la prise de poste (8h00-8h30), avant la pause du matin (9h45), avant la coupure du matin (11h45), à la reprise après la coupure (13h15), avant la pause de l’après-midi (14h45) et en fin de poste (16h15).

RESULTATS L’analyse de l’activité donne des informations quantitatives et qualitatives sur le déroulement et le contenu du travail. Les préparateurs de commandes se déplacent dans les allées de l’entrepôt (Figure 2), constituent une commande ou une palette, déposent celle-ci sur le quai d’expédition. Il arrive que des déplacements en chariot soient interrompus par des encombrements ou des circulations dans les allées. Les emplacements des colis peuvent également ne pas être approvisionnés. Dans ces deux situations, l’activité est suspendue.

Figure 2 : L’entrepôt et une allée

Analyse de l’activité : une activité segmentée, brève et répétitive Nous avons découpé l’activité des préparateurs de commandes en sous activités : arrêt sur chariot, attente de ré-approvisionnement en colis des emplacements

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(picking), déplacement avec le chariot, réalisation de palette et catégorie « autre » (opérations telles que l’édition d’étiquettes, la prise de palette, la dépose de la palette sur le quai d’expédition, les dysfonctionnement important de la communication avec la vocale). On considère que chaque sous-activité se termine lorsqu’une autre commence. Répartition temporelle des sous-activités Le tableau 1 montre que la répartition temporelle des sous-activités pour les 10 préparateurs se décompose de la manière suivante :

50% du temps est consacré à la réalisation de la palette elle-même,

43% du temps d’activité se passe en déplacement avec le chariot,

un temps résiduel (7%) est alloué à des sous-activités annexes : arrêt sur chariot (3%), attente de ré-approvisionnement du picking (1%) et catégorie « autre » (3%).

Durée en% Fréquence en %

Arrêt sur chariot 3% 5%

Attente colis 1% 4%Déplacement sur

chariot 43% 43%

Réalisation de la palette 50% 40%

Autre 3% 8%Tableau 1: Répartition des sous-activités en pourcentage de

fréquence et en durée (10 préparateurs)

Ces données illustrent également les différences entre répartition temporelle et fréquentielle. Certaines sous-activités sont répétées fréquemment avec des durées très brèves : les activités annexes, par exemple (arrêt, attente, autre), représentent 17% des événements enregistrés alors que leur durée n’est que de 7% du temps total d’enregistrement. Ceci exprime une segmentation de l’activité des préparateurs illustrée par la Figure 3. Celle-ci montre la brièveté de chaque sous-activité (chaque symbole correspond à 2 secondes) et leur enchaînement temporel. Plusieurs opérations très brèves en parallèle La sous-activité « réalisation de palette » (Figure 4) peut également inclure plusieurs opérations (le filmage de la palette, une ou plusieurs prises de colis, des arrangements de colis…). Si l’on considère l’opération de prise-dépose, on observe qu’elle dure en moyenne 12 secondes pour l’ensemble des préparateurs et nécessite la succession d’étapes suivantes :

déplacement à pied (du chariot vers le « picking »), saisie du (ou des) colis à prélever (éventuellement

une station penchée), retour à pied vers les fourches du chariot, dépose du (ou des) colis sur la palette posée sur les

fourches (éventuellement station penchée),

déplacement à pied vers le poste de conduite et départ avec le chariot ou déplacement vers un autre lieu de prélèvement de colis.

0 20 40 60 80

Durée en secondes

Deplacement avec chariot Réalisation de la paletteAttente de colis AutreArrêt sur chariot

Sous-activités

Figure 3 : Illustration de 80 secondes d’enchaînement de sous activités pour un préparateur (n°10) (extrait des observations

instrumentées)

Analyse du Système Technique : le guidage vocal Architecture et fonctionnement technique du système vocal Le système vocal dispose d’un vocabulaire limité de phrases et de fonctions enregistrées. Ce système repose sur des technologies de reconnaissance vocale mono locuteur. L’empreinte vocale réalisée par les préparateurs est réalisée en situation réelle de travail. Elle se compose des 40 mots utilisés (chiffres de 0 à 9 et les fonctions utilisables). Le taux d’erreurs du système (absence de traitement du message, traitement erroné) est faible (6%). Le guidage est assuré par un « talkman » et le logiciel de gestion d’entrepôt AS400.

Figure 4 : Deux opérations de réalisation de palette

Le talkman (Figure 5) est un boîtier porté à la ceinture du préparateur. Ce boîtier est composé d’un casque et d’un micro qui assurent les échanges entre le préparateur et le système vocal. Il permet de régler l’intensité et la vitesse d’élocution des messages émis par le système de guidage vocal.

Figure 5 : Le talkman

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En début de commande, le préparateur active le talkman qui se connecte par voie radio au logiciel d’entrepôt. La commande est alors chargée sur le talkman. En cours de commande, le déroulement normal des échanges est le suivant :

le système fournit l’adresse à laquelle le préparateur doit se rendre pour prélever des colis (l’adresse contient une indication de zone et un numéro d’allée ; voir les deux premières lignes de l’échange en Figure 6),

le préparateur valide cette adresse (ligne 3, Figure 6)en donnant un code de validation (code détrompeur spécifique à chaque adresse),

la validation de l’adresse donne accès aux quantités de colis à prélever à cette adresse (ligne 4, Figure 6),

le préparateur prélève le nombre de colis indiqué par le système et valide le prélèvement en rappelant la quantité prélevée (ligne 4, Figure 6),

l’adresse suivante est fournie au préparateur (toutes les informations de zone, allée, emplacement, niveau sont indiquées sur une étiquette positionnée à chaque emplacement).

OKZone Alpha

1…0Emplacement 231 niveau 0

2 OKPrenez 2 colis9…3 (code détrompeur)Emplacement 108

OKAllée 11

PREPARATEURTALKMAN

Figure 6 : Exemple d’échanges entre le talkman et un préparateur pendant la réalisation d'une commande

Exposition aux émissions sonores du système de guidage Pour évaluer l’exposition des préparateurs au système vocal sur une journée de travail de 7 heures, nous avons considéré que le système fonctionnait et émettait de manière identique pour l’ensemble des 10 préparateurs. Nous avons envisagé les 12 heures d’enregistrement obtenus lors de notre intervention comme un flux continu uniforme. Nous avons appliqué ensuite une règle de proportionnalité. Par exemple, on considère que si en 12 heures, le nombre de message émis par le guidage vocal est de 1200, il sera de 700 sur 7 heures de travail. Ce mode de calcul a permis de montrer que les émissions du système vocal représentaient 37 minutes et 47 secondes sur 7 heures de travail, soit moins de 9% du temps. Durant ce temps, le système est intervenu 2954 fois et les interventions ont duré en moyenne 0,8 secondes. Les interventions du système ont consisté en des indications d’adresses et de quantités de colis (62%) et ont été majoritairement émises durant la phase de « réalisation de palette » (64%). Ces interventions se déroulaient dans un environnement sonore perturbé :

bruit du moteur du chariot, bruit de la dépose de la palette sur les fourches du chariot, circulation des chariots, filmage de la palette, présence des autres préparateurs. Cet environnement sonore induit des interprétations erronées du système qui peut considérer ce bruit comme un message du préparateur. Performances avec l’utilisation du système vocal Globalement, les objectifs de l’entreprise liés à l’introduction du guidage vocal sont remplis. Une augmentation de 15% de la productivité de l’entreprise a été enregistrée entre juin 2003 et juin 2004. Ce gain a été renforcé par une diminution du nombre d’inversions, de suppressions ou d’ajouts de colis dans les commandes. Avant l’introduction du guidage vocal, les erreurs de préparation correspondaient à 0,8% des colis préparés. Elles représentent actuellement seulement 0,16%.

Effets de l’utilisation de la vocale sur les préparateurs L’augmentation de la production est également vécue comme un point positif par les préparateurs de commandes. En effet, la prime de rendement peut atteindre 1/3 de leur salaire. Cette augmentation de la production correspond, en moyenne, à une augmentation de 25 colis par heure et par préparateur. Cependant, il existe également un coût humain lié à l’utilisation de la vocale, que nous avons pu estimer grâce aux questionnaires, aux évaluations subjectives (24 préparateurs) et aux auto-confrontations (10 préparateurs). Fatigue physique La majorité des 24 préparateurs considère que l’utilisation du guidage vocal n’a pas modifié leur appréciation de la fatigue physique. Pourtant, on note que 17% des préparateurs estiment que leur fatigue physique est plus importante depuis l’introduction du guidage vocal, alors que seulement 8% des préparateurs considèrent qu’elle est moins importante du fait de la suppression de tâches liées à l’étiquetage des colis, au port et au maniement du listing. Même si la fatigue physique déclarée reste majoritairement inchangée depuis l’utilisation du guidage vocal, les évaluations subjectives des 24 préparateurs montrent que cette fatigue existe. Les résultats indiquent que 66% des préparateurs ressentent une fatigue, au moins modérée, dans le dos et les jambes en fin de poste. Les critères d’âge et d’ancienneté apparaissent peu discriminants en ce qui concerne cette évaluation et ceci, quelles que soient les parties du corps concernées. Nous avons analysé les données d’évaluation subjective en fonction d’un critère de productivité individuelle en classant les 24 préparateurs selon leur rendement. Deux groupes de mêmes effectifs ont été établis :

un groupe qualifié par une « forte » productivité (209 colis par heure en moyenne),

un groupe qualifié par une « faible » productivité (167,4 colis par heure en moyenne).

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La productivité standard dans l’entreprise étant de 175 colis par heure et par préparateur, on peut considérer que le premier groupe a une productivité moyenne supérieure de 20% au standard alors que le second groupe a une productivité moyenne inférieure de 4%. 66% des préparateurs du groupe 1 ressentent une fatigue au moins modérée dans le cou, alors que tous les préparateurs du groupe 2 déclarent ressentir peu de fatigue physique. Fatigue nerveuse Les réponses au questionnaire (24 préparateurs) montrent que 64% des préparateurs (Figure 7) estiment que les efforts attentionnels nécessaires à la réalisation de leur travail ont augmenté depuis l’utilisation du guidage vocal. Les données d’auto confrontations indiquent que ces efforts attentionnels porteraient essentiellement sur la nécessité de mettre en place des stratégies de régulation et d’anticipation.

Figure 7 : Répartition des réponses des 24 préparateurs au questionnaire à la question « Pensez-vous que votre travail demande de l'attention depuis la mise en place du guidage

vocal? »

Représentation de la tâche Un guidage « pas à pas » ne permet pas aux préparateurs de se constituer une représentation globale de la commande. Par exemple, ils ne peuvent prévoir la constitution de cette commande : est-elle composée de beaucoup de colis de même forme ? Les derniers colis sont-ils volumineux ou lourds ? Sans ces informations, les préparateurs sont contraints de réorganiser leur palette (10% du temps total de réalisation des palettes des 10 préparateurs). Cette réorganisation constitue un élément de régulation corrective de l’activité (rétablir une stabilité défaillante) et (ou) anticipatrice (préparer la palette à recevoir le colis). Les échanges et leurs traitements La gestion des consignes données par la vocale se fait en parallèle aux autres opérations. Le guidage vocal contraint les préparateurs à être attentifs aux messages car ceux-ci sont brefs. Les préparateurs se dispensent de parler à leurs collègues pour éviter un dysfonctionnement du système. En effet, toute parole du préparateur est considérée comme un signal devant être interprété par le système. Ainsi, des interventions comme « Bonjour » ou « Ça va Seb. ? » sont interprétés par le système comme « Retour » ou « 1…7 ». L’analyse du questionnaire montre que 84% des préparateurs

estiment que la communication entre préparateurs s’est détériorée depuis l’utilisation de la vocale. A l’attention nécessaire pour comprendre les messages et au nombre limité des communications avec les collègues, s’ajoutent des difficultés dans les échanges entre préparateurs et système vocal. L’analyse des échanges montre que sur une journée de 7 heures (voir la méthode de calcul utilisée dans le paragraphe Expositionaux émissions sonores du système de guidage), les erreurs ou difficultés suivantes ont été détectées :

195 erreurs de perception par le système de guidage (6% des émissions du système de guidage),

82 demandes de répétition des instructions par le préparateur (moins de 3% des émissions des préparateurs),

24 difficultés de chargement de la commande sur le talkman,

468 signaux d’interférence (Bip) émis par le système.

Le taux d’erreurs de compréhension par le système de guidage vocal est cependant faible (6% soit 2 minutes 30 cumulées sur une journée de travail et l’ensemble des préparateurs) compte tenu de l’environnement bruité dans lequel évoluent les préparateurs. Irritabilité et plaintes Les entretiens et les auto-confrontations établissent que les 10 préparateurs considèrent les erreurs comme pénibles et irritantes, car ils estiment que leur travail est de préparer les commandes et non de récupérer les dysfonctionnements du guidage vocal (Figure 8). Cette irritabilité est également rapportée dans le questionnaire : 40% des 24 préparateurs déclarent être fréquemment irritable en fin de journée de travail (soit plusieurs fois par semaine).

« Il y a des gens qu’on pense être super calme et depuis la vocale, ils sont vachement à cran. Ça irrite d’avoir cette vocale : on a un rendement à faire et si la vocale ne comprend pas, qu’il faut répéter 10 fois alors qu’avant on s’est dépêché pour gagner du temps et qu’on est en train de tout perdre. Nous on dit le bon truc et elle ne comprend pas. Au bout d’un moment ... c’est fatiguant. »

Figure 8 : Extrait de l’auto confrontation d’un préparateur

Une gestion contrainte Les problèmes de niveau sonore ambiant ou d’identification des préparateurs par le système vocal obligent le préparateur à lancer une procédure de mesure du bruit de fond ou d’enregistrement de l’empreinte vocale en cours de commande. Ces procédures sont brèves (quelques secondes) mais ces quelques secondes contribuent à l’irritabilité des préparateurs, car elles sont considérées comme des pertes de temps subies. Le préparateur est forcé de réaliser ces procédures sous peine de devoir répéter plusieurs fois les mêmes données pour une prise en compte par le système.

un peu plus58%

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Une gestion anticipative Afin de réduire les dysfonctionnements, les préparateurs limitent leurs communications avec les collègues et utilisent différentes stratégies d’échange avec le guidage vocal :

ils éteignent le talkman lors du déplacement avec le chariot ou du filmage de la palette (66 extinctions pour les 10 préparateurs sur une journée de travail) afin d’empêcher toutes perturbations sonores du système de guidage,

ils utilisent la fonction « Répéter » après, ou durant, un événement potentiellement perturbant pour le système vocal (185 répétitions pour les 10 préparateurs sur une journée de travail). Cette fonction permet de relancer la dernière information fournie par le système et ainsi, d’initialiser la réponse du préparateur. Cette fonction est détournée de son rôle initial. Les erreurs ou dysfonctionnements sont considérés comme suffisamment pénalisants pour que les préparateurs mettent en place des moyens d’éviter ces perturbations en détournant le fonctionnement prévu.

CONCLUSION ET DISCUSSION Ce travail a montré que l’activité de préparation de commandes était composée d’une succession de sous-activités et d’opérations fréquentes et très brèves. L’activité du préparateur est donc une activité plus segmentée que l’on pouvait le penser a priori. Avec l’introduction du guidage vocal, l’entreprise et les préparateurs ont réalisé des gains de productivité importants. Cette productivité accrue contribue probablement à la brièveté et la segmentation des opérations que nous avons observées. Toutefois, l’intensification de ces opérations du fait de leur brièveté pourrait également découler d’un aménagement différent du temps choisi par les préparateurs ou contraint par la nouvelle organisation (une étude comparative est en cours. Elle vise à comparer la préparation de commandes avec et sans guidage vocal). L’accroissement de la productivité nous a conduits à nous intéresser au coût physique et mental de l’utilisation du guidage vocal. Sur le plan physique, il faut rappeler que la préparation de commandes est une activité de manutention. Celle-ci engendre donc des sollicitations physiques, qu’il y ait ou non recours au guidage vocal. Globalement, depuis l’introduction de ce guidage, les efforts physiques fournis ont peu évolué. Néanmoins, les résultats concernant les relations entre fatigue musculaire et productivité des préparateurs sont intéressants. Ils montrent qu’une productivité importante amène à ressentir la fatigue de façon plus marquée qu’avec une productivité faible. Ceci est clair sur les parties du corps fortement sollicitées par l’activité physique : cou, jambes et dos. Ce constat n’est pas original, mais semble indiquer que le niveau de productivité des préparateurs influe sur le ressenti de la fatigue musculaire. Cette question est d’autant plus importante que le guidage vocal accompagne une augmentation de la productivité. Il est à souligner que

l’entreprise a constaté cette augmentation et a souhaité l’encadrer en plafonnant la prime de rendement des préparateurs. La prime de rendement n’augmente plus au delà de 240 colis par heure et par préparateur. Les transformations introduites par l’utilisation du guidage vocal apparaissent importantes au niveau mental pour les préparateurs. Celles-ci sont de plusieurs types :

gestion en parallèle des messages émis par la vocale et d’autres opérations,

exigences d’attention aux messages de la vocale car ceux-ci sont brefs,

mise en place de procédures de gestion des échanges avec le système, adaptées au niveau sonore ambiant et à l’identification des préparateurs par le système vocal,

limitation des échanges verbaux entre préparateurs liée aux risques de mauvaises interprétations par le système,

absence ou insuffisance d’informations qui contribuent à construire une vision globale de la commande.

Ces exigences et contraintes apparaissent subies par les préparateurs. Elles sont considérées également comme consommatrices de temps et d’attention. Afin de compenser l’insuffisance d’information permettant d’avoir une vision de la commande, les préparateurs mettent en place des stratégies de régulation basées sur différentes hypothèses :

Hypothèses issues de connaissances générales sur : Le fonctionnement global et habituel de

l’entrepôt. Par exemple : les commandes du mercredi matin sont d’un certain type ; la commande en cours devrait s’en approcher,

La constitution des commandes de la journée. Par exemple : depuis deux heures, toutes les commandes commencent dans l’allée 6 et se terminent dans l’allée 19. Les parcours suivants dans les allées et les prises de colis ont des chances d’être du même type,

La connaissance du client. Par exemple : ce client fait habituellement des commandes d’un certain type de produits en grande quantité ; il faut donc prévoir de la place sur la palette pour ce type de colis,

Hypothèses élaborées à partir de l’état d’avancement de la commande : les colis de cette commande sont demandés en multiples ou les colis se répartissent dans des allées distantes, les prises de colis devraient donc se dérouler selon le même schéma par la suite,

Hypothèses élaborées à partir des derniers colis prélevés.

Les stratégies d’anticipation mises en œuvre consistent à valider à l’avance certaines des informations et consignes données par le guidage vocal. Ainsi, les préparateurs peuvent valider jusqu’à 3 emplacements d’avance. Cette validation anticipée semble efficace, mais risquée et coûteuse. En effet, elle permet au préparateur d’optimiser le positionnement des colis sur la palette (stabilité), le circuit de déplacement avec le chariot et d’assurer un rendement individuel élevé. Mais, elle augmente les risques d’erreurs dans les prises de

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colis ainsi que la charge de travail. En effet, une mémorisation est nécessaire, et cette stratégie contribue à supprimer les possibilités de récupérer ces informations en cas d’oubli. Le coût élevé de la stratégie est évident pour les préparateurs puisqu’ils ne la mettent en place que lorsqu’ils se considèrent en forme et très concentrés (Figure 9). « Les anticipations même d’un ou deux codes ; un matin crevé, non, ou un vendredi après midi, non plus, mais sinon…. Il faut quand même que ce soit des jours de forme ».

Figure 9 Extrait de l’auto confrontation d’un préparateur

Cette stratégie est cependant reconnue par les préparateurs pour les gains qu’elle apporte au niveau :

de la production, donc de la prime de rendement, du ressenti (fatigue, satisfaction au travail).

Elle contribue également à donner aux préparateurs l’impression d’une certaine autonomie par rapport au système de guidage. Les préparateurs ont quelques fois le sentiment d’être des automates qui suivent le système vocal. En prenant le système de vitesse, ils ressentent une satisfaction à tricher avec la machine et ont ainsi l’impression de retrouver un peu d’humanité. D’autres préparateurs utilisent cette stratégie pour s’aménager des temps de pause supplémentaires tout en conservant un rendement acceptable. Lors de nos premières interventions dans l’entreprise, fin 2004 (soit moins d’un an après l’introduction de la vocale), les préparateurs exprimaient, dans les entretiens et observations libres, une satisfaction évidente à l’utilisation du guidage vocal. Ils indiquaient que celui-ci leur permettait d’augmenter leur productivité ainsi que de faciliter la manutention des colis (plus de listing à consulter ou à porter…). La perception de l’utilisation du guidage vocal s’est fortement dégradée avec le temps comme le montrent les résultats présentés. La CRAM Rhône-Alpes mène actuellement un travail sur ce même sujet de prévention et a mis en évidence des résultats proches de ceux obtenus fin 2004. Le « turn over » des préparateurs en région Rhône-Alpes est cependant plus important. Ils restent dans ces entreprises moins d’une année, ce qui correspond à la durée d’exposition de nos préparateurs à la fin 2004. La durée d’exposition au système de guidage semblerait être un élément important dans la dégradation du ressenti des opérateurs.

PERSPECTIVESDes restitutions intermédiaires, réalisées auprès de l’entreprise et de la CRAM des Pays de la Loire, ont permis de suggérer quelques pistes de prévention :

Des améliorations technique du système de guidage vocal sont à envisager afin d’améliorer les échanges entre le préparateur et le système, et de limiter les erreurs ou difficultés de compréhension.

Les agencements des zones de prélèvement des colis ou l’utilisation de chariots à fourches mobiles (fourches positionnables à la hauteur de la dépose des colis) pourraient être considérés afin de limiter les efforts

physiques de prise-dépose des colis. La mise en place de racks dynamiques, par exemple, permettrait aux préparateurs de prélever les colis en bord de palette et limiterait ainsi les contorsions ou postures éprouvantes.

Une réflexion sur l’organisation de la production est à étudier afin de fournir aux préparateurs des moyens de réguler leur activité (par exemple, des informations sur la constitution de la palette, l’allée de fin de commande, indication et la localisation des colis volumineux ou en grande quantité).

Ce travail nous a permis d’accéder à un premier niveau de compréhension des effets de l’utilisation du guidage vocal sur l’activité des préparateurs de commandes. Une étude comparative reprenant la même méthodologie et les mêmes outils d’analyse est actuellement en cours sur la même tâche réalisée sans guidage vocal. Elle devrait amener des résultats complémentaires sur la segmentation des opérations et leur brièveté, la fatigue nerveuse et physique, et la mise en place de la représentation de la commande.

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Démarche centrée utilisateur, intégrée dans la concep-tion d'un DEmonstrateur de Vision INdirecte (DEVIN)

Laurence KUJAWA

Giat IndustriesDirection Technique Systèmes

11, allée des Marronniers 78022 Versailles [email protected]

RESUMEDepuis plusieurs années, Giat industries conçoit des dé-monstrateurs technologiques, dans le but de préparer,notamment au profit de la DGA (Délégation Généralepour l'Armement), les futurs véhicules terrestres militai-res. Un des principaux objectifs dans la conception desblindés futurs est l'augmentation de la protection desmembres d'équipage tout en maintenant les performan-ces du système. Une solution "prometteuse" est la délo-calisation des postes opérateurs, actuellement situés entourelle, vers des postes en châssis. Cette solution im-pacte fortement les futurs utilisateurs en termes de réor-ganisation de l'activité, modification des contraintes etexigences de la tâche… Ces problématiques sont appré-hendées dès les phases amont du projet DEVIN en posi-tionnant, dans l'équipe intégrée, un ergonome responsa-ble de la prise en compte des aspects facteurs humains.Cet article a pour objectif de montrer comment les as-pects facteurs humains sont intégrés dans le projetDEVIN. Il précise notamment les types d'études, les ré-sultats obtenus et les résultats attendus quant à l'évalua-tion avec les utilisateurs finaux de la solution préconisée,au regard des objectifs techniques de l'étude qui consis-tent à valider de nouveaux principes de conception despostes opérateurs de véhicule blindé.

MOTS CLES : Démarche centrée utilisateur, processusde conception, démonstrateur technologique, évaluationde poste équipage, DEVIN.

ABSTRACTDuring the past few years, Giat Industries is integratedinto the conception of several technology demonstrationprograms mainly for the French defence procurementagency (DGA). The main aim is to prepare the futurearmoured vehicles. One of the most challenging issues,is to obtain an optimal crew protection while maintain-ing performances. A promising solution is to confine thecrew inside the hull. This solution is really significantand involves crew activity of military system, and theirway of work in terms of : evolution of tasks, require-ments and constraints of realisation, capabilities and lim-its of the human operator, new solutions of HMI. Thesequestions are taken into account by "user-centred" meth-

odology, applied by human factors experts of the GiatIndustries company. This paper describes this methodol-ogy and gives an illustration of Human Factors Engi-neering (HFE) : processing ergonomic conception,methodological framework for collecting and analysisdata, human factors documentation …

KEYWORDS : User-centred approach, design process,man-machine interface new solutions, tasks organisationevolution, crew members station, DEVIN.

INTRODUCTIONDans le cadre des programmes militaires terrestres fu-turs, les groupements étatiques, ainsi que les industrielsde l'armement terrestre, mènent des réflexionscomplémentaires et conjointes sur l'évolution del'architecture des plates-formes militaires terrestres. Cesréflexions sont la conséquence des besoins exprimés entermes de protection de l'équipage face à des menaces deplus en plus agressives, de réduction de masse desvéhicules afin d'assurer l'aérotransportabilité, ainsi quede furtivité des silhouettes dans un souci de nondétection par des systèmes adverses.

A l'heure actuelle, une plate-forme militaire terrestre esttraditionnellement composée de deux parties complé-mentaires (voir la figure 1): un châssis dans lequel setrouve un opérateur (le pilote) et une tourelle orientablesur 360°, à l'intérieur de laquelle travaillent en binômeun chef et un opérateur tourelle. En réponse aux besoinsexprimés par les instances étatiques, Giat Industries esten charge d'étudier, un nouveau véhicule basé sur leconcept de tourelle inhabitée (voir la figure 1). Ceconcept implique notamment :

- une délocalisation des opérateurs actuellement situésen tourelle (le binôme chef / opérateur tourelle) versdes postes situés en châssis,

- une téléopération de la tourelle par les opérateurs de-puis le châssis,

- une perte de la vision directe habituellement utiliséepar les opérateurs en tourelle, avec une remise encause des moyens de vision habituels (occultationdes épiscopes),

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- une nouvelle allocation de tâches au sein de l'équi-page,

- l'intégration de nouvelles habitudes de travail asso-ciées à l'utilisation de certaines technologies plus oumoins maîtrisées par les opérationnels.

Figure 1 : Architecture classique vs tourelle inhabitée

La finalité de ce projet est la réalisation d'un démonstra-teur technologique (DEVIN – DEmonstrateur de VisionINdirecte) qui a trois objectifs principaux : 1/ identifierune architecture de perception permettant d'assurer lesfonctions liées à l'observation, pour un équipage déloca-lisé en châssis, 2/ vérifier que les performances de cesfonctions sont suffisantes pour rendre le concept déportétechniquement pertinent et opérationnellement viabl, et3/ évaluer les conséquences physiologiques et cognitivesde la délocalisation sur les membres d'équipage. Au re-gard des problématiques énoncées, trois axes d'étudesd'ergonomie sont proposés:

- axe 1 : impact de la délocalisation des opérateurs dela tourelle vers le châssis,

- axe 2 : intégration de nouvelles fonctionnalités et as-sistances à l'opérateur,

- axe 3 : redéfinition des IHM.

Rappel sur la fonction perception / observationPour les opérateurs de systèmes militaires terrestres, ob-server consiste à surveiller l'environnement extérieur envue :

- de détecter, reconnaître et identifier la présence d'ob-jets et d’agressions extérieures,

- d'appréhender l’environnement général du compar-timent de terrain et du système afin de pouvoir se si-tuer par rapport aux amis et aux éléments remarqua-bles du terrain (routes, bâtiments, végétation....), dé-cider et coordonner les actions, diriger le déplace-ment du véhicule, assurer la navigation, prendre lesdécisions de commandement.

L'environnement observé par les opérateurs se distinguede par sa profondeur : un environnement proche (appré-hension de l'environnement immédiat) et un environne-ment lointain (détection de menaces et d'objets exté-rieurs). Ces tâches sont à réaliser sur un secteur de 360°,à site horizontal variable, en quasi instantané, dans unenvironnement varié, notamment urbain. Actuellement,ces tâches sont réalisées par l’intermédiaire de moyensoptiques classiques (épiscopes de grossissement 1). Pourun système militaire terrestre, la perception représenteune capacité fondamentale du système (Réf. [3] et [6]).

Délocalisation des opérateursLa délocalisation des opérateurs de la tourelle vers lechâssis permet d'augmenter et d'améliorer les échangeset le partage d'informations au sein de l'équipage. Parcontre, il devient impossible de conserver une vision di-recte optimale sur l'environnement extérieur. Cette limi-tation a des conséquences physiologiques et cognitivesnon négligeables sur la perte de référence des opérateurspar rapport à l'environnement proche dans lequel le vé-hicule évolue.

La première problématique traitée au cours de cetteétude est l'impact de l'intégration de moyens de visionindirecte sur la tâche d'observation des opérateurs. En ef-fet, il s’agit d’une évolution importante de la mise enoeuvre de cette fonction qui ait apparaître certainescontraintes dimensionnantes qu’il est nécessaire deconsidérer lors de la définition des interfaces opérateurs,afin d’en réduire les effets négatifs sur l’efficacité opéra-tionnelle du véhicule (et / ou sur la mise en oeuvre deces fonctionnalités). Il s'agit, pour les opérateurs habi-tuellement localisés en tourelle, d'une totale remise encause de leurs habitudes de travail et des moyens utiliséspour l'acquisition de l'information extérieure (exemples :la perte de la voie directe optique utilisée pourl’observation, la détection et la reconnaissance d'objetsextérieurs, la perte de la sensation du mouvement del’arme en tourelle…).

Intégration de nouvelles fonctionnalitésL'intégration de toute nouvelle fonctionnalité au seind'un système militaire terrestre impacte fortement l'acti-vité des opérateurs au sein du véhicule. En effet, cesnouvelles tâches insérées en plus de leur activité connueet maîtrisée viennent solliciter l'attention des opérateurs.Ces évolutions se traduisent le plus souvent par une re-

Opérateurs en tourelle

Tous les opérateurs en châssis

Architecture classique

Concept de tourelle inhabitée

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mise en cause de l’organisation classique des fonctionsoù le partage des rôles entre la composante technique etla composante humaine était jusqu’alors clairement maî-trisé.

La seconde problématique traitée au cours de cette étudeest une réflexion sur une nouvelle répartition des tâchesentre les binômes "Chef x Opérateur tourelle" d'une partet "Système x Opérateurs" d'autre part. En effet, la priseen compte de nouvelles fonctionnalités introduit une ré-flexion sur l'intégration possible de nombreuses aides etassistances permettant d'améliorer l'efficacité du couplehomme-machine. Ces réflexions portent notamment surle niveau d'assistance à mettre en œuvre et tentent de ré-pondre à la question suivante : Quelle place doit occuperl'opérateur dans la mise en œuvre de son système et / oudans les prises de décision ?

Redéfinition des IHMLes innovations relatives aux dispositifs de saisie etd’accès à l’information, aux systèmes d’aide à la déci-sion, sont autant de moyens susceptibles de contribuer àla définition de nouvelles architectures de postes opéra-teurs. Par contre, l'introduction d’équipements non en-core banalisés dans un environnement blindé, commepar exemple un écran classique et / ou tactile, peut en-traîner des difficultés dans leur mise en œuvre par lesopérationnels.

La troisième problématique traitée au cours de cetteétude est l'impact de l'intégration d'équipements identi-fiés comme novateurs par les opérateurs actuels de véhi-cules blindés. Leur intégration peut entraîner des modifi-cations importantes dans la façon dont les opérateursvont réaliser leur activité (la finalité de l'activité resteidentique, par contre les moyens et la procédure d'utilisa-tion pour arriver à cette finalité sont profondément modi-fiés).

INTEGRATION DES FACTEURS HUMAINSAvant de présenter les résultats de l'intervention ergo-nomique appliquée pour répondre aux problématiquesdu projet DEVIN, il est intéressant de montrer commentles aspects facteurs humains sont intégrés dans le pro-cessus général de conception des systèmes militaires ter-restres de Giat Industries.

Processus Etudes et Développement (ProcessusE&D)La démarche de conception industrielle suit un processusgénéral d'études et de développement mis en place ausein de Giat Industries (voir la figure 2). Ce processusest jalonné de points de rencontre (revues) permettant àchaque acteur du projet de valider les orientations rete-nues (architecture système, technologies, architecturemécanique…) au regard de l'ensembles des données ac-quises au cours des phases précédentes (et en cours). Ce

processus au demeurant classique, constitue un référen-tiel commun à tous les acteurs d'un projet.

Figure 2 : Processus E&D de Giat Industries

Démarche ergonomiqueLa démarche centrée utilisateur, proposée par le pôle er-gonomie en charge des études de conception de postesopérateurs (composantes cognitive et physique), est plei-nement intégrée au sein du processus industriel d'Etudeet Développement, au même titre que les processus desautres métiers contributeurs (ingénierie système,architecture mécanique, logiciel…). La méthodologie sebase sur une démarche classique de conception ergono-mique nominale qui s'applique à tous les projets et étu-des générales comportant une tâche de conception deposte utilisateur, de systèmes d'aide à la décision ou plusgénéralement d'IHM. Afin de permettre à la démarcheergonomique d'être naturellement intégrée dans le pro-cessus général de conception mis en œuvre au sein deGiat Industries, sont identifés pour chaque phase de ceprocessus, les différents points d'interventions ergono-miques et d'échanges avec les autres métiers contribu-teurs (voir la figure 3).

Figure 3 : Démarche de conception ergonomique intégrée dansle processus Etudes et Développement

Ce processus et cette démarche sont appliqués dans lecadre du développement de DEVIN. Ils permettent no-tamment de mettre en place, dès le début du projet, uneéquipe intégrée pluridisciplinaire composée d'unresponsable de développement en charge de la cohérencetechnique du projet, d'un ergonome garant du respect dela prise en compte des contraintes de conception liéesaux spécificités des utilisateurs, d'un architecte systèmeen charge de la définition de l'architecture fonctionnelledu démonstrateur, d'un informaticien en charge de la dé-

RDL RDP RQIRCD

Analyse etclarificatio n du

besoin

Spécification d ubeso in et choixde concept

Développement Qualificationinterne

Qualificationdéfinitive

R CPARDL Revue de Déc isionde Lance ment

RDP: Revue de Dével oppement Prél iminai re

RQI: Revue de Quali fication Interne

RCD : Revue Critique de Développe ment

RCPA : Revue Crit ique des Pre mie rs Art icle s

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finition de l'architecture logicielle de DEVIN et des ex-perts en visionique, architecture mécanique, architecturevétronique1…

L'intérêt de l'imbrication de la démarche ergonomiqueclassique et du processus Etudes et Développement estdouble :

- permettre l'intégration d'une démarche centréeutilisateur au sein des programmes

- permettre la mise en place d'un fonctionnement eningénierie intégrée

OBJECTIFS DE DEVINDEVIN est un démonstrateur de vision indirecte. Il estconstruit sur la base d'un véhicule expérimental nomméPISE (voir la figure 4) et développé par les Etablisse-ments Techniques d'AngerS (DGA/DCE/ETAS).

Figure 4 : Véhicule expérimental existant - PISE

PISE est un banc d'évaluation roulant mis à dispositiondans le cadre du contrat pour permettre l'intégration dudémonstrateur DEVIN. Il est construit sur la base d'unchenillé dans lequel peuvent être positionnés quatre opé-rateurs : trois membres d'équipage et un observateurd'essai.

DEVIN est un outil d'évaluation :

- des contraintes physiologiques rencontrées par lesutilisateurs des nouvelles technologies de perception,

- d'une nouvelle architecture de perception mise enœuvre par un équipage délocalisé en châssis.

Evaluation des contraintes physiologiquesLe premier objectif de DEVIN est de permettrel’évaluation de certaines conséquences physiologiques etcognitives que pose la perception déportée en châssis.Parmi celles-ci, il s’agit tout particulièrement d’évaluer

1 L'architecture vétronique représente l'infrastructure surlaquelle viennent se connecter tous les équipements(électronique, électrique, calculateurs, moyens visioni-que, etc.) d'un véhicule ou d'un système.

les phénomènes de mal de transport, de claustrophobie,de désorientation spatiale, de confort (ou de "moindreinconfort"), de fatigue oculaire et de perte de repère dansl'espace. En ce qui concerne ces points, le démonstrateurpermettra d’évaluer diverses solutions d'interfaces opéra-teurs, tant technologiques que basées sur des principesde formalisation de l'informations.

Evaluation des technologies de perceptionDes études antérieures ont montré que le point prioritaireà traiter pour exploiter une tourelle "inhabitée", est "l'ap-préhension du terrain et de la vision proche". DEVINtente de répondre à ce besoin en permettant, d'une part,l'étude d'architectures et d'équipements réalisant la per-ception en vision proche, et d'autre part, en offrant lapossibilité de vérifier la pertinence opérationnelle d'unetelle architecture. Les solutions préconisées se basent surune restitution de l'environnement extérieur via unechaîne optronique homogène. Différentes technologiessont utilisées et testées afin de vérifier la pertinencetechnique, fonctionnelle et surtout la viabilité opération-nelle des solutions préconisées (exemple : écrans de res-titution, visuel de casque, écrans tactiles…).

PLAN D'ACTIONSPour aboutir en final à une solution répondant aux pro-blématiques énoncées, les tâches suivantes sont menées:

- identifier et spécifier le besoin opérationnel lié à l'ob-servation et la perception,

- identifier les technologies s’intégrant dans l'architec-ture pressentie,

- étudier et établir la faisabilité des points durs techno-logiques,

- spécifier et réaliser un démonstrateur fonctionnel,- valider la solution architecturale retenue auprès

d'opérationnels.- intégrer la solution (DEVIN) dans un démonstrateur

plus global (PISE),- évaluer la solution intégrée avec un panel d'utilisa-

teurs représentatif de la future population utilisatrice.

Ainsi, le démonstrateur est limité aux seuls aspects sou-levant des problèmes de faisabilité technique et d'utilisa-tion opérationnelle.

RESULTATSBesoin opérationnelL'analyse du besoin opérationnel est réalisée sur la based’une analyse fonctionnelle, complétée par une analyseergonomique. Cette dernière, basée sur une démarcheterrain de recueil d'expertise (RETEX), est menée auprèsd'opérationnels du 1er Régiment de Hussards Parachutis-tes (1er RHP) de retour d'opérations extérieures encontexte de crise. L'identification du besoin se fait vial'utilisation de techniques de recueil de données (entre-tiens individuels, entretien en dynamique de groupe,auto confrontation des argumentaires). Le recueil réalisé

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lors de cette phase permet d'acquérir des données dimen-sionnantes et spécifiantes pour la définition des postesopérateurs. Elles déterminent notamment les principalesrecommandations à prendre en compte lors de la concep-tion d'un système militaire terrestre dans un contexted'opérateurs déportés en châssis, n'ayant plus accès à lavision directe comme moyen principal de prise d'infor-mation sur l'environnement extérieur.

Principaux résultats de l'analyse ergonomique :

- nécessité de conserver une vision directe même dé-gradée (rôle d'aide à l'opérateur pour lutter contre laclaustrophobie et le stress en préservant un accès à lainformation réelle, brute et non traitée),

- importance de pallier la perte des informations signi-fiantes de mouvement (sensations existantes dans latourelle différentes de celles du châssis) par l'intégra-tion d'aides graphiques et/ou sérigraphiées,

- apport de réflexions sur de nouvelles configurationsde postes opérateurs facilitant la proximité et le par-tage d'informations entre les membres d'équipage,

- prise en compte de critères physiologiques et techni-ques impliqués dans l'activité des opérateurs étudiés(exemples : taille du champ de vision humain / tailledu champ de vision nécessaire pour observer un théâ-tre d'opération militaire, type de supports de présen-tation de l'information, choix de l'implantation de lachaîne de capture et de restitution de l'information,apport de la vision stéréoscopique…),

- importance de l'intégration d'aides à la perception del'environnement extérieur.

Etudes technologiquesLes études technologiques réalisées au cours de ce projetpermettent de réaliser, en collaboration avec l'ergonome,d'une part des études prospectives avec des fournisseurs,et d'autre part des tests et essais techniques en labora-toire sur des technologies et équipements existants. Cesétudes technologiques ont permis de fournir les donnéesnécessaires en termes de maturité technique et de capaci-té d'adaptation dans un contexte de véhicule blindé destechnologies étudiées. Combinées au besoin opération-nel, ces données ont notamment servi comme critèred'aide aux choix des solutions techniques à intégrer dansle démonstrateur DEVIN.

Quelques solutions technologiques étudiées en collabo-ration avec l'ergonome du projet :

- système de vision panoramique jour, à base de cap-teurs (caméras) jour,

- système de vision panoramique nuit, à base de cap-teurs (caméras) fonctionnant en infra rouge,

- système multi-caméras sur tourelleau orientable à360°,

- système de visualisation stéréoscopique,

- système permettant le calcul de la profondeur à basede capteurs stéréoscopiques,

- système de surveillance 360° aux abords proches duvéhicule (utilisation lorsque le véhicule est à l'arrêt),

- techniques de création d'un bandeau virtuel d'imagesà partir de plusieurs capteurs indépendants.

Dans le projet, une synthèse présente les différentes ar-chitectures envisagées, et précise les avantages et in-convénients de chacune des solutions au regard de critè-res d'évaluation multi métiers. Les critères utilisés sontnotamment les suivants : maturité technique, adéquationau besoin opérationnel, disponibilité immédiate de latechnologie dans un contexte de véhicule blindé, coût,degré d'acceptation de la technologie par les utilisa-teurs… Cette démarche permet une validation communeet partagée des choix définitifs entérinés pour la spécifi-cation du démonstrateur DEVIN.

Spécifications et développement du démonstrateurL'analyse du besoin opérationnel et les études technolo-giques menées en parallèle servent de données d'entréeaux phases de spécification du démonstrateur DEVIN.Lors de cette étape, les spécifications techniques et logi-cielles de DEVIN sont réalisées sur la base d'un cahierdes charges IHM décrivant la spécification ergonomiquedes interfaces opérateurs.

Architecture du démonstrateur

L'architecture de DEVIN (voir la figure 5) s'articule au-tour des points suivants :

- deux systèmes de vision proche- un système complémentaire de vision lointaine.

Figure 5 : Architecture du démonstrateur DEVIN

Ces moyens permettent d'étudier attentivement les pro-blèmes de volume de données numériques ainsi que lesdébits nécessaires pour disposer d'une fonction observa-tion cohérente avec un besoin opérationnel. Ils permet-

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tent également d'évaluer les implications liées à l'emploid'équipements numériques reliés à une architecture vé-tronique interne dans le cadre d'études prospectives desblindés futurs.

Poste équipage

L'équipage d'un véhicule blindé classique est tradition-nellement représenté par un chef, un opérateur tourelle etun pilote. Le partage des tâches entre ces trois opéra-teurs, fait l'objet d'un emploi opérationnel défini et maî-trisé. Dans le cadre de ce projet, les études se focalisentsur les interactions entre le chef et l'opérateur tourelle.Les deux postes sont identiques et configurables selon lerôle de l'opérateur.

Figure 6 : Architecture des postes opérateurs

Les images des équipements de vision proche et loin-taine, sont restituées au chef et au opérateur tourelle parl'intermédiaire de 6 écrans à chaque poste (voir la figure6), qui servent également de pupitres (écrans tactiles).

Interface Homme-Machine

Un focus sur les IHM montre l'organisation des informa-tions et des commandes au sein des postes opérateurs dudémonstrateur DEVIN (voir la figure 7). Les écrans sup-portent les informations et commandes nécessaires à laréalisation de l'activité du binôme chef/opérateur tou-relle. L'activité prise en compte dans le démonstrateurest basée aussi bien sur la mise en œuvre de fonctionsclassiques d'un système militaire terrestre actuel (exem-ple : localisation du véhicule sur le théâtre d'opération),que sur la prise en compte des fonctions innovantes inté-grables dans un futur véhicule blindé (exemple : gestionde la protection collective).

Sur les écrans supérieurs, sont notamment présentées ensuperposition de l'environnement extérieur, des aides

graphiques à la localisation de l'opérateur. Les aidesconcernent notamment :

- la localisation de l'opérateur dans son environnementtactique (exemple : localisation des menaces poten-tielles)

- la localisation de l'opérateur dans son environnementproche et position des équipements externes (exem-ples : position de la tourelle par rapport au châssis,position et direction des viseurs d'observation…).

Sur les écrans inférieurs, sont notamment présentées :

- les informations et commandes de mise en œuvre etde gestion du système (exemple : gestion des servi-tudes liées aux capteurs, gestion de la protection del'équipage et du système…),

- des aides au partage d'informations entre opérateursainsi que des aides redondantes de localisation del'opérateur dans son environnement tactique, dansson environnement proche et de la position deséquipements externes.

Figure 7 : Organisation des IHM de DEVIN

Les redondances volontairement positionnées dans cedémonstrateur permettent d'évaluer les moyens d'accèspréférentiels des opérateurs en fonction de leurs diffé-rences inter et intra individuelles.

Evaluation technique et ergonomique du démonstra-teurL'objectif ici est de réaliser des essais, de dépouiller lesrésultats, de comparer les différentes configurations tes-tées et de statuer sur la viabilité du concept de perceptionet de visée déportée. L'analyse des résultats doit prendreen compte les aspects technologiques, système et ergo-nomiques, afin de les corréler aux études précédemmentréalisées. Les conclusions de cette étude permettront dedéfinir une solution d'intégration d’une tourelle téléopé-rée au sein d'un futur système militaire terrestre.

Attendus des évaluations techniques et ergonomiques

La définition des attendus des évaluations permet de dé-finir les objectifs et critères d'évaluation à prendre encompte. Ils précisent les équipements, les fonctions, ain-si que les niveaux de performance qui pourront être éva-

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lués sur le démonstrateur. Il est donc nécessaire de défi-nir au préalable des critères de performance permettantde vérifier l’intérêt des technologies prises en compte.Deux groupes de critères sont retenus :

- des critères techniques mesurables et quantifiables(exemples: temps de réponse, nombre d'erreurs…),

- des critères subjectifs (ex : appréciation par l'opéra-teur -et par l'observateur- du degré d'atteinte des ob-jectifs en fonction de la consigne, appréciation d'unseuil en deçà duquel la qualité de perception ne per-met pas de réaliser correctement la fonction…).

Ces attendus sont identifiés au sein de l'équipe pluridis-ciplinaire (ergonome, experts en visionique, informati-cien, architecte système, architecte mécanique) afind'appréhender les différents domaines de l'étude. Les at-tendus ergonomiques génériques consistent notammenten l'évaluation du concept de reconfigurabilité des IHMau sein d'un véhicule blindé, du concept du poste unique,des modes de fonctionnement système et de l'intégrationd'aides et assistances à l'opérateur.

Profil opérateur ciblé

Les attendus des évaluations sont différents en fonctiondes profils d'utilisateurs participant aux évaluations. Eneffet, les opérationnels prévus pour le déroulement desévaluations sont scindés en deux groupes différents :

- un équipage dit "de référence",- des équipages dits "opérationnels".

Les membres de l'équipage de référence sont des expertsdans l'utilisation technique de différents systèmes et dé-monstrateurs technologiques en cours. Les thèmes d'éva-luation abordés avec eux traitent essentiellement de lavalidation de l'architecture technologique choisie.

Les membres des équipages opérationnels sont consti-tués d'utilisateurs de systèmes blindés, actuellement enservice dans les régiments de l'armée de terre et ayantpour la plupart participé à des opérations extérieures (dé-ploiement en contexte opérationnel réel). Les thèmesd'évaluation abordés concernent essentiellement :

- la viabilité opérationnelle de la tourelle téléopérée(avec opérateurs déportés en châssis),

- la pertinence opérationnelle des solutions technolo-giques choisies,

- l'adéquation des choix d'IHM avec les exigences etcontraintes réelles des tâches à réaliser,

- l'évaluation des critères dimensionnants dans la réali-sation des tâches au cours d'une mission : organisa-tion des IHM, séquentialité des tâches au regard desmissions à réaliser, organisation et répartition des ac-tivités au sein du binôme chef/opérateur tourelle…

Formation préalable

Les choix d'architecture réalisés dans le cadre du dé-monstrateur sont en rupture technologique avec les équi-pements actuels utilisés par les opérateurs. Ce point jus-tifie une période préalable de prise en main technique dudémonstrateur par les opérateurs chargés de l'évaluationde DEVIN. De plus, l'architecture fonctionnelle du dé-monstrateur prend en compte les nouvelles fonctionnali-tés intégrables dans les futurs systèmes militaires terres-tres. Ces évolutions pressenties sont issues pour la plu-part d'études prospectives, dont les résultats ne sont pasencore portés à la connaissance des utilisateurs actuels.Ce deuxième point implique d'expliquer aux opération-nels chargés de l'évaluation les nouvelles potentialités dusystème à tester.

CONCLUSION ET PERSPECTIVESApport d'une démarche ergonomique intégréeL'intégration de la démarche ergonomique au sein de ceprojet a largement été facilitée par une adhésion totale del'équipe pluridisciplinaire déjà sensibilisée à la prise encompte des aspects facteurs humains dans la conceptionsystème. Cette adhésion dès les phases amonts du projeta permis :

- de dérouler la démarche ergonomique dans son inté-gralité (de l'analyse aux évaluations),

- de travailler tout au long du projet en ingénierie inté-grée,

- de favoriser une synergie forte entre tous les métiersimpactés,

- de disposer de références et d'outils communs aidantaux choix des solutions préconisées.

La conception centrée utilisateur a permis de reposition-ner l'homme dans le système. Les résultats démontrentqu'il fait partie intégrante du système. Considéré depuislongtemps comme facteur limitant de la performance dessystèmes complexes, l'opérateur peut aujourd'hui êtreappréhendé comme un générateur de solution au mêmetitre que d'autres composantes.

Dans le domaine des systèmes militaires terrestres, lesprocessus de conception avaient tendance à traiterl'homme comme un facteur externe. Cette démarchepouvait aboutir à des aberrations d'un point de vueergonomique. Plusieurs exemples peuvent être cités :

- la conception de postes opérateurs avec l'optimisa-tion du volume alloué aux équipements au détrimentde l'opérateur qui devait se caler "au mieux" pourintégrer son poste,

- la conception d'IHM potentiellement génératricesd'erreurs pour le système avec une consigne d'utilisa-tion liée à la formation de l'utilisateur de type : "ondira en formation que c'est dangereux d'actionner lacommande et l'opérateur s'adaptera".

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Aujourd'hui, l'armée est une armée de métier dont lecœur est constitué autant par les hommes que par les sys-tèmes. Cette armée évolue en termes d'exigences (deplus en plus précises), de restrictions, de législation (deplus en plus proche du code du travail civil). A l'heureactuelle, l'intégration d'une démarche centrée utilisateurdans la conception de systèmes militaires terrestres per-met de prendre en compte très tôt les aspects facteurshumains et d'aider les concepteurs dans l'atteinte des per-formances requises par les projets.

Apports techniques et ergonomiques de l'étudeComme on a pu le voir, les concepts opérationnels déve-loppés autour des futurs véhicules de combat débouchentsur plusieurs innovations intégrées dans le démonstrateurDEVIN : équipage délocalisé, nouveaux concepts tech-nologiques... Ainsi équipé, DEVIN, démonstrateur évo-lutif, permet de recueillir les données et pré requis né-cessaires et indispensables à une bonne intégration desévolutions technologiques pressenties dans les futuresplates-formes terrestres militaires.

Apports techniques

Le démonstrateur DEVIN contribue à enrichir nosconnaissances notamment sur les points techniques sui-vants :

- veille lointaine : évaluer l’aptitude du matériel à ré-aliser la surveillance d'un secteur situé à une distancede plusieurs kilomètres.

- veille proche : évaluer l’aptitude du matériel à réali-ser la surveillance de l’environnement proche du vé-hicule .

- intégration d'une architecture de perception inno-vante, au sein d'une architecture vétronique globalepour les futurs systèmes.

Apports ergonomiques

Ce projet a permis aux ergonomes de réaliser un certainnombre d'analyses et d'études de concepts qui ont no-tamment abouti à :

- la consolidation des données acquises sur le terrainsur les exigences et contraintes ergonomiques à pren-dre en compte lors de la conception de postes équi-pages de plates-formes militaires terrestres,

- l'évaluation d'une organisation de tâches au sein d'uncollectif de travail pré établi,

- la validation des hypothèses structurantes posées lorsde l'identification de la probable organisation des tâ-ches à mener par le système et les membres d'équi-page,

- l'appréciation, la qualification et, autant que possible,la quantification des contraintes physiologiques liéesà la perte de vision directe,

- l'identification du positionnement et du rôle de l'opé-rateur au sein d'un futur système complexe intégrantdes aides et assistances à l'opérateur, ainsi que desautomatismes divers,

- l'identification de l'impact des nouvelles technologiesintroduites comme support de réalisation d'activitésclassiques pour les opérateurs (analyse du transfertde tâches, acceptabilité des nouvelles technolo-gies…).

En conclusion, ce projet est une première étape permet-tant la validation d'hypothèses de conception (intégrationde solutions technologiques, organisation du collectif detravail au sein d'un équipage, remise en cause des habi-tudes de travail). Une deuxième étape est d'ors et déjà àpréparer. Elle consiste en la transposition sur un véhi-cule réel des résultats obtenus avec DEVIN. Les don-nées acquises sont considérées aujourd'hui comme di-mensionnantes, voire spécifiantes pour la conception denos nouveaux systèmes militaires terrestres.

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3. Fisanne C (1999). La téléopération et l'homme

4. Kujawa L (2004). Programme d'étude amont : Etuded'évolution et essais d'un démonstrateur de percep-tion et de visée déportées. Contraintes et exigencesergonomiques liées à l'activité du binôme chef /opérateur tourelle.

5. Kujawa L (2004). Programme d'étude amont : Etuded'évolution et essais d'un démonstrateur de percep-tion et de visée déportées. Cahier des Charges IHMdes postes opérateurs du démonstrateur de percep-tion et de visée déportées.

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7. Mestre D, Masson G (1996). Etat de l'art des solu-tions technologiques pour la perception visuelle del'environnement lors des tâches de téléopération.

8. NF EN ISO 13407. Processus de conception centréesur l'opérateur humain pour les systèmes interactifs.1999 .

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RUP© et conception centrée sur l’utilisateur : une étude de cas

François Lemieux Michel C. DesmaraisDépartement de génie informatique École Polytechnique de Montréal

C.P. 6079, succ. Centre-Ville, Montréal Québec, Canada, H3C 3A7

[email protected] [email protected]

RÉSUMÉLe processus de développement logiciel RUP© est perçu comme une norme de fait par l’industrie. Il n’est pas centré sur l’utilisateur, mais il est plutôt centré sur l’architecture. Cela peut être un handicap lors de la conception d’applications logicielles interactives. Le RUP pourrait néanmoins être adapté à la conception cen-trée sur l’utilisateur. Cette étude de cas aborde cette question commune à plusieurs projets de développement logiciel qui utilisent le RUP et où une équipe ergonomi-que intervient. La conformité du RUP à la norme ISO 13407 qui définit la conception centrée sur l’utili-sateur est ici analysée. Pour le RUP, la conception cen-trée sur l’utilisateur et les tests d’utilisabilité sont des « concepts clés ». Les résultats démontrent cependant que son application ne se traduit pas par une conception centrée sur l’utilisateur. Certains éléments pertinents du processus ne sont pas retenus par l’équipe de dévelop-pement. Certains principes gagneraient à être mieux compris et mieux intégrés au processus et un enchaîne-ment d’activités distinct permettraient une conception centrée sur l’utilisateur.

MOTS CLÉS : Rational Unified Process, RUP, ISO 13047, conception centrée sur l’utilisateur, étude de cas, génie logiciel, processus de développement centré-utilisateur.

ABSTRACT RUP is a software development process that is widely used in industry. RUP is an architecture-centered process and generally not recognized as user-centered. This could be considered as a shortoming for interactive applications. However, can RUP be adapted, or is it at least compatible with a user-centered design (UCD) process? We address this issue through a case study that is typical of many software development projects, where RUP is adapted to the needs of the project and where an HCI team has the responsibility for user requirements. We analyse the extent to which the resulting process is compliant with ISO 13407, the standard defining the UCD process. Results show that, altought UCD is a key concept for RUP, its application in the project does not yield a user-centered process according to the standard. Key elements of UCD are omitted by the adaptation made by the development team. We conclude that a

specific sequence of distinct activities and a better understanding of key UCD principles would allow the process to be user-centered.

KEYWORDS: Rational Unified Process, RUP, ISO 13047, UCD, case study, software engineering, development practices

INTRODUCTIONEn génie logiciel, la production d’un système informati-que doit se faire selon une suite d’opérations définies par un processus de développement [21]. Les premières éta-pes d’un processus de développement logiciel, la modé-lisation métier et la définition des exigences, consistent à définir les spécifications du système à partir des besoins du client [12]. Lors de ces étapes on définit, entre autres, les scénarios d’opération, les exigences fonctionnelles et les exigences non-fonctionnelles ainsi que les interfaces–utilisateurs [6, 7, 8].

Le Rational Unified Process (RUP), une version com-merciale de ce type de processus, est utilisé dans l’industrie du développement logiciel à une telle échelle qu’il est perçu comme une norme de fait [14, 4].

La norme ISO 13407 prescrit les règles à suivre pour adapter un processus de développement logiciel à la conception centrée sur l’utilisateur [9]. Cette norme, inti-tulée « Processus de conception centrée sur l'opérateur humain pour les systèmes interactifs », sera utilisée ici pour établir dans quelle mesure le processus suivi par l’équipe est conforme à la conception centrée sur l’utilisateur.

De nombreux problèmes de réalisation des systèmes in-formatiques interactifs sont imputables à une mauvaise gestion des exigences. Or, les exigences liées à l’utili-sateur et à l’organisation constituent la majorité des exi-gences de ces systèmes. La conception centrée sur l’utilisateur pallie à ces problèmes [9, 19].

Comment un processus comme le RUP traite-t-il la ges-tion des exigences-utilisateurs et comment peut-on adap-ter ce processus à la conception centrée sur l’utilisateur ? Cette étude de cas aborde cette question sous trois an-gles : celui du processus tel que défini par la référence

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de base, le RUP [22] ; l’adaptation et l’application qu’en fait une équipe de développement pour un projet donné ; et enfin, selon l’angle d’une intervention ergonomique visant à utiliser l’approche centrée sur l’utilisateur lors de la définition des exigences.

L’étude de cas décrit l’intervention d’une équipe d’er-gonomes auprès d’une équipe d’analystes fonctionnels qui travaillent à la modélisation métier et à la définition des exigences de la première application d’un nouveau progiciel d’entreprise. Le processus RUP est adapté par l’équipe de développment. L’application étudiée, la « Gestion des réseaux de distribution » (RDD), est défi-nie par 48 cas d’utilisation dont 6 font l’objet d’une in-tervention ergonomique complète.

LE RUP ET ISO13407 Le RUP et son application dans le cadre du cas seront analysés selon la perspective de la norme ISO 13407. Le RUP et la norme sont ici décrits dans leurs grandes li-gnes avant d’aborder l’étude du cas.

La norme ISO 13407 La norme ISO 13407 prescrit un processus de concep-tion centrée sur l’utilisateur. La norme ISO 13407 ne prétend pas couvrir un cycle de développement de sys-tème ; elle est complémentaire au processus de dévelop-pement et s’y intégre selon le contexte.

La norme énonce 4 grands principes :

la participation active des utilisateurs et une com-préhension claire des exigences liées à l'utilisateur et à la tâche ; une allocation appropriée des fonctions entre les uti-lisateurs et la technologie ; l'itération des solutions de conception ; une conception pluridisciplinaire [9].

Et elle propose des activités :

comprendre et spécifier le contexte d’utilisation ; spécifier les exigences liées à l’utilisateur et à l’or-ganisation ; proposer des solutions de conception ; évaluer les conceptions par rapport aux exigences [9].

Une norme, ISO 9241-11 prescrit des lignes directrices relatives à l’utilisabilité [9]. Un rapport technique, ISO TR 16982 présente des méthodes d’utilisabilité existentes applicables dans le cadre de ISO 13407[12]. Un rapport technique ISO TR 18529 décrit un modèle formel fondé sur ISO 13407 [11].

Le RUP Le RUP a été inspiré d’un processus générique, The Uni-fied Software Development Process développé par Ivar

Jacobson, Grady Booch et James Rumbaugh, chefs de file de la conception orientée objet [16].

Le RUP est un processus de développement itératif qui se déroule en 4 phases : l’inception ou opportunité, l’éla-boration, la construction et la transition. Il comporte des enchaînements d’activités qui sont au nombre de 6 parmi lesquels on retrouve la modélisation métier et la gestion des exigences. Il y a aussi 3 enchaînements d’activités de soutien dont celui de la gestion de projet. La conception des interfaces-utilisateurs se fait lors des activités de ges-tion des exigences dans la version 2002 du processus [18].

La définition détaillée des exigences est exprimée par des cas d’utilisation qui sont des scénarios qui décrivent des fonctionnalités du système et devraient fournir un ré-sultat pour un acteur particulier [18]. Il ne faut pas confondre les cas d’utilisation avec les scénarios d’utilisation connus en ingénierie de l’utilisabilité [14].

Le RUP ne prétend pas être centré sur l’utilisateur. Il est plutôt centré sur l’architecture et piloté par des cas d’utilisation [18]. Le RUP assimile la conception centrée sur l’utilisateur à un « concept clé ». C’est ce concept qui établit des équivalences entre les activités et artefacts du processus et les prescriptions de la norme ISO 13407. Les tests d’utilisabilité constituent aussi un « concept clé » associé à la discipline des tests.

Les « concepts clés » sont les travailleurs, les activités, les artefacts et les enchaînements d’activités, ainsi que d’autres éléments qui permettent de décrire le processus [18]. La description de certains de ces concepts, comme risque, itération, phase ou tests de performance, est in-cluse à l’intérieur des enchaînements d’activités appro-priés [22].

Il existe aussi une « feuille de route » de l’ingénierie de l’utilisabilité. Pour le RUP, une feuille de route est l’adaptation du processus générique à des problèmes spécifiques. Une telle feuille de route existe, par exem-ple, pour les solutions d'affaires électroniques [22].

GÉNIE LOGICIEL ET CONCEPTION CENTRÉE SUR L’UTILISATEUR Un processus de développement doit être adapté à un contexte d’application particulier. Dans le cas du RUP, cette adaptation fait l’objet d’un enchaînement d’activités spécifique. Mais, le processus est ici d’abord analysé dans sa forme « générique » pour établir sa conformité à ISO 13047.

Les approches du génie logiciel et de l’ingénierie de l’utilisabilité qui guident la conception centrée sur l’utilisateur sont différentes. Le génie logiciel modélise le domaine après avoir identifié le « contexte du pro-blème » alors que l’ingénierie de l’utilisabilité spécifie

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les exigences liées à l’utilisateur et à l’organisation après avoir identifié le « contexte d’utilisation ». Le RUP, se-lon la perspective de la conception centrée sur l’utilisateur, soulève plusieurs problèmes :

il souffre de l’absence de préoccupation des facteurs humains [24] ; il ne traite pas des aspects internationaux et inter-culturels [24] ; il ne se préoccupe pas du modèle centré sur l'utilisa-teur durant la conception de l'interface-utilisateur [24] ; il néglige la personnalisation de l'interface néces-saire à l'interaction entre la technologie et les utili-sateurs [24] ; en donnant l’impression de répondre à toutes les questions, il nie l’initiative du concepteur d’interface-utilisateur [4] ; il ne distingue pas clairement l'utilisateur final de l’expert du domaine, biaisant ainsi l’utilisateur en faveur du développement [4] ; il désigne un seul travailleur en utilisabilité et c’est le concepteur d'interface-utilisateur dont la respon-sabilité se limite à aménager visuellement l'interface sans pour autant avoir une quelconque compétence en utilisabilité [4] ; il soutient peu l'analyse de la tâche des utilisateurs et l’identification des groupes d'utilisateur [4] ; les développeurs sont plus préoccupés par l’implé-mentation de toutes les fonctionnalités que par l’utilisabilité du système [3] ; la production des cas d’utilisation supplante la com-préhension des besoins réels des utilisateurs [3] ; le langage UML est souvent inaccessible aux utilisa-teurs qui lui préfèrent la présentation de prototypes d’interface-utilisateur pour comprendre comment le système fonctionnera [3].

Voilà pourquoi des propositions ont été formulées pour harmoniser les processus de développement logiciel orientés-objets [19, 2] en général, et le RUP en particu-lier, à la conception centrée sur l’utilisateur [24, 25, 26]. Seffah, Desmarais et Metzker [23] ont fait un inventaire de plusieurs de ces efforts. L’étude de cas vise, ici, à vé-rifier si ces problèmes se sont matérialisés et comment ils ont été résolus.

LE CAS Le cas étudié porte sur le déroulement de la modélisation d’affaires et de la définition des exigences lors du déve-loppement d’une application durant lequel une interven-tion ergonomique a été faite. L’application correspond à un module d’un plus grand système. Le système est un progiciel de gestion d’une entreprise de production de biens dont la vente est assurée par plus de 10 000 détail-lants.

Conformément à la pratique, l’équipe de développement a adapté le RUP à ses besoins en retenant les activités et les artefacts qu’elle a jugés pertinents. Un processus de conception des interfaces-utilisateurs a ainsi été défini selon les prescriptions du RUP. Une intervention ergo-nomique s’y est rajoutée et s’est effectuée selon la mé-thodologie proposée par Mayhew [20].

La méthodologie L’analyse de cas est une méthode de recherche courante pour l’étude de processus de développement logiciel [28]. L’étude de cas est ici une étude de cas unique. La méthode de cueillettes des données est l’observation par-ticipante : le chercheur a participé au développement en effectuant l’intervention ergonomique. Cependant, la dé-cision de faire du cas l’objet d’une recherche a été prise après l’intervention du chercheur. Le chercheur n’a donc pas pu influencer le cours du projet.

L’analyse de contenu et la méthode ex post facto ont été privilégiées pour l’analyse des données. Ces données provenaient de documents, notamment les biens livrables pertinents du projet et d’entrevues faites après coup. Les observations du chercheur ont servi à guider la démarche d’analyse mais n’ont été utilisées qu’occasionnellement pour assurer la validité interne des données. Une analyse croisée des guides et normes produits par l’équipe de dé-veloppement avec les biens livrables correspondants a été faite afin de s’assurer qu’ils étaient respectés par les membres de l’équipe de développement.

L’analyse des données est celle de la comparaison intra- cas. C’est une analyse comparative qui permet d’analyser les descriptions et explications du même cas [24, 1, 5]. Les détails de l’étude apparaissent dans [19]. Chaque assertion et affirmation y est associée à une source formellement identifiée.

Les questions de recherches qui constituent les unités d’analyse [27] sont inspirées des principes et des activi-tés de la norme ISO 13407 citées précédemment et sont les suivantes :

Le RUP soutient-il la participation active des utilisa-teurs ? Définit-il le contexte d’utilisation selon ISO 13407 ? Le RUP permet-t-il une bonne spécification des exi-gences-utilisateurs notamment par une bonne répar-tition des fonctions entre les utilisateurs et la tech-nologie selon ISO 13407 ? La production des solutions de conception se fait-elle par le RUP selon ISO 13407 ? L’approche itérative d’ISO 13407 est-elle respectée par le RUP ? L’évaluation des solutions de conception retenue par le RUP est-elle conforme à celle qui est prescrite par ISO 13407 ?

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Le RUP reconnaît-il la nécessité d’un personnel qualifié selon ISO 13407 ?

Le contexte L’application étudiée, la « Gestion des réseaux de distri-bution » (RDD), correspond au premier des 13 modules qui composent le système à développer. Ce système a pour mission d’assurer la gestion des opérations de vente de produits distribués par des commerçants. Ces opéra-tions de vente comptent pour 1,8 G$ CA, soit 45 % des revenus de l’entreprise et mobilise plus de 800 em-ployés. Lors de la période étudiée, 3 applications fai-saient l’objet de projets de développement simultanés. La modélisation métier et la définition des exigences du projet RDD ont duré un an et ont mobilisé 17 personnes à plein temps.

Le tableau 1 inventorie certaines caractéristiques de l’application. Les diagrammes de processus opération-nels (DPO) sont des diagrammes des processus d’affaires qui décrivent les opérations lorsque le nou-veau système sera mis en place. Les caractéristiques lo-gicielles sont l’équivalent d’exigences logicielles. Les cas d’utilisation et les acteurs correspondent à la défini-tion qu’en donne le RUP. Les utilisateurs sont ceux qui manipuleront le système.

Caractéristiques de l’application NbreDPO 53 Caractéristiques logicielles non fonctionnelles 194 Caractéristiques logicielles fonctionnelles 109 Cas d’utilisation 48 Acteurs 67 Utilisateurs 80

Tableau 1: Envergure de l'application RDD.

L’intervention ergonomique a été faite à la demande et sous l’autorité du service responsable des analystes d’affaires et des représentants des utilisateurs. La défini-tion des processus d’affaires, les DPO ainsi que l’identification des caractéristiques logicielles relevaient de ce service. Par contre, la définition des exigences re-levait, elle, de l’équipe de développement. La définition des exigences s’est effectuée sur une période d’un an pour l’application visée par l’étude. L’intervention ergo-nomique s’est déroulée du 4e au 9e mois de cette période. Elle a consisté à faire la conception des interfaces-utili-sateurs pour des fonctionnalités critiques définies par 6 cas d’utilisation.

Les artefacts traités par l’intervention ergonomique ont été produits par 9 personnes. Une spécification de 34 interfaces comprenant 727 champs a été produite par les ergonomes. Des analystes fonctionnels ont produit les autres interfaces-utilisateurs de l’application. L’archi-tecture du système est de type J2EE avec interfaces-utili-

sateurs Web. La version du RUP qui est étudiée ici est : 2002.05.01.305.000 [22].

LES RÉSULTATS Pour chaque question de recherche, nous présentons les « prescriptions » de la norme ISO 13407 et les disposi-tions correspondantes du RUP, « l’implémentation » qu’en a faite l’équipe de développement et la description de « l’intervention ergonomique » correspondante.

Le RUP soutient-il la participation active des utilisa-teurs ? ISO 13407 prévoit une participation directe et diversifiée des utilisateurs. Les modalités de cette participation sont précisées par la norme ISO TR 16982 [12]. Le RUP, pour sa part, juge souhaitable une participation des utili-sateurs.

Lors de « l’application » du processus, à la demande ex-presse du client, les représentants des utilisateurs partici-pent à l’élaboration, valident et approuvent la plupart des artefacts de la modélisation métier et de la définition des exigences. Cette participation n’est pas inspirée du pro-cessus mais était une demande du client. Cette participa-tion des utilisateurs se faisait à peu près exclusivement dans le cadre d’ateliers de travail avec les représentants des utilisateurs.

La participation suscitée par l’intervention ergonomique a inclus la planification du cycle, le suivi de l’avancement des activités ergonomiques et la variété des méthodes de validation.

En limitant la participation des utilisateurs à des ateliers de travail, l’équipe de développement a ainsi placé fré-quemment les représentants des utilisateurs dans le rôle d’expert du domaine avec les conséquences mentionnées plus tôt par Gulliksen et al. [4].

Définit-il le contexte d'utilisation selon ISO 13407 ? Selon ISO 13407, le contexte d’utilisation comprend l’analyse de la tâche, la description détaillée des utilisa-teurs et la description de l’environnement physique, technique et organisationnel.

Le RUP prévoit, pour sa part, une définition du contexte lors de la production de l’artefact Vision, qui est l’équivalent d’une spécification des exigences du sys-tème. Il ne distingue pas le contexte du problème propre au génie logiciel du contexte d’utilisation de la concep-tion centrée sur l’utilisateur. Cette description du contexte se fait à haut niveau. Quant à la tâche, le RUP assimile le cas d’utilisation à une description du contexte de la tâche. Ce qui n’est pas conforme à ISO 13407.

Lors de l’adaptation du processus, l’équipe de dévelop-pement a choisi de ne pas produire de document Vision. Il n’y a donc pas de description des utilisateurs tel que

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prescrit par le RUP. Il existe des acteurs qui sont décrits par le rôle qu’ils jouent dans le système. Ils correspon-dent à des utilisateurs génériques. C’est insuffisant en conception centrée sur l’utilisateur. Quant aux cas d’utilisation, ils visent d’abord à décrire le futur système et ses fonctionnalités. Ils ne sont pas inspirés d’une l’analyse du contexte de la tâche. Ils sont plutôt extraits des processus d’affaires représentés par les DPO et par les caractéristiques logicielles fonctionnelles et non fonctionnelles.

L’intervention ergonomique a produit une analyse du contexte d’utilisation qui comprend une description de l’environnement physique, technique, dont les équipe-ments, et organisationnel. Une description détaillée des utilisateurs finaux y a été incluse. Des analyses de la tâ-che ont complété la description du contexte. Les cas d’utilisation ont certes été utilisés, mais pour compren-dre le fonctionnement du futur système.

La norme ISO 13407 met formellement en garde contre la tentation de « décrire les tâches uniquement en termes de fonctions ou d’attributs d’un produit ou d’un système [9] ». Les cas d’utilisation correspondent à ce genre de description où l’on retrouve explicitement les fonction-nalités et les attributs du système. Ce ne sont pas des analyses du contexte de la tâche. Quant à la pertience du contexte d’utilisation, le RUP est à ce point sibyllin sur cette question que l’équipe de développement n’a pas jugé pertinent de produire le document Vision qui est présumé le contenir. On peut en conclure que le RUP n’a pas favorisé la définition du contexte d’utilisation.

Le RUP permet-t-il une bonne spécification des exi-gences-utilisateurs notamment par une bonne répar-tition des fonctions entre les utilisateurs et la techno-logie selon ISO 13407 ? Il faut distinguer, les fonctions qui doivent être exécu-tées par l’utilisateur de celles qui sont assumées par la technologie selon ISO 13407. C’est l’analyse de la tâche qui dicte ce choix. Par ailleurs, les exigences liées à l’utilisateur et à l’organisation doivent comprendre, entre autres, la description des interfaces-utilisateurs, les exi-gences d’utilisabilité et de sécurité.

Le RUP ignore cette répartition des fonctions entre les utilisateurs et la technologie. Par contre, il prévoit des exigences d’automatisation.

L’équipe de développement ignore aussi cette répartition lors de l’application du processus. Les exigences sont des caractéristiques du nouveau système inspirées des processus d’affaires et correspondent aux exigences d’automatisation du RUP. Il existe des exigences d’utilisabilité peu nombreuses et décrites à haut niveau. Les exigences de sécurité sont définies par une équipe distincte mandatée à cet fin.

L’intervention ergonomique a abordé la répartition des fonctions sans toutefois l’avoir formellement documen-tée. Ainsi, par exemple, l’analyste fonctionnel souhaitait modéliser des champs d’adresse en fonction des normes nationales et internationales afin de faciliter les traite-ments automatiques des services postaux nationaux. Les ergonomes recommandaient plutôt que cette ventilation des champs soit faite en fonction des besoins réels de l’entreprise et du temps disponible que les utilisateurs fi-naux pouvaient consacrer à cette tâche puisque les adres-ses servaient plutôt à la localisation d’établissements plutôt qu’à des fins postales.

En conclusion, le RUP, comme la plupart des processus de développement logiciel, limite ses préoccupations d’utilisabilité à la seule conception des interfaces-utilisa-teurs. Or, l’utilisabilité, selon ISO 13407, ne se limite pas aux seules interfaces-utilisateurs, mais à l’ensemble des exigences liées aux utilisateurs et à l’organisation. L’intervention ergonomique, pour sa part, a permis d’aborder la spécification des exigences-utilisateurs de façon plus large qu’au plan de l’interface-utilisateur et de rendre plus explicite la question de la répartition des fonctions.

La production des solutions de conception se fait-elle par le RUP selon ISO 13407 ? La matérialisation des solutions de conception corres-pond, pour ISO 13407, à la production de prototypes sta-tiques ou dynamiques qui s’inspirent du contexte d’utilisation. Elle s’inspire aussi de l’état des techniques, de l’expérience et des connaissances des participants et, enfin, des normes et des guides.

Pour le RUP, la conception des interfaces-utilisateurs re-pose d’abord sur des guides qui ont été produits en début de projet lors de la discipline « environnement » du pro-cessus. D’autre part, une interface-utilisateur doit obliga-toirement correspondre à un cas d’utilisation sans égard au contexte d’utilisation.

C’est ainsi que l’équipe de développement a produit des interfaces-utilisateurs selon les prescriptions d’un guide appelé « Cadre de conception des interfaces Web » qui fixe des lignes directrices de conception, explique l’utilisation des composants et présente des gabarits d’écran. Il faut noter qu’à chaque cas d’utilisation devait correspondre un « scénarimage » ou storyboard de cas d’utilisation qui regroupe les prototypes d’interfaces-uti-lisateurs du cas.

La spécification d’interface produite lors de l’interven-tion ergonomique était, elle, inspirée de l’analyse contextuelle de la tâche. Elle correspondait à 6 cas ou partie de cas d’utilisation. Certains ont été créés pour ré-pondre à la spécification. Un court guide de style qui dé-finit l’apparence des interfaces-utilisateurs a par la suite

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été produit après validation avec les représentants des utilisateurs et les utilisateurs finaux.

Lle RUP laisse entendre que la production des solutions de conception est réalisable à partir des seuls guides. C’est ainsi qu’il peut inhiber l’initiative du concepteur d’interface-utilisateur, comme le suggèrent Gulliksen et al [4], et qu’il néglige l’importance du contexte d’utilisa-tion dans la réalisation des solutions de conception. L’équipe de développement présumait donc que ces gui-des constituaient la pierre angulaire de la conception d’interfaces-utilisateurs.

L'approche itérative d'ISO 13407 est-elle respectée par le RUP ? Pour ISO 13407, les itérations sont nécessaires à l’amé-lioration des solutions de conception. Les itérations doi-vent faire l’objet d’une planification à l’intérieur du pro-jet et doivent se poursuivre jusqu’à l’atteinte des ob-jectifs de conception. Elles consistent à reprendre la so-lution de conception présentée aux utilisateurs et sou-mise à leur évaluation jusqu’à ce qu’elle soit satisfai-sante pour leas parties prenantes.

L’itération constitue l’un des fondements du RUP qui en reconnaît plusieurs types. Mais, il n’y a pas d’itérations planifiées pour les interfaces-utilisateurs. Il y a une forme itérative de prototypage qui correspond plus à des incrémentations qu’à des corrections successives.

L’équipe de développement prévoyait que les cas d’utilisation et les scénarimages devaient être produits les uns après les autres. Dans les faits, les analystes fonc-tionnels les ont produits parallèlement. Il y a donc eu une forme d’itération entre les cas d’utilisation et les in-terfaces-utilisateurs malgré les prescriptions de l’application du processus.

Lors de l’intervention ergonomique, une planification des itérations a d’abord été proposée. Ensuite, la solution de conception a été présentée et soumise à l’évaluation des représentants des utilisateurs, aux utilisateurs finaux et aux autres parties prenantes, à plusieurs reprises jus-qu’à ce que la solution de conception réponde aux exi-gences-utilisateurs.

Il importe donc que les itérations soient planifiées et ef-fectives. Mais le RUP ne l’affirme pas lui-même claire-ment pour la conception des interfaces-utilisateurs et pour la spécification des exigences détaillées liées à l’utilisateur comme les cas d’utilisation. L’équipe de dé-veloppement n’a pas fait cette planification.

L'évaluation des solutions de conception retenue par le RUP est-elle conforme à celle qui est prescrite par ISO 13407 ? ISO 13407 distingue l’évaluation des interfaces-utilisa-teurs lors de leur conception de celle effectuée pour la

surveillance à long terme, pour la suite du cycle de vie. L’évaluation lors de la conception consiste à faire faire des simulations de tâches par les utilisateurs à partir de maquettes ou de prototypes. On recueille à ce moment l’information nécessaire à amélioration des solutions de conception. Ces tests doivent faire l’objet d’un plan d’évaluation incorporé au projet.

Bien que le RUP prévoie différents modes d’évaluation des prototypes, dont des tests d’utilisabilité, il n’y a pas de planification de ces tests. De plus, le gabarit de plan de test défini par le RUP prévoit des tests d’utilisabilité, mais les distinctions liées à la conception des interfaces-utilisateurs et à la surveillance ne sont pas faites. Ainsi, les tests d’utilisabilité, tels qu’ils y sont présentés, sont assimilables à d’autres tests et sont conçus par un concepteur de tests et exécutés par un testeur. Le « con-cept clé » tests d’utilisabilité du RUP est d’ailleurs inclus dans la discipline de tests plutôt que dans celle de défini-tion des exigences.

Pour l’équipe de développement, l’évaluation des inter-faces-utilisateurs reposait sur des revues : des rencontres des analystes fonctionnels faites avec les représentants des utilisateurs et des revues par les pairs. Les tests d’utilisabilité faits par les ergonomes ont d’ailleurs été perçus au début comme une intrusion dans la juridiction de l’équipe de l’assurance qualité. Des explications sur la nature des évaluations ont dû être fournies.

Plusieurs types d’évaluation ont été faits lors de l’inter-vention ergonomique. Les premières maquettes ont été soumises à l’évaluation selon des lignes directrices géné-riques et à l’évaluation heuristique d’ergonomes. Des tests avec simulation de tâche ont ensuite été faits avec les représentants des utilisateurs et avec les utilisateurs finaux. Des évaluations pas à pas ont aussi été faites avec les représentants des utilisateurs seuls, puis en pré-sence des analystes fonctionnels concernés. Ces éva-luations ont permis aux analystes fonctionnels et aux re-présentants des utilisateurs d’ajouter des cas d’utilisation manquants au modèle des cas, en plus d’améliorer les solutions de conception. Elles ont aussi permis de corri-ger le contenu des cas d’utilisation en cours de réalisa-tion, permettant ainsi une validation des exigences.

Le prototypage, les simulations, la modélisation et les maquettes à améliorer par les tests avec les utilisateurs, à différentes étapes de la conception, constituent l’esprit de l’évaluation des solutions de conception d'ISO 13407 [17]. Les tests d’utilisabilité identifiés par le RUP ne de-vraient pas être qu’un concept, ils devraient être liés à l’activité de conception des interfaces-utilisateurs.

Le RUP reconnaît-il la nécessité d'un personnel qua-lifié selon ISO 13407 ? Pour ISO 13407, la conception centrée sur l’utilisateur est « une activité pluridisciplinaire faisant appel aux

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connaissances et aux techniques du domaine des facteurs humains et de l’ergonomie ».

Le RUP prévoit qu’un système est développé par des « travailleurs » qui jouent un « rôle » comme un acteur dans une pièce de théâtre. Néanmoins, les qualifications des travailleurs concernés par la spécification des exi-gences et la conception des interfaces-utilisateurs doi-vent inclure une maîtrise du domaine. Et, selon la feuille de route de l’ingénierie de l’utilisabilité du RUP, l’analyste de processus métier, l’analyste système et le spécificateur de cas d’utilisation doivent être qualifiés pour recueillir l’information sur les utilisateurs, leurs tâ-ches et leur environnement afin d’intégrer cette informa-tion aux artefacts de modélisation de métier et d’exigence. Le RUP reconnaît même l’existence d’expert en utilisabilité qui serait un graphiste.

C’est la direction responsable des représentants des utili-sateurs et des analystes d’affaires, et non l’équipe de dé-veloppement, qui a recruté et supervisé les ergonomes. Le « Cadre de conception des interfaces WEB » a été produit sous la responsabilité d’un architecte. Les inter-faces-utilisateurs ont été conçues par les analystes fonc-tionnels responsables de la production des cas d’utilisation. Ils n’avaient pas de qualification en conception d’interfaces-utilisateurs.

L’équipe d’ergonomes, était composée de deux ergono-mes ayant des formations en sciences cognitives et en in-formatique, d’un informaticien et d’un graphiste. Et, lorsque ce fut nécessaire, des séances d’évaluation ont été tenues avec toutes les parties prenantes selon le principe de la pluridisciplinarité.

On constate donc que si ISO 13407 réclame l'assurance d’un personnel qualifié pour exécuter les activités et les méthodes appropriées, le RUP ne pose pas de conditions sur les qualifications du personnel ou sur les méthodes [17].

CONCLUSIONUne étude de cas unique invite à une certaine prudence sur les conclusions. Celles qu’on peut en tirer ici pour le processus RUP doivent être limitées à l’implémentation qu’en a faite une équipe de développement. Par ailleurs, on ne peut pas généraliser à tout le génie logiciel les constatations faites pour le RUP.

Le RUP est un processus centré sur l’architecture et n’a pas la prétention d’être centré sur l’utilisateur. Il évoque les principes de la conception centrée sur l’utilisateur en en faisant un concept et en définissant une feuille de route de l’ingénierie de l’utilisabilité. Cependant, il n’en fait pas un enchaînement d’activités distinct. Certains principes de la conception centrée sur l’utilisateur sont mal compris et d’autres mal intégrés au RUP. Si bien,

que lors de son application, dans cette étude de cas, ils n’ont pas été retenus.

L’introduction des cas d’utilisation dans la définition des exigences aurait pu laisser croire qu’on se rapprochait de la conception centrée sur l’utilisateur. Cela aurait pu être le cas si on avait associé plus formellement le concepteur d’interfaces utilisateurs à leur élaboration. C’était ce que souhaitait initialement Ivar Jacobson [15], mais c’est res-té lettre morte.

On constate cependant que l’intervention ergonomique inspirée de la conception centrée sur l’utilisateur peut cohabiter avec le RUP. Dans le cas présent, cette inter-vention a été dictée expressément par les représentants des utilisateurs et non par le RUP lui-même. Il faudrait que le RUP reconnaisse formellement la conception cen-trée sur l’utilisateur en insérant un enchaînement d’acti-vités propre. Il y a quelques artefacts à ajouter, à modi-fier ou à remplacer. Il faut une équipe distincte et quali-fiée.

Enfin, le « contexte du problème » et le « contexte d’utilisation » ne sont pas la même chose. Les deux sont nécessaires à la modélisation et la spécification d’un sys-tème interactif. Mais il faut apprendre à les distinguer et à les faire cohabiter.

REMERCIEMENTSNous tenons à remercier Guy Leblanc de ErgoIGL pour sa précieuse collaboration.

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Nomenclature de critères ergonomiques pour le voteélectronique : éléments d’utilisabilité électorale

Gabriel Michel

Université Paul Verlaine – Metz –Laboratoire de Psychologie de Lorraine, Équipe

Transdisciplinaire sur l’Interaction et la Cognition.BP 30309. Ile du Saulcy – F 57006 Metz cedex 1

[email protected] 03-87-31-52-83

Walter Cybis de Abreu

Universidade Federal de Santa Catarina,Departemento de Informática e Estatística.

Florianópolis, Bré[email protected] 00-1-(514) 340-4711

RESUMECette communication a pour objectif de faire le point surles problèmes posés par l’usage des urnes de vote élec-tronique dans le monde. Elle propose de considérer queces problèmes d’utilisation relèvent à la fois de diffi-cultés opératoires classiques et bien connues en ergono-mie et de difficultés provenant d’un manqued’utilisabilité électorale. L’utilisabilité électorale repré-sente un domaine d’application de l’utilisabilité qui viseà définir et obtenir un haut niveau de crédibilité et de lé-gitimité du processus de vote électronique en plus descritères classiques d’efficacité, d’efficience et de satis-faction. Enfin, les auteurs proposent douze critères ergo-nomiques dédiés à la conception et à l’évaluation des ur-nes de vote électronique. Ainsi, la question de la capacitéde l’ergonomie à donner au vote électronique un statutde procédure démocratique est posée et discutée tout ensoulignant le rôle déterminant que l’ergonomie devra deplus en plus jouer dans la conception de systèmes politi-ques.

MOTS CLES : Critère ergonomique, utilisabilité politi-que, urne électronique, e-vote, e-citoyen, e-démocratie

ABSTRACTThis article aims to give a progress report on the prob-lems arising from the use of electronic vote systems inthe world. It proposes considering the fact that theseproblems concern traditional and well-known operationaldifficulties in ergonomics as well as difficulties stem-ming from a political lack of usability. Electoral usabilityrepresents a domain of the applicability of the usabilitythat aims to define and obtain a high level of credibilityand legitimacy of the electronic vote process in additionto the traditional criteria of effectiveness, efficiency andsatisfaction. Lastly, the authors propose twelve ergo-nomic criteria dedicated to the design and the evaluationof the ballot boxes of electronic voting. Thus, the ques-tion of the capacity of ergonomics to give the electronicvote a status of democratic procedure is put forth anddiscussed while underlining the determining role andimportance that ergonomics should have in the design ofpolitical systems.

KEYWORDS : Usability criteria, political usability,electronic voting system, e-vote, e-citizen, e-democracy.

INTRODUCTIONDans le monde, le développement vertigineux du voteélectronique génère une série d’espoirs sur une meilleuredémocratie tout en suscitant des craintes relatives à denouvelles formes électroniques de despotisme. Les expé-riences de vote électronique menées en Allemagne, Au-triche, Australie, Belgique, Brésil, États-Unisd’Amérique, France, Inde, Suisse, Royaume Uni, Vene-zuela, etc… ont permis de dégager de nombreux problè-mes, dont certains liés à l’ergonomie de ces systèmes.

Ainsi, il apparaît que l’organisation des interactionsélecteur-urne peut influencer directement le fonctionne-ment démocratique et la légitimité des choix. Certainsproblèmes pourraient provenir d’une mauvais automati-sation du vote manuel : ainsi l’écart entre la procéduremanuelle et l’interaction proposée par le système de votepeut expliquer un certains nombre d’erreurs des élec-teurs. Mais il n’existe pas, à notre connaissance, d’étudesportant sur ce sujet de même qu’il existe peu d’études surl’accessibilité du vote manuel (par exemple aux person-nes handicapées ou illettrées). Cependant les urnes élec-troniques étant des dispositifs nouveaux et de plus numé-riques il a paru plus naturel de les évaluer. Comme cer-taines élections et recherches l’ont montré [1, 2, 5, 6, 7,12, 13], la manière de concevoir les interactions entre lecitoyen et l’urne oriente finalement les comportementsde l’électeur, y compris, dans une certaine mesure, sonchoix électoral. Ce constat est d’autant plus vrai lorsqueles électeurs sont fragilisés (handicapés, seniors, illet-trés…) [12].

L’urne ne peut donc être résumée à un dispositif de saisied’un choix mais représente une structure artefactuelle oùles choix individuels doivent pouvoir s’exprimer le plusfacilement possible, sans exclure aucune personne ayantdroit de vote [15].

Son acceptation sociale implique non seulement un ni-veau d’utilisabilité très élevé et adapté à tous les élec-teurs, mais aussi une bonne compatibilité avec les exi-gences des droits humains fondamentaux et une légiti-

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mité socialement partagée. L’ergonomie de l’urne estdonc un aspect essentiel de son acceptation et de sonusage. Les caractéristiques de l’urne électronique cons-tituent un cadre général facilitant ou complexifiant leprocessus de vote. Par voie de conséquence, l’urne élec-tronique doit à la fois présenter une simplicitéd’utilisation très élevée mais aussi montrer sa crédibilitéà restituer les choix démocratiques. L’ergonomie doitrendre compte de cette double exigence.

L’objectif de ce papier est à la fois de synthétiser lesproblèmes posés par l’usage des urnes électroniquespuis, de proposer, présenter et discuter des critères ergo-nomiques pour concevoir et évaluer ces urnes.

PROBLEMES ERGONOMIQUES POSES PAR LEVOTE ELECTRONIQUED’un point de vue synthétique, nous proposons de clas-ser ces problèmes en deux types : ceux relevant del’utilisation opératoire à proprement parler (utilisabilitéclassique) et ceux venant d’un déficit de légitimité duvote (utilisabilité électorale).

Problèmes d’utilisabilité classiqueD’un point de vue synthétique et général (pour des ré-sultats plus précis et tenant compte des types d’urnes etdes pays, le lecteur pourra se reporter à [7]), il a été misen évidence qu’environ 80% des répondants (ou élec-teurs ou observés, selon les méthodologies de recherchemises en œuvre dans les études) trouvent que les systè-mes étaient faciles à utiliser. Cela ne prouve pas que cesélecteurs aient tous réussi à voter correctement comme lemontrent les évaluations que nous avons effectuées ([6],et [7]). Même si ce score moyen de 80% peut semblersatisfaisant, il ne doit pas faire oublier les difficultés delecture, de lisibilité, de correction des erreurs,d’apprentissage et de confiance que rencontrent un nom-bre significatif d’électeurs [1, 2, 6]. Le vote n’est effecti-vement pas une tâche comme les autres. De tels systèmesdevraient présenter 100% de satisfaction ou encore unconsensus absolu, ou du moins aussi élevé que le voteclassique.

Problèmes d’utilisabilité électoraleLe vote n’est que minimalement une interaction entre unélecteur et un dispositif technique, qu’il soit électroniqueou manuel. Par contre, il est d’abord une interaction en-tre un électeur et un système politique qui attribue àl’électeur la possibilité de s’exprimer sur son avenir etcelui de son pays. Aussi, il nous semble que les critèresd’utilisabilité souvent mis en avant comme l’efficacité,l’efficience et la satisfaction sont insuffisants pour expli-quer les difficultés, le rejet, le refus, en bref la non ac-ceptation du vote électronique. En effet, il nous apparaît,notamment par les études menées sur les urnes de votebrésilienne et vénézuelienne, qu'un système de voteélectronique peut, à minima, interférer sur la volonté de

l'électeur, en particulier si celui-ci est une personnevieillissante, un aveugle, un analphabète ou un « éloigné» de la technologie. A maxima, de tels systèmes peuventmanipuler, innocemment ou volontairement, le vote del’électeur en facilitant les votes pour certains partis etcomplexifiant les votes pour d’autres. Une autre possibi-lité est que ces systèmes induisent des erreurs chez cespopulations sensibles impliquant l’annulation de leurvote. Nous avons montré d’ailleurs par une étude statis-tique effectuée sur différents pays que le nombre des ex-clus technologiques pouvait varier de 20% à plus de 50%selon le niveau de développement et aussi de vieillisse-ment du pays [7]. Ce qui introduit la nécessité del’accessibilité de ces systèmes à ces différentes catégo-ries d’exclus. Par rapport aux critères d’utilisabilité etd’accessibilité classiques on peut souligner que dans lecadre des urnes de vote :

• leur niveau d’utilisabilité devra être extrêmementélevé. On pourrait parler de zéros défauts.

• elles doivent être obligatoirement accessibles à tou-tes les catégories de population, ce qui n’est pas lecas pour toute interface. Actuellement les interfacesqui se disent accessibles (par exemple certains sitesweb) ne sont accessibles que pour un certain type dehandicap et souvent partiellement.

• dès sa première utilisation l’électeur a l’impressionde connaître le système.

D’où l’intérêt de se poser la question de la notiond’expérience utilisateur. Comme on le sait, l’ergonomieest la qualité de l’adaptation des caractéristiques d’uneinterface à l’utilisateur et à sa tache. L’expérience utili-sateur est la qualité des relations que s’établissent entreles utilisateurs et cette interface lors de la réalisation deleurs tâches. Ces deux qualités sont associées par unerelation de cause et effet. En conséquence, dans une acti-vité de conception nous devons spécifier tantl’ergonomie de l’interface que l’expérience que cette in-terface est supposée de produire.

Nous construisons une interface ergonomique à l’aide depratiques telles que l’analyse de l’utilisateur, de son tra-vail et de son contexte et en respectant des principes etrègles ergonomiques. Nous spécifions l’expérience utili-sateur par les qualités que doivent marquer les relationsentre utilisateurs et cette interface, par exemple, l’utilité,l’utilisabilité (la productivité et la satisfaction del’utilisateur), la confiance, l’accessibilité, etc..

L’utilisabilité électorale correspond à une utilisabilité età une accessibilité extrêmes. De plus elle intègre deuxcritères supplémentaires d’utilisabilité :

- la crédibilité : elle désigne la capacité d’un systèmeà reproduire fidèlement l’intention de l’utilisateur et

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souligne donc le fait que l’électeur le juge crédible.Dans cette perspective, Ong, Lai et Wang [14] pro-posent de considérer que la « crédibilité perçue »(perceived credibility) est un élément important del’acceptation d’une technologie, du maintien desmotivations de l’utilisateur et de la poursuite desintentions à utiliser le système. Ce concept de cré-dibilité perçue, fait donc intervenir le sentiment devaleur pour expliquer la manière dont l’usagerévalue son acte de vote électronique.

- la légitimité : c’est la croyance que la délégation dela tâche électorale à une machine est un facteurd’amélioration démocratique (et pas seulement deréduction des coûts de traitement des suffrages ex-primés). La légitimité cautionne l’usage du disposi-tif électoral, en transférant une partie du pouvoir del’humain et de la justice dans le dispositif électoral.Remarquons à titre anecdotique, que l’arrêt ordonnépar la Cour Suprême des USA du recomptage desvotes en Floride lors de la première élection du Pré-sident Bush, est finalement une reconnaissance in-directe que la légitimité du processus électoraln’était pas garantie.

LA NECESSITE DE LA « CONCEPTION POUR TOUS »Une urne électronique inadaptée s'avère donc être unfacteur important d’exclusion sociale et politique. Enfait, plusieurs expériences soulignent que l’absenced’évaluation des urnes électroniques sur des sujets fra-giles entraîne des échecs d’utilisation et par voie deconséquence réduit la légitimité des résultats des élec-tions [4, 6, 13]. L’utilisabilité n’est donc pas un gadgetscientifique qui vise à ajouter un supplément d’âme à undispositif technique. Fondamentalement, l’utilisabilité estle vecteur de la légitimité du processus électoral..

Dans cette perspective, la conception des urnes électro-niques pourrait judicieusement s’appuyer sur l’approchede la «conception pour tous» ou de la «conception inclu-sive» (design for all) [3]. Cette approche soutient l’idéeque si l’on conçoit un produit accessible aux personnesles plus handicapées alors le produit résultant sera aussiaccessible aux personnes avec des déficits mineurs et auxpersonnes bien portantes.

CRITERES ERGONOMIQUES POUR LE VOTE ELEC-TRONIQUEPour atteindre une utilisabilité électorale, il faut que lesconcepteurs disposent des principes et règlesd’ergonomie capables de les guider. Les critères ergo-nomiques pour le vote électronique proposés dans lasuite synthétisent les résultats de différentes recherches,à la fois des tests utilisateurs et des inspections ergono-miques réalisées sur les principales urnes de votes utili-sées ces dernières années.

Les douze principes ergonomiques suivants définissentun premier cadre de l’utilisabilité électorale. Ils se vou-draient universels et instantiables, c’est-à-dire applica-bles à toutes les urnes quelque soit le pays ou le typed’élection. Nous présentons ici une partie de ces recom-mandations, parmi celles qui nous ont paru les plus im-portantes, illustrées par des exemples de systèmes devotes dont les évaluations plus détaillées sont décrites en[7].

1. Compatibilité : flexibilité modaleIl s’agit de prévoir différents modes d’entrée et d'affi-chage d'information. On devrait pouvoir offrir d’autresalternatives que la combinaison clavier-souris-écran ouécran tactile ou encore les boutons à presser en face d’uncandidat donné. Ces 3 alternatives correspondent à prati-quement tous les systèmes de vote actuels. Les sortiespourraient typiquement se présenter sous les formes vi-suelles, textuelles et picturales (avec possibilitéd’agrandissement), ainsi que sonores, tactiles (Braille)voire haptiques. Cette flexibilité modale permettrait ainsiune plus grande accessibilité des systèmes de votes auxdifférentes catégorie d’exclus.

La plupart des systèmes de vote utilisés récemment telsque ceux du Brésil, du Venezuela ou de l’Inde ne propo-sent qu’un affichage des informations. L’entrée des in-formations se faisait par un clavier : le braille n’était em-ployé qu’au Brésil pour l’entrée des informations (cf fi-gure 1 ci-dessous) mais sans retour vocal ou sonore.

Figure 1 : Clavier numérique avec inscriptions en Braille (UrneÉlectronique Brésilienne)

Par contre le modèle AccuVote-SX fabriqué par Dieboldet employé aux élections américaines de 2004 proposaitune interface sonore offrant une flexibilité modale et unefonction d'agrandissement des parties de l'écran assurantune lisibilité accrue des informations.

2. Compatibilité avec les connaissances informati -ques et les outils technologiques de l’électeurLe vote ne doit pas impliquer une bonne connaissancedes technologies informatiques et de leurs manipulations.En particulier il ne doit pas nécessiter la possession d’unordinateur et d’une connexion Internet.

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Dans certains cas, pour voter, il faut posséder un ordina-teur et une connexion Internet. C’est le cas des projets deGenève [10] ou de Neufchatel en Suisse. Il s’agit d’unsystème de vote électronique accessible depuis Internet.On attribue à l’électeur, également internaute, un codeconfidentiel unique, qu'il recevra en mêmete !:m ;;;;:!!!mps que le matériel de vote à relier à sa ma-chine. Bien sûr, cela suppose que l’utilisateur possède unordinateur et qu’il sache installer les périphériques né-cessaires. Pour voter en ligne, l'internaute devra prouverson identité au moyen d’un code d'accès, d’un mot depasse et d’une carte à numéros, pour ensuite pouvoir ac-céder à la page permettant d’effectuer le vote.

La complexité de la procédure d’authentification (mot depasse à retenir, carte à numéro à conserver, code secret àretenir) pose à n’en pas douter d’énormes problèmesd’accessibilités pour tous, et surtout aux personnesâgées et aveugles (cf figure 2 ci-dessous).

L’utilisation d’un périphérique supplémentaire à relier àla machine de l’utilisateur pour pouvoir lire la carteélectronique sous-entend deux choses : que l’utilisateurpossède un ordinateur chez soi, tout en étant connecté àInternet, et qu’il sache se servir d’un ordinateur ainsi quedes différentes connectiques qui y sont liées (appareil devote, etc..). Une grande catégorie de la population risquedonc d’être exclue avec ce système, à savoir les non ha-bitués à la technologie et les personnes ne possédant pasd’ordinateur (ou un ordinateur non compatible avec lepériphérique fourni). Les personnes aveugles, mal-voyantes et les seniors sont elles aussi totalement excluescar le Web leur est difficilement accessible

Figure 2 : Écran d'identification du système de vote par Inter-net employé en Suisse.

3. Guidage renforcé et amicalL’interface doit accueillir les électeurs et les inviter àl'interaction d'une façon amicale (personnalisée), claire etdétaillée, tout en conservant un style concis. Les libellésdoivent être précis et complétés par des instructions clai-res et détaillées concernant la tâche de vote. Les deux

interfaces étudiées (celle de 1996 et celle de 2002) del’urne brésilienne dans ce sens en étaient totalement dé-pourvues.

Figure 3 : Écran initial pour le vote du conseiller municipal -écran de confirmation du vote - UEB en 1996

On constate sur l’écran initial, un manque total de gui-dage : la seule incitation étant le premier curseur qui cli-gnotait (cf. figure 3 ci-dessus). La seule indication don-née, en dehors des 5 caractères de soulignement, est letitre de l’écran signifiant « Conseiller Municipal ». Desinformations de guidage un peu plus riches telles quel’explication de ce qu’on attend de l’électeur (voter pourle conseiller municipal), de la procédure proposée (taper2 chiffres, pour la liste, ou 5 pour le candidat puis vali-dation) auraient été indispensables.

Quand cela est possible, ajouter des photos de candidatset/ou les logos des partis au moment du choix et non dela validation.

4. Guidage : délimitation claire des votesLorsqu’il faut effectuer dans la même session plusieursvotes, il faut fournir des indications évidentes (visuelleset/ou sonores) de la fin de chaque vote et du début duvote suivant.

Figure 4 : Séquence d'écrans principaux de l'urne électroniquebrésilienne employée aux élections municipales. Les flèches

rouges montrent l'effet d'une annulation.

Les différents bulletins de vote de l'urne électroniquebrésilienne ont tous globalement la même apparence et lemême comportement. Ils présentent d'abord un écrand'invitation à la saisie d'un code de candidat, suivi d'unautre de demande de confirmation de cette intention (cffigure 3). En cas d'annulation, la page d'invitation estprésentée à nouveau. Le dispositif signale l'accomplis-sement d'un vote intermédiaire (qui n'est pas le dernier

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dans la séquence de votes) par un bref signal sonore quiest accompagné de la présentation de la page initiale dubulletin suivant. Il n'y a donc pas un message visuel ex-plicite confirmant que ce vote a été pris en compte. Toutce que l'électeur peut observer lorsqu'il accomplit sonvote est la présentation de la page d'invitation du bulletinde vote suivant, d'apparence générale identique à celle dubulletin que l'on vient de quitter. Visuellement parlant,l'effet d'une confirmation et celui d'une annulation se res-semblent beaucoup (cf figure 4 ci-dessus).

On peut imaginer qu'en cas d'incidents, l'électeur moinsavisé peut ne pas réaliser qu'il y a eu une transition debulletin. Dans ce cas, il va tenter de voter pour un candi-dat à une élection (conseilleur municipal) sur le bulletinde vote de l'élection suivante (maire).

Le système Platinium aux Etats Unis comporte lui aussiplusieurs écrans successifs : la navigation d’un écran àl’autre se fait grâce aux boutons « Next » et « Preview ».Indiquer à tout moment le vote correspondant à cet écranet le numéro de l’écran (par exemple 3 sur5) améliorerait le guidage.

5. Feedback/contrôle local et globalLorsque plusieurs votes ont été effectués il faut présen-ter, à la fin des interactions, un bilan de ces votes, etdonner aux électeurs la possibilité de tout annuler et derecommencer le vote. Pour chaque vote particulier il doitégalement être possible de corriger ce vote, de revenir auvote précédent pour vérifier ses choix et ainsi de navi-guer entre les différents votes effectués tant quel’ensemble des votes n’aura pas été validé.

L'urne électronique employée en Inde [11] (cf figure 5)est composée uniquement par des tablettes numériquessans ressources d'affichage de données. Sur celles-ci lesinformations et contrôles sont disposées selon une ma-trice de 16 lignes et 4 colonnes. Chaque ligne présente lenom d'un candidat, le symbole de son parti, une petitelumière rouge et un bouton bleu pour commander le votepour ce candidat

Le système supporte jusqu'à 4 tablettes, ainsi il est possi-ble d’avoir jusqu'à 64 candidats par élection. Lorsqu'unvote est accompli, un signal sonore se fait entendre et unvoyant rouge clignote pour quelques instants sur la lignedu candidat choisi. Au bout de quelques secondes, levoyant s’éteint et le son s’arrête : l'électeur ne trouveraplus aucune trace de son vote sur l'interface. Les man-ques de feedback et de possibilités de modifier un voteaccompli sont des défauts du système d’autant plus gra-ves qu’il est possible de voter pour plusieurs candidatssur une même tablette.

Figure 5 : La machine électronique de vote (Electronic VotingMachine) employé en Inde

6. Focalisation de l'attentionLes informations et les contrôles doivent être disposésaussi proches que possible les uns des autres de manièreà toujours focaliser l’attention des électeurs sur un mêmepoint de l'interface. Ainsi, lorsqu'un écran tactile n'estpas disponible, les touches du clavier devraient être dis-posées autour de l'écran.

Figure 6 : Urne de vote du Brésil séparant l'écran, à gauche duclavier, à droite.

Dans l’urne brésilienne, (cf figure 6 ci-dessus) ce n’estpas le cas : à droite de l’écran se trouve un clavier numé-rique. Beaucoup d’électeurs ne regardaient que le clavieret parfois ignoraient totalement l’écran.

7. Lisibilité accrueCe critère s’applique surtout pour les malvoyants et lesseniors. Pour cela il faut prévoir des contrastes impor-tants ainsi que des mécanismes simples d'agrandisse-ment.

Pour la plupart des interfaces de vote, le manque decontraste, le choix de la police de caractères et la densitéinformationnelle nuisent à la lecture des informations,particulièrement chez les déficients visuels. Par exempledans le vote Platinium aux Etats-Unis, la case à sélec-tionner tactilement était peu lisible et de surface réduite(donc difficile à sélectionner en particulier pour les se-niors).

Ou encore le eSlate Electronic Voting System [12] (cffigure 7 ci-dessous), de Hart InterCivic, défini sur unpalm-top spécialement conçu pour le vote électronique.

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Il a été utilisé aux Etats-Unis dans plusieurs états, no-tamment lors des élections présidentielles.

Figure 7 : Interfece de l’eSlate Electronic Voting System.

Le texte est difficilement lisible pour des seniors ou desmalvoyants. Il en est de même pour le texte situé sur lestouches. Tourner la roue “SELECT” est probablementsource de problèmes, particulièrement pour les seniors.

En dehors du contraste, et comme pour les interfacesdestinées aux malvoyants ou aux seniors, il faut une po-lice de caractères et une taille de caractères appropriéesainsi qu’une densité informationnelle limitée.

8. Langage électoral :Faire appel aux termes de langage spécifiques des élec-tions, éviter d'employer des dénominations liées à latechnologie. Par exemple, utilisez « Voter » au lieu de« Confirmer » ou « valider ».

Dans le système américain Sure Vote ou dans le projetsuisse de Neufchatel il fallait mémoriser et manipulerplusieurs codes. Il en était de même des différentes urnesbrésiliennes : 2 nombres à retenir en 1996, puis 6 en2002.

Pour l’urne du Brésil la validation ou la correctionétaient ensuite proposées après la saisie du code du can-didat (cf figure 3) : les tests utilisateurs ont montré quecertains électeurs suite à la saisie de leur code restaientbloqués devant cet écran de validation/correction, parfoispendant plusieurs minutes, ne sachant que faire, allantjusqu’à abandonner. Les interview qui ont suivi ontmontré que pour ces électeurs le terme valider n’avaitpas de sens.

Pour le eSlate Electronic Voting System (cf figure 7),l’interface utilisateur manque de clarté. Le bouton “SE-LECT” est utilisé pour modifier le choix mis en évidencesur l’écran (en bleu clair). C’est le bouton “ENTER” quieffectue la sélection.

9. Protection des votes importantsEtant donné que les situations d'erreurs peuvent entraverles votes des électeurs, lorsque plusieurs votes sont à dé-finir dans une seule séance, il est conseillé de commen-cer par les votes les plus importants.

L'urne électronique employée au Brésil depuis 96 obligel'électeur à suivre une séquence de votes définie au pré-alable : ainsi les votes les plus importants sont proposés àla fin du processus. Cette situation implique un manquede protection de l'élection la plus importante, celle duprésident. Ce dernier vote est dépendant de la réussitedes votes antérieurs. En 2004, l'électeur était forcé depasser par 5 autres bulletins, comparativement plus diffi-ciles à remplir, avant d'arriver au bulletin destiné au votepour le président. On a pu montrer que ce dispositif meten péril les votes des personnes le plus défavorisées quisouvent n'interagissent qu'avec le clavier, ne regardantpas les informations sur l'écran [6]. En cela elles suiventun script d'actions sur le clavier basé sur des répétitionsdes séquences des frappes : elles se focalisent sur lestouches numériques permettant de saisir les codes descandidats et sur la touche "Confirmer". Une erreur sur cescript va déclencher un dialogue d'exception qui seraignoré par les électeurs qui ne regardent pas l'écran.Cette situation amènera inévitablement à des incidentssur les votes suivants. Il est donc probable que les 5 vo-tes qui précèdent celui du président aient influé sur la ré-ussite de ce dernier vote (particulièrement dans le casdes électeurs les moins favorisés ).

10. Correction intuitive des erreurs.On sait que plus le niveau de développement d’un paysest bas, plus nombreux seront les exclus technologiques(se référer à [7] pour les statistiques). Pour ces pays, leniveau d’accessibilité des urnes est encore plus sensibleet en conséquence ces principes devraient être respectésà la lettre, en particulier celui du contrôle global. Mêmel'électeur le plus défavorisé devrait avoir à tout momentl'opportunité de corriger aisément ses différentes actionset de tout annuler.

Le système employé en Inde est totalement dépourvu decorrection d'erreurs. En effet, les tablettes numériquessont conçues de façon à intégrer la sélection d'un candi-dat et la confirmation du vote sur une même action del'utilisateur. Son vote est accompli au moment même oùil presse sur un des boutons bleus de la tablette. Aveccette machine l'électeur n'est pas autorisé à commettred’erreurs.

11. Compatibilité avec les objectifs des électeursIl doit avoir une correspondance directe entre les objec-tifs des électeurs (voter pour un candidat, pour un parti,voter en blanc, annuler le vote) et les options de com-mande dans l'interface. La réalisation de ces objectifs ne

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doit jamais être associée à des actions exotiques, commesaisir le code d'un candidat inexistant.

C’est le cas de l’urne de vote indienne, il y a un manquede compatibilité entre l'intention légitime des électeursde voter blanc et les possibilités du système. En effet, onobserve qu'il n'y a pas de commande associée au voteblanc sur la tablette et que la séance de vote ne se clôturequ'après avoir choisi un candidat par pression sur un desboutons bleus. L'absence de cette possibilité pour l'élec-teur génère donc une situation d'impasse. Ainsi avec cedispositif il se voit privé de manifester son insatisfactionavec le statu quo, car il n'a également pas pu voter nul.

12. Support à la confianceLes interfaces électroniques de vote doivent rassurerl’électeur sur la fiabilité du système, en prévoyant parexemple, l'impression du bulletin de vote rempli électro-niquement. L'électeur pourra faire confiance à un sys-tème que lui permettre de tenir dans ses mains et vérifierson vote avant de le déposer dans l'urne.

On constate que la plupart des principales urnes électro-niques au monde ne proposent pas de possibilités pourrassurer les électeurs de la fiabilité des votes accomplis.Comment les gens qui utilisent des urnes électroniquesaux USA, au Brésil et en Inde peuvent savoir si leursvotes ont été pris en compte correctement par le système? Ils ne voient pas d'objets tangibles associés à leursvotes et ne comprennent pas les arguments techniquesavancés par les autorités responsables. À l'heure actuellele seul dispositif capable de rassurer l'utilisateur de laprise en compte du vote par le système est celui employéau Venezuela [16] (cf figure 8 ci-dessous). Immédiate-ment après avoir effectué son vote, l’urne imprime unbulletin en papier grâce auquel l’électeur peut contrôlerle résultat de son vote. L’électeur dépose ensuite ce bul-letin à l'intérieur d'une urne en carton placée à coté dudispositif électronique. L'électeur peut partir rassuré caril existe une trace matérialisée de son vote qui pourraêtre récupérée et éventuellement recomptée. Malheureu-sement ce contrôle n’est pas prévu dans la plupart dessystèmes de vote électronique actuels.

Figure 8 : Système Smartic, employé au Venezuela, qui im-prime un bulletin en papier que l'utilisateur peut véri fier avant

de le déposer dans l'urne en carton.

Les concepteurs d'urnes électroniques devraient appli-quer non seulement ces principes spécifiques au domaine

de l’urne électronique, mais également les compléter parles recommandations, normes et critères ergonomiquesclassiques [3]. Il faut noter aussi que lorsque le vote estun acte obligatoire les priorités des concepteurs en termed'utilisabilité sont probablement l'efficacité et l'effi-cience. Pour les décideurs, dans le cas du vote obliga-toire, la satisfaction des électeurs semble être facultative.Par contre, lorsque le vote est non obligatoire, les urnesdevraient devenir un moyen d’augmenter le nombre devotants par rapport au vote traditionnel. Dans ce cas, lasatisfaction des électeurs devient un objectif importantdu système de vote électronique. Des principes concer-nant une conception esthétique et minimaliste, tel queceux définis par Nielsen, pourraient alors s'appliquer,sans pour autant nuire à l'accessibilité des interfaces.

Enfin n’oublions pas que si l’on veut que tout le mondepuisse voter, et pour limiter le nombre des exclus, et au-delà du respect des recommandations ergonomiques, ilest indispensable que l’accès aux urnes à tous soit possi-ble avant le vote pour une familiarisation et un apprentis-sage du système. Il faut aussi, tant qu’on n’est pas certainqu’un système de vote électronique donné permet à tousde voter, offrir la possibilité, pour ceux qui le désirent,de voter de manière classique.

CONCLUSIONL’ergonomie peut-elle permettre au vote électroniqued’accéder au statut de procédure démocratique ? C’est làune question fondamentale et difficile, dont l’enjeu estpratique et théorique pour la science ergonomique !L’urne électronique est un véritable défi pourl’ergonomie qui ne peut plus se contenter de scoresd’utilisabilité élevés. Elle doit raisonner en performanceabsolue, c'est-à-dire avec des exigences de performancescomparables, voire meilleures, que celles du vote ma-nuel. Sur le plan théorique, les enjeux de l’utilisabilitéélectorale obligent sans doute une évolution de certainesnotions d’ergonomie et un rapprochement avec des dis-ciplines comme le droit électoral, les sciences politiqueset la sécurité informatique. Il s’agit donc d’une ouverturevers les sciences sociales et politiques.

La conception de tout système de vote électronique doitse réaliser dans le contexte des cycles du génie del’utilisabilité : la structure générale de ce processus étantanalogue à celle proposée par la norme ISO 13407 [11].Avec, bien-sûr, la nécessité d’impliquer des utilisateurfinaux pendant tout le cycle. Toutes les catégoriesd’utilisateurs devraient être concernés, particulièrementles exclus de la technologie. Les principes généraux deconception devraient intégrer les critères ergonomiquespour le vote électronique, et la spécification del’utilisabilité doit prévoir des exigences de productivitéet de satisfaction très élevées,. Ces interfaces doivent,évidement être validés par toutes les parties prenantes :

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les autorités, les fabricants et les électeurs. A chaque cy-cle de développement les tests d’utilisabilité doiventavoir un caractère très rigoureux et exigeant. Il n’est paspossible d’admettre des erreurs d’ergonomie sur les ur-nes ni des niveaux d’utilisabilité en dessous de l’optimal.

Le respect de ces critères devrait également pouvoir êtrecontrôlé avant chaque mise en place de tout système devote électronique par un groupe indépendant d’expertsinternationaux en utilisabilité. Il n’y a qu’à ces condi-tions minimales que l’on pourra limiter l’exclusion dé-mocratique par le vote électronique.

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Esquisse de processus visant à améliorer la capacité d’adaptation des systèmes à leurs environnements

Jean René RUAULT DGA SPN/PFN

8 bd Victor 75 015 Paris

Bureau : 01.57.24.73.57Télécopie : 01.57.24.83.91

Email : [email protected]

RESUMELes systèmes d’intérêt, du point de vue de l’ingénierie des systèmes, sont conçus pour répondre à un besoin ex-primé. La partie non technique, humaine et organisa-tionnelle, de ces systèmes ne relève pas d’une logique de conception, mais d’une logique d’adaptation. En effet, cette dernière est amenée à s’adapter pour répondre à un environnement en constante évolution. Dans ce contexte, l’article propose l’esquisse de processus visant à amélio-rer la capacité d’adaptation des systèmes techniques à leurs environnements. Pour cela, il s’appuie sur l’état de l’art en ingénierie des systèmes, et s’enrichie de concepts structurant dans le domaine des sciences humaines. En-fin, il s’appuie sur la démarche des IBEO (Illustrateur de Besoin d’Exploitation Opérationnelle).

MOTS CLES : Système, systémique, IBEO, ingénierie des systèmes, conception, adaptation.

ABSTRACT In the context of system engineering, systems of interest are designed to feet expressed needs. Non technical part that is human and organizational, of these systems doesn’t pertain to design, but to adaptation. This part needs to adapt face to an environment that continuously evolves. So, this article suggests a draft of a process that improves systems’ capability to adapt to its environment. This article is based upon system engineering state of the art, and relevant concepts from human sciences.

KEYWORDS : System, systemic, human sciences, sys-tem engineering, design, adaptation.

INTRODUCTIONLes systèmes d’intérêt, du point de vue de l’ingénierie des systèmes, sont conçus pour répondre à un besoin ex-primé. La partie non technique, humaine et organisa-tionnelle, de ces systèmes ne relève pas d’une logique de conception, mais d’une logique d’adaptation. En effet, cette dernière est amenée à s’adapter pour répondre à un environnement en constante évolution. Dans ce contexte,

l’article propose l’esquisse de processus visant à amélio-rer la capacité d’adaptation des systèmes techniques à leurs environnements. Pour cela, il s’appuie sur l’état de l’art en ingénierie des systèmes, et s’enrichie de concepts structurant dans le domaine des sciences humaines. En-fin, il s’appuie sur la démarche des IBEO (Illustrateur de Besoin d’Exploitation Opérationnelle).

Après une présentation de la notion de système, du point de vue de l’ingénierie des systèmes, puis des sciences humaines, l’article met en perspective la logique de des-sein, propre à la première, et la logique d’adaptation, propre aux sciences humaines. L’article suggère un changement de perspective et propose des éléments mé-thodologiques pour prendre en compte la logique d’adaptation dans l’ingénierie des systèmes.

LA NOTION DE SYSTEME DANS LE CONTEXTE DE L’INGENIERIE DES SYSTEMES Qu’est-ce qu’un système, du point de vue de l’ingénierie des systèmes ?

Pour le norme ISO 15 288 [11] un système est « une combinaison d’éléments interagissant organisée pour at-teindre un ou plusieurs buts définis ».

Meinadier [18], quant à lui, définit « un système comme étant un ensemble composite de personnels, de matériels et de logiciels organisés pour que leur interfonctionne-ment permette, dans un environnement donné, de remplir les missions pour lesquelles il a été conçu ».

Enfin pour l’AFIS [1] « un système est décrit comme un ensemble d’éléments en interaction entre eux et avec l’environnement, intégré pour rendre à son environne-ment les services correspondants à sa finalité. Un sys-tème présente donc des propriétés nouvelles résultant des interactions entre ses constituants : si l’on intègre des éléments pour faire un système, c’est bien pour bé-néficier des effets de synergie résultant de leurs interac-tions. L’art de l’IS est d’obtenir, du fait des interactions,

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les comportements synergiques recherchés en mainte-nant les comportements émergents non intentionnels dans des limites acceptables. En IS, la définition du sys-tème comporte :

celle de ses sous-systèmes et constituants (matériels, logiciels, organisations et compétences humaines) et de leurs interfaces, sièges des interactions recher-chées,

celles des processus de leurs cycles de vie permet-tant de les concevoir, produire, vérifier, distribuer, déployer, exploiter, maintenir en condition opéra-tionnelle et retirer du service, et donc des produits contributeurs nécessaires à ces processus » [1].

Prenons un exemple. Un système de vente de titre de transport permet à des clients d’une compagnie de trans-port d’acheter des billets pour voyager sur le réseau de cette compagnie. Il s’agit là de sa finalité. Ce système de vente de titre de transport est un sous-système d’un sys-tème plus vaste, qui offre au client de cette compagnie un service de bout en bout, de l’achat du voyage à la ré-alisation du voyage lui-même, voire avec des services complémentaires tels que des plateaux repas, le transport du véhicule du client, entre autres. À cela peut s’ajouter des services proposés par des partenaires de la compa-gnie de transport, telles que la location de véhicule, la réservation de chambres d’hôtels, des places de parking, etc. Proposer de réserver un plateau repas lors de l’achat du titre de transport nécessite d’interfacer, d’intégrer, le système de vente au système de préparation et de distri-bution des plateaux repas, au sein d’un système de plus haut niveau. Ils sont alors des sous-systèmes de ce der-nier. Le système de vente, lui-même, peut être décompo-sé en sous-systèmes. Lesquels peuvent être dédiés à des modes de vente, par exemples, vente en agence, vente par Internet, vente aux guichets, etc., ou communs aux différents modes de vente, telle qu’une centrale de réser-vation.

Le système de vente de titre de transport comprend, en-tre autres :

des produits finaux que sont les titres de transport, qui peuvent être matérialisés par des billets ou être dématérialisés,

des équipements matériels et logiciels pour réaliser ces produits (centrale de réservation, serveur Inter-net, station de travail pour la vente au guichet, au-tomate de vente, …),

des produits ou systèmes contributeurs, qui permet-tent la réalisation de ce système de vente de titre de transport, sans pour cela être ses composants (appa-reils de test et de mesure, …),

des processus et activités de production et de sup-port pour réaliser ces produits (définir une politique de prix, vendre des titres de transport, exploiter les équipements de vente, maintenir les équipements de

vente, traiter les informations comptable et financiè-res, réaliser des statistiques sur les produits vendus, …),

des opérateurs qui mènent ces activités selon des procédures et des règles métiers établies, mettant en œuvre des compétences en terme de savoir (connaî-tre les codes tarifs), savoir-faire (savoir recharger le monnayeur d’un automate) et savoir-être (courtoisie vis-à-vis des clients),

une organisation des activités, des informations et des données, telles que des ta-

bles de tarifs, ou une signalétique pour informer les clients de la disponibilité des services et produits proposés.

des ressources de différentes natures (énergétiques, …), des consommables (papier, …), nécessaires pour mener à bien ces activités et réaliser ces pro-duits.

Dans un premier temps nous identifions le processus d’exploitation et de maintenance des équipements du système de vente. Pour concevoir, réaliser et exploiter ces équipements, il est nécessaire de mettre en œuvre d’autres processus, qui ne relèvent pas de domaines techniques, et faire appel à d’autres compétences. La compagnie doit-elle proposer la vente de titre de trans-port sur Internet ? Doit-elle vendre des produits adaptés aux étudiants ? Doit-elle proposer des prestations sup-plémentaires telles que des plateaux repas ? Si oui, à quels clients doit-elle les proposer ? La compagnie doit-elle collaborer avec des partenaires externes pour propo-ser des prestations complémentaires au voyage ? Répon-dre à ces questions relève d’activités managériales, commerciales, marketing, qui ne sont pas menées par le personnel qui met en œuvre et maintien le système de vente de titre de transport, tout en restant dans le cadre de la compagnie elle-même. Doit-on subventionner la compagnie pour qu’elle offre des services à des catégo-ries spécifiques de voyageurs, tels que les chômeurs ? Cette question ne relève plus de la compagnie, mais de pouvoirs politiques, locaux ou régionaux. Dans le contexte de l’ingénierie des systèmes, ces différents ac-teurs sont appelés des parties prenantes.

Les réponses apportées à ces différentes questions ont d’importantes conséquences sur le système de vente de titre de transport. Vendre des billets combinés, permet-tant un voyage sur le réseau de cette compagnie, plus l’accès à un réseau de transport à la ville de destination, implique que les billets soient compatibles (valideurs…), mais aussi des traitement comptables, financiers et statis-tiques différenciés, permettant aux partenaires de conso-lider leurs parts respectives.

Déjà se dessine une diversité de processus, d’activités, de rôles, de compétences, au sein de la compagnie de transport que des auteurs qualifient de système [3], [4], [5], [9] et [23]. Ces auteurs appréhendent les compéten-

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ces humaines, les processus et activités et les éléments organisationnels en les réduisant à des automates à états finis. Les activités de mêmes types sont regroupées en processus permettant à la compagnie de réaliser ses mis-sions. Ce sont les processus de vente, de management, cœur du métier de transport de voyageurs. À un titre ou à un autre, la structure organisationnelle de la compagnie de transport reflète la structure de ces processus. Selon quels critères la compagnie est-elle organisée ? Com-ment sont structurés ces processus ? Existe-il une ma-nière idéale, voire une seule manière correcte, « one best way », pour organiser cette compagnie ? Comment l’organisation s’adapte-elle aux évolutions de son envi-ronnement ? Comment croît-elle ? Comment s’assurer que l’organisation adoptée est la bonne au regard de l’ensemble des contraintes et interactions qu’elle connaît et des évolutions qui seront les siennes ? Pour répondre à ces questions, il faut préalablement identifier des objec-tifs à atteindre, des indicateurs, des métriques. La modé-lisation des processus métier relève de cette démarche pour automatiser et contrôler les processus de l’entreprise dans le domaine des systèmes d’information [6]. C’est dans cette logique que sont élaborés des modè-les d’architecture d’entreprise ou d’organisme, tel que le modèle Zachman Architecture Framework. Ces travaux ne prennent pas en compte la complexité des éléments organisationnels, qu’ils soient psychologiques, sociolo-giques ou culturels [25], ni les contraintes des activités réelles.

LA NOTION DE SYSTEME DANS LE CONTEXTE DES SCIENCES HUMAINES Qu’est-ce qu’un système, du point de vue des sciences humaines ? La notion de système a des sens divers en fonction des disciplines dans lesquelles elle est em-ployée. L’article n’a pas la prétention de faire un tour d’horizon systématique de ces différentes déclinaisons. Durand [8] présente une introduction à la systémique, Rojot [22], un état de l’art récent des systèmes organisa-tionnels, enfin, Dagnino [7], un point de vue systémique sur les réseaux d’entreprises.

Brièvement, un système est défini comme un tout, qui n’est pas réductible à la somme de ses constituants. Le système montre des propriétés émergentes, son compor-tement ne peut pas être prédit de l’analyse de ces parties. C’est un système ouvert en interaction avec son environ-nement. Ces interactions sont non linéaires. Un système ouvert évolue vers plus d’hétérogénéité et d’organisation, vers des états d’équilibre dynamique pré-sentant des caractéristiques régulatrices. Un système dy-namique s’auto-organise en fonction de ses interactions avec son environnement.

Au-delà de l’auto-organisation, la notion d’autopoïèse décrit la capacité d’un système, à se reproduire lui-même, à se maintenir en se regénérant continuellement par des transformations successives [22]. La société

« émerge de façon autonome, en comportements propres, mais ceux-ci sont non contrôlés et non contrôlables par les acteurs, car trop complexes ». [22].

Les organisations, processus, activités, procédures, com-pétences ont des caractéristiques propres qu’il est néces-saire de prendre en compte, entre autres :

les compétences, que sont les savoirs, savoir-faire et savoir-être des acteurs, s’inscrivent dans des histoi-res, à la fois personnelles et organisationnelles en continuelle évolution ; les acteurs porteurs de com-pétences quittent l’organisation, tandis que de nou-veaux membres en apportent de nouvelles, modi-fiant ses ressources et ses capacités [22],

les activités des opérateurs dépendent de ces compé-tences, de leur charge de travail, des contraintes opérationnelles rencontrées, des objectifs prescrits, parfois concurrents, en termes de performance, de sécurité, etc.,

les activités et processus mis en œuvre dépendent de la nature de l’objet manipulé [22], mais aussi de la culture de l’organisation, celle de la profession ou celle du pays [25],

l’organisation est continuellement influencée par son environnement au même titre qu’elle le modifie [22], dans un processus de co-évolution [7],

l’activité de l’organisation l’amène à se développer et croître, ainsi qu’à décroître, dans un processus d’auto-organisation et de restructuration, compre-nant des évolutions de ces processus et de ces activi-tés [22], [7],

les objectifs et finalités initiaux évoluent, des sous-groupes élaborent les leurs propres au sein de l’organisation, jusqu’à produire des enclaves [22],

les objectifs peuvent aussi évoluer en fonction des contraintes induites par l’environnement [22],

disposant de ressources cognitives limitées, les ac-teurs ne recherchent pas des solutions optimales, mais utilisent des schémas simplifiés, limités et ap-proximatifs de la situation réelle [16],

enfin, les acteurs donnent sens aux situations qu’ils rencontrent, structurent ce qui leur est inconnu. Ce sens leur permet de comprendre et d’agir sur l’environnement qui les entoure. Ces différentes fa-çons de voir, en fonction de la finalité de l’activité, génèrent confusion et malentendus [27].

Reprenant l’exemple illustratif de la compagnie de trans-port, nous pouvons identifier des situations dans lesquel-les les compétences, les activités, les processus, la struc-ture de la compagnie sont concernés.

En complément d’un système de vente existant, adapté à une partie du réseau et à un mode transport, la compagnie réalise un nouveau système, adapté à un autre mode de transport. Les opérateurs en charge de l’exploitation et de la maintenance du

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premier ont aussi en charge l’exploitation et la maintenance du second. Les deux systèmes présen-tent des modes opératoires différents, sources de confusion et d’erreurs pour les opérateurs, réduisant les performances des deux systèmes.

Le déploiement d’un nouveau système de vente, ba-sé sur des automates aux lieux et places des guichets tenus par des opérateurs humains entraîne une ré-duction des effectifs des opérateurs et génère un re-fus et un mouvement de grève de leur part.

A l’origine, compagnie régionale de transport, à la croissance interne verticale, la compagnie en achète une autre, complémentaire à ses activités, dans une logique de développement horizontal et de crois-sance externe. En même temps, il y a externalisation des activités ne relevant pas directement du trans-port, dont le réseau de communication, entraînant d’importantes évolutions des processus et de la structure des deux compagnies. Les découpages des processus et des activités des deux compagnies sont différents. Leur intégration doit prendre en compte deux cultures différentes, l’une basée sur une inté-gration interne, l’autre sur l’élaboration de multiples partenariats.

La compagnie élabore des conventions avec d’autres opérateurs de réseaux de transport permettant à leurs clients de voyager sur les différents réseaux avec un titre de transport unique. Pour cela, l’ensemble des systèmes de vente doit évoluer. Outre les éléments matériels (format du titre de transport, libellés), la consolidation des ventes entre les différents parte-naires entraîne des modifications sur leurs systèmes de traitement des informations comptables et finan-cières, créée de nouvelles activités propres au pro-cessus de consolidation, dont la validation et le contrôle. La compagnie créée un département dédié à ce processus de consolidation, mettant en œuvre des activités et des compétences spécifiques. La compagnie recrute des personnels qualifiés pour mener ces activités.

Ces exemples, loin d’être exhaustifs, montrent qu’activités, processus, compétences, structure de l’organisation sont objets d’influences multiples, tant in-ternes qu’externes, qui s’enchevêtrent les unes avec les autres.

LA LOGIQUE DE LA CONCEPTION, DU DESSEIN, OPPOSEE A LA LOGIQUE D’ADAPTATION La définition de système ci-dessus, du point de vue de l’ingénierie des systèmes, comporte, d’une part, les pro-duits finaux, les équipements matériels et logiciels, les produits contributeurs, d’autre part, des compétences humaines, des organisations, des processus et activités des individus. L’ingénierie des systèmes s’inscrit dans la conception, le dessein, d’un système technique par l’humain. Au-delà de la dimension technique, dès lors que l’ingénierie des systèmes traite des aspects non tech-

niques et plus opérationnels (organisations, processus, activités, compétences), elle conserve une logique de conception reprenant à son compte la méthode de mana-gement scientifique du travail.

En revanche, les sciences humaines s’appuient sur une logique d’adaptation. La notion de dessein, relevant de la croyance créationiste, n’a pas de valeur heuristique dans les sciences humaines. Nous sommes-là dans deux logiques différentes. Si les parties techniques sont spéci-fiées et conçues, il n’en est pas de même des éléments liés à l’humain. Les nombreux travaux des sciences so-ciales et humaines, dans le domaine des organisations [22], montrent que le management scientifique du travail ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des élé-ments qui influencent la structure, le fonctionnement et les évolutions d’une organisation. Dans ce contexte, il est nécessaire que toutes les études portant sur les as-pects opérationnels des systèmes prennent en compte cette complexité.

Boehm [2] note que « les exigences pour les systèmes fortement intéractifs (« user-intensive systems ») ne sont généralement pas pré-spécifiables à l’avance, mais émer-gent avec l’usage ». Plus loin, il poursuit en écrivant que « le désir des utilisateurs est de disposer de technologies qui s’adaptent aux gens plutôt que les gens n’aient à s’adapter au produit ». De plus, le fait que les exigences relatives aux capacités des produits sont émergentes et non pré-spécifiables, représente un défi prioritaire pour l’ingénierie des systèmes et le génie logiciel. Il continue en identifiant les rapides changements comme l’une des huit tendances futures dans ces domaines.

En effet, l’appropriation des parties techniques par l’humain peut concerner des aspects qui ne font pas par-tie des fonctionnalités prévues du système, des aspects n’ont pas été conçus, donc hors de tout dessein de la part des concepteurs. Lever [15] montre les conséquences inattendues de la technologie GPS. Nous pouvons trou-ver de nombreux autres exemples de conséquences inat-tendues. Ces conséquences peuvent être positives, ou en revanche négatives, selon le contexte. L’utilisation des téléphones portables pour trouver des personnes enseve-lies sous la neige qui a défrayé la chronique, il y a plu-sieurs années en est un exemple. L’utilisation des télé-phones portables comportant un appareil de photogra-phie numérique a permis de communiquer via Internet, des photographies représentant des soldats américains montrant des comportements humiliants et dégradants de torture, pratiqués à l’encontre de prisonniers en Irak. Pour médiatiques qu’ils soient, ces exemples ne sont pas les seuls. L’appropriation d’une nouvelle technologie, d’un nouveau dispositif, par les utilisateurs, peut amener un contournement de la procédure prescrite ou de l’usage prévu ou spécifié. Ce contournement de la pro-cédure prescrite résulte d’une inadéquation de cette pro-cédure par rapport à la situation réelle que rencontrent

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les utilisateurs, situation source de l’activité réelle, dé-crite par les ergonomes. Ce contournement de la procé-dure prescrite peut consister à la non mise en œuvre des procédures de sécurité pour maintenir un niveau de pro-ductivité donné comme objectif à atteindre. Reason [21] montre comment l’application des procédures de sécurité s’érode en faveur des objectifs de productivité, dès lors que les conséquences de l’accident sont moins prégnan-tes dans la mémoire.

L’ensemble des caractéristiques qui dimensionnent les situations opérationnelles n’est pas connu a priori. Kirke [13], montre les conséquences de l’introduction d’un système de drone aérien au sein de l’armée anglaise qui se féminise. Lorsque le système de drone a été conçu, il n’y avait pas de femmes dans le corps de l’Artillerie Royale. Le système de drone comporte une partie au sol (Ground Data Terminal), lourde à manipuler et déployée à un kilomètre de la station de contrôle (Ground Control Station) par une équipe de deux personnes. Cette équipe est masculine, les femmes ne pouvant pas manipuler la partie au sol (GDT). Il en est de même des activités de récupération de la partie volante du système de drone. Les femmes sont alors employées dans les activités moins pénibles de logistique et de contrôle (GCS). Cette situation n’a pas pu être anticipée lors de la conception du système. La répartition des activités entre femmes et hommes selon leurs capacités physique ne correspond pas à la coutume militaire selon laquelle les personnes doivent réaliser plusieurs différentes tâches en tournant, pour s’approprier le métier. De plus cette répartition des activités entre hommes et femmes compromet aussi l’éthique de partage du fardeau au sein de l’armée.

Les pressions pour atteindre un niveau de performances opérationnelles ne sont pas connues a priori. Elles évo-luent tout au long du cycle de vie du système pour dé-passer ce qui avait été prévu lors de la conception du système.

D’une part, l’évolution endogène du besoin, d’autre part, l’évolution du besoin induite par les conséquences de l’introduction d’un nouveau dispositif technique modi-fiant l’environnement ont pour effet que le besoin est en perpétuelle évolution, dans une logique d’adaptation.

Dans ce contexte, comment analyser et réaliser l’ingénierie des systèmes dans une démarche d’adaptation ? A quel titre pouvons-nous mener de telles activités d’ingénierie des systèmes ? Quels sont les élé-ments et contraintes à prendre en compte pour mener ces activités à bien ?

CHANGEMENT DE PERSPECTIVE DU POINT DE VUE DE L’INGENIERIE DES SYSTEMESL’approche actuelle de l’ingénierie des systèmes a pour objet un système qui répond à un besoin circonstanciel. On cherche à développer un système qui satisfait au be-

soin exprimé, un besoin supposé stable et pérenne dans le temps. Les exigences doivent être claires, sans ambi-guïté, complètes, cohérentes. De ce point de vue, le be-soin n’est pas perçu comme étant en constante évolution, nécessitant l’adaptation du système à l’environnement dans lequel il est situé. Aucun concept de l’ingénierie des systèmes ne fait référence à l’adaptation dynamique du système en fonction des évolutions de l’environnement opérationnel. Ce système est conçu, ré-alisé, mis en exploitation, maintenu en fonction du be-soin exprimé initialement. L’effort est important en phase de conception et de réalisation, par rapport à la phase d’exploitation opérationnelle. Les maintenances évolutives et adaptatives prennent en compte les évolu-tions du besoin, ponctuellement, par exemple dans les phases d’indisponibilité périodique pour entretien et ré-parations. Ces modifications peuvent être lourdes, avec des impacts importants en terme d’architecture. Il s’agit d’un processus long à mettre en œuvre, faiblement dy-namique, peu propice à prendre en compte la dynamique d’évolution de l’environnement dans lequel est situé le système, dans une logique de co-évolution.

Une autre approche, basée sur une logique d’adaptation, semble nécessaire. Elle nécessite la mise en œuvre de processus continus d’ingénierie des systèmes tout au long du cycle de vie du système considéré. Les deman-des d’évolution, le retour d’expérience, les évolutions des technologies et des savoir-faire en ingénierie des systèmes, sont en permanence des entrées pour des mo-difications du système. Cette capacité d’adaptation doit être une caractéristique majeure des systèmes et va au delà de l’évolutivité connue actuellement. Cette capacité est dynamique, puisque le système et son environnement co-évoluent dynamiquement.

La capacité d’adaptation du système dépend, d’une part, de la souplesse des processus d’ingénierie et de mana-gement mis en œuvre pour faire évoluer le système, d’autre part, des éléments internes au système, lui per-mettant de s’adapter aux sollicitations de l’environnement et de co-évoluer ensemble.

COMMENT INSCRIRE LE SYSTEME, DU POINT DE VUE DES SCIENCES HUMAINES AU SYSTEME, DU POINT DE VUE DE L’INGENIERIE DES SYSTEMES ? Ces éléments militent en faveur d’un changement dans les processus de l’ingénierie des systèmes, prenant en compte ces contraintes d’adaptation et mettant en œuvre la conception centrée sur l’utilisateur humain [17], [10], [12], [19], [24]. Nous nous limitons à ce seul aspect dans l’article.

Pour rendre compte des usages non prévus, il est néces-saire de prendre en compte l’ensemble du contexte opé-rationnel. Le prototypage, tel que préconisé par BOEHM [2], les normes de processus de conception centrée sur l’utilisateur [10] et [12], et la littérature du domaine [17],

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doit être mis en œuvre dans une situation opérationnelle réelle, ou pour le moins réaliste, comme c’est le cas dans les IBEOs [19], intégrant aussi l’ensemble des contrain-tes opérationnelles que rencontre le collectif qui sera amené à utiliser le futur système, à savoir, performances attendues, procédures de sécurité, aspects relatifs à la fiabilité, entre autres. Les utilisateurs ne sont pas des in-génieurs de marque, des ingénieurs d’essai ou d’anciens opérationnels travaillant au profit de la maîtrise d’œuvre, situations que nous pouvons rencontrer actuellement. Il ne s’agit pas, non plus, seulement d’entretiens avec les futurs utilisateurs, ou de tests d’utilisabilité au sein de laboratoire d’utilisabilité, ne prenant pas en compte la dimension opérationnelle.

Il s’agit du collectif des futurs utilisateurs, au sein de l’organisation qui est la leur, réalisant des activités ré-pondant aux objectifs qui leur sont assignés et intégrant les contraintes opérationnelles réelles, y compris les consignes paradoxales ou concurrentes, s’il y a lieu. Par ailleurs, l’essai du prototype doit durer plusieurs mois, pour qu’après une période de découverte et de compor-tement de prestance du fait de l’observation, le collectif de travail s’approprie le futur système et mette en œuvre des usages non prévus et non spécifiés. Cette mise en œuvre doit être instrumentée avec les méthodes et outils de l’ergonomie [12]. Cette instrumentation permet de re-cueillir des informations qualitatives et quantitatives sur les activités réelles du collectif de travail, les comporte-ments émergents induits par l’introduction du système, les usages non prévus, les capacités du prototype à sup-porter les contraintes opérationnelles réelles. Elle permet aussi d’évaluer le niveau d’adaptation du prototype à l’environnement opérationnel, en mesurant l’écart entre, d’une part, les contraintes de l’environnement opéra-tionnel, d’autre part, les capacités du prototype à répon-dre à ces contraintes de l’environnement opérationnel, et la capacité à co-évoluer ensemble. Ces informations sont les données d’entrée pour spécifier les évolutions du prototype. La détermination des informations à recueillir pour le processus de rétro-action est cruciale. Cette acti-vité implique l’ensemble des disciplines concernées, non seulement celles de l’ingénierie, mais aussi celles de l’ergonomie, de la sociologie des organisations, mettant l’accent sur le niveau macro-ergonomique, relatif aux organisations, aux rôles et activités collectives coordon-nées [2]. Cela nécessite plusieurs itérations de l’élaboration du prototype, de sa mise en situation opéra-tionnelle et de recueil d’informations en rétro-action du processus de conception. Le critère d’arrêt de ce cycle d’itérations réside dans l’atteinte d’un niveau d’adaptation satisfaisant du prototype.

Même menée à bien, cette démarche ne pourra pas vi-ser à l’exhaustivité. En effet, l’environnement évolue sans cesse, les utilisateurs et l’organisation sont tou-jours dans une démarche d’adaptation pour répondre aux évolutions de la situation. Le prototypage atteint

rapidement ses limites dans la mesure où le système est amené à évoluer pour être adapté tout au long de son cycle de vie.

Dans ce contexte, les concepts d’assimilation et d’accommodation [20] peuvent apporter un éclairage nouveau.

Lorsque les perturbations dans l’environnement opéra-tionnel sont réduites, la capacité d’adaptation interne du système est mise en œuvre, dans une logique d’assimilation. Le processus d’assimilation n’a pas d’impact en terme de modification de l’architecture. Une capacité d’adaptation interne suppose que le sys-tème puisse recueillir des données sur les évolutions de l’environnement opérationnel pour pouvoir s’ajuster à ces évolutions. Actuellement, ceci nécessite souvent une démarche de contournement de la procédure par les opérateurs. Pour éviter cette situation, qui génère des risques importants, il est nécessaire que le système, d’une part, dispose de moyens de recueil de données sur l’environnement, et d’autre part, soit paramétrable et ajustable. Cette instrumentation doit être prise en compte dès la conception car présentant d’importantes contraintes d’architecture.

Lorsque les perturbations dans l’environnement opéra-tionnel sont importantes, la souplesse adaptative in-terne et le processus d’assimilation ne sont pas suffi-sants. Il est nécessaire de faire évoluer le système pour prendre en compte ces importantes perturbations. Le processus d’accommodation mis en œuvre, dans le ca-dre de la maintenance évolutive, a des impacts archi-tecturaux. Il est nécessaire que les caractéristiques des perturbations de l’environnement qu’a connues le sys-tème, ainsi que ses difficultés d’adaptation face à ces perturbations soient des entrées de l’activité de main-tenance évolutive. Car c’est la comparaison entre, d’une part, ces perturbations, et, d’autre part, les diffi-cultés rencontrées par le système, qui oriente et pilote les évolutions du système.

Pour faire face aux problèmes d’évolution d’architecture, Boehm [2] propose de mettre en œuvre des méthodes planifiées pour ce qui est stable et critique dans le système, et des méthodes agiles, pour tout ce qui est amené à changer rapidement, de façon non prévisi-ble. Au-delà des méthodes, cette proposition a des im-pacts architecturaux. L’architecture globale du système comprend une partie d’architecture stable, pour laquelle sont mises en œuvre les méthodes planifiées et une partie d’architecture évolutive prenant en compte les change-ments rapides. Cette dernière est encapsulée dans des modules d’architecture spécifiques [2]. En effet, il est nécessaire de réduire les dépendances entre ces deux parties pour réduire les impacts sur l’architecture stable des modifications de l’architecture évolutive.

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Si le modèle en spirale est adéquat dans le domaine du logiciel [2], en revanche, il trouve des limites en ingénie-rie des systèmes. En effet, dans ce dernier cas, s’il est possible de faire des incréments de déploiement, il n’est pas possible de faire des incréments d’architecture, comme par exemples pour une navette spatiale habitée, une centrale nucléaire, un sous-marin, un avion ou une ligne de train à grande vitesse.

Par ailleurs, il est important de mettre en évidence les dépendances non triviales entre l’architecture stable et l’architecture évolutive. En effet, dans un bateau ou dans un sous-marin, introduire une nouvelle fonction, un nou-veau dispositif nécessitant une ressource humaine sup-plémentaire a d’importants impacts sur les lieux de vie, sur l’architecture stable, même si le dispositif concerné ne relève que de composants logiciels dans le contexte d’architecture évolutive. Traiter des IHM au seul niveau d’une fonction, d’une chaîne fonctionnelle ou d’un poste opérateur individuel ne suffit pas. La conception des IHM doit être traitée au niveau du collectif de travail, dans sa globalité, tenant compte de l’affectation des tâ-ches de chacun, en fonction de sa charge, de ses compé-tences, prenant aussi en tenant compte les rythmes de travail (quart), et l’ensemble des situations opérationnel-les (transfert, situation de crise). Pour réduire les dépen-dances entre l’architecture évolutive et l’architecture sta-ble, il est nécessaire, d’une part, de traiter l’architecture évolutive comme un tout, et, d’autre part, de baser cette architecture évolutive sur l’usage qu’en fait le collectif de travail, en mettant en œuvre les méthodes et outils de la conception centrée sur l’utilisateur humain. Elle est celle des IBEOs [19].

La démarche IBEO est très structurante aussi bien du point de vue de l’architecture stable (effectif du collectif …) que de celui de l’architecture évolutive, qu’elle pi-lote, et à ce titre, doit être mise en œuvre très en amont dans le projet quand sont identifiées les exigences de l’architecture stable. Ensuite, elle doit être mise en œu-vre tout au long du cycle de vie du système pour prendre en compte les modifications du besoin et réorganiser l’architecture évolutive en fonction de l’activité du col-lectif de travail, en minimisant les impacts sur l’architecture stable. Ainsi, les IBEOs permettent de ré-duire les dépendances entre l’architecture stable et l’architecture évolutive. Les IBEOs sont propices pour mettre en œuvre le retour d’expérience. En effet, les ca-ractéristiques des perturbations de l’environnement qu’a connues le système, ainsi que ses difficultés d’adaptation face à ces perturbations, des processus d’assimilation et d’accommodation, peuvent être injectées dans les IBEOs comme entrées pour des rejeux. La conception se fait ainsi au plus près des situations opérationnelles réelles.

Par ailleurs, malgré les rapides évolutions, d’une part, des contextes opérationnels, d’autre part, des technolo-gies disponibles, il est nécessaire de réduire les impacts

en termes d’activités, d’usage pour les opérateurs. D’une part, le système doit facilement intégrer un nouveau dis-positif. D’autre part, ce nouveau dispositif, souvent sur étagère, doit être facile à intégrer pour se fondre dans le système d’origine. Cette démarche s’oppose à la concep-tion des produits sur étagère prêt à l’emploi, difficiles à intégrer au système d’origine.

Enfin, si les demandes d’évolution forment un flot conti-nu, le processus d’ingénierie des systèmes procède de façon toute différente, avec un ensemble stable d’exigences complètes. En effet, l’instabilité et l’incomplétude des exigences sont les principales causes d’échec des projets [18]. Cette opposition peut être réso-lue d’un point de vue du processus d’ingénierie des exi-gences. Il est nécessaire de définir les priorités des be-soins et des demandes d’évolution avec les utilisateurs. En fonction de ces priorités, les besoins et demandes d’évolution sont alloties pour former des ensembles complets et cohérents d’exigences. L’ensemble de ces lots est la base des futures versions du système. Il est né-cessaire de gérer en configuration ces différents lots et d’en assurer la traçabilité. La mise en œuvre d’un pro-cessus de développement agile, un cadre contractuel permettant cette mise en œuvre, une architecture ouverte et évolutive, tant du système que des produits candidats à l’intégration au sein du système, une architecture et des interfaces, dont IHM, basées sur des normes, sont des éléments nécessaires, mais non suffisants, pour rendre le système adaptable.

À la suite des travaux de Boehm [2], l’ingénierie des systèmes doit élaborer les processus, méthodes, outils et principes d’architecture qui lui sont propres, s’appuyés sur les processus d’assimilation et d’accommodation, susceptibles d’élaborer des systèmes adaptés et adapta-bles.

CONCLUSIONL’ingénierie des systèmes ne prend pas en compte les besoins d’adaptation des systèmes naturels, comprenant les hommes et les organisations. Les évolutions de l’ingénierie des systèmes et des principes d’architecture doivent permettre l’élaboration de systèmes adaptables, voire adaptés en intégrant la démarche de conception centrée sur l’utilisateur, en ne se limitant pas à des as-pects d’utilisabilité mais en prenant en compte l’ensemble des contraintes opérationnelles qui ont des impacts sur l’activité du collectif de travail et sur le sys-tème futur, y compris dans les usages non prévus qui peuvent en être faits.

REMERCIEMENTSJe remercie chaleureusement l’ensemble des membres des GTs Ingénierie des Exigences et Systèmes de Sys-tèmes de l’AFIS, Alain Bry, Alain Faisandier, Jean Phi-lippe Lerat et Dominique Luzeaux dont les discussions et les idées ont nourri ce article.

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Prise en compte du Facteur Humain dans les études deSûreté de Fonctionnement des systèmes militaires

terrestresAnne-Sophie SMOUTS et Valérie CASTEL

a.s [email protected]@ giat-industries.fr

Giat SystèmeDirection Technique Systèmes

11, allée des Marronniers 78022 VersaillesCedex

Fabien COLOMBAN et Véronique DELEBARRE

[email protected]@safe-river.com

230, rue Marcellin BerthelotZI Toulon EST – la Garde

BP 68 –83079 Toulon Cedex 09

RESUMEAfin de répondre aux enjeux de la professionnalisation etde la modernisation de l'armée de terre française, GiatIndustries s'investit, depuis de nombreuses années, dansla fiabilité opérationnelle des véhicules militairesterrestres qu'elle développe ou modernise. L'un de cesaxes d'effort s'articule autour de réflexionsméthodologiques dont l'objectif est d'optimiser lacontribution des métiers stratégiques à la démarcheglobale de conception des systèmes Homme – Machine.La présente étude répond à cette préoccupation enproposant la mise en place d'une ingénierie concouranteentre la SdF et l'Ergonomie. Comment intégrer, auregard des spécificités de ces systèmes sociotechniques,le facteur humain dans les études de sécurité ? Quellessont les méthodes d'analyse les plus pertinentes c'est àdire compréhensibles et acceptables par ces métiers ?Parmi les méthodes identifiées par l'état de l'art, deuxémergent : THEA et ACIH. Celles-ci font l'objet d'unedescription. Leur pertinence au domaine militaireterrestre sera évaluée par Giat Industries dans le cadre dela modernisation d'un véhicule blindé à roues.

MOTS CLES : Ingénierie Concourante, Sûreté deFonctionnement, Ergonomie, Erreur humaine, Méthodesd'analyse, Processus industriel de conception, Fiabilitéhumaine.

ABSTRACTGiat Industries optimize the safety of the land-basedmilitaries platforms developed and renovated by itself. Amethodological reflection was initiated. The idea issimple, but quite difficult. How improve the contributionof the System, Ergonomics and Reliability activities inthe process of Man-Machine systems global design. Thisarticle proposes to present the main results as well as,and the orientations.

KEYWORDS :Concurrent Engineering, Reliability, Ergonomics,Human error, Analysis methods, Industrial research anddevelopment process, Quantification and qualificationmethods, Safety, Availability, Maintenability

INTRODUCTIONProblématiqueL'évolution des Technologies de l'Information et de laCommunication remet en cause la conception dessystèmes sociotechniques militaires et par la même, leurdoctrine d'emploi (coopération interarmes etinterarmées). Ces systèmes sont de plus en plussophistiqués. Leur mise en œuvre et leur emploi peutrapidement s'avérer complexe à gérer pour un opérateurhumain. Aussi une nouvelle répartition des tâches entrele binôme « Système d'arme x Opérateur(s) » s'impose-t-elle. Toutefois, celle-ci n'est pas sans conséquence surl’activité, qui voit la nature de certaines tâches modifiée[introduction d'automatismes entraînant l'apparition detâches de type : supervision, consultation …].

Désormais, les systèmes militaires terrestres intègrentdes technologies de pointe, coûteuses dont la perte ou ladégradation est dommageable. Leur neutralisation (oudestruction) peut être due à une inadéquation du servantlors des phases de mise en œuvre et d'emploi de cessystèmes (équipements, plates formes militairesterrestres …) dont il a la charge.

On constate que la contribution des opérateurs évolue deplus en plus vers des tâches à dominante cognitive. Ils'agit prioritairement d’acquérir l’Information, de latraiter, de prendre une décision adaptée sous de fortescontraintes temporelles et de mettre en œuvre cettedécision. La "qualité" de celle-ci est étroitement liée auxaspects psychoaffectifs. C’est en effet dans un contextede fortes tensions émotionnelles que l’opérateur a oupeut avoir une appréciation erronée de la situation. Lestress peut ainsi conduire à des erreurs humaines dans lagestion de situations « incidentelles » et contribuer àdégrader ces mêmes situations et les transformer en« accidentelles ». Face au stress, les mécanismes dedéfense ainsi que le(s) comportement(s) en réponse,fluctuent d’un individu à l’autre. Mal géré, celui-ci peutêtre lourd de conséquence et engendrer des erreurs dansl'utilisation de ces systèmes.

Désormais le principe de "tolérance 0" exige de traiter àmême hauteur les composantes humaine et matérielle du

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système sociotechnique militaire terrestre. L'industriel sedoit de garantir Sécurité, Efficacité et Confortd'utilisation lors de la mise en œuvre et de l'emploi deces systèmes, et ce tant en situation de paix, de crise quede conflit.

Les différentes démarches de conception montrent leurslimites en matière de "prévisibilité" des risques[variabilités des situations de travail ; variabilités intra etinter individuelles ; évolutions techniques des systèmesen cours de conception entre les phases de conception etd’exploitation opérationnelle …]. Or, il devientinacceptable d’intégrer l’homme comme facteur limitantde conception.

Des études de sécurité, réalisées sur des véhiculesblindés, proposaient jusqu'alors une approchequantitative du facteur humain. Si la pertinence de cesméthodes n'était pas remise en cause, il apparaissait uneincohérence entre les conclusions de ces études et leretour d'exploitation de ces systèmes militaires.

Fort de ce constat, et au regard de la complexitétechnologique croissante, il s'avérait indispensable dereconsidérer les modalités de prise en compte du risquehumain dès les phases amont de la conception. Telle estl'orientation adoptée par Giat Industries.

Méthodologie adoptéeLa mise en place d’une Ingénierie Concourante entredeux compétences transverses aussi critiques que le sontla Sûreté de Fonctionnement et l’Ergonomie, est loind’être aisée. En effet, bien que ces deux disciplinesinterviennent sur le même objet de conception, leurpréoccupation diffère. La SdF se focalise plusparticulièrement sur la composante matérielle,l'ergonomie quant à elle se concentre sur la composantehumaine.

La principale difficulté réside dans les approchesanalytiques mises en œuvre par ces deux métiers pourtraiter la prise en compte du facteur humain dans lesétudes de sécurité.

La démarche adoptée s'est articulée autour de troisétapes.

Etape 1 : Réalisation d’une phase préliminaire nécessaireaux spécialistes en SdF et en Ergonomie pour apprendreà mieux connaître le métier de l’autre,

Etape 2 : Réalisation d'une "enquête" menée auprès desdonneurs d’ordre internes afin de clarifier leurs besoinset attentes sur ces deux disciplines en matière de« fiabilité/prévisibilité humaine ».

Etape 3 : Réalisation d’un état de l’art, aussi exhaustifque possible, tenant compte du retour d'expérience

industriel ainsi que de la problématique ci-avanténoncée.

Dans cet état de l'art, deux axes distincts ont été plusparticulièrement investigués :

• l'évaluation quantitative ("Human ReliabilityAssessment"). Celle-ci consiste à quantifier, selonun modèle d'erreurs, la probabilité de non réalisationou de réalisation erronée des actions ou des tâches.

• l'analyse des erreurs humaines et de leursconséquences ("Human Error Assessment"). Cetteanalyse, d'une part, prend en compte les erreurs denature cognitive et, d'autre part, permet de spécifierles barrières propres à contrôler les conséquences deces erreurs.

L’intérêt de ces méthodes a ensuite été évalué à traversleur capacité à s’intégrer dans le processus Etudes etDéveloppement industriel de Giat Industries.

L'étape 1, nécessaire lors de l'initialisation de toutnouveau projet, est un préalable classique habituel nenécessitant pas de développement dans le présent article.

Concernant l'étape 2, il nous semblait important :

• d'appréhender les attentes des Chefs de projets, suiteaux exigences de notre client étatique en matière deprise en compte du facteur humain dans les étudesde sécurité,

• de considérer, au regard du retour d'expériencecapitalisé sur les études, la complémentarité entreces deux métiers.

La présente communication s'attachera plusparticulièrement à restituer les résultats de la dernièreétape. Les orientations retenues seront ensuite précisées.

RAPPEL SUR LE PROCESSUS DE CONCEPTIONINDUSTRIELLe processus de conception déroulé est un processusstandard (voire la figure 1).

Figure 1: localisation du processus Etude et Développementdans le cycle de vie d'un produit

L'organisation du processus et le positionnement desdifférentes revues ont constitué les bases de la réflexion.La formalisation des interventions SdF et ergonomiquesdans la démarche globale de conception [méthodesd'analyse, outils, techniques …] et l'identification des

RDL Revue de Décision de Lancement

RDP : Revue de Développement Préliminaire

RQI : Revue de Qualification Interne

RCD : Revue Critique de Développement

RCPA : Revue Critique des Premiers Articles

RDL RDP RCD RQI

Besoin Conception Développement QualificationProduction

en sérieUtilisation

Retraiten servcie

RDL Revue de Décision de Lancement

RDP : Revue de Développement Préliminaire

RQI : Revue de Qualification Interne

RCD : Revue Critique de Développement

RCPA : Revue Critique des Premiers Articles

RDL Revue de Décision de Lancement

RDP : Revue de Développement Préliminaire

RQI : Revue de Qualification Interne

RCD : Revue Critique de Développement

RCPA : Revue Critique des Premiers Articles

RDL RDP RCD RQI

Besoin Conception Développement QualificationProduction

en sérieUtilisation

Retraiten servcie

RDLRDL RDPRDP RCDRCD RQIRQI

Besoin Conception Développement QualificationProduction

en sérieUtilisation

Retraiten servcie

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différents délivrables ont permis d'identifier lesinteractions entre ces deux disciplines et de clarifier lesattentes et besoins de chacune d'elles. Suite à ce travaill'état de l'art a été réalisé.

PRESENTATION GENERALE DES METHODES DEQUANTIFICATION ET QUALIFICATION DU FACTEURHUMAINL'importance accordée à la fiabilité humaine se traduitpar le développement d’un nombre conséquentd’approches quantitatives et qualitatives du facteurhumain. Hollnagel en 1998 [8] avance le chiffre de 35 à40 méthodes. Malgré ce nombre, un « consensus »semble s'établir. Les méthodes actuellement proposéesne semblent pas présenter un niveau de fiabilité suffisantpour être unanimement reconnues et appliquées dans ledomaine militaire terrestre. Ces méthodes s'organisent endeux grandes familles, dont la rupture se situe autour desannées 90.

La première d’entre elle repose sur une visioncomportementale de l’individu. Ces méthodess'intéressent aux actions et résultats des actions desopérateurs. La plus connue et plus utilisée est la méthodeTHERP.

La deuxième famille met d’avantage l'accent sur lesaspects cognitifs des opérateurs. Ces méthodess'appuient sur une taxonomie des erreurs et visentl'analyse des causalités entre origine et manifestationsdes erreurs humaines. Citons les méthodes : CREAM,ATHEANA, INTENT, COGENT.

Parallèlement à ces deux familles, on trouve desméthodes qualitatives qui se positionnent comme desoutils d'aide à la conception de systèmes Homme-Machine, à savoir MAFERGO, THEA, ACIH.

Technique for Human Error Rate Prediction(THERP)

Cette méthode a été développée par Swain et Guttmann[13]. Les travaux préliminaires ont été initiés dans lesannées 60 au "Sandia Laboratories". Leur objectif étaitd’analyser les risques induits lors de l'assemblage desarmes nucléaires. Ces travaux réorientés par la suite dansle domaine des centrales nucléaires ont conduit 20 ansplus tard à l'élaboration de la méthode présentée dans lecadre d'un rapport pour le "US Nuclear RegulatoryCommission". Deux buts principaux sont recherchés :prévoir la probabilité d'erreur humaine, et évaluer ladégradation du système Homme Machine due à uneerreur humaine seule ou associée au dysfonctionnementd'un équipement.

THERP est actuellement largement utilisée mais souventde façon incomplète. Beaucoup de praticiens du facteurhumain se servent des tables de probabilité à priori, defaçon isolée ou en les intégrant dans d'autres méthodes.

Cette utilisation partielle s'explique principalement par lesuccès rencontré par les tables de probabilité quisemblent être appliquées de façon abusive sans mettre enplace les autres étapes de la méthode. Il est vrai que cettesolution semble simple, mais non exempte de dangers.En effet, même si cela constitue une évidence, il est peufiable d'appliquer les tables sur un système nonclairement défini et étudié.

Avantages de la méthode :

• Méthode conçue de façon à pouvoir être intégréefacilement dans une évaluation probabiliste desrisques,

• Utilisation de sources variées et nombreuses endonnées d'entrée,

• Acceptabilité et transposition possible à d’autresdomaines.

Inconvénients de la méthode :

• Subjectivité de l’analyse : choix des valeurs dans lestables de probabilité opéré par l'analyste,

• Inadéquation aux tâches de diagnostic ou aux tâchesdemandant un haut niveau de décision,

• Manque de réalisme psychologique et traitement desfacteurs effectué par le biais d'une équation linéairesouvent inappropriée

• Utilisation complète de la méthode assez fastidieuse(adaptation des tables de probabilité et analyse destâches).

Conclusion :THERP est une méthode efficace dont l’exploitation estfortement conditionnée par l’analyste qui la met enoeuvre. Selon le domaine, l'utilisation de la méthode estplus ou moins longue et complexe. De plus, il estgénéralement nécessaire de constituer les tables deprobabilités correspondant au domaine étudié, ce quireprésente un travail important.

Cognitive Reliability and Error Analysis Method(CREAM)

La méthode CREAM, développée par Hollnagel [8] versla fin des années 90, met en avant deux critèresfondamentaux dans le traitement des erreurs : ladimension cognitive des opérateurs et le contexte. Sonobjectif principal est de prévoir la fiabilité des tâchescaractérisant une activité.A contrario des méthodes dites de premières générationstelle que THERP, CREAM repose sur le principe demulticausalité. A ce titre, elle admet que les erreurs etleur traitement mettent en jeu de nombreux facteurs.

Avantages de la méthode :• Prise en compte et analyse exhaustive des facteurs

cognitifs impliqués dans les tâches à réaliser,• Reconnaissance du rôle dimensionnant du contexte,• Applicabilité à moindre coût de la méthode à de

nombreux domaines.

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Inconvénients de la méthode :• Méthode de quantification proposée discutable car,

selon les pondérations appliquées, les probabilitésobtenues peuvent être supérieures à 1,

• Subjectivité de l’analyse en raison du choiximportant de valeurs à retrouver dans les tables. Lesprobabilités liées aux défaillances cognitivesprésentées dans les tables sont principalement tiréesde la littérature. Ceci conduit à mettre en doute leuradéquation à des projets spécifiques,

• Méthode dont l‘application requière une certaineexpérience.

Conclusion:CREAM est une méthode plus récente et moinsrépandue que THERP. Bien que reposant sur de solidesthéories, les résultats obtenus à ce jour sont à moduler.Les quantifications du facteur humain donnent parfoisdes résultats « aberrants » (probabilité supérieure à 1) oudifficilement reproductibles dans des conditions pourtantproches.

Méthodologie d'Analyse de la Fiabilité et del'ERGonomie Opérationnelle (MAFERGO)

Cette méthode est née d’une réflexion, menée dans lesannées 90, par l’INRS. Son objectif visait l’intégration,le plus en amont possible dans le processus deconception, des exigences de prévention des risquesprofessionnels.

MAFERGO [3] s’applique aux problématiques de reconception de systèmes existants. La méthodologiepropose une analyse systémique articulée autour de deuxapproches spécifiques : l’approche sûreté defonctionnement et l’approche ergonomique.Le but principal de la méthode est de contribuer à réduirela probabilité d'apparition des dysfonctionnements dansles interactions Homme Système des systèmessociotechniques.MAFERGO est une méthode novatrice, qui propose uneingénierie intégrée entre les analyses de sûreté defonctionnement et les analyses ergonomiques dérouléesdans le cadre d’un processus de conception. En celaréside l’innovation.

Avantages de la méthode :• Flexibilité de la méthode et application possible à de

nombreux domaines, en raison même de lamultiplicité des méthodes et techniques utilisées parla SdF et l’ergonomie,

• Pertinence de l’étude de la fiabilité humaine par lerecours à des méthodes tenant compte descaractéristiques du système technique et descaractéristiques de la tâche,

• Méthodes employées permettant une analysecomplète des systèmes étudiés et contribuant à lamaîtrise globale du système.

Inconvénients de la méthode :• Méthode demandant l'intervention de ressources

spécialisées (ergonomes, fiabilistes). Le coûtfinancier et temporel de l’intervention est souligné,en raison du nombre et des caractéristiquestechniques des méthodes utilisées,

• Manque de maturité de la méthode, qui nécessited’être encore éprouvée pour accéder à unereconnaissance internationale,

• Pour l’instant, les applications de la méthode selimitent à des systèmes existants (applicabilité etefficacité en phase de conception demeurant àconfirmer),

• Intégration de données chiffrées fournies notammentpar les analyses SdF (arbres de défaillances) ne faitpas de MAFERGO une méthode quantitative(persistance du problème de subjectivité évoqué ci-avant.

MAFERGO repose sur des méthodes d’analyseéprouvées du domaine de l’ergonomie et de la SdF(AMDEC, arbres de défaillances, analyse de l'activité,simulation…). L'usage de celles-ci garantit "une relativefiabilité", même si la subjectivité et l'expérience del'analyste ne sont pas sans influence. Comme nous lesoulignions dans les inconvénients, MAFERGO n'est pasune méthode de quantification et ne peut être comparéeaux autres méthodes présentées précédemment.Néanmoins MAFERGO cherche à réduire et à contrôlerles erreurs qui sont inhérentes au facteur humain.L’imbrication et l’enrichissement mutuel entre lesméthodes de la SdF et de l’ergonomie permettent demieux appréhender les processus de récupération etl'impact positif que l'homme peut avoir sur le système,notamment en mode dégradé.

Technique for Human Error Assessment (THEA)

Cette méthode trouve ses racines dans les méthodesd'évaluation probabiliste de la fiabilité humaine (HumanReliability Assessment) développée par Kirwan [6]. Elles'adresse tout particulièrement à la conception et audéveloppement de système Homme - Machine. THEA,qui permet de prendre en compte les erreurs de typecognitif, est exploitable dès les phases amont deconception des interfaces opérateurs. Cette méthode estsupportée par des outils (questionnaires …) nedemandant pas d'apprentissage conséquent.

Avantages de la méthode :• Méthode supportée par des outils dont l’exploitation

ne requiert pas de compétences spécifiques enpsychologie cognitive (exploitation possible par desergonomes et des fiabilistes),

• Méthode analytique applicable dès les phases deconception,

• Mise en parallèle possible avec les études sur lesmodes de défaillances du système,

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• Méthode constituant un moyen de dialogue entre lesdifférents acteurs d’un projet : ergonomes,architectes système, fiabilistes …

Inconvénient de la méthode :• Aucune production de données quantitatives.

Analyse des Conséquences de l'Infiabilité Humaine(ACIH)

La méthode ACIH a été développée par le LAMIH. Ellese focalise sur les conséquences des dérivescomportementales. A ce titre, elle vise la spécification debarrières de nature : technique et/ou procédurale et/ouorganisationnelle.ACIH peut être utilisée :• en analyse prédictive (lors des phases de

conception),• en analyse à posteriori (établissement de

comparaisons des comportements des dérives enterme de déficit et de bénéfice).

Avantages de la méthode :• Méthode analytique pouvant être déroulée dès les

phases de conception et en support d'une analyseopérationnelle,

• Mise en place d'une métrologie associée permettantd’établir des comparaisons,

• Validation de la cohérence des procédures par laprise en compte des seuils de tolérance pour leconcepteur et pour l'opérateur

• Généricité de la méthode.

Inconvénients de la méthode :

• Difficultés à établir le lien entre les modes de dériveet les situations issues des comportements humains,

• Absence d'analyse des modes de couverture deserreurs par le système.

APPLICABILITE A LA CONCEPTION DE SYSTEMESCritères de sélection des méthodesPour l'industriel, les contraintes budgétaires etcalendaires ne permettant pas l’analyse détaillée del’ensemble des méthodes décrites brièvement ci avant,une sélection s’imposait.Au regard de la problématique industrielle initialementformulée et de la spécificité des systèmessociotechniques conçus et développés par GiatIndustries, les méthodes THEA et ACIH ont étéretenues. Celles-ci permettent de prendre en compte, auniveau des phases de conception, les erreurs humaines,au même titre que sont prises en compte les modes dedéfaillance du système. Elles sont particulièrementorientées vers l’analyse des interactions entre l’hommeet le système. Leur capacité à s’intégrer dans leprocessus études et développement industriels a étéensuite appréciée. En particulier, la démarche THEA estanalogue à celle qui est mise en œuvre dans les méthodesd’analyse des modes de défaillance de composantsmatériels ou d’analyse des effets des erreurs du logiciel.

La méthode ACIH se rapproche d’une analysedysfonctionnelle. Ces démarches sont utilisées en sûretéde fonctionnement pour identifier les mécanismes deprotection à intégrer dans la conception et les modesdégradés de fonctionnement d’un système. Les méthodesTHEA et ACIH sont plus particulièrement décrites dansla suite de l'article.

Description de la méthode THEAL'application de cette méthode se schématise commesuit (voir figure 2):

DescriptionDu système

DescriptionDes scénarios etTâches prescrites

Structuration deScénarios (décomposition hiérarchique des tâches)

Analyse des erreurs

IdentificationDes impactsSur la conceptionDu système

Modèle sousJacent de l’activitéEt des erreurs

Figure 2: Schéma de la méthode

Phase de structuration des scénarios et des tâchesLe formalisme de description des tâches et des scénariosest prédéfini par la méthode.L'objectif est de collecter suffisamment de scénarios afinde couvrir l'ensemble des phases d'utilisation oud’identifier, suite aux analyses de sûreté defonctionnement, les phases d’utilisation opérationnelle,jugées critiques.Les champs clé de cette description sont :• le contexte de réalisation des tâches,• le contexte système,• le champ action.Pour chacun d'eux, la démarche préconise des méthodesd'analyse qui permettent de structurer le scénario. Ladescription des tâches est fondée sur une technique dedécomposition hiérarchique qui consiste à décomposer lebut principal d'une tâche en sous buts et en sous tâches.Cette décomposition est complétée par une analysetemporelle appelée "Plan", qui permet d'indiquer lesrègles d'activation, de parallélisme, de séquencemententre tâches « feuille » de la descriptionhiérarchique.Cette approche constitue une démarcheformalisée de spécification de besoin pour un systèmehomme-machine et permet de répartir les tâches entreagent utilisateurs et système de pilotage. La démarcheest comparable à celle de spécification du comportementsystème et la formalisation peut même être unifiée :certains travaux de recherche utilisent, pour décrire lestâches, un langage de type « automate » à états finis.

Phase d'analyse des erreurs humaines

Modèles d'erreursLe modèle d'erreurs utilisé par "THEA" est un modèle dedéfaillances dans le traitement de l'information.Les sources d'erreur relevées sont de type :

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• déclenchement ou activation : déclenchement d'uneaction erronée ou activation dans une mauvaisefenêtre temporelle,

• conception : but inaccessible, perdu ou conflictuelavec un autre but,

• planification : erreurs de logique temporelleaffectant la réalisation des tâches,

• exécution des tâches,• perception d'un événement ou de l'effet d'une action,• interprétation et évaluation.

Ces erreurs sont ensuite regroupées en quatre classes :• les erreurs sur les buts,• les erreurs de planification et temporelles,• les erreurs de réalisation des actions,• les erreurs de perception et d'évaluation.

Analyse des erreurs

La méthode THEA consiste à faire une analyse critiquedes scénarios et des tâches de manière à identifier lescauses possibles d'une erreur d'interaction entre l'hommeet le système. Pour chaque cause, on évalue l'ensembledes conséquences sur le système et sur l'environnement.Cette démarche est strictement analogue à une analysedes modes de défaillances et de leurs effets.Le processus THEA guide l'identification des modes dedéfaillances sur la base de questions qui portentrespectivement sur :• les buts,• la planification des actions,• la réalisation des actions,• les conditions de perception, d'interprétation et

d'évaluation des événements ou des effets d'uneaction.

Identification des impacts sur le système

L'analyse des erreurs a un impact dimensionnant. Ellepermet notamment de vérifier :• la cohérence et la complétude des tâches allouées

aux agents et utilisateurs,• la cohérence mutuelle entre le comportement

spécifié du système et celui des agents etutilisateurs.

Parallèlement à cela, elle constitue une donnée d'entréestratégique pour proposer des mécanismes d'évitementou de récupération des modes de défaillance (ou dedérive) dans les actions humaines.En sortie, THEA propose une liste des événements decouverture des erreurs humaines et une liste des risquesrésiduels liés aux erreurs humaines.

ConclusionAu regard de la littérature produite, THEA semble avoirun certain degré de maturité. Elle dispose de retoursd’expérience concrets plus spécifiquement dans ledomaine de l'aviation et de l'aéronautique (BAE Systemspar exemple).

Description de la méthode ACIH

ACIH est une méthode organisée en cinq étapes,formalisées par le schéma ci-après (voir figure 3).

Figure 3: Schéma de la méthode

Analyse fonctionnelleL'étape d'analyse fonctionnelle a pour périmètre tout lesystème Homme - Machine. Cette étape identifiel’ensemble des fonctions réalisées par le système ainsique le rôle et la contribution des opérateurs à laréalisation de ces fonctions. Les fonctions impliquant lefacteur humain sont exprimées en terme de procéduresc'est-à-dire de listes de tâches à réaliser. Cette analyse estfondée sur une décomposition arborescente desfonctions, le plus bas niveau de décompositionfonctionnelle correspond à l'ensemble des procéduresnécessaires à la réalisation d'une sous-fonction ou d'unefonction donnée.

Analyse contextuelle et procéduraleIl s'agit d'identifier d’une part les contextes et d’autrepart les tâches à réaliser dans ces contextes.Les contextes considérés sont de profils :• fonctionnel,• technologique,Les contextes opérationnels sont eux les positions de vieen exploitation du système.

Analyse des tâches (en prédictif lors de la conception)ou Analyse de l'activité (système en exploitation)Rappelons que l'analyse des tâches détermine lesprescriptions alors que l'analyse de l'activité étudie lescomportements réels des opérateurs. Cette analyse,cherche à :• anticiper les dérives ou deltas entre les

comportements réels possibles et les comportementsprescrits à partir de l'analyse des tâches,

• identifier les dérives ou deltas entre comportementsprescrits et comportements réels à partir de l'analysede l'activité.

Analyse fonctionnelle

Analyse contextuelle et procédurale

Analyse des tâches Analyse de l’activité

Anticipation des comportements réels

Identification des comportements

prescrits

Identification des comportements

réels

+ -+ -

Identification des modes erronés, ajoutés , détournés

Analyse des conséquences des modes

Analyse fonctionnelle

Analyse contextuelle et procédurale

Analyse des tâches Analyse de l’activité

Anticipation des comportements réels

Identification des comportements

prescrits

Identification des comportements

réels

+ -+ -+ -+ -

Identification des modes erronés, ajoutés , détournés

Analyse des conséquences des modes

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La méthode ACIH utilise pour cette analyse un modèlede gestion des situations qui correspond en termesfiabilistes à un modèle des erreurs possibles. Ce modèleest un modèle d'erreur de « nature cognitive » :

• erreurs d'acquisition (perception),• erreurs de pronostic intrinsèque,• erreurs de pronostic,• erreurs d'action.

Ces erreurs correspondent à trois niveaux d’occurrence :l’acquisition de l'information, le traitement del'information et l’action.La comparaison entre les modes prescrits et les modesréels (ou réels anticipés) permet d'identifier les dérives.Le concepteur de ACIH distingue trois niveaux dedérives :

• les modes erronés,• les modes détournés,• les modes ajoutés.

Pour chaque comportement observé ou anticipé, estanalysé :

• sa tolérance ou non par l'opérateur,• son lien ou non à une prescription,• sa tolérance ou non par le concepteur.

Cette analyse permet de classer les comportements réelsou anticipés en termes de modes de dérive. La toléranceest mesurée par rapport à des critères précis (gravitéd'une situation, dangerosité, charge…) et des seuilsd'acceptabilité pour chacun des critères. On distingue leseuil du concepteur et celui de l'opérateur. L’analyse nepeut s’effectuer qu’après classement des situations issuesdes comportements de l'opérateur.Enfin l'analyse des conséquences examine les différencesentre les situations issues d'un mode nominal (prescrit) etcelle obtenue dans un mode de dérive. Pour chaquecritère est alors examinée l'amélioration ou ladégradation du critère.Cette méthode est intéressante car elle complète l'analysequalitative par une métrologie qui peut être adaptée aucontexte. Toutefois, il est important de noter que cettemétrologie est "différentielle".

Cette méthode est, jusqu’à présent, plus particulièrementappliquée dans les secteurs du transport ferroviaire et ducontrôle aérien (conception de postes de commanded’itinéraires). D’autres exploitations ont également étéremontées (utilisation opérationnelle d’un système derotatives industrielles …).

INTEGRATION DANS LE PROCESSUS E&DNous avons proposé une démarche d’intégration desméthodes THEA et ACIH (pour la partie analysecontextuelle et procédurale) dans les analyses de risquemenées en phases de conception système.Schématiquement : le formalisme de description destâches THEA est utilisé en phase de spécification, encomplément de la spécification des services rendus par lesystème. L’analyse contextuelle et procédurale permetde vérifier la cohérence des interactions entre le systèmecontrôlé et les tâches spécifiées pour l’opérateur. On

procède ensuite à une analyse des modes de défaillancede niveau système (AMDE fonctionnelle) et à l’analysedes erreurs humaines, afin d’identifier et évaluer lesimpacts d’une erreur de réalisation d’une tâche, sur labase du modèle d’erreurs de THEA. Ceci permet demodifier les tâches prévues ou spécifier des modes derécupération des erreurs, compte tenu de cette analyse.En fin d’analyse, on identifie les tâches critiques

Spécification duSystème

Identification destâches

Analyses PréliminaireDe risques, identification ER

Modèle des interactionsHomme système

Analyse contextuelleEt procédurale des tâches

Analyse des ERIdentification du niveau de

criticité des tâchesIdentification du nombre de

Situations système gérées parle(s) opérateur(s)

Figure 4: Etudes FH en phase de spécification système

Analyse des erreurs et de leurs conséquences

Erreur pouvant être toléréeau niveau système ?

Modes dégradés Spécifications deBarrière système

Liste des risquesRésiduels (Points critiques liés au FH)

Erreur ne pouvant être toléréeau niveau système ?

Prévention et récupérationSpécification de barrières

De nature organisationnelle

Spécification d’exigences sur les IHMConfiguration des postes

Evaluation des risques résiduelsArbres de défaillance, modèles

Des interactions homme-système

Modélisation et analyse des tâches et de l’activité

Figure 5: Etudes FH en phase de conception système

CONCLUSION ET PERSPECTIVESActuellement, les différents retours d'expérience restituésdans la littérature, mettent bien en évidence l'absenced'une Ingénierie concourante qui intégrerait dans ladémarche de conception globale : la fiabilité du système,les propriétés de comportement et le facteur humain.

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Certes, la tentation est grande de réduire à de simplesdonnées numériques l'activité humaine et d'intégrercelles-ci dans les analyses SdF, sans les enrichir desmodèles d'erreurs humaines et/ou des techniquesd'analyse développées en matière de fiabilité humaine.Au regard des constats formulés Giat Industries a retenuplus particulièrement deux méthodes : THEA et ACIH.

L'une d'entre elles sera éprouvée, à partir du secondsemestre 2006, dans le cadre de la rénovation d'une plateforme militaire terrestre existante (véhicule blindé àroues).Les analyses ci-après seront réalisées :• L'analyse des faits techniques impliquant la

composante humaine (limitation à l'équipage duvéhicule, en excluant les tâches logistiques),

• Le complément à l'analyse de l'activité sur lesfonctions revalorisées du véhicule,

• L'identification et la justification du choix de laméthodes SdF intégrant le facteur humain qui seraappliquée dans le cadre du dossier de sécurité dusystème à revaloriser,

• L'application de la méthode en se limitant auxfonctions système impliquant l'opérateur humain etles utilisateurs directs (c'est à dire l'équipage).

Les résultats obtenus ainsi que le retour d'expériencecapitalisé permettront de consolider la démarched'ingénierie concourante amorcée entre la SdF etl'ergonomie.Cependant différents axes méthodologiques demeurentencore à investiguer, citons notamment :• l’approfondissement des méthodes d'analyse des

erreurs humaines,• la recherche de moyens d’évaluations quantitatives

de l'apport des mesures architecturales et desbarrières permettant de tolérer les erreurs humaines,

• la conception d'une démarche coordonnée "Système,Facteurs Humains, FMDS" fondée sur une notion deprofil de sûreté de fonctionnement qui permetted’affiner les objectifs systèmes en exigencesspécifiques pour le matériel, le logiciel et le facteurhumain.

Précisions que les deux premiers axes, font l'objet denombreux travaux universitaires (LAMIH, Universitéd'York)

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GLOSSAIREACIH. : Analyse des Conséquences de l'Infiabilité Humaine,AMDEC Analyse des Modes de Défaillance de leur effet et deleur criticité,CREAM : Cognitive Reliability and Error Analysis Method,MAFERGO : Méthodologie d'Analyse de la Fiabilité et del'ERGonomie OpérationnelleSdF : Sûreté de FonctionnementTHEA : Technique for Human Error AssessmentTHERP : Technique for Human Error Rate Prediction.

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Les savoir-faire de production dans les manufactures du verre et du cristal :

Des automatismes aux habiletés cognitivesWannenmacher Delphine

Docteure en Sciences de Gestion GREFIGE (IAE Nancy 2)

Etudiante en M2 Recherche (Université de Nancy 2) CODISANT-G3C

(LabPsyLor, Laboratoire de Psychologie des Universi-tés Nancy 2 et Metz-Paul Verlaine, EA 3947)

49 rue de Laxou 54 000 Nancy 03 83 41 49 70

[email protected]

RESUMEL’analyse des savoir-faire de production et de leur évo-lution par le biais d’une confrontation entre éléments empiriques et éléments de théorie, permet de mettre en évidence le caractère contingent de ces savoir-faire. Ain-si, les automatismes émergeraient dans un certain contexte de production alors que les habiletés cognitives se développeraient dans un contexte différent. Cette ana-lyse, qui s’inscrit dans le cadre d’un travail doctoral en Sciences de Gestion, a pour principal objectif d’illustrer et d’appuyer les théories relatives à l’enrichissement des tâches.

MOTS CLES : savoir-faire de production, automatismes, habiletés cognitives, contexte de production, enrichisse-ment des tâches.

ABSTRACT The analysis of the production know-how and their evo-lution, by a confrontation between empirical and theo-retical elements, enables to underline the contingent character of these know-how. Thus the automatisms ap-pear in a specific production context whereas cognitive abilities emerge in an another one. The main aim of this analysis, which take place in the framework of a PhD in management, is to illustrate and to support the theories of job enrichment.

KEYWORDS : production know-how, automatisms, cog-nitive abilities, production context, job enrichment.

INTRODUCTION

L’analyse des savoir-faire de production et de leur évo-lution à travers les expériences rapportées d’ouvriers, de responsables d’atelier et de dirigeants dans le sec-teur du verre et du cristal, est très enrichissante. Elle nous apprend en effet que le contenu et la définition des savoir-faire sont fortement dépendants du contexte : contexte organisationnel et contexte envi-ronnemental. Ainsi, les automatismes se développeraient dans un cer-tain contexte de production (fabrication intense de gran-des séries de qualité faible ou moyenne) alors que les ha-

biletés cognitives se développeraient dans un contexte de production différent (fabrication de petites séries haut de gamme). Cette analyse, qui s’inscrit dans le cadre plus large d’un travail doctoral en Sciences de Gestion portant sur la transmission des savoir-faire [10]1, a pour prin-cipal intérêt d’illustrer et d’appuyer les théories relati-ves à l’enrichissement des tâches, et donne lieu à di-verses implications. Nous commencerons par définir ce que nous entendons par automatismes et habiletés cognitives, puis nous ex-poserons la démarche et les principaux résultats de no-tre analyse et enfin, nous mettrons en exergue les conclusions et les implications de notre étude.

AUTOMATISMES ET HABILETES COGNITIVES

On attribue généralement trois propriétés principales aux automatismes : l’absence de coût ou de charge mentale ; l’absence de contrôle intentionnel ; et l’inconscience, cette dernière étant quelque peu contes-tée. L’absence de charge mentale correspond, opéra-tionnellement, à « une absence d’interférence mutuelle entre un traitement automatisé et d’autres traitements, automatiques ou attentionnels : le premier ne perturbe pas le déroulement des seconds et réciproquement » [7], p.28. L’absence de contrôle intentionnel est, quant à elle, « toujours évaluée dans des situations particuliè-res où une rupture dans les régularités de l’environnement fait que l’occurrence d’un automa-tisme habituellement adapté intervient comme une per-turbation » [7], p.33. Enfin, l’inconscience est opéra-tionnalisée par « l’incapacité des sujets à verbaliser, ou plus généralement à témoigner intentionnellement par une réponse symbolique, de la nature d’un processus ou d’un événement » [7], p.35. D’autres critères d’automatisme peuvent être avancés [7], p. 37 : - la rapidité d’un traitement, notamment dans les étu-

des de préactivation, lorsqu’il s’agit de juger de l’influence d’un premier stimulus sur un second ;

1 Thèse soutenue le 6 décembre 2005.

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- des critères dérivant de l’idée selon laquelle le trai-tement automatique doit être insensible à un certain nombre de facteurs qui affectent le niveau de capa-cité attentionnelle des sujets ;

- un critère, fortement contesté, de simplicité. Cependant, seuls deux critères d’automatisme recueillent une très large adhésion : celui d’absence de charge, prin-cipalement opérationnalisé dans les situations de double tâche, et répondant à l’idée commune selon laquelle la mise en œuvre d’automatismes permet de faire plusieurs choses en même temps, et celui d’absence de contrôle, principalement opérationnalisé dans les tâches de type Stroop2, et répondant à l’idée commune selon laquelle les automatismes opèrent en dehors de nous-mêmes. Parmi les autres critères, on trouve la propriété de rapidi-té et celle d’inconscience, qui, bien que faisant l’objet de réserves de la part de certains auteurs, est très largement utilisée dans certains contextes. Si certains auteurs re-quièrent uniquement l’un ou l’autre des deux critères fondamentaux là où d’autres exigent la satisfaction si-multanée de cinq critères, des auteurs plus tempérés se satisfont de la convergence d’un certain nombre de critè-res et prennent en compte le contexte de la tâche [7], p.49.

En ce qui concerne les habiletés cognitives, elles corres-pondent à « la possibilité acquise par un individu d’exécuter une classe de tâches à un niveau d’efficacité élevé » [4], p.140 et sont à la fois : - apprises : acquises par l’exercice ; - constituées d’unités coordonnées : elles sont mises

ensemble pour engendrer des habiletés plus com-plexes ;

- finalisées : elles sont organisées en vue d’une fin et sont donc intimement liées à la notion de procé-dure ;

- adaptatives : le sujet peut compenser une perturba-tion qui se produit dans l’exécution, en organisant son activité de façon que le but continue d’être at-teint. Dans le domaine plus cognitif, le caractère adaptatif apparaît notamment dans les descriptions de l’expertise : « un sujet expert sait traiter des si-tuations qu’il n’a pas encore rencontrées, il sait met-tre en jeu de façon originale ses connaissances, il sait aussi trouver les activités vicariantes qui per-mettront d’atteindre le but fixé par des voies origi-nales quand les moyens habituels ne sont pas acces-sibles » [4], p. 144.

On note deux processus d’acquisition des habiletés : le premier est basé sur une double phase, déclarative et procédurale, et le second, sur un double traitement de l’information, automatique et contrôlé.

2 L’effet décrit par Stroop en 1935 se rapporte à la diffi-culté de dénommer la couleur d’un mot imprimé dans une couleur différente de celle que le mot désigne. Voir [9].

Selon Anderson et son groupe, le processus d’acquisition des habiletés comporte deux phases essen-tielles : « une phase déclarative dans laquelle les faits concernant le domaine de l’habileté sont réinterprétés et une phase procédurale dans laquelle les connaissances du domaine sont directement incorporées dans des pro-cédures pour l’exécution de l’habileté » [1], p. 369. Au cours de la phase déclarative, les connaissances sont traduites en règles qui permettent de contrôler les pre-mières exécutions et la tâche à réaliser. Cette phase constitue généralement un passage obligé dans la mesure où les instructions précisent rarement une procédure compatible avec l’habileté actuelle du sujet [4], p. 148. Le processus graduel de transition de la phase déclara-tive à la phase procédurale est dit de compilation de la connaissance. Anderson distingue deux sous-processus dans cette compilation : - le premier sous-processus, dit de composition, qui

consiste à condenser des règles, des étapes ; - le second sous-processus, dit de procéduralisation,

qui consiste à spécifier les instructions. Au cours de la phase procédurale, quand les règles de production ont été transformées par le processus de com-pilation, d’autres progrès peuvent survenir : les métho-des d’exécution changent, les règles peuvent être utili-sées autrement. L’exploration de l’espace de la tâche, qui se fait de façon plus organisée et plus sélective, conduit à un succès plus rapide. Trois mécanismes rela-tifs à ce processus d’ajustement sont invoqués [1], p. 390 : - un processus de généralisation par lequel les règles

de production élargissent leur champ d’applicabilité ;

- un processus de discrimination par lequel les règles se restreignent (au champ pertinent) ;

- un processus de renforcement grâce auquel les meil-leures règles sont renforcées et les plus pauvres af-faiblies.

Shiffrin et al. (1984) mettent en évidence quant à eux, deux autres processus de traitement de l’information : le traitement automatique et le traitement contrôlé. Le « traitement automatique est généralement un traite-ment rapide, en parallèle, requérant assez peu d’effort qui n’est pas limité par la capacité de la mémoire à court terme, n’est pas sous le contrôle direct du sujet et réalise des comportements d’une habileté bien développée. Il se manifeste typiquement quand des sujets traitent des sti-muli d’une manière uniforme durant beaucoup d’essais, et il est difficile à supprimer, modifier ou ignorer une fois appris. Le traitement contrôlé est souvent lent, géné-ralement en série, requiert de l’effort, limite la capacité, est régulé par le sujet et employé pour traiter une infor-mation nouvelle ou originale. Il est exigé dans des situa-tions où les réponses requises aux stimuli varient d’un essai ou d’une situation à l’autre ; il est facilement modi-fié, supprimé ou ignoré selon le désir du sujet » [8], p. 269.

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Exercice des habiletés dans des conditions relativement stables :- dégradations des

habiletés (qui deviennent moins aptes à répondre à certaines exigences des tâches)

- obstacle à l’acquisition d’autres habiletés

Restriction de la classe de tâches :- habileté à traiter des

tâches courantes mais non exceptionnelles (routine)

- rétrécissement du champ de l’habileté qui pourrait résulter de la perte de la représentation déclarative rendue non nécessaire par la procéduralisation

Automatisme

- absence de coût ou de charge mentale

- absence de contrôle intentionnel

- inconscience

= habileté qui se ferme sur elle -même, qui n’est plus le moyen d’acquisition d’habiletés d’ordre supérieur, qui tend à se rigid ifier et à perdre son caractère adaptatif.

Habileté cognitive

Possibilité acquise par un individu d’exécuter une classe de tâches à un niveau d’efficacité élevé.- apprises- constituées d’unités

coordonnées- finalisées- adaptatives.

Réentraînement périodique à traiter des incidents sur simulateur

Eviter les sur -spécialisations des opérateurs et les placer dans des conditions variées, les amenant à

mettre en œuvre leurs connaissances dans un champ étendu et diversifié

La plupart des habiletés acquises en situation de travail peuvent s’exercer un temps très long dans des conditions relativement stables. Ceci peut engendrer des inconvé-nients provenant à la fois des dégradations proprement dites des habiletés (au sens où celles-ci deviennent moins aptes à répondre à certaines exigences des tâches) et à l’obstacle que peut constituer cette habileté à l’acquisition d’autres habiletés [4], p. 152. Lorsque la classe de tâches à résoudre est restreinte, le sujet peut devenir extrêmement habile à exécuter des tâ-ches courantes mais demeurer peu habile à traiter des tâ-ches exceptionnelles. Il s’agit d’une caractéristique de la routine qui consiste à « appliquer des procédures connues à une tâche nouvelle qui requerrait éventuelle-ment une procédure originale » [4], p. 152. Ce rétrécis-sement du champ de l’habileté peut se concevoir comme la contrepartie des mécanismes nécessaires à la constitu-tion de celle-ci et pourrait résulter de la perte de la repré-sentation déclarative rendue non nécessaire par la procé-duralisation [1], p. 383. Ceci se produirait lorsque l’habileté se ferme sur elle-même, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est plus le moyen d’acquisition d’habiletés d’ordre supérieur, lorsqu’elle devient automatisme, qu’elle tend à se rigidifier et à per-dre son caractère adaptatif. Pour éviter ce rétrécissement et ses conséquences négatives dans des situations où la sécurité est en jeu, les opérateurs soumis aux mêmes tâ-ches de manière répétée, sont réentraînés périodiquement à traiter des incidents sur simulateur, ce qui permet de maintenir facilement accessibles les connaissances dé-claratives ou procédures d’urgence susceptibles de les amener à traiter correctement et rapidement les incidents exceptionnels qui peuvent survenir dans leur travail. Le sujet qui a acquis et longtemps mis en œuvre une ha-bileté pour une classe de tâches, a tendance à assimiler une nouvelle tâche à cette classe connue en lui appli-quant la procédure correspondante, plutôt qu’à chercher une procédure nouvelle, plus adéquate. « A ne plus re-courir à la base de données déclaratives à partir de la-quelle s’est élaborée l’habileté longuement pratiquée, celle-ci devient moins accessible, s’appauvrit : il est alors de plus en plus difficile et coûteux de s’y référer pour élargir le champ de l’habileté ou en acquérir une nouvelle » [4], p. 153. Une “surhabileté” acquise dans un domaine étroit et uni-que constituerait ainsi un handicap à des acquisitions nouvelles. Le seul moyen de combattre cette rigidifica-tion des habiletés est d’éviter les sur-spécialisations des opérateurs et de placer ceux-ci dans des conditions va-riées qui les amènent à mettre en œuvre leurs connais-sances dans un champ étendu et diversifié, et à constituer une habileté élargie et plus adaptative [4], p. 153-154.

Schéma 1 : Réduction de l’habileté à l’automatisme

La littérature s’est davantage intéressée jusqu’ici aux conditions dans lesquelles les habiletés tendent à se dé-grader et à se rigidifier. Notre analyse porte au contraire sur le passage des automatismes aux habiletés cogniti-ves, et sur le changement de contexte qui engendre et nécessite ce passage. En effet, les contextes de production offrent de plus en plus une variété de conditions qui invite les opérateurs à développer et à mettre en œuvre des habiletés plutôt que des automatismes. L’analyse de l’évolution des savoir-faire de production dans les cristalleries de travail à la main, illustre parfaitement ce phénomène.

DES AUTOMATISMES AUX HABILETES COGNITIVES

L’analyse des savoir-faire de production a été menée au sein d’une manufacture lorraine de cristal (que nous ap-pelons « Cristalorr »). Plus précisément, nous nous som-mes intéressés aux verriers, c’est-à-dire aux ouvriers qui travaillent à chaud (cf. encadré 1)

Tout d'abord, il faut distinguer le « verre mécanique » et le « verre à la main ». Le premier correspond aux entre-prises dont la production est complètement automatisée alors que le second correspond aux entreprises dont la production est principalement manuelle. C’est ce dernier qui fait l'objet de nos propos. Il recouvre deux activités : le « travail à chaud » (il s’agit essentiellement du cueil-lage, du soufflage et de la cuisson) et le « travail à froid » (durant cette phase, la pièce semi-finie est taillée, gravée, polie et décorée).

Le « travail à chaud » se décompose en différen-tes « places » : les places de verres qui comprennent gé-néralement chacune sept ouvriers affectés à la fabrica-tion de verres de table ; les places spécialisées dans la gobeleterie ; et les « grandes places » qui comprennent

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des équipes de neuf à onze verriers spécialisés dans la fabrication de pièces complexes ou lourdes (carafes, seaux à champagne, vases, etc.). A cela peuvent s'ajouter des places spécifiques destinées par exemple à la fabri-cation de bijoux, de luminaires, de presse-papiers, etc. En ce qui concerne la place de verres dont l'organisation par équipe est la plus intéressante mais aussi la plus contraignante, on distingue par ordre d'intervention sur la matière [3] : 1. le cueilleur de paraison (ou quatrième souffleur) : il relève dans le four à l'aide d'une canne, la quantité de matière nécessaire à la formation de la coupe de verre ; 2. le souffleur de paraison (ou troisième souffleur) : après avoir reçu des mains du quatrième la paraison cueillie, il va la maillocher puis la mouler. Dans un pre-mier temps, il roule cette paraison dans une forme de bois ou de fonte (mailloche) pour lui donner un aspect bien homogène, puis il la souffle dans un moule actionné au pied (gamin mécanique) ou manuellement. A ce stade, la coupe du verre est terminée et la canne passe au chef de place ; 3. le cueilleur de jambe : alors que la canne est encore entre les mains du troisième, il « monte » au four et pré-lève, à l'aide d'un ferret, la quantité nécessaire à la for-mation de la jambe ; 4. le chef de place (ou poseur de jambe) : servi par le cueilleur de jambe, il forme par étirement et à l'aide de pinces nommées « fers » la jambe du verre ; 5. le cueilleur de pied : il est chargé de cueillir la quanti-té de matière destinée à la formation du pied ; 6. le poseur de pied (ou second souffleur) : il forme, par rotation et aplatissage, le pied du verre ; 7. le porteur à l'arche : il prend la pièce terminée et la transporte à l'arche de recuisson.

Le « travail à froid » comprend trois opérations principales : la taille ; la gravure ; et le polissage (traite-ment de surface à l'acide). Note : le mot « verre » est souvent utilisé bien qu'il s'agisse dans la majorité des cas de cristal, qui est par dé-finition issu d'une composition (norme AFNOR) devant contenir au minimum 24 % de plomb.

Encadré 1 : Les différentes activités du secteur du verre et du cristal

L’environnement des cristalleries (la concurrence et les restructurations notamment) ont eu de multiples réper-cussions en interne. Les conditions de production ont évolué, et avec elles, le type de savoir-faire mis en œu-vre, qui semble dépendre fortement du contexte de pro-duction qui serait quant à lui, lié au contexte externe, à l’environnement. En effet, la plupart des cristalleries lorraines sont passées d’une activité très forte donnant lieu à la production de grandes séries de faible qualité, à une activité moindre laissant place à la production de petites séries de qualité haut de gamme. Cette évolution s’est traduite chez Cris-talorr par des besoins différents en termes de savoir-

faire : les automatismes développés il y a quelques di-zaines d’années pour produire de façon rentable des grandes séries, ont laissé place à de véritables habiletés cognitives, aujourd’hui nécessaires à la production de petites séries haut de gamme. Notons que d’autres cris-talleries ont fait le choix de mécaniser en grande partie leur processus de production et que d’autres encore n’ont pas survécu à de tels changements.

Démarche générale La démarche de notre recherche est de type groundedtheory (que nous traduisons « théorisation ancrée ») ; son principal intérêt étant de confronter par itérations successives des éléments empiriques et les éléments de théories mobilisés s’y référant. Les éléments empiriques comprennent principalement un ensemble de treize entretiens exploratoires ainsi qu’une monographie d’entreprise (« Cristalorr ») basée sur des observations en contexte de travail3 et six entretiens ap-profondis.Légende des entretiens Les entretiens approfondis d’une durée d’une heure trente en moyenne ont été menés auprès : - d’un Jeune Chef de Place, verrier depuis sept ans

dans l’entreprise [JCP] - d’un Animateur Sécurité qui est un ancien verrier

[AS]- d’un Responsable des ateliers de Verre Chaud

[RVC]- de la Directrice des Ventes [DV] - du Directeur des Ressources Humaines [DRH-1] ;

[DRH-2]

Encadré 2 : Démarche et légende

L’analyse des entretiens nous révèle les éléments sui-vants. Il y a une trentaine d’années, le contexte n’était pas le même qu’aujourd’hui. Les articles se vendaient en masse de sorte que les cristalliers réalisaient principale-ment des grandes séries. Les ouvriers pouvaient alors travailler jusqu’à cinq ans sur le même article. On per-çoit dès lors la conséquence directe de ces conditions de travail sur les savoir-faire ouvriers : ces derniers deve-naient de réels automatismes, leurs habiletés se rigidi-fiant au fil du temps, de sorte que si la demande chan-geait, il devenait très difficile de reformer un ouvrier pour la fabrication d’articles différents de ceux qu’il avait produits des années durant. Ainsi, si le développe-ment d’automatismes ouvriers était très rentable pour l’entreprise (puisque l’ouvrier n’a alors plus besoin de se référer au dessin de l’article à réaliser ni d’être formé), le

3 Les observations sont simplement venues compléter les entretiens et conforter la visée compréhensive de la re-cherche. Etant donné la « danse » des ouvriers, il aurait été très difficile de monter un protocole pour filmer leurs gestes et leurs interactions avec précision.

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danger dû au rétrécissement des habiletés est dans ce cas bel et bien présent [AS/76].

« (…) c’était perdu il y a quelques années quand on était un grand maître verrier ou un grand maître tailleur, on n’avait même plus tendance, on avait tellement un sa-voir-faire… il faut dire aussi qu’il y a eu des périodes, où vous avez des personnes qui n’ont fait que des gran-des séries, ils ont travaillé pendant quatre, cinq ans, même plus sur le même article parce que ces articles se vendaient comme des petits pains et puis voilà, donc tou-jours la même personne faisait… à un moment donné c’était un automatisme qui faisait que y’avait plus be-soin de regarder son dessin, plus rien du tout (… ) » [AS/76]

Aujourd’hui, l’activité a fortement diminué. Il ne s’agit donc plus de produire à grande échelle mais de se tour-ner vers la production de petites séries. Le renouvelle-ment des produits, lié aux changements de la demande, est plus fréquent [DV/42]. Le client est de plus en plus exigeant (il exige par exemple que l’article soit conforme au dessin de départ et que les articles soient identiques les uns aux autres dans le cas des verres à pied notamment). Le niveau de qualité requis est donc bien supérieur à celui exigé par le passé. Ce phénomène relèverait selon la directrice des ventes de Cristalorr, d’un véritable paradoxe dans la mesure où le client achète un produit artisanal tout en recherchant la perfec-tion [DV/52].

« (…) elle a changé parce que sur un plan financier, malheureusement, ça suit plus, et puis que les goûts changent, ça c'est normal, on est de plus en plus dans la mode, on dit de plus en plus aux gens, les médias, tout le monde, il y a de la création (…) » [DV/42]

« (…) il y a des clients qui sont extrêmement compli-qués, qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre que le travail fait main ça ne peut pas être la perfection. Voilà, mais à partir du moment où eux mettent des centaines d'euros dans un verre, ils veulent la perfection, alors il y a que la machine qui peut, on va pas dire faire la perfection mais ils veulent au millimètre près que les verres soient à la même hauteur, aient le même diamètre et ça c'est pas possible.(…) Alors ils achètent de l'artisanat mais ils veulent pas du travail ar-tisanal alors là il y a une ambiguïté qui est compliquée, mais à partir du moment où ils payent, ils veulent vrai-ment... donc là il faut leur faire comprendre et c'est clair que c'est pas facile. » [DV/52]

Ces nouvelles conditions de production ont des consé-quences au niveau des savoir-faire ouvriers. Le person-nel est contraint d’abandonner ses automatismes, de s’adapter à la demande changeante et de développer pour cela des habiletés cognitives [AS/80].

« Il y en a de moins en moins, il y a de moins en moins de grandes séries, c’est clair, il y en a, il y en a encore, mais c’est vrai que y’en a moins et justement ça oblige à changer certains automatismes, ce qui n’est pas plus mal puisqu’en faisant, en travaillant comme on travaille aujourd’hui, ça permet aussi d’avoir de plus grandes connaissances parce que… on était aussi arrivé à un moment où on avait des verriers qui savaient plus que faire une sorte ou deux sortes de verres et ça devenait à la limite dangereux parce que le jour où ce verre n’existait plus ou n’était plus commercialisé… » [AS/80]

Les verriers sont aujourd’hui obligés de savoir produire tous les articles d’un type donné et de s’adapter au re-nouvellement permanent des séries, même si pour une question de rentabilité, de rythme et de qualité, ils vont souvent produire toute une journée un seul et même arti-cle [JCP/54-56].

« (...) la différence c'est que... ben c'est comme je vous le disais tout à l'heure avant un chef de place comme moi il faisait trois ou quatre articles, moi un chef de place comme moi maintenant il sait faire tous les arti-cles, enfin c'est pas qu'il sait faire, c'est qu'il est obligé de savoir faire tous les articles, et j'en ai encore à ap-prendre...Et sur une journée, vous faites qu'un type d'article ou… ?Ouais, on est obligé par exemple s'il y a 12 verres de commandés je sais pas par exemple... on va pas m'en faire faire que 12, pour rentabiliser le truc, moi, il faut que j'ai un rythme, il faut qu'on s'adapte et ci et ça, donc en général, pour 12 verres, on va travailler toute la journée, on en fera 150, pourquoi, pour avoir un rythme, pour retrouver la main parce que ça fait peut-être deux mois que j'en ai pas faits ou des trucs comme ça, et pour être à chaque fois sûr de sortir les 12 qu'on nous a de-mandés, parce que la qualité est très exigeante, sur 150 y'en n'a pas forcément 150 de bons quoi. » [JCP/54-56]

« (…) je dirais, dans la technique y’a rien qui a changé, après, c’est tiens si j’essayais de prendre un tout petit peu plus chaud ou un tout petit peu plus froid, ou si je la démarre comme ça, autrement non il n’y a pas de tech-nique particulière, chacun a sa propre technique mais bon elles sont assez proches l’une de l’autre, il n’y a pas de changement fondamental là-dedans… les petits trucs techniques ça peut au lieu d’utiliser une soufflette c’est d’avoir un tuyau avec de l’air comprimé mais pas trop fort ni trop faible pour refroidir comme ça… mais c’est des petites astuces, c’est pas un truc qui fait que je vais aller mieux ou aller plus vite que le voisin. » [RVC/72]

En définitive, même si les savoir-faire ont été perpétués depuis de très nombreuses années et très peu modifiés au cours du temps [RVC/72], ces savoir-faire n’ont pas été

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Automatis-

Concurrence faible

Marché stable

Demande « standard »

Qualitéfaible

Grandesséries

Activitéintense

Habiletés

Concurrence forte

Marché fluctuant

Demande complexe

Qualitéforte

Petitesséries

Activitéfaible

mobilisés de la même manière au fil des années. On s’aperçoit en effet que les ouvriers pouvaient ne faire appel, il y a une trentaine d’années, qu’à un seul et même type de savoir-faire durant des mois voire des an-nées et qu’en limitant leurs gestes à la réalisation d’un seul article (ou d’un très petit nombre d’articles), ils dé-veloppaient de réels automatismes. En revanche, par la suite, ces mêmes ouvriers ainsi que les nouvelles généra-tions d’ouvriers, ont dû développer face aux nouvelles conditions de production (petites séries, renouvellement fréquent des articles, niveau de qualité élevé) de réelles habiletés cognitives.

CONCLUSION ET IMPLICATIONS

Nous proposons de présenter le passage des automatis-mes aux habiletés cognitives sous la forme d’un schéma (cf. schéma 2). Notons que l’inverse, à savoir le passage d’habiletés cognitives à des automatismes, est tout à fait possible et se ferait sans doute avec davantage de facili-té, dans la mesure où il correspond simplement à la res-triction du champ d’activité à un type de tâches.

Schéma 2 : Des automatismes aux habiletés cognitives

Ce schéma met en évidence le caractère contingent de la nature des savoir-faire. Si les automatismes ont tendance à se développer dans un environnement stable et dans un contexte de production à grande échelle et fortement spécialisée, les habiletés, quant à elles, se développe-raient dans des organisations insérées dans un environ-nement turbulent, par le biais d’une adaptation continue à la demande des consommateurs de plus en plus avides de nouveautés.

Il y a ainsi une interdépendance entre le type de savoir-faire (automatismes vs habiletés cognitives) et le contexte (organisationnel et environnemental) dans la mesure où d’une part, les ouvriers vont devoir s’adapter aux conditions organisationnelles et environnementales en développant respectivement des automatismes ou des habiletés, et d’autre part, ces derniers (automatismes ou habiletés) se développent inévitablement dans les dites conditions.En outre, la nécessité de développer des habiletés cogni-tives dans la manufacture étudiée, pose inévitablement le souci de la transmission et de l’acquisition de ces habile-tés, et des conditions organisationnelles de cette trans-mission, étant donné sa complexité et le nombre de pro-cessus qu’elle met en jeu, dont notamment l’observation, l’imitation et la pratique. Les processus et les conditions organisationnelles de la transmission des savoir-faire constituent les deux autres parties de notre travail doctoral [10].

BIBLIOGRAPHIE 1. ANDERSON, J.R., Acquisition of cognitive skill,

Psychological Review, 89, 1982. 2. DODIER, N., « Les arènes des habiletés techni-

ques », in CONEIN B., DODIER N. et THEVE-NOT L., Les objets dans l’action, De la maison au laboratoire, Raisons Pratiques, 4, Editions de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1993, p. 115-139.

3. GRANDJEAN, M.-A., Verre et savoir-faire en Lor-raine, une première approche, Terrain, n°11, 1988, p. 85-93.

4. LEPLAT, J., « Les habiletés cognitives dans le tra-vail », in PERRUCHET P. (dir.), Les automatismes cognitifs, Liège : Mardaga, 1988.

5. LEPLAT, J., Les automatismes dans l’activité : pour une réhabilitation et un bon usage, @ctivités, 2(2), 2005, p. 43-68.

6. PERRUCHET, P. (dir.), Les automatismes cognitifs, Liège : Mardaga, 1988.

7. PERRUCHET, P., « Une évaluation critique du concept d’automaticité », in PERRUCHET P. (dir.), Les automatismes cognitifs, Liège : Mardaga, 1988.

8. SHIFFRIN, R. and SCHNEIDER, W., Automatic and controlled processing revisited, PsychologicalReview, 91, 2, 1984.

9. STROOP, J.R., Studies of interference in serial ver-bal reactions, Journal of Experimental Psychology,18, 1935, p. 643-662.

10. WANNENMACHER, D. (2005), La transmission des savoir-faire de production : contenu, processus et conditions organisationnelles. Les apports d’une étude empirique menée au sein des cristalleries lor-raines, Thèse, Université de Nancy 2, décembre, 2005, 353 p.

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REMERCIEMENTSJe remercie Christian Brassac pour la relecture de mon papier et ses précieux conseils, ainsi que toute l’équipe Codisant pour leurs remarques pertinentes lors d’une

présentation de mon papier en réunion de recherche. Je remercie également les membres de l’entreprise « Crista-lorr » pour le temps qu’ils m’ont accordé et le vécu qu’ils ont bien voulu partager avec moi.

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Déplacements urbains de personnes non voyantes : étude multifactorielle des difficultés et apports d’une

nouvelle interface pour le recueil de données Marion Wolff

Philippe CabonGérard Uzan

Julien Nelson Stanislas Couix

Ergonomie, Comportement & Interactions (EA 4070) Université Paris 5

45, rue des Saints-Pères 75 270 Paris Cedex 06

[email protected]@univ-paris5.fr

[email protected]@etu.univ-paris5.fr

[email protected]

01 42 86 20 74

RÉSUMÉExploratoire, cette étude multifactorielle a pour objectif de déterminer les difficultés des personnes non voyantes lors de déplacements urbains. Seize personnes non voyantes (dont la cécité est précoce ou tardive) aidées, soit d’une canne, soit par un chien-guide, et six personnes voyantes (groupe témoin) ont accepté de participer à une expérience menée dans un quartier parisien, dont l’accès est réputé difficile pour les piétons. Plusieurs types de données ont été recueillis : observations, réponses à des questionnaires de personnalité, verbalisations, et fréquences cardiaques des sujets mises en relation avec les mesures des trajets parcourus ; ces derniers relevés ayant pu être effectués grâce à l’utilisation d’une nouvelle interface-cardio-fréquencemètre dotée d’un GPS (Global Positioning System). Les résultats d’une analyse multidimensionnelle ont permis d’identifier les principales difficultés et de formuler des recommandations non seulement pour l’amélioration de l’autonomie des personnes non voyantes, pour l’aménagement de l’environnement, mais aussi pour l’utilisation future de cette nouvelle interface.

MOTS-CLÉS : personnes non voyantes, déplacements urbains, interface GPS, analyse multivariée, analyse des difficultés.

ABSTRACT This exploratory and multivariate study aims to identify setbacks encountered by blind pedestrians during their urban travels. Sixteen blind persons (with early or late blindness), using either a cane or a guide dog, and six sighted people, acting as a control group, agreed to take

part in an experiment set in a Parisian district whose accessibility to pedestrians is notoriously limited. Several types of data were collected: observations in the field, answers to personality questionnaires, verbalizations, and ambulatory heart rate in relation to the chosen course. The latter were collected using a novel interface measuring heart rate, which was fitted with a GPS (Global Positioning System). Results of a multidimensional analysis allowed identification of the main difficulties in the course, and supported suggestions, regarding improved independence of blind people, urban landscaping and future uses for this novel interface.

KEY-WORDS: blind pedestrians, urban movements, GPS interface, multivariate analysis, difficulty analysis.

INTRODUCTIONCette recherche exploratoire effectuée « sur le terrain » consiste à étudier les difficultés rencontrées par les personnes non voyantes lors de déplacements urbains. Le handicap visuel ne permet pas une navigation facile en général, même si les personnes bénéficient « d’une aide au déplacement » (canne ou chien-guide), et ceci est d’autant plus vrai si les trajets à effectuer sont inconnus de la personne. Les difficultés varient en fonction du milieu, de la densité de la population, du climat, des contraintes architecturales, de l’absence de repères, etc., et sont perçues différemment selon les individus. Face à ces difficultés, un stress élevé peut émerger et désorienter complètement la personne. Les quelques études trop rares portant sur les difficultés rencontrées par les personnes non voyantes analysent généralement des données issues observations ou de

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verbalisations [13]. Avec cette étude, nous avons tenté d’analyser également d’autres facteurs plus complexes à aborder. Il s’agit donc d’évaluer ici ces difficultés non seulement via des outils méthodologiques classiques (observations, entretiens), mais aussi à l’aide d’une nouvelle interface-cardio-fréquencemètre dotée d’un GPS (Global Positioning System) : le boîtier FORWARD FRWD-recorder 0400, utilisé jusqu’alors en sport pour analyser les performances (www.digi-instruments.comou www.FRWD.com). Cette interface permet en effet de relever conjointement la distance parcourue, le trajet effectué, et les fréquences cardiaques du sujet. Pour ce qui concerne cette étude, nous tenterons d’utiliser la fréquence cardiaque comme indicateur possible de stress. Ces données seront également complétées par des réponses à des questionnaires de personnalité [6], d’évaluation de l’anxiété [26], et d’évaluation des stratégies de «coping» [17]. À partir de ces analyses, nous tenterons de proposer des solutions adaptées pour l’aménagement du milieu urbain pour les personnes non voyantes et de formuler également des recommandations quant à des utilisations futures de cette nouvelle interface.Pour cette étude, il a été tenu compte de deux facteurs concernant les personnes non voyantes : - utilisation d’une aide pour les déplacements (canne ou chien-guide), - ancienneté du handicap (non voyants à cécité précoce ou tardive). La justification du choix de ces variables indépendantes sera exposée ci-après, puis nous nous fonderons sur quelques travaux récents menés sur l’étude du stress et des traits de personnalité avant de présenter les variables dépendantes retenues.

Ergonomie et handicap L’ergonomie s’intéresse depuis longtemps aux personnes présentant un handicap visuel [20] [25], et comme le soulignent des travaux québécois récents [7] : « le handicap n’est pas une caractéristique de la personne mais le résultat situationnel de l’interaction entre une personne différente sur le plan corporel ou fonctionnel et un environnement physique et social spécifique ». Pour y remédier, on peut soit développer les capacités intrinsèques de l’individu de manière à diminuer les conséquences fonctionnelles de la déficience (aspect lésionnel du handicap), soit modifier l’environnement ou encore compenser certaines incapacités au moyen d’artefacts que sont les aides techniques [20] [25]. Celles-ci ne réduisent pas les déficiences elles-même, mais diminuent certaines de leurs conséquences (muni d’un équipement approprié, un aveugle peut « lire » ou se déplacer plus facilement). Elles visent donc à améliorer l’autonomie des personnes et offrent un meilleur confort de vie. De nombreuses études ont montré l’efficacité d’une substitution de la vision par des stimulations tactiles. Par exemple, à l’aide de dispositifs spéciaux les personnes non voyantes peuvent après quelques heures de pratique seulement localiser précisément des objets et réaliser ainsi des tâches

perceptives étendues [14] [18]. Toutefois ces aides ne sont pas suffisamment répandues ni accessibles pour que l’ensemble des personnes non voyantes puisse les utiliser quotidiennement. Ainsi, les aides « classiques » telles que la canne et le chien-guide restent majoritaires pour les déplacements urbains et percevoir l’environnement. La canne, que la personne non voyante tend devant ses pas, lui apporte une partie de l’information principale dont il a besoin. Les petits balayages spatiaux effectués autour de la surface proche du sol lui donnent ainsi des repères très utiles (bord du trottoir, parois d’un mur, nature et texture du sol). Mais la « pré-vision » fournie par une canne est limitée et n’assure pas totalement la sécurité du marcheur. En effet, les anticipations et les corrections que permet la canne sont bien souvent limitées. Malgré ces inconvénients, cette aide technique à la locomotion reste la plus universellement utilisée par les personnes aveugles. Une autre aide majeure à l’autonomie des déplacements en ville a été acquise par les chiens-guides. L’efficacité, la sécurité et le confort apportés par le chien-guide sont aujourd’hui incontestablement reconnus. Il a été en effet constaté que les utilisateurs de chiens-guides parviennent à un rendement optimal dans leurs déplacements locomoteurs, le chien les libérant en partie du travail d’exploration effectué habituellement par la canne, et leur permettant aussi d’augmenter leur sentiment de sécurité [12].

Locomotion et cécité Des études ont montré [27] [2] que le non voyant développe des compétences sensori-motrices spécifiques nécessaires à ses différents déplacements : les « savoir » entendre, tactile, thermique, olfactif. Leur utilisation varie selon l’action, son contexte, le type de handicap (aveugle précoce/tardif) et le dispositif de guidage utilisé (canne ou chien). Il existe ainsi une prise de relais inter-sensorielle durant le parcours, permettant de s’orienter, d’évaluer les distances, de se déplacer en ligne droite, de traverser, franchir les obstacles, déchiffrer l’espace bâti, etc. Le non voyant « actualise » donc constamment des compétences d’ordre perceptif, qui se spécifient selon le degré de cécité [2] [14]. Il a été en effet constaté que les aveugles précoces bénéficient d’une capacité auditive « d’écholocalisation » résultant de leur propre activité phonique ou de la ville elle-même. Cette capacité, associée à une compétence d’ordre tactilo-kinesthésique les renseigne également sur l’environnement proche (données fournies par le contact des pieds et de la canne sur le sol, par les mouvements du chien, des explorations manuelles ou par la détection des variations de l’air associées à la présence d’obstacle). Les aveugles tardifs partagent cette double compétence, mais pour eux, la mémoire visuelle des lieux traversés supplée davantage à la déficience [29] [19] [28]. Par rapport à une personne voyante, les indices perceptifs nécessaires pour appréhender l’environnement sont donc différents. Mais le handicap majeur dû à la cécité est l’absence de « pré-vision », qui rend difficiles les anticipations perceptives et cognitives, oblige à porter

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son attention sur des données sensorielles (auditives, olfactives, tactiles), et à avoir recours à des connaissances antérieures stockées en mémoire (structure des chemins, nombre de virages, nombre de stations de métro, boutiques rencontrées, etc.). Enfin, cette absence d’anticipation peut également être source d’anxiété, car les risques de heurter un obstacle et de perdre son chemin sont considérables [8].

Cécité et mesure du stress L’environnement urbain représente une source potentiellement importante de stress. Le stress, que l’on peut définir comme une réaction d’adaptation à une situation menaçante obéit à un mécanisme physiologique général, commun à tous les hommes, et qui est faiblement contrôlable par la volonté [23]. De nombreuses études, dont la plupart menées en milieu militaire, ont distingué différentes phases physiologiques liées à l’installation du stress (voir par exemple [23] [22] ou [21]) ; phases que nous ne détaillerons pas dans le cadre de cet exposé. Mais toutes les études s’accordent pour indiquer qu’en situation de stress, les glandes surrénales secrètent de l’adrénaline, le rythme cardiaque s’accélère, la pression sanguine augmente, la respiration est plus rapide. Le stress se caractérise donc par une mobilisation physiologique mesurable notamment par la fréquence cardiaque. Cet indicateur est utilisé couramment en ergonomie pour l’évaluation de la charge de travail physique [4] [9] et mental, y compris lors du processus de conception de nouvelles interfaces [3]. Le problème est que l’on observe le même phénomène d’accélération cardiaque lorsque l’organisme réalise un travail physiologique comme la marche à pied [5]. Il devient alors difficile de déterminer la part de stress de la part de charge physique lors de déplacements. Quoi qu’il en soit, l’identification de facteurs de stress implique la comparaison de données entre plusieurs individus. Ceci pose déjà le problème de la variabilité physiologique interindividuelle, chaque individu ayant une fréquence de repos et une variabilité cardiaque propres. Pour standardiser les données de FC, on utilise comme indicateur le Pourcentage de Variation par rapport à la FC de Repos (PVFR), calculé comme suit : PVFR = [(FC - FCRmoy) / FCRmoy]*100. Par ailleurs, d’autres travaux ont montré que les personnes non voyantes réagissent plus fortement au stress que les personnes voyantes, même lors de trajets familiers, ce qui traduirait une charge mentale de travail plus importante, due essentiellement aux efforts attentionnels et cognitifs suscités [11]. Le déclenchement du stress dépend des effets individuels de facteurs de différentes natures et ce ne sont pas les situations de l’environnement qui déclenchent le stress, mais l’interprétation que l’individu induit de cet environnement. Ainsi, si le mécanisme, à l’origine, est physiologique, son déclenchement dépend de facteurs cognitifs et affectifs. Son expression dépend des capacités à chacun à faire face («coping» ; [1]). Actuellement, le stress est considéré comme une

« transaction » entre l’individu et l’environnement [15]. L’état d’anxiété du sujet est également un indicateur possible de l’installation du stress [26] [15]. Étant conscients de la difficulté d’évaluation du stress par la seule analyse de la FC, nous mettrons en relation pour cette étude plusieurs indicateurs potentiels du stress : la PVFR, des réponses à 3 questionnaires de personnalité, d’anxiété et de «coping» (voir ci-après), et la vitesse de marche du sujet, qui mise en corrélation avec le PVFR donnera une indication sur la part de la charge physique en jeu ou non. Ces analyses restent toutefois exploratoires, mais peuvent donner un aperçu non négligeable de la situation des personnes non voyantes lors de leurs déplacements urbains.

Rôle de la personnalité La conception de l’extraversion comme une tendance à être expansif, optimiste, non inhibé, à avoir de nombreux contacts sociaux, rechercher des émotions fortes, etc., laisse supposer que les personnes dites « extraverties » sont potentiellement moins en proie au stress que des sujets « introvertis ». Dans cette optique, des études [24] [10] indiquent que certains types de personnalité se trouvent être de bons prédicteurs de réactivité au stress. Une échelle communément utilisée pour déterminer les traits de personnalité est l’EPI (Eysenck Personality Inventory) [6]. Tous les facteurs énoncés précédemment seront pris en compte dans la « procédure expérimentale », et analysés à l’aide d’une analyse exploratoire multivariée : une Analyse en Composantes Principales standard (ACP). L’ACP appelée également analyse des corrélations ou analyse géométrique des données permet de « visualiser » dans des espaces géométriques (« nuages ») les proximités ou oppositions de variables, lesquelles permettront d’interpréter ensuite les regroupements de sujets en termes de profils de comportements [30] [16]. L’ACP permettra ainsi pour cette étude, et compte tenu du faible nombre de sujets affectés à chaque sous-catégorie étudiée (voir tableau 1 ci-après), d’indiquer des profils-tendances qu’il faudra approfondir lors d’études ultérieures.

MÉTHODESujetsPour cette expérience menée « sur le terrain », quatre groupes de sujets non voyants (11 hommes et 5 femmes) ont été constitués en fonction de l’ancienneté du handicap et selon le type d’aide utilisé (cf. tableau 1). Non voyants

avec canne Non voyants avec chien-guide

Total

Non voyants à cécité tardive

4 5 9

Non voyants à cécité précoce

3 4 7

Total 7 9 16 Tableau 1 : répartition des sujets non voyants

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À ces quatre groupes, s’est ajouté un groupe « témoin » de 7 sujets voyants (3 hommes et 4 femmes) âgés de 23 ans à 58 ans. Les sujets non voyants sont âges de 26 ans à 62 ans. Tous les sujets sont volontaires et l’anonymat leur a été garanti.

Tâche et matériel L’expérience se déroule à deux endroits différents : à l’Unité d’Ergonomie (Paris 6ème) et dans le quartier Montparnasse (Paris 14ème).1) à l’Unité d’Ergonomie (durée : 45 mn) : Passation de 2 questionnaires : - de personnalité à l’aide de l’EPI [6] évaluant les traits d’introversion/extraversion, et de stabilité au névrosisme (trait de la personnalité plus généralisé qui inclut notamment l'angoisse et l'inquiétude constantes, ainsi que l'insécurité, la nervosité et l'émotivité). - d’auto-évaluation mesurant le trait d’anxiété et l’état d’anxiété [26]. - d’évaluation des stratégies de «coping» centré sur l’émotion et le problème [17]. Équipement du sujet avec le cardiofréquencemètre thoracique et avec le boîtier récepteur FRWD 0400 (fixé au bras du sujet). Relevé de la Fréquence Cardiaque (FC) au repos (5 mn en position assise, 5 mn en position debout). La FC ainsi relevée permet d’obtenir des valeurs-repères qui seront ensuite comparées avec les fréquences relevées lors du parcours. Explications concernant le déroulement de l’expérience, sans divulguer le parcours que le sujet aura à effectuer. Note : aucun des sujets n’habite ce quartier, ni n’a une connaissance approfondie du parcours qu’il aura à effectuer.

Les sujets sont ensuite accompagnés (en autobus) jusqu’à l’esplanade de Montparnasse (Paris 14ème), qui est le point de départ du parcours et où le GPS pouvait effectuer une localisation. Ce parcours a été évalué à l’avance par l’équipe d’expérimentateurs ainsi que par deux sujets non voyants volontaires (ne faisant pas partie des sujets) et a été défini de la manière la plus « écologique » possible. Il consiste en effet à une succession de 17 étapes à effectuer sur un circuit de voirie plane et avec utilisation d’un transport en commun de surface (bus). Chaque étape a été soigneusement analysée au préalable (état de la voirie, présence de passage piéton, escaliers, trottoirs, etc.) et a été répertoriée dans une grille d’observations, qui sera complétée lors du trajet par un des expérimentateurs, puis affinée ultérieurement après visionnement des enregistrements vidéo.

2) À Montparnasse (durée du parcours : environ 30 mn) : - Consignes données aux sujets concernant le parcours qu’ils auront à effectuer (par exemple : aller à la poste, rechercher le bus n°95 sur l’esplanade de la gare, prendre

le bus pendant 2 stations, aller au cinéma Miramar, se rendre au magasin INNO). Cette consigne pourra être rappelée ultérieurement si le sujet en éprouve le besoin. Durant toute la durée du parcours, les sujets sont accompagnés de 3 expérimentateurs : un est muni d’une caméra et filme les déplacements du sujet, un autre recueille les observations, et le dernier assure « la sécurité ». Ils n’interviennent qu’en cas de danger et ne peuvent répondre aux questionnements du sujet si celui-ci est perdu. Par contre, le sujet a la possibilité de demander son chemin à tout moment à des passants (situation classique de la personne non voyante), sans toutefois accepter de se faire accompagner. Les FC sont enregistrées tout au long du parcours à l’aide du FRWD 0400 que le sujet porte en permanence.

- À l’issue de ce parcours, les sujets sont conduits dans un café du quartier pour un « débriefing » concernant le parcours qu’ils viennent d’effectuer, puis ils sont soumis à un dernier questionnaire d’auto-évaluation mesurant l’état d’anxiété [26]. Ci-après, la figure 1 donne le trajet que les sujets avaient à effectuer lors de l’expérience.

Figure 1 : Découpage du parcours en 17 étapes

Les étapes 3 à 4 représentent le parcours effectué en bus. Les étapes 1 et 2, 5 à 17 représentent le parcours piéton du sujet. À l’étape 16, un des expérimentateurs introduit une « contrainte temporelle », prétextant que son caméscope affiche une batterie faible, et qu’il faut par conséquent se dépêcher pour terminer le trajet. L’introduction de cette contrainte devrait vraisemblablement déclencher une « pointe de stress » chez le sujet. Ceci sera analysé ultérieurement à l’aide la FC. Les étapes retenues pour l’analyse multivariée, car les plus pertinentes du point de vue des difficultés rencontrées sont l’étape 5 (repérage de la poste,

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orientation et recherche de parcours à effectuer), l’étape 11 (traversée du boulevard Montparnasse, difficile à traverser même pour des sujets voyants), et l’étape 16 (introduction de la contrainte temporelle par l’expérimentateur et marche en « espace ouvert »). Ces étapes seront donc analysées finement.

Variables dépendantes Pour ces étapes spécifiques 5, 11 et 16, l’étude se fera à partir de plusieurs variables dépendantes (VD) concernant les données recueillies via : - la grille d’observations : dénombrements d’arrêts du sujet liés à sa difficulté d’orientation lors de chaque étape (demandes d’assistance, hésitations, rencontres d’obstacles, etc.), - l’interface-cardiofréquencemètre GPS : FC au repos et durant le parcours, exprimée en battements par minute. Afin de standardiser les données de FC, l’unité de mesure utilisée sera le PVFR (Pourcentage de Variation par rapport à la FC de Repos). A l’aide de cette interface, la durée (en minutes) pour effectuer chaque étape du parcours est également enregistrée. - les questionnaires de personnalité (EPI/»coping»/anxiété) : scores sur 24 pour l’EPI (Névrosisme et Extraversion), scores sur 80 pour les 2 échelles d’anxiété (Trait d’anxiété et État d’anxiété), scores sur 6 pour le «coping» (centré sur l’émotion et centré sur problème).

Note : à l’aide du GPS, il a été possible de repérer systématiquement les FC émises lors de chacune des 17 étapes. Lors de l’analyse, elles seront donc mises systématiquement en relation avec les observations correspondant à chacune des 17 particularités du parcours effectué.

Questions initiales Excepté le fait que l’on peut s’attendre à ce que les sujets non voyants aient plus de difficultés et mettent plus de temps que les sujets voyants pour effectuer le parcours, on peut supposer, en référence aux travaux antérieurs, que les sujets non voyants aidés d’une canne ou d’un chien-guide ne seront pas confrontés aux mêmes difficultés. De même, on pourrait également constater des différences de comportements selon que la cécité est précoce ou tardive. Quant au stress, que l’on va tenter d’évaluer à l’aide non seulement de cette nouvelle interface, mais aussi à partir des résultats aux questionnaires précédemment évoqués, on peut supposer qu’il ne s’exprimera de la même façon selon les caractéristiques initiales des sujets.

ANALYSE DES RÉSULTATS Seront présentés ici les principaux résultats obtenus pour l’ensemble des variables dépendantes mises en relation et précédemment présentées. Nous nous focaliserons ici sur les résultats multivariés de l’ACP, pour l’exploration de profils.

Quinze variables ont été retenues pour cette analyse multidimensionnelle : les variables « objectives » relatives aux fréquences cardiaques et vitesses de marche ont été déclarées « variables actives » au sens où elles participeront à la construction des axes géométriques pour l’interprétation des données. Les variables plus « subjectives » concernant les observations et les données psychométriques ont été déclarées comme « variables supplémentaires » (elles ne participeront pas à la construction des axes géométriques, mais pourront fournir des indications complémentaires pour la détermination des profils de sujets).

Variables actives (6 variables) Pour chacune des étapes 5, 11, et 16 : - relevés du Pourcentage de Variation par rapport à la Fréquence Cardiaque de Repos (PVFR) : variables codées PVFR5, PVFR11 et PVFR16- relevé de la vitesse (exprimée en m/s) : variables codées VIT5, VIT11 et VIT16

Variables supplémentaires (9 variables) - Observations (nombre d’arrêts induisant une recherche d’orientation du sujet) :pour les étapes 5, 11 et 16 ; variables codées OBS5, OBS11 et OBS16.- Score évaluant les traits d’introversion-d’extraversion (score noté sur 24. un score élevé indique une tendance à l’extraversion et un score faible, une tendance à l’introversion). - Score de stabilité au névrosisme (score noté sur 24. Un score élevé indique une tendance à l’angoisse, l’insécurité ; un score faible, une tendance à la stabilité). - Score d’auto-évaluation mesurant le traitd’anxiété avant le parcours (score minimum : 20 ; maximum : 80. Un score élevé indique un trait à l’anxiété).- Score d’auto-évaluation mesurant l’état d’anxiété après le parcours (score minimum : 20 ; maximum : 80. Un score élevé indique un état l’anxiété). - Score de «coping» centré sur l’émotion (score noté sur 6. Un score élevé indique que le sujet a tendance à adopter une stratégie passive pour faire face au stress) - Score de «coping» centré sur le problème (score noté sur 6. Un score élevé indique que le sujet à essayer de contrôler la situation stressante). L’analyse de la position des variables dans le nuage déterminera l’interprétation des groupements d’individus étudiés ensuite.

Analyse des corrélations Globalement, l’analyse des corrélations effectuée sur l’ensemble des sujets permet de retrouver des tendances générales classiques et logiques : ainsi, les variables relatives à la fréquence cardiaque sont corrélées positivement aux variables de vitesse, indiquant qu’une vitesse de marche élevée implique plutôt une augmentation de la fréquence cardiaque (corrélations entre les vitesses et les PVFR : +0.32 r +0.83). Les variables d’observations (nombre d’arrêts observés) sont

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également corrélées positivement entre elles (+0.48 r +0.63), mais négativement et moyennement avec les variables de vitesse et de fréquences cardiaques (-0.20 r -0.41). Ce qui tend à indiquer que lorsque la personne réduit sa vitesse et sa fréquence cardiaque, elle ralentit sa marche et s’arrête pour tenter de résoudre le problème qui se pose à elle. Les variables relatives aux données « psychométriques » sont indifféremment corrélées positivement ou négativement aux variables « physiologiques » ; ce qui indique qu’a priori, aucune tendance majeure ne se dégage quant à la perception du parcours effectué dans sa totalité et par l’ensemble des sujets. Il aurait été intéressant de dégager ici les corrélations intra groupes, mais les effectifs peu importants issus de l’appariement des facteurs « Nature du handicap » et « Type d’aide utilisée » ne le permettait pas.

Résultats issus de l’ACP Au niveau de l’ACP, trois dimensions (axes) ont été retenues pour interpréter au mieux les données (83% de la variance de l’ensemble des variables prise en compte). Si la première dimension interprète essentiellement les étapes n° 5 (repérage de la poste, orientation et recherche du parcours à emprunter) et n°11 (traversée du boulevard Montparnasse) et ne fait que traduire essentiellement l’opposition de comportements des sujets non voyants/voyants, la seconde dimension se focalise sur l’étape n°16 (introduction de la contrainte temporelle) et fait émerger des profils intéressants quant aux traits d’anxiété des sujets non voyants, en opposant les sujets à cécité précoce guidés par un chien à ceux à cécité tardive aidés d’une canne. La figure 2 ci-après fait apparaître les variables et groupements de sujets interprétés par l’axe 2. Afin de ne pas surcharger le graphique, les variables relatives aux étapes 5 et 11 interprétées essentiellement par l’axe 1 n’y figurent pas. Les non voyants aidés d’une canne (en bas, sur le graphique), quel que soit le type de cécité dont ils sont atteints (précoce/tardive), ont tendance à marquer plus d’arrêts et donc à se mouvoir moins vite que les non voyants guidés par un chien (en haut sur le graphique). Ce qui ne semble pas illogique, compte tenu que le chien permet aux non voyants de se déplacer plus aisément (comportement proche des « voyants » au niveau de la vitesse de marche). Il est donc difficile ici de distinguer la part de stress de celle occasionnée par l’augmentation de la charge physique. Mais si le PVFR reste lié à la vitesse, on peut néanmoins envisager qu’une part de l’augmentation de fréquences cardiaques puisse être due au stress pour les sujets non voyants guidés par un chien, car les scores élevés obtenus lors des tests liés à l’émotion, aux trait et état d’anxiété s’interprètent ici également avec le PVFR et la vitesse (variables regroupées du même côté de l’axe 2, en haut du graphique).

Figure 2 : Schéma récapitulatif de l’ACP : interprétation de l’axe 2 (vertical)

Cette tendance se confirme par les verbalisations recueillies lors du débriefing. En effet, les 9 sujets guidés par un chien ont tous indiqué qu’ils « ressentaient les hésitations, l’anxiété de leur chien » lorsqu’ils devaient aborder des passages particulièrement délicats et que le chien « cherchait ses repères », et que ce « ressenti avait tendance à les rendre anxieux, à les stresser ».

Un autre résultat intéressant est donné par l’interprétation de l’axe 3. Cet axe est essentiellement représentatif de la vitesse relevée à l’étape n°5 et aux variables relatives aux traits d’extraversion/introversion et de névrosisme (voir figure 3). En bas, sur le graphique, deux sous-groupes de sujets sont proches : les 3 non voyants à cécité précoce aidés par une canne, et les 5 sujets à cécité tardive guidés par un chien. Leurs comportements sont proches essentiellement pour cette étape n°5 (repérage de la poste, orientation dans l’espace, recherche du parcours). Ils ont tendance à adopter lors de cette étape, une vitesse plus élevée. Toutefois, ils tendent également à obtenir des scores élevés au test de « névrosisme » (sentiment d’anxiété, d’insécurité). Les non voyants tardifs avec canne ont en effet déjà une représentation mentale de la situation et les précoces guidés par un chien sont considérablement aidés par leur animal [29] [19] [28]. Ils auraient ainsi tendance à marcher à plus vive allure, tout en ressentant néanmoins un sentiment d’insécurité. Ils sont opposés aux 4 non voyants à cécité précoce guidés par un chien et aux 4 sujets à cécité tardive aidés d’une canne (en haut sur le graphique), lesquels ont obtenu des scores élevés à l’échelle d’extraversion. Ces derniers marchent moins vite, mais ont plus tendance à être plus expansifs, moins inhibés, mais aussi plus prudents (variable Extraversion opposée au Névrosisme).

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Figure 3 : Schéma récapitulatif de l’ACP : interprétation de l’axe 3 (vertical)

Plusieurs explications pourraient être avancées ici pour interpréter ces résultats. Les non voyants précoces à canne ne possèdent pas les informations de l’environnement qu’ont pu accumuler ceux à cécité tardive, et ceux atteints d’une cécité tardive aidés par un animal, qui ont par ailleurs des représentations mentales du milieu urbain, tendent à recevoir des informations contradictoires à cause du comportement de leur chien, qui hésite. Les verbalisations recueillies en fin de parcours renforcent ces tendances fournies par l’ACP. Par exemple, un sujet à cécité tardive aidé par un chien avance « avoir été très perturbé quand l’expérimentateur lui a demandé d’augmenter son allure, car il sentait son animal stressé et ne sachant pas quelle direction prendre ». Il ajoute que « s’il avait été seul, il aurait pris plus de risques, car il entendait les voitures et pouvait les situer ». Un autre sujet à cécité précoce à canne indique « qu’il ne savait absolument pas se repérer et qu’il a ralenti, faute d’indices le reliant directement à l’environnement ». Enfin, pour ce qui concerne les non voyants à cécité tardive avec canne ou les précoces guidés par un chien, ils ont affirmé «savoir être en danger », mais les premiers « se sont référés à leurs images » alors que les seconds « se sont plutôt fiés à leur chien ». C’est la raison pour laquelle, ils ont accéléré.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS Si ces résultats restent des tendances, compte tenu du peu de sujets testés par sous-groupes, ils donnent néanmoins des indices quant à des recherches futures. Les principales difficultés rencontrées par les personnes non voyantes concernent l’orientation et le repérage d’indices pertinents. Lors de cette étude menée « sur le terrain », les expérimentateurs ont dû en effet intervenir

à maintes reprises auprès des sujets pour les écarter du danger, notamment lors des traversées de rue ou de boulevard. Par ailleurs, certains résultats ont montré qu’il existerait des différences de comportements au sein même de la population des non voyants. Ceci va dans le sens des travaux antérieurs [2], [15], [24], [25], [26], qui ont déjà pu mettre en évidence que les différents « savoirs » des personnes non voyantes tendent à s’actualiser en permanence, et que par ailleurs les personnes atteintes tardivement de cécité conservent une mémoire visuelle des lieux qui peut aider à suppléer le handicap. Au niveau du stress que nous avons tenté d’évaluer, les résultats donnent quelques tendances non négligeables qu’il serait intéressant de pouvoir approfondir. Notre expérimentation nécessitant des déplacements construits de manière à ce qu’ils soient le plus proches possible du quotidien, il a été difficile de mettre en évidence un éventuel effet du stress via le relevé de fréquences cardiaques, qui reste pourtant un indicateur utilisé classiquement en ergonomie [3] ou en médecine du travail [4], [9]. Il faudrait alors envisager une autre expérience dans un cadre plus expérimental qui limiterait les déplacements des sujets, mais inclurait un certain nombre d’obstacles prévisibles ou non pour ce dernier. L’effort physique étant moindre, les fréquences cardiaques pourraient ainsi traduire de manière plus fine les « pics de stress » des personnes concernées et la part de charge physique pourrait être ainsi dissociée des analyses.Pour ce qui concerne l’utilisation de cette nouvelle interface FRWD-recorder 0400, elle est très innovante pour le recueil des données diverses, telles que les fréquences cardiaques du sujet, la vitesse, la distance parcourue, et le temps pour réaliser le parcours effectué. Elle permet également de retracer très finement le trajet parcouru, et dans certains cas le situer sur une carte (via « Google-Earth »). Le problème est que le GPS fonctionne encore très mal dans un milieu urbain dense comme Paris. Pour cette expérimentation, nous avons dû constamment faire face à des interruptions de signal. Si l’interface permet néanmoins d’extrapoler les données manquantes, en milieu urbain, ces données sont fort nombreuses et peu fiables. Ainsi, il nous a été impossible de mettre en relation le trajet réellement parcouru et la vitesse d’exécution. L’utilisation de cette interface nécessite ainsi le choix d’un parcours situé en milieu moins urbanisé, comportant moins d’obstacles, et aussi moins d’interférences, afin de pouvoir capter correctement les signaux reçus et émis via le GPS. Lors d’une prochaine expérience, il faudra également tenir compte de ces paramètres non négligeables. Enfin, pour ce concerne les aménagements urbains pour les personnes non voyantes, cette étude nous a permis de cibler non seulement les dangers réels auxquels ces personnes sont quotidiennement exposées, mais aussi de suggérer quelques solutions peu onéreuses et assez simples à mettre en œuvre pour leur sécurité.

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Par exemple : - Permettre la mise en place de feux sonores adaptés aux besoins des non voyants. Certains modèles « parlants » sont déjà mis en place (dont un à Montparnasse), mais restent encore à améliorer. En effet, les indications fournies par ces feux sonores sont souvent masquées auditivement par les nuisances sonores environnementales. Par conséquent, il serait préférable d’utiliser plutôt des techniques d’avertisseurs, qui fonctionneraient au moyen de séquences de « bips » indiquant au piéton non voyant le moment où il pourrait traverser. Ceci serait beaucoup plus simple à mettre en place et également moins onéreux que les systèmes actuels.- Rétablir une cohérence dans les installations urbaines. Bien que l’on constate de nombreuses améliorations au niveau de la voirie, ce qui témoigne d’une réelle préoccupation des pouvoirs publics vis-à-vis des personnes avec handicap, beaucoup d’aménagements restent inadaptés. Par exemple, les barrières de sécurité jalonnant les trottoirs semblent placées arbitrairement. De même, les bandes d’éveil de vigilance indiquant les zones de traversée, n’apparaissent parfois que d’un côté de la chaussée, et pas de l’autre… Un autre exemple est celui des trottoirs abaissés afin de limiter le nombre de chutes ou faciliter l’accès aux fauteuils roulants. Quelques utilisateurs non voyants nous ont indiqué qu’à certains endroits, ces trottoirs ont tellement été rabaissés qu’il devient difficile de les distinguer de la chaussée. Les incohérences sont ainsi nombreuses. Les moyens existent, mais sont malheureusement souvent utilisés à mauvais escient. - Multiplier les aides techniques à la locomotion et à l’orientation : augmenter le nombre de bandes d’éveil de vigilance, introduire des plans et des panneaux tactiles dans la ville, placer des marquages au sol afin de repérer certains lieux publics (arrêts de bus, stations de taxi, administrations, hôpitaux, etc.) - Développer le GPS pour permettre aux personnes non voyantes de se déplacer en ville. Le GPS permettrait d’avoir « un feed-back » sur l’environnement, et de plus il faciliterait l’orientation et le repérage. Les personnes non voyantes qui ont accepté de participer à notre expérience ont été très enthousiasmées de savoir qu’une telle interface munie d’un GPS existait. Malheureusement cette dernière ne fonctionnait pas correctement dans tous les quartiers. Récemment, avec la mise en place du système « Galileo », on devrait pouvoir constater des améliorations notables. Récemment, un nouveau système GPS (Trekker) conçu pour l’aide à l’orientation en environnement urbain pour les personnes non voyantes vient d’être développé, et il serait aussi intéressant de le tester. Enfin, si cette étude exploratoire n’a pas apporté les résultats escomptés, notamment pour ce qui concerne l’étude des facteurs de stress que nous pensions pouvoir aborder à l’aide de cette nouvelle interface, elle a néanmoins permis de confirmer les constats antérieurs et

malheureusement toujours d’actualité, même si les municipalités affichent de plus en plus la volonté de mettre en place des aménagements dits appropriés (qui en fait se révèlent pour la plupart inappropriés !). De plus, si les aides techniques évoluent très rapidement d’un point de vue technologique, et peuvent réellement assister les personnes atteintes de cécité, elles restent encore assez onéreuses et peu accessibles aux personnes non voyantes.

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Évaluation d’une interface visuelle et auditive prototype pour un équipement militaire de campagne

Marion Wolff Jean-Claude Sperandio

Ergonomie, Comportement & Interactions(EA 4070)

Université Paris 5 45, rue des Saints-Pères 75 270 Paris Cedex 06

[email protected]@univ-paris5.fr

01 42 86 20 74

Laurent Todeschini

Délégation Générale pour l'Armement (DGA) Etablissement Technique d'Angers

Route de Laval - B.P. 36 – 49 460 Montreuil-Juigné

[email protected] 41 93 69 99

RÉSUMÉCette étude, conventionnée par la Direction Générale des Armements (DGA/SPART), a pour objet d’étudier le traitement d’informations duales (visuelles/auditives) et la charge mentale de travail lors d’une expérience visant à simuler une interface d’un équipement militaire prototype (programme FELIN : Fantassin à Équipements et Liaisons Intégrées). Une méthodologie spécifique a été mise en oeuvre spécialement pour cette expérience. Les nombreux résultats obtenus donnent des pistes de travail quant à l’élaboration de cette nouvelle interface, notamment pour ce qui concerne les messages visuels qui semblent mieux traités que les messages auditifs.

MOTS-CLÉS : évaluation d’interface, attention duale, charge mentale de travail.

ABSTRACT This study, officially sanctioned by the french General Board of Weaponry (DGA-SPART), aims to study dual information processing (processing of visual and auditory information) and mental workload during an experiment which involves simulating the interface of a military equipment prototype (as part of the FELIN program - Infantryman with Integrated Equipment and Datalinking). This experiment used a specifically designed methodology. Many of its results yield prospects for further development of this new interface, especially regarding visual messages, which seem to be more efficiently processed than auditory messages.

KEY-WORDS: interface evaluation, dual information processing, mental workload.

INTRODUCTION L’objectif de cette étude est d’évaluer une interface visuelle et auditive d’un équipement militaire prototype (programme FELIN : Fantassin à Équipements et Liaisons INtégrées). Cette interface se présente sous la forme d’un boîtier que le fantassin portera au poignet et permet de délivrer des consignes

visuelles et auditives. L’interface étant à l’état de prototype et non utilisable directement pour l’expérience, un programme informatique a été élaboré pour simuler au plus près les fonctionnalités de cette interface et certains aspects des missions militaires. L’expérimentation porte sur l’efficience comparée des deux modalités de présentation, visuelle ou auditive, du point de vue de la contrainte d’attention exercée sur la tâche principale, qui est elle-même une tâche cognitivo-perceptive nécessitant un haut niveau de vigilance et d’attention. Avant de présenter l’expérience proprement dite, nous ferons brièvement un rappel des concepts relatifs à l'attention et à la charge mentale, qui servent de fondement à cette recherche.

Les processus attentionnels L’Ergonomie s’est beaucoup intéressée aux études menées en Psychologie Cognitive sur l’attention, lesquelles ont permis de mettre en évidence non seulement les performances requises lors de la réalisation d’une tâche, mais aussi les erreurs commises, notamment lorsqu’une trop grande quantité de travail à réaliser est imposée [12]. La littérature est abondante à ce sujet [7]. Nous ne résumerons ici que les concepts principaux. L’attention est un processus transversal à tous les processus cognitifs. Elle est régie par deux sous-processus : d’une part, l’orientation de l’activité mentale vers certaines sources au détriment d’autres et, d’autre part, le degré de focalisation sur telle ou telle source. Quand un sujet fait « très attention » à quelque chose, il est forcément moins attentif, sinon totalement inattentif, aux autres sources potentielles. L'attention requise par l'accomplissement d'une tâche mentale vient donc en concurrence de l'attention nécessaire à l'accomplissement d'autres tâches simultanées, et ceci d'autant plus que la charge mentale globale ou celle de l'une des tâches est élevée. Si une tâche offre plusieurs sources d’attention, généralement d’inégales priorités entre elles, le partage d’attention entre ces sources peut être critique, pouvant être à l’origine de confusion et

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d’erreur, surtout lorsque la tâche sature le sujet ou qu’une baisse de vigilance entraîne chez lui une baisse d’attention. Intervient ici le fait que la capacité de traitement d’information étant limitée, la capacité attentionnelle l’est également. Ce concept est donc, à cet égard, lié à un autre concept, qui est celui de charge de travail. Le concept de charge de travail désigne en Ergonomie « le poids d’un travail donné sur l’individu qui l’accomplit » [14]. Il fait référence à deux notions importantes : d'une part, la contrainte (c’est-à-dire l’ensemble des facteurs objectifs des contraintes) s’exerçant sur l’opérateur et qui dépend des conditions d’environnement et des difficultés du travail en lui-même et d'autre part, l’astreinte, c’est-à-dire le coût qui en résulte sur chaque individu et qui dépend de facteurs propres à cet individu. Ainsi, observe-t-on de fortes différences interindividuelles, car des tâches astreignantes pour certains ne le sont pas forcément pour d’autres, ni au même titre et au même niveau. L’astreinte est donc une notion très subjective, qui dépend de multiples facteurs, en particulier la formation, l’apprentissage et l’entraînement, mais aussi des facteurs de personnalité, voire de l’âge [9]. La charge mentale de travail est induite par l’effort mental qu’on lui demande de fournir pour une tâche donnée. Ce concept, très ancien et toujours récurrent en Ergonomie, est fondamentalement lié à la notion de capacité limitée de traitement de l’information qui caractérise tous les humains [1], [2], [5], [16]. La charge mentale peut être considérée soit comme contrainte (part objective des difficultés du traitement d’information pour un travail donné), soit comme astreinte (part subjective de ces difficultés pour un sujet donné). Elle est même parfois définie comme le sentiment que le sujet peut avoir de l’effort mental à fournir [3]. Il semble donc assez difficile pour l’ergonome de mesurer précisément la charge mentale dont peuvent se plaindre des opérateurs, étant donné la part subjective de l’astreinte et les liens avec d’autres concepts associés, parfois difficiles à bien distinguer, comme la fatigue mentale et le stress. Plusieurs méthodes sont classiquement utilisées, tels que les indicateurs physiologiques, comportementaux, ou encore la technique de la tâche ajoutée [6], [8], [11], [10]. De nombreuses recherches sont encore envisageables dans ce domaine d’étude, car ce concept de charge mentale de travail reste vaste. Bon nombre de questions restent encore en suspens. Sur le terrain, l’évaluation de la charge mentale d’opérateurs est toujours un chapitre important d’une analyse du travail, notamment en termes de sécurité puisque certaines erreurs ou des situations de stress peuvent être induites par des surcharges mentales. Dans le cas de l’étude ici rapportée, il s’agit d’une tâche qui requière en soi plusieurs sources d’attention (observations, guet, surveillance d'objectifs, préparation de tir, tir, déplacements, préparation de déplacements, etc.). Les fantassins munis d'un équipement (FELIN), qui comporte divers affichages visuels et/ou auditifs, doivent donc partager leur

capacité d'attention entre celle requise par la tâche principale de la mission en cours et celle requise par l'interaction avec les interfaces de l’équipement. L’attention requise par la tâche principale est essentielle, mais celle requise par l’interface ne l’est pas moins, puisque c’est par cette interface que transitent les consignes de la mission. Faute d’une impossible expérimentation en milieu réel, l'expérience réalisée simule une tâche de nature perceptivo-mentale (un pointage de cibles, en nombre et priorités variables), au cours de laquelle des consignes (qui simulent des instructions que les fantassins sont susceptibles de recevoir) sont présentées soit visuellement (sur un écran simulant l’IHM visuelle FELIN), soit auditivement (casque auditif bilatéral, simulant l’interface auditive FELIN), soit de façon mixte (c'est-à-dire présentées à la fois visuellement et auditivement). Alors que plusieurs études d’ergonomie ont porté sur l’évaluation comparée des modalités d’interface visuelles ou auditives, en termes de vitesse et d’erreurs de captation des messages, montrant la supériorité tantôt de l’une de ces modalités, tantôt de l’autre, selon les messages ou l’environnement (et ceci bien avant l’informatique ! [4]), on s’intéresse ici au partage de l’attention. La question est de savoir non seulement si l’une ou l’autre des deux modalités de présentation des consignes est préférable à l’autre en termes d’efficacité des consignes présentées, mais aussi dans quelle mesure la performance à la tâche principale peut se trouver dégradée par l’attention accordée à l’interface. La variation de complexité de la tâche principale est réalisée par un nombre croissant de cibles, par une difficulté croissante des consignes et l’introduction d’un mode de travail dégradé, simulé ici par une contrainte externe (au moyen du Générateur d'Environnement Physique Agressif pour le Travail (GEPAT), mis au point par l'ETAS (Établissement Technique d’Angers).

MÉTHODESujetsL’expérience s’est déroulée au 35ème Régiment d'Infanterie situé à Belfort, qui a mis à disposition 78 sujets (17 fantassins gradés et 61 non gradés).

Tâche Le sujet est assis face à un écran principal de 19 pouces pré-installé dans le simulateur GEPAT. Il dispose d'une souris pour la tâche de pointage de cibles. A sa gauche, est installé un écran secondaire de 15 pouces, dont une fenêtre est réduite aux dimensions de l’affichage visuel du prototype FELIN. Cet écran sert à afficher les consignes nécessaires à l’expérience en mode visuel ou en mode mixte. Cet écran est éteint en mode auditif. Le sujet est muni d'un casque audio avec micro incorporé. Il peut ainsi communiquer à tout instant avec l'expérimentatrice, qui se trouve dans une cabine de contrôle à proximité. Le GEPAT est, en outre, muni d'un dispositif vidéo qui permet de surveiller les réactions du sujet depuis cette cabine de contrôle. Le sujet peut, en cas d'urgence, arrêter lui-

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2 PC (pré-installés) pour la gestion des contraintes de la cabine du sujet (et d'une tâche expérimentale, inactivée dans le cadre de cette expérience)

PC portable gérant l'écran des consignes

PC portable gérant l'écran principal et le recueil des données

Ecran principal

(Tâche expérimentale)

Ecran secondaire

(consignesvisuelles)

Casque auditif

(consignes auditives)

Écran vidéo pour la surveillance du sujet en cours d'expérience

micro

souris

Cabd

con

Cabsuj

même l’expérience a tout moment, y compris par un arrêt physique du fonctionnement du GEPAT (cela ne s'est pas produit). Quand le sujet passe l'expérimentation en mode auditif ou en mode mixte, il reçoit via le casque auditif les consignes expérimentales énoncées par l’expérimentatrice1.La passation dure 20 minutes, quelle que soit la condition de passation prévue. Six conditions de passation, associées à 6 groupes indépendants de 13 sujets ont été définies : 3 conditions en mode dégradé et 3 conditions en mode non-dégradé (dans ce cas, la contrainte du GEPAT est inactive, mais le sujet est néanmoins placé dans cette cabine (afin que soient maintenues constantes les autres conditions de la situation expérimentale). Ces deux modes (dégradation ou non dégradation) sont croisés avec 3 conditions de passation des consignes : visuelles, auditives, ou mixtes (c'est-à-dire auditives + visuelles). Ainsi, quelle que soit la condition de passation, l'expérience se déroule dans la cabine du GEPAT. Pour la modalité « dégradation », la cabine est active (induit des oscillations de 0.6 Hz du siège du sujet), sinon elle est inactive2. La température à l’intérieur de la cabine a été maintenue constante à 25°. La tâche expérimentale est une tâche de pointage de cibles, qui se présente de la façon suivante : - des chevaliers du Moyen Âge de différentes couleurs sont présentés en nombre variable sur l’écran principal, - une action à réaliser (protéger, surveiller ou détruire) est associée aux couleurs des boucliers de ces chevaliers, - les couleurs et leur signification changent en cours d'expérience, - le nombre et la position des chevaliers sur l’écran varient de façon imprévisible pour le sujet. Trois icônes correspondant aux actions à réaliser selon les couleurs des boucliers sont placées au centre de l’écran. Le travail du sujet consiste à cliquer à l’aide d’une souris sur chacun des chevaliers présents et sur l’icône associée à l’action à réaliser. La tâche varie donc en complexité mais demeure identique quelle que soit la condition de passation. En début d’expérience, une phase d'entraînement permet au sujet de se familiariser avec la tâche (Phase 0). La durée de cette phase d’entraînement est constante pour tous les sujets (5 minutes). La difficulté augmente ensuite progressivement selon quatre phases distinctes (1 à 4). Le sujet doit agir le plus rapidement possible. A la fin de chaque phase, l'écran se réorganise et une nouvelle phase commence, de nouvelles consignes apparaissent sur l'écran secondaire en mode visuel et y restent affichés jusqu’à l’arrivée de nouvelles consignes, ou

1 Le logiciel informatique et le câblage de l’installation permettaient également une présentation auditive des consignes par une voix numérisée. Sur le terrain, il s’est avéré préférable de les présenter directement par l’expérimentatrice. De toute façon, un message de synthèse ou préenregistré n’est jamais équivalent à l’émission en temps réel d’un message en voix naturelle pouvant véhiculer des aspects émotionnels. 2 Le GEPAT peut également générer d’autres contraintes, en particulier des contraintes thermiques ou auditives.

bien sont diffusées via le casque audio en mode auditif. En mode mixte, les consignes sont à la fois affichées sur l'écran secondaire et diffusées (une fois) via le casque audio. Le programme informatique enregistre pour chaque condition et chaque sujet les réponses données. La figure 1 ci-après illustre la présentation de la tâche.

Figure 1 : Page écran représentant la tâche de pointage du sujet

La figure 2 ci-après indique le plan de communication entre la cabine de contrôle et la cabine du sujet.

Figure 2 : plan de communication entre la cabine contrôle et la cabine du sujet

2 PC (pré-installés) pour la gestion des contraintes de la cabine du sujet (et d'une tâche expérimentale, inactivée dans le cadre de cette expérience)

PC portable gérant l'écran des consignes

PC portable gérant l'écran principal et le recueil des données

Ecran principal

(Tâche expérimentale)

Ecran secondaire

(consignesvisuelles)

Casque auditif

(consignes auditives)

Écran vidéo pour la surveillance du sujet en cours d'expérience

micro

souris

Cabine de

contrôle

Cabine sujet

Figure 2 : plan de communication entre la cabine contrôle et la cabine du sujet

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PLAN EXPÉRIMENTAL Six groupes de 13 militaires (soit 78 personnes, 61 grenadiers-voltigeurs non gradés et 17 gradés) ont été constitués selon le croisement des 3 modalités de présentation des consignes et des 2 niveaux de contrainte du GEPAT. On fait varier quatre facteurs : C : Facteur « Consigne », variant selon 3 modalités de présentation des informations : mode visuel seul (c1), mode auditif seul (c2), mode mixte (visuel et auditif : c3) ; D : Facteur « Dégradation de l’environnement », variant selon 2 conditions de fonctionnement du GEPAT: avec (d1) ou sans contrainte (d2). P : Facteur « Phase expérimentale », variant selon 4 niveaux de difficulté de la tâche obtenus par une combinaison de couleurs et d'actions à accomplir et par l’augmentation du nombre de chevaliers affichés. Avant la passation de l'expérience proprement dite, les sujets pouvaient se familiariser avec la tâche grâce à une phase d'entraînement (phase 0). Dans la phase 1 et suivantes, les consignes se complexifient et le niveau de difficulté augmente ; G : Facteur « Grade des sujets », selon 2 niveaux: les Grenadiers Voltigeurs (GV) non Gradés (g1) et les Gradés : Sergent, Sergent Chef, Adjudant ou Lieutenant (g2). On s’attend à une baisse de performance selon le niveau de difficulté de la tâche et selon la contrainte du GEPAT. Le facteur qui nous intéresse au premier chef est le facteur « Consigne », car concrètement il porte sur un choix d’interface pour l’équipement FELIN. La littérature qui compare les performances d’interface homme-machine selon que la modalité de présentation est soit visuelle, soit auditive présente des résultats parfois contradictoires, l’une des deux modalités pouvant, se révéler supérieure à l’autre en fonction de nombreux facteurs tels que la nature de la consigne, la nature de la tâche en cours, le contexte, les conditions d’environnement, la qualité technique de la présentation, la dégradation éventuelle du signal, etc. (Se reporter à notre discussion finale). Dans la présente expérience, les effets d’interaction de ce facteur avec les trois autres facteurs sont particulièrement importants à prendre en compte, notamment l’interaction avec le facteur P (« phase expérimentale » qui indique une variation de complexité de la tâche) et avec le facteur D (« dégradation de l’environnement » induite par le GEPAT). Notons que dans la réalité d’une mission militaire d’infanterie, la nature des consignes et les facteurs de situation peuvent considérablement varier, de façon beaucoup plus grande que dans cette simulation. Le facteur G (sujets gradés ou non gradés) a été introduit pour tenir compte du fait que 17 des sujets n’étaient pas de simples GV. Outre un niveau de formation générale probablement supérieure, ils peuvent aussi avoir une expérience diverse vis-à-vis de présentations sur écran ou l’usage d’une souris.

Deux types d’analyses des données seront effectués : une analyse descriptive permettant d’évaluer le rôle de chacun des facteurs et de caractériser le coût cognitif engendré par les trois phases, une analyse inférentielle (ANOVA) visant à généraliser les résultats obtenus sur l’échantillon à une population plus vaste.

RÉSULTATS Nous présentons les résultats moyens pour chacun des facteurs étudiés, précédés du tableau de l’analyse de variance globale, à laquelle nos commentaires se réfèrent (cf. tableau 1 ci-après).

Source de variation

Degrés de liberté effet

Degrés de liberté erreur

Test F Seuil de signification

C 2 66 8,44 <.001 c1-c2 1 44 8,58 <.01 c1-c3 - - < 1 N.S

c2-c3 1 44 12,09 <.001

P 3 198 23,72 <.001 p1-p2 1 66 19,93 <.001 p1-p3 1 66 21,09 <.001 p1-p4 1 66 75,00 <.001 p2-p3 - - < 1 N.S p2-p4 1 66 9,95 <.01 p3-p4 1 66 38,90 <.001

D - - < 1 N.S

G 1 66 1,55 N.S Interactions

C.P 6 198 4,00 <.01 C.D 2 66 0,433 N.S. D.P 3 198 3,219 < .05 D.G 1 66 .007 N.S.

Tableau 1 : Analyse globale de la variance pour l’ensemble des facteurs

La simple lecture de ce tableau, avant même l’examen des données pour chaque facteur, indique que les facteurs C et P ont des effets significatifs, contrairement à ceux des facteurs D et G. Seules sont significatives les interactions entre le facteur C et P et entre le facteur D et P. Nous détaillerons ci-après les principaux résultats relatifs aux questions sous-jacentes à l’utilisation de l’IHM FELIN.

Effet du facteur C (« Consigne ») : modalité de présentationL’analyse descriptive (voir figure 3) montre que les moyennes des pourcentages de bonnes réponses (supérieures à 85%) diffèrent en fonction de la modalité de présentation de la consigne (visuelle ou auditive ou mixte). L’analyse de la variance indique que l’effet de la présentation de la consigne (facteur C) est globalement significatif. Cet effet significatif est essentiellement dû à la différence des performances entre la modalité visuelle et la modalité auditive, les performances de la modalité mixte ne différant guère de ceux de la modalité visuelle. Les performances en

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présentation visuelle seule sont meilleures qu’en présentation auditive seule (la différence est significative). Les sujets obtiennent de meilleures performances lorsque la consigne est mixte, c’est-à-dire lorsqu’elle est présentée à la fois visuellement et auditivement, mais la différence n’est pas statistiquement significative. La dispersion des résultats, qui indique des différences individuelles, est également plus forte pour le mode auditif.

Figure 3 : effet du facteur C (« Consigne ») : modalité de présentation

Effet du facteur P (« Phase expérimentale ») : complexité de la tâche L’analyse descriptive montre que les performances sont relativement élevées dans les quatre phases expérimentales et ont tendance à décroître lorsque la complexité de la tâche augmente (effet banal attendu). Cette diminution des performances en fonction de la complexité est significative (au seuil .001) sur l’ensemble de ces 4 phases, mais il y a peu de différence entre les phases 2 et 3 (on observe même, figure 4, une légère inversion entre les phases 2 et 3, non significative)3.

Figure 4 : effet du facteur P (« Phase expérimentale») : complexité de la tâche

3 La complexité de la phase 3 était pourtant objectivement plus élevée que celle de la phase 2. La légère augmentation, paradoxale, de performance en phase 3 peut s’expliquer par l’élévation de l’apprentissage en cours d’expérience, qui ne suffit pas néanmoins à maintenir une performance aussi élevée en phase 4.

Effets du facteur D (« Dégradation de l’environnement ») et du facteur G (« Grade ») Les performances ne diffèrent guère selon le niveau de dégradation de l’environnement induit par le GEPAT (effet non significatif). Cela ne veut pas dire que le GEPAT n’induit pas de contrainte. Objectivement, il y a une contrainte, ressentie par tous les sujets qui ont passé l’épreuve sous cette condition, mais cette contrainte n’induit pas une baisse significative de la performance. De même, pour ce qui concerne l’effet du grade, bien que les sujets gradés obtiennent des performances un peu meilleures que les sujets non gradés, cette différence n’est pas significative, donc non généralisable à une population ayant les mêmes caractéristiques que celles des sujets de notre échantillon (se reporter à la discussion pour ces 2 facteurs).

Effets des interactions entre facteurs Le tableau 1 d’analyse globale de la variance (vu précédemment) indique que les interactions entre les facteurs D et C, d’une part, et entre les facteurs D et G, d’autre part, ne sont pas significatives. Cela signifie qu’il n’y a pas lieu de penser que l’effet significatif du facteur C, considéré isolément, varie selon la contrainte induite par le GEPAT, ni que la contrainte du GEPAT aurait un effet significatif différent selon la modalité visuelle ou auditive d’affichage des consignes.Il n’y a pas non plus d’interaction significative entre le facteur de contrainte et le grade des sujets. Les seuls effets significatifs d’interaction sont observés entre les facteurs C et P, d’une part, et entre les facteurs D et P, d’autre part, présentés ci-après. Les données de l’interaction C.P sont illustrées par la figure 5. Les différences de performance dues à la modalité d’affichage (visuelle, auditive ou mixte) augmentent en fonction de la complexité de la tâche. Si les différences de performances entre la modalité visuelle seule et la modalité mixte demeurent faibles (légère supériorité de la modalité mixte) quand la complexité de la tâche augmente, en revanche les performances avec la présentation auditive diminuent fortement.

Figure 5 : effets d’interaction entre les facteurs P (Phase : complexité de la tâche) et C (Consigne : modalité de

présentation).

93.7692.20

85.23

75

80

85

90

95

100

Visuelle Auditive Mixte

Nature de la consignePour

cent

age

de B

onne

s R

épon

ses

75

80

85

90

95

100

Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4

Phase expérimentale

Pour

cent

age

de B

onne

s R

épon

ses Visuelle

AuditiveMixte

90.0084.64

95.7891.17

7580859095

100

Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4

Phases

Pour

cent

ages

de

Bon

nes

Rép

onse

s

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Les données de l’interaction D.P sont illustrées par la figure 6. Les résultats sont quelque peu déroutants : pas de différence pour les phases 1 et 4, dégradation en phase 2, amélioration en phase 3 !

Figure 6 : effets d’interaction entre les facteurs P (Phase : complexité de la tâche) et D (Dégradation de l’environnement).

DISCUSSION ET CONCLUSION a) Le facteur important est la comparaison entre les modalités de présentation des consignes. Les résultats de cette expérience montrent une supériorité de la présentation visuelle sur la présentation auditive. Une présentation qui associe la modalité visuelle à la modalité auditive améliore très légèrement les résultats obtenus en modalité visuelle seule, mais cette amélioration n’est pas statistiquement significative. Ce résultat ne signifie pas que la modalité visuelle sera en toutes circonstances supérieure à la modalité auditive (orale). D’autres expériences, faites par notre équipe ou rapportées dans la littérature, apportent des résultats contraires dans certains cas (voir par exemple [13]). En fait, cela dépend de plusieurs facteurs. Par exemple, la supériorité d’une présentation visuelle est reconnue lorsque [4] : - la consigne est complexe ou longue, - la consigne contient des informations qui se prêtent mal à l’expression orale (par exemple des formules, des schémas, des données spatiales, etc.), - il faut reprendre (ou vérifier) l’information plusieurs fois, - la consigne change fréquemment, l’environnement est particulièrement bruyant, - la consigne fait référence à une consigne précédente (annulation, reprise, modification, etc.), - etc. En revanche, la supériorité d’une présentation auditive (orale, s’il s’agit d’instructions pouvant être énoncées selon un texte prononçable) est préférable lorsque - la consigne est courte ou peu complexe, - la consigne sert d’alarme (attire l’attention du sujet), - la consigne ne nécessite pas de devoir s’y reporter plusieurs fois - la consigne a pour but d’interrompre immédiatement une action en cours,

- la consigne indique la localisation ou la direction de la source émettrice (sous certaines conditions), - les sujets ne savent pas lire ou ne savent pas lire correctement et rapidement - le sujet est en mouvement, - la luminosité (trop forte ou trop faible) ne permet pas une lecture optimale sur écran, - la perception visuelle des sujets est dégradée par les conditions d’environnement, - etc.

Parmi les caractéristiques différenciant le plus clairement les informations devant être présentées visuellement plutôt qu’auditivement, on retient en premier lieu le besoin d’avoir à se reporter souvent à la prise de consigne (parce qu’elle est complexe, ou qu’elle change souvent, ou en raison de la nature même de l’information transmise (graphique, spatiale, cartographique, iconique, etc.). La supériorité d’une présentation auditive se manifeste principalement lorsqu’il s’agit de provoquer une action immédiate ou une interruption immédiate d’une action en cours [13]. Il faut également tenir compte de la difficulté de la tâche, du contexte, du stress éventuel et des conditions d’environnement. L’expérience s’est déroulée ici dans une ambiance ludique plutôt reposante, sous des conditions optimales de présentation pour les deux modalités, mais il est évident que, sur le terrain, les présentations peuvent être plus ou moins dégradées : un environnement très bruyant et plus généralement tous les facteurs perturbateurs de la perception auditive diminuent la qualité des réceptions auditives ; inversement, un trop fort éclairement lumineux et plus généralement tous les facteurs perturbateurs de la perception visuelle (fumées, brouillards, pluie, givre, etc.) peuvent gêner la lecture sur des écrans.

b) Le facteur P (Phase expérimentale, complexité de la tâche), qui traduit une variation de difficulté de la tâche, a un effet significatif. Ce résultat banal était attendu, mais c’est l’interaction avec les autres facteurs qui peut ne pas être banale. Les effets de l’augmentation de la difficulté, négatifs sur les performances des sujets, sont partiellement neutralisés par les effets positifs de l’apprentissage. Pour des questions de disponibilité des sujets, dont le temps passé à nos expériences était prélevé sur leur temps de travail habituel, il n’était pas possible de prolonger trop longtemps l’expérience par l’adjonction d’une phase supplémentaire de difficulté plus élevée : ceci aurait pu permettre d’accentuer les effets attendus de la difficulté de la tâche, en particulier certains effets d’interaction avec les autres facteurs. Il faut noter que l’augmentation de la durée des tâches, qu’il faut bien limiter dans une expérimentation de ce type, a presque toujours des effets manifestes : l’apprentissage augmente, mais la fatigue aussi augmente et la combinaison de ces deux types d’effets est difficile à préciser [11]. En général, lorsque la tâche se prolonge fortement, les effets négatifs l’emportent sur les effets positifs.

80

85

90

95

100

Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4

Phase expérimentale

Pour

cent

ages

de

Bon

nes

Rép

onse

s

Nondégradé

Dégradé

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c) Dans la présente expérience, le facteur « Dégradation » induit par le GEPAT a eu peu d’effets sur les performances. On ne peut en conclure ni que le GEPAT est un simulateur inefficace, ni que l’attention des sujets ne peut en aucun cas être dégradée par des contraintes de ce type. Pour ce qui est du GEPAT, nous manquons de données pour discuter plus avant de sa capacité à induire des contraintes majeures simulant efficacement des contraintes du milieu réel. Les résultats montrent ici un effet d’interaction avec la complexité de la tâche, mais cet effet est difficilement interprétable puisqu’on observe une absence de différence pour les phases 1 et 4, une dégradation en phase 2, et une paradoxale amélioration en phase 3. En tout état de cause, il faut noter que la tâche qui a servi de support à cette expérience est relativement simple, répétitive et homogène. Bien que nécessitant une attention soutenue, elle n’atteint pas la difficulté de certaines tâches de combat, sans parler des conditions de stress inhérentes à ce type de situations. Si, dans le cas de cette expérience, la dégradation des performances en condition GEPAT est faible et surtout non homogène selon les phases, on ne doit pas exclure qu’elle pourrait être plus marquée dans le cas d’une tâche qui se prolongerait sur une période plus longue et induirait une charge mentale plus élevée. Avec une tâche différente, impliquant une vigilance monotone ou une attention ponctuelle, ou une tâche moins sensori-motrice, nécessitant davantage les raisonnements, le GEPAT pourrait induire une dégradation significative. Nos résultats ne permettent pas d’en juger.

d) D’après nombre de résultats convergents en ergonomie, il est connu que lorsque la charge de travail augmente et /ou lorsque s’exercent de fortes contraintes externes, les performances tendent à décroître (le contraire étonnerait) et l’écart augmente entre les performances obtenues avec des interfaces de qualité inégale. En d’autres termes, la bonne qualité d’une interface (tenant aux modalités sensorielles impliquées ou à la technologie) se traduit par des performances d’autant meilleures que la difficulté de la tâche est grande ou que des contraintes sont fortes. Autant dire que sous faible contrainte et faible niveau de charge de travail, toutes les interfaces tendent à se valoir. C’est ce que montre l’interaction entre le facteur de complexité et la modalité de présentation des consignes : l’écart entre les performances obtenues en modalité auditive et celles obtenues en modalité visuelle ou mixte augmente quand la complexité de la tâche augmente.

e) Quant au facteur G (gradés / non gradés), les résultats montrent que, quel que soit le mode de présentation des consignes ou le niveau de complexité de la tâche, les gradés obtiennent de meilleures performances, mais cette différence n’est pas significative. On note également que les performances

des sujets gradés sont plus homogènes (variance plus faible) que celles des militaires non gradés. Ceci peut s’expliquer de diverses façons : bien que la tâche ne nécessite aucune connaissance intellectuelle particulière, ni n’exige un niveau intellectuel élevé, ces caractéristiques jouent quand même un peu, ne serait-ce que par le biais d’une compréhension plus immédiate des consignes expérimentales, un moindre stress, ou encore une habileté supérieure à se servir d’une souris d’ordinateur4.D’une manière générale, quel que soit le facteur analysé (consigne, phase, environnement ou grade), nous avons pu constater une certaine variabilité interindividuelle, indiquant que certains sujets peuvent privilégier une modalité sensorielle à une autre ou bien être plus à l’aise dans les phases nécessitant un coût cognitif moindre. Il est donc important de prendre en compte le fait que cette tâche puisse constituer une astreinte pour certains sujets, car elle engendre une surcharge de l’activité mentale. Enfin, la littérature fait état de différences individuelles marquées quant à la supériorité d’une des deux modalités perceptives. Il y aurait des individus plutôt « visuels » et d’autres plutôt « auditifs », dans certaines circonstances. L’effet de telles différences pourrait être sensible lors de l’utilisation d’interfaces. Ainsi, dans une perspective de reproduction d’une expérience visant à évaluer des modalités d’interfaces, il serait souhaitable d’élaborer un pré-test, qui permettrait d’appréhender le fonctionnement sensoriel de chacun des sujets, de manière à pouvoir prendre en compte la modalité sensorielle qui est privilégiée [14] [15]. Sur le plan pratique, les résultats de cette expérience confirment l’intérêt d’interfaces visuo-auditives redondantes lorsque, comme c’est le cas pour cet équipement militaire, les tâches ou conditions de travail peuvent tour à tour ou simultanément, donner avantage à tel ou tel mode sensoriel. Si la littérature indique assez clairement les cas où les affichages visuels doivent être préférés à des affichages auditifs ou vice-versa, il n’est pas rare de se trouver en présence de facteurs situationnels très complexes, voire contradictoires, rendant insuffisants des affichages seulement auditifs ou seulement visuels. Des IHM redondantes sont également recommandées pour des utilisateurs handicapés visuels ou auditifs.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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4 Dans le cas de l’équipement FELIN, l’usage d’une souris de pointage n’est pas requis.

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15. Sperandio, J.-C., & Wolff, M. Étude de l'ergonomie cognitive : rapport final sur les expériences "signification des icônes et dualité attentionnelle" (Convention DGA n° 01 55 430 00 470 92 58, Fourniture n°4). Paris : Université René Descartes, Paris 5, LEI, 2003.

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ARTICLES COURTS DE RECHERCHE

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Apports croisés des démarches d'inspection et de test d'usage dans l'évaluation de l'accessibilité de E-services

Marc-Eric BOBILLIER CHAUMON ICTT - ECL

36, avenue Guy de Collongue BP 163 – F- 69131 Ecully Cedex

[email protected]

Françoise SANDOZ GUERMOND ICTT - INSA

21, avenue Jean Capelle 69621 Villeurbanne Cedex France

franç[email protected]

RESUMECet article se propose de décrire et de comparer les apports des démarches d'évaluation de l'accessibilité de E-services administratifs effectuées à partir de méthodes d'inspection (ergonomiques et d'accessibilité) et (ii) de tests d'usage. Il ressort que ce sont ces derniers qui présentent le meilleur taux d'identification des problèmes d'usages pour les personnes handicapées.

MOTS CLES : Accessibilité, E-services, Personnes handicapées.

ABSTRACT This article proposes to describe and compare the contributions of various techniques of evaluation of the accessibility of E-services carried out starting from (i) methods of inspection (ergonomic and accessibility) and (ii) of tests of use. It show that these are the latter which show the best rate of identification of the problems of uses for the poeple with disabilities

KEYWORDS : Accessibility, E-services, poeple with disabilities.

L'administration électronique (E-service) laisse entrevoir de formidables possibilités pour l'amélioration des conditions et de la qualité de vie des personnes handicapées (PH). Elle peut ainsi redonner des opportunités d'action, d'interaction et de décision desquelles ces personnes avaient pu être privées. Cependant, ces nouveaux services sont trop souvent conçus sans tenir compte des caractéristiques de cette population à besoins spécifiques ; ce qui a pour conséquence d'accentuer davantage encore l'exclusion dont elles sont victimes. L'objectif de cette communication est de confronter des méthodes d'évaluation ergonomique et d'accessibilité afin d'une part, d'identifier les difficultés d'usage des PH avec les E-services, et, d'autre part, de repérer les apports et limites de ces différentes approches. Nous serons ainsi amenés à explorer le concept d'accessibilité technologique puis à présenter la démarche appliquée et les principaux résultats de nos analyses.

APPROCHE THEORIQUE DE L'ACCESSIBILITE Le WAI [17] (Initiative pour l'Accessibilité du Web lancé en 1997 par le W3C) définit l'accessibilité par le fait que des personnes puissent "percevoir, comprendre,

naviguer et interagir de manière efficace avec l'internet, mais aussi créer du contenu et apporter leur contribution au Web". Bien que l'ergonomie intègre cette dimension dans sa réflexion (dans l'idée d'adapter les dispositifs aux spécificités et aux besoins des usagers ainsi qu'aux caractéristiques de leur activité), il est possible néanmoins, comme le propose [15] dedistinguer ces deux approches : "si l'ergonomie se base sur une approche plus globale qui résiste généralement aux tentatives de spécifications", l'accessibilité "se base [quand à elle] sur des spécifications techniques précises issues de règles" (p 72) .Ainsi, le WAI propose 14 directives pour évaluer la conformité des sites. Celles-ci sont d'ailleurs reprises par des projets de loi sur l'accessibilité des sites administratifs : section 508 aux USA, loi sur l'accessibilité numérique des administrations en France. Ces principes donnent également lieu à des méthodes d'évaluation et de labellisation comme Blindsurfeur en Belgique, See it Right en Angletterre [13]. En France, Braillenet [5] propose un label "Accessiweb" quicomporte des recommandations générales et des points de contrôle pour définir trois niveaux de qualité d'un site (bronze, argent et or). Mais parce que la mise en œuvre de ces check-lists est souvent longue et fastidieuse, et donc lente et chère, des outils d'inspection automatisée (comme Bobby, Infocus, A-Prompt…) sont utilisés pour faciliter l'identification des problèmes d'accessibilité [12]. Dans ce même souci d'efficacité, [8] a développé neuf heuristiques d'évaluation de l'accessibilité afin de dépister les principales barrières technologiques aux PH. Enfin, des méthodes ergonomiques plus "classiques" proposent aussi la prise en compte de cette dimension, comme le propose [1] avec, parmi les huit critères listés, ceux de l'adaptabilité et de la compatibilité. Pourtant, malgré ces diverses incitations et méthodes, les études menées montrent toutes la très faible accessibilité des E-services, quelque soit l'administration ou le pays concerné [2] [4] [9] : plus de 75 % présenteraient ainsi des défauts d'accessibilité de niveau 1 (des points de contrôle WAI), c'est-à-dire rendant l'accès impossible à des PH. Plusieurs raisons à cela : l'absence de formation en accessibilité des concepteurs, des coûts de développement a priori trop importants, le manque d'intérêt pour ces profils d'usagers, la crainte d'appauvrir le site [14]. De plus, comme l'indique [7], la recherche

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d'utilisabilité (par des composants graphiques : icônes, menu déroulant, onglets…) poserait des problèmes significatifs d'accessibilité. Autrement dit, certaines innovations ergonomiques iraient à l'encontre de l'accessibilité souhaitée. Dans ces conditions, et pour assurer un niveau acceptable d'utilisabilité pour le plus grand nombre, le croisement des évaluations -ergonomique et d'accessibilité- complété par des études d'usage semblent être une solution de compromis pour appréhender plus globalement les problèmes d'usage qui peuvent se poser à l'ensemble des utilisateurs ; comme l'ont d'ailleurs déjà montré [3] pour des diagnostics plus classiques de sites WEB ou [16] pour l'évaluation de l'accessibilité de sites administrifs..

METHODE MISE EN OEUVRE Pour apprécier la qualité des sites administratifs et confronter les apports et limites de chaque méthode, nous nous sommes livrés à deux séries d'analyse sur deux sites : l'ANPE et la mairie de Vandoeuvre : a) D'abord une approche par inspection (ergonomique et d'accessibilité) réalisée par deux groupes de quatre experts afin de repérer les principaux écueils des sites. La grille ergonomique a été élaborée à partir de 75 critères ventilés dans huit rubriques (celles de Bastien et Scapin [1]) que nous détaillerons plus bas. Celle d'accessibilité a été conçue à partir de la grille Accessiweb (Braillenet (partenaire de cette étude) qui propose 55 critères pour valider le niveau bronze d'accessibilité [5]. Ces critères ont été répartis par les experts dans les huit même rubriques de l'inspection ergonomique afin de disposer de trame d'évaluation comparable. Chaque groupe devait ainsi évaluer la pertinence d'une affirmation (check-list) sur une échelle allant de 1 (pas du tout d'accord/satisfaisant) à 4 (tout à fait d'accord/très satisfaisant) et justifier leur choix. Par exemple "il y a toujours possibilité d'annuler ses actions". Une réunion de concertation finale permettait d'harmoniser les notes de chaque groupe. b) Des tests d'usage ont été réalisés sur 10 sujets aveugles qui présentaient des caractéristiques socio-biographiques équivalentes (âge, sexe, formation, activité…), seul leur maîtrise des environnements Web les distinguaient (5 experts vs 5 novices).Les scénarii à réaliser portaient sur trois types de E-service: les services informationnels (rechercher une information administrative) ; interactionnels (participerà un forum) et transactionnels (remplir une demande d'acte de naissance). Par des techniques de verbalisations simultanées et d'observation, nous avons relevé les indicateurs portant sur les difficultés d'usage.

PRINCIPAUX RESULTATS Principaux résultats des inspectionsLes évaluations effectuées par les deux groupes d'experts sont résumées dans le tableau 1. Il confronte les résultats obtenus avec les deux méthodes d'inspection

(accessibilité/ergonomique) sur la base des 8 rubriques : guidage (a), charge de travail (b), contrôle explicite (c),adaptabilité (d), gestion des erreurs (e), homogénéité/co-hérence (f), signifiance des codes (g), compatibilité (h)

Critères ergonomiques considérés A B C D E F G H Moy

Insp.Acce

2.51 3.90 2.18 2.68 3.33 3.32 1.17 4 2.89Site

ANPE Insp.Ergo

3.42 3.64 4 3.50 2.81 3.80 3.83 4 3.63

Insp.Acce

2.96 3.13 2.13 3.80 1.92 2.87 2.03 4 2.69Site

Mairie Insp.Ergo

2.70 2.93 4 3 1.80 2.60 3.60 3.80 3.05

Tableau 1 : Tableau des évaluations obtenues par l'inspection ergonomique classique et d'accessibilité pour les deux sites

D'une manière générale, il ressort que : - Le groupe 1 (inspection classique) a globalement mieux noté les sites que le groupe 2 (accessibilité). - le site de l'ANPE obtient des évaluations légèrement meilleures à celles de la mairie, et ce, quelque soit la méthode d'inspection mise en œuvre. Ce qui est assez surprenant puisque la mairie de Vandoeuvre bénéficie du niveau bronze du label Accessiweb.- Il existe des critères convergents entre les deux méthodes d'inspection : ce sont les rubriques "charge de travail" (b), "Homogénéité-cohérence" (f) et "compatibi-lité" (h). A titre d'exemple, les deux groupes d'experts pointent sur le non-respect du principe d'homogénéité (site mairie), notamment à cause de la barre de navigation qui se réorganise dynamiquement selon les choix de l'utilisateur ou encore de la charge de travail induite par la densité des informations à percevoir et à mémoriser (de 18 à 30 sous-rubriques sur le site mairie). - On relève des divergences entre les évaluations, en particulier sur le "contrôle explicite" (c), "l'adaptabilité" (d), "gestion des erreurs" (e) et "signifiance des codes et dénominations" (g). Les notes attribuées par les experts de l'accessibilité sont en général plus basses que celles fournies par les experts de l'ergonomie classique. Ainsi, selon l'inspection ergonomique du critère "signifiance des codes" (g), les éléments textuels et iconographiques des deux sites paraissent intuitifs et compréhensibles (3,83 et 3,60). Alors que l'approche par l'accessibilité pointe sur le manque de précision et d'explicitation des commentaires alternatifs associés aux boutons de validation des formulaires (1,17 et 2,03) : quelque soit le type de champ de saisie à valider, l'alternative textuelle "OK" est systématiquement accolée au bouton éponyme.

Principaux résultats des tests utilisateurs Les tests utilisateurs ont permis : (a) de valider, préciser, et/ou de compléter certains résultats des inspections menées, (b) de découvrir des problèmes d'usage non détectés par les analyses, ou encore (c) de contredire certaines évaluations des experts.

a) Critères confirmés par les tests d'usage : on a pu

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observer que la densité d'information -relevée par le critère charge de travail- induit effectivement une charge cognitive importante qui contrarie la navigation et l'implication de l'usager aveugle dans le site. Il doit en effet à la fois écouter le synthétiseur vocal, mémoriser les rubriques, savoir se positionner dans l'arborescence du site tout en développant des stratégies pour atteindre l'objectif fixé par le scénario : "Vu qu'on n'a pas une vue d'ensemble sur la page, on est obligé de tout parcourir, on est obligé d'être intuitif… de faire des hypothèses sur les résultat d'un lien. Il faut se demander comment le concepteur aurait pu nommer le lien".Autre critère validé par les tests d'usage, le fait que a réorganisation erratique de la barre de navigation déstabilise les usagers handicapés (Critère homogénéité). Ils n'ont en effet ni la capacité perceptive, ni les moyens techniques pour détecter ce changement. Du coup, cela rend caduque la représentation mentale qu'ils s'étaient construites de l'arborescence du menu principal et vont redoubler d'effort pour retrouver les rubriques qui ont bougé.

b) Nouveaux problèmes d'usage révélés par les testsParmi les obstacles non détectés par l'inspection, on peut citer le problème de remplissage des formulaires qui oblige l'usager à passer successivement de la lecture des libellés (par exemple, "saisir votre nom") à la saisie de données. Cette alternance n'est pas géré automatiquement par le lecteur d'écran Jaws mais doit être déclenché manuellement par l'usager à l'aide d'une commande spécifique (quand il y pense). Du coup, il se retrouve souvent à lire des champs de saisie (où il n'y a rien) et à vouloir entrer de l'information dans les libellés ! Finalement, les usagers dépensent beaucoup de temps et d'énergie à comprendre et à récupérer les erreurs de saisie. Ce qui accroît là aussi la charge cognitive.

c) Critères "contredits" par les tests d'usage : Pour le critère "charge de travail", l'affichage de sous-menus contextuels dans la barre de navigation du site de la mairie avait été noté plutôt positivement par les experts puisqu'il permettait de limiter la densité informationnelle. Or, les tests d'usage montre que les usagers ne perçoivent pas ces sous-menus car ils vont sauter les barres afin de ne pas lire ces informations récurrentes.De même, le critère "guidage" relevait favorablement la présence d'un exemple dans les champs de saisie pour aider l'utilisateur à entrer les données. Or, les tests montrent que ce type d'incitation génère un grand nombre d'erreurs, notamment pour le moteur de Recherche de la Mairie. : la donnée saisie est en effet automatiquement concaténée avec l'information préexistante (Ici "Rechercher"). La présence de ce mot est donc en soit une incitation pour des personnes "valides" mais sa persistance déclenche des erreurs que les personnes aveugles ne peuvent détecter.

DISCUSSION- CONCLUSION Ces analyses nous conduisent à nous interroger sur la portée de chaque méthode d'évaluation : le fait de considérer un site accessible induit-il le fait que tous les critères ergonomiques classiques soient respectés ? Et inversement, le respect des critères ergonomiques classiques implique-t-il le respect des règles d'accessibilité (via les critères adaptabilité et compatibilité notamment) ?

Critè-res

Principaux problèmes identifiés

Inspectclassique

InspectAccess

Testsutil.

Libellé peu explicite, polysémie des termes Identification des cellules d'un tableau Structuration linéaire des pages sous forme de tableau Alternatives textuelles absentes ou peu explicites

Guidage

Liens (identification, changement de couleurs…) Ouverture intempestive de fenêtres

Contrôleexplicite

Affichage des sous menus contextuels non signalé Densité, identification et répartition inadaptées des informations sur les pages Recours à des ascenseurs verticaux

Charge de travail

Non désactivation du lien par rapport à la page visitée Qualité des messages d'erreursSaisie erronée non détectée Champ obligatoire non indiqué

Gestiondes erreurs

Persistance de données dans les champs de recherche

Homo-généité

Changement erratique des barres de navigation Absence d'alternative au java script

Adapta-bilité

Alterner manuellement "lecture du libellé/saisie dans le champ"

Nombre de problèmes repérés 8 9 15Tableau 2: Tableau récapitulatif des problèmes identifiés par

chaque méthode d'évaluation

Les résultats obtenus sur les deux sites tendraient à montrer un taux de recouvrement partiel entre les deux méthodes d'évaluation. Il serait donc préférable de se livrer à une inspection par l'intermédiaire de ces deux approches pour s'assurer d'un diagnostic optimal plutôt que d'en privilégier une seule. Ce que souligne d'ailleurs [13] qui remarque que si la conception des technologies cherche à favoriser l'accessibilité pour les PH, ce sont surtout les principes de l'ergonomie classique qui sont le plus souvent employés par les concepteurs au détriment des principes d'accessibilité. L'approche classique conçoit les systèmes en laissant penser que les utilisateurs ont des buts spécifiques -que l'environnement doit satisfaire- alors que les principes d'accessibilité

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prennent en compte les limites et les difficultés physiques, perceptives et mentales des usagers handicapés. Pour ces raisons, les principes de l'ergonomie classique ne sauraient remplacer les règles d'accessibilité dans la conception, bien que ces deux approches soient complémentaires. Outre l'exhaustivité assurée, cette double approche permet également de se prémunir contre certains biais de la conception universelle [6], notamment lorsque des améliorations à destination de certaines catégories d'usagers à besoins spécifiques peuvent se révéler pénalisantes pour d'autres groupes d'utilisateurs, handicapés ou non, et inversement (cas des sous-menus contextuels par exemple).Pour ces raisons, les tests utilisateurs semblent offrir le meilleur compromis comme l'indique le tableau 2 qui compare la "performance" de chaque approche dans l'identification des problèmes d'usage. Il ressort que ce sont les tests qui permettent de retrouver la quasi-totalité des défauts identifiés par les deux autres méthodes d'inspection (15/17) ; en en validant la plupart et en en découvrant aussi de nouveaux non détectés par les démarches traditionnelles d'évaluation (5/17). Ceux qui n'ont pas été identifiés par ces tests ne représentaient cependant pas de barrières rédhibitoires pour les sujets aveugles (utilisation des ascenseurs…), même s'ils peuvent néanmoins poser certains problèmes au cours de l'interaction (changement de couleurs des liens non signalés…).Cette nécessaire complémentarité entre ces deux méthodes d'évaluation (inspection et tests d'usage) avait également été souligné par Jeffris (1991) (cité par [3]) qui montrait dans son étude que les évaluations par experts avaient manqué à peu près la moitié des problèmes soulevés par les tests d’utilisabilité et inversement. [3] précisant que chaque approche permet de découvrir des problèmes de type différent : les tests d’utilisabilité trouvant des problèmes reliés à une tâche précise (celle établie par les scénarios construits) tandis que les évaluations heuristiques (ou par inspection) trouvent des problèmes plus généraux. Le choix de la technique d’évaluation dépend donc des buts de l’évaluation, du genre de problèmes recherché et des ressources disponibles. En tout état de cause, il s'agit de les mener de manière parallèle et complémentaire pour confronter des analyses soit très standardisées mais qui paraissent au final assez "désincarnées" (cas des inspections), soit proches d'une certaine réalité d'usage, mais échappant à toute systématisation (cas des tests).

REMERCIEMENTSNous tenons à remercier le ministère de la recherche qui a financé ce projet ADELA ; ainsi que deux associations lyonnaises de personnes handicapées : FIDEV et la mission handicap de l’Université Lyon1.

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Une approche hybride pour une meilleure visualisation de grands ensembles de règles d’association

CRIL CNRS FRE 2499Université d’Artois

Rue Jean Souvraz, SP 18 62307, Lens Cedex, France [email protected]

CUEEP – Bâtiment B6 TRIGONE – USTL

59655, Villeneuve d’ascq cedex - [email protected] [email protected]

RESUME

MOTS CLES :

ABSTRACT

KEYWORDS:

INTRODUCTION

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FOUILLE VISUELLE DE DONNÉES

Problématique générale

Visualisation de règles d’association

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OUTILS DE VISUALISATION EN IHM

Mieux visualiser pour mieux décider

Outils implémentant les FEV

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CONCLUSION ET PERSPECTIVES

REMERCIEMENTS

BIBLIOGRAPHIE

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Les simulations en conduite incidentelle/accidentelledans le nucléaire : proposition d un protocole pour

l analyse de l activité collective

Cecilia De la Garza

Université Descartes Paris 5, Laboratoire d ErgonomieInformatique, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris

[email protected]

Pierre Le Bot

EDF R & D, Département Management des risquesindustriels, 1 Av. Général de Gaulle, 92140 Clamart

cedex [email protected]

RESUMEDans une perspective de sûreté nucléaire, EDF R&Dmène des « essais dédiés » à partir de scénarios deconduite accidentelle/incidentelle. Il s’agit d’observer laconduite de Centrales Nucléaires de situations critiquessimulées pour recueillir de données pour les Méthodesd’Evaluation Probabiliste d’une part, et pour affinerl’évaluation de la performance de la conduite d’autrepart. L’objectif ici est de rendre compte d’une méthoded’analyse a posteriori de ces situations. Les analyses encours mettent en évidence un travail collectif à partir dela construction de chroniques d’activité et de graphesd’activité. Il apparaît un collectif hétérogène avec descomportements type selon des métiers et des rôles et té-moignant d’une performance collective. Toutefois lesliens entre cette performance collective et la sûreté nu-cléaire restent à approfondir.

MOTS CLES : sûreté nucléaire, évaluation probabiliste,analyse situations simulation, activité collective,performance

ABSTRACTEDF R&D performs tests on full scale simulated controlrooms in order to collect information about emergencyoperation of nuclear power plants. The purpose is to en-rich on the one hand the human reliability analysis andon the other hand the assessment of human performance.The aim of this paper is to present a method for retros-pective analysis of simulated accidents and the characte-ristics of a collective performance highlighted as a rele-vant result. In fact activity chronics have been construc-ted as activity graphs emphasising an heterogeneouscrew and underlining collective behaviours according tothe tasks and functions. Nevertheless, if a collective per-formance have been identified, the relationship betweenthis performance and nuclear safety has to be studiedmore in detail.

KEYWORDS : safety, nuclear power plant, human relia-bility analysis, analysis of simulation situation, collectiveactivity, performance

INTRODUCTION : CONTEXTE D ETUDECe papier présente l’analyse ergonomique de situationsen simulateur pleine échelle de salle de commande deCentrale Nucléaire.Depuis les années 80, la R&D d’EDF organise des ob-servations de séances de conduite – des essais dédiés –sur simulateur pleine échelle proposées à des équipes devolontaires provenant de Centrales Nucléaires EDF [3,6]. Au cours de ces séances, l’équipe est mise en situa-tion de conduite incidentelle ou accidentelle (CIA). C’estdans cette perspective qu’une collaboration a été enta-mée avec une équipe d’ergonomes de l’université Des-cartes Paris 5. Cette réflexion commune poursuit deuxbuts : approfondir la démarche méthodologique qui doitcontribuer à améliorer la représentativité des situationsde simulations construites d’une part, et d’autre part,fournir des éléments méthodologiques permettantd’évaluer la performance de la conduite vis-à-vis des ob-jectifs de sûreté.Dans ce papier, on rend compte de la démarche métho-dologique construite pour l’analyse de ces simulations.Approches qualitatives et quantitatives s’articulent visantà mettre en évidence des indicateurs et des observablesd’une activité collective en tant que critère de fiabilité,guidant l’identification d’une forme de « performanceavérée ».

RECUEIL DE DONNEES EN CONDUITE INCIDEN-TELLE/ACCIDENTELLE EN SIMULATEURPour chaque groupe d’essais, une équipe de conduite estmobilisée. Elle est constituée de deux opérateurs deconduite, un cadre technique qui assure la fonction desuperviseur en CIA, un chef d’exploitation et un ingé-nieur sûreté.Les scénarios sont construits selon des principes métho-dologiques éprouvés et en fonction des besoins en don-nées des différentes entités d’EDF concernées. Les équi-pes sont mises dans les situations les plus proches possi-bles des accidents envisagés dans les Etudes Probabilis-tes de Sûreté (EPS), dans les limites des capacités de si-mulation. Il s’agit de scénarios dont la probabilitéd’occurrence est relativement « improbable » mais lagravité est extrêmement élevée. A titre d’exemple envoici un :

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Scénario n°1 : Réacteur à pleine puissance.Initiateur : Rupture d’un tube d’un générateur devapeur (RTGV).Aggravants : Perte de l’alimentation électriqueprincipale par le réseau, basculement surl’alimentation auxiliaire.

Chaque session de simulation comprend trois heures sursimulateur en CIA d’après le scénario prévu, suivies detrois heures de débriefing. Un formateur, dans un localséparé du simulateur, prend en charge le fonctionnementdu simulateur et la simulation des communications del’extérieur de la salle de commande (appels téléphoni-ques, simulation des actions en local …). Il est en effetdifficile de simuler le contexte organisationnel et les in-terventions et passages des agents de terrain.Chaque opérateur a un micro et la session est filmée.

L ANALYSE A POSTERIORI : MISE EN EVIDENCED UNE CONDUITE COLLECTIVE ORCHESTREE PARUN OPERATEUR CLELa démarche méthodologique présentée ici a été établie àpartir de l’analyse a posteriori de 4 sessions de simula-tion fondées sur deux scénarios appliqués à deux équipesde conduite distinctes. Le protocole d’analyse a été cons-truit d’après les résultats de travaux antérieurs, nos ob-servations préliminaires et un travail conjoint avecl’équipe de la R&D. L’accent est mis sur l’identificationd’observables liés à l’activité collective [2] et le proto-cole s’enrichira lors de dépouillements ultérieurs.La démarche globale proposée comporte trois étapes : i)un protocole d’analyse pour la constitution de chroni-ques d’activité ; ii) une analyse descriptive d’une partiede l’activité présélectionnée, à partir d’un logiciel detraitement des événements chronologiques Actogram –Kronos [4] ; iii) des analyses statistiques permettantd’établir des comparaisons entre les opérateurs. On in-

siste ici sur le protocole pour la constitution des chroni-ques d’activité et tout particulièrement sur la classe devariables proposée pour l’analyse du travail collectif.Le protocole d’analyse est constitué de cinq classes devariables synthétisées dans le tableau 1. La cinquièmeclasse est dédiée au travail collectif et comprend huit va-riablesCe protocole a permis la construction d’une chroniqued’activité par session de simulation. La figure 1 en donneun extrait.A partir de ces chroniques on a établi des graphesd’activité à l’aide d’Actogram-Kronos. Ces graphes ontpour but une analyse descriptive de l’activité. Les inte-ractions avec les autres apparaissent à travers les varia-bles codées pour l’activité collective. Ainsil’identification de comportement collectifs type par ac-teur est possible. Par exemple, en ce qui concerne le su-perviseur son comportement collectif se caractérise par :- des points communication et des concertations avec

le Chef d’exploitation (CE) ou à trois ou à quatre.- Des synchronisations au niveau des consignes entre

le superviseur et le CE- Un guidage et un suivi continu de l’activité des opé-

rateurs, apparemment de façon plus soutenu aucours de l’application de certaines consignes et faceà une charge de travail accrue d’un des opérateurs.

- Des demandes de validation d’une action de la partd’un opérateur envers le superviseur et des sollicita-tions en cas de doute. Ces demandes seraient plusnombreuses en cas de charge de travail accrue.

- Une implication forte dans le processus de transmis-sion/réception d’information.

Classe 1 – Phases de « rupture » -« stabilité »

L’Etat du système est caractérisé selon la modélisation du fonctionnement collec-tif par la méthode d’Evaluation Probabiliste MERMOS [5].

Classe 2 –Activité cognitive

Le diagnostic est considéré en étroite relation avec les phases de rupture-stabilité.Ce diagnostic transparaît dans l’identification du problème, les hypothèses émi-ses, la prise de décision, l’activité de « pronostic » qui vise l’anticipation de laconduite, individuelles ou collectives.

Classe 3 –Consignes utilisées

Cette variable permet un suivi de l’activité à travers les consignes : entrée en« conduite incidentelle /accidentelle », changement de fiches, de séquence

Classe 4 –Les communications4.1 – Communications prescrites4.2 – Communications télépho-niques

Les premières correspondent à des « ordres écrits » dans la consigne, à un mo-ment précis du déroulement de la séquence ; par exemple par : « Je te demande destabiliser la charge » (l’opérateur réacteur s’adresse à l’opérateur eau-vapeur).Les deuxièmes renvoient aux appels sortants/ entrants avec les agents de terrain etla Direction.

Classe 5 – La gestion collective5.1 Le « point communication »entre deux opérateurs

Il s’agit en partie d’une « communication prescrite » entre Chef d’exploitation etsuperviseur sur laquelle on insiste depuis peu. Mais, il n’y a pas de prescrit quantaux moments où l’on doit communiquer.

5.2 – Le partage de l’information Ceci renvoie à une information donnée de façon spontanée à un autre opérateurou à l’ensemble de l’équipe. Par exemple, l’opérateur réacteur qui dit àl’opérateur eau-vapeur : « t’as l’activité enceinte qui monte », ou l’opérateur réac-teur qui informe le superviseur d’où il en est.Ce partage d’information a plusieurs fonctions : informer, alerter, maintenir un

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niveau de communication au sein de l’équipe ou actualiser le niveaud’information.

5.3 – La synchronisation de sé-quence ou de consigne à deux ouà plusieurs

On observe une demande explicite de la part d’un opérateur pour savoir si un telest dans telle séquence ou va y arriver bientôt. C’est un partage de l’informationparticulier qui concerne les consignes : « Est-ce que tu as ECP1 en cours? » (de-mande le Chef d’exploitation au superviseur).

5.4 – La sollicitation-validationd’une information ou d’une ac-tion auprès de quelqu’un

Ceci caractérise une relation privilégiée entre deux opérateurs. Au regard de nosanalyses, il s’agit du superviseur et de l’opérateur de conduite le plus pris par lescénario. Quelques extraits ci-dessous, entre l’opérateur Réacteur (opR) et le su-perviseur (sup), illustrent ces propos :« (OpR) Il est réglé comme il faut…Il est à 0, on ne peut pas faire mieux ».« (OpR) On ne peut pas le redémarrer là?(Sup) La 1 tu ne pourras pas.(OpR) Au moins l'autre, la 2…Parce qu'on n'a plus d'injection joints…(Sup) La 2 faut la faire oui. Voir si ça passe… ».

5.5 – L’aide ou la collaborationd’un opérateur envers un autre

Il s’agit, soit de faire une action à la place de l’autre, soit de la faire avec lui. Ceciimplique un engagement volontaire de la part d’un opérateur qui vient apporter uncertain soutien pour la réalisation d’une tâche qui ne le concerne pas directement :la prise en charge du téléphone par l’opérateur le moins occupé (« je m’en oc-cupe »), apporter la consigne à son collègue, l’aider à réaliser des actions.

5.6 – La concertation Ce sont des moments où deux ou plusieurs opérateurs se réunissent pour traiter unpoint particulier : un doute, un changement d’état des installations, la recherched’un diagnostic.

5.7 – Le suivi de près de l’activitéde l’autre

Ce suivi se manifeste surtout par une « attitude » à proprement parler de la part dusuperviseur envers les opérateurs de conduite : un déplacement vers l’opérateur,un regard vers la consigne de l’opérateur, un regard vers sa propre consigne poursavoir ce qui reste à faire à l’opérateur.

5.8 – Le guidage de l’activité del’autre.

C’est généralement le superviseur qui s’adresse à l’un des opérateurs de conduiteet c’est fait dans un souci d’efficacité. Par exemple : « (…) Donc toi tu bori-ques… tu as l'injection en service… LDP ouverte… ».

Tableau 1 – Synthèse des variables caractérisant le protocole d’analyse de l’activité de conduite d’une équipe en situa-tion de simulation

UN COLLECTIF HETEROGENE GUIDE PAR UN BUTCOMMUN DE SURETELes résultats de cette première étape mettent en exergueune activité collective qui semble être un gaged’efficacité et de fiabilité. Le superviseur a un rôle pivotdans cette activité en assurant le fonctionnement du pro-cessus de transmission/ réception de l’information,l’interface entre les opérateurs de la conduite et le chefd’exploitation et l’IS, les concertations en binôme ou àplusieurs, la régulation d’une charge de travail par lebiais d’une aide ou d’un guidage de l’action de l’autre.Le collectif est ici le résultat à la fois d’une réalité pré-existante et d’une action collective construite [7]. Lapremière découle des procédures et de l’organisation del’équipe prévue en amont. Dans l’équipe, les procéduresdéfinissent une répartition des tâches, des messagesd’information, des « points communication ». Ladeuxième se fonde sur des intérêts communs, spécifi-quement de sûreté, et est portée par un membre« pilier », le superviseur. Ce qui est un paramètre propreet distinctif de cette action collective par rapport àd’autres situations étudiées, où l’action collective seconstruit sur la base de compromis [1]. C’est un collectif

hétérogène car l’équipe est composée d’opérateurs demétiers et de statuts hiérarchiques divers : opérateurs deconduite, cadre technique et chef d’exploitation, qui sontdes supérieurs hiérarchiques. Cette situation de CIA secaractérise par une interdépendance cognitive particuliè-rement forte du côté des opérateurs de la conduite, maisexistant également de la part du chef d’exploitation et del’Ingénieur sûreté, qui n’a pas lui forcément une expé-rience de la conduite. Cette interdépendance transparaîtdans les sollicitations et demandes de validation de lapart d’un opérateur, dans le suivi et le guidage spontanésapportés par le superviseur aux opérateurs de laconduite, mais également dans le partage del’information qui rend possible la construction et lemaintien d’un référentiel opératif commun et une syn-chronisation cognitive tout le long de la CIA [7]. Ces as-pects, considérés plutôt comme des critères de fiabilité,permettent d’éviter des erreurs et de prendre les déci-sions adaptées à la situation en cours.On signale néanmoins un bémol par rapport à ce collectifqui semble fonctionner sans « conflit » car, contraire-ment à d’autres situations étudiées, il s’agit de simula-tions.

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Figure 1: Extrait d’une chronique d’activité d’une équipe au cours de la conduite incidentelle/accidetelle.

CONCLUSION : PERSPECTIVES D ETUDELe protocole d’analyse est testé désormais sur d’autrescampagnes d’essais dédiés et plusieurs axes d’étude sonten cours.- Un travail d’analyse systématique des débriefings a étéentamé.- Une série d’entretiens est prévue auprès d’opérateursayant vécu un incident afin d’explorer liens avec la di-rection, le stress…- Une revue de questions sur la notion de « performancecollective » et les liens entre « activité collective » et« performance avérée » est en cours. La réflexionconjointe équipe R&D et Paris V devrait éclaircir la no-tion de performance collective vis-à-vis de la sûreté avé-rée en situation réelle. La performance potentielle estévaluée quant à elle dans les scénarios de défaillancesdes Etudes Probabilistes de Sûreté pour des situationsabstraites de faible probabilité. Pour la performance avé-rée, une piste possible est de dégager les facteurs généri-ques contenus dans les analyses probabilistes de la Fiabi-lité Humaine, influençant cette performance potentielle.Ces facteurs seront décrits selon les variables représenta-tives de l’activité collective que nous avons mise en évi-dence, ce qui permettra de relier la performance poten-tielle évaluée de façon probabiliste et la performanceavérée vis-à-vis d’une situation réelle par confrontationaux observables ergonomiques. Cette démarche relati-vement récente en ergonomie répond à un besoin crois-sant de renforcement des liens entre les ingénieurs et lesergonomes.

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Heure

Comportement Verbalisation Comportement Verbalisation Comportement Verbalisation Comportement Verbalisation Comportement Verbalisation

9h54min19 conduitenormale ctrl enregistreurs ctrl enregistreurs

répartitionimplicite tâches et rôles entre opV et

opR

9h55min38 alarme se dpl vers écran

fixe alarme se dpl vers écran

diagnostic lit infos écranT18AA2, RTGV présumée sur

GV44

diagnosticimmédiat

On regarde le DOS confirme On regarde le DOSconcertation OpR-OpEV, cherche à

confirmer

entrée DOS prend DOS R Je t'amène le DOS prend DOS EV

appel CT CE bipe Sup et CE suit DOS EV

se dpl vers écran

se dpl vers écran fixe alarme

9h56min50 appel entrant info OpEV C'est le CE et le CT décroche Je m'en occupe

suit DOS R Tranche 2… prise en charge du téléphone : aide

dde action à OpEV Je te dde… répond OpR Bien, je suis comm° prescrite OpR-OpEV

Ingénieur SûretéOpérateur Réacteur Opérateur Eau-VapeurPhases

Evènements

Chef d'ExploitationSuperviseurGestion collective/

individuellecommunications

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Gestion de disponibilité en communication médiatisée : premiers résultats d'une observation écologique

Gaëlle Genieys1 3, Julien Kahn2, J.M. Christian Bastien3

1 France Télécom R&D Branche Développement

38-40, rue du Général-Leclerc 92794, Issy-les-Moulineaux

Cedex 09, France [email protected]

m

2 France Télécom VSF 33, rue Poncelet

75017, Paris, France [email protected]

3 Université R. Descartes - Paris 5 Unité d'Ergonomie (EA 1753)

Lab. d'Ergonomie Informatique 45, rue des Saints-Pères,

75270 Paris Cedex 06, France [email protected]

RESUMECet article présente des résultats préliminaires concer-nant la gestion de la disponibilité lors de la communica-tion médiatisée synchrone et plus particulièrement lors de l’usage de la Messagerie Instantanée. Dans un pre-mier temps, cet article présente une revue des concepts de presence awareness et de disponibilité, propres à ce domaine. Dans un deuxième temps, la méthodologie dé-veloppée afin d’observer le contexte d’échanges quoti-diens sur une période donnée est décrite. Cette méthodo-logie permet en effet d’obtenir des données issues à la fois de fichiers de logs de l’application utilisée et de l’analyse des enregistrements vidéos. Les résultats pré-liminaires portent sur la déclaration de la disponibilité, les stratégies d'information et les différentes gestions de sa disponibilité.

MOTS CLES : Communication Médiatisée par Ordina-teur, Contexte, Indicateur de Présence, Gestion de la Disponibilité.

ABSTRACT This paper presents preliminary results concerning the availability management during synchronous mediated communication while using an Instant Messaging appli-cation. First, a review of the concepts of presenceawareness and availability as they are discussed in this field is provided. We then present the methodology used for the in situ observation of daily communication. This methodology allows both the capture of users’ behaviour through application log files and users’ behaviours through videorecordings. Preliminary results concerning availability declaration, informations strategies and availability management are then presented.

KEYWORDS : Computer-Mediated Communication, Context, Presence Awareness, Availability Management.

INTRODUCTIONLes Technologies de l'Information et de la Communica-tion synchrones (messagerie instantanée multimédia, té-léphone, chat…) permettent de déclencher des commu-

nications instantanées en temps réel. Bien qu'elle offre des possibilités des plus intéressantes, la multiplication de ces technologies pose un certain nombre de problè-mes pour l’utilisateur : surcharge d'informations, de l'at-tention mais aussi intrusion. En effet, ces médias de communication nécessitent la présence des interlocu-teurs, mais aussi leur disponibilité attentionnelle pour établir et entretenir une conversation. Par conséquent, l'introduction et le développement de ces technologies peuvent engendrer des répercussions sur le milieu (privé, professionnel, etc.) dans lequel elles sont introduites et peuvent modifier les activités et les usages des utilisa-teurs potentiels. Ceci nous a conduits à porter une atten-tion particulière à la problématique de la gestion de sa disponibilité par l'usager. Cette réflexion part du prin-cipe qu'il est capital de réfléchir aux informations contextuelles que l'on souhaite transmettre aux autres pour optimiser les conditions d'élaboration des commu-nications médiatisées. Quelles vont donc être les infor-mations pertinentes à extraire, en quoi leur nature et leur transmission sont-elles dépendantes des contextes d'utili-sation, des relations entre les interlocuteurs ? Cet article présente les principaux concepts théoriques discutés dans le contexte de la communication médiatisée syn-chrone et plus particulièrement en rapport à l'usage de la messagerie instantanée. Nous développons ensuite une première étude exploratoire basée sur une méthodologie d'observation in situ de l'activité de gestion de la dispo-nibilité des utilisateurs de messagerie instantanée, ainsi que nos premiers résultats.

COMMUNICATION MEDIATISEE ET CONTEXTE Une des principales difficultés pour les utilisateurs de systèmes de communication médiatisés synchrones, est d'avoir une vue globale, riche de l'activité de leurs inter-locuteurs distants tout en leur assurant une intimité (pri-vacy) et un contrôle des informations transmises. Ce pa-radoxe se pose d'autant plus lorsqu'il s'agit d'informa-tions privées. Or, l'intégration de ces informations contextuelles augmentent la conscience de la situation et fournit une meilleure compréhension des situations de communication (concept d'awareness [2]). Nous propo-

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sons donc d’étudier quels sont les usages des services de communication synchrone et de quelle manière les utili-sateurs de ces services gèrent leur disponibilité pour in-teragir. Nous tentons de recueillir des données d'usages issues d'une situation écologique. Nous avons choisi d'étudier des interactions au moyen de la messagerie ins-tantanée (notée I.M. Instant Messaging). L'I.M. permet à l'initiateur de la conversation de disposer de signaux ou d'informations lui indiquant la présence ou l'absence de son éventuel interlocuteur, avant toute tentative de communication (« Presence Awareness » [4]).

Le Concept de Presence AwarenessLa plupart des I.M. informent les utilisateurs de la connexion de leurs contacts et nouveaux contacts ou d'un nouveau message par une alerte sonore et par une notification visuelle. Ces signaux augmentent la prise de conscience de son environnement et améliorent ainsi l'efficacité des tâches qui requièrent des réponses immé-diates. Un système comme Hubbub [5] fournit des in-formations sur la présence des utilisateurs à l'aide de si-gnaux visuels et sonores. Les signaux sonores sont ap-préciés car ils signalent l'arrivée d'un nouvel interlocu-teur. Cependant le paramètre connecté/déconnecté ne suffit pas à caractériser la présence effective de l'utilisa-teur (son terminal peut être connecté alors qu'il est ab-sent…). Sur ce dernier point, certains auteurs [1] préfè-rent recueillir les log-ins (d'une machine ou d'une appli-cation) pour déterminer la présence ou non d'un interlo-cuteur. Mais ces informations restreignent le concept de presence awareness (utilisateurs connectés ou non, par-tis, car inactifs sur leur périphérique d'entrée de don-nées). L'inactivité du clavier ou de la souris ne fournit pas pour autant des renseignements sur la présence, mais plutôt sur les actions d'entrée de données. Ainsi un usa-ger présent à son bureau et affairé à la réalisation de tâ-ches non informatisées apparaîtra à ses interlocuteurs potentiels comme « inactif ». Paradoxalement « être ac-tif » signifie bien que la personne est présente, mais pas pour autant disponible. D'autres chercheurs [ex. 2] ajou-tent à ces systèmes l'usage de la vidéo. Des caméras fournissent une vue d'ensemble des activités de la per-sonne dans son environnement de travail. Par l'image, les utilisateurs peuvent visuellement constater la présence ou l'absence de leur interlocuteur et en inférer leur dis-ponibilité. Cependant l'utilisation de la vidéo soulève des questions d'éthique. Souvent perçue comme un outil in-trusif, elle semble plus difficilement envisageable dans un contexte professionnel, que dans un contexte privé pour lequel les contraintes sont différentes (en terme de confidentialité, d'acceptabilité). Pour répondre à cette objection, des systèmes qui intègrent une représentation schématique de la présence sont proposés (ex. [3], Bab-ble). Ce système propose un mécanisme graphique de présentation de la présence des interlocuteurs : la proxi-mité des participants est indiquée au centre d’un cercle qui permet de visualiser quelles sont les personnes qui parlent ou celles qui écoutent. Babble permet de connaî-

tre le nombre de participants en ligne et leurs activités dans une conversation. Ce mode de représentation gra-phique est, contrairement à la vidéo, non intrusif et faci-lite la perception immédiate de la présence des membres d'une équipe de travail et de leurs échanges.

Le Concept de Disponibilité Afin que la messagerie instantanée ne devienne pas une source de surcharge informationnelle, les concepteurs cherchent à intégrer des informations concernant la dis-ponibilité des interlocuteurs. Le concept de disponibilité illustre la capacité du système à renseigner « les locu-teurs » sur le degré supposé d'attention et de temps que les interlocuteurs seraient prêts à consacrer pour intera-gir. L'I.M. permet à l'utilisateur de spécifier à ses contacts son état de disponibilité, lorsqu'il est présent (connecté). Il peut choisir de le notifier parmi plusieurs options offertes par le système (occupé, au téléphone, etc.) et ainsi informé et être informé de l'état de disponi-bilité de ses éventuels interlocuteurs. Dans les IHM, on observe souvent une confusion entre les concepts de pre-sence awareness et de disponibilité (par ex. « occupé, en réunion, parti manger, au téléphone, connecté »…). Ce qui nous amène à penser que lorsque l'on parle de notifi-cation de présence il s'agit dans certains cas de disponi-bilité. La frontière entre ces deux concepts est donc té-nue. Cette démarche volontaire de déclarer sa disponibi-lité nécessite aujourd’hui de la part de l'utilisateur une réelle « gestion » de son état de disponibilité pour le rendre visible en fonction de la situation, de ses interlo-cuteurs, de son activité en cours ou simplement de ses souhaits. Le système peut également gérer de manière automatisée l'état de l'utilisateur en le déclarant « ab-sent » au bout de 5 minutes de non-utilisation de péri-phériques d'entrée de données ou « occupé » en cas de non-utilisation de la fonctionnalité de communication de l'I.M. Cette gestion de la disponibilité permet de filtrer en amont d'une future conversation les notifications re-çues. L'I.M. est apprécié, car il facilite les communica-tions informelles entre des interlocuteurs distants et per-met de négocier ses disponibilités pour se coordonner [6] et minimiser ainsi les interruptions. Peu d'études ont été réalisées sur cette problématique. Celles qui analy-sent les usages contextualisés de l'I.M. sont basées sur des sondes implantées sur les logiciels d'I.M. et donnent le point de vue d'un seul utilisateur. Les autres études, basées sur des enquêtes ou des entretiens, font une ana-lyse riche du contenu des échanges, mais sont souvent décontextualisées. Nos travaux de recherche visent à dé-velopper des méthodes pour observer la déclaration des états de disponibilité en mettant en regard des données issues de l'observation in situ des interlocuteurs engagés dans l’échange avec des données issues des fichiers logs de l'application utilisée. L'observation in situ a été choi-sie dans le but de conserver la richesse et la complexité des situations naturelles et d'appréhender les dynamiques intra et interindividuelles des échanges et des modalités d’interaction retenues.

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METHODELa méthodologie adoptée consiste à effectuer des obser-vations audio/vidéo de l'activité des utilisateurs d'une messagerie instantanée, à leur domicile. Notre objectif était d'observer le contexte d’échange et les échanges quotidiens des participants durant une période donnée. Pour limiter le caractère intrusif de la démarche et per-mettre aux utilisateurs de communiquer quand ils le sou-haitaient, nous avons décidé que l'observateur ne serait pas présent. Les participants avaient donc pour consigne de déclencher les enregistrements avant toute utilisation de leur ordinateur personnel. Le dispositif expérimental est composé de deux outils de recueil de données audio / vidéo :

• Un logiciel de capture d'écran vidéo dynamique (Camtasia Studio de TechSmith) qui est installé sur l'ordinateur de l'utilisateur. Il enregistre toutes les données d'usages et les actions effectuées lors des périodes d'enregistrement (Cf. capture d'écran, fi-gure 1). Ces données multimédias sont stockées sur un disque dur externe.

• Une caméra vidéo numérique qui est positionnée de sorte que le contexte d'utilisation de l'ordinateur soit filmé (Cf. vue contextuelle, figure 1).

Tous les échanges communicationnels (audio, vidéo, texte) entre l'utilisateur et ses interlocuteurs via l'I.M. ont été recueillis (Cf. fichier de données, figure 1).

Capture d'écran

Fichier de données

Vue contextuelle

AAAAAABAB

BAAB

AAAAAA

BBBBBBABA

ABBA

BBBBBB

Figure 1 : Observation et Enregistrement de l'Interaction H-M

Protocole d'Observation Nous avons observé deux « couples » de participants qui se connaissaient au préalable (amis, collègues). Chaque couple était observé simultanément pendant tous leurs échanges via l'I.M. durant une semaine. Environ 50 heu-res de données audio/vidéo en situation domestique lors d'échanges informels ont été recueillies pour l'ensemble des participants. Aucune tâche particulière ne leur a été demandée et aucune précision sur l'objet de l'étude ne leur a été donnée. Nous souhaitions que leur utilisation de l'I.M. soit la plus naturelle possible. Quatre utilisa-teurs ont donc été observés : trois femmes et un homme,

âgés entre 25-35 ans, ayant un usage fréquent d'Internet et de l'I.M.

Analyse et Traitement des DonnéesNous avons construit de manière itérative une grille pour coder les enregistrements vidéos (codage de l'activité médiatisée, des événements du système, des communica-tions, du contexte et du comportement de l'utilisateur). Nous avons analysé les captures de l'écran de l'ordina-teur et celles de la caméra, soit deux vues différentes synchronisées. Nous présentons dans la section suivante des données préliminaires sur la disponibilité issues d'un couple de participants.

RESULTATS Déclaration de la DisponibilitéPendant la période d'enregistrement, les participants sont presque tout le temps connectés à l'I.M., mais ne font pas toujours la démarche de déclarer leur état de disponibili-té. En effet, les états proposés par le logiciel d'I.M. sont utilisés de façon partielle : certains états font l'objet d'une déclaration (En ligne, Absent, Parti Manger, Oc-cupé), d'autres non (De retour, Hors ligne, Au télé-phone). Ils sélectionnent un ou deux états parmi tous ceux proposés (« En ligne », « Parti manger »). La ques-tion de la pertinence des multiples options proposées à l'utilisateur se pose donc. Par ailleurs, deux stratégies ont pu être mises en évidence. L'une consiste à gérer son état de disponibilité chaque fois qu'un changement d'état se présente et ainsi choisir de partager un plus grand nom-bre d'informations contextuelles (stratégie adoptée par le sujet 1 qui se déclare 75% du temps « en ligne » et 19% « parti manger »). L'autre consiste à toujours se déclarer comme étant disponible, même en cas de changement d'état (stratégie du sujet 2 qui se déclare disponible 96% du temps). Cette stratégie de « disponibilité perma-nente » engendre une faible gestion des disponibilités, mais peut favoriser les intrusions.

De plus, les états proposés sont peu précis sur l'activité réelle des utilisateurs, ils donnent peu d'informations sur leurs occupations, leurs tâches et nécessiteraient d'être plus pertinents par rapport à l'activité et au contexte d'utilisation. Les participants sont généralement devant l'ordinateur ou à proximité, lorsqu'ils se déclarent être « en ligne », c'est-à-dire connectés et disponibles. Or, même si cette posture leur permet d'être conscients des éventuelles notifications de messages, cela ne signifie pas qu'ils sont disponibles. On observe notamment une pluri-activité des participants lors de la déclaration de cet état. Leur principale activité est la communication via l'I.M. Mais cet état englobe également d'autres activités (communication téléphonique, consultation d'Inter-net…). L'état de disponibilité déclaré n'est donc pas un état de disponibilité attentionnel total, mais bien un état dont l'attention est partagée entre de multiples tâches. Parfois, cet état déclaré ne correspond pas à l'état de dis-ponibilité réel : ils sont notifiés « en ligne » alors qu'ils

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sont en mobilité et occupés à la réalisation d'autres tâ-ches que la communication via l'I.M. Cependant, la connaissance mutuelle qu'ont les utilisateurs de leur fa-çon de déclarer leur disponibilité peut suppléer à l'ab-sence de mise à jour de l'état de disponibilité affiché.

Stratégies pour Informer de sa DisponibilitéLes participants adoptent deux autres stratégies pour in-former de leur disponibilité : l'une pour se coordonner, l'autre pour prévenir d'une indisponibilité ponctuelle. Pour entrer en contact, l'initiateur de la conversation uti-lise parfois une fonctionnalité (appelée « wizz »), qui permet d'envoyer une notification sonore et visuelle à son interlocuteur. Une réponse à cette notification confirme au contact sa présence et sa disponibilité pour interagir. La prise de contact peut également se faire sous la forme d'une question sur la présence de l'autre (« t'es là ? ») qui permet à l'initiateur de la conversation d'en inférer les disponibilités de son interlocuteur. Au cours du dialogue, les protagonistes enrichissent le contenu de leur conversation en donnant des informa-tions contextuelles. Ces informations renseignent sur l'activité de l'utilisateur (ex. « Attends je regarde la bande-annonce »), sur ses disponibilités (ex. « deux se-condes », « attends », « je reviens ») et sur sa localisa-tion (ex. « T'es pas en Bretagne ? »). En améliorant le partage du contexte de communication, elles permettent d'élaborer une représentation mentale de l'activité de chacun et d'en inférer leur disponibilité attentionnelle. Mais elles renseignent uniquement les personnes impli-quées dans le dialogue. Il s'agit d'une gestion de la dis-ponibilité a posteriori, une fois que la prise de contact a été établie.

Différentes Gestions de ses Disponibilités ?Lorsque le binôme est informé de la connexion de ses contacts ou nouveaux contacts, il répond à cette notifica-tion dans 43% des cas et ne donne pas suite à cette noti-fication dans 57% des cas. Le fait d'améliorer le partage du contexte, en informant les utilisateurs de la connexion de nouvelles personnes, ne favorise pas forcément l'éla-boration de nouvelles communications. Ce choix s'opère a priori en fonction du contact qui se connecte et de l'ac-tivité en cours réalisée par l'utilisateur. De plus, l'analyse des réponses aux notifications d'I.M. met en évidence le fait que les utilisateurs préfèrent consulter de suite la no-tification reçue, de manière à filtrer les I.M. reçus selon un ordre de priorité. Une fois consultés, le sujet 1 préfère les traiter de suite alors que le sujet 2 est plus mitigé : il préfère ne pas s'interrompre dans sa tâche et les traiter par la suite. Le sujet 1 a donc tendance à se rendre plus rapidement disponible que le sujet 2 pour interagir.

DISCUSSION, CONCLUSION La messagerie instantanée est un média de communica-tion synchrone largement utilisé et apprécié, notamment parce qu'il intègre des informations relatives à la pré-sence et à la disponibilité des interlocuteurs avant d'ini-

tier une conversation. Les résultats préliminaires, issus de l'analyse des observations de ce binôme, montrent que ces informations ne sont pas toujours fiables, pas toujours représentatives de l'activité de l'utilisateur. Ils permettent de dégager des pistes de réflexion. Outre les informations automatisées sur la présence, les partici-pants gèrent leur disponibilité de manière différente. La déclaration volontaire de leur état de disponibilité est une démarche personnelle, dépendante de leur activité. Elle peut s'avérer coûteuse pour l'utilisateur. Ceci expli-querait pourquoi les déplacements de courte durée ne suscitent pas de changements d'état disponibilité de la part des utilisateurs. Au vu de ces résultats, il nous sem-ble pertinent de réfléchir à la manière de déclarer sa dis-ponibilité et aux moyens de mieux identifier automati-quement ces états, quand cela est utile. Cette étude per-met, grâce à un protocole d'enregistrement vidéo particu-lier, de recueillir un grand nombre de données en situa-tion naturelle. Ces données seront croisées avec les ver-balisations recueillies lors de l'entretien d'explicitation et d'autoconfrontation que nous réaliserons avec chacun des utilisateurs. Ces résultats seront complétés par l'ana-lyse et l’observation de quatre binômes.

BIBLIOGRAPHIE 1. Ackerman, M. S., & Palen, L. A. The Zephyr Help

Instance: Promoting Ongoing Activity in a CSCW System. In Proceedings of the ACM Conference on CHI '96 (April, 13-18, 1996, Vancouver, British Co-lumbia, Canada), ACM Press, New-York, 1996, pp. 268-275.

2. Dourish, P., & Bly, S. Portholes: Supporting Aware-ness in a Distributed Work Group. In Proceedings of ACM Conference on CHI '92, (May, 3-7,1992, Mon-terey, California), ACM Press, N-Y, 1992,p.541-547.

3. Erickson, T., Halverson, C., Kellogg, W., Laff, M., Wolf, T. Socially Translucence Designing Social In-frastructures that make collective Activity visible.Communications of the ACM, 45(4), 2002, p. 40-44.

4. Handel, M. Presence Awareness: Multiple Sources, Multiple Roles. In Proceedings of ACM Conference on CHI 2001 (March 31-April 5, 2001, Seattle, Washington), ACM Press, N-Y, 2001, pp. 71-72.

5. Isaacs, E., Kamm, C., Schiano, D., Walendowski, A., & Whittaker, S. Characterizing Instant Messaging from Recorded Logs. In Proceedings of ACM Con-ference on CHI 2002 (April, 20-25, 2002, Minneapo-lis, Minnesota), ACM Press, N-Y, 2002, pp. 720-721.

6. Nardi, B., Whittaker, S., & Bradner, E. Interaction and Outeraction: Instant Messaging in Action. In Proceedings of ACM Conference on CSCW '00 (De-cember 2-6, 2000, Philadelphia, Pennsylvania, United-States), ACM Press, N-Y, 2000, pp. 79-88.

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Interaction Personne Handicapée/Système à Balayage : Vers un réglage automatique de la vitesse de défilement

adapté à l’utilisateur

Souhir GHEDIRA, Pierre PINO, Guy BOURHIS

Université Paul Verlaine METZ -Laboratoire LASC

Ile du Saulcy - BP 80794 - 57012 METZ cedex 1

ghedira,pino,[email protected]

RESUMEPour certaines personnes fortement handicapées mo-teurs, le recours à des systèmes à balayage demeure le seul moyen d’accès à une communication écrite ou par-lée. Le principal inconvénient de cette méthode est la lenteur de la communication qu’elle induit, un délai ty-pique de défilement pouvant varier de 0.2 à 6 secondes.

Le système EDiTH (Environnement Digital de Téléac-tion pour personne Handicapées) est une aide technique de type «communicateur à défilement», développée au LASC afin d’avoir un système ouvert, modulable et adaptable. Ceci permet en particulier d’étudier la mise en place d’une méthode d’adaptation automatique de la vitesse de défilement en fonction de l’utilisateur. Cet article décrit cette méthode ainsi que les différents tests réalisés.

MOTS CLES : aide technique, systèmes à balayage, mo-dèle du processeur humain, adaptation automatique.

ABSTRACT For some persons with severe motor disability, the use of scanning devices is the only way to access to a written or spoken communication. The main drawback of this method is the slowness of the communication it induces: a typical scanning rate varies from 0.2 to 6 s.

The EDiTH system (Digital Remote-action Environment for Disabled persons) is a scanning system developed in the LASC laboratory in order to get an opened, flexible and adaptable system. In particular, this makes it possible to study the design of an automatic adaptation of the scan-ning rate according to the user. This article describes this method as well as the various tests carried out.

KEYWORDS: Assistive technology, scanning system, Model Human Processor, automatical adaptation.

INTRODUCTIONLe système EDiTH [7] est originellement conçu pour des

personnes sévèrement handicapées moteurs ne disposant que d’un capteur de type tout ou rien pour interagir avec leur environnement [1]. Ce système permet différentes interactions avec les environnements physique et social de la personne.

Au niveau sensori-moteur, par hypothèse, la déficience motrice du sujet ne lui permet que de contrôler un ou plusieurs contacteurs en tout ou rien. Ainsi ni le dépla-cement d’un curseur (souris), ni la frappe de texte (cla-vier) ne sont possibles. Seule la validation d’un choix présélectionné par balayage des fonctionnalités est réali-sable, le sujet n’ayant qu’à valider ou non le choix pro-posé.

Se posent alors notamment les problèmes, d’une part du réglage initial de la vitesse de défilement généralement défini de façon empirique, et d’autre part de l’adaptation de ce défilement au cours de l’utilisation du système [3]. Ce dernier point fait l’objet de cet article. La vitesse de défilement dépend essentiellement des capacités physi-ques de l’utilisateur et de son état cognitif (fatigue, stress,..) [2].

SYSTEME A BALAYAGE Le problème majeur des systèmes à balayage est leur lenteur d’utilisation. Plusieurs paramètres interviennent [6] [3] :

La vitesse de défilement, Le type de balayage (défilement linéaire, li-gne/colonne, …), Le nombre d’items, La forme de la matrice des items, L’ordre des items.

Ces différents paramètres ont été pris en compte pour la conception du système EDiTH [3]. Dans l’objectif d’optimiser les performances du système, on cherche actuellement à analyser l’utilisation de l’interface par le biais d’une modélisation de l’interaction personne han-

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dicapée/machine.

REGLAGE DU TEMPS DE BALAYAGE (Tscan)

Méthodes pour régler TscanPlusieurs travaux sont en cours dans le but de régler au-tomatiquement Tscan. Dans [5] les auteurs se basent sur la mesure des erreurs (déterminées par un retour arrière ou une annulation de la sélection précédente ou des balaya-ges de deux cycles consécutifs sans que l’utilisateur n’appuie) et sur le réglage de Tscan en fonction du temps d’action du sujet. Le dispositif analyse alors ces mesu-res pour déterminer si le temps de balayage devrait chan-ger ou pas.

D’autres travaux sont en cours [8], basés sur les mesures des paramètres comme le temps de pause avant « le défi-lement colonne », le temps de pause avant « le défile-ment ligne », le temps de « défilement colonne »,… Les résultats ont montré la possibilité d’augmenter le taux de saisie de texte par l’utilisateur sans augmenter sa charge cognitive.

Nous proposons dans EDiTH de fixer une valeur initiale à la vitesse de défilement, hors ligne, puis de la régler automatiquement en temps réel en fonction de l’état phy-sique et cognitif de la personne [4].

Clavier virtuel D’EDiTH Grâce à ce système, le sujet a la possibilité de communi-quer par écrit à l’aide d’un éditeur composé de deux parties, comme le montre la figure 1 : la zone d’édition (le texte tapé apparaît dans cette fenêtre) et le clavier virtuel (les lettres sont disposées en fonction de leur fréquence dans la langue française).

Figure 1: Interface « Editeur de texte »

Modèle MHP Le modèle du « processeur humain modèle » a été déve-loppé à l’origine pour des tâches de microinformatique [9]. Selon ce modèle le comportement de l’opérateur est géré par trois sous systèmes constitués chacun d’un pro-cesseur et d’une mémoire associée. Chaque processeur a un temps de cycle élémentaire pouvant varier en fonc-tion de la personne et de la situation dans les intervalles

suivants : Tcognition=Tc [25ms-170ms], Tpercep-tion=Tp [50ms-200ms] et Tmoteur=Tm [30ms-100ms] .Ces temps ont été mesurés pour des personnes valides et peuvent être différents, surtout pour le cycle moteur, pour des personnes handicapées.

Hypothèses Préliminaires L’application du modèle du processeur humain (MHP) au système EDiTH a conduit à faire quelques hypothè-ses préliminaires : dans le clavier virtuel (défilement colonne/ligne) la sélection d’une lettre nécessite une double validation (appui sur le contacteur) : validation de la colonne puis validation de la ligne. Chaque temps de validation Tact a besoin d’un temps de perception, d’un temps de cognition et d’un temps moteur (Tact=Tp+Tc+Tm [100ms-400ms]) [3]. Cette règle admet une exception : pour valider la 1ère ligne de chaque colonne on suppose que la deuxième validation Tactcorrespond seulement à un temps moteur Tm comme avec un « double click ». Ainsi le modèle comporte-mental MHP a permis de dégager 3 zones dans l’intervalle du temps de défilement [4] : une « zone avance » avec un Tact inférieur à 100ms, (le sujet a ten-dance à faire des erreurs ou des anticipations), une zone centrale avec un Tact [100ms- 400ms] conforme au modèle MHP, et une zone retard avec un Tact supé-rieur à 400ms.

Réglage initial de TscanLe réglage initial de Tscan se fait hors ligne, en se basant sur les temps de cycle élémentaire du sujet, temps de perception, temps de moteur, temps de cognition [3] [4]. Un logiciel est en cours de finalisation pour ce réglage initial.

Réglage Adaptatif/Automatique de TscanLe réglage adaptatif de Tscan se fait en ligne en se basant sur les variations du nombre d’occurrences des actions réalisées dont les Tact sont inférieurs à 100ms. On s’aperçoit en effet expérimentalement que, proche du Tscan optimal, ce nombre varie fortement [4]. Deux règles implantées dans EDiTH sont actuellement en cours d’utilisation sur des personnes atteintes de Sclérose La-térale Amyotrophique (SLA) au centre de réadaptation fonctionnelle Clemenceau :

Règle A : Si pour un nb_click_max donné, si le nb_clik dont le Tact est inférieur à 100ms est supérieur à nb_click_sup alors Tscan va croître de taux2. Règle B : Si pour un nb_click_max donné, si le nb_clik dont le Tact est inférieur à 100ms est inférieur à nb_click_inf alors Tscan va décroître de taux1.

Le problème principal de ces deux règles est de fixer les valeurs de nb_click_max, nb_click_ inf, taux1, nb_click_sup et taux2. C’est que nous proposons d’étudier expérimentalement.

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TESTS REALISES (PERSONNES VALIDES) Afin de régler Tscan, on se propose d’utiliser un scénario imposé en faisant varier les paramètres des deux règles pour analyser a posteriori le comportement du sujet qui est, en premier lieu, une personne valide. Cette phase est indispensable avant d’entamer des tests en situation éco-logique. On demande aux sujets d’écrire la phrase sui-vante sans fautes de frappe : «pourriez vous me passer de la pommade sur les épaules merci beaucoup». Le su-jet doit au préalable passer par une phase d’apprentissage de l’utilisation de EDiTH. On enregistre alors toutes les données d’interaction dans des fichiers « logs » (figure2).

Figure 2: Extrait de fichier « Log »

Proposition de réglage du temps de réaction de l’adaptation en fonction de nb_click_maxLe nombre de click maximum, nb_click_max, sur le quel on doit se baser pour varier le Tscan, ne doit être ni trop petit car Tscan va changer rapidement et rendre l’utilisation du système stressante, ni trop grand pour que le sujet n’attende pas trop longtemps avant que le Tscan change. Après plusieurs tests sur des personnes valides, nous avons fixé nb_click_max à 40 clicks, va-leur qui semble être un bon compromis dans la réactivité de l’utilisation d’EDiTH, au vu de son utilisation en mi-lieu écologique.

ANALYSE DES RESULTATS La figure 3 montre les différentes erreurs survenues lors de la première utilisation par un sujet valide de la fonc-tion écriture d’EDiTH.

Figure 3: Analyse anticipations/erreurs

Après 160 clicks, le sujet a fait deux erreurs. Tscan a alors diminué et pris la valeur de 356 ms, comme le montre la figure 3. Cependant, aux dires du sujet, ce temps est trop rapide et du coup il fait plus d’erreurs. La figure 4 mon-tre la variation de Tscan au cours de la rédaction de la phrase.

Figure 4: Analyse phrase écrite et Tscan

Après plusieurs tests, nous pouvons conclure que la va-leur initiale de nbre-de-click-inf doit être au début la plus petite possible : le sujet ne connaît pas bien l’interface et a tendance à faire plus des erreurs que des anticipations.

Après la phase d’apprentissage, le sujet connaît bien l’interface, mémorise bien son clavier, donc d’autres valeurs pour les deux règles seraient nécessaires pour suivre l’évolution de l’apprentissage de l’interface par l’utilisateur. Par conséquent, les valeurs définissants Tscan devraient évoluer selon l’apprentissage du système.

Après la phase d’apprentissage, les tests ont recommen-cé avec les mêmes valeurs pour nb_click_inf et nb_click_sup avec un Tscan initial de 300ms. Les tests ont été réalisés sur 4 personnes valides, en faisant varier les valeurs de nb_click_sup, nb_click_inf pour étudier la variation de Tscan. La figure 5 montre le nombre d’erreurs et d’anticipations réalisées par l’un de ces su-jets sur 40 clicks pour écrire la phrase.

Pour analyser les valeurs des règles A et B à partir de la phrase écrite par les différents sujets, on sépare les anti-cipations, les corrections de saisie (retour chariot) et les erreurs réalisées, et on analyse avec quel Tact le sujet fait des erreurs et des corrections. La figure 5 montre les résultats obtenus pour un de ces sujets (Sujet 1) La va-leur de Tscan ne change pas lorsque le sujet a écrit la phrase demandée, alors que le nombre d’anticipations a augmenté après un certain nombre de clicks (sur les 40 derniers clicks le nombre d’anticipation a brusquement augmenté, et prend la valeur de 7, le défilement a gardé la même valeur).

temps défilement = 300 nb de click max: 40clicks nb de click inf :7 nb de click sup :10 11579079 Bouton_EDITEUR 11579251 000000000000000, nbclick=1 11579251 C_Temp->140,288 11579251 editeur_menu 11579734 Bouton_Nouveux_Text 11579876 0000000000000000, nbclick=2 11579876 C Temp->113,664

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Figure 5: Analyse anticipations/erreurs (ex : après 80 clicks le sujet appuie sur le caractère « e » avec

Tact= 90 ms, sur les 40 derniers clicks il a fait 4 anticipations et 0 erreur et Tscan=300ms.)

Toujours dans le but de trouver une fonction pour faire varier les valeurs des paramètres des deux règles, une autre série de tests a été réalisée avec nb_click_inf = 4, nb_click_sup = 9, et Tscan= 300ms avec les mêmes su-jets. La figure 6 montre les résultats obtenus sur le sujet 1. Le sujet 1 connaît bien l’interface, il fait jusqu'à 6 anticipations sur son temps de défilement initial. Dans ce cas, alors que le sujet signale que le temps de défilement lui convient bien, la variation du nombre d’anticipations est grande.

Figure 6: Analyse anticipations/erreurs

L’intervalle entre le nb_click_inf et nb_click_sup est peut être trop important. Des tests sont en cours avec des valeurs différentes pour affiner la fonction de variation de ces valeurs pour définir une vitesse de défilement au plus juste pour l’utilisateur.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES Dans ce papier, on a présenté une méthode expérimen-tale pour adapter la vitesse de défilement des interfaces à balayage utilisées par certaines personnes handicapées moteurs. Une première version de cette méthode est ac-tuellement en test en situation écologique avec 4 sujets handicapés.

Les résultats obtenus sur des personnes valides montrent que la méthode d’adaptation de la vitesse de défilement doit s’adapter en fonction de l’apprentissage du système au cours de son utilisation. On se propose donc de faire des tests de plus grande ampleur pour pouvoir définir une fonction de variation des valeurs en fonction du temps. Une fois cette fonction définie, des tests avec les personnes handicapées partenaires de ce projet de re-cherche, permettront de valider les biens fondés de cette méthode et bien sûr de l’optimiser.

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Ergonomie des logiciels éducatifs pour enfants défi-cients cognitifs : l’importance des émotions

Gabriel Michel, Magali Jobert, Christophe Delcourte, Salim Boulakfouf, Arthur Dibon, Petit Gregory

Université Paul Verlaine – Metz – Laboratoire de Psychologie de Lorraine, Équipe Transdisciplinaire surl’Interaction et la Cognition. BP 30309. Ile du Saulcy – F 57006 Metz cedex 1 - France

[email protected] ,

RESUMEIl existe très peu de didacticiels pour les enfants déficientscognitifs. Le bilan que nous avons effectué de ceux quisont actuellement utilisés, prouve qu’il existe peu de logi-ciels adaptés à ce type d’enfants. La travail avec les édu-cateurs et les enfants a débouché sur le conception d’undidacticiel spécifique plus compatible que les logiciels ac-tuels et a permis de construire un certain nombre de re-commandations ergonomiques. Mais pour aller plus loin,nous avons fait le pari de l’introduction des émotionsdans nos interfaces. Nous avons reconstruit un universvirtuel qu’on ne trouve pas dans les didacticiels actuels :il s’agit de l’univers des contes de Grimm qui relate deshistoires crues qui semblent réelles et qui sont souventplus proches de la réalité de ces enfants. Les premièresévaluations de ce didacticiel sont prometteuses.

MOTS CLES : IHM, émotions, apprentissage, didacticiel,enfants déficients intellectuels, déficients cognitifs, re-commandations.

ABSTRACTThere exists very little educational software for intellectu-ally handicapped children. The assessment that we carriedout of softwares currently in use proves that there existslittle software adapted for these children. Work realizedwith teachers and children led to the design of a specificeducational software which is more compatible than thecurrent software available. This work also made it pos-sible to build a certain number of ergonomic guidelines.But to go further, we introduced emotions into our inter-faces. We rebuilt a virtual universe which one does notfind in the current educational softwares: it concerns theuniverse of Grimms fairytales which tells stories which-seem real and which are often closer to the reality ofthese children. The first evaluations of this educationalsoftware are promising.

KEYWORDS : HCI, émotions, learning, didacticiel, intel-lectually handicapped, cognitive handicapped, guidelines.

INTRODUCTIONDe plus en plus les enfants apprennent en jouant sur desordinateurs, à l’école ou à la maison. Les didacticiels quileur sont consacrés sont de plus en plus nombreux et onvoit apparaître un certain nombre de recommandationspour leur conception. On parle depuis plusieurs années del’accès à l’information pour tous [9] et on a l’impressionque les nouvelles technologies sont désormais accessiblesà toutes les catégories de la population. Il existe au-jourd’hui des recommandations ergonomiques pour laconception de logiciels pour les différentes groupes depopulations (seniors, déficients visuels, enfants « dits sansproblèmes », populations d’autres cultures,…). Maispour les enfants déficients cognitifs, ces recommanda-tions ergonomiques en sont à leurs débuts. Signalonsquelques groupes de recherche travaillant sur ce sujetcomme le projet WAI-NOT en Belgique [11] et le NCD-DR « Centre National pour la Diffusion de la Recherchesur les Déficiences » aux Etats-Unis[6].L’apport des logiciels éducatifs pour les déficients cogni-

tifs a été prouvée [8] et il est dommage que les déficientscognitifs n’en profitent pas d’avantage. C’est la raisonpour laquelle nous nous sommes intéressés à ce sujet.Pour réaliser ce travail, nous avons adopté un démarchecentrée-utilisateurs courante en ergonomie. Notre re-cherche a tout naturellement commencé par une étudepréalable sur les didacticiels utilisés par ces enfants (en yincluant les logiciels disponibles sur Internet) puis nousavons établi une première liste de recommandations ergo-nomiques pour la conception et l’évaluation de ce type delogiciels.A partir de ces recommandations, nous avons construitun logiciel qui a été créé en collaboration avec les éduca-teurs et les enfants des différents établissements. Malgréles résultats encourageants de ce logiciel il nous a semblénécessaire d’aller plus loin en intégrant l’univers de cesenfants dans le didacticiel. D’où nos hypothèses que nousprésentons ainsi que la nouvelle version du logiciel et nospremiers résultats.

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ERGONOMIE DES DIDACTICIELS ACTUELS ET PRE-MIERES RECOMMANDATIONS

Il existe chez les enfants déficients, comme une « peur del’apprentissage ou «une interdiction de penser». En leurdonnant le droit à l’erreur sans conséquences, sans sanc-tion d’aucune sorte, en leur donnant la possibilité d’évo-luer à leur propre rythme, aussi lent soit-il, l’ordinateurrenvoie aux enfants une image positive d’eux-mêmes. Illeur redonne la certitude de leur propre pensée et de lapossibilité d’aboutir à un produit fini propre et « présen-table » même lorsque l’on écrit mal ou que l’on se trompesouvent.

On trouve dans les écoles françaises contactées de trèsnombreux logiciels "grand public" pour enfants normaux,utilisés "par défaut" pour les enfants déficients.Nous avons testé de nombreux didacticiels parmi les plusutilisés et aussi deux logiciels spécifiquement dédiés auxenfants déficients cognitifs Pictop et Puzzi. Même si cesdeux derniers didacticiels semblaient mieux adaptés, touscomportent de nombreuses faiblesses dont voici quelquesexemples :

beaucoup d’exercices peu accessibles : la plu-part des enfants ne savent ni lire ni compter cor-rectement, même à treize ou quatorze ans.beaucoup d’options et d’animations qui per-turbent l’enfant handicapé et lui cache l’essen-tiel.un décalage entre les personnages du logiciel etl’âge de l’enfant : ainsi un enfant de 10 ans quiapprend à lire n’apprécie guère d’avoir à inter-agir avec des petits oursons appréciés par les« tous petits ».

Ces logiciels ne sont donc que peu utilisables et la média-tion de l’éducateur est souvent nécessaire : on est loin decette autonomie vers laquelle devraient tendre ces logi-ciels.Pour conclure, il s’avère qu’ils sont souvent trop compli-qués au niveau des exercices et de leurs interfaces, et serévèlent très peu adaptés. D’ailleurs une grande majoritéde ces systèmes présentent des erreurs ergonomiques trèsimportantes, qui nous font douter de leur accessibilitépour beaucoup d’enfants dits « normaux ».…

Premières recommandationsIl n’existe pas, à notre connaissance, de travaux touchantau sujet qui nous intéresse. Citons deux études très géné-rales concernant la conception de didacticiels telles quecelle de Hû [2] ou encore celle de Mataigne [4] qui aconçu un guide d’évaluation pour logiciels éducatifs pourle Ministère de l’Education Nationale du Québec.Par contre il existe quelques recommandations pour dessites web accessibles. Ces recommandations sont issuesdu site du WAI [12], mais se différencient peu des re-commandations pour tous publics et ne concernent queles déficients cognitifs ayant des notions de lecture.

De plus, la plupart de ces recommandations relèvent del’ergonomie des IHMs. C’est la raison pour laquelle nousavons choisi de créer une première version d’un logicielconstruit en collaboration avec les éducateurs et enfantset ayant intégré les prémisses de recommandations issuesde nos interviews, enquêtes et études bibliographiques. Ilfallait tenir compte des problèmes essentiels de ces en-fants tels que le manque de concentration, une attentionpériphérique importante, une image négative d’eux-mêmes et des problèmes de mémoire. Pour cela nousavons complété nos recommandations ergonomiques(pour la plupart classiques) par des recommandations is-sues de la psychologie des interactions enfants déficientsintellectuels. Voici quelques exemples de ces dernièresrecommandations (pour plus d’informations se référer à[5] ) :

Créer un personnage, avec lequel l’enfant puisses’identifier et interagir.Utiliser une assistance vocale permettant d’é-noncer la consigne de l’exercice. L’enfant devracliquer sur le visage du personnage pour réécou-ter la consigne.Prendre en compte le problème de l’âge réel desenfants.

Malgré des résultats des tests utilisateurs convaincants(comparaison sur des séquences d’apprentissage ana-logue de notre logiciel et avec des logiciels utilisés dansles écoles) il nous a paru évident que les facteurs clas-siques de l’utilisabilité (efficacité, efficience, satisfactionet compatibilité) étaient trop limités. C’est la raison pourlaquelle nous nous sommes intéressés aux émotions.

EMOTION ET COGNITION"Aesthetics matter: attractive things work better"[7].Cette affirmation de Norman prouve que l'on pourraaugmenter l'utilisabilité des produits par l'esthétique, dufait même que les belles choses permettraient une expé-rience d'interaction agréable. Si on ajoute a cet affirma-tion que la satisfaction de l'utilisateur est un critère pri-mordial d'utilisabilité, l’importance à accorder à l’esthé-tique de l’interface peut difficilement être remise encause. Mais il n’y a pas que l’esthétique qui peut aug-menter l’utilisabilité d’un produit.

Depuis quelques années les liens entre cognition et émo-tions ou affects sont considérés comme intéressants àétudier en psychologie ergonomique : on reconnaît queles émotions ont des effets sur la cognition et la cogni-tion a des effets sur les émotions [10]. Il s’agit d‘ailleursd’un nouveau champ de recherche de l’ergonomie en gé-néral [1]. Etudier les émotions c’est s’intéresser aussiaux affects, au stress, à la motivation. Ces études depsychologie cognitive s’appliquent en particulier auxinterfaces informatiques en essayant de répondre à laquestion de la beauté de l'interface, des affects qu'ellesuscite et des conséquences sur le fonctionnement cogni-tif des utilisateurs. Certains chercheurs, adeptes de la

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psychologie positive, avancent que les IHM et l’ingénie-rie de l’utilisabilite ont besoin d’un changement de direc-tion [3]. Ils doivent passer simplement de l’évitement desaspects négatifs de l’interaction avec les produits (er-reurs, stress, anxiété) vers une conception attrayante del’expérience utilisateur.

NOS HYPOTHESES : EMOTIONS ET CONTES DEGRIMMPour un certain nombre d’enseignants que nous avonsrencontré, les déficiences cognitives de la plupart de cesenfants proviennent de leur environnement familial et so-cial. Pour eux la déficience cognitive était bien souventliée à la déficience affective et à la violence.Suite à nos discussions avec les éducateurs et les enfantset aux différents tests utilisateurs nous avons fait l’hypo-thèse que les personnages des didacticiels proposés à cesenfants (mignons, charmants, aimables,…) sont trop éloi-gnés de leur monde. Pour cette raison nous avons choisil’espace virtuel des contes de Grimm qui relate deshistoires crues qui semblent réelles. Les enfants peuventplus facilement se reconnaître dans ce genre d’histoiresavec l’envie de s’identifier à des personnages victimes oubourreaux.Ainsi la réduction des troubles psychologiques occasion-nés par l’environnement social des enfants pourrait êtredétournée à travers l’interface du logiciel. Ainsi, le rap-port dominant/dominé ou enseignant/enseigné dans ce caspeut être inversé ce qui pourrait réduire la frustration dueà l’échec, l’angoisse due à des conflits internes perpétuelsdifficilement surmontables et le contrôle de l’impulsivité.

DIDACTICIEL DEVELOPPEPour tester nos hypothèses, dans le cadre de notre didac-ticiel « Clique et Gagne » nous avons développé deuxexercices correspondent à deux exercices du logiciel Adi-bou (un des didacticiels les plus utilisés dans les CLIS). Ils’agit d’un exercice de français (reconnaître les lettresdans les mots) et un autre de mathématiques (compter)immergés dans l’univers virtuel des contes de Grimm.

Figure 1 : Exercice de FrançaisPour l’exercice de Français, l’enfant doit aider Clochetteà parler à Peter Pan car elle a une trop petite voix pourqu’il puisse l’entendre. Clochette propose ainsi un mot,

symbolisé par une image, et l’enfant doit dire si Peter Panentend tel ou tel son. Pour l’exercice de mathématiques,les enfants perdus, ainsi que Wendy, Jean et Michel ontété kidnappés par le Capitaine Crochet. Ils ont étéattachés au mat du bateau des pirates. Clochette demandedonc à l’enfant de les libérer pendant que Peter Pan se batavec Crochet.

Figure 2 : Exercice de MathématiquesUne fois tous les enfants délivrés, l’enfant doit lescompter.

Figure 3 : Exercice de Mathématiques

EVALUATIONTests utilisateursLa comparaison entre notre didacticiel « Clique et Gagne(ClG) » et « Adibou 4/5 ans (Ad)» a porté sur deuxséquences ayant exactement les mêmes buts et les mêmestâches : l’une en français l’autre en mathématiques. Nousavons mené des tests utilisateurs avec deux groupes d’en-fants de CLIS (Classes d’Intégration Scolaire) : le pre-mier de 16 enfants (qui ont testé « Clic et Gagne ») et lesecond de 19 enfants (qui ont testé « Adibou ») : lamoyenne d’âge était de 9 ans dans chacun des 2 groupes.

Les enfants ont été observés lors de leurs manipulations àl’aide de grille de codification des comportements ainsiqu’un questionnaire de satisfaction.

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Les résultats sont éloquents. Par exemple les enfantscomprennent la consigne en mathématiques (94% avecCeG et 34% pour Ad). L’enfant aime l’histoire de ClGdans 62,5% des cas et 16% dans le cas d’Ad. Avec CeG,ils arrivent à changer d’exercice dans 100% des cas (resp.28% pour Ad), 56% finissent l’ensemble des exercicessans aide (resp. 28% pour Ad) et 6% montrent des signesd’énervement (resp. 36% pour Ad.). Pour Clic et Gagne(par rapport à Adibou), la navigation est beaucoup plusfacile, et le maintien de l’attention meilleur.

DISCUSSION ET CONCLUSIONCette recherche nous a permis de monter la mauvaise er-gonomie des didacticiels actuellement utilisés dans l’en-seignement dédié aux enfants déficients cognitifs rappe-lant une fois de plus à ces enfants leur différence. Le tra-vail pendant toute l’étude avec ces enfants et leurs éduca-teurs a abouti à l’élaboration d’un ensemble de recom-mandations ergonomiques et au développement de dif-férentes versions d’un didacticiel destiné à être utilisédans un cadre scolaire ou personnel. Mais le respect descritères ergonomiques classiques ne suffisait pas à rendreces didacticiels vraiment utiles. La prise en compte desémotions dans notre didacticiel par l’intermédiaire del’univers des contes de Grimm a permis de franchir en-core un pallier dans l’utilisabilité de notre didacticiel :c’est ce que montrent nos dernières évaluations. PourClic et Gagne, beaucoup d’enfants sourient d’avantagependant le jeu, heureux de voir la vidéo à la fin du jeu enguise de récompense. En même temps leurs performancesont été meilleures : ils comprennent mieux les consignes,sont plus autonomes, finissent plus nombreux lesexercices. Ils sont très heureux que la fée clochette les re-connaisse, les félicite, les appelle par leurs prénoms. Lemonde de Peter Pan a été beaucoup apprécié, car il a lepouvoir de volerNous avons ainsi pu confirmer un certain nombre de nosrecommandations. Par exemple que poser des questionsaux enfants indirectement leur évitait de risquer de setrouver en échec une fois de plus. Au lieu de leur deman-der « Trouve la réponse », il est préférable de lui dire« Aide le compagnon de jeu à trouver la réponse » ou« Aide Peter Pan à capturer les pirates ». Les enfants sesentent ainsi utiles et développent de la sympathie pourles personnages qu’ils soutiennent et se sentent plus im-pliqués dans la réussite de l’exercice.Mais introduire les émotions dans notre interface n’estpas neutre : cela revient à prendre en compte l’universquotidien de la majorité des enfants comme base de l’ap-prentissage. Au delà de cette interface cela revenait aussià choisir une autre approche pédagogique. Dans une pro-chaine étape, nous espérons pouvoir faire des tests utili-sateurs de notre didacticiel en laboratoire afin d’affiner etde compléter nos recommandations et de les mettre à ladisposition des concepteurs.

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Comportements des conducteurs vis-à-vis de nouveaux systèmes d'assistance à la conduite automobile en

situation critique

Chloé Pagot Master Rech. Ergonomie – Tuteur P. Rabardel Université Paris 8 – Laboratoire Paragraphe

Renault Research [email protected]

Claire Petit Renault Research Department

1, avenue du golf 78280 Guyancourt

[email protected]

Antoine Clarion Renault Research Department

1, avenue du golf 78280 Guyancourt

[email protected]

Christian ColletClaude Bernard University Lyon 1, CRIS

27-29 bd 11 novembre 69622 Villeurbanne

[email protected]

RESUMELe monde automobile subit actuellement d’importantes évolutions avec l’arrivée des systèmes d’aide à la conduite. Dédiées à l’amélioration du confort d’emploi et/ou de la sécurité, ces aides génèrent de nouvelles si-tuations d’usage qu’il convient d’étudier afin de s’assurer de la robustesse du couplage Homme-Machine. Cette étude a pour objectifs d’analyser le comportement et les stratégies des conducteurs utilisant un régulateur de vitesse en situation critique, par le biais de méthodes ergonomiques (analyse de l’activité, entretien d’explicitation) et d’indicateurs physiologiques (résis-tance et potentiel cutanés). Vingt-quatre volontaires ont participé à une campagne d’essais sur piste privée. La si-tuation critique a été ressentie par tous les sujets mais une seule minorité a évoqué un état de stress. Une forte charge des indicateurs émotionnels a pourtant été enre-gistrée à cet instant pour la totalité des conducteurs. Néanmoins, ils n’ont pas perdu leurs moyens et ont mis en place des stratégies pour garder le contrôle du véhi-cule.

MOTS CLES : Activité électrodermale, Comportement du conducteur, Situations critiques, Régulateur de vi-tesse.

ABSTRACT Traffic systems are undergoing important changes with the advent of intelligent transport systems (ITSs). Safety remains the predominant preoccupation when integrating an ITS into vehicles. Intelligent technologies may poten-tially improve traffic safety. They may also affect it ad-versely. Interactions between humans and ITSs should therefore be carefully evaluated.

According to these different points, the aim of this study is to know better and to be able to quantify alertness, at-tentionnal and emotional load of drivers while interact-ing with ITSs, by recording electrodermal indicators and using ergonomic methods. The aim of this study is to understand better drivers' behavior while using a cruise control system, in a particular critical situation. The ex-periment was performed on a private track and involved twenty-four drivers. All participants realized the abnor-mal situation and a minority felt a state of stress. How-ever an important emotion has been recorded at this moment for all participants. On the other hand, they didn’t lose their means and they have found strategies to keep the control of the vehicle.

KEYWORDS : Electrodermal activity, Driving behavior, Critical Situations, Cruise Control.

INTRODUCTIONL'objet de ce travail est d'améliorer la connaissance des comportements des conducteurs vis-à-vis de nouveaux systèmes d'assistance à la conduite, en particulier le ré-gulateur de vitesse. Normalement conçus pour faciliter sa tâche, ces systèmes d’aide nécessitent néanmoins que le conducteur interagisse avec eux. Certains fournissent de l’information, d’autres exigent que les opérations qu'ils effectuent soient surveillées par le conducteur ou qu'il leur donne des instructions : c’est dans ce cadre qu’il y a des interactions. Une tâche secondaire s'ajoute alors à la tâche principale de conduite. La conséquence non souhaitée est de placer le conducteur en situation de double tâche et d'augmenter la charge mentale globale, résultant du contrôle simultané des deux tâches. La compréhension des interactions homme/machine montre qu’il est possible parfois d’obtenir un effet inverse à ce-

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lui qui était voulu. Ce n'est qu'après une période d'ap-prentissage que le système devient réellement opération-nel, en abaissant la charge mentale du conducteur. Il y a donc nécessité d'un apprentissage de l'interaction avec le nouveau système qui ne deviendra efficace, sur le plan comportemental, qu'à partir du moment où son utilisa-tion aura été assimilée.

CADRE THÉORIQUE Le facteur humain est très souvent mis en cause dans les accidents de la route : dans un cas sur deux, un problème de perception du conducteur est mis en évidence. Per-ception et compréhension sont impliqués dans 85% des accidents étudiés. Cela suppose d’intégrer des systèmes techniques permettant d’assister le conducteur dans sa tâche de conduite [6]. Les progrès technologiques ont permis d’intégrer différents systèmes d’aide à la conduite à bord du véhicule (aide à la navigation, régula-teur de vitesse, etc.). Leur objectif principal est d’assister le conducteur essentiellement en prenant partiellement ou totalement en charge certaines sous-tâches de conduite. L’introduction de nouvelles technologies dans les automobiles et dans les infrastructures a pour rôle d’aider le conducteur lorsqu’il est confronté à des situa-tions inattendues, monotones ou dangereuses pouvant conduire à un accident. Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons plus particulièrment à l’utilisation d’un système d’aide en situation non nominale de conduite, sous contrainte temporelle et donc aux proces-sus qui conduisent à une interaction inadequate entre le conducteur et le système. Plusieurs mécanismes peuvent être à l’origine de la défaillance du processus d’interaction :1) La connaissance du fonctionnement du système est insuffisante. Un défaut d’apprentissage peut être à l’origine d’une mauvaise interaction avec un système qui peut aussi résulter d’un usage détourné et entraîner des situations non prévues par le concepteur. Elle peut être consécutive à un diagnostic erroné de la situation ou à des erreurs opératoires, des manœuvres incorrectes, ou enfin à une représentation mentale erronée des fonctions du système. Elle peut aussi découler d’une perte d’attention ou de baisse de vigilance, d’une délégation sans contrôle. 2) Le conducteur fait une erreur d'opération, celle-ci pouvant être liée à un excès de confiance dans le sys-tème. Le conducteur délègue au système une fonction qu'il exerce normalement. Il en résulte une diminution de la charge mentale générale puisque le système n'est sur-veillé que par une attention diffuse, faiblement coûteuse en ressources mentales. Le danger peut venir du passage de la délégation à la complaisance, surtout lorsque le conducteur pense que le système peut réaliser une tâche qu'il n'est en fait pas censé effectuer. Il faut donc éviter les dissonances entre ce que peut faire le système en termes d'assistance et ce que le conducteur croit que le système peut faire. En cas de situation inhabituelle, une reprise en main est nécessaire. Elle peut amener un re-

tour à la conduite nominale. Mais un état de stress élevé, induit par la situation, peut mener le conducteur à une action inappropriée sur le système ou le véhicule, et à un incident de conduite ou à un accident. Pour ce second type d'interaction, nous ne disposons pas actuellement d'études expérimentales systématiques. Il convient donc de pallier ce manque et c'est l'objet de cette étude. 3) Le comportement de conduite peut être modifié sous facteur de stress. En effet, un stress faible ou élevé est synonyme de mauvaises performances. Un état de stress entraîne toute une chaîne de dysfonctionnements du comportement : une difficulté d’analyse de la situation, un retard de décision (sidération, paralysie), un « blo-cage » de la mémorisation et une focalisation sur le pré-sent faisant oublier tous les acquis, une perte de contrôle pouvant aller jusqu’à la panique. Un fort stress peut éga-lement induire aussi une grande difficulté à se remémo-rer le déroulement des évènements a posteriori ; ce qui explique la discordance entre le discours et la réalité quand on relate un incident.

Le régulateur de vitesse, est choisi pour illustrer les pa-ragraphes précédents. L’objectif d’un tel système est d’attribuer une vitesse de croisière fixe au véhicule. Le conducteur n’agit donc plus sur les pédales et il peut re-prendre en main le véhicule dès qu’il le souhaite par di-verses opérations (appui sur le frein, sur le bouton de remise à zéro, sur l’embrayage, sur l’interrupteur princi-pal, en passant le point mort). Ainsi, chaque conducteur peut s’approprier ce système à sa façon mais le risque existe d’une représentation mentale erronée de ses fonc-tions. C’est aussi un des rares systèmes à ce jour qui oblige le conducteur à laisser la main à son véhicule et à la reprendre régulièrement. Une telle interaction peut en-traîner un diagnostic erroné de l’état du système. Enfin, le fait de ne plus avoir le pied sur l’accélérateur va à l’encontre des modes d’actions déjà acquis et peut en-traîner des défaillances du processus d’interaction Homme/Machine en cas de vigilance dégradée. En conséquence, sous forte contrainte temporelle et dans une situation à charge émotionnelle élevée, le conduc-teur peut alors ne plus parvenir à déconnecter le système et à maîtriser son véhicule. A travers cette étude nous allons tenter de répondre à trois hypothèses : i) En situation de conduite non nomi-nale, sous contrainte temporelle forte, en régulation de vitesse et après une première tentative de déconnexion rendue inopérante par l’expérimentateur, les conducteurs retenteraient exactement la même action, c'est-à-dire persévèreraient dans leur première idée. ii) Notre deuxième hypothèse s’intéresse aux réactions compor-tementales et physiologiques des conducteurs. Ces der-niers réagiraient différemment à la situation criti-que (panique, peur, stress, non perception de la situation critique, etc.), les réponses physiologiques seraient ainsi corrélées aux actions et au ressenti. iii) Enfin, nous sup-posons qu’il y aurait une différence d’utilisation du ré-gulateur de vitesse en fonction du niveau d’expertise des

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conducteurs. Les moins expérimentés auraient davantage tendance à déconnecter le régulateur par le frein dans l’objectif de ralentir alors que les plus expérimentés se serviraient des commandes au volant pour ajuster la vi-tesse, connaissant mieux le fonctionnement du régula-teur.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Capteurs physiologiques L’activité électrodermale est un bon indicateur de la charge mentale et de ses variations associées à une situa-tion et/ou à l’utilisation d’un système particulier [8], [7] ou pour quantifier l’habituation du conducteur à l’usage d’un nouveau système [2]. Le Système Nerveux Auto-nome (SNA) est connu pour donner une estimation du niveau d’éveil surtout à travers le système orthosympa-thique [1], [10]. Les glandes sudoripares eccrines sont responsables des variations de la conductance cutanée et sont innervées par des fibres sympathiques cholinergi-ques. Elles sont peu sensibles à la thermorégulation mais à des stimuli psychologiquement signifiants. Leur activa-tion est mesurable par les variations de la conductance (ou de son inverse, la résistance) et du potentiel cutanés.

Résistance cutanée. Elle est mesurée au moyen de deux électrodes Ag/AgCl impolarisables entre lesquelles on injecte un courant continu de 15 μA. Elles sont posi-tionnées suivant les recommandations traditionnelles [4] et fixées par du ruban adhésif sur la dernière phalange de l’index et du majeur de la main non dominante. L’activité phasique de la résistance se traduit par une chute rapide du signal en association avec un stimulus. Il a été montré qu’un indice temporel était plus fiable que les indices classiques basés sur le temps de retour à la valeur de base (ou de pré-stimulation) [12]. Le temps pendant lequel le sujet répond au stimulus définit la « durée de perturbation ohmique » (DPO) qui corres-pond à la durée pendant laquelle le sujet est sous l’influence du stimulus. Cette durée est également plus fiable que la mesure de l’amplitude de la réponse, dont la valeur est dépendante de la valeur initiale de la résis-tance cutanée [5]. La réponse électrodermale reflète l’intégration de processus cérébraux comme la réponse cognitive au stimulus [2].

Potentiel cutané. Sa mesure donne des informations sur l’état émotionnel du sujet. La différence de potentiel me-surée entre les deux électrodes placées sur le poignet peut être positive ou négative et évaluée par le Système de décodage de la réponse électrodermale (SYDER) [10]. Les réponses sont catégorisées selon leur forme et leur polarité. La réponse correspondant au poids émo-tionnel le plus faible est de type A+ et celle correspon-dant au poids émotionnel le plus fort correspond au type C-. Le potentiel cutané est enregistré en utilisant des électrodes auto adhésives Beckman de 78 mm2. L’électrode active est placée sur la face interne de

l’avant-bras, à la limite de l’articulation du poignet de la main non dominante. L’électrode de référence est placée dix centimètres plus haut sur l’avant bras.

Population de l’étudeAprès accord du médecin du travail, 24 employés de l’entreprise Renault, participent à une campagne d’essais sur piste privée correspondant à une voie rapide. Un questionnaire préliminaire sur les habitudes de conduite et l’utilisation du régulateur de vitesse nous a permis d’affiner la répartition des participants en trois groupes. Le premier, non expérimenté (Groupe A), est composé de six participants (deux femmes et quatre hommes) d’une moyenne d’âge de 37,2 ans ± 6,7. Ils ont très peu (vingt fois au maximum) voire jamais utilisé un régula-teur de vitesse. Le groupe B est constitué de huit partici-pants, dont une femme, âgés de 40 ans ± 8,1 ans ayant déjà utilisé un régulateur de vitesse mais de façon irrégu-lière. Leur pratique s’étend d’une trentaine de fois à quelques fois par mois voire par an. Ce groupe est consi-déré comme moyennement expérimenté. Enfin, le troi-sième groupe (Groupe C) comporte dix partcipants, dont une femme, d’une moyenne d’âge de 45,9 ans ± 8,1 ans. Ils sont plus expérimentés car conduisent fréquemment avec un régulateur de vitesse (plusieurs fois par se-maine).

Enregistrements mécaniques et vidéoOn recueille les données issues du véhicule : vitesse cou-rante et état du régulateur (instants de connexion / dé-connexion, modes actif / passif du système). On enregis-tre également en vidéo, à l’aide de quatre caméras, les pieds du conducteur, son visage, la scène routière avant, et le volant. Ces quatre prises de vue sont réunies sur un même écran via un quad. Grâce à elles, nous pourrons retracer exactement le comportement des conducteurs : appuis sur les pédales, positonnement des pieds, actions des mains, appuis sur les commandes du régulateur, orientation du regard, expressions du visage et mimiques faciales.Les données physiologiques, mécaniques et vidéo sont synchronisées.

Déroulement d’un essai L’expérimentation a lieu sur piste, à bord d’un véhicule équipé d’un double pédalier. Un copilote expérimenté qui peut reprendre en main le véhicule à tout moment et l’expérimentateur accompagnent le conducteur. A l’arrêt, tout d’abord, l’expérimentateur explique ou rap-pelle le fonctionnement du régulateur de vitesse au parti-cipant. La piste sur laquelle a lieu l’expérimentation si-mule une voie rapide. Elle est constituée d’une longue ligne droite et d’autres plus courtes et de plusieurs vira-ges où il est difficile de garder le régulateur de vitesse connecté. Nous voulons inciter le conducteur à le décon-necter au bout de la longue ligne droite à l’approche d’un virage.

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Le premier tour est une reconnaissance du parcours. Lors du deuxième, le participant teste les différentes commandes du régulateur. C’est une phase de familiarisation pour les moins expérimentés. Durant les tours suivants, (25 minutes de conduite), le participant a pour consigne de rester en ré-gulation à une vitesse de 110 km/h puis à 120 km/h. Il ne peut donc pas faire varier la vitesse de consigne. S’il sou-haite rouler plus ou moins vite, il doit alors déconnecter le régulateur de vitesse. Le deuxième objectif est de le mettre dans une situation de conduite la plus habituelle possible en favorisant la conversation avec le copilote et l’expérimentateur. Lors du dernier tour, comme pour les précédents, le conducteur doit naturellement déconnecter le régulateur à l’approche du virage pour ralentir son véhi-cule. Le but est alors de lui faire croire que son système est défaillant et d’étudier son comportement et ses stratégies compensatoires à partir de cet instant. En réalité, le système est parfaitement opérant mais nous empêchons volontaire-ment la déconnexion pendant deux actions consécutives du conducteur. On veut savoir si ce dernier, après un premier diagnostic, tente à nouveau de déconnecter le système en restant sur sa première décision ou s’il cherche une autre solution pour compenser cette défaillance supposée. Ce n’est qu’à la troisième déconnexion que le conducteur peut couper le régulateur. Durant les deux premières actions, s’il déconnecte le régulateur en freinant, il réussira à ralentir le véhicule, mais une fois le frein relâché, il accélèrera jusqu’à atteindre de nouveau la vitesse de consigne.

Méthode d’entretien d’explicitation de VermerschUn débriefing a lieu après la phase de conduite. L’entretien d’explicitation de Vermersch [9] a pour objectif de compa-rer l’activité réelle du conducteur et la perception qu’il en a eue. Il vise à faire verbaliser le participant sur ce qu’il a vé-cu durant l’essai : son ressenti, ses émotions.

Test de Stroop Après le débriefing, les participants passent le test de Stroop. Ce test, basé sur un conflit mots-couleurs, est l’un des plus utilisés pour mesurer la résistance au stress [3]. Il est composé de trois parties chronométrées de 90 secondes chacune. La difficulté du test est croissante. Le résultat à ce test est exprimé par une note allant de 0 à 10. Pour les clas-ses comprises entre 0 à 4 incluses, le participant est peu ré-sistant au stress (de moins en moins en allant vers 0). Pour les classes allant de 6 à 10 incluses, le participant est résis-tant au stress (de plus en plus en allant vers 10). La classe 5 est la classe intermédiaire. Les personnes recrutées pour cette étude sont moyenne-ment résistantes : 5,5 ± 3,1 pour le groupe A, 5,6 ± 2,9 pour le B et 5,7 ± 1,6 pour le C.Les participants ont également été répartis en trois groupes selon leur résistance au stress. Les sujets du groupe « Fai-ble résistance » (FA) avaient un score compris entre 1 et 3, les sujets du groupe « moyennement résistant au stress » (MY) avaient un score compris entre 4 et 6, les sujets du groupe « fortement résistant au stress » (FO) avaient un score compris entre 7 et 9.

RÉSULTATS

Stratégies de déconnexion Les vingt-quatre participants ont tous tenté au minimum trois actions pour déconnecter le régulateur de vitesse. Treize d’entre eux, groupes confondus, ont d’abord tenté de le déconnecter par un appui sur le bouton de mise à zéro (bouton O) situé au volant et les onze autres ont ap-puyé sur le frein. Pour la deuxième tentative, la pédale de frein a été majoritairement utilisée (seize sur vingt-quatre participants). Les huit autres ont appuyé sur le bouton O du volant. Enfin, pour la troisième action, c’est encore majoritairement la pédale de frein que les partici-pants ont utilisée (dix-sept cas sur vingt-quatre) puis le bouton (sept cas sur vingt-quatre). Ainsi, l’usage du frein est croissant de la première à la troisième action de déconnexion alors que l’usage du bouton varie en sens inverse. Nous avons voulu vérifier cette idée par un trai-tement statistique plus appronfondi d’après le test du Khi2, or les résultats s’avèrent non significatifs (Khi2=3,62, ddl= 2, p= .16). Il y a tout de même un effet, car les proportions s’inversent. Nous avons également réali-sé un autre tableau de contingence avec corrections de Yates en tenant compte cette fois-ci de la première et la troisième action. Les résultats ne sont pas significatifs mais se rapprochent du seuil de significativité (Khi2=2,14, ddl= 1, p= .14). Il y a bien une augmentation des actions de déconnexion en faveur du frein.Les stratégies de déconnexion intra-sujets de la première à la troisième action, révèlent six modes stratégiques (Tableau 1). Quatorze participants, c'est-à-dire la moitié, ont réessayé trois fois de suite la même action et dix d’entre eux ont eu recours à la pédale de frein.

Tableau 1 : Modes stratégiques de déconnexion du régulateur de vitesse

Modes Stratégiques Nombre de partici-pants

Frein – Frein - Frein 10 Bouton – Bouton - Bouton 4 Bouton – Bouton - Frein 4 Bouton – Frein - Frein 3

Bouton – Frein - Bouton 2 Frein – Frein - Bouton 1

Après les trois tentatives de déconnexion, treize partici-pants ont tenté une, voire trois autres actions supplémen-taires pensant que le régulateur de vitesse n’était tou-jours pas coupé. Sur ces treize participants, six ont ap-puyé sur le frein, six sur le bouton O et un seul a été chercher directement l’interrupteur principal situé sur la planche de bord à gauche du volant. Enfin trois partici-pants ont tenté une cinquième action par appui sur le frein. Les moyens de déconnexion les plus répandus sont donc les appuis sur le frein et sur le bouton de remise à zéro situé au volant. Sur les treize participants au total

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qui ont appuyé sur le bouton à la première déconnexion, huit d’entre eux ont retenté un autre appui immédiate-ment après. D’ailleurs, lors des entretiens, six partici-pants ont pensé avoir fait une erreur de manipulation ou un appui trop léger sur le bouton.Si nous nous intéressons à la répartition des trois premiè-res actions de déconnexion intra-groupe, nous pouvons noter que pour la première action (Figure 1), le groupe des moins expérimentés (Groupe A) favorise davantage le bouton O (66,67 % soit quatre participants sur six) contre 33,33 % au frein (deux sur six). Les groupes B et C utilisent autant le bouton que le frein.

Figure 1 : Première déconnexion des trois groupes en %

Pour la deuxième tentative de déconnexion, les trois groupes se comportent de façon plus hétérogène (Figure 2). Le groupe A refait exactement les mêmes actions que lors de la première tentative. Dans le groupe moyenne-ment expérimenté (Groupe B), 75 % ont freiné et les 25% autres se sont servis de la commande au volant. 80% des plus expérimentés (Groupe C) ont freiné et les 20% restants ont déconnecté au volant.

Figure 2 : Deuxième déconnexion des trois groupes en %

Lors de la troisième déconnexion (Figure 3), les partici-pants du groupe A ont inversé leur stratégie. 67 % ont utilisé la pédale de frein contre 33 % par appui sur le bouton. Les groupes C et B n’ont pas changé leur straté-gie, ils sont majoritaires à freiner (87,5 % pour le groupe B et 60 % pour le groupe C). Dans le groupe B, 12,5 % (soit un seul participant sur huit) ont eu recours au bou-ton et 40 % pour le groupe C.

0102030405060708090

%

Frein Bouton O

Groupe AGroupe BGroupe C

Figure 3 : Troisème déconnexion des trois groupes en %

VerbalisationsTous les participants se souviennent qu’un dysfonction-nement du régulateur s’est produit durant leur essai. Deux participants seulement ne se souviennent pas à quel moment exact du parcours cela s’est produit. Douze participants sur vingt-quatre ont pu retracer avec exacti-tude les diverses actions réalisées pour le déconnecter. Concernant l’état interne des participants, dix partici-pants ont ressenti un état de surprise. Cependant, dix conducteurs ont dit ne pas avoir été en situation de pani-que. Quatre participants ont tout de même mentionné qu’ils étaient un peu ou légèrement stressés. Un autre a évoqué une poussée d’adrénaline. Concernant les actions de déconnexion, il est intéressant de noter que trois par-ticipants ont mentionné ne pas avoir pensé au bouton si-tué au volant.

Comportement physiologique Pour chaque tour, l’instant de déconnexion du régulateur est repéré à la fois sur la vidéo et sur les enregistrements. Cet instant sert de temps de référence à partir duquel la réponse électrodermale (RED) induite par la décon-nexion est détectée. Ainsi on mesure pour chaque parti-cipant, sept RED dont la dernière correspond à la tenta-tive de déconnexion accompagnée d’un dysfonctionne-ment du système.

Résistance cutanée : Les signaux de résistance cutanée des vingt-quatre participants ont été exploités. La durée de perturbation ohmique (DPO) et la latence des RED associée à chaque déconnexion du régulateur ont été me-surées. Afin d’observer l’effet de la contrainte imposée par l’impossibilité de déconnecter le système, on com-pare les médianes des valeurs de la DPO et de latence mesurées sur les six tours pour lesquels le système a fonctionné normalement aux valeurs mesurées lors du dernier tour pour lequel la déconnexion du régulateur est impossible. L’analyse intra-sujets a montré une variation de la DPO entre les six premiers tours et le dernier tour (F(0,15) = 40.03, p< 0.001 avec une moyenne de 4,39 ± 2,17 pour les six premiers tours et une moyenne de 13,89 ± 7,36 pour le dernier tour). Les résultats sont pré-sentés dans la figure 4.

0

10

20

30

40

50

60

70

80%

Frein Bout on O

Groupe A

Groupe B

Groupe C

0

10

20

30

40

50

60

70

%

Frein Bout on O

Groupe A

Groupe B

Groupe C

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0

5

10

15

20

25

1-6 tours Dernier tour

DPO

Figure 4 : Variation de la DPO en fonction des six premiers tours et du dernier

Potentiel cutané : Les signaux de potentiel cutané de seize participants ont pu être exploités. Les réponses à la déconnexion du régulateur lors de chaque tour ont été quantifiées avec le système SYDER [9]. Nous avons comparé les réponses du potentiel par des tests du Khi2

sur les six premiers tours et le dernier en fonction de la valence et de la forme de la réponse. Une réponse est no-tée « 0 » lorsqu’il n’y a pas de variation sur la ligne de base. Les résultats du Khi² sur la valence et sur la forme de la réponse sont respectivement les suivants : Khi2

(valence) = 20.57, ddl = 2, p = .03 et Khi²(forme) = 32, ddl = 3, p < .0001. Les figures 5 et 6 illustrent ces don-nées.

+ + 0 _ _ 0

4

12

10

0

6

0

1 - 6 TOURS DERNIER TOUR

Figure 5 : Occurrences d’apparition des réponses classées se-lon leur valence pour les six premiers tours et le dernier

A 0 B C 0AB C

4

9

7

12

0 0 0 0

1 - 6 TOURS DERNIER TOUR

Figure 6 : Occurrence d’apparition des réponses classées selon leur forme pour les six premiers tours et le dernier

Le nombre de non-réponses diminue de façon significative entre les six premiers tours et le dernier. En effet une ré-ponse a été enregistrée chez tous les participants lors de ce dernier tour. Les réponses B et C apparaissent au dernier tour tandis que les réponses de type A disparaissent. De même, la valence évolue du positif au négatif lorsqu’on passe des 6 premiers tours au dernier. Toutes ces données témoignent d’une augmentation du stress engendré par la déconnexion impossible lors du dernier tour de piste.

DISCUSSIONL’analyse de l’activité des vingt-quatre participants mon-tre que pour faire face à la réaction inattendue du véhicule, les conducteurs ont mis en place des stratégies différentes de reprise en main du véhicule. Plus de la moitié a retenté exactement les mêmes actions lors des trois tentatives de déconnexion majoritairement en utilisant seulement la pé-dale de frein alors qu’ils avaient d’autres moyens pour ar-rêter le système : appui sur la pédale d’embrayage, appui sur l’interrupteur principal, point mort. Utiliser la pédale de frein serait peut être un moyen plus sécuritaire pour mieux gérer cette situation critique à pression temporelle assez conséquente ? Seul un participant a eu recours à l’interrupteur principal mais seulement à sa quatrième ac-tion. Un cinquième a persévéré deux fois de suite. Notre première hypothèse qui postulait que les conducteurs per-sévèreraient dans la même idée est donc en partie validée. Le choix stratégique a été de réitérer la même action. Cette réitération est sans doute la conséquence du caractère « urgent » de la situation. Cette persévérance dans le mode opératoire peut s’expliquer par le type même du res-senti de la « défaillance » provoquée du système : à l’instant où le conducteur freine, il ressent une décéléra-tion du véhicule et dès qu’il relâche son pied de la pédale, le véhicule réaccélère aussitôt pour atteindre à nouveau la vitesse de consigne. Les conducteurs ont donc éprouvé malgré tout une certaine confiance dans le système de freinage puisqu’ils ont obtenu ponctuellement le ralentis-sement désiré. La réaccélération a été très largement res-sentie et c’est d’ailleurs grâce à ce phénomène que les conducteurs se sont rendus compte de la « défaillance » provoquée du régulateur de vitesse.Notre deuxième hypothèse sur les différences entre les ré-actions physiologiques et le ressenti des participants, peut aussi en partie être confirmée. L’analyse des signaux élec-trodermaux montre que les charges émotionnelle et atten-tionnelle associées à la « défaillance » provoquée du sys-tème de déconnexion augmentent significativement par rapport aux déconnexions précédentes. La DPO s’est al-longée ce qui signifie que plus de ressources attentionnelles ont été mobilisées pour parvenir à déconnecter le régulateur de vitesse au dernier tour par rapport aux tours précédents. Les résultats obtenus sur le potentiel cutané vont dans le même sens : au dernier tour les non-réponses (de type 0) ont disparu, les taux de réponses de type B ont augmenté, des réponses de type C et de signe négatif sont apparues ; tout ceci traduit une élévation de la charge émotionnelle

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dans le dernier tour [11]. En revanche, les charges atten-tionnelle et émotionnelle ne sont pas corrélées aux caracté-ristiques individuelles du conducteur (habitude du régula-teur et résistance au stress). Les verbalisations post-essai montrent que le ressenti émotionnel des conducteurs s’avère différent des enregistrements physiologiques. Ayant réussi à gérer la situation, ils ont eu tendance à mi-nimiser ce ressenti alors que les enregistrements physiolo-giques témoignent en effet d’une augmentation importante de l’attention et du stress. De plus, compte tenu du carac-tère expérimental de la situation, les conducteurs savaient qu’ils étaient en sécurité. Il est aussi intéressant de constater que dans cette situation, finalement peu critique, seule la moitié des participants ont retracé avec exactitude le dérou-lement de leurs actions, permettant la reprise en main du véhicule. Cela laisse supposer que sous pression tempo-relle, en situation même peu critique, leurs récits ont eu tendance à se différencier de la réalité.Nous avons émis comme troisième hypothèse, que la ma-nière d’utiliser le régulateur de vitesse était très certaine-ment liée au niveau d’expertise des conducteurs. Les plus expérimentés se serviraient davantage du bouton de remise à zéro situé au volant pour le déconnecter alors que les moins expérimentés utiliseraient davantage la pédale de frein. Or, il s’avère d’après cette étude que ce sont majori-tairement les moins expérimentés qui ont plus utilisé le bouton. Cette hypothèse semble donc à rejeter mais ce ré-sultat peut être du essentiellement à la configuration de l’infrastructure. Les moins expérimentés anticipent l’action de déconnexion parce qu’ils ne maîtrisent pas encore par-faitement le système et se donnent ainsi une marge opéra-tionnelle. A cet endroit de la piste (ligne droite), une simple déconnexion suffit sans nécessité de freinage. Les plus ex-périmentés, quant à eux, ont voulu déconnecter leur régula-teur plus tard, à l’entrée du virage. A cet endroit, il était né-cessaire de ralentir le véhicule et une simple déconnexion n’était plus suffisante.

CONCLUSIONA travers cette étude, nous avons tenté d’analyser le com-portement du conducteur utilisant un régulateur de vitesse en situation critique, par le biais de deux approches : l’analyse de l’activité (ergonomie) et l’analyse des signaux électrodermaux (physiologie). Allier ces deux approches a pour grande richesse de confronter l’activité réelle des conducteurs, leurs différentes actions, leurs verbalisations, leurs ressentis à leurs états émotionnel et attentionnel réels durant la conduite. Dans cette étude, les conducteurs ont tous réussi à mettre en place des modes opératoires pour parvenir à maîtriser parfaitement la situation. Après l’essai, ils ont explicité leur ressenti ; ressenti qui s’est avéré en dé-calage à leur état émotionnel (dans le sens de la minimali-sation). Il serait intéressant maintenant d’étudier une situa-tion plus critique, soit en simulant une défaillance plus marquée du système de régulation, soit dans un environ-nement routier plus contraignant. La perception du stress

serait peut être plus importante. Bien évidemment, la sécu-rité des participants et des autres usagers devra être assurée.

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10. Vernet-Maury, E., Deschaumes-Molinaro, C., Del-homme, G., & Dittmar, A. Autonomic nervous sys-tem activity and mental workload. In Ullsberger, P. (Ed.), Psychophysiology of mental workload, Bun-desanstalt für Arbeitmedizin, Berlin, 1993, pp. 42-48.

11. Vernet-Maury, E., Robin, O., Caterini, R., Del-homme, G., & Dittmar, A., Economides, S. Skin po-tential polarity, predictor index of emotional load.Homeostasis, No. 37, 1996, pp. 145-154.

12. Vernet-Maury, E., Robin, O., & Dittmar, A. The Oh-mic perturbation duration : An original temporal in-dex to quantify electrodermal response. Behavioral Brain Research, No. 67, 1995, pp. 103–107.

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Évaluation d analogies scripturales pour la conceptiond une méthode de saisie en mobilité – Uni-Glyph.

Franck POIRIER

Laboratoire VALORIA - UBS& UMR TAMCIC

Campus de Tohannic - [email protected]

Mohammed BELATAR

Laboratoire VALORIA - UBS Campus de Tohannic - [email protected]

RESUMECet article décrit une évaluation en ligne des principesd’une méthode de saisie de texte en mobilité. Deux pro-positions pour la saisie des lettres sont analysées, l’unerepose sur une analogie avec les caractères majuscules etl’autre avec les caractères minuscules. Dans les deux cas,le clavier proposé a l’avantage de n’être composé que dequatre touches, ce qui rend la méthode de saisie adaptéeaux dispositifs mobiles à interfaces réduites ou à uncontexte d’interaction dégradée.

MOTS CLES : Saisie de texte, interfaces réduites, clavierréduit, évaluation, mobilité.

ABSTRACTThis paper presents the design of a new version of a mo-bile text entry method adapted to reduced interfaces ordegraded interaction. We describe an on-line experi-mentation for choosing the principles of the inputmethod according to the easiness of user adaptation. Twopropositions for the characters coding are compared, oneis based on a capital letter analogy and the second one ona small letter analogy.

KEYWORDS: Text input, soft keyboard, reduced key-board, evaluation, mobile devices.

INTRODUCTIONGlyph est une méthode de saisie de texte en mobilitéfondée sur un principe d’analogie entre la saisie etl’écriture scripte des caractères. Glyph repose sur unedécomposition des caractères en primitives (ou formesde base) [6]. Un jeu minimal de six primitives a été rete-nu pour représenter tous les caractères alphabétiques,numériques et spéciaux. Chaque caractère est codé parau plus 3 primitives [5].

Une deuxième version de Glyph, appelée Glyph 2, a étéproposée. Elle repose sur un codage de chaque caractèrepar exactement 2 primitives. Glyph 2 facilite sensible-ment l’apprentissage de la carte des caractères et permetune saisie plus rapide [7].

Le travail présenté dans cet article cherche à développerun système d’entrée de texte en mobilité encore plus per-formant où la saisie d’un caractère ne nécessiterait de dé-

signer qu’une seule primitive. Pour cette raison, cetteméthode est appelée Uni-Glyph. Par conception, ellepermet une saisie plus rapide et plus simple pourl’utilisateur, qui pourrait être adaptée aux personnes han-dicapées moteur.

Uni-Glyph permet la saisie à partir d’un clavier très li-mité (moins de 5 touches), ce qui présente les avantagessuivants :

• la saisie est moins fatigante car la distance entre lestouches est faible et le nombre de frappes par carac-tère (kspc) sur un clavier physique ou le nombre degestes par caractère sur un clavier logiciel (gpc) sontréduits au minimum,

• la saisie est plus rapide selon les principes de la loide Hick-Hyman [2] et de Fitts [1],

• le clavier est de taille limitée et peut être intégré fa-cilement à un dispositif interactif mobile (PDA, té-léphone mobile…).

Cet article montre que avec Uni-Glyph, il est possible decoder les caractères par une seule primitive et de limiterle clavier à 3 touches de primitives, chacune d’elles cor-respondant à deux primitives. Nous présentonsl’expérimentation qui a été menée pour choisir le jeu deprimitives et leur affectation au clavier d’Uni-Glyph.

PRINCIPE GENERAL D UNI-GLYPHChaque caractère de l’alphabet latin correspond à uneorganisation spécifique des primitives (hampes, traver-ses, arrondis…). Dans Glyph et Glyph 2, les caractèressont codés par une séquence de primitives qui corres-pond à l’organisation spatio-temporelle de l’écriture.Avec Uni-Glyph, chaque caractère est associé à la pri-mitive considérée comme la plus discriminante de cetteséquence (tableau 1).

La saisie d’un mot se fait par une suite de frappes sur latouche correspondant à la primitive associée à chaquelettre. Comme le nombre de caractères est bien supérieurau nombre de primitives, chaque touche correspond à unensemble de lettres. Le mot désiré doit donc être inférépar un prédicteur linguistique comme c’est le cas pourtous les claviers ambigus (SureType, TenGo, T9®,GORSUV).

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Mot à saisir h a s a r dDécomposition

GlyphSéquence deprimitives saisies

DécompositionGlyph2 Séquence de

primitives saisies

DécompositionUni-Glyph Séquence de

primitives saisies

Tableau 1 : Saisie avec Glyph, Glyph2 et principe de la saisieUni-Glyph.

La différence majeure entre Uni-Glyph et les autres mé-thodes de saisie est que les touches sont étiquetées pardes primitives et non par un ou plusieurs caractères.Cette particularité présente les avantages suivants :

• avec Uni-Glyph, le nombre de labels par touche esttrès limité, chaque touche contient deux primitives.Pour les autres méthodes, le nombre de lettres asso-ciées à chaque touche est fonction du nombre detouches, par exemple, avec le système de saisie T9,une touche correspond à une dizaine de caractères(par exemple, a b c 2 ä à æ ç… pour la touche 2) ;

• pour la plupart des méthodes, les labels sont affectésaux touches de façon à optimiser les résultats duprédicteur de mots. La disposition des lettres sur leclavier n’est donc ni familière, ni logique pourl’utilisateur. Le temps de recherche des touches s’entrouve augmenté, ce qui conduit souvent les utilisa-teurs à rejeter rapidement ces techniques de saisieambiguës. Avec Uni-Glyph, le nombre de primitivespar touche est si limité que ce temps de recherche estminimal, même pour un utilisateur novice.

Cependant, l’étiquetage des touches par des primitivesprésente l’inconvénient pour l’utilisateur de ne pas pou-voir s’appuyer directement sur sa « connaissance dumonde » [4] pour trouver la bonne touche par la simplelecture des labels sur les touches du clavier. Il doit avoiren tête le principe de décomposition en primitives etchoisir (frapper ou cliquer) la bonne primitive pour en-trer un caractère. Il doit donc s’appuyer sur ses« connaissances en tête », qu’il a acquises par apprentis-sage. À part les méthodes de saisie directe sur clavier al-phanumérique, toutes les autres méthodes de saisie(Graffiti®, EdgeWrite, T-Cube, QuikWriting…) présen-tent ce même inconvénient. Le postulat adopté ici estqu’il est plus avantageux dans un contexte d’interactiondégradée de disposer d’une interface de saisie très limi-tée plutôt que d’utiliser un clavier plus ou moins com-plet, même au prix d’un léger apprentissage.

CHOIX DES PRIMITIVES ET DU CODAGELe choix de l’organisation des primitives sur les touchesdu clavier doit répondre à une double contrainte : mini-miser le nombre de touches tout en minimisant le nom-bre de mots possibles pour une même séquence d’appuisde touches. Nous avons effectué une évaluation en ligneavec de « vrais » utilisateurs pour décider des basesmême de la méthode. Nous nous inspirons ainsi d’uneconception centrée sur l’utilisateur et recourons à uneévaluation formative. Il est à noter que, généralement,pour les autres méthodes de saisie, l’évaluationn’intervient qu’après le développement.

Préalablement, nous avons réalisé une étude statistiquepour comparer plusieurs organisations des primitives etle choix de la primitive codant chaque caractère en fonc-tion de deux analogies possibles, l’une avec l’écrituredes caractères minuscules (comme pour Glyph) et l’autreen majuscules (comme pour Graffiti®). Deux dictionnai-res de la langue française, l’un contenant 251 000 for-mes1 et l’autre 122 000 formes2, ont été utilisés pourcette étude statistique.

Nous avons étudié les différents principes suivants pourchoisir le meilleur codage d’une lettre par une seule pri-mitive relativement au critère de la minimisation del’ambiguïté lexicale :

• saisie de la première primitive selon le sens del’écriture (par exemple la lettre « M » est codée parla primitive « | »),

• saisie de la primitive considérée comme la plus pré-gnante (par exemple la lettre « M » est codée par laprimitive « \ »),

• saisie des boucles caractéristiques par l’une des pri-mitives « , , , » (par exemple la lettre « B »

est codée par la primitive « » dite « arrondi àdroite ») ; si le caractère ne comprend pas de boucle(par exemple la lettre « T »), frappe sur la touche« absence de boucle »,

• saisie de la primitive la plus rare sur le codage del’alphabet qui est présente dans le caractère (parexemple, « M » est codée par la primitive « \ » ou« / » car ces primitives sont moins utilisées que laprimitive « | » dans le codage des lettres).

Les deux solutions les plus discriminantes par rapport aunombre moyen de mots par séquence de primitives (am-biguïté lexicale) sont les suivantes :

• une analogie aux lettres minuscules selon le principede codage des boucles caractéristiques, dite« analogie minuscule » (figure 1).

1 Dictionnaire de mots communs de l’ABU, téléchargeable sur :http://abu.cnam.fr2 Base de données linguistique Lexique3, téléchargeable sur :http://www.lexique.org

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• une analogie aux lettres majuscules selon le principede rareté des primitives, dite « analogie majuscule »(figure 2).

Pour les analogies minuscule et majuscule, le nombremoyen de mots pour une séquence de primitives, dans ledictionnaire Lexique3, est respectivement de 3,36 et2,23.

Figure 1 : Table de caractères de l’analogie minuscule.

Figure 2 : Table de caractères de l’analogie majuscule.

EXPERIMENTATION EN LIGNEPour évaluer la facilité d’apprentissage des deux systè-mes de codage, nous avons mis sur le web un applet (ap-pliquette) Java permettant de recopier un ensemble demots [3] avec un clavier à 4 boutons. Les 6 primitivessont disposées le plus logiquement possible sur 3 bou-tons et un quatrième sert à la correction du dernier ca-ractère saisi, en cas d’erreur (figure 3). Le corpus utiliséest composé de 22 mots simples en français (138 lettres),choisis de façon à ce que les fréquences des lettres soientsimilaires à celles de la langue française et qu’ils ne pré-sentent aucune difficulté ou ambiguïté pouvant entraînerdes fautes d’orthographe.

Applet 1 : minuscules Applet 2 : majusculesFigure 3 : Applets utilisés dans l’expérience.

Nous avons lancé des appels à participation sur plusieursforums de discussions générales pour pouvoir recruterfacilement des testeurs anonymes relativement diversi-fiés (âges, situations, centres d’intérêt). Ils sont tous ex-térieurs à notre laboratoire, n’ont pas participé à laconception de Glyph et ne connaissent pas cette mé-thode. Cette démarche permet d’éviter le biais des expé-riences en laboratoire, la saisie s’est donc effectuée enconditions quasi réelles, mais sans contrôle direct.

Les testeurs ne peuvent essayer qu’une seule des deuxanalogies (contrôle par cookie). Pour chaque testeur, à lapremière session, l’une des deux analogies est aléatoire-ment proposée. Après une explication courte à l’écran duprincipe de la décomposition et du choix des primitives,les sujets sont invités à recopier correctement la liste demots présentés dans un ordre aléatoire. Le programmeenregistre pour chaque sujet diverses informationscomme son identifiant, son âge, s’il utilise ou non unclavier logiciel et sa vitesse de saisie, calculée sur uncourt texte généré aléatoirement.

À la fin de chaque session, la durée totale de saisie des138 lettres et le nombre total de frappes sont enregistrés.Les applets conservent aussi, dans des fichiers de "log",

la trace complète du déroulement de chaque session, enparticulier toutes les erreurs de saisie.

RESULTATS ET DISCUSSION117 internautes ont participé à l’expérience, 58 ont faitau moins une session complète. Les autres ont abandon-né avant la fin de la première session, ce qui est fréquentsur le Net. Les essais incomplets n’ont pas été enregis-trés. Le nombre de sessions complètes s’élève à 119. Letableau 2 indique la distribution du nombre de sessions.

Session1 2 3 4 5 6 7

Total

Applet 1 22 9 6 5 5 2 2 51Applet 2 36 14 7 5 3 2 1 68Total par session 58 23 13 10 8 4 3 119

Tableau 2 : Nombre de participants par session.

Les figures 4 et 5 présentent les résultats des sujets ayantfait au moins 3 sessions. Il est à noter que pour les deuxméthodes, dès la troisième session, la vitesse de saisie estquasi stable. Au cours des deux premières sessions, lessujets découvrent Uni-Glyph, ils atteignent une bonnevitesse de saisie dès la troisième session, puis continuentà s’améliorer légèrement aux sessions suivantes.

100

150

200

250

300

350

1 2 3 4 5 6 7Sessions

Tem

ps d

e s

ais

ie (

s)

Sujet1

Sujet2

Sujet3

Sujet4

Sujet5

Sujet6

MOYENNE

Figure 4 : Temps de la saisie de l’analogie minuscule.

Le temps minimal de saisie pour chaque méthode estde 115 secondes à la 5e session pour l’analogie minus-cule et de 98 secondes à la 4e session pour l’analogiemajuscule.

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Une saisie sans aucune erreur a été réalisée dès la 3e ses-sion avec l’analogie majuscule, alors que sur l’analogieminuscule, le premier essai sans erreur n’arrive qu’à la 6e

session. La figure 6 compare les vitesses de saisie enmots par minute (wpm) sur les trois premières sessionspour les deux méthodes (en prenant en compte les sup-pressions de l’entrée erronée). La figure 7 compare lestaux d’erreur moyens.

50

100

150

200

250

300

350

400

450

500

1 2 3 4 5 6 7Sessions

Tem

ps (

s)

Sujet1

Sujet2

Sujet3

Sujet4

Sujet5

Sujet6

Sujet7

MOYENNE

Figure 5 : Temps de la saisie de l’analogie majuscule.

5,91

10,0310,35

8,67

8,58

6,17

5,00

6,00

7,00

8,00

9,00

10,00

11,00

1 2 3sessions

WP

M

MAJ

MIN

Figure 6 : Comparaison des vitesses de saisie (wpm).

25,47%

4,55%

33,33%

16,91%

10,63%

5,59%

0%

5%

10%

15%

20%

25%

30%

35%

1 2 3sessions

tau

x d

'err

eu

rs

MAJ

MIN

Figure 7 : Comparaison des taux d’erreur.

La différence sur le nombre de mots saisis par minuteentre les deux méthodes n’est pas significative. En re-vanche, le taux d’erreur reste élevé pour l’analogie mi-nuscule : à la troisième session, il est supérieur au doubledu taux d’erreur de l’analogie majuscule (respectivement10,63% et 4,55%). Une analyse détaillée des erreurscommises (figure 8) montre que les sujets ont plus dedifficulté à mémoriser certains caractères. Seule la lettre« r » pose réellement un problème pour les deux analo-gies. La lettre « l » entraîne des erreurs pour l’analogieminuscule. Pour saisir « r » selon l’analogie minuscule,les sujets cliquent souvent sur la touche correspondant àla primitive « », à la place de la primitive « | », car ilconsidère que « r » comporte une boucle. Inversement,pour la lettre « l », ils saisissent « | », à la place de la

primitive de boucle « ». Pour l’analogie majuscule, lessujets privilégient parfois les primitives associées au dé-but de l’écriture, c’est le cas pour la lettre « R », où ilscliquent sur les touches « | — » ou « », alors que latouche attendue est « / \ ». La même erreur se retrouvepour la saisie de « P » où la touche « | — » est parfoispréférée à la touche « ».

0

50

100

150

200

250

300

350

400

e s a i t n r u l o d c m p v q f g b h j x y z k w

Lettres selon leurs fréquences en français

Mo

yen

ne d

'err

eu

rs s

ur

100 s

essio

ns MAJ

MIN

Figure 8 : Erreurs moyennes par lettre.

CONCLUSION ET PERSPECTIVESLes résultats obtenus à l’issue de cette évaluation per-mettent de comparer la facilité d’apprentissage de cha-cune des deux analogies. Ces résultats, comme les appré-ciations qualitatives des sujets sur les forums de discus-sions, montrent que l’analogie majuscule est nettementpréférable. Les erreurs constatées doivent conduire à uncodage différent ou à un changement de la présentationde certaines lettres dans la table des caractères.

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Un pas vers un outil d’aide aux évaluateurs desystèmes interactifs à base d’agents

Abdelwaheb Trabelsi, Houcine Ezzedine

LAMIH - UMR CNRS 8530Le Mont Houy, F-59313 Valenciennes cedex 9, France

{ Abdelwaheb.Trabelsi, Houcine.Ezzedine}@univ-valenciennes.fr

RESUMECet article s’intéresse à l’évaluation de systèmes interac-tifs à base d’agents. Pour de tels systèmes, il est impor-tant de disposer de méthodes d’évaluation adaptées. La première version d’un outil automatique pour l’évaluation de systèmes interactifs à base d’agents est proposée. Le cadre applicatif concerne la supervision d’un réseau de transport.

MOTS CLES : système interactif, agent, architecture, méthode d’évaluation, outil automatique.

ABSTRACT This paper concerns evaluation of agent based interac-tive systems. For such systems, it is important to use adapted evaluation methods. The first version of an automatic tool for evaluating agent based interactive sys-tems is proposed. The application field concerns the su-pervision of transport network.

KEYWORDS : interactive system, agent, architecture, evaluation method, automatic tool.

INTRODUCTIONL’évaluation des systèmes interactifs sous l’angle de leur ergonomie d’utilisation est, depuis plus d’une trentaine d’années, un domaine à part entière, et largement traité dans la communauté, aussi bien nationale qu’internationale, en IHM. Les méthodes et outils d'éva-luation actuellement disponibles sont nombreux et variés (observations, oculométrie, interviews, mouchards élec-toniques, questionnaires, tests utilisateurs, méthodes d'inspection, systèmes automatiques à base de connais-sances, etc.) [2,15,18,20]. Ils ont fait l’objet de plusieurs classifications sur lesquelles nous ne reviendrons pas par manque de place. Tous présentent des avantages et des inconvénients et aucun d'eux ne peut prétendre à une évaluation exhaustive d’un système. La plupart de ces méthodes et outils sont largement utilisés dans certaines entreprises. Des méthodes aussi bien automatiques qu’empiriques, ou des variantes de ces méthodes, appa-raissent progressivement, suivant les besoins et les spéci-ficités inhérentes à l’évolution des sciences et technolo-gies de l’information et de la communication ; par exemple de nouvelles architectures et nouveaux systè-

mes à base d’agents font leur apparition et entrainent de nouvelles problématiques en IHM [16]. Dans l’article, nous nous intéressons à la notion d’outil de recueil d’information pour l’évaluation de systèmes interactifs à base d’agents, qu’il s’agit le plus souvent de combiner avec des approches plus traditionnelles (tests utilisateurs, interviews, questionnaires, etc.) ; nous décrivons la pre-mière version d’un outil de ce type. Nous travaillons sur celui-ci dans un contexte de système interactif de super-vision lié aux réseaux de transports en commun (bus, tramway).

NOUVELLES ARCHITECTURES A BASE D’AGENTS POUR LES SYSTEMES INTERACTIFS La définition de l’architecture du système interactif constitue un domaine de recherche à part entière et plu-sieurs modèles d’architecture sont proposés dans la litté-rature [6] (figure 1). Une première catégorie est consti-tuée des modèles dits centralisés, les plus connus étant le modèle initiateur (le modèle Langage), le modèle dit de Seeheim et ARCH, ces deux modèles ayant fait l’objet de différentes variantes. Une deuxième catégorie est celle des modèles qualifiés de répartis, tels MVC (cf. le langage Smalltalk ; voir aussi ses variantes actuelles, par ex. le framework MVC2 [12]), PAC (et ses variantes, telles Compact dédié à la plasticité [4] et AMF [22] ; ces modèles sont aussi appelés multi-agents, et ont fait émerger l’idée de décomposer le système interactif selon un ensemble d’agents, ce qui nous intéresse ici particu-lièrement. Des modèles hybrides visant à tirer profit des deux types d’architecture précédents ont vu le jour, tels le modèle PAC-Amodeus [19], le modèle H4 [13] et le modèle MultiCouche [10]. Notons que des recherches visent à peaufiner ou à adapter les modèles répartis pour des contextes de travail coopératif : citons sans souci d’exhaustivité : IRVO, Clover, AMF-C, PAC+3, Co-PAC, PAC* (la plupart décrits dans [5]) ou plus récem-ment C-MVC [17]. La plupart de ces approches tirent profit des concepts d’agent et de leurs qualités potentiel-les en terme d’autonomie, de réactivité ou encore de communication avec l’environnement [11] ; cependant, en conséquence se pose le problème de l’évaluation des systèmes interactifs basés sur ces nouvelles architectu-res. A notre connaissance, les évaluateurs sont démunis à ce sujet.

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Figure 1 : Vers de nouveaux types de modèles d’architecture pour les systèmes interactifs.

DES OUTILS DE RECUEIL D’INFORMATION POURL’EVALUATION AU BESOIN D’OUTILS POUR LESSYSTEMES INTERACTIFS A BASE D’AGENTSDans un article très complet, Hilbert et Redmiles [14]ont passé en revue un ensemble d’outils et de principesgénéraux contribuant au recueil d’information provenantde l’utilisateur, dans un but d’évaluation (voir aussi[3]) dans des contextes d’interaction avec un système in-teractif : identification des évènements utilisateurs, priseen compte ou non du contexte, de la tâche, synchronisa-tion et recherche des événements, transformation selondes séquences, détection et comparaison de séquences, statistiques descriptives, visualisation…. Cependant,lorsque le système se compose d’agents plus ou moinsintelligents (au sens de Ferber [11]) et répartis dans le système complet, ce travail devient plus difficile. Dans un but d’évaluation aussi bien techniquequ’ergonomique, il s’agit de recuillir puis d’étudierl’ensemble des interactions entre, d’une part les utilisa-teurs et les agents, et d’autre part entre les agents eux-mêmes. Ceci nécessite d’envisager de nouveaux outilsd’aide aux évaluateurs de tels systèmes interactifs. La partie suivante résume nos premiers travaux à ce sujet.

CONTRIBUTIONNous décrivons d’abord le cadre global envisagé enterme d’architecture. Puis nous expliquons les principesd’un outil d’aide à l’évaluation ayant fait l’objet d’unepremière version. Enfin, nous résumons le cadre applica-tif complexe dans lequel celui-ci est exploité.

Cadre global en terme d’architectureNous partons sur l’hypothèse, en nous inspirant d’une part du modèle du cadre général offert par le modèle de Seeheim, et d’autre part de la possibilité de répartir desagents dans chacun des modules, que l’architecture viséesuit le principe de celle visible en figure 2. Les troiscomposants regroupent des agents, respectivement appe-lées : agents d’application (manipulent les concepts du domaine), agents contrôleurs de dialogue (offrent à lafois des services à l’application et à la présentation),

agents de présentation (ou agents d’interface). Tous ces agents communiquent entre eux pour répondre aux ac-tions de l’utilisateur. Cette communication peut être considérée comme des services entre agents et modéliséepar les réseaux de Petri de haut niveau [21]. Ce cadre général est décrit plus en détail dans [8].

Modèles Hybrides

Modèles CentralisésModèles Répartis

AMFPAC

MVC

ARCH

SEEHEIM

H4 MultiCouche

PAC-Amodeus

Modèles pour les collecticiels

Clover

PAC+3

IRVOAMF-C

Langage

CoPAC

PAC*Exploitationexplicite ouimplicite du conceptd’agent

C-MVC

Modèles Hybrides

Modèles CentralisésModèles Répartis

AMFPAC

MVC

ARCH

SEEHEIM

H4 MultiCouche

PAC-Amodeus

Modèles pour les collecticiels

Clover

PAC+3

IRVOAMF-C

Langage

CoPAC

PAC*Exploitationexplicite ouimplicite du conceptd’agent

C-MVC

UtilisateurContrôleur de

dialoguePrésentationInterface avec

l’application

ApplicationUtilisateur

Contrôleur de dialogue

PrésentationInterface avecl’application

Application

Figure 2 : Cadre global pour l’architecture.

Principes de l’outil d’aide à l’évaluation proposéL’outil d’aide à l’évaluation est composé de plusieursmodules (Figure 3). Le module mouchard est constituéde plusieurs agents mouchard déduits à partir del’architecture du système à évaluer et plus particulière-ment à partir du système multi-agent de présentation :l’existence d’un agent au niveau du système interactif conduit à la création d’un agent mouchard (dans un butd’étude de faisabilité, nous supposons que le nombred’agents est raisonnable, de l’ordre d’une vingtaine aux maximum).

Une fois les données recueillies automatiquement lors des interactions homme-machine par les agents mou-chards, elles sont exploitées par le module de générationde RdP agent [7]. Ce dernier est lui-même composé dedeux modules générateurs de RdP agent : de la tâche àRéaliser (modèle de tâche) et de la tâche Observée (mo-dèle de l’activité) (respectivement O et R sur la figure 3)et deux bases BSA et BMT. La Base de Spécificationdes Agents (BSA, Cf. figure 3) contient la définition(pour chaque agent) des ensembles E (ensemble des évènements), C (ensemble des conditions), R (ensembledes ressources), Acv (ensemble des Actions visibles tel-les que l’action de l’opérateur humain utilisant la sourisou le clavier et la réaction de l’interface par affichagedes nouvelles fenêtres et/ou changement de leurs conte-nus), Acn (ensemble des Actions non visibles concer-nant les interactions entre agents internes de l’interface) ce qui permet et facilite leur exploitation par le modulede génération de RdP agents. La Base des Modèles destâches (BMT) se décompose en (1) BMT (O) quicontient les modèles des tâches humaines Observées (quisont générées par le module de génération de RdPagents), (2) BMT (R) qui contient les modèles de réfé-rence des tâches à réaliser par les opérateurs humains,introduits par les concepteurs/évaluateurs via le moduleSimulation-Confrontation-Spécification de RdP agents(fig. 3). Ce dernier module offre aux évalua-teurs/concepteurs les 3 fonctionnalités suivantes : (1) lasimulation de RdP agents (visualisation de la dynamiquedu RdP agents et en conséquent de la dynamique de

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l’IHM), (2) la confrontation de RdP agents où il s’agitselon les principes décrits dans [1], de faciliter aux éva-luateurs l’identification de problèmes ergonomiqueséventuels liés à l’utilisabilité du système interactif (parex. s’apercevoir que le RdP agents du modèle de la tâcheobservée contient des états en plus c’est-à-dire quel’utilisateur passe par des étapes inutiles, ou alors que le temps pris pour réaliser une tâche est bien supérieur à celui prévu au départ par les évaluateurs/concepteurs, (3) la spécification de RdP agents qui consiste en la mise à la disposition des évaluateurs/concepteurs de moyens(fenêtres) permettant la gestion (saisie, modification,…)de spécification des agents, autrement dit la définitiondes ensembles E, C, R, Acv, Acn, et leur stockage dansla base BSA.

Figure 3 : Architecture de l’outil proposé.

CADRE APPLICATIFNotre cadre d’application est le Système d’Aide à l’Information voyageurs (SAI) qui devrait être utilisé à terme dans la future salle de régulation du réseau de bus et tramway de Valenciennes ; ce travail est réalisé encollaboration avec un partenaire industriel (Semurval) etdifférents laboratoires (LAGIS, INRETS, LAMIH). Nous avons contribué à la spécification et la conceptiond’une première version à base d’agents du SAI [23] qu’ils’agit maintenant d’évaluer en combinant différentes techniques et méthodes incluant les principes du mou-chard décrit plus haut. La figure 4 montre un aperçu de la correspondance entre agents constitutifs du SAI et la création d’agents mouchards intégrés à l’outil d’aide. Par exemple AgV étant un type d’agent d’interface chargé de fournir à l’utilisateur une vue sur un véhicule (par ex.une rame de tramway en fonctionnement), un agent de type AgMV sera chargé d’enregistrer l’ensemble des in-teractions en rapport avec un agent concret du type AgV.Plusieurs agents mouchards sont décrits dans [9]. Deux mouchards particuliers sont ajoutés (non visibles sur lafigure 4) : un mouchard Souris assure l’enregistrementdes mouvements et des clicks sur la souris (par le régula-

teur humain) ; un mouchard Clavier assurel’enregistrement des messages saisis par le clavier ousimplement des touches utilisées (Entrée, Echap). Nousdonnons un aperçu dans ce qui suit de l’IHM de cet outild’aide à l’évaluation.

AgETAgEL

AgSAgVAgM

SAI

AgMS AgMV AgMM

AgMEL

AgMET

AgEL : Agent Etat LigneAgET : Agent Etat du TraficAgM : Agent MessageAgS : Agent StationAgV : Agent Véhicule

AgMEL : Agent Mouchard Etat LigneAgMET : Agent Mouchard Etat du TraficAgMM : Agent Mouchard MessageAgMS : Agent Mouchard StationAgMV : Agent Mouchard Véhicule

AgETAgEL

AgSAgVAgM

SAI

AgMS AgMV AgMM

AgMEL

AgMET

AgEL : Agent Etat LigneAgET : Agent Etat du TraficAgM : Agent MessageAgS : Agent StationAgV : Agent Véhicule

AgMEL : Agent Mouchard Etat LigneAgMET : Agent Mouchard Etat du TraficAgMM : Agent Mouchard MessageAgMS : Agent Mouchard StationAgMV : Agent Mouchard Véhicule

Module de génération

de RdPAgents

Module Simulation RdP agents/Confrontation RdP agents /

Spécification des Agents

BMT

O R

BSA

Ag1

Ag2

Stockagede

données

?

évaluateur

Ag3

Agn

IHM

ori

enté

e ag

ents

Modulemouchard

Module de génération

de RdPAgents

Module Simulation RdP agents/Confrontation RdP agents /

Spécification des Agents

BMT

O R

BSABSA

Ag1

Ag2

Stockagede

données

??

évaluateur

Ag3

Agn

IHM

ori

enté

e ag

ents

Modulemouchard

Figure 4 : Correspondance entre agents du système et agents mouchards.

Aperçu de l’IHM de l’outil d’aide à l’évaluationLa figure 5 présente une vue globale de l’IHM synthéti-sant les agents mouchards. Chaque agent Mouchard dis-pose de trois « onglets ».

Figure 5 : Vue globale de l’IHM de l’outil d’aide

Le premier onglet (Enregistrement) permet pour l’instantl’affichage de la durée de visualisation de l’agent d’interface correspondant. Cette durée est représentée enminutes et en pourcentage. Cet onglet permet aussi la vi-sualisation du nombre d’utilisations des différents com-posants de l’agent d’interface correspondant dans leSAI. Le deuxième onglet (Analyse) permet l’affichage d’un histogramme en 3D représentant le nombred’utilisations des composants des agents d’interface du SAI. Cet histogramme permet d’avoir une idée sur laproportion d’utilisation des composants. La figure 6

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montre un exemple d’histogramme ; on distingue lesfonctionnalités de l’agent Station à savoir : le click surles boutons Ok, Annuler et Editer ; le click sur les on-glets Passage 1 et passage 2 qui représentent l’horaire du passage des deux prochains véhicules par la station.

Figure 6 : Utilisation des composants de l’interface

Le troisième onglet (Recommandations), en cours d’étude, permettra de proposer des recommandations àl’évaluateur afin de reboucler sur la spécification et laréalisation de l’interface. Les recommandations fournies pourront se baser sur des règles ergonomiques existan-tes. Nous proposons dans un premier temps une analyseséparée des données, autrement dit chaque agent mou-chard analysera les données dont il dispose afin de four-nir le maximum d’informations et de recommandations àl’évaluateur. Sachant que les données récupérées par lesdifférents agents sont parfois contradictoires, il devientintéressant de les confronter afin d’obtenir des informa-tions et des recommandations pour le jugement etl’amélioration de l’IHM. La première version de l’outild’aide, écrit en C++, est terminée. La connexion entre leSAI et le mouchard s’effectue via un réseau local ; en cas de problème de transmission de données, un agentmouchard superviseur assure, soit la bonne reprise deconnexion ou bien la déconnexion (en toute sécurité) desdeux systèmes.

CONCLUSIONDans la mesure où, dans différents domainesd’application, on se dirige maintenant vers de nouveauxtypes de systèmes interactifs possédant des architecturesà base d’agents, il est maintenant nécessaire d’outiller les démarches d’évaluation de tels systèmes. Les principesde la première version d’un outil d’aide à l’évaluation desystèmes interactifs à base d’agents ont été expliqués ;cet outil est actuellement testé dans un contexted’application interactive de supervision d’un réseau detransports. Des tests de faisabilité sont en cours. Nosperspectives consistent en (1) une évaluation en gran-deur réelle avec de véritables régulateurs du trafic de buset tramway de Valenciennes, (2) l’intégration deconnaissances ergonomiques dans le systèmed’évaluation.

REMERCIEMENTSLes auteurs remercient la Région Nord-Pas de Calais etle FEDER qui ont contribué à financer ces recherches (projets TAC MIAOU et EUCUE, projet TAT SART).

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Evaluation précoce et conception orientée évaluation Jean-Claude Tarby

Laboratoire Trigone, Institut CUEEP Université Lille 1

59655 Villeneuve d’Ascq Cedex, France [email protected]

tel. : (33)3 20 43 32 62 --- fax : (33)3 20 43 32 01

RESUME Evaluer la façon dont les personnes utilisent les applications peut être réalisé par de nombreuses techniques de recueil et d’analyse. Plutôt que de mettre en place un système de trace après la conception, nous proposons ici de concevoir les applications en greffant dès le début un tel système. Ce système est débrayable et produit des traces « orientées usage » au niveau du noyau fonctionnel et de l’IHM. Ces traces fournissent des informations plus complètes et plus facilement exploitables lors des phases d’évaluation. Cette conception orientée évaluation repose sur les tâches et la programmation par aspects.

MOTS CLES : usage, trace, programmation par aspects, modèles de tâches.

ABSTRACT To evaluate how people use the applications, many techniques can be applied. Rather than to set up a system of trace after the design, we propose here to design the applications by grafting from the very start a system of trace more complete and more easily exploitable at the time of evaluation. This system is disengageable and provides use oriented traces at the level of the functional core and the user interface. This oriented evaluation design is based on tasks and aspect oriented programming.

KEYWORDS: use, trace, aspect oriented programming, task model.

INTRODUCTION Evaluer la façon dont les personnes utilisent les applications peut être réalisé par de nombreuses techniques de recueil et d’analyse [7,15]. Cependant, si les traces recueillies ne sont qu’une suite d’événements de bas niveau (clics souris, appels de méthodes…), il est difficile de comparer l’utilisation réelle à celle qui était prévue. Plutôt que de mettre en place un système de trace après la conception, nous proposons ici de concevoir les applications en greffant dès le début un tel système. Ce système est débrayable et produit des traces « orientées usage » au niveau du noyau fonctionnel et de l’IHM. Ces traces fournissent des informations plus complètes et plus facilement exploitables lors des phases d’évaluation. Cette conception orientée évaluationrepose sur les tâches et la programmation par aspects.

La première partie de l’article explique ce que nous entendons par conception orientée évaluation. La seconde partie explique le principe général de notre démarche. La conception basée sur les tâches et la programmation orientée aspects constituent les quatrième et cinquième parties. Une sixième partie donne un aperçu de ce que l’on peut récupérer comme information. Une conclusion et des perspectives sont données pour terminer.

CONCEPTION ORIENTEE EVALUATION Notre travail s’inscrit dans le domaine des usages. Nous nous intéressons à l’évaluation des usages, et non pas à des évaluations en terme de Génie Logiciel telles que la robustesse d’une application ou l’optimisation des échanges entre objets. Notre objectif général est d’évaluer comment les utilisateurs mettent en pratique des applications, et si ces mises en pratique dépendent de la conception (analyse des tâches, modélisation du domaine métier, etc.) et/ou de l’IHM. Le moyen mis en œuvre pour atteindre cet objectif est la production de traces « orientées usage ».

Les traces que nous générons ne sont donc pas des traces d’exécution vues de l’intérieur, comme le font certains outils de Génie Logiciel (trace de l’exécution des méthodes et des appels de méthodes entre objets, etc.). Au contraire, nos traces « orientées usage » sont produites par le noyau fonctionnel et par l’IHM, et du fait de cette double génération, il nous est possible d’examiner le comportement de l’utilisateur, ainsi que l’évolution de son comportement. De même, il nous est possible de découvrir non seulement comment une personne utilise une application, mais aussi de constater, par exemple si son comportement évolue au fur et à mesure de l’utilisation de l’application (par exemple sur une période de quelques jours ou quelques mois) ; si l’IHM répond aux attentes du concepteur (est-ce que l’usage effectif correspond à l’usage attendu ?) ; si un même utilisateur change de comportement en fonction d’IHM différentes ou « changeantes » mais avec un noyau fonctionnel identique, par exemple avec des IHM « plastiques » [4] ; ou bien encore si des personnes distinctes utilisent la même IHM de façons différentes.

Par ailleurs, le développement des applications mobiles nous encourage à travailler dans ce sens. En effet, le recours aux laboratoires d’utilisabilité pour rendre

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compte du mode de fonctionnement des utilisateurs n’est plus possible pour ce type d’applications. Etant donné qu’on ne peut pas embarquer un laboratoire d’utilisabilité avec chaque utilisateur, une solution est d’embarquer un système de trace dans les applications mobiles et ce système fera remonter les informations aux évaluateurs. Cette approche tend à se développer comme le montre [8].

Même si les applications sur station de travail, y compris les sites web, sont plus faciles à évaluer, il n’en reste pas moins que les évolutions technologiques (périphériques à retour d’effort, mondes virtuels, interactions par les gestes, etc.) sont de plus en plus diversifiées et que leurs usages en condition réelle deviennent compliqués à évaluer. Beaucoup de travaux concernent la conception orientée objet et les traces [10,12]. Le recours à des méthodes telles que la nôtre devrait améliorer les évaluations dans ce cas.

PRINCIPE GENERAL Plutôt que d’ajouter des mécanismes d’évaluation aprèsla conception, nous intégrons ces mécanismes dès le début de la conception. Nous sommes conscients que ceci peut être un inconvénient puisque cela oblige à respecter les règles que nous énonçons plus loin, mais nous pensons que le bénéfice qui en est retiré contrebalance de loin cet inconvénient.

Pour réaliser cette intégration de mécanismes de traces, nous proposons une « méthodologie générale » de conception. Cette méthodologie repose sur 5 « phases » : • Une conception basée sur les tâches est

recommandée, mais non obligatoire. En effet, étant donné l’orientation usage de notre travail, il est plus aisé de tracer les actions de l’utilisateur si le noyau fonctionnel et l’IHM ont été conçus à partir d’une modélisation des tâches de l’utilisateur.

• Les éléments à tracer sont choisis durant la conception. Pour l’instant, cela concerne principalement les tâches (noyau fonctionnel) et les actions sur l’IHM. On décidera de tracer par exemple le début, la fin ou l’interruption de telle ou telle tâche, l’ouverture de telle fenêtre, la sélection dans une liste déroulante, etc. Les paramètres à prendre en compte sont également identifiés lors de ces décisions.

• On procède ensuite à l’insertion des « marqueurs » de traçage, dans le noyau fonctionnel et/ou dans l’IHM. Il est vital que ces marqueurs de traçage ne perturbent en rien l’exécution normale de l’application. Ceci permet de faire fonctionner l’application en mode « normal », c'est-à-dire « traçage inactif », ou en mode « traçage actif ». Le traçage est donc débrayable.

• Lors de l’exécution en mode « traçage actif », les traces sont produites et stockées dans des fichiers

extérieurs, et ce dans des formats paramétrables extérieurement.

• La dernière phase est l’analyse de traces, cette analyse pouvant se faire en temps réel ou différé.

UNE CONCEPTION BASEE SUR LES TACHES Les approches orientées tâches en conception sont primordiales si l’on considère un aspect usage. Malheureusement, ces approches sont majoritairementutilisées en amont de la conception, et leurs bénéfices s’estompent au fur et à mesure de l’avancement de la conception. Ainsi, il est difficile de vérifier à la fin de la conception que l’application est effectivement utilisée de la façon dont on l’avait prévu. Les techniques de recueil, d’interviews, etc., et le recours aux laboratoires d’utilisabilité sont une solution. On peut également recourir à des applications qui espionnent l’exécution et qui génèrent des fichiers d’événements. Certains travaux [3,13] sont basés sur cette approche et génèrent des modèles de tâches effectives, qui sont ensuite comparés avec le modèle de tâches prescrites. Des travaux comme [6] sont également basés sur la modélisation des tâches.

Récemment, nous avons montré que si, dès le départ de la conception, nous possédons une structure propre de code permettant l’extension de ses fonctionnalités [11], nous pouvions en particulier intégrer aisément un mécanisme de traces [5]. Bien que cette approche présente des avantages, nous l’avons écartée pour l’instant car elle oblige les concepteurs à respecter une structure de code particulière. Nous nous sommes donc orientés vers une autre solution pour l’intégration des traces.

TRACES ET PROGRAMMATION PAR ASPECTS Notre postulat étant qu’une application doit fonctionner de la même manière qu’elle soit tracée ou non, nous utilisons une séparation propre de l’application et du système de trace1. Pour cela, nous utilisons l’approche basée sur la programmation par aspects [14,19]. En effet, beaucoup de travaux concernent l’utilisation des aspects pour le traçage des applications et des approches comme [1,21] semblent très prometteuses. La programmation par aspects repose sur une séparation « propre » du code de l’application et des « aspects » qu’on lui ajoute. Par ailleurs, la programmation par aspects peut s’appliquer à beaucoup de langages (Java [2,22], C++, PHP [20]…). Beaucoup de solutions sont alors envisageables pour les traces. Nous en étudions deux plus particulièrement actuellement.

Marquage des méthodes devant être tracées. Dans ce cas, lors de l’écriture du code, les méthodes qui devront 1 Ce type de séparation propre est à rapprocher des patrons de conception MVC et « Separation of Concern ». De même que l’on peut « greffer » des vues sur un modèle, on doit pouvoir « greffer » des outils de trace sur une application.

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être tracées voient leurs noms modifiés (suffixés ou préfixés avec le mot « trace »). Ainsi, si on veut tracer la méthode , alors on écrira

ou . Les appels de ces méthodes sont interceptés par des « aspects » qui sont à l’écoute d’appels de méthodes

ou . Ces aspects peuvent récupérer les paramètres de la méthode ainsi que d’autres informations, par exemple l’objet appelant. Bien que relativement simple à mettre en œuvre, cette solution a l’inconvénient de générer des traces peu exploitables. En effet, les paramètres reçus sont ceux que l’application tracée manipule et ne respectent donc pas un format cohérent entre les méthodes tracées. L’analyse des traces est donc beaucoup plus compliquée à effectuer, que ce soit par un humain ou par un programme.

Ajouts explicites de fonctions de trace. Cette solution est plus simple et plus puissante que la précédente, mais elle ajoute des appels « parasites » dans l’application de base. Ces appels parasites peuvent être réalisés manuellement par le concepteur, mais il semble intéressant de les générer automatiquement à partir des modèles de tâches (ou lors de la génération du code) une fois que les informations à tracer ont été déterminées2. De plus, le parasitage occasionné par ces nouveaux appels de méthodes est compensé largement par la totale liberté de choix des paramètres que l’on désire envoyer au système de trace. Avec cette solution, il suffit : 1. d’ajouter les appels de méthodes de trace et de

spécifier les paramètres à tracer ; 2. d’écrire dans l’application finale une méthode

« vide » ayant pour objectif de faire réussir les appels de trace lorsque aucun système de trace n’est à l’écoute de l’application. Cette méthode vide peut en outre être également générée automatiquement lors de la génération des appels « parasites » vus plus haut.

3. de récupérer les appels aux méthodes par des aspects. Ceci est une caractéristique de base des aspects et peut se faire avec différents langages.

4. de récupérer les paramètres passés lors de l’appel. Ceci est également fourni par les aspects.

5. de décoder ces paramètres et de produire la trace. Notons qu’il est possible de spécifier des politiques de trace : politiques globales (par exemple pour l’ensemble des tâches) et politiques locales (par exemple uniquement sur les tâches interactives). Des systèmes comme [23] intègrent ce genre d’approche.

Ces deux solutions sont très simples, et demandent peu de modifications du code initial (exempt de trace). Dans 2 Ainsi, avec des outils type CTTE [18] ou TAMOT [17], il suffirait d’ajouter une propriété « trace » aux tâches. On peut imaginer, dans un premier temps, que cette propriété est composée d’un booléen, indiquant si on trace ou non la tâche, et des paramètres destinés à être envoyés au système de trace.

les deux cas, grâce au principe de la programmation par aspects, les méthodes concernées sont indépendantes du système de trace, celui-ci étant « à l’écoute » de ce qui se passe dans l’application.

Afin de rendre les traces le plus interprétables possible, nous avons choisi de définir le format des traces dans un fichier XML séparé, ce qui nous permet de générer des traces dans des formats différents tout en émettant les mêmes informations depuis l’application tracée. Ceci est intéressant par exemple lorsqu’on veut tracer « en local » sur des périphériques mobiles disposant de peu de mémoire permanente. Bien que généralement nous privilégions des traces au format XML, la définition extérieure du format permet alors de générer des fichiers textes très compacts (non XML), comme cela est fait par exemple dans [8].

Pour que cette solution fonctionne, le concepteur doit décrire au préalable les formats de trace qu’il souhaite utiliser. Ainsi, il est possible de définir une multitude de formats différents au sein d’une même application, contrairement à la première solution qui a été présentée. De façon générale, l’appel d’une méthode sera de la forme « », le nombre de paramètres pouvant être différent pour chaque format de trace. Ainsi, le déclenchement d’un méthode est capté par le système de trace grâce aux aspects qui récupèrent alors les paramètres de cette méthode. Une fois ces paramètres récupérés (dont le nom du format à utiliser), le système de trace stocke les informations dans le format adéquat. Notons que les informations peuvent par conséquent être stockées dans un ordre et un format différents, de même que certaines informations peuvent être supprimées.

Exemple : l’utilisation d’une calculatrice pourra être couplée à des appels tels que

ou

, et ce dans la même application. En se basant sur le fichier de format extérieur, on pourra écrire des traces telles que

ou

. S’il s’avère que le format n’est pas intéressant, il suffira de le modifier ou de le remplacer sans que cela perturbe l’application.

Les traces peuvent être produites en local, c'est-à-dire sur la machine hébergeant l’application, ou envoyées sur une machine distante. Les politiques de trace peuvent elles-mêmes être décrites dans les fichiers de format de trace.

UTILISATION DES TRACES Nous envisageons de fournir différents types de traitements, et d’outils pour analyser les traces. Parmi ceux-ci, citons des outils de : - compactage : il n’est pas toujours possible de produire

des traces de façon optimisée dès le départ. Des outils

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de compactage devront permettre de réduire la taille des fichiers produits, tout en optimisant la lisibilité ;

- filtrage : lors de l’analyse des traces, il devra être possible de ne travailler que sur une partie des traces, par exemple les traces pour l’utilisateur X, ou pour le rôle Y, ou pour telle date, ou tel type de tâche, etc.

- comparaison/recoupement : par exemple, comparaison entre les traces des tâches effectives et le modèle de tâches prescrites ;

- statistiques : temps moyen pour telle tâche, pourcentage d’abandons, etc.

CONCLUSION ET PERSPECTIVES Nous avons montré dans cet article qu’il est possible de mettre en place des systèmes de traces dès la conception, ces systèmes étant « débrayables » et ne perturbant aucunement le fonctionnement normal des applications. Le format des traces générées est paramétrable, permettant ainsi de choisir des formats de trace adaptés au type d’évaluation visée. L’évaluation des usages peut ainsi être mise en place plus facilement et donner de meilleurs résultats. Des applications sont actuellement testées avec l’approche décrite ici (modèles de tâches, programmation par aspects, formats de traces extérieurs). Par ailleurs, nous pensons rapprocher notre travail de [16] afin de tester l’usage des composants lorsqu’ils sont implantés dans de nouveaux contextes.

REMERCIEMENTS L’auteur remercie pour leurs supports financiers partiels le programme MIAOU du contrat de plan Etat Région Nord Pas de Calais et le FEDER.

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ARTICLES COURTS APPLIQUES

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L’innovation par l’analyse des performances humaines : application de l’ergonomie à la

conception de produits cosmétiques

Éric Brangier Université Paul Verlaine – Metz

Laboratoire de Psychologie de Lorraine, Équipe Transdisciplinaire sur l’Interaction et la Cognition. BP 30309. Île du Saulcy

F 57006 Metz cedex 1 [email protected]

Jean-Christophe Simon Senior Manager - Consumer Science and Technology

Application Laboratory K)PSS - Kao Professional Salon Services

Research & Development Pfungstaedter Strasse 92 – 100

64297 Darmstadt, Germany [email protected]

RESUME Cette communication courte restitue une recherche ap-pliquée menée dans le domaine de la cosmétique qui a cherché à mesurer les performances des utilisateurs pour apprécier la facilité d’utilisation d’une mousse coiffante. Les scores objectifs (durée, temps mis, nom-bre de modes opératoires...) et les évaluations subjecti-ves (sentiment d’avoir réussi…) montrent que les écarts de performance entre les attendus du produit et la réali-té mesurée sont importants et indiquent en même temps des voies d’innovation pour améliorer le produit.

MOTS CLES : Performance de l’utilisateur, ergonomie des produits, cosmétique.

ABSTRACT This short communication restores an industrial re-search undertaken in the field of the cosmetic which sought to measure the performance of the users to ap-preciate the usability of a styling mousse. The meas-urement of the users performances (duration, time, number of procedures...) and their subjective evalua-tions (success feeling...) show that the variations of per-formance between the awaited of the product and meas-ured reality, are important and indicate the ways to im-prove the product.

KEYWORDS: User performance, ergonomics of con-sumers products, cosmetics.

INTRODUCTIONCette communication vise à restituer une recherche ap-pliquée dans le domaine de l’innovation des produits de grande consommation. Il s’agit de rendre compte d’une démarche ergonomique destinée à comprendre les usa-ges observés lors d’une expérimentation en laboratoire d’usage sur des produits cosmétiques, en l’occurrence une mousse coiffante destinée à embellir les coiffures féminines. Si le sujet de l’application de l’ergonomie à l’analyse des mousses coiffantes peut apparaître léger

et cocasse, soulignons bien que cette recherche corres-pond à une demande industrielle précise, argumentée et fondée qui fut initiée par une sollicitation d’un des trois plus grands groupes mondiaux de produits capillaires professionnels. Cette recherche s’inscrit donc dans la vo-lonté de connaître très clairement les activités réelles af-férentes à la tâche de soin capillaire de manière à avoir une analyse des modes d’usage des produits auprès de différents utilisateurs. Plus particulièrement, notre objec-tif est de montrer que l’analyse des performances des uti-lisateurs est un indicateur utile à l’amélioration des pro-duits. En effet, de mauvais scores de performance hu-maine sont à interpréter comme relevant d’inadaptation du produit aux usages réels ou attendus. Par voie de conséquence, nous montrerons que l’étude de la perfor-mance est un moyen d’innover en faisant des produits mieux adaptés.

Pour ce faire, nous développerons un cadre théorique qui soulignera que l’ergonomie est un grand absent de la recherche cosmétique. Puis nous proposerons une dé-marche d’amélioration des produits basés sur l’étude en laboratoire des performances humaines. La présentation de la méthodologie sera suivie de l’analyse des princi-paux résultats.

ORIENTATION THEORIQUE Psychologie du geste cosmétique Les recherches en psychologie de la cosmétique ont es-sentiellement été menées selon une approche sociale qui a focalisé son intérêt sur les effets complexes du geste cosmétique [4] et en particulier le maquillage facial [6] et les inférences personnologiques qui lui sont attachées. Ces travaux reprennent l’idée que la beauté est une sorte de moteur à produire des inférences sociales [2] sur la personnalité, la profession, le jugement d’attirance, l’attractivité physique, les stéréotypes de beauté, la com-pétence sociale, l’efficacité professionnelle, la stabilité psychologique et la compétence intellectuelle… en bref sur toute une série de processus psychosociaux com-

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plexes et encore assez mal identifiés. D’ailleurs, une synthèse [3] réalisée sur 133 études portant sur la psy-chologie de la beauté souligna toute la complexité de la beauté et de l’ensemble des traits et processus qu’elle recouvre. La performance du geste cosmétique est donc encore, sur le plan psychologique, assez méconnue.

Quant à l’ergonomie, elle demeure le grand absent de ces recherches, qui se préoccupent plus de la percep-tion sociale des résultats des soins cosmétiques (ma-quillage, manucure, coiffure, teinture) que de la réalité des activités des utilisateurs. Or, les efforts de Recher-che et Développement nécessaires pour développer une formulation performante et compétitive sont de plus en plus importants et permettent d’optimiser la chimie de ces produits, qui, si l’utilisation est mauvaise, peuvent provoquer un résultat final inesthétique, voire désas-treux.

Approche ergonomique en cosmétique : faire des produits adaptés à l’usage. Pourtant, la répétition croissante du geste cosmétique dans toutes les sociétés fait que les attentes pour une meilleure compréhension de cet usage sont particuliè-rement fortes chez les industriels. Car en effet, les pro-duits cosmétiques sont aujourd’hui dotés de fonctionna-lités de plus en plus nombreuses, complexes et diversi-fiées (effet lissant, volume, brillant, anti-frise…). Pour que l’humain puisse en profiter pleinement, ces pro-duits doivent être faciles à utiliser et donc présenter un haut niveau d’utilisabilité afin de garantir la perfor-mance du soin et la qualité des résultats attendus et ob-tenus. De ce point de vue, le geste cosmétique peut être appréhendé comme étant une tâche plus ou moins orga-nisée dans un espace-temps, finalisée selon un but d’amélioration de sa beauté, inscrite socialement et dé-terminée, au moins partiellement, par les caractéristi-ques des produits cosmétiques utilisés par la personne. En accord avec les acquis de l’ergonomie, nous pou-vons donc appréhender l’amélioration du geste cosmé-tique par une analyse des usages et des performances mesurées lors des usages.

Cadre d’amélioration des produits : la boucle usage-adaptation-reconception En s’inspirant de la proposition de Landauer [5] qui af-firme qu’en conception de produits nouveaux la théorie n’apporte finalement que peu de chose et qu’une dé-marche itérative de conception-évaluation-reconception suffit souvent à développer des systèmes adaptés ; Brangier et Bastien [1] soutiennent l’idée qu’une des contributions de l’ergonomie à l’innovation s’appuie sur l’analyse de la manière dont les individus s’adaptent aux systèmes et adaptent les systèmes aux buts et usa-ges qu’ils se fixent (figure 1). De ce point de vue, une forme d’innovation repose sur le recensement des adap-tations faites par les individus. Ces adaptations corres-pondent tantôt à des formes d’inventivité, de tours de

mains spécifiques, de forme d’intelligence de la tâche… et tantôt à des contraintes, des difficultés, des dysfonc-tionnements qui complexifient la tâche de l’opérateur et baissent ses performances. Par voie de conséquence, la compréhension des adaptations/inadaptations permet de définir de nouveaux usages (qui entraîneront à leur tour des adaptations, et ainsi de suite).

Figure 1. La dynamique du système humain-technologie : la boucle usage-adaptation-reconception (Brangier & Bastien,

2006).

PROBLEMATIQUE GENERALE Le problème central posé est donc d’apprécier la capacité de l’analyse des performances à dégager des indices d’amélioration des produits. Plus particulièrement, il s’agit donc de voir en quoi l’analyse des performances humaines du geste cosmétique dégage des pistes pour la reconception innovante des produits. Notre hypothèse de travail est donc de considérer, premièrement que l’analyse des performances dans l’utilisation de mousses coiffantes sera à même d’identifier divers processus adaptatifs élaborés par les personnes, et deuxièmement, que la compréhension de ces adaptations est une source utile à l’innovation.

ORIENTATIONS METHODOLOGIQUES La méthode utilisée pour cette recherche est assez explo-ratoire. En effet, les travaux d’ergonomie des produits cosmétiques sont inexistants et les méthodes d’investigation sont donc à inventer1. Globalement, la méthodologie a cherché à connaître l’activité réelle de l’utilisateur d’une mousse coiffante, à produire des résul-tats mesurables et objectivables dans une situation expé-rimentale reconstituée en laboratoire. Dix personnes ont participé durant environ 90 minutes à plusieurs expérien-ces. Ici, nous ne relaterons que le test du produit qui a consisté en une expérimentation filmée par trois caméras où les personnes recevaient la consigne de se coiffer en utilisant le produit styling mousse. Il s’agit donc d’une mesure de la performance dans l’utilisation du produit, toutes les personnes étant placées dans la même situation.

L’échantillon.Dans le cas de cette expérience, la constitution d’un échantillon a été faite en relation avec la demande de l’entreprise selon les caractéristiques suivantes :– Sexe : 9 femmes + 1 homme.

1 En fait, la principale difficulté tient à la dimension assez intime de l’expérience. Le maquillage, le coiffage et plus généralement les soins corporels relèvent de pratiques personnelles, intimes et à l’abri des ca-méras d’une expérience en ergonomie.

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– Cheveux : type caucasien, en général à longueur d’épaule ;

– Age de 20 à 35 ans + 1 femme « mature » (environ 45 ans) ;

– Pratiques capillaires : coiffeur une fois par mois (à 6 semaines), deux à trois lavages de cheveux par semaine, utilisation de produit de coiffure 3 fois par semaine environ ;

– Trois ans minima d’expérience des produits capil-laires (autres que shampoing) ;

– Cheveux propres, lavés du matin ou de la veille au soir, sans aucun produit au début de l’expérience.

Aucune instruction d’utilisation du produit n’a été communiquée aux participants.

Caractéristiques des données recherchées dans la mesure de la performance Les mesures de performance ont porté sur les données observées réellement et pas sur la manière dont la per-sonne s’imagine son geste cosmétique. La recherche des faits réels, et pas des perceptions sociales, a présidé la collecte des données. Cette dernière s’est notamment centrée sur : – Les temps mis pour réaliser la tâche. – La quantité et la durée des comportements

d’interaction manuelle avec les instruments (pei-gne, brosse, serviette, eau…).

– La quantité et la durée des postures (debout, plié, oscillant…).

– La quantité et la durée de la prise d’information vi-suelle (se regarder dans le miroir ou prendre des informations dans l’environnement).

– Les modes opératoires et leurs enchaînements. – Le sentiment déclaré d’avoir réussi la tâche. – L’appréciation de sa coiffure après le test et trois

jours après le test, lors d’un entretien téléphonique. Notre analyse de la performance doit donc être enten-due comme relevant d’une triple conception : – La performance est l’action : elle est donc un pro-

cessus qui se manifeste à un moment dans un contexte.

– La performance est le résultat de l’action : il s’agit donc de mesurer les résultats obtenus.

– La performance est le succès ressenti : la perfor-mance contient également un jugement de valeur.

PRESENTATION DE QUELQUES RESULTATS Les résultats ont été analysés selon des techniques er-gonomiques (et logicielles) permettant d’identifier les comportements types, de compter le nombre de com-portements pour chaque utilisateur, de comptabiliser la durée des modes opératoires. De cette manière, les ré-sultats permettent d’aboutir à une vision extrêmement précise (au 40/1000 de seconde) de ce que les utilisa-teurs font réellement lorsqu’ils utilisent une mousse coiffante. Ces techniques objectives ont été complétées par des techniques plus subjectives visant à comprendre

les sensibilités et les représentations de chaque utilisa-teur. Malgré le faible nombre de sujets (10 personnes), les analyses mettent en évidence les points suivants : – Se faire une coiffure avec une mousse coiffante est

une tâche qui mobilise à la fois une activité manuelle (geste, mouvement, sensation), visuelle (prise d’information dans le miroir, ajustement des modes opératoires) et posturale (mouvement du corps dans l’environnement, être debout, courber, osciller) ;

– Cette tâche implique au total 31 sortes de compor-tements manuels (prendre le flacon, agiter le flacon, appliquer la mousse…) ;

– Aucun des 10 utilisateurs ne réalise la totalité des 31 comportements observés, ils se limitent à en faire en-tre 16/31 et 22/31. L’écart comportemental entre chaque utilisateur est donc important. Chose très in-téressante, il n’existe pas de procédure partagée par la totalité, ni la majorité des utilisateurs.

– En moyenne, la tâche est réalisée en 5 minutes, im-plique 36 à 37 interactions manuelles, nécessite en-viron 10 changements de postures et suppose une trentaine de prises d’informations visuelles différentes. Cette moyenne cache des différences énormes entre les utilisateurs. Par exemple : les durées sont très variables : une femme prit 1mm et 45s à se coiffer alors qu’une autre mit 9mn et 19s. Autre exemple : la femme S6 (ancienne coiffeuse professionnelle) ne fait que 17 modes opératoires, tandis que certaines en font beaucoup plus (jusqu’à 64 opérations !). – La prise d’information visuelle sur soi est très impor-tante : en moyenne 54,35% du temps est passé à se regarder dans le miroir. L’utilisateur regarde le mi-roir pour répondre à ses attentes perceptives en ayant un feed-back sur son schéma d’action. Grâce à l’interaction visuelle, l’utilisateur évalue, modifie, ajuste ou valide son mode opératoire.

– Selon les situations et les personnes, la variation des temps de regard est énorme : de 200 millisecondes à 4 minutes ! Par contre les temps moyens sont faibles 9 à 11 secondes suffisent à prendre l’information sur soi ou sur son environnement.

– Lorsque le niveau d’expérience est élevé (une per-sonne était une ancienne coiffeuse avec 12 ans d’expérience) les prises d’informations visuelles sont faibles, l’utilisateur maîtrise parfaitement sa tâche et n’a pas besoin d’information visuelle, sa représenta-tion mentale lui suffit à guider ses comportements de coiffure.

– Les transitions comportementales (passage d’une ac-tion à une autre action) sont irrégulières entre les dif-férents utilisateurs. Par conséquence, les régularités comportementales sont faibles, peu nombreuses et peu partagées. Chacun fait à sa manière et personne ne fait comme tout le monde (alors que les personnes ont toutes une expérience personnelle et domestique d’au moins trois ans en soins coiffants) ! Il y a donc une opportunité à diffuser et partager des connais-

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sances pertinentes pour faciliter l’usage du produit. En effet, trop d’utilisateurs font des erreurs (seu-lement 2/10 savent utiliser le produit selon les attendus de l’entreprise), il faut donc donner un modèle pertinent de la tâche à l’utilisateur et ainsi rendre le produit plus intelligent pour que l’utilisateur se sente lui-même plus expert !

En somme, le résultat fondamental de ce test de per-formance est de démontrer que la qualité d’un produit coiffant ne dépend pas seulement de sa formule chimi-que ou de son image marketing, mais aussi de la ma-nière dont les personnes l’utilisent. Pour satisfaire l’uti-lisateur, il faut donc intégrer au produit la manière dont il utilise le produit. Après s’être focalisée sur les as-pects techniques (physique, chimique…), la conception des nouveaux produits doit maintenant être centrée sur l’humain et donc intégrer l’ergonomie des usages.

INNOVER EN INTEGRANT LA PERFORMANCE DU FACTEUR HUMAIN AUX PRODUITS COSMETIQUES Sans entrer dans les secrets industriels, cette étude des performances souligne que l’amélioration des produits peut s’effectuer selon deux axes complémentaires. – La simplification de la tâche. Le client souhaite se

simplifier la vie et ainsi bénéficier de produits qui optimiseront sa qualité de vie. Le produit peut se donner pour objectif de simplifier les tâches de coiffure, d’améliorer l’efficacité, l’efficience et la satisfaction de l’utilisateur, en bref : faire progres-ser la qualité de la prestation et de faire en sorte que lors de la première utilisation, la personne ob-tienne une performance (objective et subjective) qui soit analogue à celle d’une coiffeuse. La sim-plification sera obtenue par une réduction du coût cognitif et opératoire de l’usage.

– L’enseignement des manières d’utiliser le produit. Une autre solution pour améliorer l’utilisation du produit est d’enseigner à l’utilisateur ce qu’il doit faire (pré-conditions, sous-tâches, modes opératoi-res, post-conditions). Dans cette perspective, des améliorations peuvent porter par exemple sur des icônes, notices, manuels ou cinématiques qui ex-pliqueraient les bonnes manières de faire selon une logique procédurale (car les tests montrent que la procédure n’est pas comprise) et selon les inten-tions des utilisateurs (avoir un effet volumisant, anti-frise, lissant…).

L’ergonomie du produit doit donc être améliorée pour que, idéalement, chaque utilisateur réussisse sa coiffure dès la première utilisation. Pour augmenter les connais-sances des utilisateurs, le produit doit donc être plus « intelligent ». Pour être plus intelligent, le produit doit « expliquer » à l’utilisateur comment il doit l’utiliser et donc présenter un modèle performant de la tâche d’utilisation.

CONCLUSIONL’ergonome n’a pas pour habitude de pénétrer dans la salle de bain des gens pour observer leurs comporte-ments. Il n’a pas non plus l’habitude de travailler sur l’amélioration de produits cosmétiques. Il s’agit là d’une démarche nouvelle et originale qui souligne que les mé-thodes ergonomiques offrent à la fois la mesure objective (analyse des temps, comptage des comportements, dérou-lement des séquences, graphes d’activité) et la mesure subjective (interview, question sur les représentations, émotions) pouvant être appliquées dans les domaines, qui jusqu’alors étaient incongrus. Qui plus est, les résultats obtenus, s’ils sont concordants avec à la démarche ergo-nomique, n’en sont pas moins surprenants pour l’ingénieur ou le chimiste qui a tendance à croire que la qualité d’un produit de consommation courante dépend du produit lui-même, de ses caractéristiques techniques, de ses propriétés physico-chimiques… Pour l’ergonomie, tout cela est vrai. Mais en plus, la qualité d’un produit dépend toujours de l’usage qui en est fait : tout va dépen-dre du niveau de connaissance de l’usage du produit et donc de la capacité du produit à transmettre l’usage adap-té à l’utilisateur. Pour satisfaire l’utilisateur, il faut donc intégrer au produit la manière dont il l’utilise, c’est-à-dire dont il s’adapte au produit et dont il adapte le produit.

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Applications of human modelling techniques in industrial design context, a multi-agent/multi-scale approach

M. Shahrokhi IRCCyN, Ecole centrale de Nantes, 1, rue de la Noë BP 92101, F - 44321 - NANTES Cedex 03 (France)

{Mahmoud.Shahrokhi}@irccyn.ec-nantes.fr

A. Bernard IRCCyN, Ecole centrale de Nantes, 1, rue de la Noë BP 92101, F - 44321 - NANTES Cedex 03 (France)

{Alain.Bernard}@irccyn.ec-nantes.fr

RESUMEDans cet article, les techniques de modélisation de l’homme, et leur application par le procédé de conception industrielle, en particulier, sont présentées. Une approche de multi-agents/multi-échelles est proposée pour faire face aux contraintes de modélisation de l’homme dans les futures applications de conception industrielle. Cette approche est employée pour modéliser la marche d’un opérateur dans une situation du travail avec plusieurs configurations, liées avec existence de menaces et obstacles.

MOTS CLES : Modèle humain, futures techniques modélisation de l’homme, agents de modélisation de l’humaine, échelle d'analyse

ABSTRACT In this paper the human modelling techniques, in general, and their application through the industrial design process is discussed. A multi-agent/multi-scale human modelling approach is proposed to fulfil future requirements for industrial design applications. This approach is used to model human walking with alternatives related to the threats and obstacles in the workplace.

KEYWORDS: Human model, future human modelling techniques, human modelling agents, analysis scale

INTRODUCTIONThis paper attempts to give an overview of contemporary human modelling techniques. It presents a prospective of the specifications, objectives and constraints for future human models, and proposes a multi-agent/multi-scale human modelling approach to fulfil these requirements.

HUMAN MODEL To model systems, including the human system, models of people and how they perform or accomplish their

activities is required to represent their physical, cognitive, social, or organizational aspects [1]. According to [9], human models (HMs) can be classified as:

Descriptive HMs, including photos, tables, films, texts, animations, and graphs that are used to illustrate the results of analytical analysis, empirical data, and regularities of human attributes and behaviour, particularly through multidisciplinary communication. Manikins, which present human physical characteristics in the abstract or real world in order to evaluate the physical interaction between the human body and the environment in safety and ergonomical analyses. Mathematical models which match a relation between human parameters with symbolic statement as formulas or algorithms to simulate human behavior and attributes and optimise its performance. Human science models, which are models of human aspects, including mental, social, and physiological specifications, and which interpret the theories related to the nature of humans with stress on experimental research. Biomechanical HMs, which are developed to investigate the structure and function of the human body by means of mechanics, including dynamics, static and kinematics methods. Computer-aided HMs, which simulate and assess human reliability, safety, ergonomics and performance in various situations by replicating humans and their interaction with an abstract, digital or real prototype and the environment.

In fact these modeling techniques are not so separate and most of the time some modelling techniques are combined to develop multi-objectives models.

FUTURE HUMAN MODELLING TECHNIQUESHMs will be applied in sophisticated workplaces, with the following socio-technical characteristics [7]:

Emphasis on cognitive, organizational, social and technical demands of work

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Inclusion of workplace human performance within the context of work processes and systems Need for macro-tools (e.g. work productivity, health and safety, output quality) in addition to the traditional emphasis on micro tools Shift the work design principles from job level to job, process, and work system levels

Shift in workforce needs from lower (e.g. adequate and fair pay system and work benefits) to higher needs by increasing the participation of workers in decision-making. On the other hand developing the HMs will be affected by a communication revolution, which imposes a technical platform with [3]: (1) Heterogeneous materials and software, (2) Unforeseen components, (3) Various social environments, (4) Dynamic configurations, and (5) Various users with uncertain and incomplete information. Only a dynamic and autonomic model can be useful in this context, and therefore, in the future, there will be more emphasis on developing intelligent models. Technological progress by developing haptic, verbal and visual interfaces will facilitate interaction, and communication with the HMs. Another part of this progress should be concerned with developing the possibility of importing data from other workplace modelling systems and sensing the environment parameters [12]. Based on soft computing technology, these models will be able to use imprecise, incomplete, and uncertain information, as is used by humans, through reasoning and decision-making.

MULTI-AGENT/MULTI-SCALE APPROACH The agent approach has developed rapidly since the beginning of the 1990s and the work on distributed artificial intelligence [5]. As an application of this approach in human modelling behavior, [2] presents a method to plan the walking path for a manikin in the virtual workplace to optimise access and visibility, by taking into account the ergonomic constraints.

The multi-agent/multi-scale approach is based on defining basic modelling and analysing agents, on various scales, and integrating them according to requirements. The objective of this approach is to provide an adaptable human model for use in various environments. For this, the role and collaboration mode of the modelling and analysing agents is determined according to modelling objectives and criteria.

HUMAN MODELLING AGENTS A multi-agent system is a series of agents that operate together in order to achieve some goals as an agent organization [6]. In this way, modelling and analysis agents can present the roles of HMs, in an industrial context, as follows:

1. Modelling agents a. Anatomical modelling (AM): To Model the

human body (anthropometrical models), joint constraints, visual zone, and reach envelopes

b. Biomechanical modelling (BM): To model static and dynamical loading, and balance

c. Kinematical modelling (KM): To model the motion of the body and their parts, considering the anatomical model constraints, without considering body mass or the forces acting on it

d. Physiological modelling (PM): To model the functions of living organisms of the body and the effects of the external agents on them

e. Psychological modelling (SM): To model the human mental processes and behavior

2. Analysing agents a. Human factor analysis (HA): To analyse the

physical and psychological relationship between humans and the workplace, and their effects on operator fatigue, comfort and discomfort

b. Risk analysis (RA): To analyse human reliability, human error, occupational illness and disorders, and accident consequences

c. Economical analysis (CA): To analyse the human work cost and value

d. Performance analysis (PA): To evaluate the work quality, quantity and time

Each of these agents is composed of a group of sub-agents.

ANALYSIS SCALE In the industrial system-modeling platform, HMs are used to describe the attributes and/or behaviour of the operators or users of the products, in various scales:

Through the outline analysis, the internal composition of the human body is disregarded. In this case, the human being is modelled as a black box or a simple element to analyse his position and his interaction with the other workplace subsystems.

Organ analysis deals with the phenomenal events in the interior body as the physiological, biomechanical and psychological phenomena, by studying organ functions.

Microanalysis concerns the physicochemical behaviour and attributes of the tissues and cells. The application of this kind of analysis, in a conventional industrial context, is limited to the study of the behaviour of some critical organs (e.g. eyes), and the analysis of the undesirable effects of the dangerous agents on the human body.

AGENT INTEGRATION Some scientists believe that an integrative model is costly, and variable in its results [10]. They argue that a more integrative model might well be overkill and too cumbersome to justify its use. [8] states that HM is not concerned with building a complete replica of a human. It emphasizes that:

“We won’t ever have one perfect model that completely replicates a human being. The

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complexity of human nature is one obvious reason. But another reason is that there are many different ways to build a model, and each approach helps achieve different goals”.

In spite of these challenges, technological progress introduces new logical (software and procedural), and hardware solutions to resolve the system integration challenges, and nowadays there are many efforts ongoing to create the integrated models in order to consider several psychological, physical and

physiological human aspects, simultaneously ([10], [4]). Multi-agent/multi-scale approaches can be one of the solutions to build an adaptable HM, in a digital environment. A multi agent system is a system for breaking down a problem, which emerges the complex forms of behaviour from interaction among simpler forms of behaviour [5]. In the proposed approach, using an environment diagram, presented in [6], the characteristics of the possible situations are formally represented. These situations are defined based on the design configuration. Then, based on objectives and constrains related to each situation, the role of the agents including the analysis scale and the collaboration modes are determined. The collaboration between agents can be in various forms, including (1) instant collaboration, (2) alerting mode, (3) searching mode, and (4) inactive mode.

As an example, in the framework of IVGI (Virtual engineering for the Industrial engineering) project, the different situations when an operator is walking by considering the combinations of existence of the obstacles, and danger zones are studied. Figure 1.a

demonstrates the studied situations. The Boolean variables, R,O, and Z demonstrate the existence of the risks, obstacles and danger zones in the workplace, respectively. Figure 1.b is the expanded environment diagram for the situations S3 of figure 1.a. As described in the [11], a risk analysis module is developed in DELMIA V5©Dassault system platform to calculate the risk index through the design process. This module is applied to analyse the risk for the human being in instant collaborating, and searching modes, in both

outline and organ scales. Using an agent diagram, presented in [6], the role and the scale of the agents, data exchange, and the mode of collaboration of the agents in various situations are defined. Using an anatomical modelling agent, the digital human body characteristics are defined. After defining the danger source and risks for the human being in the workplace, a risk analysis module, in search collaboration mode, can be used to calculate the accident probability and severity and risk indexes. This calculation is based on event tree analysis. By defining danger zones, as an operator enters them, a risk analysis module is activated to calculate the risks for human body organs by instant measuring of the distance of the body organs from the danger sources. The Boolean variable, E, in figure 1.b, demonstrates the presence of the operator in a danger zone. The kinematical modeling agent determines the intermediate operator walking postures. The risk analysis agent uses these postures to calculate the body organ distances from danger zones, for each simulation sequence, separately. Figure 2 demonstrates a screen shot of the risk index calculation process, in the organ scale, through the instant collaboration mode.

Situation S3

R=0O=0

R=1O=0

Introducing the risk

R=0O=1

Introducing the obstacle

R=1O=1

Defining the risk

Defining the obstacle

R=1Z=0

R=1Z=1E=0

Defining danger zone

Deletingdanger zone

R=1Z=1E=1

Operator is in danger zone

Deletingdanger zone

Operator is not in danger zone

(a)

(b) Figure 1: (a) Environment diagram, (b) environment diagram in a threatened workplace

Situation S1 Situation S2

Situation S4

Situation S3-1Situation S3-2

Situation S3-3

Situation S3

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As a performance analyse agent, a trajectory finder module will be developed, to find the shortest and safest path, according to the workplace situations. If there is no obstacles and danger zones, in the workplace, the performance analyse agent is inactive, and the optimal trajectory will be a rectilinear path that connects the starting and finishing points. After adding the obstacles, in the absence of danger zones, genetic algorithms will be used to find the optimal path. However if danger zones are presented in the workplace, a dynamic programming algorithm uses the risk analysis agents’ results to find trajectory that provides the best compromise between the trajectory safety and length. Selecting the modeling architecture, and managing it will be performed by a central control system, which is responsible for: (1) communicating with the user, other systems and the environment, (2) determining constraints and objectives, (3) determining the agents characteristics, (4) distributing the roles to the agents, (5) controlling data exchange and share, (6) controlling and synchronising agents’ attributes and behaviour, (7) and aggregating and inferring the results. The objective of this model is to determine and to adapt the suitable modeling agents, and to integrate them to construct an adopted modelling architecture, for the predicted situations.

CONCLUSIONIn this work a classification of human modelling techniques, used in contemporary industrial design applications, is presented. The future requirements for the HMs are discussed, and a multi-agent/multi-scale human modelling approach is proposed to fulfill these requirements. By presenting an example, the application of this model is illustrated.

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Geometrical profil of danger zone

Figure 2: Instant measuring risk analysis agent, in organ scale

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Barrier Analysis through Industrial Design Processes

M. Shahrokhi IRCCyN, Ecole centrale de Nantes, 1, rue de la Noë BP 92101, F - 44321 - NANTES Cedex 03 (France)

{Mahmoud.Shahrokhi}@irccyn.ec-nantes.fr

A. Bernard IRCCyN, Ecole centrale de Nantes, 1, rue de la Noë BP 92101, F - 44321 - NANTES Cedex 03 (France)

{Alain.Bernard}@irccyn.ec-nantes.fr

RESUMECet article vise à présenter une technique de modélisation de barrières pour emploi dans le processus de conception de systèmes industriels. Dans ce modèle, les barrières sont classifiées selon leurs effets sur les entités élémentaires d'analyse de risque. Des indices de risque sont calculés pour permettre au concepteur d'évaluer les configurations alternatives de conception. Basé sur ce modèle, un module d'analyse de barrières est développé dans une application de conception industrielle. Ce modèle fournit une plateforme pour partager l'information d'analyse de risque avec les autres modules du système de conception, ce qui augmente le service et l'efficacité de la prévention des risques.

MOTS CLES : Analyse de sécurité, barrière, modélisation le risque

ABSTRACT This paper aims to introduce a barrier modelling technique to use through the design processes of industrial systems. In this model, the barriers are classified according to their effects on the elementary risk analysis entities. Risk indexes are calculated to allow the designer to evaluate the alternative design configurations. Based on this model, a barrier analysis workbench is embedded in an industrial design application. This model provides a platform to share the risk analysis information with the other design system modules, which increases the facility and effectiveness of the risk prevention.

KEYWORDS: Safety analysis, barrier, risk modelling

INTRODUCTIONThis paper aims to develop an adapted barrier analysis approach to use through the design process, including a risk information system and a risk simulation approach. The results of the analysis are the calculated risk

indexes. The risk analysis module uses the design model data, to provide the possibility of examining the safety of the various configurations, in the design platform. By integrating the systematic risk analysis approaches in the design stages, many of the unacceptable failures and disasters can be avoided [8], effectively.

SAFETY ANALYSIS Each part of an industrial system, including: technical solutions, products, tools, consumables, or environments can be a hazard source, by creating a ‘harmful agent (HA)’. The HA may be energy, chemical substances, moving parts, cutting edges, or even slippery floors. An accident would happen if a minimum set of the events leading to impacting an HA to a target occurred simultaneously. These events demonstrate how the HA may be created or released, how the barriers could be broken, and how a target may be exposed to an HA. Each one of these events has a probability of occurrence, which is estimated using the previous frequency of the occurrences, failure rate databases, or expertise estimations. Using event trees, the logical relations between the events and the consequences are formally represented. They are used to calculate accident probabilities. The risk indexes are indicators of the expected loss that may be produced by the accidents. They are calculated considering the probability and the severity of accidents.

Generally, the designer is forced to add a series of safety barriers to reduce the risk of the undesired outcomes to an acceptable level. As adding each barrier increases the cost and the complexity of the system, the selection of barriers must be based on the cost, productivity and safety analyses. Barrier analysis is a study to optimise, and verify the barriers, and to determine how the barriers may fail. It provides a structured way to consider the events related to a safety system failure [7], and helps to identify more clearly which scenarios have an insufficient level of risk control [2].

BARRIER The theories utilised in barrier analysis were originally based on the successive works of Hienrich’s domino

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theory back in the 1930s, Haddon in 1966 and Gibson in 1961 [7]. The barrier concept is derived from analysing the accident processes as the contact between the dangerous agent (energy) and target (a vulnerable and valuable object) [5], and therefore a barrier was defined as the target protector face of one or several hazards [7]. [12] states that the barriers are used to prevent events or accidents but also include the measures that are predicted to resurrect the target and mitigate the severity of negative consequences. According to [6] knowledge and skills, and supervision are also considered as barriers. [12] and [6] classify barriers as material, functional, symbolic, and immaterial. [6] separates the preventive, and the protector barriers. It defines a barrier as the “equipment, constructions, or rules that can stop the development of an accident”. [2] uses the same idea in the form of the bow-tie diagram, where the frequency of occurrence of the events is reduced, by taking into account the reliability of the safety functions. In this model the effects of the barriers are categorised into prevention and mitigation effects. According to [10], an accident occurs when the control and defence barriers fail. By this definition, control barriers are the barriers that mitigate the hazards, and defence barriers protect the target from the hazards. In the model presented by [2] potential consequence of the dangerous phenomena is defined by the severity of the accident and the vulnerability of the target.

Recently the endeavours to embed the risk analysis approaches in the computer design applications have increased. [11] presents the facilities that are provided by using the virtual environment and digital prototypes for Failure Mode Effect Analysis (FMEA) during the design process. Also, a computerised model is illustrated in [1] in order to take human safety requirements into account, through the design process. [4] presents a computerised method to carry out HAZOP analysis, developed as an application of CATIA V5©Dassault-Systèmes, by using the programming language Visual Basic 6, and by using

MS access for the database.

RISK MODELLING It is supposed that an accident is an interaction between a hazardous agent and a target, and the severity of an accident can be characterised knowing the hazard attributes, target vulnerability, and the exposure mode.

As illustrated in figure 1, a ‘Risk’ entity is developed to characterise the risk for each hazard-target couple, according to the exposure mode and the vulnerability of the targets to exposure to the hazard. The ‘Damage factor’, one of the attributes of this entity, demonstrates the damaging effects of the hazardous agent on the target, in each time unit, for a direct exposure in the absence of any protection measure. This factor is quantified as a number between 0 (for no harmful effect) and 1 (for complete target destruction). This attribute is calculated as a function of the hazard parameters, by using the physical formulas, or the fuzzy inference systems. Another risk entity attribute, target vulnerability, also, is an indicator between 0 and 1, which is used to quantify the effects of the target protection barriers. Assigning 1 to this attribute indicates an unprotected target, and 0 presents a totally protected target. The numbers between these two limits present the percentage of vulnerability of the target after protection.

The damage of a target is quantified by the reduction of its worth. Target worth indicates the absolute or relative importance of the target. [3] presents the “importance index” to quantify the worth of the target. This index is calculated considering: (1) economic value, (2) useful value, (3) profit value, and (4) service value.

Risk indexes may be calculated in searching mode, by analysing the event trees and their consequences, or in instant mode, according to instant measuring, through a scenario simulation analysis. Through the event tree analysis the reliability of the barriers is taken into

RiskHazard

Dangerous zone

Parameter

Damage factor

Dangerous zone profile

Barrier of dangerous zone

Danger Barrier

Hazard source create

modify

characterise

create

has

is defined for

has

is in

has

cut

has

determine

Recovery Barrier

has

modify

Target

has

is defined formodify

TargetBarrier

modify

Barrierprofile

has

Figure 1: UML class diagram of the model

Event Barrier

hasmodify Event

Event tree

definestage

o f

include

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μs1

Target position in the sequence s1

P

Harmful agent

Figure 3: Calculation of μ related to the target positionDanger zone

account to calculate the accident probabilities. Through the barrier analysis, the barriers effectiveness is taken into consideration to calculate the accident severity, (figure 2).

In the searching mode, knowing the hazard damage factor, target vulnerability, and target worth, the accident severity is estimated. The barriers, according to their protection roles, are classified into four categories: (1) The event barriers, which reduce the probability of the dangerous events, (2) The mitigate/control barriers, which reduce the hazard amplitude (damage factor), (3) The target protective barriers, which reduce the target vulnerability, and (4) The recovery barriers, which directly reduce the accident severity. Some barriers may play several of these roles at the same time.

It is supposed that the effectiveness of a barrier is only a function of the impacted HA to it. The Inefficiency Function (IF) represents the crossed HA from the barrier, based on the impacted HA to it.

Generally, the barrier sets, including several barriers are used to mitigate the hazardous effects, or to protect the target. A barrier network, including serial and parallel barriers is introduced to model the accumulation of the barrier effects. In a serial structure, an HA, in order to impact the target, should cross all the barriers. In this case the impacted HA for each barrier is the outputted HA from the previous barrier, sequentially, and the successive HA reduction, after applying n serial barriers, is determined according to the insufficient functions of the barriers, f k, k=1,..n, as:

)..))(...(( 011

fffnn

n

Where 0 is the impacted HA to the barriers set, and k,k=1,..,n is the resulted HA after crossing from barrier k.

In a parallel barrier set, HA may cross through each of the barriers, and therefore, the barriers set would fail by failing each of the barriers. The parallel barriers are attached by ‘OR’ gates. According to the role of the barriers, the designer determines the kind of the ‘OR’ gates. The ‘maximum’ and ‘bounded sum’ functions are some of examples of this ‘OR’ functions:

)( 0k

n

n fMax ; ),)(( 00

n

kn fMin

In instant mode, for each simulation sequence, a risk index is calculated separately, according to the position and the characteristics of the harmful agent and the target. In this mode, a dangerous zone is associated to the hazard as a ‘fuzzy space’. Fuzzy space, as is introduced in [9], is a fuzzy set with the geographic coordination as the universe of discourse. This fuzzy set describes the geographical distribution of the HA in the workplace (figure 3).

In instant mode, the hazard damage factor is multiplied by the membership degree of the presence of the target in the danger zone (μ). The dangerous zone barriers are introduced in this mode, which protect some regions of the workplace from the harmful agent. By cutting the fuzzy spaces assigned to the danger zones, these barriers reduce the membership degrees of workplace points in them. Based on this model, using visual basic, a safety analysis workbench in the DELMIA V5©Dassault-Systèmes platform has been developed to analyse the occupational risks for humans in a supposed nuclear power plant (figure 4). Using the computer to simulate the workplace, the hazard damage factor, target vulnerability, and the dangerous zone for each sequence of the simulation are calculated, separately.

The transparent geometrical profile is used to demonstrate the fuzzy dangerous zones through the three-dimensional simulation of the workplace. Having the target position, the membership degree of the presence of the target in the danger zones (μ), during each sequence is calculated.

The risk indexes are evaluated for various workplace layout configurations by associating the geometrical shapes to the barriers and danger zones.

DISCUSSIONThis approach is used to evaluate the risk of different configurations in a supposed nuclear power plant. The experiment showed its capability to model the barriers protection effects. However, making realistic case studies is needed to examine the applicability of the model in a real design environment. In particular, applicability of a “damage factor” as a universal hazard measurement should be proved for various hazards. Fuzzy inference system is a general computations method that can be used to calculate the damage factor.

Figure 2: Calculation of the risk index based on the event tree and barrier analysis

Event treeanalysis

Barrier analysis

Severity Probability Riskindex

Barriers effectiveness Barriers reliability

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However it greatly depends on the definition of the membership functions, inference and defuzzification methods, and the evaluation of the results is very difficult. In the instant mode, it is assumed that increasing the damage is a linear function of the exposure time, which generally is not exact. To calculate the exact damage requires defining complicated models, which use a large amount of information. Using fuzzy inference system may facilitate this problem. If more than one parameter is needed to characterise the hazard, defining the structure of barrier networks and calculation of effective amounts of parameters should be carried out separately. The hazards produced by barriers themselves are not modelled. In the future a novel barrier network model will be developed by considering barrier efficiency and reliability at the same time.

CONCLUSIONIn this paper, based on energy/barrier analysis, the barrier roles are separated as follows: (1) to modify the characteristics of the harmful agent, (2) to change target vulnerability, (3) to mitigate the consequences of an occurred accident, and (4) to modify the mode of exposure of the target to the harmful agent. Calculation methods of risk indexes in searching and instant modes are introduced. A barrier network is developed to cumulate the protection effects of several barriers. A risk entities structure is introduced to evaluate the different design configurations.

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Figure 4: Safety analysis workbench, developed in the DELMIA platform

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POSTERS ET DEMONSTRATIONS

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Prise en compte du facteur humain pour la conception d'un système informatisé de régulation médicale de

théâtre opérationnel William GUESSARD

Section technique de l'armée de terre – BP 292 – 00441

ARMÉ[email protected]

Paul-Olivier MILOCHE Service médical du

2e RD-NBC [email protected]

Alain PUIDUPIN Hôpital d'instruction des ar-

mées LAVERAN [email protected]

Gérald COMTET Institut de médecine navale du service de santé des armées

[email protected]

Richard BESSES Centre médical de garnison de

[email protected]

Vincent Di GIUSTO Institut de médecine navale du service de santé des armées

[email protected]

RESUMECet article propose une réflexion sur la conception d'un système informatisé de régulation médicale de théâtre d'opération. Après un bref rappel des bases cognitives des mécanismes de résolution de problème et de l'erreur humaine, ces concepts sont mis en pratiques pour la conception d'un tel système centré sur l'opérateur hu-main.

MOTS CLES : régulation médicale, résolution de pro-blème, erreur humaine, fiabilité humaine.

ABSTRACT This paper is a reflection for the conception of an over-seas operations' computerised medical regulation system. After a short description of problem solving and human error cognitive mechanisms, these concepts are used for the conception of a human centred theatre's medical regulation system.

KEYWORDS: medical regulation, problem solving, hu-man error, human reliability.

INTRODUCTIONLa régulation médicale est un acte permettant de faire correspondre aux besoins du patient, du blessé, les capa-cités sanitaires les plus adaptées, que ce soit en terme de matériel ou de personnel. Le service de santé des armées développe actuellement un concept de régulation médi-cale pour la prise en charge des militaires blessés en opé-ration. Un tel concept ne peut reprendre des solutions existantes conçues pour la prise en charge d'un nombre limité de victimes (logiciels de régulation de type "SA-MU") ou pour une organisation sanitaire très différente de celle déployée en opération extérieure (logiciels de gestion de "plan rouge"). L’étendue de la zone d’action, les contraintes liées à la manœuvre militaire ainsi que la fatigue et le stress des équipes médicales qui doivent parfois faire face à des afflux massifs de blessés sont au-

tant d’éléments qui font la spécificité de la régulation médicale de théâtre opérationnel. Bien qu'ayant des points communs avec les régulations médicales d'ur-gence et de catastrophes naturelles, la régulation médi-cale de théâtre opérationnel est donc singulière et doit être prise comme telle en complément des deux précé-dentes.

LES BASES COGNITIVES DE LA PRISE DE DECISION La régulation médicale s'inscrit dans le cadre des proces-sus de résolution de problème. Le médecin régulateur doit élaborer une stratégie en fonction des données, for-cément parcellaires et labiles, dont il dispose. Il s'agira donc d'actions basées sur la mise en œuvre des connais-sances déclaratives (le niveau « K » du modèle de Ras-mussen [3]) : le médecin régulateur élabore sa décision en fonction de ce qu'il imagine de la situation et des ca-pacités des équipes de secours. Reason [4] a montré comment un système pouvait permettre ou limiter la production d'erreurs par les opérateurs. Ainsi, dans un système rigide ne laissant pas de marge d’action aux opérateurs, des erreurs surviennent. Dans le cadre de la régulation médicale en opération extérieure, ces erreurs peuvent être fatales au patient, mais également aux équi-pes de secours. Malgré ses faiblesses, l'opérateur humain apporte sa souplesse au système de décision. En effet, il va être capable d'effectuer des choix, des paris, malgré des informations parcellaires voire inexactes, quand un système informatique, plus rigide, va demander des compléments d'informations avant de proposer une solu-tion.

Ainsi, pour nous, le but de la conception d'un système de régulation médicale de théâtre n'est pas de développer un logiciel imposant des solutions toutes faites à un opéra-teur qui ne serait plus alors qu'un exécutant. Il s'agit de mettre en place un système d'information qui laisse l'Homme aux endroits les plus nobles, celui où ces in-formations prennent un sens à savoir, lors de leur ge-

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nèse, et lors de la prise de décision. A la suite de Hoc [2] et Amalberti [1], nous parlerons de système écologique pour définir un tel concept. Dans ce système la cyberné-tique assume la charge des automatismes intangibles, et l'Homme celle du contact avec le patient et celle de la prise de décision critique.

LA CONCEPTION D'UN SYSTEME DE REGULATION MEDICALE EN PRATIQUE Les armées françaises développent un système de numé-risation de l’espace de bataille permettant l’échange des informations au travers d’un réseau dédié. Le système développé s’inscrit dans ce cadre, tout en préservant les valeurs fondamentales de la pratique médicale.

Le contexte : la gestion médicale sur un théâtre mili-taire opérationnelUne particularité de la régulation médicale en opération extérieure est représentée par le nombre extrêmement variable des victimes potentielles, sur une zone d'action qui peut être vaste (plusieurs unités peuvent simultané-ment subir des pertes) et dans un contexte spatio-temporel non stabilisé (les actions de combat peuvent se poursuivre dans le temps et l'espace). Le système déve-loppé devra permettre d'assurer la régulation médicale aussi bien au niveau local (le médecin chef de l'équipe médicale sur place) qu'aux niveaux plus élevés. Les in-formations disponibles ne sont alors pas les mêmes et seules certaines informations, qui devront être clairement identifiées, seront utiles pour décider d’envoyer une équipe plus ou moins médicalisée en fonction de l'état du patient, voire uniquement à conseiller un secouriste sur place sur la conduite à tenir. Le médecin régulateur doit donc être en mesure de se construire, à distance, une re-présentation fiable de la situation.

L’environnement technologique support de l’actionL’enjeu du système est de permettre aux acteurs santé sur le terrain d’échanger dans une «bulle information-nelle» unique, basée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, pour élaborer une représentation partagée de la situation. Des expérimenta-tions sont en cours depuis quelques années pour tenter d’apporter des réponses à ce problème : BMIST (Battle-field Medical Information System on Theatre ), sys-tème utilisé par l’US Army et, plus proche de nous, dis-positifs de monitorage à distance évalués par le SAMU 84 à Avignon (système Mobimed ), entre autres. Ces expérimentations nous permettent d’identifier les oppor-tunités ouvertes par les technologies numériques pour répondre à notre problématique de régulation militaire.

Prise en compte du facteur humain L’étude de l’utilisation des systèmes existants et les en-tretiens avec les opérateurs doivent nous permettre de déterminer les informations utilisées au cours de la régu-lation médicale, d’identifier celles nécessaires à l’élaboration d’une représentation partagée de la situa-tion, de comprendre une partie des processus de résolu-

tion de problème et de la prise de décision par l'opérateur en charge de la régulation. Ce travail est mis en regard des entretiens avec les différents acteurs de la régulation médicale en opération extérieure (médecins assurant le commandement des éléments du service de santé, méde-cins réanimateurs, chirurgiens, etc.). La bibliothèque d'activités caractéristiques ainsi construite, nous permet d’extrapoler un besoin en informations pertinentes, mé-dicales (concernant le(s) blessé(s)) ou opérationnelles (concernant des données logistiques ou plus stratégi-ques). L’ensemble de ces éléments est essentiel pour dé-terminer l’architecture informationnelle, l’objectif étant de concevoir un système d’information permettant au médecin régulateur de se faire une idée la plus juste pos-sible de la situation pour prendre la décision la plus adaptée en fonction de la connaissance qu'il a des don-nées tactiques, des équipes présentes sur le terrain et de leur compétence.

EN CONCLUSION Nous avons voulu dans cet article faire part de notre ré-flexion sur la conception d'un logiciel de régulation mé-dicale de théâtre d'opération et donc spécifique à l'activi-té militaire. Ce logiciel devra être centré sur l'opérateur avec pour objectif de lui permettre de prendre une déci-sion qu'il pourra suivre et faire évoluer dans le temps, en fonction de la représentation qu'il aura pu se faire de la situation, mais en prenant également en compte ses pro-pres capacités. La connaissance des bases théoriques de la prise de décision et de la production des erreurs, per-met de bien identifier les écueils auxquels nous pouvons nous heurter et qui seront autant de difficultés à surmon-ter pour l'utilisateur final. Ainsi, le logiciel qui sera conçu devra présenter une interface écologique, facili-tant la représentation de la situation, proposant une aide à la prise de décision pour le médecin régulateur mais ne lui imposant en aucun cas une solution rigide qui pour-rait être source de difficulté pour l'opérateur et risquant de lui faire perdre la maîtrise de la situation. Cette ana-lyse devra être confrontée à la réalité du terrain pour une évaluation d'un prototype qui sera validé par les futurs utilisateurs.

BIBLIOGRAPHIE 1. Amalberti, R. La conduite des systèmes à ris-

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Modélisation pédagogique : comment choisir les bons outils ? Véronique Heiwy

CRIP5Université Paris 5 René Descartes

45, rue des Saints Pères 75270 Paris cedex 06

[email protected]

RESUMECet article présente une carte des principales approches proposées dans la littérature pour faciliter la conception de ressources pédagogiques. Pour permettre une interprétation semi-automatique de la carte par un outil, elle est décrite sous forme de schéma XML.

MOTS CLES : ressources pédagogiques, modélisation pédagogique, méthode, processus, guidage.

ABSTRACTThis article addresses the question of how to design e-learning resources within the context of distance learning supported by Computer Science Environment for Human Learning. A map of the currently existing ”resource design approaches” is first presented. Maps are defined in XML to facilitate the answers to questions that method engineers may have concerning method contents. A specific tool, able to support the definition together with the semi-automatic execution of methods is then defined.

KEYWORDS : e-learning resources, resource modeling, method, process, guidance

UNE CARTE DE CREATION DE RESSOURCES

Figure 1: Carte de création de ressources

Cet article décrit sous la forme d’une carte [12] et de directives le processus de création de ressources

pédagogiques en s’appuyant sur des approches existantes. Après l’évocation des approches référencées dans cette carte, le schéma XML [13] et l’outil destinés à la définition et à l’exécution semi-automatique du processus sont présentés.

LES APPROCHES REFERENCEES DANS LA CARTEVoici cinq alternatives pour concevoir des ressources.L’approche IMS Learning Design [6] est centrée sur le concept d’activité pédagogique, alors que l’approche UL/SP/FC (unité logique, schéma pédagogique, feuille de comportement), décrite dans [3], est documentaire. L’approche MISA (Méthode d’Ingénierie de Systèmes d’Apprentissage) [11] de la Télé université du Québec s’appuie sur la Modélisation par Objets Typés (MOT), contrairement à l’approche par compétences décrite dans [1]. Enfin l’approche s’appuyant sur un modèle de ressources pédagogiques générique est développée dans [5].

La production de documents ou modèles pour l’édition des ressources hypertextes, ou semi-structurés, voire multimédia est à la charge des fournisseurs de ressources pédagogiques et des assembleurs de composants [8].

Les standards LOM [9] ou Dublin Core [4] servent à indexer les ressources afin de les retrouver efficacement pour les réutiliser.

L’expertise des ressources est réalisée par des experts de contenu, des pédagogues et des ergonomes chargés de juger leur utilisabilité [7].

Le « facteur de performance » humain est représenté par les concepteurs et les experts.

Lorsque la qualité des ressources est bonne, les ressources sont mises en ligne, soit dans un système Peer to Peer de type Edutella [10], soit sur un site Web accessible à tous (particulièrement si l’EIAH généré est un hypermédia), soit sur une plateforme de formation à distance (il en existe plus de 300 ! [2]).

L’évaluation des ressources est réalisée par le public visé, sur des grilles papier, des formulaires en ligne ou des serveurs vocaux.

Le cycle de création de ressources est englobé dans le cycle de vie d’une formation également composé des phases d’acquisition par les apprenants, d’apprentissage,

Concevoir Ressources

Produireressources

Stop

StartEn instanciant

un modèle générique

En utilisant MOTMISA

En fonction de la validité et la complétude des ressources

Expertiserressources

Mettre en ligneressources

Évaluerressources

En modifiant selonavis d’expert

Selo

ncr

itère

ser

gono

miqu

es

En utilisantune plateforme EIAH

En utilisant une grille d’évaluation

En modifiant selon avis d’expert

En langage semi-structuré

En langage hypertexte

En changeant de medias

En utilisant des diaporamas

En modifiant selon évaluation

En utilisant un formulaire En utilisant

un serveur vocal

En utilisant Internet

Selon critères pédagogiques Se

lon

critè

res

deco

nten

u

Indexerressources

En utilisant une approche

par compétences

En utilisant l’approche LOM

En utilisant l’approche Dublin core

Enm

odifi

ant s

elon

avis

d’ex

pert

En utilisant

UL/SP/FC

Enutilisant IMS LD

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de vérification des connaissances acquises et de l’administration de la formation.

LES CONCEPTS DE LA CARTEUne carte présente les buts à atteindre (ses nœuds) en suivant différents chemins (arcs). Chaque arc délimité par un couple de buts forme une section.

Figure 2: Carte, directives et composants en XML

Des directives tactiques (précisant comment atteindre un but) ou stratégiques (aidant à choisir le prochain but ou à déterminer la meilleure des tactiques) facilitent la navigation dans la carte.Un descripteur précise le contexte d’utilisation d’une directive. Associé à une directive, il définit un composant de méthode.

La représentation graphique de la carte atteint ses limites lorsque le nombre de ses nœuds et arcs augmente. Un outil de guidage capable d’interroger la carte, par exemple avec XQuery, de présenter les résultats des extractions sous forme de documents web grâce à des règles XSL, et d’assurer une exécution semi-automatique de la méthode est proposé pour dépasser ces limitations. VERS UN OUTIL D’EXECUTION DE LA METHODE

Figure 3 : Outil de guidage

L’ingénieur de méthodes est susceptible de définir ses propres requêtes contrairement à l’enseignant préférant lui, exécuter une séquence de requêtes prédéfinies pour naviguer plus simplement dans la carte.

CONCLUSIONCet article a présenté une carte pour décrire la création de ressources et sa formalisation en schéma XML. L’intérêt de la base de méthodes est d’être enrichie de nouveaux composants pour définir ou personnaliser des méthodes. Aussi, le contexte Internet est particulièrement adéquat pour une utilisation coopérative de cette base. Le but d’une méthode est d’optimiser le travail afin, par exemple, de définir de bonnes pratiques. La place de l’humain comme « facteur de performance » est au coeur de ce dispositif. Le contenu de la méthode et sa qualité reposent sur les épaules des ingénieurs de méthodes.

BIBLIOGRAPHIE 1. Le Botfer G., L’ingénierie des compétences,

Editions d’organisation, 1998, P :415.

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8. Laforcade P., Méta-modélisation UML pour la conception et la mise en oeuvre de situations-problèmes cooperatives, Thèse de doctorat, 2004.

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12. Rolland C., Prakash N., Benjamin A., A multi-model view of process modelling, R.E. Journal, 1999.

13. XML, http://www.w3.org/XML; 2002.

carte section

directive

couple de buts but

verbe

cible

directivestratégie

directive

1.. 2..2

carte sectionsection

directive

couple de buts but

verbe

cible

directivestratégie

directive

1.. 2..2

directive

nom directive

interfaceverbe

ciblecorps

situationobjectif

intention

condition d’occurrence

partie de produit

1..

manière simple

intention

1..1..

1..1..

composant

cDirective

descripteur

dSituation

dIntention

expérimentation

origine

Domaine d’application

Activité de conception

Support d’apprentissage

Base de méthodes XML

Ingénieur méthode

Enseignant -Navigateur de carte- Gestionnaire de

composants

Interface Outil

Feuilles de style XSL

Documents XML,PDF, HTML

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Conception et réalisation d’un site de E-rerutement avec module Datamining intégré de classification

Necir Hamid Université des Sciences et de la Technologie Houari Bou-mediene, Laboratoire de Recherche en Intelligence Artifi-

cielle (LRIA), Département d’informatique, Faculté d’Electronique et d’informatique.

USTHB, El Alia BP 32, Bab Ezzouar, Alger, AlgérieEmail : [email protected]

RESUMEDans le contexte hautement compétitif actuel, le e-recrutement n’est plus un concept abstrait ou nouveau mais une vraie opportunité pour les entreprises pour atti-rer des compétences et faire évoluer leurs activités. Cependant, face au nombre important de site de e-recrutement, attirer un nombre élevé de candidats n’est pas facile ni simple. La réception d’un nombre élevé de CVs peut aussi être un inconvénient majeur, au cas ou ils ne sont pas de bonne qualité et surtout pas assez ciblées [6], [7]. Dans cet article, nous abordons ces deux problématiques et proposant pour les résoudre certaines améliorations et notamment en intégrant un module à base d’arbre de dé-cision pour facilité le travail de l’entreprise dans sa re-cherche des meilleures candidatures.

MOTS CLES : E-recrutement, data mining, intégration, arbre de décision.

ABSTRACT Currently, a good management passes inevitably by a better recruitment. The enterprises must attract outside expertises to make to evolve their activities and to im-port new methods and to reinforce their networks con-tacts.This article describes the assets of the electronic re-cruitment and data mining and how their integration permits a more efficient exploitation of the data candi-dates. This integration provides new possibilities but raises a new complex problems also. We also analyze these new challenges and introduce our vision to resolve these problem.

KEYWORDS : Data mining, electronic recruitment, inte-gration, decision tree.

INTRODUCTIONLe recrutement en ligne figure parmi les usages en tête de l’Internet. Une enquête relativement récente indique qu’après la page d’accueil, la page dédiée à l’emploi et aux carrières est celle qui est la plus visitée [7]. Ainsi, les sociétés de e-recrutement avaient engendré des reve-nus dépassant les 4 milliards de dollars en 2003.

Dans le cadre de ce travail, il s’agit de réaliser un site de e-recrutement. Ce dernier permettra d’enrichir une base de données qui sera exploitée, grâce à des techniques de data Mining, pour estimer la qualité de chaque candida-ture par rapport au poste à pourvoir. Cette capacité per-mettra à l’entreprise une rapidité de prise de décision et un véritable pilotage de la fonction ressource humaine en réduisant le risque d’une mauvaise sélection. Notre travail est structuré ainsi :Apres cette introduction, nous présenterons notre appro-che pour la mise en place du site de e-recrutement en in-sistant sur la procédure de tri des candidatures et sur l’algorithme de classification utilisé. Les défis actuels et futurs seront discutés et une conclu-sion et des perspectives d’études clôtureront ce travail.

NOTRE APPROCHE Le E-recrutement a été défini comme un protocole de re-crutement partiellement automatisé par les technologies d'Internet. Son processus comprend comme pour le re-crutement classique [3], la définition du poste, la publi-cation de l'offre, la collecte des candidatures, le tri des candidatures (présélection de quelques candidats et cons-titution d’un vivier, puis sélection de la personne appa-remment la plus apte à remplir le poste). Dans le cadre de ce travail, nous mettons l’accent sur l’aspect ergono-mique du site ainsi que le choix de la procédure de trie.

L’ERGONOMIENous avons opté pour un site web très épuré avec très peu d’images animées permettant de renforcer la crédibi-lité de l'organisation et permettant un temps très court pour afficher une page. A fin de permettre une grande facilité et liberté de navigation, nous avons utilisé pour nos pages un texte suffisamment aéré avec des éléments d'informations hiérarchisé par niveau d'importance avec la possibilité pour l’utilisateur de revenir à la page d'ac-cueil et aux principales rubriques par un simple clic, quelque soit la page sur laquelle il se trouve. Enfin, et afin de permettre au visiteur de mieux assimiler l'infor-mation, on a dans certaines étapes (dépôt de candidature par exemple) présenté l'information par étapes avec des liens hypertexte pour le chaînage des différentes étapes.

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DEMARCHE ADOPTEE POUR LA CLASSIFICATION Pour notre approche, le dépôt de CV se fait par un for-mulaire en ligne. Ceci impose au candidat de remplir des champs spécifiques (études, diplômes, expériences, lan-gues, formations suivies, salaire souhaité, etc.). Cette op-tion, facilite le traitement des données qui auront le même format et la même structure et limitera le candidat à donner que les informations nécessaires. Notre population, au départ, est constituée donc de l’ensemble des CVs. Les descriptions sont faites avec les différents critères d’une candidature. On commence à la racine de l’arbre et en descendant dans l’arbre selon les réponses aux tests (conditions de l’annonce) qui étiquet-tent les nœuds internes. Grâce à ce premier tri, les candi-datures inadéquates sont écartées. Le second trie concernera les CVs restants, et sera ef-fectuer grace à un arbre de décision avec une note de pertinence pour chaque arrête. Cette note repose sur la concordance entre les réponses fournies par le candidat et la série de critères émis par le recruteur via son an-nonce. Ceci permettra de faire une classification par va-leur décroissante de note. On présentera ainsi les meil-leures candidatures en premier (les meilleures notes).

CHOIX DE L’ALGORITHME Pour la classification, nous avons utiliser une technique data mining [5], [3] qui est les arbres de décision [2]. Notre choix est motivé par le fait que cette technique permet de représenter graphiquement un ensemble de règles aisément interprétables [2]. Ceci permet entre au-tre d’organiser les candidatures par groupe homogène et de préciser les raisons du rejet ou de l’acceptation.

REALISATION Notre plateforme fonctionne selon une architecture 3 tiers. Les utilisateurs humains interagissent avec le sys-tème par un simple navigateur Web.

Interface général du site de e-recrutement

les nouvelles offres Newsletter

Environnement Environnement Environnement Candidat formation entreprise

Interface formulaire dépôt candidature

Salaire souhaité Date disponibilité Mobilité

CONCLUSIONCe travail, nous a permit de réaliser une plate forme, qui intègre toutes les fonctionnalités pour couvrir un cycle de recrutement complet, partant de l’annonce à la récep-tion d’une réponse d’acceptation ou de refus.Cette solution apporte de la nouveauté au niveau ergo-nomique en utilisant une interface intuitive, tant du point de vue du candidat que de l'entreprise et en intégrant un module de classification des candidatures à base d’une approche data mining. Cette intégration permet de trier les demandes des candidats et de n’offrir à l’entreprise que ceux qui répondent le mieux à sa demande. Ceci permettra un gain de temps et d’argent pour l’organisme recruteur.Cependant, d’autres améliorations restent à réaliser afin d’améliorer les fonctionnalités existantes et d’en rajouter d’autres. L’intégration d’un outil de recherche permettra de profiter du nombre important des CVs qui circulent sur Internet. L’intégration de la vidéo constitue aussi un atout afin de permettre que l’entretien entreprise-candidat puisse s’effectuer à distance. La mise en place d’une technique d'internationalisation, permettant l'ex-ploitation du système aux utilisateurs utilisant d'autres langues que le français (en particulier l'arabe et l'an-glais).Cependant, à notre avis, la mise en place d’un standard au niveau de la structuration et de la nomenclature des offres, reste le meilleur moyen pour permettre aux recru-teurs et aux candidats, de mieux trier les informations pertinentes pour eux. , Cependant le consensus reste dif-ficile.

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IHM & IDM : Un tandem prometteur

Jean-Sébastien Sottet Gaëlle Calvary Jean-Marie Favre Joëlle Coutaz

Université Joseph-Fourier, Laboratoire CLIPS-IMAGBP53, 38041 Grenoble Cedex 9

[email protected]

RESUMELa communauté IHM fait des modèles et les transformedepuis toujours. En Génie Logiciel, une communautés’élève : l’Ingénierie Dirigée par les Modèles. Le tandemIHM&IDM se soude pour l’ingénierie d’IHM avancées.

MOTS CLES : IHM, IDM, modèle, métamodèle, trans-formation, IHM avancées.

ABSTRACTModels and transformations are well known in HCI.More recently, the MDE community has emerged inSoftware Engineering. HCI and MDE work now togetherfor the engineering of advanced user interfaces.

KEYWORDS : HCI, MDE, model, metamodel, transfor-mation, advanced User Interfaces.

INTRODUCTIONDepuis les années 1990, les modèles sont examinés eningénierie de l’interaction homme-machine dans un es-prit de génération (semi-)automatique des InterfacesHomme-Machine (IHM) [4]. La qualité décevante desIHM produites valut à l’approche un carton rouge [1].Les modèles restaient appréciés et enseignés pour leurpouvoir descriptif. Parallèlement, en Génie Logiciel, unecommunauté grimpe : l’Ingénierie Dirigée par les Mo-dèles (IDM ou MDE pour Model Driven Engineering).L’initiative revient en fait à l’OMG sous le drapeau duMDA (Model Driven Architecture). Mais la complexitédes standards, leur dépendance vis-à-vis de domaines oude technologies et surtout l’absence de définition clairedes concepts sous-jacents stimule la création d’un cou-rant de recherche : l’IDM. L’IDM se construit autour detrois éléments fondamentaux : les modèles, métamodèleset transformations. La communauté IHM s’y reconnaît :elle pratique les modèles (utilisateur, tâches, concepts) etles transforme depuis toujours pour obtenir les IHM fi-nales. Le pont est alors jeté entre IHM et IDM [2].

L’article montre en quoi le tandem IHM&IDM est pro-metteur pour l’ingénierie d’IHM avancées [3]. Il pré-sente, dans une première section, les concepts de base del’IDM puis montre leur implication et la vision en IHM.

CONCEPTS DE BASE EN IDMA l’origine, en IDM, "tout était modèle". En réalité, "toutest système", les notions de modèles et de métamodèles

ne sont que relatives. Par exemple, une mappemonde estun système qui peut jouer le rôle de modèle pour un autresystème (la planète Terre en l’occurrence). Elle ne jouerace rôle de modèle que pour une personne établissant celien de représentation entre les deux instances. Les no-tions de rôles et de relations sont prédominantes en IDM.L’IDM s’articule autour de trois concepts et trois rela-tions :

• Les modèles et la relation Représente. Il n’existe pasde définition universelle du concept de modèle, ce-pendant un consensus admet que modèle et systèmeétudié sont deux rôles complémentaires. Un modèlereprésente un système.

• Les métamodèles et la relation EstConformeA. Unmétamodèle est un modèle d’un langage de modéli-sation. Pour être traitable par une machine, un mo-dèle doit être conforme à un métamodèle. Par exem-ple, une phrase est conforme (ou non) à une gram-maire.

• Les transformations et la relation EstTransforméEn.Cette relation est une mise en correspondance entreéléments d’un ou plusieurs modèles. Le coeur del'IDM consiste à représenter de manière explicite lestransformations, donnant lieu à la notion de modèlede transformation. Ces modèles se basent sur lesmétamodèles des modèles que l’on désire transfor-mer. L’objectif est double : capitaliser un savoir-faire méthodologique et envisager l’automatisation.

En IHM, le savoir-faire est important, la transformationde modèles étant au cœur des méthodes de conception.Mais les règles de transformation sont jusqu’ici restées,pour l’essentiel, mentales basées sur un ensemble decritères ergonomiques et propriétés. L’IDM voit enl’IHM un domaine applicatif intéressant par son savoir-faire et son aspect visuel (IHM graphiques). IHM et IDMse marient alors pour l’ingénierie d’IHM avancées.

IHM&IHM, EN ROUTE VERS LES IHM AVANCEESDepuis toujours en IHM, on écrit des scenarii d’usage.Leur analyse aide à identifier les contextes d’usage (utili-sateur, plate-forme, environnement) et à comprendre ledomaine en termes de concepts et de tâches utilisateur.La conception de l’IHM prend alors place, se structurantautour des notions d’IHM abstraite (structuration del’IHM en espaces de travail), concrète (choix des inte-racteurs) et finale (codage dans un langage de program-

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mation) [3]. Au mieux, les modèles étaient documentés,mais se limitaient à la phase de conception.

Grâce à l’IDM, l’idée est d’abaisser la frontière entreconception, exécution et évaluation : les modèles ayantprésidé à la conception sont embarqués dans les systèmesinteractifs eux-mêmes. Ils sont vivants à l’exécution etpeuvent, en conséquence, soutenir l’évaluation (semi-)automatique de l’IHM. Les modèles sont conformes àdes métamodèles explicites permettant en conséquenceleur transformation à l’exécution. Ainsi, l’adaptation desIHM au contexte d’usage ("si la batterie faiblit alors mi-grer vers la plate-forme la plus proche") est une trans-formation de modèles. La figure 1 présente cette vision.Elle s’appuie, dans ses notations, sur l'architecture pyra-midale de l'OMG qui distingue les niveaux modèles(M1) et métamodèles (M2). Des métamodèles sont pré-vus pour chaque notion clé de l’IHM : savoir-faire (lestransformations), exigences (contexte d’usage, proprié-tés, domaine) et étapes de conception. Au fil de laconception, les exigences peuvent être révisées pours’accommoder d’incompatibilités (M1’ sur la Figure 1).Toute transformation (de production d’IHM, par exem-ple, domaine vers IHM abstraite ; de correspondance

dans l’IHM, par exemple, entre interacteurs et tâches ; dechangement de contexte d’usage, par exemple, migrationde l’IHM d’un PC vers un PDA) est conforme à un mé-tamodèle de transformation (M2-Trf).

Dans cette vision, l’IHM est à l’exécution une toile demodèles (ceux qui ont présidé à sa conception ; rectangleM1 sur la figure 1). Elle embarque son rationnel, deve-nant ainsi auto-explicative. Elle raconte le contexted’usage qu’elle est capable de couvrir, les propriétésqu’elle garantit, la tâche utilisateur qu’elle permet, etc.La vision est dressée, mais la route est encore longue.Les métamodèles de transformations en sont le point dur.Dans quelle mesure, l’ergonomie sera-t-elle exprimableet mesurable comme attribut de ces transformations ?L’approche sera-t-elle compatible d’une interaction for-tement couplée ? "L’utilisateur n’attend pas". Il nous fautdes outils performants pour que la vision prenne corps etne se limite pas au seul champ plus classique de laconception. Enfin, quelle IHM faut-il donner àl’utilisateur pour l’observabilité et le contrôle de cestransformations (méta-IHM) ?

M1-Tsk’M1-Cpt' M1-IUA M1-IUC M1-IUFM1-Plf’’ M1-Env’M1-Usr’ M1-Ppt'

M2-TskM2-Cpt M2-IUAM2-Plf M2-EnvM2-Usr M2-Ppt

Contexte d’usage

Propriétés

Domaine

Utilisateur

M2

M1

Tra

nsfo

rmations (

M1-T

rf)

Exigences Conception

Plate-formeEnviron. Concepts Tâches IU abstraiteIU concrète IU finale

M1-TskM1-CptM1-Plf M1-EnvM1-Usr M1-Ppt

M2-IUC M2-IUF

M2-Scn

Scenarii

M2-Trf

Transformations

Savoir-faire

M1-Scn

M1-Scn’

Modèles liés par un ensemble de M1-Trf

M1

Adaptation au contexte d’usage par transformation de modèles (M1-Trf)

Figure 1 : IDM&IHM, une vision unifiant la conception, l’exécution et l’évaluation d’IHM autour des notions clé de modèles (M1),métamodèles (M2) et transformations (M1-Trf et M2-Trf). IU signifie Interface Utilisateur.

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2. Sottet, J.S., Calvary, G., Favre, J.M. Ingénierie del’Interaction Homme-Machine Dirigée par lesModèles, Premières Journées sur l’Ingénierie Diri-gée par les Modèles (IDM’05), Paris, 30 juin-1erjuillet 2005, ISBN 2-7261-1284-6, pp 67-82.

3. Sottet, J.S., Calvary, G., Favre, J.M., Coutaz, J.,Demeure, A., Balme, L. Towards Model-Driven En-gineering of Plastic User Interfaces, In theACM/IEEE 8th International Conference Mo-DELS’05, satellite proceedings, Springer LNCS,2005, pp 191-200.

4. Szekely P., Retrospective and Challenges for Model-Based Interface Development, Proceedings of CA-DUI’96 (Computer-Aided Design of User Inter-faces), J. Vanderdonckt (eds), Presses Universitairesde Namur, 1996, pp xxi-xliv.

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371

Déplacements urbains de personnes non voyantes : observation et analyse des difficultés

Stanislas Couix Julien Nelson Marion Wolff

Philippe Cabon Gérard Uzan

Unité d'Ergonomie (EA 1753) Université Paris 5

45, rue des Saints-Pères 75 270 Paris Cedex 06

[email protected]@etu.univ-pars5.fr

[email protected]@univ-paris5.fr

[email protected]

01 42 86 21 34

RESUMECette communication a pour objectif de décrire et analyser les résultats provenant des observations de terrain réalisées dans le cadre de l'étude présentée à ce colloque par Wolff et al. L'observation des déplacements de personnes non voyantes a permis de déterminer les différents types de problèmes rencontrés avec certains aménagements urbains.

MOTS-CLES: personnes non voyantes, déplacements urbains, observation des difficultés.

ABSTRACT This paper aims to describe and analyse results regarding observations in the field carried out as part of the study presented by Wolff et al. for this symposium. The observation of blind people's movements allowed to determine various problems they encountered with specific urban landscaping.

KEYWORDS: blind people, urban movements, observation of the difficulties.

INTRODUCTIONL'ergonomie s'intéresse depuis longtemps au handicap et plus particulièrement aux difficultés rencontrées par les personnes non voyantes [2]. Cette étude a pour objet de décrire les observations réalisées dans le cadre de l'étude présentée par Wolff et al. sur les déplacements urbains des personnes non voyantes. Ont participé à cette étude exploratoire, 16 sujets non voyants et 6 sujets voyants (groupe témoin). Les 16 sujets non voyants se distinguent selon la nature de leur cécité (précoce/tardive) et selon le type d'aide utilisée (canne/chien). Les différents sous groupes ne comportent que peu d'effectifs (cécité précoce–canne : n=3, cécité tardive–canne : n=4, cécité précoce–chien : n=4, cécité tardive–chien : n=5), c'est

pourquoi les analyses présentées resteront descriptives, mais indiqueront néanmoins des tendances, qui pourront être prises en compte pour des études ultérieures. Toutefois, l'analyse globale portant sur l'ensemble des sujets non voyants (n=16) vs témoins (n=6) pourra apporter quelques éléments à portée généralisante, malgré une grande dispersion intra-sujets. Pour pallier cette dispersion, un test non paramétrique a été effectué (test de Mann-Whitney). Ces observations indiquent quels types de difficultés rencontrent les sujets non voyants lorsque qu'ils se déplacent en milieu urbain et à quels moments du parcours ils les rencontrent.

METHODELa méthode utilisée est décrite dans la communication de Wolff et al. Seules la construction des grilles d'observations et l'élaboration du codage sont décrites. Les observations et entretiens préliminaires menés avec les sujets ont permis de déterminer que les principales difficultés rencontrées par cette population concernent l’orientation dans les rues et la traversée les passages piétons. Dans le cadre de ce colloque, seules les difficultés concernant l'orientation des sujets sont traitées. Ces difficultés seront analysées en termes d'arrêts effectués par les personnes non voyants lorsque elles ont des doutes quant à l'orientation à suivre. La mise en place de la grille d’observation des difficultés d'orientation, et la division du parcours en 17 (codés de 1 à 17 selon l'ordre chronologique du trajet) étapes ont été définies en fonction du nombre de pauses effectuées par les sujets. A noter que les étapes 7 et 12 correspondent à la répétition de la consigne au sujet et que les étapes 3 et 4 correspondent respectivement à l'attente du bus et au trajet en bus. Lors de ces arrêts, les sujets sollicitent autrui ou hésitent quant à la direction à suivre; la seule manière efficace de s’orienter pour les non-voyants étant de demander leur chemin aux

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passants. Ces pauses peuvent aussi être occasionnées par un tiers pour des raisons de sécurité. Ainsi un dénombrement du nombre de sollicitations, d'hésitations et d’interventions tierces a été effectué. Il y a donc trois catégories d’observables :

Les sollicitations englobent toute demande de la part du sujet afin de trouver son chemin. Les interventions extérieures peuvent être soit une intervention de l’expérimentateur soit une aide spontanée d’un passant, pour des raisons de sécurité ou de réorientation du sujet. Les hésitations de la part du sujet, i.e. le sujet s'engage dans une direction et retourne sur ses pas.

Le temps mis pour effectuer chaque étape du parcours a aussi été recueilli afin d’avoir un indicateur objectif de la performance. En effet, nous considérons qu’un sujet mettra d’autant plus de temps à parcourir une étape qu’il aura du mal à réaliser sa tâche.

ANALYSE DES RESULTATS

Analyse des arrêts Les résultats de l'analyse des arrêts occasionnés par les difficultés d'orientation montrent, que les 16 sujets non voyants ont beaucoup plus de problèmes d’orientation que les voyants. En effet, en moyenne, chaque déficient visuel a 23,3 arrêts sur toute la longueur du parcours alors que les voyants n'en ont en moyenne que 1,7. Une analyse locale a été effectuée sur les 4 sous groupes de sujets non-voyants (nature de la cécité : précoce/tardive, et aide utilisée : canne/chien) quant à ces arrêts. Le nombre d'arrêt est quasiment identique quelles que soient les caractéristiques des sujets. Il a donc été décidé - pour cette variable particulière - d'étudier le comportement global des non voyants en comparaison à celui des sujets voyants (groupe témoin). Les résultats pour l'ensemble des non-voyants, toutes observables confondues (figure 1), indiquent que les sujets marquent plus de pauses dans certaines étapes que dans d'autres. En effet, les sujets semblent avoir plus de difficultés à s’orienter dans les étapes 1, 2, 5, 10 et 11. Pour cette analyse descriptive, nous utiliserons un indicateur spécifique afin de pouvoir situer les sujets les uns par rapport aux autres : l'écart réduit. L'écart réduit de chaque sujet est calculé en divisant son écart à la moyenne par l'écart-type du groupe. L'écart à la moyenne est ainsi relativisé en situant cet écart par rapport à l'écart moyen du groupe [1].

L'analyse du nombre d'interventions extérieures révèle que, outre les étapes 1, 2, 5, et 11, les étapes 13 et 17 induisent une majoration des interventions extérieures par rapport aux autres parties du parcours. Nous allons donc poursuivre l'analyse en détaillant le type de difficulté principalement rencontré dans chacune de ces étapes. Étape 1 : espace ouvert présentant de nombreux obstacles. La part importante de sollicitations (38%) et d'interventions extérieures (37%) s'explique par le fait que cette partie du parcours est pauvre en source d’indices

exploitables par les sujets pour se situer. En effet, les passants ne vont pas tous dans la même direction, les voitures sont trop éloignées (trop de bruit ambiant masquant les indices informatifs), et il n'y a pas de bord de trottoir pour se repérer.

0

10

20

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

N° d'étape

Nom

bre

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Figure 1 : nombre total d'arrêts chez les sujets non voyants lors des 17 étapes du parcours.

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1 2 5 10 11 13 17N° d'étape

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Interventions extérieures Sollicitations Hésitations

Figure 2 : proportion de chaque observable rencontré chez les sujets non voyants lors des étapes les plus problématiques.

Étape 2 : terminal des bus. La difficulté majeure rencontrée par les sujets est de trouver le bon arrêt de bus. La part importante de sollicitations (44%) et d’interventions extérieures (34%) indique que les sujets ont du mal à trouver leur chemin, et ce, même si les passants les renseignent. Étape 5 : descente du bus, traversée d'une rue très fréquentée. Les sujets ont du mal à déterminer à quel endroit ils doivent et peuvent traverser, le passage piéton n’étant pas correctement signalé. La présence de nombreux passants ne permet pas aux sujets de percevoir correctement à quel endroit les voitures s’arrêtent. En conséquence, l'expérimentateur doit intervenir dans 48% des cas, surtout pour indiquer clairement l'emplacement du passage piétons aux sujets. Étape 10 : vaste trottoir, avec de nombreux obstacles, trouver où traverser. Les obstacles sont la principale cause des hésitations (30%) sur cette partie du parcours. Les interventions extérieures (30%) se retrouvent à la fin de cette étape, le trottoir étant vaste, les sujets ont du mal à trouver l’endroit où ils peuvent traverser. Étape 11 : traversée en 4 temps d'un boulevard. Les interventions extérieures sont fréquentes (47%) pour des raisons de sécurité. Les problèmes d’orientation,

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surviennent après la traversée, quand les sujets doivent déterminer quelle direction prendre. Étape 13 : traversée d'une rue. La principale difficulté rencontrée par les sujets est de trouver le passage piéton leur permettant d'aller dans la direction qui leur a été précédemment indiquée. Étape 17 : traversée en 2 temps (séparée par un terre-plein). À ce niveau, l'expérimentateur intervient dans 68% des cas pour remettre les sujets dans la bonne direction lorsque ceux-ci se retrouvent sur ce terre-plein.

Analyse du temps de réalisation des étapes L’analyse globale de la comparaison entre le temps de réalisation de chaque étape par les 6 sujets témoins et les 16 sujets non-voyants indique que les non voyants mettent significativement plus de temps que les témoins sur les étapes 1, 2, 5, 10, et 11 (test de Mann-Withney significatif à p < 0.001 sur chaque étape analysée). Ceci confirme donc les résultats précédents sur les problèmes d’orientation.

CONCLUSIONEn ce qui concerne les arrêts, l'analyse des résultats a permis de dégager quelques grandes difficultés d'orientation que rencontrent les non-voyants lorsqu'ils se déplacent en environnement urbain :

Savoir dans quelle direction ils doivent aller. S'orienter efficacement dans un espace ouvert. S'orienter efficacement lorsque le bord du trottoir se trouve trop loin pour être utilisé comme indice. Trouver l'arrêt d'un bus. Trouver les passages piétons lorsque celui-ci n'est pas (ou mal) signalé.

La sécurité des personnes non voyantes posant de sérieux problèmes, une observation plus approfondie sur ces aspects pourrait être utile. Par exemple, il serait intéressant d'analyser quels sont les situations et les aménagements urbains les plus dangereux pour cette population.

BIBLIOGRAPHIE 1. Corroyer, D. & Wolff, M. L'analyse statistique des

données en psychologie. Armand Colin, Paris, 2003. 2. Sperandio, J.C. & Uzan, G. Ergonomie des aides

techniques informatiques pour personnes handicapées. In P. Falzon, Ergonomie, PUF, Paris, 2004, pp 479-496.

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Déplacements urbains des personnes non-voyantes : La fréquence cardiaque

comme indicateur potentiel de stress

Julien NelsonStanislas Couix

Marion Wolff

Philippe CabonGérard Uzan

Unité d’Ergonomie (EA 1753) Université Paris 5

45 rue des Saints-Pères 75270 Paris Cedex 06

[email protected]@etu.univ-paris5.fr

[email protected]@univ-paris5.fr

[email protected]

01 42 86 42 06

RESUMECette étude exploratoire se rattache à une étude multi-variée visant à caractériser les niveaux de stress et les difficultés rencontrées par les non-voyants dans leurs déplacements urbains. La fréquence cardiaque y est envisagée comme indicateur possible du stress ambula-toire. L’interface utilisée permet le recueil en temps ré-el de la FC ainsi que de la vitesse et du trajet parcouru. Les résultats permettent d’évaluer les apports de la fré-quence cardiaque comme indicateur potentiel du stress et de formuler des suggestions en termes d’évolutions méthodologiques.

ABSTRACT This exploratory study relates to a multivariate study aiming to define stress levels and difficulties encoun-tered by blind pedestrians in urban travel. Heart rate is considered as a possible metric for ambulatory stress. The interface we used allows real-time measuring of HR as well as walking speed and course coordinates. Results offer means to evaluate the value of HR as a possible metric for stress, and to support suggestions in terms of future methodologies.

MOTS-CLES : Stress, personnes non voyantes, fré-quence cardiaque, déplacements urbains, analyse des difficultés.

INTRODUCTIONLe phénomène de stress1 en milieu urbain est fortement lié aux notions de sécurité et d’autonomie dans les dé-placements. On peut également supposer que les per-sonnes atteintes de cécité sont les plus concernées par ce problème. Dans cet objectif, seize sujets non voyants et six sujets « témoins » voyants ont accepté de réaliser un parcours filmé dans un quartier parisien ré-puté « stressant » et difficile d’accès pour les piétons. Chacun d’entre eux est équipé d’une interface, consti-tuée d’un cardiofréquencemètre couplé à un système GPS (Global Positioning System) : le boîtier FRWD-Recorder 0400, utilisé habituellement pour l’enregistrement de performances sportives. Cette in-terface mesure en temps réel la fréquence cardiaque (FC) ainsi que la vitesse de la marche et la distance parcourue. A l’aide de la FC, nous tenterons de déceler des indicateurs de présence de stress, couramment étu-diés en ergonomie pour l’évaluation de la charge de travail physique [3], [4] et mental [2].

METHODESujetsLes 16 sujets non voyants (11 hommes et 5 femmes ; sujets âgés entre 28 ans et 50 ans) ont été répartis en quatre groupes selon l’ancienneté du handicap (cécité précoce ou tardive) et la technique de déplacement uti- 1 Le modèle dit transactionnel définit le stress comme un déséquilibre entre les risques perçus par un individu dans l’environnement et les ressources dont il pense disposer pour y faire face [6].

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lisée (canne ou chien guide)2. Les groupes n’étant constitués que de peu de sujets (cécité précoce - canne n = 3 ; - chien n = 4 ; cécité tardive - canne n = 4 ; - chien n = 5), les analyses présentées n’indiqueront que des tendances, qui pourront servir de base à des analy-ses ultérieures. Le groupe témoin est constitué de 6 su-jets voyants (3 hommes et 3 femmes âgés entre 28 ans et 50 ans).

Tâche et matériel À l’Unité d’Ergonomie (Paris 6ème), chaque sujet est équipé d’un cardiofréquencemètre thoracique, et la FC est mesurée au repos, cinq minutes en position debout et cinq minutes en position assise, puis moyennée pour obtenir une valeur de référence de la FC de repos. Ac-compagnés en autobus au départ du parcours, les sujets sont ensuite équipés du boîtier FRWD. Le parcours choisi comporte de nombreux obstacles (foule, véhicu-les, etc.) susceptibles de déclencher des facteurs de stress. Il est divisé en 17 étapes, certaines effectuées à pied, d’autres en autobus, codées de 1 à 17 (ordre chro-nologique du parcours). En fin de parcours, une contrainte temporelle est introduite.

Variables dépendantes La FC et la vitesse de marche sont mesurées en temps réel sur toute la longueur du parcours. La FC est inter-prétée en termes de pourcentage de variation par rap-port à la FC de repos (PVFR), calculé comme suit :

PVFR = [(FCmoy(étape)-FCR) / FCR]x100

ANALYSE DES RESULTATS Fréquence cardiaque (PVFR)Afin d’évaluer les comportements des sujets, l’écart réduit (ER) a été utilisé3. L’analyse des ER montre que les étapes associées à la charge physique la plus forte sont les étapes 15, 16 et 17, marquées par la contrainte temporelle (fig. 1). A l’inverse, les PVFR les plus fai-bles correspondent, tout à fait logiquement, aux étapes d’attente et de trajet dans l’autobus (étapes 3 et 4).

-3,00

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-1,00

0,00

1,00

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

étape

écar

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uit P

VFR

non voyants témoins

Figure 1 : écarts réduits des PVFR par groupe.

Seront ensuite détaillées les étapes 5 et 16 représentati-ves des contraintes les plus fortes.

2 Tous ces sujets ont suivi la formation fournie classiquement aux uti-lisateurs de canne ou de chien-guide. Leur expérience de déplace-ment urbain en zones à risques est variable. 3 ER : différence à la moyenne rapportée à l’écart-type.

Vitesse de marche En déplacement, les augmentations de la FC résultent à la fois de l’activation des systèmes de réponse au stress et du travail physique. Pour distinguer ces deux com-posantes, les corrélations (r de Bravais-Pearson) entre le PVFR et la vitesse de marche mesurée en m/s ont été analysées (cf. fig. 2).

-0,60

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1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17

étape

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PV

FR -

vite

sse

Figure 2 : corrélations PVFR-vitesse pour lessujets non-voyants

Etape 5 (repérage d’un bâtiment et traversée d’une rue fréquentée, fig. 3). Les aveugles précoces à canne pro-gressent plus lentement (moy=1,02 m/s) car ils ne dis-posent pas de représentations de l’environnement [5] et ne peuvent pas se repérer audivement [1] [5] [7] [8]. Les aveugles tardifs avec canne se déplacent plus rapi-dement (moy=1,83 m/s), de par leur expérience pas-séevisuelle. Les aveugles aidés efficacement par un chien-guide s’orientent également plus rapidement (moy=1,64 m/s).

00,20,40,60,8

11,21,41,61,8

2

précoce tardif

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vite

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(m/s

)

cannechien

Figure 3 : Vitesse de marche moyenne par groupe (étape 5).

Etape 16 (espace ouvert avec contrainte temporelle, fig. 4). Ici, le facteur technique n’a pas d’effet pour les non-voyants tardifs : l’existence de représentations mentales facilite la perception de la situation ; et la vi-tesse de marche des non-voyants précoces à canne (moy = 1,28 m/s) est moins élevée que celle des non-voyants aidés par un chien (moy = 2,23 m/s).

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0,5

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ancienneté

vite

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(m/s

)

cannechien

Figure 4 : Vitesse moyenne de marche par groupe (étape 16).

DISCUSSIONL’analyse de la fréquence cardiaque et de la vitesse de marche ont livré quelques pistes de recherches. Mais la FC est un indicateur trop sommaire de la réponse car-diovasculaire au stress ; d’autres éléments seront né-cessaires pour caractériser plus finement cette réponse. L’analyse des variations de la tension artérielle (TA) permettrait par exemple de distinguer plus objective-ment, parmi les augmentations de la FC, quelle part est due à un travail physique (variations graduelles de la TA) et quelle part aux effets de facteurs de stress ponc-tuels (variations soudaines de la TA). Les études ulté-rieures devront également tenir davantage compte de la variabilité interindividuelle de la FC (par exemple : études préalables via des questionnaires médicaux).

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Briffault, X., & Gaunet, F. Méthodologie et spéci-

fication pour un système informatique de guidage verbal : le déplacement des déficients visuels en ville. Orsay, LIMSI-CNRS, 2002.

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4. Frimat P, Chamoux A, De Gaudemaris R, Canti-neau A, Amphoux M. Fréquence cardiaque et tra-vail. Quelle utilisation ? Quels critères ? Archivesdes Maladies Professionnelles , Vol. 50 n° 4, 1989, pp. 357 - 360.

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6. Lazarus RS, Folkman S. Stress, appraisal and coping. Springer : New York, 1984.

7. Martinez, M. Les informations auditives permet-tent-elles d’établir des rapports spatiaux ? Don-nées expérimentales et cliniques chez l’aveugle congénital. L’Année Psychologiue, LXXVIII,1977, pp. 179-204.

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INDEX DES AUTEURS

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Index

AAMALBERTI R. ......................................13 ANASTASSOVA M. ...............................45

BBAFFOUN S. .......................................297 BALME L. ..............................................79 BASTIEN J.M.C. ..................................313 BELATAR M. .......................................333 BERNARD A. ...............................353/357 BERNONVILLE S. .................................55 BESSES R. .........................................363 BETRANCOURT M. ............................155 BEUSCART-ZEPHIR M.C. ....................55 BLANC-BRUDE T. ................................63 BOBILLIER-CHAUMON M.E. ..............301 BOULAKFOUF S. ...............................321 BOURGUIN G. ....................................147 BOURHIS G. .......................................317 BRANGIER E. ................................71/349 BREDA J. ..............................................45 BUISINE S. .........................................185 BURKHARDT J.M. ................................45

CCABON Ph. ...........................277/371/375 CALVARY G. ..................................79/369 CASTEL V. ..........................................261 CHAALI-DJELASSI A. .........................193 CHALON R. .........................................171 CHAMPALLE O. ..................................171 CHAUVIN S. ........................................179 CHERRY S. ...........................................87 CHEVRIN V. ........................................305 CLARION A. ........................................325 COLLET Ch. ........................................325 COLOMBAN F. ...................................261 COMTET G. ........................................363 COUIX S. ..............................277/371/375 COUTAZ J. .....................................79/369 COUTURIER O. ..................................305 CYBIS DE ABREU W. .........................245

DDAASSI O. ..........................................79DAGORRET P. .................................129DAVID B. ...........................................171DE LA GARZA C. .............................309DELCOURTE C. ...............................321DELEBARRE V. ................................261

D (suite)DEMEURE A. ......................................79DESMARAIS M.C. ............................237DIBON A. ...........................................321DI GIUSTO V. ...................................363

EEZZEDINE H. ................................ 337

FFAISANDIER A. ..................................21FAVRE J.M. ......................................369FENIX J. ..............................................95FLEURANCE Ph. .............................163

GGAIO M. ..............................................129 GANNEAU V. ........................................79GARRON J. .........................................211 GENIEYS G. ......................................313 GHEDIRA S. .......................................317 GIRARD P. ...................................103/201 GOVAERE V. ......................................221 GUESSARD W. ...................................363 GUIBERT N. ........................................103 GUITTET L. ..................................103/201

HHAMMES S. ..........................................71 HEIWY V. ............................................365

IIDOUGHI D. ......................................111

JJOBERT M. .........................................321 JOURNET J. .......................................211

KKAHN J. ..............................................313 KARSENTY L. .....................................119 KOLSKI C. .....................................55 /111 KUJAWA L. .........................................229

LLATAPY M. .........................................129 LE-BOT P. ...........................................309 LEMIEUX F. ........................................237 LEPREUX S. .......................................139

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L (suite) LEROY N. .............................................55 LEWANDOWSKI A. ............................ 147 LISOWSKA A. .....................................155 LOPISTEGUY Ph. ...............................129

MMACQUET A.C. ..................................163 MASSEREY G. ...................................171 MEGARD Ch..........................................45 MICHEL G. ..................................245 /321 MILOCHE P.O. ....................................363

NNECIR H. ...........................................367NELSON J. ..........................277/371/375

PPAGOT Ch. .......................................325PAPY F. .............................................179PETIT C. ............................................325PETIT G. ............................................321PINO P. ..............................................317PLOS O. ............................................185POIRIER F. .........................................333 POLET Ph. ..........................................193 PUIDUPIN A. .......................................363

RROBERT J.M. .....................................297 ROBILLARD P.N. ..................................87 ROUILLARD J. ....................................305 RUAULT J.R. ......................................253

SSAGOT J.C. ..........................................95 SANDOZ GUERMOND F. ...................301 SANOU L. ...........................................201 SCAPIN D.L. .........................................63SCHOULLER J.F. ...............................221 SHAHROKHI M. ...........................353/357 SIMON J.C. ..........................................349 SMOUTS A.S. .....................................261 SOTTET J.S. ..................................79/369 SPERANDIO J.C. ................................287

TTARBY J.C. .............................147/343TODESCHINI L..................................287TRABELSI A. ................................. 337

UUZAN G. ..............................277/371/375

VVALOT C. ............................................95VANDERHAEGEN F.........................193VANDERDONCKT J. .........................31

WWANNENMACHER D. .....................269WOLFF M. ....................277/287/371/375

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