ACTES DES JOURNÉES D’ÉTUDE Organisation, Santé et Numérique

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Organisation, Santé et Numérique Sous la direction de Benoit Cordelier, Olivier Galibert, Sylvie Alemanno et Hélène Romeyer. Journées d’études Organisation, santé et numérique Université du Québec à Montréal et Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris) 23 et 24 octobre 2017 ACTES DES JOURNÉES D’ÉTUDE

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Organisation, Santé et Numérique Sous la direction de Benoit Cordelier, Olivier Galibert, Sylvie Alemanno et Hélène Romeyer. Journées d’études Organisation, santé et numérique Université du Québec à Montréal et Conservatoire National des Arts et Métiers (Paris) 23 et 24 octobre 2017

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Actes des Journées d’étude

Organisation, Santé et Numérique

Benoit Cordelier, Olivier Galibert, Sylvie Alemanno et Hélène Romeyer (dir.)

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Centre de recherche sur la communication et la santé - ComSanté http://comsante.uqam.ca Textes présentés lors des journées d’étude tenues les 23 et 24 octobre 2017 à Montréal et à Paris Organisation, santé et numérique Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés ISBN 978-2-9812513-2-9 (pdf) Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018 Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Canada, 2018

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ORGANISATION

PARTENAIRES

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TABLE DES MATIÈRES

1ÈREJOURNÉE

SESSIONCNAM-PARIS|12H00À14H10.................................................................................9Innovationnumérique,unbilancontroversépourlesorganisationsdesantéaprèsl’informatisationdudossierpatientClémentGravereaux...............................................................................................................................10Desplateformesd'informationauxplateformesdecoordinationensantéVersunéquilibreàconstruireautourdesécosystèmesenémergenceClaudieMeyer,ThérèseDepeyrot,ChristianBourret..............................................................................12LeDMP,undispositifdeconvergencedesacteursdanslesystèmedesantépublique(français)àl’initiativeduréseau?DanielleDufour-Coppolani......................................................................................................................14

SESSIONUQAM-CNAM-MONTRÉAL|8H50À12H00-PARIS|14H50À18H00......................17

Approcheinfo-communicationnelledutravaildesantédespatients:Lecasdepatientsatteintsdemaladieschroniquesetdedispositifsdee-santéAnneMayère...........................................................................................................................................18

L’injonctionparadoxaledelaréorganisationparleDossierPatientNumériqueBenoitCordelier,HélèneRomeyer,LaurentMorillon.............................................................................20Quandlesclinicienssefontdesigners:Uneapplicationmobilecommeréponseaustressnumérique?SylvieGrosjean........................................................................................................................................22Rationalisationsdessystèmesdesanté:Transformationsorganisationnelles,managérialesetrisquespsycho-sociauxJean-LucBouillon,CatherineLoneux.......................................................................................................24

SESSIONUQAM-MONTRÉAL|14H00À16H00......................................................................27

Placedesréseauxsociauxdanslarecherched’informationensantéMoniqueCaron-Bouchard.......................................................................................................................28

Ledéveloppementd’expertisedanslescommunautésenlignessurlaquestionducannabiscontrelecancerStéphaneDjahanchahi,OlivierGalibert..................................................................................................30Formesd’expressiondesoutiensocialsurleforumdediscussiondelaSociétécanadienneducancer:uneanalysethématiqueetconversationnelleOlivierTurbide,ChristineThoër,MariaCherba,VincentDenault,RymBenzaza....................................32

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2ÈMEJOURNÉE

SESSIONCNAM-PARIS|10H00À12H20...............................................................................35Parcoursmumérisédesoins:ProcessusdereterritorialisationdelasantéSylvieAlemanno......................................................................................................................................36LetraitementduDossierderégulationauSAMUducentrehospitalierd’ArrasEnjeuxprofessionnelsetorganisationnelsAuréliaLamy,CélineMatuszak...............................................................................................................38Ladiffusiondelatélémédecineenmédecinedeville:Élémentsdebiland’unprogrammerégionalenBourgogneChristinePeyron,LaureWallut,AurorePélissier,AnneButtard.............................................................40

SESSIONUQAM-CNAM-MONTRÉAL|8H30À12H00-PARIS|14H30À18H00.....................43

Témoignerenlignedesonagressionsexuelle:JalonsdelareconstructiondesoietdelamobilisationcollectiveChantalAurousseau,ChristineThoër,RymBenzaza...............................................................................44Lapréventionducancerduseinenligne:dudiscoursausoutiensocialOmraneDorsaf,PierreMignot...............................................................................................................46Bienveillancecommunautairedesforumsnumériquescommevecteurderéorganisationduquotidiendansl’épreuveducancerAuréliePourrez,ÉlodieCrespel,BenoitCordelier....................................................................................48Dimension(s)numériquesducaredanslesrelationsdesoinsentrepatients,aidantsprochesetprofessionnelsdesantéGéraldineGoulinet-Fité...........................................................................................................................50

SESSIONUQAM-MONTRÉAL|14H00À15H20......................................................................53

Uneapprochelinguistiquepourladétectiondecommunautésd’expertiseDamienDeMeyere,FrançoisLambotte,CédrickFairon.........................................................................54L’analysedesusagesdesdossiersinformatisésdespatientsUneméthodepourmieuxcomprendrelespratiquesdesprofessionnelsdesanté?PénélopeCodello,EwanOiry,RoxanaOlogeanu-Taddei,DavidMorquin..............................................56

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1ÈREJOURNÉESESSIONCNAM

PARIS|12H00À14H10

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Innovationnumérique,unbilancontroversépourlesorganisationsdesantéaprès

l’informatisationdudossierpatientClémentGravereaux

PREFics(EA7469)UniversitéRennes2

[email protected]

Mots-clésSanté,organisation,numérique,acteurpolitique1. INTRODUCTIONNotre projet de recherche est consacré à l’étude desévolutionsdesformesorganisationnelleshospitalièresetdes processus de prises en charge dans un contexte ditde« digitalisation ».Nousproposonsdeposerquelquesarguments autour des phénomènes communicationnelsposésparl’informatisationdudossierdesoin.Notre hypothèse générale est de dire qu’aujourd’hui,face aux injonctions paradoxales produites et mises enœuvre à travers les différents plansd’accompagnementen santé, les organisations hospitalières ou plusglobalementlesacteursdusystèmedesanté,mettentenœuvredefaçonautonomedesactionsvisantàstructurerle système inversant ainsi une logique de prescriptiontop-down.Comment peut-on penser en tant que chercheurl’évolutiondesformesorganisationnelleshospitalièresetdesparcoursdesoins?Comment, dans un contexte de développement un peutousazimutsd’applicationdesantémobilepeut-onsaisirles comportements tirés de l’informatisation du dossierdesoin?2. MÉTHODEL’intérêt de l’objet de recherche, saisir les formesd’appropriation du DPI à travers les processus derecomposition organisationnels provient de notreimmersioncontinueauseind’ungroupedesantéprivé.Nousavonsfaitlechoixd’essayerdedélimiternosobjetsde recherche en nous fondant sur une pragmatique del’analyse des processus et des situations. Nous nousbasons donc sur un fondement épistémologiquepragmatique.Dans un premier temps il a fallu reprendre l’ensembledesdiscoursetdestraces,observatoire,guide,méthode,produis par les différentes instances duministère de laSantéenayantcommepointd’ancrage2012,ledébutduprogrammeHôpitalNumérique.Au niveau micro toujours nous avons mené desentretiensnondirectifs guidés afin de faire émerger dusens autour des routines des acteurs pour comprendreles parcours de soins, les interactions entre les

professionnels autour de ce parcours et saisirl’articulationdesnormesetprocessuscommunication.Nous avons établi plus tard une cartographie desphénomènescommunicationnels liésauDPI, àpartirdelaquellenousavonscommencéàexplorerunelittératurescientifique. Puis, nous avons entrepris l’écriture d’unquestionnaire que nous avons soumis à différentsprofessionnelspourenconfronterlesens.Cetteenquêtea ensuite été déployée auprès d’établissements publicset privés: 162 répondants praticiens et personnelssoignantsetadministratifs.Cette méthodologie a permis de donner forme à lacomplexitéetd’identifierlesmécanismesstructurants.3. RÉSULTATSGlobalement les acteurs font confiance (68%) aux DPIcomme outils de travail et sont convaincus parl’informatisationdudossierde soin, car ils y voientuneutilité plus grande que sous sa forme papier, avec uneproportionlégèrementplusélevéechezlesmédecins.Ils reconnaissent le côté pratique de l’outil, en ce qu’iloffre des garanties quant à l’utilisation de l’informationmédicale (à travers la standardisation de l’écriture), lasécurité, et les possibilités de partage instantanéd’informationsautourd’undossierunique.Illeurpermetde gagner du temps, d’homogénéiser les méthodes detravailetdegagnerenclartédel’information.Le travail apparaît comme plus facile à réaliser avec ledossier patient informatisé pour les soignants etadministratif mais la majorité des acteurs estime quel’informationqu’ilssaisissentsur l’outiln’estpasutiliséecorrectement par les autres acteurs sur le parcours desoin. L’identité du patient n’est pas saisie de façonuniforme,lestransmissionsnesontpaslues,mêmesilesinformations sont tracées, elles ne sont pas facilementlocalisables.Lamajoritédespraticiensestplutôtd’accord,maisunepart non négligeable considère que son travail estdésormais plus difficile, les métiers deviennent pluscomplexes.La majorité des répondants indique ne pas avoirl’impression d’être plus efficace ou compétente autravail.Le DPI a, d’après les acteurs, davantage changél’organisation du travail qu’il n’a changé les façons

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d’exercer le métier. De plus, seule la moitié desrépondants a davantage le sentiment de travaillerensemble avec leDPI et plusde lamoitié estimentquel’outiln’apaspermisuneaméliorationde l’organisationdeleurservice.Pour, finir, 72% disent ne plus pouvoir retourner à laversionpapierOnpeutlégitimementinterrogerlaconception,ledesignpolitique de l’outil dans sa capacité à avoir intégré lesacteurs dans la mise en technologie du projetd’informatisationdudossierdesoin.4. ANALYSENous observons une capacité des organisations à co-élaborerautourdelastructurationdenouvellesroutinesqui structurent les systèmes sociaux. À partir de là oncomprendcommentledesignpolitiquefaitémergerdesdissonances.LadissonancequenousappelonsavecCatherineLoneuxRO2I (risques organisationnels impactant l’individu) estaussi comme le dit Anne Mayère “un report descontradictions non résolues aux niveaux décisionnelssupérieurssurlespersonnelsopérationnels”.Commenousl’avonsmontré,lamiseentechnologiedesprojets politiques de santé ne peut êtremise en formeselon ce qui est prescrit, autrement dit, la dissonanceorganisationnelleestunfait,dontlescausesnesontpasàidentifierauniveaumicro.LastructurationtechniquedesSIHetduDPIestdevenue,au fil des évolutions juridiques, normatives,économiques, organisationnelles et professionnelles, lacolonne vertébrale de l’architecture organisationnellehospitalièreglobale.Ilauradoncfalluinvestirlesformesstructurantesdecettecolonnevertébraledont l’analysemicron’estqu’unélément.L’articulationdesrelationsentrelemésoorganisationnelet le méso institutionnel/étatique caractérise donc lastructuration organisationnelle des processus dans saglobalité à travers les relations qui existent entre lespartiesprenantesetpermetdesaisirunedesdimensionsdudesignpolitiquedesSIH.5. CONCLUSIONOn peut conclure que l’autonomie des acteurs est unecapacité à produire un cadre pour l’action face à lacomplexité du système organisationnel en contexted’informatisationdudossierdesoins.Cesmodesde travailaujourd’huiontétéà la fois reprisetamenésparlesstart-up,quisontdevenuesenquelquesorte émissaires d’une révolution silencieuse: lamise àmort d’un système hyper hiérarchisé à travers laphilosophieduDesignThinkingetdel’UserCentric.Latechnologiefinalementamisenexerguelesmanquesmanagériaux et organisationnels. L’émergence denouvelles formes d’organisation du travail fait émerger

de nouvelles formes managériales, moins autoritaires,intégrant les formes et les normes réglementaires del’action, mais faisant collaborer les acteurs quant auxfaçonsdelesappliquer.6. RÉFÉRENCES[1] Alemanno, S. (2015) Communication

Organisationnelle,ManagementetNumérique,Sousla direction deSylvie P. Alemanno, Paris,L’Harmattan

[2] Badouard,R., (2014) « La mise en technologie desprojetspolitiques.Uneapproche«orientéedesign»de la participation en ligne »,Participations, 2014/1(N°8),p.31-54

[3] Bessieres, D., (2016) « Communication publiqueetassociation professionnelle: légitimation etnormalisation », Revue française des sciences del’information et de la communication [En ligne],9|2016

[4] Cordelier,B.(2013).Miseeninvisibilitédesindividuset reconnaissance des activités : Un casd’implantation du dossier patient numérique.Communicationetorganisation,(44),29–40.

[5] Giddens, A. (1987) La constitution de la société,Paris,PUF,1987

[6] Gravereaux, C., Loneux, C. (2014) Risque et acteursau travail? in Risques mineurs, changementsmajeurs, Communication & Organisation, 2014/1(n°45)

[7] GroleauC., Mayère, A. (2007) « L’articulationtechnologies – organisations : des pistes pour uneapproche communicationnelle »,Communication etorganisation,31|2007,140-163

[8] Grosjean, S., & Bonneville, L. (2007). Logiquesd’implantation des TIC dans le secteur de la santé.RevueFrançaisedeGestion,145–157.

[9] Lascoumes P., Le Galès P., Sociologie de l’actionpublique. (2e édition), Armand Colin, coll. « 128 »,2012,128p.,ISBN:9782200259860

[1] MaletteS.,(2006)LagouvernementalitéchezMichelFoucault,mémoireprésentéà la facultédesétudessupérieures de l’université Laval dans le cadre duprogramme de maîtrise en philosophie pourl’obtentiondugradedemaîtreèsarts(M.A.)facultéde philosophie université Laval, Québec2001.

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Desplateformesd'informationauxplateformesdecoordinationensantéVersunéquilibreàconstruireautourdesécosystèmesenémergenceClaudieMeyer

Dicen-IDFParis-EstMarne-la-Vallé[email protected]

ThérèseDepeyrotDicen-IDF

[email protected]

ChristianBourretDicen-IDF

Paris-EstMarne-la-Vallé[email protected]

Mots-clésPlateforme,coordination,santé,écosystèmes1. INTRODUCTIONLe système de santé n’échappe ni au potentiel detransformation du numérique, ni à la nécessité de serecentrer sur le bénéficiaire du service (le patient).Prendresoindupatientdontlespathologiessontdepluscomplexes, nécessite une organisation de son parcoursassociéeàunplanpersonnaliséalimentéparunbrassagepermanent de nombreuses informations issues dedifférents mondes (médical, médico-sociaux, social,publics ou privés). Dans le système de santé françaisorganiséensilosetoùlavoixdupatientsefaitdeplusenplusentendre,lesdispositifsdecoordinationdeviennentfondamentaux. Les plateformes numériques pourraientjouerun rôle clépour améliorer le systèmeactuelmaisavec le risque de le déséquilibrer. A la fois outild’agrégation, de centralisation et de standardisation dedonnéeshétérogènesetautoritécentralisée,enpositiond’hypermédiation, les plateformes numériques [1]entrainentdenombreuxchangementsdanslespratiquesinfo-communicationnelles, dans la recomposition despouvoirs, dans la perception et la «gouvernance» duparcourspatient.

2. MÉTHODELetravailderechercheprésentéprivilégiedesétudesdecas avec la collecte d’information secondaires. Unepremière typologie des plateformes venant d’uneobservationdusecteurdelasantéenFrance[2]apermisde distinguer les plateformes d’information, detélémédecine, les plateformes territoriales etassurantielles.Chaque typedeplateformeest analyséàl’aide de la notion d’écosystème de Tansley [3]. Pourcaractériser lesécosystèmesendéveloppementet leursimbrications, les parties prenantes constitutives sontdécrites par quatre dimensions et les interactions sontidentifiées sur la base de la coproduction des servicesdéployés.Lacomparaisonentrelesservicesrendusdans

chaque type de plateforme est modélisée par quatrecadrans définis par deux axes: le niveaud’automatisation versus le niveau de coopérationnécessaire pour produire le service; le niveaud’intégrationversuslaspécificitéduservice.

3. RÉSULTATSLespremiersrésultatsportentsurdeuxdesquatretypesde plateformes: les plateformes d’information et lesterritoriales.Unegrandediversitédeservices (11 types)est offerte par l’ensemble des 8 plateformesd’information analysées. Ils vont de la réponseautomatisée à une recherche d’information (serviceautomatiséet spécifique) au living laben santé (servicecomplexe nécessitant de la coopération et uneintégration de services). Les parties prenantes sontsouvent des acteurs traditionnels en santé (privés oupublics) mais peuvent aussi être des acteurs nouveaux(start-up) ou l’occasion pour les patients d’endosser unnouveau rôle. Les plateformes territoriales regroupentde nombreuses initiatives. Dès 2014, apparaissent lesexpérimentations «Territoires de Soins Numériques»(TSN). A partir de 2016, des Plateformes Territorialesd’Appui (PTA) se déploient sur un certain nombre deterritoires. TSN et PTA se retrouvent depuis 2017 dansles Services Numériques d’Appui à la Coordination(SNAC) conduits par Agences Régionales de Santé. Lesrésultats schématisés ci-après, montrent aussi unegrandediversitédesinteractions[4].

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4. ANALYSEAveclesplateformesd’information,lespatientssontplusconscients de leur responsabilité. Leur participationaccrueadeseffetssurleschoixdecomportementetsurle systèmede santé. La coproduction se retrouve dansleurcontributionàlacréationdenouveauxservicespluscomplexes,créantl'hybriditéentrelesfournisseursetlesutilisateurs. Les plateformes territoriales développentdes interactions de type coopératif mais restentprésentes sur l’automatisation des services (agrégation,centralisation et standardisation des données). Lesplateformesterritorialessedistinguentparleurlienavecdes organisations de coordination préexistantes(réseaux de santé, MAIAI, PAERPA). La plateformedevient un dispositif numérique et organisationneld’intermédiation. Dans ce système, le patient est aucentredespréoccupationsmaissavoixrestepeuaudibleet son rôle dans les services innovants pas vraimentétabli. Ici, le numérique prolonge les pratiques desorganisationsd’interfaces.

5. DISCUSSIONLes plateformes interrogent la place dans l’écosystèmedes acteurs traditionnels de la santé, de l’état et dupatient.L’autoritéquicentralisen’estpastoujourslisible.Chacun cherchant ses marques définissant ainsi denouvelles pratiques dans laquelle le besoin d’unenouvellecoordinationestclé.Seretrouveici l’ambiguïtéinhérente à la technologie [5] qui promet de lacoordination tout en demandant plus. Les troismécanismesde coordinationbasiques (coordinationparlesrègles,l’ajustementoulaconfianceouparlemarché)[6] sont utiles pour discuter des formes d’interactionsdans les écosystèmes de santé. Les plateformesterritoriales s’appuient sur les règles et la confiancedéveloppées dans le cadre des organisations decoordination pre-existantes. Elles ne semblent pas trèsperméablesaumarchéetaupatientsicen’estquandlesinstitutions invitent lesstart-upàproposerdenouveauxservices (exemple TSN Terrisanté). Quel est le rôle desinstitutions dans le développement économique autourde la santé? Cela participerait-il à la vision de l’Etatplateformed’O’Reilly[7]?Lesplateformesd’informationsont orientées marché actant un passage del’information médicale et scientifique où la source estgarantieàuneinformationdesantégrandpublicdiverse,orientée usages pratiques, laissant place parfois à unregistreémotionnel[8].Faut-il laissersedévelopperdes

business model liés aux données collectées pourdévelopperdenouveauxservices?oufaut-ilparticiperàla construction d’une nouvelle relation à l’autre enresponsabilisant chacun aux enjeux des données ? Lestensions sont nombreuses: celles entre donnéespersonnelles et professionnelles, celle entrel’empowerment des citoyens comme modèle alternatifet le système de santé traditionnel, celle aussi de lafracturenumériqueetsanitaire.

6. CONCLUSIONL’étude limitée aux plateformes d’information etterritorialesmontre déjà que les plateformes sont bienau cœur des questions de santé. Elles sontincontournablesmais leurdéploiementest incertainparlacomplexitédesinteractionsàl’œuvredanslesservicesoffertset l’hétérogénéitédespartiesprenantes.L’étudeest à compléter notamment par l’investigation desplateformesassurancielles.7. RÉFÉRENCES[1] Coumont,A.(2015).Gouvernerparlesdonnées?La

plateforme de diffusion de données commeinstrument de gouvernement, 5e conférence DocnumériqueetSociété4et5mai2015-Rabat

[2] Depeyrot,T.,Bourret,C.,Meyer,C.(2016.).ServicesCo-construction in the French Healthcare Systemwithin Patients’ Digital Uses: An Approach throughsome Information Platforms, XXVI th InternationalConferenceofRESER,sept8/19,Naples.

[3] TansleyA.(1935).Theuseandabuseofvegetationalconceptsandterms,Ecology,Vol.16,N°3,p.284-307.

[4] Depeyrot, T. Meyer, C. Bourret, C. (2017). TheHealthcare Pathway Management In OrganisationsActingAs InterfacesBetweenTheHospitalAndTheMedical And Social Ambulatory Services, XXVII thInternationalConferenceofRESER,7-8sept,Bilbao.

[5] Verhoest, K., Bouckaert, G., Peters, G. (2007). Lesdeuxfacesdelaréorganisation:Laspécialisationetlacoordinationdansquatrepaysdel'OCDEaucoursdelapériode1980–2005,RevueInternationaledesSciencesAdministratives2007/3(Vol.73),p.357

[6] Mintzberg, H. (1979). The Structuring ofOrganizations: A Synthesis of the Research,EnglewoodCliffs:Prentice-hall.

[7] O’Reilly,Cesplateformess’appuientessentiellementsur un écosystème d’institutionnels qui tententd’intégrerdesT. (2010).GovernmentasaPlatform,Innovations,6,1,p.13-40.

[8] Romeyer.H.(2008). TICet santé: entre informationmédicale et information de santé, TIC et société, 2(1),pp.26–44.

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LeDMP,undispositifdeconvergencedesacteursdanslesystèmedesantépublique(français)àl’initiativeduréseau?

DanielleDufour-CoppolaniDicen-IDF

[email protected]@u-pem.fr

Mots-clésDMP, données de santé, système d’information,communication,conduiteduchangement.1. INTRODUCTIONLe système de santé français se transforme sur le planstructurel et organisationnel. L’écosystème de la santévoit l’affirmation d’une structure en réseau[1] dontl’urbanisation numérique s’étend. Les informationsmédicalessontprésentesdanscetensemblecomplexeetungrandnombred’acteurssontconcernésparlepartagedel’informationstructuréedesanté.Lesproblématiquesdu DMP, dossiermédical partagé, ont été relancées enFranceaveclaloidemodernisationdusystèmedesanté.LeDMP,dossiermédicalinformatisé,estalimentéparlesprofessionnelsdesantéetparlepatientlui-même,àquiil appartient [2]. Ce dispositif nécessite uneintéropérabilité et inclut une fonction documentairerapportée au patient[3], désormais acteur-réseau. Lesrelations des acteurs, envisagées dans le cadre de leurcollaboration, s’attachent au fil rouge de lacommunication des secteurs concernés par l’e-santéconjointement à l’information générée et partagée [4][5].Lesusagessontobservésfaceàcetoutilimplantéparla politique publique de santé, selon un périmètrecirconscrit à lamédecine de ville. Ce projet structurantdu système de santé entraîne la transformation dumodèle lié à l’économie des réseaux qui oblige à uneconduiteduchangement.2. MÉTHODELe travail s’est appuyé sur l’observation du systèmecomplexe de santé[6] français et l’ étude des différentsacteurs publics et privés et de leurs interdépendances.Les institutions et pouvoirs publics y compris lesinstances politiques ont dû être observés. Une analysedesusages,etuneanalysedulangageetdesproductionsécritesaétéfaiteàpartird’uncorpusconstitué.AvecleDMP, l’Etat est l’opérateur qui se dote de moyenstechniques nécessaires à cette mise en réseau. Lacommunication concernée est multiple, il y a pluralitédes voix [7]: celle du patient et du médecin avecl’interaction dans la conversation, celles des acteurs desanté, la communication publique mais aussi lacommunication politique. La territorialisation despolitiquesde santéet lenumérique sont au croisementdes compétences de la collectivité dans le champ de

l’action sociale et médico-sociale. Le DMP participeraitde cette articulation des métiers aux logiquesquelquefois divergentes dans la structuration d’unsystèmedesanténationaletglobaltoutenconstruisantunsystèmed’information[8]sanitaire.3. RÉSULTATSLeprojetDMPétantencoreendevenir,ilnes’agitpasicid’unrésultataboutimaisduconstatd’unesituationàunmomentdonné,enprenantenconsidérationl’histoiredecetoutil et ses acteurs. L’étudede cetobjet sedérouledansletempsenfonctiondepointsd’étapes.Cequipeuttoutefoisêtreconstaté,c’estlaréticencedecertainssurcedispositifd’e-santépourdesraisonsdiverses:crainteducontrôleetde larégulationpar lesprofessionnelsdesanté privés, craintes des usages sur l’utilisation de cesdonnées sensibles, critiques du coût non négligeabled’un objet difficile à généraliser. L’impact de cetteinnovationpeutêtreobservéepositivementsous l’angled’une gouvernance de la santé publique [9]. De làdécoulent les changements induits par les technologies,les usages associés, l’extension des pratiques enréseau[10].Ainsiavectoutelacomplexitéd’unepolitiquepubliquede l’e-santé,semettentenplacedesniveauxd’interactions [11] [12] entre un maillage d’acteurs etd’institutions (nationales, régionales, voireinternationales). Ce dispositif est potentiellement unoutil de la médiation et de management desconnaissances: il devient l’espace documentaire[13] desanté du patient dont les données sont collectées,classées,misesàdisposition,protégéesetconsultéesparles professionnels de santé. Un gisement de contenusd’informationquisupposelepartagedel’informationetdesconnaissancesenconsidérantlesdonnéescommeuncapital immatériel. LeDMP commeun instrumentde lagestion des connaissances[13]. Le DMP pourrait ainsis’imposer comme une interface communicationnelle etinformationnelleàgrandeefficience.4. ANALYSELesenjeux théoriquesportent sur lesmutationsdu rôlede l’acteur-patient au sein de la démocratie sanitaire[14]. Cette nouvelle économie numérique de la santéinduit des enjeux politiques, sociaux, éthiques: larelation du patient au médecin puis au collectif desacteurs[15]delasantéseréajuste,dansl’annonced’unnouveau paradigme de l’acteur réseau. Le savoircommun partagé assure la gestion des données

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informatisées de santé dans leur partage, leurcapitalisation, mais aussi dans l’interopérabilité, lastructuration, le stockage et la sécurité des données.L’éthique du réseau doit être convergent sur lerespect[16]deslibertésindividuelles.5. DISCUSSIONDifférentesquestionspeuventapparaîtreà l’occasiondecette approche systémique adoptée: La difficultéd’assurer la gouvernance, la cohésion, la performance,danscechantierd’urbanisationdusystèmedesanté.Lepouvoirexercéparlesdifférentspersonnesquigèrentlesbases de données de santé. L’information médicalecommeunvecteur-clefdecoordination,dedécision.Laquestion des stratégies et des enjeux d’une politiquepublique[17]d’une gestion numérique des données desanté,danscettemutationencours.6. CONCLUSIONLa conduite du changement [18] se place dans unedimension globale. La santé est envisagée sous l’angleholistique. Cette convergence virtuelle ne peut existersans un effort conséquent. Le dispositif DMP s’inscritainsidansunedimensionsociale,politique,économique,technologique, éthique, socio économique et sociétale.Nous assistons à une transformation profonde dusystèmedesantéaveclaplacenonnégligeablepriseparla santé connectée dans l’organisation des soins enFrance,enEuropeetdanslemonde.7. RÉFÉRENCES[1] Reix R. (2002), Systèmes d’information et

performance de l’entreprise étendue, in F. Rowe,Faire de la recherche en systèmes d’information,chapitre19,EditionsVuibert,333-349,2002.

[2] Lascoumes Pierre, L'usager dans le système desanté: réformateur social ou fiction utile? in,Politiquesetmanagementpublic,vol.25n°2,2007.p.129-144.

[3] Jolivet A.,Vasquez C., 2011, Reconfiguration del’organisation: suivre à la trace les figurestextualisées–lecasdelafiguredupatient,Étudesdecommunication36.

[4] Sassi Salma et Verdier Christine, Présentation etvisualisation des documents médicaux, Le dossiermédical numérique, Document numérique, 2009/3Vol.12,p.37-58.

[5] Postel-Vinay Nicolas (2009). L’information desprofessionnels, in Pierre-Louis Bras et al, Traitéd’économie et de gestion de la santé, Presses deSciencesPo«Horscollection»,51,469-476.

[6] HeatherZoller,Professeurassocié,Départementdecommunication, Université de Cincinnati, Ohio,What arehealthorganizations?Public health andOrganizationnal Communication, Management

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SESSIONUQAM-CNAMMONTRÉAL|8H50À12H00PARIS|14H50À18H00

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Approcheinfo-communicationnelledutravaildesantédespatients:

Lecasdepatientsatteintsdemaladieschroniquesetdedispositifsdee-santéAnneMayère

CERTOPUMRCNRS5044UniversitéToulouse3

[email protected]

Mots-clésTravail du patient, travail d’articulation, productiond’informationdistribuée1. INTRODUCTIONAvec des politiques publiques visant au développementde soins ambulatoires, et la montée en puissance detraitementsparvoieoralepourdesmaladieschroniquesgraves (déficience cardiaque, cancers...), la question dutravaildespatientsseposede façonrenouvelée [1] [2].Une redistribution profonde du travail de productiond’informationetdutravaild’articulationestàl’œuvreausein et entre les organisations, entre professionnels desanté et avec les patients [3]. De nouveaux dispositifssont déployés relevant de la e-santé avec pourargumentaire d’améliorer les soins et l’accès aux soins[4] [5] [6]. Comment s’insèrent-ils dans letravail despatientsetaveclespatients?Commentredistribuent-ilsle travail au sein du réseau des intervenants, desdifférentsactants?2. MÉTHODELa recherche présentée est basée sur une approchequalitative avec étude de cas longitudinale. Elle a pourterrainunprogrammed’étudesur l’acceptabilitésocialeet organisationnelle d’un dispositif de suivi de patientsatteintsdedéficiencecardiaque.Nous nous appuyons sur un corpus constitué de 47entretiens semi-directifs approfondis menés auprès depatients à leur domicile du type récit de vie avec lamaladie,ainsique29entretiensauprèsdeprofessionnelsdesantéenchargedecesmêmespatients.3. RÉSULTATSLes résultats fontapparaîtredes transformationssur lesdifférentes lignes de travail des patients: travaildirectementliéàlamaladie,travaildelaviequotidienneaveclamaladie,ettravailsurlessentiments.4. ANALYSESurlabasedecematériau,nouscaractérisonslesappuisdu travail des patients, ainsi que les configurations deleursréseauxd’appuietdeleurspratiques.5. DISCUSSIONUneformerenouveléededivisionrationaliséedutravaildes patients et des professionnels est à l’œuvre, avec

spécialisation des activités entre télésurveillance, soinsphysiques,etsoins‘émotionnels’.Lesactivitéssontainsiséquencées et délimitées; les domaines d’interventionsontcirconscrits,cequipeutfaireobstacleàunepriseencharge complète et adaptée, notamment en situationsd’inégalités sociales de santé, et augmente le travaild’articulation et le reste-à-faire, reste-à-dire, reste-à-écrire, dans un contexte de discours enchanté sur la e-santé qui dénie le travail réel requis. Ce travaild’articulationestenbonnepart reporté sur lespatientsetleursproches.Desquestionsrelativesauxproductionsd’information,auxterritoiresd’autoritéetd’auteurité[7]sont posées en relation étroite avec des enjeux deresponsabilitéjuridique.6. CONCLUSIONLarecherchepermetdecaractériser letravail invisibilisédes patients et des soignants [8] pour faire et refairetenir ensemble des éléments dispersés et partiels. Ellemontrecommentlespatientssontinvitésàseconformerà des registres communicationnels préétablis, etcommentsecherchentdesvoiesdesingularisationdanslesinteractionsaveclespersonnelsdetélé-suivi,etdanslespratiquesspécifiquesdéveloppéesparlespatients.7. RÉFÉRENCES[1] Corbin J., Strauss A. (1985), “Managing Chronic

Illness at Home: Three Lines of Work”,QualitativeSociology,vol.8(3),p.224-247.

[2] Strauss A. Fagerhaugh S., Suczek B., Wiener C.(1997), Social Organization of Medical Work,TransactionPublishers.

[3] Oudshoorn N. (2011a), Telecare Technologies andthe Transformation of Healthcare, PalgraveMacmillanUK.

[4] OudshoornN.(2011b),“Howplacesmatter:Telecaretechnologiesandthechangingspatialdimensionsofhealthcare”, Social Studies of Science, vol. 42(1), p.121-142.

[5] RobertsC.,MortM.(2009),«Reshapingwhatcountsascare:Olderpeople,workandnewtechnologies»,ALTER-EuropeanJournalofDisabilityResearch,3,p.138-158.

[6] RobertsC.,MortM.,MilliganC.(2012),«CallingforCare: ‘Disembodied’Work,TeleoperatorsandOlder

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ComSanté-UQAM, CNAM, 23 et 24 octobre 2017

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PeopleLivingatHome»,Sociology,vol46(3),p.490-506.

[7] Wathelet E. (2017), Autorité et auteuritésémergentesdansunenvironnementorganisationnelnon-hiérarchiséenligne:lecasdelaconstructionderègles sur Wikipédia, Thèse en sciences del’information et de la communication, UniversitéCatholiquedeLouvain.

[8] Star S. L., Strauss A. (1999), “Layers of Silence,ArenasofVoice:TheEcologyofVisibleandInvisibleWork”,ComputerSupportedCooperativeWork,8,p.9-30.

8. REMERCIEMENTSRecherche ayant bénéficié du soutien financier del’entrepriseAlère, etduCHUdeToulouse.M.Bénéjeanpuis K. Swiderek ont assuré la fonction de chercheurechefdeprojet,aveclaparticipationd’E.Coeurdeveydansletravaild’investigation,etdescontributionsdeI.Bazet,E. Fournalès, Ph. Marrast et Th. Lang, ainsi que de N.Haschar-Noé, à différentes étapes de l’analyse dumatériau.

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L’injonctionparadoxaledelaréorganisationparleDossierPatientNumérique

BenoitCordelierComSanté

UniversitéduQuébecàMontréal(UQAM)[email protected]

HélèneRomeyerELLIADD(EA4661)

UniversitédeBourgogneFranche-Comté[email protected]

LaurentMorillonOrganiCom,LERASS(EA827)

Université[email protected]

Mots-clésProjet, contradiction, injonction paradoxale, dossierpatientnumérique,changementorganisationnel1. INTRODUCTIONLemanagementenmodeprojetproduituneorganisationmatriciellequiproduitdel’engagementenmultipliantlesactivitésdesindividuspartagésentreprojetetopération.Elles les placent dans des situations de travailhétérogènes et évolutives et qui les amènent parfoismême à vivre des tensions dans leurs modalitésd’engagement. En conséquence, le projet favorise ledéveloppements d’agencements organisationnelscomplexesquipeuventproduiredesantinomies[1],desinjonctionsparadoxales[2],[3].L’implantation d’un nouvel outil comme le DossierPatient Numérique (DPN) est un exemple de projet quicherche à rationnaliser et à standardiser les modalitésd’interaction à travers un processus de coopérationspécifique délimité dans le temps. Ce processus decoopération,amènedesperturbationsdans l’activitédupersonnelviséparleprojetetgénèredescontradictions[3]aupointquecertainsperçoiventunedégradationdeleuractivité,qued’autrescontribuentàsadisparition.Dans cette communicationnousnous intéresserons auxmodalités de négociation des acteurs face à desinjonctions paradoxales les amenant à négocierlocalement entre leur activité métier et la priorité quevoudrait être l’implantation du DPN. À cet effet, aprèsavoir présenté notre terrain et notre méthode, nousnous attarderons sur deux injonctionsque subissent lesemployés lorsdecontradictionsorganisationnellesqu’ilsdoivent résoudre et tenterons d’en proposer unetaxonomie.2. MÉTHODENotre accès au terrain s’est fait après le déploiementd’unsystèmedeDPNdansuneorganisationpubliquedesanté,unedespremièresétapesduprojetOACIS.Notreobjectif était les discours institutionnels commeparticuliers des usagers d’OACIS. En parallèle d’uneétude documentaire des outils de communicationd’accompagnement du changement préparés par laDirection de l’organisation, nous avons opté pour uneintervention à base d’entretiens semi-dirigés afin derecueillirdesinformationsdiversescommedesfaits,des

opinions, des analyses personnelles, des réactions, despropositions. Nous avons procédé à un total de 48entrevues.3. RÉSULTATSETANALYSENousavonsidentifiédesenjeuxetdesdiscourspartagésautourde4catégoriesd’employésregroupésenfonctiondes caractéristiques suivantes: administratif/soignant,projet/hors-projet,direction/employé.Les objectifs de changement organisationnel en visantune optimisation des processus organisationnelss’inscrivent dans une démarche fonctionnaliste etprescriptive. Nous postulons que considéré comme unchangement,l’évolutiondesprocessusfacilitelamiseenévidence de tensions spécifiques qui dépassent celleshabituellesdel’opération.Bienquel’organisationpuisseêtre pensée dans un processus d’évolution permanent,mettre l’accent sur une phase identifiée commechangementpermetdemettreenévidencedestensionsqui résultent de l’introduction d’une nouvelle activité.Les figures de changement ou de projet aident àsouligner l’apparition de nouvelles finalités dansl’organisation. Ce nouveau telos introduit de nouvellescontraintes rarement convergentes. Elles peuvent doncêtre rapprochées de la notion de doubles contraintesproposéeparBateson[5]etdenombreusesfoisreprisesdanslestravauxorganisationnels[p.ex.6].Siellepeutseretrouverdansl’activitédecommunicationinterned’uneorganisation [2], nous nous intéressons ici plusparticulièrementauxtensionsquesubissentlesindividusquinonseulements’inscriventdanscesdeuxprocessus,celuide l’opérationetceluiduprojet,maisquipeuventégalement vivre des rationalités et des finalitésdifférentes.En anthropologie et en sociologie, le syncrétismedésigne,parextension,«lescasdesynthèsedeplusieurséléments culturels issus de sources différentes» [7].Dans lecasdumanagementparprojet,cettehypothèsesevérifiechezlesacteursmétiersassumant,demanièretransitoire, des activités projet. Ce syncrétisme de rôlesconstitue une antinomie qui se résout avec l’extinctiondu projet. Mais elle est source de tension les acteursconcernés pour qui la participation à des projetsreprésente un surcroît de travail. Ils reconnaissent quecela contribue à l’amélioration des processusorganisationnels, que cela peut être une chance

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d’améliorer leur position dans l’organisation grâce audéveloppement de leurs savoirs. Cela produit toutefoisune injonction où l’acteur est partagé entre sesresponsabilités vis-à-vis de son métier et cellestemporaires vis-à-vis de l’équipe projet. L’acteur doitdoncdevenirl’arbitred’enjeuxquiledépassent,qu’ilnepeut résoudre individuellement. Nous retrouvons cetteinjonctionà tous lesniveauxhiérarchiquespuisque celatouchedesresponsablescliniques,dupersonneldesoinou des archivistes responsables du classement desdossiers[4].Lechangementorganisationnelsupposeuneréingénieriedes processus qui peut aboutir à des transformationsdrastiques,voiredesdisparitionsdepostesoudemétiersdans l’organisation. C’est ici le cas des archivistes ducentre de soins. Leur contribution au projet dechangement abouti pratiquement à la suppression deplusieursdeleurspostes.Leurtravailestvalorisédansunpremier temps car ils sont garants de la mémoire del’organisation à l’égard des patients. Mais celle-ci estprogressivementintégréedanslesystèmeinformatisé.Ilssont invités à y contribuer et réparent même desaccidents de numérisation des archives et dossiers encours. La valeur qu’ils représentent alors pourl’entreprise s’en retrouve démultipliée [4] mais ne leurpermetpasdeconserverleurspostes.Lareconnaissancede l’organisation passe par des offres de reclassementque plusieurs refusent. La performance des archivistesest alors exemplaire d’une activité dont le bondéroulement abouti doublement à la disparition de lafonction qui contribue au déploiement du nouveauprocessus. La valorisation et la reconnaissance del’activité en deviennent d’autant plus complexes. Pourautant, les archivistes contribuent au déroulement del’activitéprojetetàladisparitiondeleuposte.4. CONCLUSIONLe changement organisationnel fait peser sur lesindividus qui y contribuent des tensions quel’organisationaimeraitvoirrésoluesparceux-làmêmesàqui elles s’imposent. Les individus n’ont pas toujourspleine capacité pour y parvenir. Le managementmatriciel propre à la gestion de projet multiplie nonseulement les chaines hiérarchiques sans toujoursprévoir les modalités d’arbitrage entre des logiques àl’intersection dans lesquelles se trouve un individu quidoitdèslorslocalementgérerdesantinomies[8].LecasduDossierPatientNumériquedansunCSSSmontréalaisnous a permis d’en souligner deux: la première,l’injonction demédiation interne, caractérise le fait queles modalités de management ignorent souvent lescontradictions auxquelles sont soumis les employés etqu’ils doivent résoudre au risque de l’impair; ladeuxième, l’injonction à la disparition, peut apparaître

assez cynique car sous couvert de progrèsorganisationnel,l’employépeutêtreamenéàcontribueràladisparitiondesaproprefonction.5. RÉFÉRENCES[1] Cordelier, B., & Gramaccia, G. (2006). Antinomies,

régulations et médiations dans les projetsd’innovation organisationnelle. In O. Germain (Éd.),De nouvelles figures du projet en management(pp.99-123).Paris:EMS.

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[3] Wittezaele, J.-J. (2008). La double contrainte.L'héritage des paradoxes de Bateson. Bruxelles: DeBoeck.

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Quandlesclinicienssefontdesigners:

Uneapplicationmobilecommeréponseaustressnumérique?SylvieGrosjean

GRICOUniversitéd’Ottawa

[email protected]

Mots-clésStress numérique, surcharge cognitive, applicationmobileensanté,designparticipatif,hôpital1. INTRODUCTIONLes hôpitaux sont des organisations où les technologiesde la communication sont omniprésentes et lesprofessionnels de la santé sont amenés à gérer despressions,dessurchargesquivontcréerplusoumoinsdesouffrance émotionnelle, physique ou psychologique[1][2]. Certains travailleurs de la santé s’épuisent àvouloirréaliserunesériedetâchesurgentesetn’arriventplusàgérer leursprioritésetviventceque l’onnommeaujourd’huiun«stressnumérique»[2].Plusieursétudesfont état des liens de causalité entre l’usage destechnologiesetdifférentstypesderisquespsychosociauxtels que le stress au travail [3]; les phénomènes desurcharge [4], d’intensification du travail ou encore defragmentationdestâches[5].Ces différents phénomènes impactent fortementl’activité cognitive et émotionnelle des médecins etinfirmières à l’hôpital [6]. Tous les outils decommunicationprésentsàl’hôpitals’ajoutentlesunsauxautrescommedifférentescouchesd’unmillefeuille[7]etcontribuent à générer du «stress numérique» [3] :«digital stress, that is stress reactions elicited byenvironmental demands originating from ICTuse, variesas a function of at least two factors that challenge theusers’ coping resources: communication load (i.e., thenumber of sent and received private e-mails and socialmedia messages) and Internet multitasking (i.e.,concurrentuseofICTandotheractivities)»(p.3).Lajuxtapositiondephénomènesdesurcharge(cognitive,informationnelle et communicationnelle) peutlittéralement épuiser ceux qui en font l’expériencecontinuellement, les amener à la perception trèsdéstabilisanted’unepertedecontrôleetdusensdeleuractivité. De plus, les médecins et infirmières en milieuhospitalier doivent gérer une impossible déconnexion[8], compte tenudu fait qu’ils doiventêtre informésenpermanence de ce qui se passe, pour pouvoiréventuellement réagir vite à l’urgence qui pourraitmettreenpéril laqualitédes soinsoffertsauxpatients.Or, il est impossible aux médecins et infirmièrestravaillant à l’hôpital d’envisager de se déconnecter.Néanmoins, les professionnels développent des

stratégies individuellesetcollectives leurpermettantdegérer ce stress numérique et expriment le besoin detrouver des solutions afin de reprendre le contrôle surleurenvironnement[1].Dans lecadredecettecommunication,nousprésentonsles premières étapes d’un projet de recherche visant àconcevoir et développer une solution (de typeapplication mobile) s’intégrant aisément dansl’écosystème informationnelet technologiqueexistantàl’hôpital. Plusieurs questions se posent alors: Quelleapplicationmobileproposéeauxmédecinsetinfirmièrestravaillant à l’hôpital qui sont soumis à un stressnumérique? Comment cette application mobile leurpermettradegérer lesdifférentesformesdesurchargescognitive, informationnelle et communicationnelleauxquelles ils sont soumis quotidiennement? Pourtenter de répondre à ces questions, nous avons fait lechoix de mettre en œuvre une approche basée sur le«ParticipatoryDesign»2. MÉTHODEL’approcheproposéedans le cadrede ce projet intégrelesprincipesetméthodesdu«ParticipatoryDesign»etreposesurlamiseenplaced’unespacedecollaborationaucentreduquellacommunicationentrelesutilisateurs(médecins et infirmières), les développeurs et lesconcepteursenconstituel’élémentincontournable[9].3. PREMIERSRÉSULTATSL’approchedu«ParticipatoryDesign»aétéutiliséeavecsuccès auprès de populations très différentes(adolescents,CivicEgagement,lespersonnesâgées,etc.)et elle semble également trouver sa place dans laconception de solutions de télésanté pour les patients.Cependant, compte tenudesoriginesdu«ParticipatoryDesign» dans les organisations, étonnamment peu dechercheursontutilisécetteapprochepour impliquer lesmédecins,infirmièresdanslaconceptiondetechnologiesvisant à soutenir leur propre activité clinique. C’est ceque nous abordons dans cette communication,notammentenprésentantunprojetdeconceptiond’uneapplicationmobile pour les cliniciens (solutionmHealthquisenommeCogNeat)quiapourobjectifdelesaideràgérerlestressnumériqueàl’hôpitaletsesimpactssurlaprise de décision clinique. Nous proposons un retourréflexif sur un atelier de «Participatory Design»

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impliquant des médecins/infirmières dans un hôpitalontarien.Dans l’espritd’une telleapproche,nousavonsmenéunpremieratelierdedesignparticipatifavecdesmédecinsetinfirmièresquiavaitpourobjectifs:(a)Comprendreetpréciser le contexte d’utilisation de l’applicationmobile(et ce dans différents services de l’hôpital); (b)catégoriser, prioriser et visualiser le flux d’informationnécessaireàl’activitéclinique.

Il a été convenu avec les professionnels qu’une desfonctionnalités importantes de la future applicationmobileseraitderéduirelasurchargeinformationnelleetcognitive.Pourcelaplusieurspistesderéflexionontétésoulevées: une filtration du flux d’information, unemeilleure visualisation de l’information de manière àréduirelachargecognitiveetsurtoutpourpermettredemieux soutenir la priorisation et la prise de décisionclinique.Le premier atelier de design participatif a contribué àfaire émerger une «cartographie de l’information» etuneréorganisationdel’informationnécessaireàl’activitécliniqueautourdedeuxgrandesdimensions:lestatutdupatient et le statut du service. Par ailleurs, lesparticipantsontaussiréorganisél’informationutileàleurprise de décision clinique selon une ligne temporelle.Ainsi, ils proposent une forme de visualisation del’informationorientéetemporellement:(a)historiquedel’informationmédicale (information connue au sujet dupatient),(b)informationgénéréedepuisl’hospitalisationdu patient et (c) l’information en attente. Parconséquent, ce premier atelier a contribué à faireémerger leur propre «cartographie de l’information»,celle-cipouvantsoutenir leuractivitécliniqueet réduirelasurchargecognitiveetinformationnelle.4. CONCLUSIONUneapprochebaséesurlaconceptionparticipativeaveclesmédecinsetlesinfirmièresn’apasencoreprisracinedans la communauté de l'informatique médicale et onsaitpeudechosessurlamanièredontle«ParticipatoryDesign» peut contribuer (ou non) à une meilleureimplantationdestechnologiesdesanté.Parconséquent,ce projet est aussi l’occasion de mener une réflexionméthodologiqueautourdecesquestions.Notreobjectifest alorsd'explorer lamanièredont lesmédecins et lesinfirmièrescontribuentà laconceptiondestechnologiesen santé et d’identifier les éléments qui soulignent lapertinence du processus de conception participativedans ce contexte. Un premier élément de réflexion sedessine,àsavoirqu’unetelleapprochepermetd’accéderaux connaissances expérientielles des acteurs. Dansnotre cas, les médecins et infirmières ont produit uneanalyse de leur pratique clinique, une analyse de leur

pratique informationnellequenousdevrons«traduire»dansledéveloppementdel’applicationmobile.5. RÉFÉRENCES[1] Bonneville, L., Grosjean, S. (2016). Information-

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6. REMERCIEMENTCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributiondesInstitutsdeRechercheenSantéduCanada(IRSC).

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Rationalisationsdessystèmesdesanté:Transformationsorganisationnelles,managérialesetrisquespsycho-sociaux

Jean-LucBouillonPREFIcs

Université[email protected]

CatherineLoneuxPREFIcs

Université[email protected]

Mots-clésRelation patient, aidants, santé, technologiesnumériques,rationalisation1. RATIONALISATION DES SYSTEMES DE SANTE: LAMISE AU TRAVAIL DES PATIENTS ET DE LEURENTOURAGEPar-delàd’importantesdifférences tenantauxcontexteshistoriques et socio-économiques nationaux etrégionaux, les systèmes de santé sont pris depuisplusieurs décennies dans un mouvement derationalisation visant à optimiser leur fonctionnementselon une logique gestionnaire. Dans tous les cas,l’objectif est de réduire les coûts de fonctionnement etde renforcer le rapportentrecescoûtset laqualitédesservices de santé. Les principes sous-jacents à cetterationalisation sont identiques à ceux que l’on a puobserverdansd’autressecteursd’activitéindustrielleoude service. Ces isomorphismes organisationnels [1]reflètent ainsi une vision de la filière sanitaire reposantsur une logique de flux continu donnant lieu à un «processus de soin » précisément décrit et documenté,dans lequel les patients constituent des « inputs »,traversantlesdifférentesétapesquiseprésententàeuxetoùilssontdavantagedes«objets»quedes«sujets».La dynamique de rationalisation des systèmes de santéqui constitue le cadre de notre travail ne sauraitcependant être considérée comme un simplephénomène exogène qui s’imposerait à des acteurssociaux (établissements de soin, pouvoirs publics,professionnels de santé, personnels non soignants,prestataires externes, assurances, et surtout patients etentourage…) qui lui seraient soumis. Si ces derniers seretrouvent bien inscrits dans desmodèles descriptifs etprescriptifs qui leur échappent et sont le produit del’activitédes«planneurs»[2],ilscontribuentaussiàleurmise en œuvre effective. Ils co-produisent larationalisation, cette dernière se traduisant par despratiquessystématiquesdedélégationd’activitésauprèsd’acteurs situésenaval, sous formed’externalisationetde sous-traitance formalisées, ou de non attributionofficielle de tâches indispensables dont il est attenduqu’elles soient prises en charge par «quelqu’un». End’autres termes, chaquepartieprenante laisse le soinàcellesquisontsituéessoussonautoritéformelleounon

demettreconcrètementenpratiquelesprincipesqu’elleédicteetd’enassumerlesconséquences.Théoriquementplacésaucœurduprocessusdesoin,lespatients et leur entourage sontégalementextérieurs etsitués en aval de ce dernier. Ils sont amenés à assurerune prise en charge croissante de l’activité de soin ettendentàsevoir«misautravail»[2],enparticulierdansle cadre des affections donnant lieu à un traitements’effectuant partiellement en dehors du milieuhospitalier.Lestâchesdevantêtreréaliséessontàlafoisd’ordre administratif (montage de dossiers de prise encharge, coordination des intervenants, prise de rendez-vous…), médicale et paramédicales (assistancequotidienne) et symbolique (reconstruire le sens d’unprocessus de soin, lui redonner une dimensioncollective).C’estlecasdeshospitalisationsàdomiciledelongue durée mais aussi des soins ambulatoires decourte durée, dans lesquelles le patient regagne sondomicilesanspourautantêtretotalementautonome.Sila recherche d’un bien-être du patient ne peut êtrecomplétementnié–ilestplusagréabled’êtreparmisesproches que dans un environnement hospitalieranonyme–lagénéralisationdecemodedesoinrépondégalement à des impératifs de réduction des coûts etpeut être interprétée comme une forme de délégationd’activitéinhérenteàtouterationalisation.La prise en charge croissante d’activités de soin (oupériphériques à ce dernier) par le patient lui-même etpar son entourage transforme ces derniers en«travailleurs invisibles» du soin, intériorisant demultiples contraintes, et amenés à assumer de lourdesresponsabilités.2. VERS L’INTERGATION DES AIDANTS DANS LESYSTEME DE SOIN AU TRAVERS DE LA «PREVENTIONDESRISQUESPSYCHOSOCIAUX»?Souventévoquéedansl’accompagnementdespersonnesâgées dépendantes ou des soins palliatifs, la catégoriemaldéfiniedes«aidants»estamenéeàjouerunrôledeplus en plus important. Dans des travaux en sciencesmédicales et infirmières, ils sont présentés comme un«chaînon indispensable» au système de santé [3][4]susceptible de permettre de faire face au vieillissementde lapopulationetà lamaîtrisedes coûtsde santé.Demultiples termes permettent de les désigner et l’on

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parlera ainsi d’aidants familiaux (famille ou voisins),d’aidants naturels (!), d’aidants informels, de prochesaidants, d’entre-aidants, ou encore d’aidantsprofessionnels, comme les travailleurs sociaux [5]. Ilssont considérés comme un groupe aux contours maldéfinis mais partageant une commune vulnérabilitéphysique et psychologique, présentant des «risquespsychosociaux».Leprogrammederecherchequenousconduisonsviseàétudier la façon dont se construit actuellement dans lesystèmedesoinfrançaislacatégoriedesaidantsetdontilssont,parlà-même,intégrésdanslestravailleursdelasanté. Il s’agit en d’autres termes d’observer et dedéconstruire cette catégorie, comprendre commentelle«s’organise» : approche communicationnelle etdimensionssymboliquesCelapasseenpremierlieuparlamiseenplacededispositifstournésversl’aidetechnique(et psychologique) individuelle de ces nouveaux«prestataires»extérieurs.Ils’agitde«répondreàleursbesoins»(Houdin,2004),autraversdedispositifsd’aide(surveillance à distance, écoute…) et en leur proposantdestechniques(outilsetméthodessousformedefichespratiques pour s’occuper de personnes à domicile).Parallèlement, des collectifs d’aidants sont en voie destructuration avec l’appui des technologies numériquesd’information et de communication, au point que l’onparle parfois «d’aidantnautes» [6]: les plates-formesnumériques en présence renvoient à des structureslargement soutenues par des mutuelles (par exempleHumanis) et par des associations soutenues par cesacteurs institutionnels telles que l’Association FrançaisedesAidants,Aidantsattitude, La compagniedesaidantsou La maison des aidants qui constituent des objetsd’études. Sont proposés des fiches pratiques, desdispositifs visant à la mise en scène et à la mise enacceptationdurôled’aidant(parexemplesousformedewebsériecommeNonstopd’Humanis)etdestentativesdemiseenrelationautraversd’un«cafédesaidants»,deforumsetdecommunautésen lignepeuactives.Au-delàd’uneassistance individuelle, il s’agitégalementdenormaliser par la mise en récit le statut d’aidant, deformulerde«bonnespratiques»etd’unecertainefaçondemanagerlesaidants[7]maisaussideleurapprendreàmanager les différents intervenants. La dimensioncollectivesemble toute relative,dans le sensoù il s’agitdes’aidersoi-mêmeàêtreaidantetàacceptercerôle…Dans ce cadre, la prévention et la maîtrise du risquepsychosocial susceptible de toucher les aidants est uneformulation professionnelle (discours) qui met l’accentsur l’individu et le groupe dans lequel il se trouve sansvraimentprendreencomptelecontexteorganisationnelet les logiquespolitiquesetéconomiquessous-jacentes.Il contribue à la légitimation de ces travailleurs du soin

externalisés,sansvéritablelienaveclesautresacteursdusystèmedesanté.3. RÉFÉRENCES[1] DiMaggio,P.,&Powell,W.W.(1983).Theironcage

revisited: Collective rationality and institutionalisomorphism in organizational fields. AmericanSociologicalReview,48(2),147-160.

[2] Dujarier M.A (2015), Le management désincarné,Paris,LaDécouverte.

[3] Ducharme,F.,Pérodeau,G.,Paquet,M.,Legault,A.,& Trudeau, D. (2004). Virage ambulatoire et soinsfamiliaux à domicile: Un enjeu de santé publique.Canadian Journal of Public Health / RevueCanadienneDeSantéPublique,95(1),64-68.

[4] Ducharme, F., Lévesque, L., Caron, C., Hanson, E.,Magnusson, L., Nolan, J. & Nolan, M. (2009).Validation d'un outil pour les proches-aidants.Rechercheensoinsinfirmiers,97,(2),63-73

[5] Bloch, 2012 Bloch Marie-Aline, « Les aidants etl'émergence d'un nouveau champ de rechercheinterdisciplinaire»,Viesociale,2012/4(N°4),p.11-29.

[6] Dubreuil, Hazif-Thomas (2013), Les aidants et lasanté sur Internet ou les « aidantnautes »s’entraidentNPGNeurologie-Psychiatrie–Gériatrie,Volume13,Issue77,octobre2013,p.250-255

[7] Grand A. (2004) Des « secondes victimes » auxmanagers du dispositif de prise en charge : deuxpoints de vue professionnels sur l'aide informelle(Commentaire). In: Sciences sociales et santé.Volume22,n°2,p.97-104

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SESSIONUQAMMONTRÉAL|14H00À16H00

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Placedesréseauxsociauxdanslarecherched’informationensanté

MoniqueCaron-BouchardComSanté

CollègeJean-de-Brébeuf,Montré[email protected]

CommunicationOrale

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Ledéveloppementd’expertisedanslescommunautésenlignessurlaquestionducannabiscontrelecancer

StéphaneDjahanchahiCIMEOS

UniversitédeBourgogneFranche-Comté[email protected]

OlivierGalibertCIMEOS

UniversitédeBourgogneFranche-Comté[email protected]

Mots-clésCannabis,cancer,expertise,savoirsprofanes,santé1. INTRODUCTIONLes deux dernières décennies ont vu émerger lareconnaissance par certains corps médicaux de vertusthérapeutiquesaucannabis,notammentenAmériquedel’Ouest.EnFrance,horsd’unencadrement légalau seindes institutions de santé, desmalades et leurs prochess’orientententresourcesd’informationsacadémiquesettémoignages étrangers, dans l’optique d’adapter leurdémarchethérapeutique.Amesurequesediffusentdestémoignages vantant l’efficacité du cannabis dans letraitementde certainespathologies, les cannabiculteurs(cultivateurs de cannabis) sont de plus en plusrégulièrement confrontés à des questions d’ordremédical, notamment dans le cadre du traitement decancers. Ils se retrouvent sur des forums dédiés quirassemblent et organisent des retours d’expériences etinformations de diverses origines que les utilisateurspeuventalorss’approprier.Cetravailviseàcomprendrecomment certains utilisateurs tendent à être reconnuspar leur communauté comme experts en matière deproduction et d’usage de médicaments à base decannabis.2. MÉTHODEInspirée de la méthode de la théorie ancrée [1], notreméthodologie intègre des entretiens avec desspécialistesmédicauxauxEtatsUnisetauCanada,dontles autorités de santé encadrent l’usage de cannabis àvisée thérapeutique, qui ont constitué la phaseexploratoire de cette recherche. Ensuite, une approcheethnographique des communautés en lignes(Nethnographie [2])viseàcomprendre lesmodalitésdudéploiementdelacontroversetoutcommelesprocessusde médiation des savoirs qui prennent place sur desforums et autres services et applicationscommunautaires (SACI [3]) dédiés au cannabis etabordant des questions de santé. Cette phase seraenrichie d’entretiens avec des community managers etresponsables de SACI en santé liés au cannabis, desusagersenligne«experts»etavecdesreprésentantsdusystèmedesanté.Enfin,nousconduisonsdanslemêmetemps une analyse de sites d’information oucommerciaux liés au cannabis thérapeutique sur leplan

ergonomiqueetsurleplandeleurspolitiquesdegestion,notammentdecommunitymanagement.3. RÉSULTATSParmilespremiersrésultatsdecetterechercheencours,onpeutdèsàprésentmettreenavantcertainséléments.D’abord, leséchangesauseindesforumsdediscussionsquenousavonsobservés témoignentd’unediversitéentermes de représentations de la part des intervenants.Tous n’ont pas la même relation au système de santébien qu’une grande partie conteste le bien-fondé decertaines politiques, qu’ils voient liées aux intérêts degroupes industriels pharmaceutiques. D’un autre côté,l’expertise médicale des praticiens n’est pas contestée.Les discussions autour des parcours de soins évoquésintègrentlarelationauxprofessionnelsdesanté,quisontsouvent restreintsdans leur accompagnementpar la loien France,mais plus généralement par les limites de laconnaissance entourant l’usage de cannabisthérapeutique. Ainsi, les savoirs des utilisateurs decannabis sont fortement mobilisés, nous les qualifionscependantdesavoirsprofanesparcequ’ilsémergentendehorsdesinstitutionsscientifiquesetacadémiques.Cessavoirsprofanesconcernentlaproductiondeconcentrésou de préparations à base de cannabis, mais aussi lesmodes d’administration, les dosages et les variétés decannabislesplusadéquatesselonlespathologiesetc.4. ANALYSECette connaissance profane prend toutefois valeurd’expertise en l’absence d’autorité des acteurs dusystèmede santé. Cetteexpertise sedéveloppe surdesforums ou wiki collaboratifs élaborés par différentsacteurs.Laparticipationàcesforumspermetauxusagersd’accéder, de discuter et de s’approprier desconnaissances,permettantàcertainsd’accéderaustatutd’«experts»auxyeuxdeleurcommunauté.Enparallèle,les savoirs cannabiques profanes sont réappropriés pardes professionnels de santé, qui cherchent à collecterdes informations sur les utilisations historiques decannabisdansunbutthérapeutiqueparceuxquilesontexpérimentés, comme par exemple grâce à la CannabisUseSurvey.Onassistedoncàcequ’onpourraitqualifierde création de connaissances médiée par dispositifstechniques sur plusieurs dimensions : entre profanesutilisantdesproductionsscientifiquesetlesdiscutanten

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regard de leurs connaissances et expériences propresd’abord,mais aussi entre des autorités de santé et desprofanes.5. DISCUSSIONLa circulation des informations de santé sur internetparticipe à la construction des savoirs, notammentautour de sujets controversés. Des informationsproduites et approuvées par les institutions de certainsÉtats sont disponibles pour d’autres sans médiation etprojettent alors les utilisateurs dans un foisonnementinformationneljusque-làinédit,notammentautourdelaquestion du cannabis. Cette ressource informationnelleprend de la valeur à mesure qu’elle est organisée parcertains acteurshabitéspardes logiquesdedons [4] etde lutte pour la reconnaissance [5] et participe ainsi àl’institutionnalisation de communautés, Ces résultatsnous amènent à questionner l’opportunité d’unecatégorisation info-communicationnellede l’expertiseetde la figure de l’expert, qui découle pour ce cas deprocessus de discussion et de négociation des savoirshébergéssurdesSACI.6. CONCLUSIONOn peut observer autour de cet objet de recherche unprocessus d’émancipation vis-à-vis du systèmede santéde la part de certainsmalades décidant de choisir eux-mêmes leurs traitements grâce aux informations qu’ilsobtiennent en ligne. On peut aussi voir ce processusd’émancipation chez certaines communautés en lignerevendiquantuneexpertisedansledomainedelasanté,maisdiscutableencequecertainssitesquileshébergentsont sponsorisés par des industriels du cannabis. Ceprocessus semble aujourd’hui être pris en compte parcertainsacteursd’institutionsdesanté.Onpeutconclureen soulignant que l’on assiste au développementd’expertisesupportépardesdispositifssociotechniques,qui permettent à des communautés d’usagers et depratiques de diffuser leurs savoirs. Ainsi, cescommunautés s’institutionnalisent et se dotent d’outilspour peser sur le débat public, voire sur les choix etorientationsdepolitiquesdesanté.7. RÉFÉRENCES[1] Glaser,B.G.,&Strauss,A.L.(1967).TheDiscoveryof

GroundedTheory:StrategiesforQualitativeResearch.Aldine.

[2] Kozinets,R.V.(2010).Netnography:DoingEthnographicResearchOnline.SAGEPublications..

[3] Galibert, O. (2004). Vendre, donner, discuter. LesEnjeuxde l’informationetde la communication,me2004(1),1–8.

[4] Caillé, A. (2000). Anthropologie du don: le tiersparadigme.DescléedeBrouwer.

[5] Honneth,A.(2004).Lathéoriedelareconnaissance:une esquisse.Revue duMAUSS,no23(1), 133–136.

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Formesd’expressiondesoutiensocialsurleforumdediscussiondelaSociétécanadienneducancer:uneanalysethématiqueetconversationnelle

OlivierTurbideComSantéUQAM

[email protected]

ChristineThoërComSantéUQAM

[email protected]

MariaCherbaComSantéUQAM

[email protected]

VincentDenaultComSantéUQAM

[email protected]

RymBenzazaComSantéUQAM

[email protected]

Mots-clésSoutiensocial,Internet,analyseconversationnelle,cancer1. INTRODUCTIONLes espaces d'échange entre pairs sur Internet sont deplusenplusutiliséspardesindividusauxprisesavecdesmaladies chroniques et par leurs proches qui, sur cesespaces, trouvent du soutien social en dehors de leurréseau traditionnel. Plusieurs études ont souligné lepotentieldecesespacespouraiderlesindividusàmieuxvivre avec les difficultés rencontrées, ainsi que lesavantages spécifiques des environnements en ligne(anonymat, accessibilité en tout temps, accès à despointsdevueplusvariésetplusdistanciésqueceuxdel’entourage) [1], [2]. Les organismes qui interviennentauprès des personnes vivant avec des maladieschroniques s'interrogent quant à lamise enœuvre desinterventionsdesoutiensocialenligne,pouraméliorerlebien-êtrepsychologiquedecespopulations.Pour mieux comprendre le fonctionnement du soutienenligneetreleverlesactivitésquiparticipentausoutien,nousavonsdéveloppéunpartenariatderechercheaveclaSociétécanadienneducancer(DivisionduQuébec),unorganisme communautaire qui amis en place le forum«Parlons cancer» (modéré, mais avec l’interventionminimale desmodérateurs, pour offrir du soutien «paretpourlespairs»)pourlespatientsetleursproches.Nosquestionsderecherchesont:Quelssontlestypesdesoutiensocialsollicitésparlesparticipantsduforum?(Surquelsthèmesportent-ilsetàquelsmomentsduparcoursdesoinsinterviennent-ils?Quelssont lestypesdesavoirssollicités?)Quelssontlestypesdesoutiensocialoffertsenréponse à ces demandes? Quelles sont les particularitésdiscursivesetinteractionnellesdeséchangessurleforum?2. MÉTHODENous avons constitué un corpus de 48 fils de discussioncrééssurleforumenmars2017par38utilisateurs,etayantfaitl’objetde172commentairespubliéspar45utilisateurs.Dans un premier temps, nous avons réalisé une analysethématique[3]àl’aidedulogicielNVivo,pouridentifierlestypes de soutien social sollicités par les participants duforum. Nous avons utilisé la typologie des formes desoutien social développée par Cutrona et Suhr [4] etvalidée dans le contexte des échanges en ligne [5], ainsique la typologie de Mitchell et Trickett [6]. Notre grille

d’analyseaétébâtieautourdesix formesdesoutiensocialidentifiéesparcesauteurs:1)émotionnel,2)informationnel,3) de réseau 4) d’estime ou de valorisation personnelle5)socialisantet6)tangible.Dansunsecondtemps,nousavons réalisé une analyse des interactions. Après avoirdégagé la structuration des échanges, distinguant lesinterventions initiatives, réactives et évaluatives, nousavonsidentifiélesactesdiscursifsquicomposentchacunedes interventionspourendégager certaines régularités.Cettedémarchenousapermisdecaractérisersurleplandiscursiflaréalisationdurôlededemandeuretd’offreurde soutien et, en dernière analyse, de décrire certainesconditionsderéussiteinteractionnelledesoutien.3. RÉSULTATSDEL’ANALYSETHÉMATIQUEComme c’est le cas dans plusieurs autres forums, lesoutien de type informationnel est le type de soutien leplus sollicité. L’utilisateur questionne les participants duforum sur leurs connaissances concernant le diagnostic,les traitementset les effets secondaires, lepronostic, lesressourcesdisponibles,etc.Cesquestionnementssurviennentaux phases d’investigation, du diagnostic et pendant oupeu de temps après les traitements. Pour la plupart, lesdemandeurs font appel àun savoir expérientiel, sollicitantdespartagesd’expériencesdelapartd’autresusagers.Ilyapeu de liens vers des sites ou des ressources externes,peudediscussionet surtoutpeude remiseenquestiondesdiagnostics,destraitementsouencoredessoignants.Plusieursparticipantsexprimentleursentimentd’isolementface à l’expérience du cancer. Plusieurs souhaitent ainsiobtenirunevalidationdecequ’ilsressententetdesstratégiesqu’ils déploient (soutien d’estime ou de validation). Uneminorité recherche aussi du soutien socialisant, soit despersonnesavecquiéchangerenligneouhorsligne.Dans plus de la moitié des fils créés, il n’y a pas dedemande d’aide explicite. L’utilisateur témoigne de sonexpérience,desesinquiétudes,desondécouragement,etparfois de ses joies, un peu comme il le ferait dans unjournal«extime»[7].Cestémoignagessontsouventcentréssur l’expression des émotions (tristesse, anxiété, peur,colère,etc.).Commeiln’yapasdedemandeexplicite,celaapour effet que ceux qui répondent peuvent choisir decommenter les éléments qui les interpellent. Il est doncimportantdeconsidérer lesoutiensocialquiestoffertetdetenircomptedel’interactiondanssonensemble.

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4. RÉSULTATSDEL’ANALYSEDESINTERACTIONSL’analysedesinteractionsmontrequeleséchangessurleforum sont fortement contraints par des règles socio-discursives implicites, telles que: la typification de lastructure des échanges, la dominance des rapportsasymétriquesetcertainesattentesdiscursivesquantàlaproblématisation de la situation du demandeur desoutien,etl’intégrationdanslesoutienoffertdesconseilsnormatifs sur l’attitude à adopter face à la maladie(pragmatisme,acceptation,attitudecombattiveetpositive).La constitution et la cristallisation du groupe se font àtravers lescontributionsdequelquesparticipants lesplusactifs qui assurent la très grande majorité des réponsesauxfilscréés.Cesmembrescontribuentà laconstructionet la diffusion de normes (doxa) concernant l’expériencedu cancer qu’ils partagent très largement (d’où la quasi-absence de variance dans les points de vue). Cesparticipants trèsactifs répondentainsià tourderôleauxmessages publiés et commentent la réponse d’un autreparticipantactifpourlavalider.Lesinteractionsobservéesmiment ainsi la dynamique d’interactionbénéficiaire/intervenant et sont caractérisées par uneasymétrie de pouvoir qui est contraire à l’esprit desespacesd’entraide«paretpourlespairs».Par ailleurs, même si l’on observe peu d’épisodes denégociation,voiredecontestationauseinduforum,dansplusieurs cas, le soutien offert ne correspond pas ausoutien demandé. Ainsi, une demande de soutienémotionnelpourratrèsbienêtrerépondueparunsoutieninformationnel,sansquecetteinadéquationentredemandeetoffresoitmarquéediscursivement.Lefaitqu’unegrandepartie des publications ne comporte pas de demanded’aideexpliciteaaussipoureffetqueceuxquirépondentpeuvent choisir de commenter les éléments qui lesinterpellent.Etc’estd’ailleursceque l’onobserve, le faitquelescommentairesvontsouventportersurlesattitudesàadopteràl’égarddelamaladie.Toutefois,mêmelorsqu’ily a demande explicite, par exemple d’information, onobservequecelle-cinefaitpastoujoursl’objetd’uneréponse.Ceuxqui répondentauxquestions insistant làencore surles«bonnesattitudes»àadopterfaceàlamaladie.La réciprocité des échanges est limitée. On peut fairel’hypothèse que la configuration sociotechnique duforum (distance, communication interpersonnelle demasse, absence de connaissance d’interlocuteurs et ducontexte) nuit à l’engagement mutuel des participants.En raison de la faiblesse des liens qui les unissent,nonobstant la maladie, les demandeurs de soutien onttendanceàlirelesinterventionsréactivesdesmembres,mais sans remercier ceux-ci ou évaluer ceux-ci. Demême, un certain nombre d’interventions initiativesamorçantunfiln’obtiennentpeuoupasderéponses.

5. CONCLUSIONNotreanalysemetenévidencedifférentstypesdesoutiensocial sollicités et offerts, que l’on retrouve dans lalittérature [4-6]. Iln’yapas toujoursadéquationentre lademandede soutienexpriméeet le soutien socialoffert,et plus de la moitié des fils ne contiennent pas dedemandedesoutienexplicite.Notreanalysesouligneainsila pertinence d’utiliser une approche d’analyse mixte(analyse thématique et analyse des interactions) pourcaractériserlesformesdesoutiensocialquel’onretrouvesur lesplateformesenligne.Unetroisièmeétapeseradeprocéder à des entrevues avec les participants afind’évaluer autant les aspects positifs que négatifs de laparticipationàdesespacesdesoutiensocialenligne[8].6. RÉFÉRENCES[1] Gauducheau N. Internet et le soutien social. In:

ThoërC,Lévy JJ,editors. InternetetSanté.Acteurs,usagesetappropriations.Québec:PUQ;2011.

[2] Wright KB, Johnson AJ, Bernard DR, Averbeck, J.Computer-Mediated support. In: Thompson TL,Parrott R, Nussbaum JF, editors. The Routledgehandbook of health communication, 2nd ed. NewYork:Routledge;2011.

[3] PailléP,MuchielliA.L’analysequalitativeenscienceshumainesetsociales.Paris:ArmandColin;2012

[4] Cutrona CE, Suhr JA. Social support communicationin the context ofmarriage: An analysis of couples’supportive interactions. In: Burleson BR, AlbrechtTL, Sarason IG, editors. Communication of socialsupport.ThousandOaks:Sage;1994.

[5] BraithwaiteDO,WaldonVR, Finn J. Communicationof social support in computer-mediated groups forpeople with disabilities. Health Communication.1999;11(2):123-151.

[6] Mitchell RE, Trickett EJ. Task force report: Socialnetworkasmediatorsofsocial support.CommunityMentalHealthJournal.1980;16:27-44.

[7] Tisseron S. Intimité et extimité. Commmunications.2011;88:83-91.

[8] ChungJE.Socialinteractioninonlinesupportgroups.ComputersinHumanBehavior.2013;29(4):1408-1414.

7. REMERCIEMENTSCetterechercheestfinancéeparleConseildeRecherchesen Sciences Humaines du Canada. Nous tenons àremercier la Société canadienne du cancer (Division duQuébec)pourleurcollaborationdanslecadredeceprojet.

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2ÈMEJOURNÉESESSIONCNAM

PARIS|10H00À12H20

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Parcoursnumérisédesoins:Processusdereterritorialisationdelasanté

SylvieAlemannoDicen-IDF

[email protected]

Mots-clésCommunication organisationnelle, coordination, dossierpatient, parcours de soins numérique, profession desanté1. INTRODUCTIONL’attention portée à la prise en charge de la santé enFrancesetraduitparlamiseenplacede«parcours»desanté,desoins,devie.Cettenotiondeparcoursrenvoieàunelonguetraditionfrançaisedesantépourtousetdeson suivi lequel a coûté cher à la sécurité sociale,organismefinancéparlesalariatetfinanceurdetous.Orle déficit de la sécurité sociale est actuellement tel queles politiques publiques tendues vers une gestionfinancièredelasantéconjugueaujourd’huiéconomiesetbonnes prises en charge. Les outils numériques entrentmassivement dans lemonde de la santé avec aumoinsl’informatisation des dossiers médicaux et plusgénéralement lanumérisationdesdonnées«patients».L’ambitionétatiqued’uneréellerationalisationdessoinspar parcours [1] se heurte à la mise en place auxdifférentsniveauxd’échelleet lacoordinationdesoutilsnumériques aussi bien en terme matériel(communication inter-établissements) et qu’humain(formation des personnels). Pourtant le traitementnumérique des données de santé incontournable etirréversible fait partie des innovations en cours; lestextesvontdanscesensnégligeantcependantleseffetsdes transformations organisationnelles etprofessionnellesqueleurapplicationinduit.Ledossierdesoins informatisés et les conditionsde samiseenplacedans un établissement de soins seront notre terraind’observation.2. MÉTHODELanumérisationquiinfiltrelespratiquesdesoinsmodifieles pratiques et affecte les professionnels selon lesconditions organisationnelles d’accompagnement de cechangement.Elleconstituelaproblématiqueactuelledesprofessionnels en situationde contrainte oudeprogrèsles deux ne s’excluant pas. Nous effectuons une étudedes textesde loinotammentde la loidemodernisationde2017pourcomprendrelesattenduslégauxetlecadredans lequel les établissements se trouvent. Notrerecherche consiste à recenser les récits des politiquespubliques françaises et à en analyser la ratio legis: desordonnances Juppé 1986 à la loi Touraine avec

l’innovation en santé par le numérique et le retour àl’ambition du Dossier Médical Partagé, les parcours desanté et les communautés professionnelles. Par uneapproche exploratoire, nous apprécierons une de leurmiseenapplicationcelledudossiermédical informatisédansunétablissementdesoins,sesécueilsetsesvertus,la politique d’établissement, le logiciel installé, les«portiers», les usagers et les effets sur les pratiquesprofessionnelles et sur la qualité des soins. L’approchebatesonnienne de l’organisation et de l’individu commesystème dans le système, l’interaction comme unitéd’analyse, l’interaction avec l’environnement et lesinfluences réciproques des individus avec les individus,les normes, lesmodèles, les structures en adaptation àl’environnement et en co-évolution, les niveaux decoordinationdeConstandriopoulosetlestravauxdesSICdansledomainedelasantésontnosappuisconceptuels.3. RÉSULTATSDeux dimensions dans ces grands récits rédigés dont latextualitédonneunetrameàl’organisationgénéraledessoins:lespréconisations(injonctions)etlespromesses.Outre les dimensions, il y a donc plusieurs strates aurécit: l’unemacroendirectionde lapopulation (aspectpolitiqueetappelàuneformedecivismeexemplepourle dossier patient partagémais pas de contraintes, desdiscours de réassurance et des zones floues comme lacirculation des données), l’une méso en direction desétablissementdesantéquidoiventappliquerrapidementles modifications apportées par les lois au mode defonctionnement (voir T2A) et au niveau micro del’individuadministratif(secrétariatetdirection),soignant(paramédical et médical) et patient qui actuellementdécidedumédecin,dutraitement,del’établissement.Relativement aux «récits» des amendements, chacuncorrespondàuntexteréactifetadaptatifaunumérique.Les instances de contrôle se sont multipliées plus quecelled’appuiauchangement.Lesétablissementspublicsouprivésaménagentcesinjonctionsau«numérique».Leprogramme TerritoireNumérique de Santé voulaitpourtant «aider le patient à s’orienter dans le systèmede santé et pour renforcer la coordination entre lesprofessionnelsdesanté.”[2].Orc’estnettementducotédelacoopérationqueseral’écueil.Dansl’établissementde soins de notre observation, les résultats neconvergentpasavecceuxdel’analysesurleprogramme

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TSNdedécembre2016[3]carlesconditionstechniqueset humaines, le «portier» en la personne de lasurveillante, la politique d’établissement engagée dansune culture numérique généralisée, la participation despatients induit un empowerment des professionnels etuneapprochepositivedesprogrèsdusaunumériqueetconstatéavecledossierpatientinformatisé.4. ANALYSEDanscesrécitsquel’onpourraitassimileràdes«grandsrécits» d’ailleurs souvent parlé au futur (les promessesde la communication) le numérique aura des vertussalvatrice de temps d’énergie et d’efficacité pour lesprofessionnelsdesantéetdoncpourlespatients.Dans les établissements de soins, les phénomènesclassique de reconnaissance [4] ou de honte [5]apparaissent dans les «épreuves» que provoque lenumérique (ici le dossier) pour les professionnels - lesnon«y»delapopulationd’étude[6]-.L’installationdesconditions des «bonnes pratiques» numériques estfondamentalespouréviterlahonte[7].L’intelligencedunumérique in fine est de faciliter la collaboration.Cordelier,RomeyeretMorillonévoquentune injonctionparadoxale à collaborer [cf. actesOrganisation Santé etNumérique], patente dans les textes d’état. Maisappréhendé, dans sa pleine positivité, le dossierinformatisé re-territorialise le «patient» pour lespersonnels administratifs et médicaux. Il est uneInnovationsnumériquesociales(INS)quidonnetoutsonsens à la notion de «parcours» et intervient dansl’augmentationdelaqualité(vssécurité)dessoins.5. ANALYSECRITIQUEETDISCUSSIONSLa coordination suppose donc une collaborationinterdisciplinaire pour un dossier interopérable. Auniveau organisationnel, le DMPI ne modifie qu’uneorganisation préparée à la numérisation. L’engagementdesprofessionnelsnepeutpasserqueparl’information,la formation, l’autonomisation des acteurs à tous lesniveaux et une direction d’établissement proche de sabasesoitunecommunicationorganisationnelle revueetoptimisée.Le domaine marchand fortement concurrentiel danslequel sont restés les programmes et logicielsinformatiques médicaux ont permis certes desdéveloppements innovants et de plus en plus prochesdes nécessités conjointes des établissements, praticiensdevilleetorganismespayeurspourlameilleurepriseencharge possible des patients.Mais sans réponse uniqueauxbesoinsd’informatisationsdesdifférentspartenaires,l’hétérogénéité des logiciels sans traductionsd’interfaçages,freinentvoireempêchentlatransmissionsdes informations sur le patient dans unemême région,contraignant lepatientàgérer lui-mêmesondossierde

lamêmefaçonquelorsqu’ilétaitdanssaversionpapier.L’’innovation socio-numérique en santé est pluscomplexe que les textes de loi ne l’anticipent, ellesuppose une participation des établissements pour unereterritorialisationassuméedespatients.6. CONCLUSIONLesprofessionnelsdesantévoientlenumériquecomme«moyen d’améliorer la qualité des services de soinsoffertsauxpatients»[6]saufàrésoudredeuxquestionscruciale: l’interopérabilité des logiciels médicaux et laconcurrence inter-établissements public et/ou privé,freinetimpensédudéveloppementnumériqueensantéen France. Plus généralement, les innovationsnumériques peuvent avoir une connotation positive sielles sont associées aux notions d’ouverture, decollaboration ou d’inclusion, à l’inverse des innovationsplus commerciales [8]. Un écosystème numériques’avèreindispensableàenvisager.7. RÉFÉRENCES[1] http://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-

et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/article/parcours-de-sante-de-soins-et-de-vie

[2] https://www.blogasipsante.fr/fiches-thematiques/le-programme-tsn-le-progres-numerique-au-service-du-parcours-de-soins

[3] http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgos_journee_tsn_061206_apresmidi.pdf

[4] Cordelier,B.(2013).Miseeninvisibilitédesindividuset reconnaissance des activités: Un casd’implantation du dossier patient numérique.Communicationetorganisation,(44),29–40.

[5] Honneth A. (2013) La lutte pour la reconnaissance.Paris,Gallimard.

[6] Grosjean, S., & Bonneville, L. (2007). Logiquesd’implantation des TIC dans le secteur de la santé.RevueFrançaisedeGestion,145–157.

[7] De Gauléjac, V. (1996). Les sources de la honte.Paris,Seuil.

[8] Ozman M., Gossart C. (2017), Que sont lesinnovationsnumériques.TheConversation.

[9] BaujoardB.,BenHammoudaI.(2015).Lagestiondeprojet à l’Hôpital: dossier patient informatisé etqualité des soins. Recherches en Sciences deGestions,4(109),pp.147-164.

8. REMERCIEMENTSCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributiondes cadres du Pole Santé Saint Jean à Cagnes-sur-Mer,France

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LetraitementdudossierderégulationauSAMUduCentrehospitalierd’ArrasEnjeuxprofessionnelsetorganisationnels

AuréliaLamyGERIICO

Université[email protected]

CélineMatuszakGERIICO

Université[email protected]

Mots-clésSAMU,urgence,multi-activité1. INTRODUCTIONAu sein des Services d’Aide Médicale Urgente (SAMU),l’assistant de régulationmédicale (ARM) est le premierintervenant lors des appels d’urgence médicale, lepremierinterlocuteurdespersonnesquicomposentle15ou le 112 sur leur téléphone. A travers une série dequestions, luipermettantdecompléter les informationsfactuelles et identitaires des appelants (adresse, nom,antécédents médicaux…), l’ARM procède à laqualification de l’appel puis présente la situation à l’undesmédecins régulateurs.Agentde la catégorieBde lafonctionpubliquehospitalière,en fonctionduprotocoledu SAMU où il exerce, il est susceptible de prendrecertainesdécisionsselonlecontexteetlafaçondontilaqualifié l’appel : conseiller la mise en jeu de gestesélémentairesdesurvieetlesguider,envoyerdessecours(SMUR accompagné d’une ambulance privée ou desSapeurs-pompiers), transférer l’appel à un médecingénéraliste de la permanence des soins ambulatoire(PDSA).Larestitutionquenousproposonsrésulted’uneenquêtemenéeauSAMUd’Arrasen2015et2016et s’intéresseaudossierderégulationetà lamanièredontsagestionen interneen sallede régulation conduit à façonner lemétierd’ARMcaractériséparlamulti-activité.2. MÉTHODEL’étude que nous avons menée a donné lieu à uneméthodologieendeuxtemps:1/ Une analyse in situ des pratiques professionnelleseffectivesCette analyse est réalisée par observation directe. Leschercheursontplusieursjoursenimmersiondanslasallede régulation du SAMU du centre hospitalier d’Arras.Outre la double écoute qui a permis de cerner lesproblématiques auxquelles les ARM sont constammentconfrontés, nous avons opté pour l’observation directe.Cetteméthodepermet en effet l’analyse fine d’espacescirconscrits,complexes[3].L’objectifdecesobservationsétait de mieux cerner les interactions en contexteprofessionneletlapostureadoptéeparlesARMdansunespacedetravailsitué–lasallederégulation(usagedesoutils,marged’autonomie,pratiquesgenrées…)etcecià

des moments variés de la journée (matin, après midi,nuit)oudelasemaine.2/ Des entretiens semi-directifs auprès des ARM duSAMUducentrehospitalierd’ArrasEn parallèle de ces observations, nous avons rencontréindividuellement des ARM volontaires dans le cadred’entretiens semi-directifs sur leur temps de travail.L’objectifétaitdecerner,à traversdes récitsdevie, lesparcours (personnels et professionnels) des ARM ainsique leur appréhension du métier et leur engagementdansl’activitéprofessionnelle.Cetteméthode, si elle présente de fait les biais relatifsauxapprochessociologiquesetethnologiques(présencedu chercheur dans un espace de travail susceptible demodifierl’attitudeetlespratiquesdesactants,risquede«non-dits» lorsd’entretiens sedéroulant sur le lieudetravail….) n’en est pas moins féconde, en ce qu’ellepermet d’interroger aussi bien les situations de travail,que les dispositions professionnelles, les positions ettrajectoiresdestravailleurs, lescompétencestechniquesetrelationnellesdesARM[5].3. RÉSULTATSNotre étude nous a permis de faire émerger un certainnombre de problématiques en lien avec laprofessionnalisation mais aussi l’affirmation d’uneprofessionnalité concernant les ARM. Le dossier derégulationaucœurdecetteprofessionnalité.L’ARM,entant que premier interlocuteur de l’appelant est garantdesapriseencharge,ilinitieledossierquiconstitueralefilconducteurdelapriseenchargemédicaledupatient.Cedossier,répertoriantdesinformationsadministratives(identité, adresse…) et médicales (antécédentsmédicaux…) sert à coordonner les actions des acteursamenésà interveniretsurtoutàgarantirunetraçabilitédesactionstoutenpermettantleurcontrôle.Au-delà de la transcription des propos de l’appelantl’ARMestamenéà“traduire”lespropostenusentermescompréhensiblespar lemédecinrégulateur,plusquedela prise de notes “à la volée”, de la saisie de données,l’ARM se doit de poser les bonnes questions au bonmoment pour obtenir les informations adéquates, il estégalement souvent amené à reformuler les propos enlangagemédical.

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Dans les faits, l’activité autour du dossier de régulationestdépendantedel’organisationmêmeduSAMUdéfiniepar les pratiques individuelles des ARM en contexte detravail (nécessité de répondre au téléphone tout enprenantdesnotessur le logicieldegestiondesdossiersde régulation et en consultant la disponibilité desmoyens par exemple)mais également par les pratiquescollectives (interpellations des médecins régulateurs,«présenceobstinée»[2]del’ARMréférent).4. ANALYSELe métier d’ARM exerce un travail d’articulation(Grosjean et Lacoste, 1999) entre des supports, desinformations, des interlocuteurs, il est de ce faitmultitâche, constamment en “situation de dispersion”[2]: “situations où les personnes sont amenées àreconfigurer fréquemment leur activité face à unenvironnement de travail en perpétuelle évolution”. Lamulti-activitédontilesticiquestions’apprécieauniveauindividuel – et est parfois évoquée par les acteurscomme un élément de motivation au travail – maiségalement dupoint de vuede l’organisation elle-mêmenotammentà travers ladispositionenopenspacede lasalle de régulation qui contribue à instaurer un rapportde place au sein du service. Ce rapport de placetransparait également dans la gestion du dossier derégulation,eneffet,àl’instardesrecherchesmenéesparMayère, Bazet et Roux [7], on constate que l’interfaceutilisé par les ARM pour la gestion du dossier derégulationattribuedesdroitsd’accèsàcertainescellules,ces droits sont autant d’espaces rappelant les posturesd’autoritéaffirméesauseinduservice.5. DISCUSSIONQuestionner la professionnalité des ARM au regard despratiquesassociéesàlagestiondudossierderégulationfaitémergerunetensionentrelesfonctionsaffichéesdel’ARM (remplir un dossier en ligne et retranscrire lespropos de l’appelant avant transmission au médecinrégulateur)et lesfonctionseffectivesencontexte(gérerla multi-activité, le stress inhérent à la fonction…) quinécessitent des compétences différenciées mettant àjour un «rôle propre» [6] qui doit aujourd’hui êtremieux défini notamment dans la cadre des formationsaujourd’huiproposéesauxARM.6. CONCLUSIONLAtensionentreunaffichageadministratifdelafonctionet la nécessaire connaissance du milieu médical est aucœurdesenjeuxdeprofessionnalisationdesARM.Cettetensionestparticulièrementpalpabledans lagestiondudossierderégulationmédicale,pivotde lamulti-activitéinhérenteaurôlepropredéveloppéparl’ARMauseinduSAMU d’Arras. Il s’agira dans des perspectives futuresd’analyser et de comparer des SAMUS sur le territoire,porteursd’organisationsdetravaildifférentesetl’impact

sur lamulti-activitédesARMquenousavons cherchéàdécrireici.7. RÉFÉRENCES[1] Datchary,C.(2013).Lestroiséchellesd’analysedela

multi-activité au travail. Consulté à l’adresse :https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-00919077/document.

[2] Datchary, C., & Licoppe, C. (2007). Lamulti-activitéetsesappuis :l’exempledela« présenceobstinée »des messages dans l’environnement de travail.Activités,4(4-1).

[3] Grosjean,M., LacosteM. (1999).Communication etintelligence collective. Le travail à l'hôpital. Paris,PUF,LeTravailHumain.

[4] Henault-Tessier,M.(2011).Permanenciersassistantsderégulationmédicaleautravail :quellespratiquesdecommunicationsuruneplateformemultimédia?Recherches sur la société du numérique et sesusages,Dinan,L'Harmattan,111-132.

[5] Hénault-Tessier, M., & Dalle-Nazébi, S. (2012).Traiter les appels d’urgence, Handling emergencycalls, building information for action. Revued’anthropologie des connaissances, 6, n° 1(1), 89-114.

[6] Matuszak, C., Lamy, A., Thiault, F., Kervella, A.,Kergosien, E., Jacquemin, B., … Valette, P. (2016).Impact de l’organisation sur la définition d’uneprofessionauseinduSAMU :lecasdesassistantsderégulationmédicale.Revuefrançaisedessciencesdel’informationetdelacommunication,(9).

[7] Mayère, A., Bazet, I., & Roux, A. (2012). « Zéropapier » et « pense-bêtes » à l’aune del’informatisation du dossier de soins. Revued’anthropologie des connaissances, 6, n° 1(1), 115-139.

8. REMERCIEMENTSCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributionde Pierre Valette, Chef de service du SAMU du Centrehospitalierd’Arras.

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Ladiffusiondelatélémédecineenmédecinedeville:Élémentsdebiland’unprogrammerégionalenBourgogne

ChristinePeyronLaboratoired’ÉconomiedeDijonUniversitédeBourgogneFranche-

Comté[email protected]

LaureWallutLaboratoired’ÉconomiedeDijonUniversitédeBourgogneFranche-

Comté[email protected]

AurorePélissierLaboratoired’ÉconomiedeDijonUniversitédeBourgogneFranche-

Comté[email protected]

AnneButtardLaboratoired’ÉconomiedeDijonUniversitédeBourgogneFranche-

Comté[email protected]

Mots-clésTélémédecine,analyseéconomique,diffusion,médecinedeville.1. INTRODUCTIONDans l’ensembledes systèmesde santé, ledéploiementde la télémédecine est aujourd’hui présenté commeunlevierd’évolutiondel’organisationdessoinsetdesprisesencharge. Ilpourrait répondreàdesenjeuxmajeursentermesdequalitédes soins,decontinuitédesprisesencharge, de réponse à la désertification médicale etd’efficiencedesdépensesdesanté[1].L’état des lieux sur le développement actuel de latélémédecineenFranceprouvequ’ilexisteà la foisuneforte volonté dans l’action publique mais une diffusionqui reste faible notamment en médecine de ville [2,3].Les recommandations de la Commission européennelaissent entendre que ces difficultés sont partagées parl'ensemble des pays qui connaissent desexpérimentationsdetélémédecine.LaCommissioninviteen effet les Etats membres à agir sur quatre leviersprincipaux : la confiance et l'acceptation de latélémédecine, l'amélioration du cadre juridique et desaspects techniques, le soutien au marché. Toutefois leprocessusdediffusiondelatélémédecineetsesblocagespossiblesrestentpeuétudiés.Comme d’autres régions françaises la Bourgogne a misen place un programme régional de télémédecine quidoit, dans une logique expérimentale, favoriser etinstitutionnaliser l’usage de la télémédecine dans lesprisesencharge.Nousavonssuivipendant4ans(2012-2016)lamiseenplacedeceprogrammepourévaluer,enéconomistes de la santé, son implantation et sesrésultats. Nous présentons ici la partie de notrerecherche qui s’est intéressée aux leviers et auxobstaclesà la réussitede ceprogrammedans sonvoletmédecinedeville.2. CADRETHEORIQUEETMÉTHODEDenombreux cadresd’appréhensionde ladiffusiondesinnovations sont disponibles dans la littérature [4].Quelles que soient les approches qu’ils privilégient, ilsont en commun d’identifier les différents déterminantsdeladiffusiond’uneinnovation.

Pour analyser le déploiement du projet régional, nousavonsconstruitunmodèleàpartirde travauxciblant ladiffusion d’une innovation de service et appliqués ausecteurdelasanté[5,6].Cemodèlemetl’accentsurlescompétences, les préférences des agents, les réseauxprofessionnels,lanaturedesrelationsmédecin-patients.Pour des innovations de service dans le secteur de lasanté,cequeproduitune innovationdépend fortementdes compétences des professionnels et non seulementdes caractéristiques physiques de l’innovation.L’adhésionàune innovation sera facilitée si elle répondaux objectifs, valeurs, préférences des utilisateurspotentiels. Dans le domaine de la santé, lesprofessionnels peuvent répondre simultanément à desregistres de préférences pluriels, des registresutilitaristes (minimiser son effort et son temps detravail),desregistresaltruistes(accroitre lebien-êtredeses patients) et des registres relevant d’uneappartenance professionnelle. La télémédecine pourraitimpacter de façon différenciée ces différentespréférences. Notre modèle n’appréhende pas leprocessus de diffusion de manière linéaire. Il est aucontraire capté à travers les interactions qui existententre les différentes composantes du modèle(interactions entre les professionnels de santé etl’innovation, entre leurs préférences et leurscompétences).Nousavonsmobilisécemodèlethéoriqueetexploitédesdonnées issues d’observations de terrain, d’entretienssemi-directifs et de questionnaires. Douze projetsexpérimentaux, couvrant trois spécialités(télécardiologie, télédermartologie, télégériatrie) etrelevantdelatéléexpertiseetdelatéléconsultationontétéainsiétudiés.3. RÉSULTATSNous analysons à la fois l’implantation du programme,ses ressourcesetprocessus,ses résultatsetses impactspourrepérerleviersetblocagesàsaréussite.Leprogrammerégionalestissud’appelsd’offreadressésaux professionnels de santé. Les dispositifs implantéscorrespondaient donc aux attentes a priori desprofessionnels,etétaientportésparunoudesleadersapriori motivés par la télémédecine. Cette logique

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ascendante pour construire les dispositifs à mettre enœuvre offrait donc un contexte très propice à leursuccès.Les projets validés ont ensuite été dotés de ressourcesmatérielles et de procédures de fonctionnement. Si lescompétences des professionnelles n’ont pas faitproblème, les préférences des professionnels n’ont pastoujours été en phase avec le matériel fourni (parexemplestation fixeetnonmobilepour la transmissiondes informations) ni surtout avec les procéduresimposées pour utiliser la plateforme de télémédecine(modalités de connexion, contenu des workflows,absence d’interopérabilité des systèmes d’information).Les professionnels les plus leaders qui avaient aupréalable un usage «sauvage» de la télémédecine ontpu juger que les contraintes d’une télémédecine légaleleur faisaient perdre nombre des avantages préalables(simplicité,fluidité,rapidité).En dépit de cette lourdeur, les dispositifs ont pour lesprofessionnels des résultats positifs. Les médecinsgénéralistesapprécientlaréductiondesdélaisd’accèsàl’expertise (dermatologie et cardiologie), lesdéplacements évités pour leurs patients. En termesd’impacts, le bilan est plus contrasté. D’un côté latélémédecine a créé de nouvelles coordinations,coopérations (entre paramédicaux et médecins, entremédecins généralistes et spécialistes), elle a développéde nouvelles compétences (par exemple, les médecinsgénéralistes participant à un dispositif de téléexpertiseen dermatologie disent avoir acquis plus deconnaissancesetdecompétencesdanscettediscipline).D’unautrecôté, le fonctionnement légaletsécurisédesdispositifs a accru les temps de travail et contraint leséchangesentreprofessionnels.Alorsquel’absenced’unerémunération dédiée est souvent avancée commeobstacle,c’estbeaucouppluslaquestiondutempsetdela facilité d’usage que les médecins ont mis en avantcommelimitesàleuradhésion.Très majoritairement, les médecins qui ont participé àces dispositifs expérimentaux souhaitent toutefoiscontinueràutiliserlatélémédecinedansleurpratique.4. DISCUSSIONEn récoltant et en analysant le point de vue desprofessionnelsutilisateurs,notreétudemontreque leuradhésion est fortement dépendante de leurspréférences:préférencesentermesdequalitédesprisesen charge de leurs patients, préférences en termes derelations professionnelles et de temps de travail. Si lesmédecinspartiesprenantesdecesdispositifsévaluentaufinalpositivementcesexpérimentations,c’estsansdouteque le gain d’efficacité et de qualité dans leur pratiquel’emporte sur la lourdeur dans leur organisation et le

supplément de travail induits par le fonctionnement decesdispositifs.Ces dispositifs expérimentaux étant portés par desmédecins volontaires, ce résultat n’est pas directementgénéralisable. Il offre pourtant des pistes de réflexionpour comprendre et agir sur la faible diffusion de latélémédecineenmédecinedeville.Desmédecinsapriorimoinsséduitsdevraientà la foisêtreconvaincuspar lesavantages sans être freinés par des contraintes. Onpourrait alors suggérer que l’intervention des pouvoirspublics cherche à les informer et les convaincre del’apport de la télémédecine en termes de qualité dessoins tout en permettant aux dispositifs d’être les plusmaniables,adaptablesetéconomesentemps.5. CONCLUSIONLes résultats que nous présentons ici ne couvrentévidemmentqu’unepartiedesmécanismesquipeuventconcouriràladiffusiondelatélémédecine.Ilsn’abordentque des logiques individuelles d’adhésion. Notre travailsepoursuiten intégrantdes logiquespluscollectivesducôté des professionnels ainsi que le point de vue despatientsetleursrelationsavecleurssoignants.6. RÉFÉRENCES.[1] Simon,P. (2015)Télémédecine, enjeuxetpratiques.

EditionLeCoudrier.Paris.

[2] DGOS (2013). Le recensement des activités detélémédecine.Rapport.Paris.

[3] Lareng, L. (2013). La télémédecine: grandeurs ettristesses.European Research in Telemedecine, n°2,pp79-80.

[4] Greenhalgh, T., Robert, G., Bate, P.,FraserMacfarlane, F., Kyriakidou, O. (2008). Diffusion ofInnovations in Health Service Organisations: ASystematic Literature Review.Malden,MABlackwellPublishing,Ltd.

[5] Djellal, F., Gallouj, F. (2012). L'innovation dans lesservicespublics.Revuefrançaised'économie,volumexxvii,(2),pp.97-142.

[6] Windrum, P., Garcia-Goni, M. (2008). A Neo-SchumpeterianModelofHealthServicesInnovation.ResearchGate,37.4,pp.649-72.

7. REMERCIEMENTSCette recherche a bénéficié d’un appui et d’unfinancement de l’ARS Bourgogne Franche Comté ainsiquedel’agenceNationaledelaRecherchedanslecadredes Investissements d’Avenir (ANR-11-LABX-0021-01-LipSTICLabex.

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SESSIONUQAM-CNAMMONTRÉAL|8H30À12H00PARIS|14H30À18H00

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Actes des Journées d’étude « Organisation, santé et numérique »

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Témoignerenlignedesonagressionsexuelle:Jalonsdelareconstructiondesoietdelamobilisationcollective

ChantalAurousseauUniversitéduQuébecàMontréal(UQAM)

[email protected]

ChristineThoërUniversitéduQuébecàMontréal(UQAM)

[email protected]

RymBenzazaUniversitéduQuébecàMontréal(UQAM)

[email protected]

MotsclésAgression sexuelle, femme, témoignage, réseauxsocionumériques,RSN,Québec1. INTRODUCTIONDepuisquelquesannées,onobserveuneaugmentationsur différents médias socionumériques destémoignages de femmes qui livrent le récit de leuragression sexuelle. Depuis l’affaire Jian Gomeshi et lelancement des mots clics #BeenRapedNeverReportedet #AgressionNonDénoncée, ces témoignages se sontmultipliés.Lesétudesayantdocumentéladémarchedetémoignage en ligne d’agressions à caractère sexuelsont raresmais ellesontpermisde cerner les thèmesabordés et les formesde soutien social qui s’exercentsur les réseaux socionumériques [1], [2]. Pour Paveau[3] qui analyse le projet Unbreakable (bloguerassemblant des photographies de victimes arborantune pancarte sur laquelle elles avaient retranscritcertaines paroles de l’agresseur), cette campagnepermetaux femmesdedire l’indicibleetde retournerle stigmate contre l’agresseur. Une des limites de cestravauxestqu’ilsnepermettentpasdecerner le sensdes témoignages pour les femmes qui les produisent.L’objectifde la rechercheexploratoirequenousavonsréaliséeen collaboration avec leRQCALACSetlecollectif Je suis indestructible, était de documenterl’expérience du témoignage en ligne pour les femmesquis’yengagentetdecerner lessignificationsqu’ellesassocientàcettedémarche.2. MÉTHODOLOGIECetterechercheexploratoires’appuiesurdesentretiensmenés en face à face ou par courriel avec 12 femmesâgées de 18 ans et plus, vivant au Québec et ayantréalisé un ou plusieurs témoignages de leur(s)agression(s) à caractère sexuel sur différents médiassociauxaucoursdesdeuxdernièresannées.Lesfemmesrencontrées nous ont donné accès à 27 témoignagesqu’ellesavaientproduits.Nousavonsmenéuneanalysequalitativedececorpus, inspiréede laprocédurede lathéorisationenracinéee[4].Nousavonsmisl’accentsurles formes, les conditions de production et les espacesde publication des témoignages, les motivations desfemmes à s’exprimer en ligne, les significations dutémoignage en ligne, son inscription dans le parcoursdes femmeset lesbénéficeset les risquesquecelles-ciassocientàcettedémarche.

3. RÉSULTATSNos résultats montrent que femmes produisentgénéralement le témoignage de manière autonome.Elles expriment un fort sentiment de contrôlesur leurdiscours, les médias socionumériques leur offrant lapossibilitédelivrerleurtémoignageàleurrythme,oùetquand elles le veulent. Les résultats mettent enévidence la diversité des formes du témoignage. Cestémoignages sont publiés sur une grande variété deplateformes sur lesquelles les femmes étaient déjàactives. Ilssontsouventrelayéssur leurpageFacebooket, de ce fait, ne sont généralement pas anonymes.Plusieursfemmesaffirmentledésirderevendiquerleurhistoire. Ces témoignages sont souvent liés à d’autresdévoilements d’expériences d’agression, réalisés horsligne comme en ligne. Ils s’articulent aussi auxdévoilements d’autres personnes ayant vécu desexpériencestraumatiques.La démarche de témoignage en ligne est investie designifications qui varient, entre autres, en fonction ducontexte de l’agression, de la nature du soutien dansl’entourage des femmes et du positionnement dutémoignage dans le parcours de chacune. Pour lesfemmes rencontrées, le témoignage constituait unmoyende«sortir l’agressiondu corps», de retrouver etd’organiserlesfragmentsdelamémoireetdebénéficierde soutien social. Plusieursdéclarent ainsi quepartagerleurexpérience leurapermisdese sentirmoins seules,entre autres du fait des validations, même minimes(nombredevues, likes,commentaires),dont leurrécitafait l’objet, celles-ci les aidant à se reconnaître commevictimes.Certainesvoientl’utilisationdesmédiassociauxcomme un moyen sécuritaire de communiquer et derenégocier les relations avec l’entourage, de confronterun proche oumême de dénoncer l’agresseur. Plusieursfemmes rapportent enfin avoir été entraînées par lemouvement collectif #AgressionNonDenoncée, quiouvrait un espace où déposer leur parole et leurpermettait de se joindre à une mobilisation collectivecontre laviolence faiteaux femmes.Pourcellesquiontétéaidéesparlaparoled’autresvictimes,témoignerestaussi une façon d’aider en retour. La démarche detémoignage semble ainsi soutenir les femmes àdifférentes étapes de leur reconstruction identitaire etleurpermettred’enafficherlaprogression.Ladémarchede témoignage en ligne n’est toutefois pas sans risque.

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En effet, si l’expérience semble généralement positivepour les femmes rencontrées, celles qui témoignentpeuvent aussi, dans certains contextes, plusparticulièrement lorsqu’elles nomment l’agresseur etqu’elles livrent le témoignagedansdes environnementsenligneoùcelui-ciestconnu,recevoirdescommentairesenligneethorsligne,quiportentatteinteàleurestime,les agressent psychologiquement ou favorisent uneforme de harcèlement, de la part de membres del’entouragemaisaussid’internautes.4. DISCUSSIONLes réseaux socionumériques offrent des espacesalternatifs et relativement accessibles où déposer laparole des personnes qui ont vécu des agressions àcaractère sexuel et cette démarche semble associée àplusieursavantages.Lesrécitslivrésenligneconstituenttout d’abord, des marqueurs du processus dereconstructionetd’empowermentdesfemmes,mettantenévidencelecaractèreperformatifdurécitnumériquequipermetdereprendrepossessiondesonhistoireetdela modifier. Pour la plupart d’entre elles, ces prises deparole s’inscrivent dans un «parcours de témoignage»,horsligneetenligne[5].Si les femmes rencontrées jugent la démarche detémoignage en ligne relativement sécuritaire, c’estnotamment parce qu’elles choisissent de publier leurrécit sur des plateformes numériques qui leur sontfamilières. Elles semblent ainsi maîtriser la mise envisibilitédutémoignagedanscesespaces«semi-publics»où elles sont entre interconnaissances [7]. Dans le casdes témoignages livrés dans des environnements pluspublics,commelemouvement#AgressionNonDenoncée,oud’autresmouvementssubséquents(#Onvouscroit), lenombrede témoignages et le contexte social favorable,ont pour effet que les femmes se sentent protégéesd’éventuels commentaires négatifs. Les femmesrapportent aussi un fort sentiment de contrôle sur leurdiscours, cequidiffèredesexpériencesde témoignageslivrés dans le cadre d’entrevues dans lesmédias grand-public,où lamédiationdu travail journalistiqueencadrele pouvoir d’agir de celui qui témoigne [6]. De plus, enouvrant la participation à des formes d’expressionvariées et moins exigeantes, tant individuelles quecollectives[7],lestémoignagesd’agressionslivréssurlesmédiassocionumériquesfavorisentlasensibilisationetlamobilisation, contribuant à alimenter un débat sur laviolencefaiteauxfemmesauseindel’espacepublic.Surunebase individuelle, témoignerdesonagressionàcaractère sexuel sur les médias sociaux impliquetoutefois une renégociation des relations avecl’entourage,dontl’issuen’estjamaisanodineetquipeuts’avérerparticulièrementdifficile lorsque l’agresseurestnommé.Enfin,bienquelesfemmesaientpeuévoquéles

risquesassociésauxtracesdestémoignagespubliésdanslesmédiassociaux,ceux-cisontprésents,carlesoutilsderecherche en ligne permettent l‘extraction etl’agrégation de données anonymes et personnelles etleurpublicisationdansdescontextesdifférentsducadreoùellesontétéproduites.5. CONCLUSIONLestémoignagesenligned’agressionsàcaractèresexuelse multiplient sur les réseaux sociaux. Notre recherchemontre que le témoignage en ligne s’inscrit dans unparcoursdereconstructiondesoiquis’opèreàtraverslerécitdesoi.Ladémarchedutémoignageenlignesembleainsiprésenterdenombreuxavantagespourlesvictimes.Les réseaux sociaux semblent notamment procurer desespaces relativement sécuritaires où déposer et fairevalider son récit, d’où l’importancepour lesorganismesqui interviennent auprès des victimes de mieux de lesintégrer dans leur stratégie d’intervention. Certainscontextes semblent toutefois plus favorables qued’autres pour accueillir les témoignages d’agressions.D’autres recherches sontnécessairespourmieuxcernerlesrisquesassociésàladémarchederechercheenligne.6.RÉFÉRENCES[1] Thoër, C., Benzaza, R. (2015). Témoigner de son

agression sexuelle sur les réseaux sociaux : Formesdu témoignage et du soutien social en ligne. XèmeCongrèsdel’ACFAS,Colloquesurlesoutiensocialenligne,Rimouski,Canada,27mai.

[2] Moors, R., Webber, R. (2012). The dance ofdisclosure: Online self-disclosure of sexual assault.QualitativeSocialWork,

[3] Paveau, M.-A. (2014). Quand les corps s’écrivent.Discours de femmes à l’ère du numérique. EricBidaud. Recherches de visages. Une approchepsychanalytique,Hermann,enligne,

[4] Paillé, P. (1994). L’analyse par théorisationancrée,Cahiers de recherche sociologique, 23,p.147-181.

[5] Plummer, K. (1995). Telling Sexual Stories: Power,ChangeandSocialWorlds.Londres:Routledge,

[6] Mensah, M. (2017). «Cultures du témoignage etchangement social, l’expérience des communautéssexuellesetdegenreauQuébec».InMensah,MariaNengehLetémoignagesexueletintime,unlevierdechangementsocial?(p1-18),Québec,PUQ.

[7] Cardon, D. (2010). La démocratie Internet.Promessesetlimites,Paris:Seuil.

6.REMERCIEMENTSCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributiondu Programme d’aide financière à la recherche et à lacréation(PAFARC)del’UQAM.

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LaPréventionducancerduseinenligne:dudiscoursausoutiensocialOmraneDorsaf

LERASSUniversitédeToulouse

[email protected]

PierreMignotLERASS

Université[email protected]

Mots-clésCommunicationpublique,préventionducancerdusein,soutiensocial1. INTRODUCTIONLa controverse scientifique et citoyenne autour de laprévention et du dépistage organisé du cancer du seintémoigne d’un contexte mouvementé et d’une crise deconfianceàl’égarddudiscoursmédicaleetdespolitiquespubliques sanitaires [1]. Notre approche s’intéresse auxdifférents discours de prévention et aux pratiques info-communicationnelles en ligne de la populationconcernéeparlecancerdusein.Eneffet,nouscherchonsà comprendre les «habitudes de faire», au sens deJacques Perriault, de la population concernée. Cespratiques, qui couvrent également les comportements,attitudes et les représentations des individus [2], sontappréhendées d’une manière globale [3]. De ce fait lecontexte social (contestation, représentation de lamaladie, lerapportaucorpsetàlasanté), institutionnel(lapolitiquenationalede lapréventionetdudépistage)etorganisationnel (ledispositifdudépistagedans lequellespratiquesesituentet lesusagesdans lequelelles sematérialisent) est pris en considération dans l’analyseque nous proposons. Trois discours présents d’unemanière asymétrique dans les politiques decommunication autour de la prévention et de lasensibilisation au dépistage ont été identifiés. Parailleurs, lesrécitsdevie, lesavoirdesexpérienceset lesformes d’entraides sont révélateurs de représentationspartagéesenligne.2. MÉTHODENous délimitons notre terrain de recherche autour dugroupe d’échange Facebook « Cancer du sein, parlons -en».Lechoixdecetteplateformerésulted’uneanalysepréalable de tous les espaces d’échanges de groupessociauxenligneconsacréeaucancerdusein.Demanièreplus précise nous allons analyser les messages publiésparl’associationpendantlesmoisd’octobre,à l’occasiondelacampagnedesensibilisationaudépistageducancerdu sein « octobre rose » de 2015 et 2016. Celareprésente 80 sujets et en moyenne 50 commentairespar sujet. Notre corpus est composé de 4000 textes.Nous avons mobilisé deux techniques de recueil dedonnées pour analyser les contenus de notre corpus.L’ethnographie invisible a porté essentiellement sur letype de prévention (primaire, secondaire, tertiaire) ;

l’éditeur du message, la référence à l’histoire et àl’évolution de la prévention; le type de discours et sesréférences, lesperceptionsetpratiquesliéesaudiscoursde prévention; les profils des participants. Une analyseautomatique de contenu à l’aide du logiciel d'analysetextuel Nvivo vient compléter notre investigationethnographique.3. RÉSULTATSCette analyse nous a révélé trois types de discours descampagnes de prévention et les pratiques info-communicationnelles,delapopulationconcernée,quiluisont liées.Laplupartpartdesdiscoursdepréventionsefondent sur ce que Simpson [4] appelle : la croyancepharmacologique et technologiques. Croire et avoirconfiancedanslesprouessestechnico-médicalesestunemanière d'espérer un meilleur déroulement de lamaladieetdestechniquesdeprévention.C’estainsiquecertaines femmes, dans le cadre du dépistage précoce,vont soit se conformer à l’autorité médicale, ouvolontairement se fier au dépistagemammographie. Cediscours favorise une autorité symbolique et uneconfianceimpersonnelledansl’expertisemédicalequiestpartagée lors des échanges en ligne. Le deuxièmediscours est celui de la responsabilisation et del’individualisation. il se présente le plus souvent entermesdechoixdestyledevieetencouragetoutautant,parexemple,àabandonner lacigarette,à fairedusportetàmangersainement,qu’àadhérerauxprincipesdeladétection précoce du cancer du sein. Bien que cetteapproche soit rassurante pour certaines femmes etcorrespondeàleurrapportàlasantéetaucorpsetleursensibilité à la problématique de la prévention, elle estcontestéeparcertainschercheursetcertainespatientes.Le troisième discours qui relève de l’approche socio-environnementale. Ce discours qui devrait relier lamaladieàdesdéterminantscollectifssocio-économiqueset environnementaux est moins présent dans lescampagnes de prévention du cancer du sein, bien qu’ilsoitdeplusenplussollicitéeparlapopulationconcernéeetnonconfiante.4. ANALYSELes deux premiers discours de prévention bénéficientd’une grande notoriété et encadrent le processus demédicalisationdelapréventiondurisquedecanceretlamise en confiance des publics. Par ailleurs, ils sontsouventremisencauseparunepopulationquiconteste

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la normalisation sanitaire imposée sans concertation etdes prises de risques occultés dans les campagnes desensibilisation au dépistage [5]. Quant aux facteursenvironnementauxetsocio-économiques, lamontéedescritiques à l’égard de l’industrie agro-alimentaire,pharmaceutiqueoucosmétiqueestàrelever.Les attitudes à l’égard de ces discours sont révélatricesdes pratiques caractéristiques du soutien social [6] ouémotionnel [7]. «Le soutien social consiste en unéchangedemessagesquivéhiculentdesémotionsoudesinformations pour aider à réduire l’incertitude ou lestress de quelqu’un, et qui signale directement ouindirectement à cette personne, que l’on reconnaît savaleur et qu’on s’occupe d’elle» [6]. En effet, l’espaced’échange dédié initialement à la prévention et à lasensibilisationaudépistageprécocedevient,undispositifde soutien social. Le soutien social se décline ici sousdifférenteforme:- le soutien émotionnel pour décrire l’apport deréconfort, d’amitié, d’amour ou de sympathie [8]. Lesmots les plus récurrents sont: courage, bravo, merci,moral,lutte,combat,peur,force,magnifique,photo.Unedes particularités de ce lexique de soutien émotionnelréside dans la présence d’un vocabulaire guerrier. C’estune “guerre” contre la maladie qui impliquerait unecohésionentrelesdifférentsacteurs.- L’apport informationnel, c'est à dire une aide à larésolution du problème, à la prise de décision et aujugement. Les mots relevant de ce registre les plusfréquents sont : traitement, chimio, radiothérapie,ablation,reconstruction,etc.Cesoutienneconcernepasque l’information ou l’opinion médicale. L’esthétique,l’environnement social, la sexualité, ou l’après - cancerpeuventfairel’objetdeceséchangesinformationnels.- Enfin, le soutien tangible ou des liens interpersonnelsqui se créent entre les intervenantes : ajout à la listed’amis Facebook, demandes nominatives de nouvelles,ouuneinvitationàuneconférence,etc.Cespratiquesdesoutiensocialnesontniséquentielles,nidistinctes.5. DISCUSSIONSIlnoussemblequelesstratégiesdecommunicationsurlaprévention du cancer du sein sont loin d’être adaptéesaux pratiques info-communicationnelles en ligne de lapopulation concernée or ces dernières offrent denouvellesperspectivesà lapréventionetà lapromotionde la santé en général. Dans ce contexte de crise deconfiance,Lesacteurspublicsetofficielsdelapréventionet du dépistage du cancer du sein doivent orienter leurstratégie de communication vers des plateformesnumériquesimpliquant lapopulationconcernée,au-delàdes discours médicotechniques, ou de laresponsabilisation individuelle de la populationconcernée.

6. CONCLUSIONL’analyse de contenu (octobre, 2015, 2016) de la pageFacebookd’uneassociationde lutte contre le cancerduseinnousapermisd’identifier trois typedediscoursdeprévention (impersonnel) basé sur le médico-techniqueet la responsabilisation individuelle. Les échangesinterpersonnelsbaséssurlesoutiensocialcaractéristiquedes pratiques info-communicationnelles en ligne despatientes et de la population. Ces pratiques peuventréduire ou accentuer les mouvements sociaux decontestation.Lescampagnesdepréventionducancerdusein devraient s’adapter aux pratiques info-communicationnelles,delapopulationconcernée.7. RÉFÉRENCES[1] Omrane D. Mignot P. (à paraitre). Pratiques info-

communicationnelles en ligne face à la crise deconfiance dans la prévention du cancer du sein. InC.Paganelli (dir.). Confiance et légitimité eninformationetcommunicationdesanté.

[2] Jouet J. (1993). Pratiques de communication etfigures de la médiation. Réseaux. Communication -Technologie–Société,60,pp.99-120

[3] Paganelli, C. (2012). Une approche info-communicationnelle des activités informationnellesencontextedetravail:Acteurs,pratiquesetlogiquessociales.Thèsededoctorat,UniversitédeGrenoble.

[4] Simpson, C., (2000). Controversies in Breast CancerPrevention. In L. Potts (Ed.), Ideologies of BreastCancer. Feminist Perspectives.NewYork: St.MartinPress,pp.131-152.

[5] Ménoret,M. (2007).Le risquedecancerduseinenFrance: unmode unique de prévention. Sociologieetsociétés,vol.39,n°1,pp.145-160.

[6] Gauducheau,N.(2012).Internetetlesoutiensocial.In C. Thoër, J.J. Levy, Internet et santé, usages,acteurs et appropriations. Québec: Presses del’UniversitéduQuébec.

[7] Thoër, C. (2012). Les espaces d’échange en ligneconsacrés à la santé : de nouvelles médiations del’informationsanté.InC.Thoër,J.J.Levy,Internetetsanté, usages, acteurs et appropriations, collectionsantéetsociété,Québec:Pressesdel’UniversitéduQuébec,pp.57-91.

[8] Barrera,M.,Glasgow,R.E.,Mckay,H.G.,Boles,S.M.,&Feil,E.G.(2002).DoInternet-BasedSupportInterventionsChangePerceptionsofSocialSupport?:AnExperimentalTrialofApproachesforSupportingDiabetesSelf-Management.Americanjournalofcommunitypsychology,30(5),pp.637-654.

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Bienveillancecommunautairedesforumsnumériques

commevecteurderéorganisationduquotidiendansl’épreuveducancerAuréliePourrez

CIMEOSUniversitédeBourgogne-Franche-Comté

[email protected]

ÉlodieCrespelCIMEOS

UniversitédeBourgogne-Franche-Comté[email protected]

BenoitCordelierComSanté

UniversitéduQuébecàMontréal(UQAM)[email protected]

Mots-clésCancer,communautéenligne,bienveillance,parcoursdesoins.1. INTRODUCTIONLes communautés de patients en ligne sont pour leursusagers un soutien incontournable. La rechercherelationnelle dans la communauté peut être unedémarche individuelle nourrissant d’autres usagesnumériquesou conséquenteàunmanquedans lapriseen charge organisée par l’institution. Les effetssecondaires des différents traitements sont énumérésdans l’information médicale avec une descriptionsymptomatologique, alors que les patients partagentautrechose,«surtoutpasdanslesstatistiquesmédicalesdu net» [1]: leur vécu, la temporalité à laquelles’attendre,lespossibilitéspourlessurmonter.Lepartagedes savoirs expérientiels numériques s’inscrit ainsi dansle parcours de soin, même s’ils restent impensés dansl’organisation institutionnelle de la prise en chargeholistique. La communauté de patientes en ligneprésentée illustrera «les Services et ApplicationsCommunautaires sur Internet comme dispositifsd’explicitationetdepartagedesconnaissances»[2].Lesinteractionsobservéesmontrentcertesque«lesusagerscherchent des informations validées, ailleurs qu’auprèsdes professionnels de santé» [3], mais aussi qu’elless’ancrentdansleparcoursdesoinvécudespatientes.Institutionnellement, la numérisation n’est pensée quecomme une plateforme de coordination pour lestraitements et les surveillances ou une interface pourobjets connectés. Le diagnostic, le bilan d’extension,l’élaboration d’une stratégie thérapeutique, letraitement, la prise en charge globale et la surveillanceconstitueleparcoursdesoininstitutionnel.Ladémarchefaite par de nombreuses patientes de consulter lescommunautésenlignen’anivisibiliténideplacedansceparcoursetenconstituel’impensé.Le site Les Impatientes créé en décembre 2001 sera lacommunauté présentée. Plus de 10 000 inscriptions enpresqueseizeansanimentunforumthématiquedestinéaux femmes touchées par un cancer du sein. Si larubrique« dossiers »dusiten’estplusactualiséedepuisplusieursannées(lesmodératricesnesemblentplusêtreactivessurlesitedepuis2014),denouvellesinscriptions

ont lieu chaque jour et maintiennent le dynamisme duforum.Les Impatientes sont essentiellement des femmestouchées par le cancer du sein entre 45 et 65 ans (Ontrouve également quelques chercheurs, journalistes,etc.). La lecture des forums est libre. Pour participer, ilfaut s’inscrire gratuitement. La participation à lacommunauté permet un rapport asynchrone àl’information. L’observationdes forumsdediscussionetdesentretienssemi-directifsmettentenavantd’unepartl’organisation en communauté de patientes pourtraverser l’épreuve de leur cancer et d’autre part, unebienveillance communautaire nécessaire lors dubouleversementduquotidieninduitparlamaladie.2. COMMUNAUTÉDEPATIENTESAvoir un cancer du sein ne fait pas de chaque femmefrancophone une Impatiente. Le nombre d’inscriptionsmanifestantdelafréquentationd’unmêmesitesuffit-ilàparler de communauté ? Y-a-t-il un sentimentd’appartenance?Uneprotectionetunereconnaissance?Lesitedevientuneressourcequisedéploieau-delàdeses membres, au-delà des liens proposés par les blogscréés par certaines des Impatientes. Leur texte adresséauxprochesde femmesatteintesparuncancerdu sein« Il faut que l’on vous dise » est présenté sur un sited’information sur le cancer [4] : un courage priscollectivementpourréussiràdireauxprochesquelemotcancerpeutêtreprononcé,qu’ilestdifficilederépondrenégativement à la question « ça va ? », que lui préférer« Raconte-moi »offriraitunespaceoùlequotidiendelamaladieauraituneplacepossibleaumilieudu leitmotiv« tuvast’ensortir,ilsontfaitbeaucoupdeprogrès».Le site Les Impatientes est comme un contrepoids quiéquilibre l’injonction contemporaine faite aux patientsd’êtreaucœurdeleurpriseencharge,autonomes,maisalors chargés d’un héroïsme solitaire imposé parl’autonomisation [5]. Préserver ses proches, suivre lerythmedestraitementsnefacilitepaslamiseenrécitdeson vécu [6] qui permet de dépasser le caractère vifd’une expérience. Les Impatientes y aide, grâce à uneressourcecommunautaire.Quel que soit l’investissement dans les forums, leurconsultation yestprésentée commeuneévidencepoursurmonterl’impactduquotidienduvécudelamaladie.

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Sansmodérationeffective,lesforumsdusiterespectentune charte établie au début dans laquelle il est préciséquepersonnen’esthabilitéeàdonnerunavismédicaletque tout jugement sur un professionnel ou unétablissementn’estpaslebienvenu.Celaprocureausiteune atmosphère de «société généreuse et conviviale»[2]danslaquelle lesusagesetattentessontvariés,maisoùperdureunebienveillancecommunautaire.3. BIENVEILLANCECOMMUNAUTAIRELa bienveillance communautaire potentialise une valeurmédiatrice face à l’étrangeté radicale ressentie. Labienveillance est une nouvelle injonction tacite quitapisse le champ sanitaire, comme précédemmentl’attention à la vulnérabilité, qui réhabilite les émotionsdans le savoir-être des soignants. Masquées, voiretabouspour les professionsmédicales, elles avaient étépermises dans la compréhension du vécu de lamaladiedes patients avec l’empathie. L’empathie des soignantset des proches ne semblent pourtant pas suffire auxImpatientes qui cherchent avec la bienveillancel’expression d’un partage averti. Se sentir « dansl’action », une approche chaleureuse pour savoir parexemple comment se résoudre à parler à ses enfants,etc.Uneréponseaffectiveetréciproqueauxinquiétudesetunquotidienappréhendéaujourlejourélaborentunbesoind’espoiraccessibledanslacommunauté.Les différents thèmes proposés pour les forums dediscussion permettent ainsi de trouver desrenseignementssurlareconstructionchirurgicale,surlescollections de liquide post-chirurgicales, sur la prise encharge des transports, sur le temps nécessaire à ladisparitiondesymptômesetunespaceoùilestpossiblede dire « Je n’en peux plus ! ». Réassurance,encouragements et expressions du ressenti, mêmenégatif, agrémentent le quotidien des membres. Lerecoursàlacommunautépermetdedépasserlevécuvifde la maladie et d’apercevoir la chronicité, voire larémission.La bienveillance communautaire est surtout un vecteurde réorganisation du quotidien bouleversé. La virtualitéautorise d’abord une temporalité adaptée au traversd’une logique du don et de réciprocité. Unaccompagnement non linéaire est permis, à chaqueétape, en fonction des besoins de chacune. Ledéroulement d’un traitement ne l’admet pas vraiment:on suit, on poursuit, on avance. L’approche numériquequant à elle, s’adapte, avec tous les va-et-vientnécessaires.Ensuite,labienveillancecommunautaireestnécessaireàunepriseenchargeholistique,quelquesoitl’usage des forums (participation, observation), par cerecours aux savoirs expérientiels rassurants. La prise enchargeest ainsi compositeentre soins institutionnels etcette approche alternative. Enfin, cette bienveillance

communautaireestunepossibiliténumériqued’esquiverune corporéité éprouvée, unemorbidité parfois difficiledanslessallesd’attente,lesboxouleschambres.4. CONCLUSIONPuisque le recoursconsultatifouparticipatifd’un forumdediscussions’inscritdanslevécudelamaladie,onpeutparler de numérisation ce parcours. Néanmoins, celaquestionne la visibilité institutionnelle de cetteressource.Unedémarchepersonnelle,parfoisseulementsuggéréepardesprofessionnelsdesanté(paramédicaux,médecins), s’effectue sans recommandations pouvant yguider. Les institutions tendent à adapter leur proprepratique aux évolutions des technologies decommunication, avec la téléconsultation par exemple,mais intégrer lesusagesdespatientsdans lesnouvellesmodalités du parcours de soins n’est pas envisagé à cejour.Cette bienveillance communautaire salvatrice dans leparcours de soins semble cependant renfermer sur desressources individuelles une possibilité de constructioncollectivemilitanteoupolitique.5. RÉFÉRENCES[1] www.lesimpatientes.fr, consulté le 15 décembre

2017.[2] GalibertO. (2014)Approchecommunicationnelleet

organisationnelle des enjeux du CommunityManagement,Communication&Organisation,46.

[3] Battaïa C. (2016), Informationmédicale et émotiondans les forumsdesanté,Lescahiersdunumérique(vol.12),p.51-72

[4] http://www.cancerbretagne.net/article-il-faut-que-l-on-vous-dise-64457521.html, consulté le 15décembre2017.

[5] Higgins RW. (2003), L’invention du mourant.Violencede lamort pacifiée,Esprit janvier 2003, p.139-41. Staii, A. (2012), La fabrique sociale :autonomisation et légitimation dans le domaine del’informationdesanté,Netcom,26-1/2,misenlignele 02 décembre 2012. Disponible sur :http://netcom.revues.org/602. Consulté le 15décembre2017

[6] RicoeurP.(1985).Tempsetrécit.TomeIII.Letempsraconté.Paris,Seuil.

6. REMERCIEMENTSCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributionde la région Bourgogne Franche-Comté, le fondseuropéeen de développement régional et l’AgenceNationale de la Recherche au titre du programme« Investissementsd’avenir».

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Dimension(s)numériquesducaredanslesrelationsdesoinsentrepatients,aidantsprochesetprofessionnelsdesanté

GéraldineGoulinet-FitéMICA

Université[email protected]

Mots-clésPersonnesâgées,maladieschroniques, soinsàdomicile,care,TIC1. INTRODUCTIOND’après l’Observatoire Régional de la Santé (ORS)l’Aquitaine n’échappe pas au double constat d’unechronicisation des maladies et du vieillissement de lapopulationfrançaise,relevantunepartcroissantedecasdediabèteetdecancerchezlessujetsâgésde60etplus.Demêmelacartographiedel’offredesoinsduterritoirereproduit les préoccupations nationales d’une certainedésertification médicale, d’un besoin de coordinationmédico-sociale des parcours de santé où le domicile,jusqu’ici considéré comme l’espace privilégié des soinsdomestiques, se trouve investi de nouvelles normesrelationnelles, tant au niveau du réseau d’acteursintervenants que dans les formes d’échange et departageinfo-communicationnel[1]autourdusoin.SelonlesrapportsduCGIET[2],l’usagedesTechnologiesde l’Information et de la communication (TIC) en santédevientuneressourcemajeuredecoopérationentre lesacteurs pour permettre l’autonomisation, pourcompenser, maintenir, prévenir, encourager lescomportements vertueux en santé, faciliter les liens etdynamiser le citoyen. Malgré ce, des fracturesnumériquespersistent,notammentencontextedesoinsà domicile et envers les personnes fragiles ou en perted’autonomie [3]. Le besoin d’incarner, voire deréincarner la relation de soin par de la communicationhumaine, singulière et interpersonnelle face à unesurveillance accrue de la santé et de la maladie, àdistance et médiatisée par des dispositifs numériquesrelanceledébatdesfrontièresépistémologiquesentrelecure – entendu comme «acte de soigner» et le caretraduisant«lesoucis,l’attention,leprendresoin»[4].Notrepropositionviseàinterrogerl’utilisationdesTICencontexte de soins à domicile avec/pour des sujets âgésfragilisés par lamaladie chronique en y étudiant leur(s)contribution(s) à la démarche de care [5] sous-tenduedans la relationde soinentre lepatientâgé, sonaidantproche et les intervenants professionnels du soin àdomicile.

2. MÉTHODEL’objetdenotreétudeviseàanalyserlesprocessusinfo-communicationnels du care mobilisés en contexte demédiatisationnumérique.Notrepérimètred’investigationestcirconscritausuividedeuxpathologies(diabète/cancer)auprèsde sujetsâgésde65-85ansetdetroiscatégoriesd’acteursintervenantsdans le soin à domicile 1/l’aidant familial proche 2/leprofessionneldel’aideàdomicile3/lesprofessionnelsdesantédudomicile(médecin,infirmier,pharmaciens).Notreplanderecherches’articuleautourdedeuxaxes:

• Un axe centré sur l’étude des perceptions etreprésentationsdu«prendresoin»avecl’usagedesTICvisantàcomprendrelafabriqueducareindividueldanslesinteractionsinterindividuelles[5] et les modalités de réception de celui. Ils’appuie sur une enquête par questionnairecomplété d’entretiens approfondis réalisésauprèsdespatientsetleursaidantsproches,surtroisterritoiresgéographiques[6].

• Un axe orienté sur l’étude du careorganisationnel comme production info-communicationnelleparl’organisationdutravailde groupes sociaux [7]. Il s’appuie sur l’étuded’un cas, celui d’un réseau d’appui à lacoordination (Escale Santé) et de l’intégrationde la solution Globule comme dispositifnumériquede travail collaboratif sécurisé.Pourconduire cette investigation, lesméthodologiesà visées ethnographiques ont été privilégiées,complétéespar l’administrationd’enquêtesparquestionnairesetentretiens.

3. RÉSULTATSLes résultats de cette recherche sont encore à l’étatexploratoire. Toutefois, plusieurs tendances semblentémergerdesdeuxaxesproposés.Aproposducare individuel, l’enquêteparquestionnaireproposée aux patients et aux aidants familiaux procheslaisse percevoir 2 types de spécifications du careindividuelentredeuxgroupestémoins: lesconnectésetles non-connectés. 1/ Une spécification liée à lapathologie: le taux de réponse patients/aidantsdiabétiquesestsupérieuràceuxd’oncogériatrie.2/Une

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spécification liée à l’usageou aunonusagedes TICparles patients/aidants proches. Les «connectés»projettentplusfacilementdesreprésentationssocialesetmentalesau«prendresoin»quelesnon-connectés.[8]Concernant la production du care organisationnel àtravers l’intervention d’Escale Santé, deux tendances sedessinentdespremièresanalysesdecontenudesbullesde communication partagées via Globule et desentretiens menés auprès de l’équipe. 1/ Une culturecommune «soignante» centrée sur la personne et desvaleursprofessionnellesaxéessur le«prendresoin»2/Uneforteadhésionauxpratiquesdecollaborationetdecoopérationquisedanslechoixdulogicielmétier.4. ANALYSECesdeux investigationsoffrent l’opportunitéd’unemiseen perspective info-communicationnelle du care selondesmodalitésderéceptionetdetransmissionvécueparla triade patient/aidant/soignant à travers lesreprésentations construites d’un «prendre soin» avecl’usage des TIC. De même, elles permettent de mieuxspécifier le travail invisible du soutien, de l’aide et del’accompagnementquitisseladémarchedecaredanslarelationdesoin.Acetitre,ilsemblequelatriadepartagel’idéequel’artefactnumériquepeutservirlafonctionde«prendre soin» dès lors que l’usage est investi d’une(ré)humanisation de la relation. Ceci se retrouveparticulièrement au niveau de l’étude d’Escale Santédont les pratiques info-communicationnelles avecGlobuleconsistentàmédier larelationdesoinentre lesprofessionnels surune situation.Quantauxperceptionsdes patients/aidants, l’enquête met en exergue unecertaine capacité des «connectés» à projeter dansl’usagedunumériquedesfonctionsassignéesausoutienetà l’aideen lignecommefacteursde«prendresoin».Pour les «non-connectés» en revanche, la vision du«prendresoin»encontextenumériqueestplusdiffuse,voireconfuseouabsence.5. DISCUSSIONCes premières tendances sont à confirmer par lamobilisation d’analyse de données supplémentaires. Eneffet, les résultats de l’enquête par questionnaires’appuient à ce jour sur l’unique observation despremiers tris à plat et mériteraient unapprofondissement par des tris croisés. De même, lesentretiens et l’analyse de contenus proposés pourcaractériser les modalités du care organisationnelproduit par le travail d’Escale Santémériteraient d’êtrecomplété d’une enquête par questionnaire en directiondes professionnels du soin à domicile associés. Celaaideraitpeutêtreàcomprendrecommentetquoil’usagede Globule participe à lamédiatisation et lamédiationdu travail du care organisationnel sous-tendu dans lamissiond’appuiàlacoordinationduRéseau.

6. CONCLUSIONLoin d’arriver aux limites de cette étude, celle-ci ouvredes nombreuses perspectives d’investigation parl’articulationdeschoixméthodologiquesd’unepartetlel’ouverture de nouvelles hypothèses de recherched’autre part, pouvant être pensées de manièreinterdisciplinaire.7. RÉFÉRENCES[1] Gagnon, É.,& Saillant, F. (2000). De la dépendance

et de l'accompagnement: soins à domicile et lienssociaux.PressesUniversitéLaval.

[2] Rapports «Prospective organisationnelle pour unusage performant des technologies nouvelles ensanté» (2013)et«Bienvivregrâceaunumérique»(2012). Sous la direction de R. Picard.https://www.economie.gouv.fr/cge/leconomie-circulaire-ou-competition-pour-ressources

[3] Charmarkeh, H. (2015). Les personnes âgées et lafracturenumériquede«seconddegré»: l’apport dela perspective critique en communication. Revuefrançaise des sciences de l’information et de lacommunication,(6).

[4] Bautzer,É.R.(2013).Lecarenégligé:Lesprofessionsdesantéfaceaumaladechronique.DeBoeck-Estem.

[5] Silverman, M. (2014). CHAGNON, Véronique, etcollab.(dirs.)(2013). Prendre soin: savoir, pratiques,nouvellesperspectives,Pressesdel’UniversitéLaval,421 p. Reflets: Revue d’intervention sociale etcommunautaire,20(2),273-276.

[6] Cosnier,J.,Grosjean,M.,&Lacoste,M.(1993).Soinset communication: approche interactionniste desrelationsdesoins.PressesUniversitairesLyon.

[7] Beaucourt, C., & Louart, P. (2011). Le besoin desanté organisationnelle dans les établissements desoins: l'impact du CARE collectif. Management &Avenir,(9),114-132.

[8] Akrich,M.,&Méadel,C.(2009).Leséchangesentrepatients sur l’Internet. La presse médicale, 38(10),1484-1490.

8. REMERCIEMENTSCetterechercheaétérenduepossibleparlacontributiondu CC deMimizan, de la Ville de Bergerac, du CHU deBordeauxetdel’InstitutBergonié.

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SESSIONUQAMMONTRÉAL|14H00À15H20

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Uneapprochelinguistiquepourladétectiondecommunautésd’expertise

DamienDeMeyereInstitutLangageetCommunicationUniversité[email protected]

FrançoisLambotteInstitutLangageetCommunicationUniversité[email protected]

CédrickFaironInstitutLangageetCommunicationUniversité[email protected]

Mots-clésExpertise, communautés, forums , santé , linguistique,traitementautomatiquedulangage1. INTRODUCTIONÀ l’heure actuelle, des impératifs économiques etadministratifs tendent à réduire le temps qui peut êtreconsacré individuellement à chaque patient. D’autrepart, l’informatisation croissante des établissements desoinsparticipeàunecertaineautonomisationdupatientqui peut consulter, partager, voire enrichir son dossiermédical informatisé. Parallèlement, les technologies duWeb collaboratif ont permis la création de sitesvalorisant les contributions de non-spécialistes. Laposition du monde médical vis-à-vis de ces nouveauxdéveloppements est ambiguë: si cette tendance va depair avec ledésird’autonomiser lepatient, forceestdeconstater que cedernier se heurte régulièrement à desdifficultés lorsqu’il s’agitderechercherdes informationsfiables,correspondantàsesattentes,etdelesmettreenpratique de façon adéquate [1,2]. C’est pourquoi denombreuxspécialistesremettentencauselafiabilitédesinformationspubliéessurcetypedeplateformes[2,3].Ne s’arrêtant pas aux inquiétudes des médecins, desplateformes commeDoctissimodrainent aujourd’hui unnombre important de visiteurs et de contributeurs qui,protégés par l’anonymat d’un pseudonyme, sont placéssurunpiedd’égalitéentermesdecrédibilité.Eneffet,levolume d’information est tel qu’il est impossible demodérer l’ensemble des discussions, et les systèmesexistantsexcluenttoutenotiond’expertise.Envisageant le forum de discussion comme un« document numérique dynamique, produitcollectivement de manière interactive » [4], nouspensonsquelessitestelsqueDoctissimoconstituentunlieu de discussion entre des contributeurs dont lesniveaux d’expertise varient ; chacun ayant une certainecompétence qui touche des domaines de santédifférents, mais complémentaires. Dans ce cadre, lesproductionstextuellesconstituentdestracesdel’activitécollective de construction de savoirs orientés patients.Postulant que la figure de l’expert profane se construitnotammentdansetparlediscours,nouspensonsqu’uneanalyselinguistiquenouspermettrademieuxpercevoirà

la fois les différentes formes d’expertise,mais aussi lesmécanismesd’appropriationdecelles-ci.2. POSITIONNEMENTDELARECHERCHEL’étudedel’expertisen’estpasnouvelle,maislestravauxantérieursreposentsoitsurlathéoriedesgraphes,oùlesinteractions des utilisateurs sont envisagées sous laformedeliensentreunouplusieursnœuds,soitsurdesanalyses manuelles d’un corpus restreint. Nousdépassons ce stade en conciliant l’analyse decommunautés et le traitement automatique du langage(TAL) afin de lier le contenu de l’interaction à unecertaineformed’expertise.Notrerecherchesedistingueégalement dans la mesure où les études existantes seconcentrentsurleséchangesenmilieuprofessionnel[5]ou les plateformes déjà spécialisées par définition,commelesforumsdeprogrammation[6].Cependant,lessites comme Doctissimo réunissent essentiellement desprofanes revendiquantun savoir propre à leur vécuparrapportauxquestionsdesanté.Notreétudenevisedoncpas à identifier les médecins, mais toute contribution,qu’elle soit le fruit d’un spécialiste ounon, qui pourraitêtreutileauxautresacteursdelacommunauté.3. MÉTHODENotre partenaire Doctissimo nous a fourni l’ensembledescontributionspubliquessursesforums« Santé »,soitplus de 22 millions de messages postés entre 2000 et2016 dans 87 thématiques de santé. Vu le volume dedonnées,ilétaitimportantd’yvoirplusclairetdemettreenexerguedifférentsprofilsd’utilisateursprésentssurlaplateforme. Pour ce faire, nous avons établi troispremièrescatégoriesdemesures.La première concerne les métriques liées à l’activité.Nous souhaitons ainsi voir comment le nombre demessagespostésoudesujets initiés, ladispersionentreles différents sous-forums et le volume d’activité enfonction du temps peuvent être des indicateurs d’unecertaineformed’expertise.Autraversdecepremiertypedemétriques,nouspouvonsdéterminersiunutilisateura plutôt tendance à initier de nouveaux sujets ou àcontribuer à des conversations existantes, si ce dernierposte de façon régulière dans un sous-forum enparticulierous’ila tendanceàsedisperserparmi les87thématiquesduforum« Santé ».

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La seconde constitue le premier volet des métriqueslinguistiques, qui permettent en quelque sorte de jugerdelacomplexitélinguistiquedesproductions.Autraversde celles-ci, nous souhaitons notamment vérifier si lenombre de mots contenus dans un message peut êtrerelié à une certaine forme d’expertise. Parallèlement,noussouhaitonsvérifierdansquellemesurelerecoursàune terminologie plus spécialisée permet de bâtir unecertaine forme d’expertise. À cette fin, nous avonsadapté une méthodologie d’extraction automatique determesmédicauxdéveloppéeparailleurs[7].La troisième catégorie concerne les métriques liées àl’interaction, qui regroupe pour l’heure les mentionsd’utilisateur et la reprise de contenu. Sur Doctissimo, ilest possible de mentionner un utilisateur et dedéclencherunenotificationchezcedernierenutilisantlemétacaractère@. Cependant, nous avons constaté quede nombreuses interpellations ne passaient pas par cemécanisme,cequirendunebonnepartiedecesactionsinvisiblesàtraversdesstatistiquesd’activitésclassiques.À nouveau, les techniques de TAL s’avèrent utiles pourextraire les mentions d’utilisateurs au sein même desmessages. Enfin, l’utilisateur peut faire le choix de faireréférence à un message posté ultérieurement lorsqu’ilposte sur la plateforme. Ces passages repris sontclairement identifiés dans les messages, et nous avonsextraitautomatiquementcespassages.4. RÉSULTATSETDISCUSSIONAppréhender les résultats de ces analyses demeure unenjeu de taille, c’est pourquoi nous avons fait le choixd’intégrer les résultats produits par ces différents typesd’analyses dans un tableau de bord qui convoque lesprincipes de visualisation de l’information. Cetteinterface permet de sélectionner un ensembled’utilisateursetd’encomparerlescomportementssurlaplateforme. Pour l’heure, nous pouvons déjà constaterunensembledepratiquesdiverses.Lescommunautésenlignesontsouventcaractériséesparunemêmestructuretypique: un noyau d’acteurs très actifs et une largepériphéried’utilisateurspeuactifs,voirepassifs[8].Cetteinégalité de participation se vérifie également surDoctissimo,puisqu’unensemblelimitéd’utilisateursestàl’origine d’une importante proportion des messages.Ensuite, nous constatons que les utilisateurs sedispersentassezrarementparmi lessous-forums,cequilaissepenserquecesdernierstendentàconcentrerleursinteractions dans des domaines bien spécifiques. Nousavons également constaté que certains utilisateurs ontunepratiqueparticulièreencequiconcernel’emploidescitations, qui est dans certains cas corrélé avec unelongueurmoyennedesmessagesplutôtbrève.Cependant,nousnedisposonspasencorede toutes lespièces nous permettant d’établir une typologie de

l’expertise sur Doctissimo. C’est pourquoi nousprévoyonsd’allerplusloindansl’analyseducontenu,ennouspenchantnotammentsur les formulesévaluatives,c’est-à-dire lesappréciations laisséespar les internautesau cours de la discussion. L’objectif final sera deproposer, au regard de la littérature existante[9], unetypologie des différentes formes d’expertise à l’œuvresur Doctissimo qui, selon nous, reposeront sur desmodalitésd’expressiondiverses.5. RÉFÉRENCES[1] Staii,A. (2012).Lafabriquesociale:autonomisation

et légitimationdans ledomainede l’informationdesanté. In Netcom. Réseaux, communication etterritoires,(26-1/2),pp.55-76.

[2] Romeyer, H. (2012). La santé en ligne. InCommunication,30(1),[Enligne]http://communication.revues.org/2915(téléchargéle07février2017).

[3] Nabarette H. (2002), L’internet médical et laconsommation d’information par les patients, InRéseaux,4(114),pp.249-286.

[4] Marcoccia M. (2001). L’animation d’un espacenumérique de discussion: l’exemple des forumsusenet.InDocumentnumérique,3(5),pp.11-26.

[5] Campbell, C. S., Maglio, P. P., Cozzi, A. et Dom, B.(2003). Expertise Identification Using EmailCommunications. In Proceedings of the TwelfthInternational Conference on Information andKnowledgeManagement,pp.528–531.

[6] Toral, S.L., Martinez-Torres, M.R. et Barrero, F.(2010). Analysis of virtual communities supportingOSS projects using social network analysis.Information and Software Technology, 52 (3), pp.296–303.

[7] DeMeyere, D., Klein, T., François, T., Fauquert, B.,Debongnie, J.-C., Radulescu, C.,… Fairon, C. (2015).Automatic annotation of medical reports usingSNOMED-CT: a flexible approach based on medicalknowledge databases. In Proceedings of the 7thLanguageTechnologyConference,pp.519-523.

[8] Füller, J.,Hutter,K.,Hautz, J., etMatzler,K. (2014).User roles and contributions in innovation-contestcommunities. Journal of Management InformationSystems,31(1),273–308.

[9] Akrich,M.etMéadel,C. (2009).Leséchangesentrepatients sur internet. La Presse médicale, Paris,MassonetCie,pp.1484-1493.

6. REMERCIEMENTSCette recherche est financée par le Fonds européen dedéveloppementrégional(FEDER).

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L’analysedesusagesdesdossiersinformatisésdespatientsUneméthodepourmieuxcomprendrelespratiquesdesprofessionnelsdesanté?

PénélopeCodelloHECMontréal

[email protected]

EwanOiryESG-UQAM

[email protected]

RoxanaOlogeanu-TaddeiMRM

UniversitédeMontpellierroxana.ologeanu-

[email protected]

DavidMorquinMRM

Université[email protected]

Mots-clésDossierinformatisédupatient,usages,pratiques1. INTRODUCTION«Si j’avais voulu être sténo, j’aurai fait d’autresétudes!» écrit une aide-soignante aux urgencespédiatriques lorsqu’on l’interroge sur ses usages dudossier informatisé des patients. Elle explique: «Ledossier informatisé m’énerve. Il me fait perdre montemps! Je perds tellement de temps dans mestransmissionsalorsquec’étaitsirapidequandj’écrivais!Maintenant, je dois me reconnecter en permanence, jedoismodifierlesplanningsquiontétémalfaits!Génial!Quelprogrès!»Cette recherche analyse comment les employés(médecins, infirmières, aide-soignantes, techniciens,secrétaires) réagissent au déploiement de dossiersinformatisés pour les patients dans leur hôpital. Cetarticle souligne qu’en répondant à des questions surleurs usages, ces professionnels ne parlent passeulementde leurperceptionde l’outilmaisqu’ilsnousinformentégalementsurleurspratiquesprofessionnelleset sur leur organisation du travail. Cet article proposeégalementdesperspectivesméthodologiquesparcequ’ilrecueille des données à travers les questions ouvertesd’un questionnaire, une méthode non-traditionnellepour analyser les pratiques. A partie de nos résultats,nous identifions les potentialités et les limites de cetteméthodologiepouranalyserdespratiques.2. MÉTHODELa plupart des recherches qui visent à analyser lespratiques professionnelles sont basées sur desobservations longues (plusieurs années souvent). Pourtenter de conserver une part de la richesse de ce typed’analyse tout en y ajoutant une évaluation de laprévalence de telles ou telles pratiques dans uneorganisationdonnée,nousavonsutiliséunquestionnairepouranalyserlespratiquesprofessionnelles.Nousavonsrecueilli 1292 réponses de médecins, aide-soignantes,infirmières,cadresdesanté,techniciens,secrétaires,etc.

Pour optimiser la capacité de cette méthode à nousrenseigner sur les pratiques professionnelles de cespersonnels, nous l’avons appuyée sur une précautionconceptuelleetsurdeuxprécautionsméthodologiques.

Sur le plan conceptuel, nous analysons toutes nosdonnéessuivantleprismedela«genèseinstrumentale»[1].ProfondémentancrédanslaperspectivedeVygostski[2] sur la pratique, ce cadred’analyse est explicitementdédiéàl’analysedesusagesdesoutils.Ilsoulignequ’ilnefautpas limiter l’analysedesusagesauseuloutilétudiécarceux-cisontliésauxusagesquiontétéfaitsdesoutilsqui existaient auparavant dans cet établissement, deceux qui existent dans d’autres établissements prochesdeceluiétudiéetdesoutilsquicontinuentd’êtreutilisésinformellement dans les services. Ce cadre conceptuelsouligne également que les usages d’un outilquestionnentettransformentlerapportdel’utilisateuràsa propre activité professionnelle (relation à l’activité),sonrapportàlui-même(relationréflexive)etsonrapportauxautres(relationinterpersonnelle).

Sur le plan méthodologique, nous avons pris troisprécautions complémentaires. Tout d’abord, nousinterrogeons le personnel dans un seul établissementafin de limiter les variations dans le contexteorganisationnel. Ensuite, nous interrogeons desutilisateurs pour lesquels le dossier informatisé dupatient vient d’être mis enœuvre. Dans ces premièresphases, lorsque les pratiques ne sont pas encoreinstitutionnalisées,lequestionnaireestmieuxcapabledesaisir les pratiques professionnelles. Enfin, nous avonsprivilégié l’utilisation de questions ouvertes afin defavoriser l’expression de la diversité des usages et despratiquesprofessionnelles.3. ANALYSENos résultats soulignent la pertinence du questionnaireet du cadre conceptuel de la genèse instrumentale (1)pour analyser les pratiques professionnelles. Toutd’abord, on constate que, bien que présentes, lescritiques sur les dimensions techniques de l’instrumentsontmoinscentralesquelesnombreusesdiscussionsquise développentsur la pertinence et les qualitéscomparées des différents outils (préexistants, existantsdans d’autres établissements proches et ceux quicontinuentd’êtreutilisésdanscertainsservices).Maissurtout,onperçoitcombienlesusagesdesdossiersinformatisés des patients révèlent les formes et lestransformationsdestroisrapportsidentifiésparcecadreconceptuel.

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Surleplandurapportàl’activité,lesusagesdesdossiersinformatisés des patients mettent en particulier enlumière la diversité des pratiques professionnelles dansles différents métiers. Par exemple, les sages-femmesapparaissent comme ayant un double rôle deprescriptionetderéalisationdessoinscequiconstitueàlafoisunedifficultépourlaconfigurationdel’outiletunetension dans leur pratique professionnelle dans cetteorganisation.Sur le plan du rapport à soi, les usages des dossiersinformatisés des patients mettent par exemple enévidence les tensionsdans les identitésprofessionnellesdes soignants. Un médecin déclare ainsi:«Nous avonstous le sentiment depasser plus de tempsdevant notreordinateurqu’avecnospatients.Quelparadoxepouruneorganisationdesanté!!!!C’esttrèsdésagréablepourdespersonnels attachés au soin ! ». Parlant de l’outil, ilélabore alors une réflexion sur sa place et son identitéprofessionnelledanscetteorganisation.Cette identité professionnelle étant très fortement enlien avec celle des autres groupes professionnels dansl’organisation, les propos sur les usages de cet outil,révèlentégalement lesformeset lestransformationsderapportauxautresdechacundecesprofessionnels.DISCUSSIONCette recherche souligne qu’un questionnaire est enmesure de fournir des résultats pertinents sur lespratiquesprofessionnellessil’analyseestréaliséeaveclecadre conceptuel de la genèse instrumentale (1) quiattribueuneplacecentraleàlafoisauxusagesdesoutilset aux pratiques. Les précautionsméthodologiques quenousavonsprises(analyserunseulétablissement,oùlesdossiersinformatisésdespatientsviennentd’êtremisenœuvre et utiliser des questions ouvertes) semblentégalement avoir jouéun rôledans lapertinencedenosrésultats.L’approfondissementdecesrésultatspermetd’identifiertroispistesderecherche.Tout d’abord, ces résultats questionnent sur lapertinence / nécessité d’un outil unique de suiviinformatisés des patients. Les besoins et logiquesprofessionnelles sont si différentes que si une certainetransmission des informations paraît nécessaire enrevanche, l’hétérogénéitédes informationsdontchaqueprofessionnel a besoin (médecin, infirmiers, aide-soignants, personnel de soutien technique, secrétaires)rend délicate l’identification d’un noyau d’informationquipourraitêtrecommun.Ensuite,l’ergonomieapparaîtcommeunedespremièrescritiques formuléepar lesutilisateursà l’égardde l’outilmaisl’analysemontrequ’ilfautyrépondretoutenayantconscience que les questions principales semblent en

réalité être autres (en particulier autour du rapport àl’activité,durapportàsoietdurapportauxautres).Enfin, cette recherche propose des perspectivesméthodologiques. Dans cet établissement, nous avonsmontré qu’un questionnaire pouvait nous permettre deréunirdesinformationssurlespratiquesprofessionnellesdu personnel. D’autres études dans d’autresétablissements avec éventuellement d’autres types dequestions,d’autrescadresconceptuelspouranalyser lesréponses et d’autres configurations organisationnellespermettraientd’approfondir laréflexionquenousavonsamorcéeici.4. RÉFÉRENCES[1] Rabardel,P.(1995).Leshommesetlestechnologies,

approche cognitive des instruments contemporains.Paris,ArmandColin.

[2] Vygotsky, L. (1978). Mind in Society, Cambridge(MA),HarvardUniversityPress.

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