Academie Francaise Face a La Feminisation

17
UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES Faculté de philosophie et lettres Langues et littératures françaises et romanes ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008 LA FÉMINISATION L’opposition de l’Académie française face à la féminisation des noms de métiers, fonctions et titres DECLERCQ Magalie HANTON Aurore Travail réalisé dans le cadre du cours : Grammaire descriptive II (Roma-B-304)

Transcript of Academie Francaise Face a La Feminisation

UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

Faculté de philosophie et lettres

Langues et littératures françaises et romanes

ANNÉE ACADÉMIQUE 2007-2008

LA FÉMINISATION

L’opposition de l’Académie française face à la féminisation

des noms de métiers, fonctions et titres

DECLERCQ Magalie

HANTON Aurore

Travail réalisé dans le cadre du cours :

Grammaire descriptive II

(Roma-B-304)

2

Introduction

Notre travail s’inscrit dans le cadre de la féminisation des noms de

professions, titres et fonctions. Il aborde la controverse provoquée par cette

féminisation des noms et plus particulièrement, il s’attarde sur le point de vue

adopté par l’Académie française face à ce « problème ». Pour mieux le

comprendre, nous avons restitué tout d’abord son contexte.

3

1. Le contexte : l’origine de la

polémique à propos de la féminisation

des noms

Le débat trouve son point de départ au Québec. En 1979, l’Office

québécois de la langue française exhortait à l’utilisation des formes féminines

dans tous les cas possibles. Un comité de travail était crée en 1982, chargé de

répertorier les termes auxquels ne correspondait pas de forme féminine reconnue

et ceux pour lesquels l’appariement masculin-féminin était problématique. Le 4

avril 1986, l’Office québecois de la langue française approuva le texte de ce

comité, Titres et fonctions au féminin : essai d’orientation de l’usage.

En France, des femmes appartenant au gouvernement ou évoluant dans les

milieux proches du pouvoir avaient soulevé une question en 1981. Elles

remarquaient l’absence de certaines formes féminines dans les échelons supérieurs

de la hiérarchie sociale où étaient utilisés des termes exclusivement masculins.

Elles percevaient cette lacune comme un signe d’oppression, un obstacle au

changement social et aussi une quasi exclusion des femmes de ces fonctions. La

question linguistique de la féminisation des titres et des fonctions fut donc

d’emblée posée comme un problème de société. En juillet 1983, une loi fut votée

sur « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ».

En 1984, suite à une première initiative du Gouvernement en faveur de la

féminisation du vocabulaire concernant les femmes, l’Académie française, fidèle à

sa mission, réagit et fit publier une déclaration dont ses auteurs Georges Dumézil

et Claude Lévi-Strauss nous rappellent le rôle des genres grammaticaux en

français.

Le 11 mars 1986, le premier ministre, Laurent Fabius, adresse une

circulaire présentant un ensemble de règles et d’exemples devant permettre « aux

4

sujets et aux institutions concernées de produire à leur tour les termes dont ils ou

elles ont besoin », reprenant ainsi les idées émises par l’Office québecois. Mais

cette circulaire ne fut jamais appliquée à cause d’un changement de majorité

politique.

Le 17 décembre 1997, le conseil des ministres décide de féminiser les

appellations des emplois administratifs à l’occasion de la nomination de plusieurs

femmes à des postes supérieurs de l’administration. Cette décision est très

controversée car deux clans s’opposent : celui du premier ministre, Lionel Jospin,

appuyé par le Président de la République, Jacques Chirac, qui approuve la

résolution du conseil des ministres ; et la clan des juristes du secrétariat général du

gouvernement défendant l’idée que cette décision mettrait en danger la pérennité

des textes en y faisant allusion au sexe de leur auteur. Cette prise de position du

conseil des ministres n’est pas s’en rappeler la circulaire de Laurent Fabius.

Le 8 mars 1998, Lionel Jospin fait paraître une circulaire reprenant les

conclusions d’une commission et dans laquelle il recommande d’utiliser des

termes dont le féminin est d’usage courant.

Le débat sur la féminisation provoqua de vives réactions en France surtout

chez les académiciens pour qui c’en est trop de ces décisions émanant « de ces

gens du pouvoir qui ne doutent de rien […] eux qui connaissent à peine 500

mots1 ». En effet, aucun texte ne donne le pouvoir au Gouvernement de modifier

de sa seule autorité le vocabulaire et la grammaire du français.

1 Paroles de J. Dutourd dans France Soir Magazine (23 juin 1984).

5

2. Les textes officiels

2.1 Circulaire du 11 mars 1986 relative à la

féminisation des noms de métier, fonction, grade ou

titre

Paris le 11 mars 1986,

Le Premier ministre, à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires

de l’Etat.

L’accession des femmes, de plus en plus nombreuses à des fonctions de

plus en plus diverses, est une réalité qui doit trouver sa traduction dans le

vocabulaire. Pour adapter la langue à cette évolution sociale, Mme Yvette

Roudy, ministre des droits de la femme, a mis en place, en 1984, une

commission de terminologie chargée de la féminisation des noms de métiers et

de fonctions, présidée par Mme Benoîte Groult.

Cette commission vient d’achever ses travaux et a remis ses conclusions.

Elle a dégagé un ensemble de règles permettant la féminisation de la plupart

des noms de métier, grade, fonction ou titre. Ces règles sont définies en annexe

à la présente circulaire.

Je vous demande de veiller à l’utilisation de ces termes :

- dans les décrets, arrêtés, circulaires, instructions et directives ministériels ;

- dans les correspondances et documents qui émanent des administrations,

services ou établissements publics de l’Etat.

- dans les textes des marchés et contrats auxquels l’Etat ou les établissements

publics de l’Etat font parties.

- dans les ouvrages d’enseignement, de formation ou de recherche utilisés dans

les établissements, institutions ou organismes de l’Etat, placés sous son

autorité, ou soumis à son contrôle, ou bénéficiant de son concours financier.

Pour ce qui concerne les différents secteurs d’activités économiques dont

vous avez la charge, il vous appartient de prendre les contacts nécessaires avec

les organisations socio-professionnelles concernées afin d’étudier les modalités

spécifiques de mise en œuvre de ces dispositions.

Laurent Fabius

6

Annexe

Règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre

Les féminins des noms de métier, fonction, grade ou titre sont formés par

l’application des règles suivantes :

1° L’emploi d’un déterminant féminin : une, la, cette.

2° a) Les noms terminés à l’écrit par un « e » muet ont un masculin et un

féminin identiques : un architecte, une comptable,…

Remarque : on notera que le suffixe féminin « esse » n’est plus employé en

français moderne (une poétesse).

b) Les noms masculins terminés à l’écrit par une voyelle autre que le « e »

muet ont un féminin en « e » : une chargée de mission, une déléguée.

c) Les noms masculins terminés à l’écrit par une consonne, à l’exception des

noms se terminant par « eur » ont :

- un féminin identique au masculin : une médecin.

- ou un féminin en « e » avec éventuellement l’ajout d’un accent sur la dernière

voyelle ou le doublement de la dernière consonne : une agente, une huissière,

une mécanicienne,…

d) Les noms masculins terminés en « teur » ont :

- si le « t » appartient au verbe de base, un féminin en « teuse » : une

acheteuse,… ;

- si le « t » n’appartient pas au verbe de base, un féminin en « trice » : une

animatrice,… ;

Remarque :

- L’usage actuel a tendance à donner un féminin en « trice », même à des noms

dans lesquels le « t » appartient au verbe de base : une éditrice,… ;

- dans certains cas, la forme en « trice » n’est pas aujourd’hui acceptée ; dans

ce cas, on emploiera un fémini identique au masculin : une auteur,… ;

e) Les autres noms masculins terminés en « eur » ont, si le verbe de base est

reconnaissable, un féminin en « euse » : une vendeuse, une danseuse,… ;

Remarque : Le suffixe féminin « esse » n’est plus employé en français

moderne : une demanderesse,…

Si le verbe de base n’est pas reconnaissable, que ce soit pour la forme ou le

sens, il est recommandé, faute de règle acceptée, d’utiliser un masculin et un

féminin identiques : une proviseur, une ingénieur, une professeur,…

Il convient de mentionner que deux procédés ont été retenus dans l’annexe

de la circulaire du 11 mars 1896 : l’article et l’affixe.

7

1) L’article :

le choix de l’article féminin pour indiquer le sexe est déjà pratiqué dans

l’usage : un / une analyste, maire, professeur, docteur, chef, syndic,

témoin, etc.

il concerne les lexèmes terminés par –e à l’écrit ainsi que ceux pour

« lesquels la dérivation s’avère complexe, pour des raisons graphiques,

historiques ou connotatives ».

mais aussi les termes terminés par –o, un / une dactylo, sténo, etc. ou par –

in qui ont été fort peu dérivés par les sujets, tels médecin ou marin.

tous les termes peuvent être féminisés, en français contemporain, sur ce

premier modèle. Il a le mérite d’aller dans le sens d’une stabilité des

formes, tendance relevée en synchronie.

un certain nombre de mots en –eur pourront donc également être féminisés

de la sorte (soit un / une censeur, proviseur, etc.)

2) l’affixe –e

son utilisation entraine parfois une modification du signifiant du lexème

masculin par l’adjonction d’un accent ou d’une consonne, comme dans le

cas des affixes –ière, -ienne, etc. ; d’où déléguée, apprentie, adjointe,

agente, avocate, huissière, greffière, inspectrice, etc.

pour les noms en –eur ou –teur, les lexèmes attribuables à des séries

verbales adoptent régulièrement l’affixe –euse ou –teuse (cf. coiffer,

coiffeuse), -trice est cependant en extension même dans de tels cas, et pas

uniquement pour les affixes –ateur, -iteur, etc. (cf. éditeur, éditrice)

pour les termes sans verbe de base, tels professeur, chauffeur, censeur,

proviseur, ingénieur, par exemple, ils ont proposé une féminisation selon

le premier procédé, malgré l’existence de chauffeuse (meuble) ou de

professeuse, dans certains usages.

8

2.2 Circulaire du 6 mars 1998 relative à la

féminisation des noms de métier, fonction, grade ou

titre

Paris le 6 mars 1998,

Le Premier Ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires

d’Etat.

Voilà plus de dix ans, le 11 mars 1986, mon prédécesseur, Laurent

Fabius, adressait aux membres du Gouvernement une circulaire prescrivant la

féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre dans les textes

réglementaires et dans tous les documents officiels émanant des administrations

et établissements publics de l’Etat.

Cette circulaire n’a jamais été abrogée, mais elle n’a guère été appliquée

jusqu’à ce que les femmes appartenant à l’actuel gouvernement décident de

revendiquer pour leur compte la féminisation du titre de ministre. Elles ont

ainsi engagé un mouvement qu’il faut poursuivre afin que la féminisation des

appellations professionnelles entre irrévocablement dans nos mœurs.

Pour accélérer l’évolution en cours, j’ai demandé à la commission

générale de terminologie et de néologie de mener une étude qui, à la lumière

des pratiques passées et des usages en vigueur dans d’autres pays

francophones, fera le point sur l’état de la question. La commission pourra

s’appuyer notamment sur les travaux accomplis en 1984 et 1985 par la

commission pour la féminisation des noms de métier et de fonction. Son étude

devra m’être remise dans le courant du second trimestre 1998.

En liaison avec ces travaux, l’Institut national de la langue française se

propose d’établir un guide pour les usagers. Ce guide qui recensera les termes

utilisés dans les pays francophones et contiendra des recommandations

concernant les formes féminines les mieux adaptées à nos usages, fera l’objet

d’une large diffusion.

Dès maintenant, et sans attendre le résultat des travaux de la commission

générale de terminologie et de néologie, il convient de recourir aux appellations

féminines pour les noms de métier, de fonction, grade ou titre dès lors qu’il

s’agit de termes dont le féminin est par ailleurs d’usage courant (par exemple,

la secrétaire, la directrice, la conseillère). Je vous invite à diffuser cette pratique

dans les services placés sous votre autorité et à l’appliquer dans les textes

soumis à votre signature.

Lionel Jospin

9

Nous avons pensé qu’il était judicieux d’introduire dans notre travail, les

textes officiels qui se prononcent en faveur de la féminisation des noms et ce,

pour mieux exposer les principes de l’Académie française, hostiles à cette

féminisation et les rendre plus clair.

10

3. Le rôle de l’Académie française

Pour mieux comprendre l’intervention de l’Académie française dans la

querelle concernant la féminisation des noms, il est préférable de redéfinir son

rôle par rapport à la langue française.

Fondée en 1634 par Richelieu, l’Académie Française a pour fonction

première, charge conférée dès l’origine de ses statuts, de fixer la langue, pour en

faire un patrimoine commun à tous les français et à tous ceux qui pratiquent notre

langue.

L’Académie est présente à tous les échelons du dispositif d'enrichissement

de la langue française, puisqu’elle est membre de droit de chaque commission

spécialisée et de la commission générale de terminologie et de néologie. Elle agit

pour maintenir les qualités de la langue française, son prestige et elle suit

également l'évolution de celle-ci. Et surtout, c'est l'Académie française qui définit

le bon usage.

L'Académie française joue, en outre, un rôle primordial dans l'examen et

l'approbation des termes publiés au «Journal officiel ». Elle examine chaque

nouveau terme avant de l'intégrer à la langue française (et donc à son dictionnaire)

et ceux dans le respect des règles fondamentales de la langue française.

Sa seconde mission est le mécénat, cette fonction ne fait pas partie des

objectifs au fondement de l'Académie française. Elle attribue des subventions à

des sociétés littéraires ou savantes, à des œuvres de bienfaisance, aux familles

nombreuses, aux veuves, aux personnes défavorisées,...et décerne également des

prix littéraires, une soixantaine environ par an.

11

4. La position de l’Académie française

face à la féminisation des noms

L’Académie française s’oppose farouchement à la féminisation des noms

de métier, fonction, grade ou titre, elle déplore les dommages qu’une telle mesure

inflige à la langue française et l’illusion selon laquelle une grammaire

« féminisée » renforcerait la place réelle des femmes dans la société.

L’Institution développe son argumentation autour de deux points

essentiels : l’argument linguistique et la notion d’usage.

L’argument linguistique trouve sa source dans la thèse qui figurait dans

une déclaration rédigée le 14 juin 1984 par Georges Dumézil et Claude Lévi-

Strauss. Dans cette thèse, les académiciens nous suggèrent tout d’abord qu’en

français, aucun rapport d’équivalence n’existe entre le genre grammatical et le

genre naturel. Ils craignent ainsi que la Commission de terminologie, créée à

l’initiative du Gouvernement, chargée d’étudier la féminisation des titres et des

fonctions procède à une ineptie sur la notion de genre grammatical et adopte des

propositions contraires à l’esprit de la langue.

Le français connait deux genres nommés masculin et féminin mais ces

dénominations héritées de l’ancienne grammaire sont inadéquates, nous devrions

plutôt distinguer ceux-ci en genres respectivement marqué et non-marqué.

Rappelons que le genre est une catégorie grammaticale qui sert à signaler,

par le phénomène de l’accord, des relations sémantico-syntaxiques ; elle assure la

cohésion syntaxique du groupe nominal et facilite la coréférence.

Le genre dit masculin est le genre non-marqué, que nous pouvons aussi

appeler extensif,ce qui signifie qu’il est capable de représenter à lui seul les

12

éléments relevant de l’un et l’autre genre, il désigne indifféremment des hommes

ou des femmes comme par exemple dans la phrase « tous les hommes sont

mortels ». Son usage signifie que, dans cet exemple, l’opposition des sexes n’est

pas perspicace et il peut y avoir confusion.

Par contre, le genre dit féminin estle genre marqué, ou intensif. Or, sa

marque est privative, elle affecte le terme d’une limitation. Le genre marqué,

appliqué aux êtres animés, établit entre les sexes une ségrégation, une distinction.

C’est pour cette raison que l’Académie évoque donc la valeur collective et

générique du genre masculin. Selon elle, il est absurde de répéter le même

substantif ou le même pronom au féminin puis au masculin pour désigner un

groupe de personnes composés d’hommes et de femmes : « les électrices et les

électeurs », « toutes celles et tous ceux » sont des tours qui ne disent rien de plus

que « les électeurs », « tous ceux ». Elle nous conseille également de s’abstenir

d’indiquer entre parenthèses ou après une barre oblique la marque du féminin,

considérée comme une marque excessive, elle n’apporte aucune information

supplémentaire et gêne considérablement la lecture. La féminisation peut alors

s’opposer à la règle générale en français de l’accord du pluriel au masculin. Il est

impossible d’écrire : « Le coussin et la couverture sont blanc(he)s ». Elle peut

ainsi produire un déséquilibre dans les structures mêmes de la langue et rendre

difficile la formulation des phrases les plus simples. Le masculin générique peut

donc englober des référents appartenant aux deux sexes lorsque le contexte

impose une interprétation généralisante.

Le respect de la notion de l’usage est important pour l’unité de la langue.

En effet, son non-respect peut aboutir à un résultat inverse à celui recherché.

L’application ou la libre interprétation des règles de féminisation édictées par

certains organismes français ou francophones, a facilité l’apparition de nombreux

néologismes empreints d’une valeur dépréciative ou appelés plus communément

barbarismes. La Documentation française, avec une préface du premier ministre, a

13

publié un catalogue de métiers, titres et fonctions systématiquement et

arbitrairement « féminisés » où nous retrouvons des termes tels que professeure,

ingénieure, auteure, docteure, proviseure, procureure, rapporteure,

réviseure,…des néologismes dont il faut absolument éviter d’utiliser. Certaines

formes sont d’autant plus absurdes que les féminins réguliers correspondants sont

attestés, comme par exemple chercheure à la place de chercheuse ou encore

instituteure à la place de institutrice. L’oreille autant que l’intelligence

grammaticale devraient prévenir contre des aberrations lexicales telles qu’agente,

cheffe, maîtresse de conférence, écrivaine, autrice,… Dumézil et Lévi-Strauss ne

manquent pas de souligner qu’ « En français, la marque du féminin ne sert

qu'accessoirement à rendre la distinction entre mâle et femelle. La distribution des

substantifs en deux genres institue, dans la totalité du lexique, un principe de

classification, permettant éventuellement de distinguer des homonymes, de

souligner des orthographes différentes, de classer des suffixes, d'indiquer des

grandeurs relatives, des rapports de dérivation, et favorisant, par le jeu de l'accord

des adjectifs, la variété des constructions nominales. Tous ces emplois du genre

grammatical constituent un réseau complexe où la désignation contrastée des

sexes ne joue qu'un rôle mineur. Des changements, faits de propos délibéré dans

un secteur, peuvent avoir sur les autres des répercussions insoupçonnées. » Ils

défendent l’idée qu’il serait plus raisonnable de laisser le soin à l’usage de

modifier. Assurément, l’Académie, se fondant sur l’usage, n’a aucune raison de

refuser des mots utiles et bien formés. Mais, conformément à sa charge, défendant

l’esprit de la langue et les règles qui président à l’enrichissement du vocabulaire,

elle rejette un esprit de système qui tend à imposer des formes barbares ou

ridicules.

Enfin, selon l’Académie française, seul le genre dit masculin, le genre

donc non-marqué peut traduire la nature indifférenciée des titres, grades, dignités

et fonctions. Les mots chevalière, officière, députée, sénatrice, etc.., ne doivent

donc pas être employés.

14

Des documents attestent de la position des académiciens comme par

exemple la Déclaration faite par l’Académie française en séance le 14 juin 1984

sur laquelle nous nous sommes attardés longuement dans ce même point plus haut

et sur laquelle nous ne reviendrons plus. Nous possédons également d’autres

témoignages d’académiciens contre la féminisation : Le sexe des mots,écrit par

Jean François Revel, une lettre rédigée par Maurice Druon intitulée Bon français

et féminisation et l’article L’Académie française veut laisser les ministres au

masculin dans le Figaro du 9 janvier 1998, signé par Maurice Druon, Héléne

Carrère d'Encausse et Hector Bianciotti. Nous avons voulu tenter une approche

critique sur ces trois textes.

Tout d'abord, il nous est apparu nécessaire de regrouper et de traiter ces

textes conjointement, ils reprennent l'argument de l'Académie française du

masculin générique. Deux de ces textes ont un autre point commun, ils examinent

la pratique mise en œuvre par les femmes ministres, qui consista à se faire

nommer « Madame la Ministre ».

Dans sa lettre, Mr Druon, sur un ton emphatique et quelque peu ironique,

comme le montre les termes « elles gémissent ou glapissent » et « ah! La belle

nouveauté », aborde de manière légère et un peu méprisante le souhait des

femmes ministres de féminiser les noms de métiers. Il ponctue beaucoup de ses

dires par des commentaires sagaces.

Ainsi, pour lui, les dames ministres se plaignent toujours: quand il ne s'agit

pas d’exprimer leur mécontentement sur la parité homme-femme, il s'agit pour

elles d'afficher leurs différences.

Cependant, outre ses propos piquants, Mr Druon reprend la thèse de

l'Académie française à propos de la généricité du masculin comme la

représentation de cette forme neutre qui n'existe pas en français. Il emploie, pour

étayer cette thèse, toute une série d'exemples, dont nous ne relèverons qu'un seul

15

pour montrer le ton de cette lettre et l'idée prépondérante de l'Académie française

au sujet de la féminisation: « Celle-ci affecte aux termes génériques, aux espèces

vivantes notamment, le masculin ou le féminin sans grande logique,

reconnaissons-le. Mais encore une fois tel est l'usage, un usage immémorial.

Souris, grenouille, cigogne, sont du féminin. Une cigogne mâle reste une cigogne.

Et l'on ne voit pas que La Fontaine eût écrit dans une fable Monsieur le souris. »

Ce sujet sur le masculin générique est repris dans l'article du FIGARO

dont les académiciens ajoutent (Mr Druon participant également à cet article) que

« Ce faisant, les intéressés, non seulement, commettent, à leur insu, un contresens

grammatical, mais de surcroît elles vont à l'encontre de la cause qu'elles croient

défendre. » ceci au sujet des dames ministres.

Pour ces deux textes, il n'est pas sans risque de vouloir modifier

arbitrairement les règles et les usages. Le respect de ceux-ci importe à la structure

de la langue et ceci importe également aux pays francophones qui ont cette langue

en partage. Cette idée commune illustre biens les ambitions de l'Académie

française dès sa création et sa position sur la féminisation illustrée précédemment.

Enfin, le texte « Le sexe des mots » de Mr Revel reprend le concept du

masculin générique, lui aussi, en développant l'idée d'une culpabilité politique, et

c'est cette culpabilité qui a amené la crise actuelle. Afin de ne pas s'appesantir sur

leurs propres fautes, les politiciens préfèrent s'arroger le droit de dénaturer la

langue française.

16

Conclusion

Nous pouvons donc conclure que l’Académie française n’accepte pas,

comme nous l’avons vu, cette féminisation des noms de métiers, fonctions et

titres. Elle recommande le maintien des formulations liées à des rapports anciens

entre les hommes et les femmes au nom de la grammaire et du bon usage. Il est

donc important de préserver les dénominations collectives et neutres donc le genre

non marqué. L’Institution prend tout de même en compte l’évolution de la société

puisqu’elle fait un geste en faveur de la féminisation lorsqu’elle demande de ne

pas imposer par décret les Recommandations du Conseil supérieur de la langue

française, publiées en 1990. Mais elle donne son accord et les recueille dans son

Dictionnaire ! Elle souhaite tout de même que ces Recommandations soient

soumises à l’épreuve du temps. Nous voyons donc que l’Académie a délivré

l’usage en le laissant rivaliser avec des formes différentes jusqu’à ce que le

meilleur terme l’emporte. Elle veut rester fidèle à cette politique de lutte contre

toute dégradation envers notre langue. L’Académie véhicule une image de

protecteur, de défenseur sans être néanmoins un despote.

17

Bibliographie

Anonyme, Le féminin des noms de métiers,

grammaire.reverso.net/6_3_01_la_feminisation_des_noms_de_metier.sh

tml, 16 décembre 2007.

BENTZ Luc, Féminisation : les trois aspects du problème, décembre 2001,

www.langue-fr.net/d/feminisation/3aspects.htm, 16 décembre 2007.

DRUON Maurice, Bon français et féminisation,

webdroit.unige.ch/bibliographie/druon_feminisation.htm, 16 décembre

2007.

DRUON Maurice, Carrière D’Encausse Hélène et Bianciotti Hector, « L’Académie

française veut laisser les ministres au masculin », Le Figaro, n°16611, 9

janvier 1998, p. 25.

DUMÉZIL Georges et LÉVI-STRAUSS Claude, Déclaration faite par l’Académie

française en séance du 14 juin 1984, www.academie-

francaise.fr/langue/questions.html, 16 décembre 2007.

REVEL Jean François, « Le sexe des mots », La gazette de la presse francophone,

n°85, juin 1998.

Service du dictionnaire de l’Académie française, Note du service du dictionnaire

de l’Académie française, décembre 2001, www.langue-

fr.net/d/feminisation/secretariat-academie.htm, 16 décembre 2007.

www.academie-française.fr/, 16 décembre 2007.

www.ciep.fr/chroniq/femi/femi.htm, 16 décembre 2007.