A TRAVERS CES PORTRAITS DE PERSONNAGERS … · personnage qui a perdu sa dignité et sa grandeur...
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A TRAVERS CES PORTRAITS DE PERSONNAGERS PRINCIPAUX ET DES DECORS QUI LES ENTOURENT, MONTREZ LES
DIFFERENCES ENTRE LE TRAGIQUE DANS L’ANTIQUITE, A LA PERIODE CLASSICISME, A LA PERIODE ROMANTIQUE, A
L’ERE MODERNE.
Reconstitutution cinématographique des Perses d’ESCHYLE (Ve siècle av. JC) par Jean Prat en 1961
LA MAJESTE DU HEROS TRAGIQUE QUI SE DRESSE DIGNEMENT FACE AU DESTIN (verticalité, taille : talons rehaussés – chaussures appelées cothurnes + tête rehaussée par le masque et les cheveux factices permettent de grandir physiquement le personnage, symbole de l’admiration qu’il suscite par son courage et la souffrance qu’il endure) Illustre le théâtre ANTIQUE (terreur et pitié, formule reprise par le théâtre classique plus tard – mais majesté conservée dans l’Antiquité)
Sarah BERNHARDT dans Phèdre (17e s) représentée en 1893
LA VICTIME DU DESTIN TRANSCENDANT, PATHETIQUE illustre le théâtre CLASSIQUE (17e s) ; le regard porté vers le
haut rappelle la transcendance du destin ; la figure innocente de l’actrice et son regard résigné, déclenchent la pitié ;
on devine l’impasse tragique
Phèdre (17e s) , mise en scène de Bernard de COSTER 2010 LA NOBLESSE (costume) DU PERSONNAGE TRAGIQUE
illustre le personnage tragique traditionnel de l’Antiquité au XIX e s ; le doré du costume traduit à la fois
l’appartenance sociale du personnage et sa filiation (petite-fille du Soleil) ; les couleurs plus sombres annoncent le
tragique
LA MYTHOLOGIE
GRECQUE (ici) OU LES LEGENDES ROMAINES illustrent le théâtre CLASSIQUE du 17e s (inspiré de l’Antiquité) ; ici la
mise en scène respecte la bienséance du 17e s (costumes pudiques) ; personnages debout et droits devant le destin,
comme dans l’Antiquité ; blancheur du costume de Phèdre qui rappelle la victime innocente ; son mari à gauche
(Thésée) qui déclenchera la tragédie finale porte du noir. Décors sobres et grecs (colonnes, palais), comme le veut la
tragédie classique du 17e s (tout se passe dans le même lieu)
Phèdre (17e s) Mise en scène de Coster, XX e s
Phèdre par Alexandre Cabanel 19e s ATTENTION : PEINTURE !!
Ici une mise en scène orientalisante et sensuelle (qui transgresse les règles de bienséance du théâtre classique). Les
attitudes un peu artificielles (hyperboliques) insistent sur le pathétique. Les décors sont plus égyptiens que grecs.
Alexandre Cabanel, né le 28 septembre 1823 à Montpellier et mort le 23 janvier 1889 à Paris, est un artiste peintre
français, considéré comme l'un des grands peintres académiques1,2, du Second Empire, dont il est l'un des artistes les
plus admirés3.
Illustration d’Hernani (19e s) rappelant les mises en scène de l’époque du romantisme et les caractéristiques du
drame romantique : décor et costumes historiques (Espagne du 16e s), mais toujours personnages nobles, attitudes
dignes, malgré le pathétique ; on devine la fin de la bienséance propre au 17e s (rapprochement physique des
personnages ; l’épée est saisie par Hernani, on est sur le point de voir de la violence sur scène)
Gérard Philippe dans le rôle de Lorenzaccio de Musset (similaire à Hernani) ; portrait de personnage romantique
pour l’opéra Norma ou L’infanticide d’Alexandre Soumet 1831
Majesté, grandeur, dignité se lisent sur les visages : le héros tragique est proche du héros épique jusqu’à la fin du
XIXe s, il se bat seul face au destin, même s’il devine très vite qu’il est perdu d’avance. La noblesse de son âme est en
accord avec la noblesse (classe sociale, cf costumes).
Photos de Gérard Philippe qui a incarné de nombreux héros romantiques Noter la fin de la bienséance
Le Roi se meurt (20e s)au Théâtre Mistral d’Avignon 2013
On remarque d’emblée que l’on rompt avec la tradition tragique : fin du héros au sens premier du terme, on voit un
personnage qui a perdu sa dignité et sa grandeur traditionnelles (aussi bien au niveau social qu’au niveau de son
comportement). Son attitude, ses mimiques, son costume bariolé voire enfantin (chaussettes, « bavette »), son
trône agrémenté d’un coussin dévalorisent le héros tragique. Même si nous avons encore un roi, c’est un roi qui
nous ressemble, Monsieur Tout le Monde, il incarne dont l’être humain, et le tragique devient celui de l’Homme, sa
condition.
Théâtre Scarron 2013, Le roi se meurt
Dans une « salle du trône » aux allures de bunker bétonné, Bérenger 1er
, roi immature et capricieux,
apprend que la maladie ne lui laisse plus qu'une heure trente à vivre. La durée même de la pièce.
Entouré de sa garde rapprochée, le roi passe du refus à la peur, puis à la panique, avant de cheminer
vers l'acceptation et la résignation (les 4 étapes psychologiques du deuil).
Le « bunker » rappelle les angoisses de mort durant les guerres mondiales, la nudité et l’horreur du
destin / de la mort également. Les décors et costumes sont anachroniques (modernes pour la plupart :
indique l’universalité du message, valable à toutes les époques). Juliette et le Garde à droite, Marie en
beige/blanc, Marguerite qui a emprunté la chaise roulante du roi (nouvelle sorte de trône !), le Médecin
à gauche, et le Roi au premier plan, au milieu, qui s’est écroulé. La dévalorisation du personnage est
propre au XX e s : cela se manifeste par leur position sur scène : non plus debout face au destin, mais
ils passent leur temps à se traîner parterre, sans courage et sans dignité. Vision pessimiste d’une
humanité vouée à la mort (et qui la précipite par des actes insensés, comme les guerres).
En attendant Godot (20e s)TNS STRASBOURG 2015
Là encore la verticalité du personnage n’est plus de mise : beaucoup de moments où ils sont assis à terre. Le
personnage est non seulement dévalorisé (au lieu de nobles, des SDF à l’allure débraillée), mais il perd également
toute sa personnalité individuelle (habillés comme des clones, échangeront leurs chapeaux…). Un décor minimaliste
qui ressemble à un nomand’s land : une route perdue. Vision pessimiste de l’humanité qui se sent perdue après les
deux guerres mondiales, et qui cherche un sens à la vie devenue absurde après toutes les horreurs vécues.
En attendant Godot : joué comme si c’était
Laurel et Hardy chez Beckett
On retrouve l’absence de personnalité individuelle (juste un couple « comique » : mélange des registres tragique et comique dans le théâtre moderne). Décor minimaliste qui permet le théâtre dans le théâtre (réflexion sur l’arbre peu reconnaissable). Scène circulaire qui fait penser à la planète Terre (vu qu’il s’agit de la condition des terriens). Costumes qui font penser à des cadres du XX e s, débraillés de près. Personnages banals, qui se fondraient dans la masse, qui sont toujours dans l’échec (même pour leur suicide). juin 2015
Jean-Pierre Vincent a présenté sa dernière mise en scène à Théâtre en mai, à Dijon. Le festival a mis en
vedette la vitalité des jeunes compagnies et les talents de demain.
BILAN : la mise en scène met en relief l’évolution du personnage tragique et de sa représentation : noble,
fier et courageux au départ (jusqu’à la fin du XIXe s), il devient un Monsieur Tout le Monde, issu du peuple,
sans personnalité, sans courage, battu d’avance au XX e s.
On passe de la mythologie à l’Histoire (drame romantique), puis à l’absence totale de repères spatio-
temporels (anachronismes, vide minimaliste de la scène…). Le tragique devient universel.
Le destin glisse de la divinité à la société (drame romantique) et à la condition humaine (XX e s)
L’enjeu didactique (modèles et anti-modèles) s’effondre avec le personnage au XX e s : le personnage
devient le reflet du mal-être d’un XX e s qui ne croit plus en rien, après les horreurs des guerres mondiales.