A mes fils, Nicolas et Emmanuel,

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A mes fils, Nicolas et Emmanuel, A l’homme de ma vie, François, A mes parents, Georges et Hélène,

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« L’imagination est plus importante que la connaissance. »

Albert EINSTEIN

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Prologue

Après la terrible guerre de 1870, une fois la paix retrouvée, la France revit et les Français découvrent une ère nouvelle, celle de la modernisation.

D’abord le chemin de fer, bientôt l’automobile, ensuite les progrès de la science et de la médecine apportent l’espoir d’une vie meilleure.

La nouvelle génération, ainsi que les générations futures, ignorent qu’une autre guerre surviendra, bien plus terrible que les précédentes.

Mais l’amour qui lie deux êtres n’est-il pas plus fort que tout ?

* * *

Surplombant la vallée de la Canche d’une hauteur de cinquante mètres, la ville de Montreuil sur Mer porte le nom originel de « Monasteriolum », évoquant son héritage religieux. Bien que loin des terres, elle est appelée « sur Mer » car elle fut autrefois un port de mer.

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Suite à l’ensablement de la Canche, elle a perdu sa situation privilégiée. Mais elle est sortie de sa situation d’enclavement au 19ème siècle, grâce à l’inauguration en 1878 de la ligne de chemin de fer Arras-Etaples et la construction de deux gares.

Elle est surnommée « la Carcassonne du Nord » en raison de sa citadelle, établie sur les bases d’un ancien château royal, et de ses trois kilomètres de remparts.

C’est dans cette ville fortifiée, autrefois entourée de nombreux moulins, que se situe l’histoire des « moulins de Montreuil ».

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Chapitre 1

Décembre 1890, dans le manoir des Saint Charles, près de Montreuil sur Mer, dans le Pas de Calais :

– Madame la Comtesse ! Monsieur le Comte ! Après avoir monté rapidement les marches du

grand escalier menant au salon, la pauvre Lucienne est toute essoufflée d’avoir crié. Elle trébuche presque en marchant sur le bas de sa longue robe, froissant la dentelle de son tablier dans ses mains crispées.

– Madame, Monsieur ! Un grand malheur est arrivé ! dit-elle enfin dans un grand soupir.

A peine a-t-elle franchi le pas de la porte qu’une petite fille de 5 ans se jette contre elle en criant, et vient se blottir dans les plis de sa robe ; elle est poursuivie par un garçon de 10 ans, aussi brun qu’elle est blonde, qui cherche à la frapper.

– Allons, voyons, Monsieur Antonin ! s’exclame Lucienne en retenant son bras.

– Elle a déchiré mon livre de poésies ! proteste le garçon, très fâché.

– C’est pas vrai ! crie la fillette.

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– Antonin ! Cela suffit ! Laissez votre sœur tranquille ! ordonne une voix venant du salon.

Le ton impérieux de la voix calme aussitôt l’ardeur du garçon, car il a vu son père, le Comte, se lever brusquement du fauteuil où il était assis, près de celui de sa mère.

Celle-ci reste silencieuse, mais elle a levé la tête pour le regarder, délaissant sa broderie.

Lucienne saisit chaque enfant par la main, afin de mieux les séparer.

– Qu’y a-t-il, ma brave Lucienne ? demande la Comtesse d’une voix faible.

Bien qu’encore très jeune – elle vient d’avoir 30 ans – la Comtesse Sophie de Saint Charles, une femme blonde très menue, aux yeux d’un bleu turquoise tirant sur le gris, apparaît toujours lasse et d’une grande lenteur dans ses gestes.

Son teint très pâle témoigne d’un état maladif qui ne la quitte jamais.

Par contre, son époux, bien que visiblement plus âgé – il a passé 55 ans – un homme de grande taille, le crâne déjà à demi-dégarni mais les cheveux encore bien noirs, a le regard vif, l’éloquence facile, et son allure témoigne de la prestance due à son rang.

– Bertille vient de nous quitter, répond Lucienne en faisant un signe de croix.

– Elle est partie où ? demande la fillette. La petite Eléonore a profité de l’instant où

Lucienne a lâché sa main pour venir se réfugier dans les bras de sa mère, qui lui caresse tendrement les cheveux.

Le Comte Edouard de Saint Charles a baissé la tête, l’air attristé.

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Bertille était la vieille gouvernante, qui l’a élevé depuis sa plus tendre enfance. Elle l’a vu naître et grandir, ainsi que ses enfants après lui.

– Le prêtre est-il encore là ? – Oui, Monsieur le Comte. – Demandez-lui de dire une messe pour elle. Et

prévenez les autres domestiques. – Bien, Monsieur le Comte. S’adressant au jeune garçon, Lucienne lâche sa

main et ajoute : – Soyez sage, Monsieur Antonin. – Elle est morte ? demande le garçon à son père. Le Comte s’est assis de nouveau près de sa femme,

qui pose doucement sa main sur la sienne. – Oui, soupire-t-il. – Elle est partie au ciel, dit la Comtesse. Prions

pour elle, mes enfants… Antonin s’est calmé, mais il fait la moue : – Je ne veux pas qu’elle aille au ciel ! dit-il. Je

veux qu’elle reste avec nous ! – Taisez-vous ! ordonne son père. Souhaitez-vous

donc l’enfer à cette pauvre femme ? Sur ces mots, le garçon tourne les talons et rejoint

Lucienne qui vient de quitter la pièce : – Ah, comme cet enfant est buté ! Il faudra trouver

une gouvernante qui lui apprenne à tenir son rang et à ne pas dire de telles sottises ! s’exclame le Comte, excédé.

– Je vous aiderai à en trouver une, mon ami. Même si pour cela il faut aller jusqu’en Angleterre.

– C’est loin, l’Angleterre ? demande la fillette.

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Dans l’escalier, Antonin descend les marches quatre à quatre en poussant des cris.

« Mon Dieu, se dit Lucienne, cet enfant n’a pas de cœur. »

Elle n’a pas vu qu’une fois arrivé en bas, le garçon s’est frotté les yeux avec sa manche d’un geste vif, pour essuyer les larmes qui ont coulé sur ses joues.

* * *

Quelques semaines plus tard :

Une vieille carriole, traînée par deux gros chevaux de labour, s’approche dans l’allée enneigée menant au somptueux manoir du comte Saint Charles. Un paysan âgé tient les rênes.

Derrière lui, deux femmes emmitouflées dans de grands châles, et deux malles contenant le peu qu’elles possèdent. L’une a une quarantaine d’années ; sous son manteau, elle porte une robe toute simple et bien ample, dissimulant ses rondeurs. Son bonnet est posé sur des cheveux châtain clair tirant sur le roux, légèrement grisonnants.

L’autre paraît à peine ses 15 ans tant elle est petite et menue. Mais ses yeux d’un vert émeraude pétillent de malice et de curiosité. De son bonnet s’échappent des mèches folles d’un roux flamboyant.

Quand la carriole a longé la Canche, la jeune fille a levé les yeux pour admirer les arbres élancés et les hauts moulins bordant la rivière aux abords de Montreuil.

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Devant l’entrée du manoir, la carriole s’arrête. Le paysan aide les deux femmes à descendre et

soulève leurs malles, qu’il vient déposer près de la porte, en haut du grand escalier. Il tire la sonnette d’entrée. Peu après, prévenue par un domestique qui vient ouvrir la porte, Lucienne vient accueillir les deux femmes.

– Bonjour, Madame, dit la plus âgée avec un fort accent irlandais. Je suis Catherine Connelly, la nouvelle gouvernante.

Désignant la jeune fille près d’elle, elle ajoute : – Et je vous présente ma fille, Sterenn. Lucienne fronce les sourcils, d’abord parce qu’elle

a mal compris le prénom (Irène ? Sorène ?), ensuite parce qu’elle ignorait que la remplaçante de Bertille viendrait avec sa fille, cette gamine qui la regarde d’un air effronté.

– Bonjour, Madame Connelly, dit-elle enfin. Je suis Lucienne Vermeullen, au service de Monsieur le Comte. Mais entrez donc, je vous en prie. Je vais prévenir Monsieur le Comte, et faire porter les malles dans vos chambres.

Catherine Connelly entre, suivie de sa fille, qui tourne sur elle-même afin d’admirer le magnifique décor intérieur du manoir : tentures et tapis richement colorés, tableaux majestueux, vases et statues.

La jeune fille n’a jamais rien vu d’aussi beau. Peu après, un valet emporte leurs malles, puis un

domestique vient les appeler pour les conduire dans le salon, où se tiennent le Comte et sa femme, assis sur une bergère, entourés de leurs deux enfants.

La petite Eléonore est assise sagement près de sa mère, qui lui tient la main.

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Antonin, lui, est debout près de son père ; il est droit comme un i afin de paraître plus grand.

D’emblée, il a posé un regard inquisiteur sur les deux femmes, en particulier sur la plus jeune, dont la chevelure rousse l’intrigue.

La jeune fille le regarde elle aussi, avec un sourire qu’il juge presque insolent, puis elle salue tour à tour la Comtesse, son mari, les enfants, ainsi que sa mère le lui a appris.

Après les présentations d’usage, le Comte demande à la nouvelle gouvernante :

– Ainsi, vous êtes irlandaise de naissance, et votre fille également ?

– C’est bien ça, Monsieur le Comte, répond poliment Madame Connelly, qui s’empresse d’ajouter : mais ma mère était française, et j’ai vécu longtemps en France.

– Je vois. C’est pourquoi vous parlez si bien le français. Voyez-vous, ma chère Sophie, dit-il en s’adressant à sa femme, je pense que cela sera sûrement utile à nos enfants de connaître une autre langue que leur langue maternelle. Avec tous les progrès réalisés dans les transports, les pays étrangers nous sembleront bientôt moins loin.

– Je suis bien d’accord avec vous, mon ami. – Père, demande soudain Antonin, pouvez-vous

me dire si beaucoup de jeunes filles ont les cheveux de cette couleur en Irlande ?

– Eh bien, je l’ignore. – J’ai entendu dire que ces femmes sont des

sorcières, affirme le garçon avec un sourire arrogant. Le Comte cesse de sourire et se lève pour le

réprimander aussitôt :

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– Antonin ! Je vous ordonne de présenter vos excuses immédiatement à la fille de votre gouvernante !

Dès que le garçon a prononcé le mot « sorcière », Sterenn l’a foudroyé du regard, mais il continue à la fixer avec insolence.

– C’est quoi, une sorcière ? demande Eléonore. – Une méchante femme qui aime faire peur aux

enfants, répond Antonin. La fillette, effrayée, vient se cacher dans les bras

de sa mère. – Antonin ! gronde le Comte. Cette fois, j’exige

des excuses ! – Je vous en prie, ne vous fâchez pas, Monsieur le

Comte, intervient Sterenn. Ce n’est qu’un enfant, et les enfants ne connaissent pas toujours le sens des mots. Mais croyez-moi, si j’étais vraiment une sorcière, j’aurais pu déjà le transformer en crapaud, par exemple !

Les domestiques présents ne peuvent s’empêcher d’étouffer des rires amusés.

Même la Comtesse émet un faible gloussement. Après un bref silence, Sterenn ajoute, malicieuse : – Mais ce serait vraiment regrettable pour un si joli

garçon ! – Madame Connelly, votre fille a un sens de

l’humour très particulier, déclare le Comte en souriant. Mais ce jeune insolent ne perd rien pour attendre. Allons, demandez pardon à cette demoiselle. Tout de suite, dit-il en foudroyant son fils du regard.

Serrant les poings de rage, le gamin s’avance d’un pas rapide ; baissant les yeux, il soulève les doigts de

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la jeune fille, qu’il porte à ses lèvres, comme pour un baisemain courtois.

Il a vu son père agir ainsi plus d’une fois. – Je vous prie de m’excuser, dit-il. Mais au lieu d’effleurer d’un baiser la main de

Sterenn, il lui pince méchamment un doigt. Surprise, la jeune fille pousse un petit cri étouffé et

retire sa main vivement. – Merci, monsieur. J’accepte vos excuses. Faisant mine de passer la main dans ses cheveux

d’un geste affectueux, elle tire une mèche de boucles brunes, puis remet prestement les mains dans son dos.

Vexé, le garçon recule, n’osant rien dire. Tous deux se dévisagent un instant dans un duel

silencieux. – Eh bien, l’incident est clos, déclare le Comte.

J’ai demandé qu’on prépare vos chambres, dit-il aux deux femmes. J’espère qu’elles vous conviendront. Vous commencerez demain. Pour les horaires et les gages, Lucienne vous informera.

Les deux femmes s’inclinent pour le saluer, puis saluent tour à tour la Comtesse et les enfants.

Cette fois, Sterenn évite le regard hautain du jeune garçon.

Lorsqu’ils se retrouvent seuls, le Comte et sa femme échangent leurs premières impressions.

– Mon ami, je pense qu’Antonin aura bien du fil à retordre avec cette jeune personne, car elle semble ne pas avoir sa langue dans sa poche.

– En effet, ma chère. Notre fils est un peu comme un cheval sauvage qu’il faut dompter. Mais je crois

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qu’il a trouvé sa cavalière, ajoute le Comte en adressant un regard entendu à Antonin.

Humilié, le garçon s’exclame : – Pourquoi avez-vous donné raison à une

domestique contre moi ? C’est moi qui serai bientôt le maître ici !

– Mais vous ne l’êtes pas encore ! réplique le Comte. Une insulte doit être réparée, même envers un domestique, surtout si elle est sans fondement. Avant d’être le maître, vous avez encore beaucoup de choses à apprendre. J’ai dit que l’incident est clos. Avez-vous bien compris ?

– Oui, père. Sur ces mots, contenant difficilement sa colère,

Antonin quitte la pièce.

* * *

Dès le lendemain, la gouvernante et sa fille se mettent au travail :

Madame Connelly sait pertinemment que le Comte a accepté qu’elle vienne avec sa fille à condition que celle-ci soit la dame de compagnie de la Comtesse.

Etant souvent souffrante, Sophie de Saint Charles souhaitait qu’une jeune fille vive et en bonne santé s’occupe d’elle, tandis qu’une femme plus âgée serait chargée de l’éducation des enfants.

Catherine Connelly a bien informé sa fille en quoi consisteraient ses tâches : accompagner la Comtesse dans ses promenades, en particulier sur les remparts de Montreuil où elle aime admirer les paysages environnants, veiller à ses occupations comme la

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broderie, la lecture, les visites d’amis et de voisins, mais aussi l’aider à choisir ses toilettes, son parfum.

Mais Sterenn Connelly ignore encore qu’un futur bouleversement familial va changer sa destinée, qu’elle croyait toute tracée d’avance.

* * *

Sterenn a passé du temps à expliquer aux autres domestiques que son prénom ne peut être traduit en français. Il s’agit d’un prénom celtique, qui signifie « étoile », prénom choisi par son père, un palefrenier, mort piétiné par un cheval devenu fou. Elle n’avait alors que 7 ans à peine.

Au manoir, elle s’est vite prise d’affection pour la petite Eléonore, qui s’est attachée à elle comme à une sœur aînée.

Par contre, sa relation avec le jeune Antonin se révèle très vite orageuse, chacun ayant un caractère bien trempé.

Néanmoins, Sterenn éprouve une certaine tendresse particulière pour ce petit homme qui, du haut de ses 10 ans, souffre secrètement, elle l’a vite deviné, du manque d’amour de ses parents.

Le Comte n’apprécie guère l’esprit frondeur et irrévérencieux de son fils, attitude qu’il juge indigne d’un aristocrate.

La Comtesse, elle, a reporté toute sa tendresse de mère sur sa fille, aussi fragile et délicate qu’elle.

Sterenn éprouve aussi de l’admiration pour l’intelligence précoce et la sensibilité refoulée du

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jeune garçon, qui lui apportent une maturité inhabituelle pour un enfant de cet âge.

* * *

Quelques mois plus tard :

La nouvelle gouvernante informe Antonin que son père désire lui parler.

Le jeune garçon sait très bien que les discussions avec le Comte tournent vite à la confrontation. Il ignore l’objet de celle-ci, mais il se sent prêt à affronter cet homme dur et intransigeant avec tout le monde, y compris lui-même.

– Antonin ! dit le Comte dès l’entrée du garçon dans son bureau. Je suis au moins satisfait de voir que vous répondez à ma demande.

Le bureau du Comte est très grand, très sombre. Des tableaux ornent les murs.

Un chandelier est posé sur la cheminée derrière l’imposant meuble en ébène, qui occupe une place importante dans la pièce. Aucun miroir ni décoration superflue pour distraire l’attention. La sobriété et la sévérité de l’endroit ne plaisent guère à Antonin, qui préfère le grand salon où il peut jouer du piano, ou le parc pour courir à son aise.

– Votre professeur de latin m’a appris que vous ne faisiez guère de progrès, car vous n’êtes pas assez attentif, déclare le Comte. Par contre, je sais que vous êtes brillant en français et en mathématiques.

Voyant un sourire s’afficher sur le visage de son fils, il ajoute sèchement :

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– Mais cela ne suffit pas. Chaque matière est utile et même indispensable, afin d’obtenir une excellente culture, qu’un Comte de Saint Charles se doit de posséder. Vous êtes mon héritier, ne l’oubliez pas.

– A ce propos, je voulais justement vous demander quand vous pourrez m’autoriser à monter Foudre, dit humblement Antonin. Je pense être un bon cavalier et j’aime beaucoup les chevaux.

– Monter Foudre ? Vous n’y pensez pas ! Je vous l’ai déjà dit, ce cheval est trop fougueux.

Voyant le garçon prêt à protester, le Comte l’arrête d’un geste de la main :

– La discussion est close sur ce point. Par contre, vous ne m’avez pas répondu en ce qui concerne le latin.

Antonin serre les poings et pousse un profond soupir avant d’affirmer :

– Je vais m’efforcer de progresser dans ce domaine, je vous le promets.

– Bien, très bien. Le jeune garçon sait qu’il n’aura jamais le dernier

mot avec ce père si intransigeant. Il aimerait bien partir, quitter cette pièce sinistre.

Mais il décide de tenter une dernière requête : – Père, j’aimerais savoir quand je pourrai aller à la

chasse avec vous. – La chasse, les chevaux, marmonne le Comte en

tapotant du doigt nerveusement sur le bureau. Vous ne pensez guère à vos études, il me semble. Nous verrons cela plus tard ; vous êtes bien trop jeune.

Il ignore que son fils s’entraîne à tirer en cachette, dans le parc du château.