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’activité postale occupe une place à part dans l’histoire de notre pays. Elle a longtemps représenté la seule façon de communiquer d’un bout à l’autre du territoire et elle a été le moyen privilégié des correspondances, qu’elles soient formelles et officielles ou intimes et personnelles. Le progrès constant des tech- niques de communication, du télégraphe au courriel, a multi- plié les moyens concurrents, souvent plus rapides et faciles à utiliser, sans pour autant que la dématérialisation ne parvienne à remettre en cause ni l’image ni la place spécifique qu’occupe le courrier dans le fonctionne- ment de notre société. Ainsi, si aujourd’hui les communica- tions électroniques et postales se concurrencent, elles se complètent également : cour- riel et courrier remplissent des fonctions complémentaires et internet devient le moyen, par l’essor du commerce en ligne, d’un accroissement des volumes du colis et de l’express. Pour autant, l’avenir du modèle postal n’est pas assuré et les évolutions récemment constatées à travers l’Europe font de la modernisation du secteur une nécessité. Les contributions, riches et variées, à ce numéro des Cahiers de l’ARCEP dressent le panorama des mouvements et des inter- rogations qui animent autant les opérateurs postaux que les régulateurs et l’ensemble des pouvoirs publics. Elles permet- tent également d’entrevoir les réponses qui peuvent être apportées à la crise qui touche le secteur. Il nous faut donc tirer ensemble les leçons de cette crise et de l’impact qu’elle peut avoir afin d’en esquisser les voies de sortie. Ses effets se sont trouvés amplifiés dans le secteur postal, accentuant les tendances déjà observées : un repli durable de l’activité cour- rier, accompagné d’une contrac- tion, réelle mais temporaire, des trafics du colis et de l’express. Cette rupture, d’une ampleur unique dans l’histoire du service postal, est constatée de façon comparable à travers le monde. Elle arrive en France à un moment clé, celui de l’ouver- ture totale du secteur à la concurrence, effective depuis janvier 2011. Elle contribue également à expliquer l’effet limité de cette ouverture sur la structure du marché postal en France. Chaque crise porte en elle autant de menaces que d’op- portunités. Il appartient aux opérateurs postaux de définir les conditions d’une réinvention de l’activité postale, construite sur ce qu’elle a d’irremplaçable : sa proximité, sa simplicité et son universalité. Les voies de cette modernisation sont multiples, qu’elles reposent sur une opti- misation de la chaîne postale, une diversification des activités des opérateurs ou des synergies accrues avec les moyens de communications électroniques. L’ARCEP doit évidemment participer à la modernisation du secteur, en accompagnant ses nécessaires mutations tout en se faisant, ainsi que l’a rappelé le législateur dans la loi du 9 février 2010, le garant des impératifs de service universel. L A la recherche d'un nouveau modèle économique postal L’éditorial de Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité La revue trimestrielle de l’ n°5 janvier – février – mars 2011 Face au déclin du courrier, leur coeur de métier, les postes européennes doivent aujourd'hui se réinventer. Comment rester compétitif tout en satisfaisant les clients – particuliers et entreprises – sur tout le territoire et en assurant un service universel de qualité ? Comment réagir face à la substitution croissante entre le courrier papier et l'électronique ? Comment mener une politique active de développement fondée sur la qualité de l'emploi ? Comment, dans un contexte de libéralisation totale des activités, trouver les bons relais de croissance ? Le nouveau modèle économique postal du XXI ème siècle est en gestation. Témoignages dans ce numéro. Quel AVENIR pour le SECTEUR POSTAL ? D O S S I E R P O S T A L Dossier Suite page 2

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’activité postaleoccupe une place àpart dans l’histoirede notre pays. Elle

a longtemps représenté laseule façon de communiquerd’un bout à l’autre du territoireet elle a été le moyen privilégiédes correspondances, qu’ellessoient formelles et officiellesou intimes et personnelles. Leprogrès constant des tech-niques de communication, dutélégraphe au courriel, a multi-plié les moyens concurrents,souvent plus rapides et faciles àutiliser, sans pour autant que ladématérialisation ne parvienneà remettre en cause ni l’imageni la place spécifique qu’occupele courrier dans le fonctionne-ment de notre société. Ainsi, siaujourd’hui les communica-tions électroniques et postalesse concurrencent, elles secomplètent également : cour-riel et courrier remplissent desfonctions complémentaires etinternet devient le moyen, parl’essor du commerce en ligne,d’un accroissement des volumesdu colis et de l’express.

Pour autant, l’avenir dumodèle postal n’est pas assuréet les évolutions récemmentconstatées à travers l’Europefont de la modernisation dusecteur une nécessité. Lescontributions, riches et variées,à ce numéro des Cahiers del’ARCEP dressent le panoramades mouvements et des inter-

rogations qui animent autantles opérateurs postaux que lesrégulateurs et l’ensemble despouvoirs publics. Elles permet-tent également d’entrevoir lesréponses qui peuvent êtreapportées à la crise qui touchele secteur.

Il nous faut donc tirerensemble les leçons de cettecrise et de l’impact qu’elle peutavoir afin d’en esquisser lesvoies de sortie. Ses effets se sonttrouvés amplifiés dans lesecteur postal, accentuant lestendances déjà observées : un

repli durable de l’activité cour-rier, accompagné d’une contrac-tion, réelle mais temporaire, destrafics du colis et de l’express.Cette rupture, d’une ampleurunique dans l’histoire du servicepostal, est constatée de façoncomparable à travers le monde.Elle arrive en France à unmoment clé, celui de l’ouver-ture totale du secteur à laconcurrence, effective depuisjanvier 2011. Elle contribueégalement à expliquer l’effetlimité de cette ouverture sur lastructure du marché postal enFrance.

Chaque crise porte en elleautant de menaces que d’op-portunités. Il appartient auxopérateurs postaux de définirles conditions d’une réinventionde l’activité postale, construitesur ce qu’elle a d’irremplaçable :sa proximité, sa simplicité et sonuniversalité. Les voies de cettemodernisation sont multiples,qu’elles reposent sur une opti-misation de la chaîne postale,une diversification des activitésdes opérateurs ou des synergiesaccrues avec les moyens decommunications électroniques.

L’ARCEP doit évidemmentparticiper à la modernisation dusecteur, en accompagnant sesnécessaires mutations tout en sefaisant, ainsi que l’a rappelé lelégislateur dans la loi du 9février 2010, le garant desimpératifs de serviceuniversel.

L

A la recherche d'un nouveau modèle économique postal

L’éditorial de Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité

La revue trimestrielle de l’

n°5 • janvier – février – mars 2011

Face au déclin du courrier, leur coeur de métier, les posteseuropéennes doivent aujourd'hui se réinventer. Comment rester compétitif tout en satisfaisant les clients – particuliers et entreprises – sur tout le territoire et enassurant un service universel de qualité ? Comment réagirface à la substitution croissante entre le courrier papier et

l'électronique ? Comment mener une politique active dedéveloppement fondée sur la qualité de l'emploi ? Comment,dans un contexte de libéralisation totale des activités, trouverles bons relais de croissance ? Le nouveau modèleéconomique postal du XXIème siècle est en gestation.Témoignages dans ce numéro.

Quel AVENIR pourle SECTEUR POSTAL ?

DOSSIER POSTAL

Dossier

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Dossier

DossierQUEL AVENIR POUR LE SECTEUR POSTAL ? 1 à 63

Sommaire

ARCEP7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15www.arcep.fr - 01 40 47 70 00Abonnement : [email protected] : 1290-290XResponsable de la publication : Jean-Ludovic SilicaniDirecteur de la rédaction : Philippe Distler

Rédaction : Ingrid Appenzeller, Audrey Briand et Jean-François Hernandez(équipe communication de l’ARCEP)Ont contribué à ce numéro : Frédéric Audibert, Julien Coulier, Anne-Laure Durand,Jean-Michel Février, Christian Guénod, Lionel Janin, Guillaume Lacroix, FrançoisLé, Francesco Materia, Gaëlle NGuyen, Nicola Shorland, Joël Voisin-Ratelle.Crédit photo : © E. Fradin (page 28) ; photographies Poste Immo / C. Lacene(Villers-sur-Mer, page 39), Poste Immo / T. Porcher (Ajaccio, Pamier, Foix,

Réalisation

2x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Suite de la page 1Ainsi, afin de mieux cerner les

contours d’un service postaladapté aux besoins de notretemps, l’ARCEP et le ministèrechargé des questions postales ontinitié une étude permettant demieux comprendre et de tenircompte des attentes des consom-mateurs à l’égard des opérateurs,mais également d’orienter enconséquence les nécessairesévolutions du service universelpostal.

Ce qui est en jeu, c’est le main-tien d’un équilibre entre le déve-loppement pérenne d’un marchépostal entièrement ouvert à laconcurrence et la défense d’unservice universel offrant des pres-tations simples, de qualité etabordables, répondant auxbesoins et aptes à tenir comptede leur évolution. Pour contri-buer à satisfaire cette exigence,le législateur a entendu confier àl’ARCEP la mission de traiter lesréclamations des usagers duservice postal. L’Autorité a mis enplace les procédures nécessaires,qui sont effectives depuis le 1er

janvier.

Il faut enfin, à travers cestransformations, préparer leservice universel postal dedemain. La baisse des volumesplace, à court terme, les opéra-teurs chargés du service universelface à un dilemme : la dégrada-tion de leurs résultats ou la miseen œuvre de mesures de réduc-tion de coûts qui, une fois lesréserves de productivité épui-sées, se traduirait par une dégra-dation de la qualité du service,générant de nouvelles baisses devolumes. Dans ce débat essentiel-lement politique, le régulateurpeut apporter une contributionprécieuse afin de dépasser cedilemme, en analysant etprévoyant les conditions d’équi-libre économique du serviceuniversel postal. L’ARCEP se dote,pour ce faire, des modèleséconomiques nécessaires aucalcul du coût net des obligations

de service universel, moyend’une plus grande visibilité descontraintes auxquelles se trouvesoumis l’opérateur qui en a lacharge.

Le législateur a égalementsouhaité que l’ARCEP évalue lacharge encourue par La Poste autitre de sa mission d’aménage-ment du territoire. L’Autorité adéveloppé, en coopération avecLa Poste, les modèles écono-miques nécessaires. Ainsi conçue,la modernisation du modèleéconomique postal passe égale-ment par une amélioration desinstruments nécessaires à sacompréhension.

Dans ces travaux, le dialogueentre les régulateurs européensoccupera une place importante.A l’image du secteur descommunications électroniques,les régulateurs postaux œuvrentdésormais conjointement ausein du Groupe des régulateurseuropéens pour les affairespostales dont Joëlle Toledano,membre de l’ARCEP, assure, cetteannée, la première présidence.Les échanges qui s’y tiendrontdans les prochains mois représen-teront une importante contribu-tion à l’élaboration des outilsd’analyse nécessaires pour poserles jalons du débat qui s’annonce.

La régulation a vocation àapporter transparence et prévisi-bilité aux secteurs concernés.C’est à cela que l’Autorité s’em-ploie à ce moment charnière.C’est également à cela que parti-cipe ce numéro des Cahiers endémontrant, s’il en était besoin,que nombreuses sont les pistesde réforme et que le secteurpostal, profondément ancré dansl’histoire de notre pays, a encoreun très grand rôle à jouer dansson avenir. w

Par Jean-LudovicSILICANI

président de l’Autorité

Les Cahiers de l’ARCEP sont imprimés sur dupapier couché composé de 60 % de fibresrecyclées et de 40 % de fibres vierges.

page 39) ; S. Meyer (pages 32, 33, 35, 36) ; D.Simon (page 34) ;Jour de Fête de Jacques Tati (1949) © Les Films de Mon Oncle,www.tativille.com (page 63).Maquette : Emmanuel Chastel - Impression : Corlet Imprimeur

nEditorial de Jean-Ludovic Silicani ..........................1-2

nEtat des lieux •Services postaux et société de l’information ....................3-5

•Courrier, colis et express : une crise en trompe l’œil, J. Ansón (UPU) ..........8-9

•Il est temps d’agir… M. Sanders (Morgan Stanley) ..........10-11

•Deutsche Post DHL, T. Klopp..................11•Les besoins des consommateurs postaux ..................16

•Le marché des objets postaux en France ..17

nLibéralisation•Le groupe des régulateurs postauxeuropéens, J. Toledano ..........................6

•Les objectifs du marché intérieur postal, M. Barnier................................................7

nStratégie des opérateurs•Réinventer La Poste dans un marchélibéralisé, J.-P. Bailly ........................12-13

• « La concurrence n’existe que dans la loi », F. Pons (Adrexo) ........14-15

• « L’immobilisme n’est pas une fatalité ! », D. Cayet (IMX) ..............15

nService universel postal•La redéfinition du périmètre du serviceuniversel, P. Kleindorfer (INSEAD)..........18et L. Benzoni et O. Salesse (TERA) ........19

•Concilier rentabilité et service universel ? H. Cremer (IDEI) ..............................20-21

•Service universel et emploi, N. Anderson (UniPost)............................23

• Le dispositif du price cap ........................24•Les avantages liés au service universel, A. Dieke (WIK)........................................25

•Les modèles de concurrence ............26-27•La régulation de la qualité de service ..26-27

nLe parcours d’une lettre•La Poste : « Oui, le courrier a un avenir », N. Routier ........................................28-29

•Reportage : la collecte ............................29•Etude : les entreprises et leur courrier ....30•Témoignage : la MGEN ..........................30•Routage, D. Barbier (SELCED) ..............31•Les défis de l’automatisation, P. Patry ......31•Reportage : le Hub Courrier de La Poste à Roissy ..........................32-33

•Reportage : les plates-formes de courrier de La Poste ..........................34

•Reportage : la tournée du facteur ....35-36•Que contient notre boîte aux lettres ? ....36

nLes missions de La Poste non régulées par l’ARCEPPrésence postale et aménagement du territoire •L’évaluation du coût net par l’ARCEP........37•Paroles d’élus : F. Brottes, J. Pélissard et P. Hérisson................38-39

Transport et distribution de la presse•Distribution de presse et portage, V. de Bernardi (SPQR) ........................40-41

•« Rattraper le retard français »,O. Bonsart (Ouest France)........................41

nLe parcours du colis• « Il va falloir inventer la box aux colis »,J.-A. Granjon (Vente-privee.com) ......42-43

•Reportage : la plateforme colis express de DHL ............................44-45

•Le colis : « de réelles opportunités », F. Maille (DHL express) ......................44-45

• « Nous avons inventé le relais du XXIe siècle », D. Payre (Kiala)........46-47

•Témoignage d’un consommateur ............47

nLes relais de croissanceLes services financiers• PostFinance en Suisse, J. Bucher ............48• Les postes et l’inclusion financière

M.-O. Pilley (UPU) ..............................49-50• Japan Post, B. Monfort ............................50

L’électronique• PosteMobile, MVNO postal, M. Sarmi ....51• La lettre recommandée électronique ........51

n International• Les régulateurs et le marché : Suède,Portugal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Bulgarie,Allemagne, Etats-Unis et Belgique....52 à 57

• Finlande : les services postaux à l’ère numérique, S. Lindén....................58

nConsommateurs•Les propositions de l’ARCEP ......................59•Le point sur Mini Max................................59•Les réclamations ........................................59

nHistoire et sociologie• La Poste, telle un lieu de mémoirerépublicain, par S. Richez ........................60

•La Poste : une longue et lente mutation, Y. Cousquer ................61

•« Mon aïeul était facteur… » ..............62-63•Facteur d’aujourd’hui, J.-D. Séval ..............63

Sécurité des réseaux 64-65Brèves 65, 67, 68Vie de l’ARCEP 66Nominations 68

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x3

ui plus que La Poste peut être impacté par la substitution dupapier par l’e-mail, l’émergence du commerce électronique,la naissance des medias électroniques ?

D’un côté, l’entreprise observe que la baisse du traficpostal - 12% entre 2004 et 2009 - et de son chiffre d’affairesdégrade fortement l’équilibre économique du courrier, carson organisation repose sur des coûts fixes à court terme.

Mais par ailleurs, la nécessité de services postaux, pas plus que l’exis-tence d’une mission de service public, ne semblent remises en question :la presse écrite, les sites de commerce à distance et le grand public desti-nataire des envois, expérimentent quotidiennement l’importance écono-mique et sociale de ces services.

Dans un contexte de changements rapides, tout l’éco-système constituédes entreprises de ce secteur, de leurs clients et de l’Etat est au défi deprendre les bonnes décisions pour faire en sorte que le secteur fournissedes services de qualité, qui répondent bien aux besoins de cette société del’information, notamment à travers le «service universel » garanti par la loi.

A quoi servent les services postaux ?Après l’invention du timbre poste au milieu du XIXème siècle, le courrier

s’est imposé comme le principal canal de communication écrite entre lespersonnes. Aux Etats-Unis, par exemple, le service postal a longtemps étéle service « fédéral » par excellence, celui qui réalise concrètement l’unitéde la Nation ; le « Postmaster general » était d’ailleurs membre duGouvernement fédéral. Tous les Etats modernes ont rapidement comprisl’intérêt économique et social du service postal, et constitué des réseauxpostaux performants garantissant le J+1.

Pour étendre cet outil de communication aux échanges internationaux,le ministre allemand Heinrich von Stephan prit l’initiative, en 1874, de réunirles plus grandes administrations postales pour jeter les bases d’un traitéd’«Union postale universelle ». L’ambition de l’UPU était depermettre qu’une lettre puisse être expédiée au départ ouà destination de tout lieu du globe grâce à la collaborationdes services nationaux : c’est le principe du « territoireunique » (1).

Les années 70 ont vu s’ébaucher un tournant dans l’uti-lisation des services postaux : la montée des flux de« courrier industriel » et la baisse corrélative de la part dela lettre et du colis postal dans le trafic postal. Envois de factures, relevésde comptes et courriers publicitaires sont devenus majoritaires dans lestrafics (60%) puis, dans les années 80 et 90, les grands émetteurs de ce« courrier industriel » ont voulu faire évoluer un service et des règlesconçus pour l’usage du courrier « égrené» : – ils ont progressivement obtenu des tarifs moins élevés et moins rigides

de la part des postes, pour tenir compte des économies considérablesque permet la massification des envois et l’automatisation du traitement ;

– ils ont obtenu des dérogations contractuelles à l’irresponsabilité duservice postal à raison des pertes, avaries ou retards de distribution ;

– ils ont opté pour un acheminement non-urgent, privilégiant le critère prix

sur la performance du délai d’acheminement.Dans la société d’aujourd’hui, le courrier est devenu majoritairement un

média de masse, diffusant des entreprises vers les ménages : les 30premiers clients de La Poste représentent ensemble un quart du chiffre d’af-faires, ce sont des groupes de vente à distance (PPR, 3 Suisses…), desbanques, les régimes de sécurité sociale.

Cela n’a pas altéré la nature de service public, tant il demeure importantque chaque adresse puisse être desservie quelle que soit sa localisation.Par ailleurs, il demeure nécessaire que les particuliers et les PME aientaccès à une gamme suffisante de services abordables, y compris pour desusages au volume limité comme le service des envois « à valeur déclarée »ou les envois de petits objets par les particuliers (quelques dizaines demillions).

Mais l’équilibre économique de ce service public repose désormais sursa capacité à satisfaire les exigences de prix et de qualité des grandsclients : si ces clients se détournaient du service postal, les conséquencesen seraient critiques car ils financent l’appareil productif par les volumesd’envois qu’ils confient.

Pourquoi une régulation ?Alors que le rôle du courrier dans la société se transformait, l‘organisa-

tion du service a évolué. Outil quasi exclusif, et donc stratégique, de communication à distance

jusqu’aux années 50, le courrier avait fort logiquement été organisé par lesEtats en régie complète : l’administration postale était un service de l’Etat,investi d’une mission de service public, disposant d’un monopole, organiséesuivant un mode régalien et protégée par un principe d’irresponsabilité envertu de la loi. Grâce à l’instrument de prépaiement qu’est le timbre poste,c’est un principe de service « industriel et commercial » qui a pu être retenu,les recettes ayant vocation à couvrir intégralement les coûts.

Devenu média de masse dans les années 80, le service postal n’avaitplus vocation à être organisé dans tous ses détails au sein même de lamachine de l’Etat. Opérant dans un contexte où les utilisateurs redéploienten permanence leur communication entre les différents médias au fur et àmesure des évolutions technologiques, le monopole n’était plus justifié pardes considérations stratégiques.

Les Etats-Unis, comme l’Union européenne, ont donc amendé l’organi-sation traditionnelle en « régie d’Etat » pour donner plus d’autonomie à l’opé-rateur du service, pour peu qu’un « service universel postal » demeuregaranti aux utilisateurs sous la vigilance d’une instance de régulation.

••• / Suite p. 4

Q

Services postaux et société de l’information : les défis lancés

aux opérateurs postaux

L'équilibre économique du service public reposedésormais sur sa capacité à satisfaire les exigences de prix

et de qualité des grands clients car ce sont eux quifinancent l'appareil productif par leur volumes d'envois.

Quel avenir pour le secteur postal ?Etat des lieux

Page 4: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

••• / Suite de la page 3

Mais dans cette évolution du rôle de l’Etat, les directives postaleseuropéennes et le PAEA (2) américain ont pris des options très différentes.

•• Le modèle américainC’est un modèle de séparation de l’infrastructure : on peut assimiler la

poste américaine, l’USPS, à un gigantesque outil de distribution postale,complété de bureaux où le grand public peut déposer ses envois. Sonactivité est strictement cantonnée : les tarifs postaux lui fournissent lestrict nécessaire pour se maintenir et les conditions faites aux grandsémetteurs incitent à réaliser en dehors du réseau postal toutes les opéra-tions de tri et de transport qui peuvent l’être plus efficacement que parl’USPS (le « worksharing »). En d’autres termes, l’USPS serait plutôt RTEqu’EDF, plutôt RFF que la SNCF. Cet outil logistique de 600 000 agentsest un monopole public.

Des volumes postaux très élevés et une excellente symbiose indus-trielle avec les grands émetteurs en font une organisation très efficace,tenue par le régulateur à une discipline tarifaire stricte. En revanche, samonoactivité l’expose durement à la chute des volumes postaux (– 15%pour la seule année 2009) : en effet, soumis à un strict principe despécialité, il ne peut entreprendre aucune diversification, bancaire parexemple.

•• Le modèle européenLa politique européenne a fait le choix inverse, celui d’une « concur-

rence par les infrastructures » qui favorise la transformation des postesen groupes diversifiés. Cette attitude tire les conséquences du fait à lafois paradoxal et méconnu qu’une concurrence « latente » se manifestede longue date sur certains marchés postaux : ainsi, des systèmes delivraison en relais colis concurrencent les colis postaux (lire p. 42 etsuivantes), sans en être pour autant un substitut parfait, et le portage depresse (lire p. 40) constitue aussi une alternative à la distribution postalepour la presse quotidienne régionale. Dans ce contexte, l’Union euro-péenne a jugé que la concurrence était le meilleurrégime pour stimuler la productivité des postes,mais surtout leur évolutivité face à une demande quisera de plus en plus impactée par le développementdes moyens de communications électroniques.

Toutefois, afin de protéger l’usager captif, desautorités indépendantes telles que l’ARCEP en France ont reçu missiond’assurer qu’un «service universel » (lire p. 18 et suivantes) était correc-tement assuré par ces entreprises. Si cette mission de service universeldevait représenter pour elles un foyer de pertes, les Etats-membres sonthabilités à mettre en place des mesures de compensation, selon desrègles similaires à celles en vigueur pour le service universel des télé-communications.

Cette politique européenne a eu des effets satisfaisants : les posteseuropéennes se sont modernisées et, grâce à leur diversification, ellesont surmonté les premières années d’accentuation de la baisse desvolumes postaux (lire p. 8-9). Les activités de fret express des posteshollandaise (TNT) et allemande (DP-DHL) dépassent désormais celles decourrier (lire p. 10), et La Poste italienne réalise la majorité de son chiffred’affaires dans les secteurs bancaire et d’assurance. Quant à la Postefrançaise (lire p. 12-13), elle réalise aujourd’hui la moitié de son chiffred’affaires avec ses activités bancaires (La Banque Postale) et le colis(colis postaux et express).

D’une manière générale, les Etats ont fixé des objectifs élevés et leservice universel est de qualité ; il demeure financé par ses recettes, àl’exclusion de tout financement externe. En revanche, le développement

de concurrents viables des opérateurs historiques n’a atteint un pointd’équilibre que dans peu de pays (3), et la crise économique de 2008-2009 en a stoppé l’émergence dans les autres, dont la France (lire p. 14-15). Si, dans l’hexagone, le développement de réseaux alternatifsautorisés par l’ARCEP a été cantonné, jusqu’à 2011, par le monopolelégal de La Poste sur les envois de moins de 50 g, il n’a pas non plusconnu de décollage à court terme : en effet, la capacité de distribuerpartout est primordiale pour les émetteurs, et seul l’opérateur historiqueen est capable à ce jour.

Les changements en cours et les services de demainLe choc conjoncturel de 2008-2009 a jeté une lumière crue sur l’adap-

tation du secteur postal, en accentuant fortement la baisse qui avaitdébuté les années précédentes. Cette baisse est la manifestation visibleque l’usage des services postaux continue de se transformer sous l’effetde besoins sociaux en évolution. Ce qui est maintenant primordial, audelà du phénomène quantitatif et de son impact économique, c’est decomprendre en quoi consistera la demande future en services postaux.

•• 1er enjeu : l’adaptation des services aux nouveaux besoinsLorsque de nouveaux moyens de communication apparaissent, les

moyens existants ne disparaissent pas pour autant : ainsi, la télécopiedes années 80 n’a pas supplanté le courrier. Mais les utilisateurs reclas-sent leurs usages entre les moyens existants, en fonction de leurs atoutscomparés. Sous l’effet de ces reclassements, l’usage du service postalcontinue d’évoluer rapidement, selon des tendances qu’il faut s’efforcerde comprendre avec précision : – la décroissance la plus forte s’enregistre sur les envois « égrenés », ce

qui accentue la prépondérance du courrier « industriel » dans le traficpostal (lire p. 28 et suivantes) ;

– pour la même raison, la diminution de la part du trafic urgent se pour-suit, au profit de délais d’acheminement moins rapides et donnant accèsà des tarifs moins élevés qui ont la préférence des grands émetteurs ;

– pour le trafic de presse, la substitution par le portage matinal pour lapresse quotidienne (lire p. 40) se poursuit également, selon les voiestracées par les accords Etat-Presse-Poste de 2004 et 2008 ;

– dans le trafic de colis postaux, les envois relativement lourds des« grands catalogues » baissent tandis que se gonfle le trafic d’objetsculturels et d’électronique grand public engendré par les nouveaux sitesde commerce électronique.Les pouvoirs publics doivent aussi s’intéresser à la connaissance de

l’usage des services postaux, car ce sont eux qui fixent les obligationsde service universel (Gouvernement) et veillent à leur viabilité écono-mique (régulateur). C’est ce qui conduit l’ARCEP et le ministère de l’éco-nomie (DGCIS) à étudier les préférences des utilisateurs (lire p. 16),centrées sur la clientèle « captive » des particuliers et PME. Les résultatsen sont très riches, notamment lorsqu’ils font ressortir les prioritésaccordées aux prix, aux délais d’acheminement, à la commodité dedépôt et de retrait des envois.

•• 2ème enjeu : le dialogue sur les coûtsNaturellement, ces changements dans les besoins des utilisateurs se

traduisent dans le chiffre d’affaires et les coûts de l’opérateur du service

4x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

L’Europe a, contrairement aux Etats-Unis, fait le choix d’une concurrence par les infrastructures qui favorise

la transformation des postes en groupes diversifiés.

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universel, et l’effet dominant, aujourd’hui, est l’attrition des recettes sousl’effet de la substitution par les moyens de communications électroniques.Aux Etats-Unis, la poste américaine (USPS) a été conduite à demander aurégulateur - la Postal regulatory commission (lire p. 56) - de rendre unavis (4) sur la proposition de ne plus distribuer le courrier que 5 jours parsemaine au lieu de 6, pour réaliser une économie de 24 milliards dedollars sur 6 ans. En Angleterre, le « rapport Hooper » sur l’avenir duservice postal (lire La Lettre de l'Autorité n° 68, p. 25) – a exploré desscenarii similaires pour, finalement, les récuser en jugeant que si l’ondégrade la qualité du service postal, les pertes de chiffre d’affairesrisquent d’être plus importantes que les économies de coût.

Ce type de dialogue institutionnel est également prévu en droit fran-çais. La Poste, entreprise diversifiée dotée d’une complète autonomieindustrielle, est tenue d’assurer un service répondant à des normesprécises, édictées par l’Etat : gamme de produit, distribution à J+1,accessibilité des points de contact. Elle finance le service par sesrecettes, sous le contrôle du régulateur et, comme dans le domaine descommunications électroniques, les textes instaurent les règles d’undialogue entre l’entreprise et le régulateur sur l’équilibre économique duservice universel. Le chiffre d’affaires réalisé doit couvrir le coût d’uneorganisation de grande ampleur : la distribution quotidienne assurée parles 60 000 tournées quotidiennes de facteurs organisées à partir de3 500 centres de distribution et de 10 000 bureaux de poste complétéspar 7 000 agences communales ou relais chez des commerçants.

Si La Poste devait estimer qu’elle subit une charge inéquitable – parexemple un déficit structurel –, il lui reviendrait de demander la mise enplace d’une compensation en produisant les éléments utiles, et l’ARCEPse prononcerait par la voie d’un avis. Les textes prévoient qu’un fonds decompensation soit alors mis en place par décision gouvernementale, cequi ne produirait d’effet redistributif que si des concurrents avaientconquis une part de marché substantielle.

Pour analyser et prévoir l’équilibre économique du service universeldans cette période de changement, les régulateurs se dotent de modèleséconomiques qui calculent le « coût net » des obligations (lire p. 18 etsuivantes), c'est-à-dire l’écart entre la marge que réaliserait l’opérateur s’iln’était pas chargé du service universel (c’est le « scénario de référence »)et le profit réalisé compte tenu de ces obligations. Ce « coût net » tientcompte des avantages immatériels qui s’attachent au fait d’être le pres-tataire du service universel ; par ailleurs, aux termes de la directivepostale, il doit inciter à l’efficacité : cela conduit le régulateur qui lesréalise à s’écarter, le cas échéant, d’une approche par les coûts histo-riques de l’opérateur pour retenir un scénario « d’opérateur efficace ».

Selon les mots du commissaire Barnier, chargé de la politique postalede la Commission européenne (lire p. 7), la directive de 2008 invite à uneapproche « dynamique » du service universel. Elle demande à rechercheren permanence si les obligations de service universel sont pertinentesdans la « société de l’information », et comment pourront être financésles besoins changeants de la population. Cette approche tranche avec unpassé où la lettre et le bureau de poste n’appelaient guère de remise enquestion, mais elle promeut un indispensable débat public tourné versl’avenir. w

(1) L’UPU continue aujourd’hui de superviser, sous l’égide des Nations Unies, le transitdu courrier mondial en vertu du principe du territoire unique.

(2) « Postal accountability and enhancement act » de 2006, législation réformant le sys-tème postal américain.

(3) En Suède, Pays-Bas et Espagne, des concurrents viables se sont développés pourl’acheminement du courrier, sans déstabiliser l’opérateur historique investi de lamission de service universel.

(4) Procédure de l’« advisory opinion ».

EntrepriseDate

d'autorisation

Marché intérieur avec distribution

Adrexo 13-juin-06

Althus 07-sept-06

Solgeco 26 (Althus-Valence) 05-déc-06

Press' tissimo 31-mai-07

Courrier Services 03 28-juin-07

ProCourrier 28-juin-07

Courrier Plus 02-oct-07

Ciblex France 10-juin-08

3L ( Distriplis) 23-mars-10

ARD Services (InterCorrespondance) 23-mars-10

Frédéric Veigneau 27-avr-10

Post Center 22-juin-10

Marché intérieur avec distribution

et courrier transfrontalier sortant

La Poste (France) 26-oct-06

Courrier transfrontalier sortant

IMX France 21-juin-06

Deutsche Post AG 29-juin-06

Swiss Post International 07-sept-06

G3 Worldwide France(Spring) 05-déc-06

De Post-La Poste belge 05-déc-06

Royal Mail 15-mars-07

Deutsche Post Global MailFrance 15-mars-07

DHL Express France 25-oct-07

Osterreichische Post AG 08-juil-10

Quel avenir pour le secteur postal ?Etat des lieux

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x5

Les opérateurs de services postaux autorisés

Page 6: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

6x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Interview de Joëlle Toledano ,membre de l’ARCEP, présidente du Groupe des régulateurs postaux européens

z Comment le groupe desrégulateurs postauxeuropéens est-il organisé ?Le GRE postal a été créé parune décision de la Commissioneuropéenne d’août 2010. Sapremière réunion plénière a eulieu le 1er décembre 2010,réunion au cours de laquelleont été élus le président et lesvice-présidents – lesrégulateurs suédois etbritanniques – et ont étédéfinies les grandes lignes duprogramme de travail. Lesecrétariat est assuré par laCommission.En 2011/2012, nous allonstravailler sur cinq sujets.• L’allocation des coûts de

l’opérateur postal ;• Le coût du service universel

et, plus particulièrement, laquestion des différences detaux de TVA, qui pourraientavantager les opérateurs quiont la charge du serviceuniversel ;

• La satisfaction desconsommateurs et lasurveillance dufonctionnement des marchéspostaux ;

• les tarifs transfrontaliers : laCommission souhaitecomprendre si les niveaux deprix du colis sont justifiés ;

• l’accès au réseau postal pourles nouveaux entrants, lesrouteurs et lesconsolidateurs.

z Commençons par les tarifstransfrontaliers. Pourquoi leprix d’un envoi est-ildifférent de Paris à Albi oude Paris à Riga, alors quenous vivons tous dans

l’Union européenne ?Il n’y a aucune raison que lestarifs soient les mêmes, sauf àimaginer un monopole postalsur l’ensemble de l’Europe quigérerait les péréquations. Iln’est pas sûr que leconsommateur y gagnerait!

z Pourtant, dans lestélécoms, la Commissioneuropéenne a imposé destarifs de roaming uniformesdans toute l’Union…Les opérateurs postaux sefacturent entre eux lesprestations qu’ils réalisent lesuns pour les autres. Il y a 50ans, ils se facturaient entre euxdes « frais terminaux », très bas- plus bas que leurs coûts -, etles opérateurs télécoms des« taxes de répartition » trèsélevées. L’ouverture desmarchés et la recherche d’unemeilleure efficacité a conduità l’augmentation des premierset à la baisse des seconds.Encore aujourd’hui, le ratiotarifs intra-européens sur tarifsnationaux est sensiblementplus bas pour le courrier quepour la téléphonie mobile. Lasituation en matière de tarifs decolis transeuropéens estdifférente de celle du courrier.En première analyse, ilsapparaissent trop élevés. Pourla Commission européenne, auregard de l’objectif de mise enplace d’un marché unique due-commerce, c’est unproblème. Le GRE postal va,dans la limite de ses pouvoirs -peu importants sur ces sujets-là- aider la Commission àcomprendre pourquoi ces tarifssont élevés, en clair s’ils

correspondent à une rationalitééconomique ou s’il s’agitd’abus. Mais sur ce sujet, leleadership appartient trèsclairement à la Commission.

z Sur la question del’allocation des coûts, leGRE a-t-il des pouvoirs plusaffirmés ?Nous sommes en effet dans lecoeur de nos compétences etde nos missions. Les textesdisent que les tarifs doiventêtre « orientés vers les coûts ».L’opérateur postal étant paressence un opérateur multi-produits, l’on voit bien en quoila compréhension des coûtsest centrale. Il s’agit deréfléchir tous ensemble pour

mieux comprendre les règlesd’allocations dans une logiqued’inducteur de coûtséconomiques.

z Vous avez aussimentionné le serviceuniversel et les différencesde TVA…La question du coût du serviceuniversel est, elle aussi,centrale, en particulier pour lespays - environ une dizaine - oùil y a eu libéralisation totale au1er janvier 2011. Il s’agitd’évaluer les surcoûts del’opérateur de service universelau regard de ses contraintes,sachant par ailleurs que, dans

un certain nombre de pays, lesrégimes de TVA induisent desdistorsions de concurrence auprofit des opérateurs deservice universel. Aujourd’hui,nous n’avons pas de méthodepour, le cas échéant, mettresur le même plan ces deuxéléments. Cela fait partie denos travaux.

z Ne serait-il pas plus simpleque chaque Etat membreuniformise la TVA entrel’opérateur postalhistorique et les entrants ?La TVA est un sujet fiscal. Il y aplusieurs années, laCommission a présenté unprojet de directive surl’uniformisation de la TVA,

mais l’unanimité nécessairepour ce genre de décision n’apas été obtenue. Depuis, unejurisprudence de la CJCE aprécisé les raisonnements àtenir pour justifier uneexonération de TVA.Maintenant, nous allonsessayer de voir, dans un certainnombre de pays, pasforcément dans tous, dansquelle mesure il est possibled’évaluer l’avantage queprocurent aux opérateurspostaux en charge du serviceuniversel, les différences deTVA. Cela suppose de faire unprogrès méthodologique.

Le sujet postal est, danstous les pays, un sujet

éminemment passionnel.

« La mise en place de méthodesd’analyse économique améliorerala qualité du débat politique »

••• / Suite p. 22

Page 7: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

arrefours des échanges entre les personnes comme entreles entreprises, les services postaux contribuent àrenforcer le lien social ainsi que notre compétitivité.Indispensables à la réalisation des objectifs de l’Union euro-péenne que sont la croissance et la cohésion, ils se

doivent d’évoluer pour continuer à jouer le rôle éminent qui est le leur. La garantie du maintien d’un service postal universel de qualité dans

toute l’Union européenne est au cœur de l’ambitieuse réforme postale initiéedès 1992 et qui touche désormais à son terme. Des opérateurs perfor-mants, une qualité de service élevée et un cadre réglementaire solidedoivent en former les piliers.

Les mutations profondes de nos sociétés – nouvelles technologies,pratiques économiques et sociales évolutives – exposent le secteur postal àde vrais défis. Comme autant d'opportunités à saisir. En s’ouvrant à la concur-rence, les services postaux miseront davantage encore sur l’innovation pourmieux répondre aux attentes de leurs clients comme de leurs usagers.

Les autorités de régulation – telles l'ARCEP en France – ont un rôle essen-tiel à jouer, en accompagnant ces évolutions tout en se portant garantes desmissions de service universel qui incombent au secteur.

Un service universel de qualité, pour les citoyens comme pour les entreprises

Les conditions du maintien d'un service universel de qualité à un prixabordable ont été garanties par les directives postales successives, qui enont posé les grands principes : portée minimale de l’obligation ; égalité detraitement des citoyens à l’égard de ces services de base ; méthodologiede calcul de l'éventuelle charge financière liée la fourniture du serviceuniversel; possibilité, enfin, de recourir à divers mécanismes de financementpour assurer l'équilibre économique du prestataire désigné.

La définition plus fine du périmètre du service universel reste, quant àelle, logiquement, du ressort national. Notons par ailleurs que la troisièmedirective a encore renforcé la protection des consommateurs et conforté lerôle des autorités nationales de régulation.

Les autorités nationales de régulation, piliers de la réforme postale

Les autorités nationales de régulation sont appelées à jouer un rôleessentiel dans le contrôle de la prestation du service universel. Elles sontinvesties à cet égard de trois missions principales : suivi de la qualité duservice ; veille tarifaire, afin que les prix demeurent abordables et orientéssur les coûts ; contrôle de l'affectation des coûts, dans le cadre, notam-ment, du calcul du coût net éventuel du service universel.

Le renforcement de la coordination entre autorités nationales était unenécessité, pour une régulation qui se nourrisse du partage d’expérience etdes meilleures pratiques, et dont la cohérence d’ensemble soit assurée.C’est pourquoi la Commission a créé, à mon initiative, en août dernier, le

Groupe européen des régulateurs postaux. Présidé par Joëlle Toledano,membre du collège de l’ARCEP, il s’est déjà doté d’un solide programme detravail et je me réjouis du soutien de l'ARCEP, comme des autres autoritésnationales de régulation, à l’ambition affichée.

J'attends des résultats très concrets du travail entrepris, qui devrait setraduire par des effets bénéfiques immédiats pour le consommateur, parexemple en matière d'offres et de prix des services postaux transfrontaliersliés au commerce électronique.

Renforcer le dialogue avec les clients et les usagers Il existe en effet un malaise croissant des consommateurs européens à

l’égard des modalités de livraison des produits achetés en ligne : manque detransparence des prix, qualité inégale de service, absence de régulationsatisfaisante des services transfrontières. Or, à défaut de pouvoir s’adosserà des services postaux réellement adaptés à cette nouvelle demande nais-sante, le commerce électronique transfrontalier ne pourra réaliser son pleinpotentiel. Il faut donc préparer l'aveniren menant une réflexion globale surles nouveaux besoins des utilisateursde services postaux, en y associantétroitement les consommateurs.

Il nous incombe, dans ce contexte,de garantir un traitement appropriédes plaintes, notamment sur le fonde-ment de l’intervention des autoritésnationales de régulation. A ce titre, jesais gré à l'ARCEP et à La Poste desefforts qui ont abouti à l'offre « MiniMax » permettant l'envoi de petitsobjets à des prix abordables (lire p.59). Il m'apparaît également importantde prendre en compte les intérêts desconsommateurs dans les travaux du CEN (Comité européen de normalisation),groupe auquel l'ARCEP apporte une expertise appréciée à sa juste valeur.

Les récentes initiatives de l'ARCEP pour promouvoir le dialogue avec lesconsommateurs vont également dans le bon sens. Au niveau européen, j’aipour ma part annoncé la mise en place d’un Forum de dialogue des utilisa-teurs des services postaux, dont l’objectif est d'obtenir un retour concretdes acteurs de terrain sur la mise en œuvre du nouveau cadre réglemen-taire. Ce Forum devra contribuer à identifier les mesures éventuelles àprendre pour accompagner le changement au bénéfice des usagers.

Plus que jamais, le secteur postal peut contribuer au fonctionnement d’unmarché intérieur plus efficace et plus innovant, mais aussi plus juste, garantde cohésion sociale et territoriale. Je compte sur l’engagement de l’en-semble de ses acteurs pour atteindre cet objectif commun. w

http://ec.europa.eu/

C

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x7

Quel avenir pour le secteur postal ?1er janvier 2011 : libéralisation complète du marché

Le marché intérieur postal : une ambition au service de la croissance et de la cohésion en Europe

Par Michel Barnier, commissaire européen en charge du marché intérieur et des services

En s’ouvrant à la concurrence,

les servicespostaux miserontd’avantage encore

sur l’innovationpour mieux

répondre auxattentes de leurs

clients comme deleurs usagers.

Page 8: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

e courrier et l’envoi d’objets postaux survivraient-ils à la première grande crise économique etfinancière du XXIe siècle ? Telle fut l’une des inter-rogations à l’origine d’une série de trois enquêtesdu groupe de projet « Economie Postale » de

l’Union postale universelle (UPU) sur les impacts globaux de lacrise sur les trafics et revenus de trois segments d’activité despostes : la lettre, le colis et l’express qui représentaient plus de400 milliards d’envois et quelques 350 milliards d’euros derevenus au niveau global avant la crise (2007).

Après avoir mobilisé des données trimestrielles auprès d’unevingtaine d’opérateurs (y compris des grands intégrateursprivés) de différentes régions et niveaux de développement,représentant jusqu’à 80 % des trafics mondiaux, et couvrant lapériode du premier trimestre 2007 au quatrième trimestre2008, le premier constat s’avéra alarmant. Les volumes et lesrevenus du courrier, avec des taux de déclin avoisinant oumême dépassant parfois le seuil des 10%, n’avaient jamaisautant chuté depuis la grande dépression des années 30.Rappelons que les revenus de la poste aux lettres s’étaienteffondrés de 12,3 % aux Etats-Unis entre 1931 et 1932, et lesvolumes de 16,6 % en Allemagne entre 1930 et 1931.

Une crise en trois phases• Au cours de la première phase de la crise économique

et financière qui se déroula tout au long de l’année 2008,les trois segments couverts par l’enquête furent affectéssans distinction aucune, avec des déclins d’une intensitésimilaire atteignant jusqu’à près de 6 % pour les échangesmondiaux de la poste aux lettres domestique au quatrièmetrimestre, 3,4 % pour les colis au troisième trimestre et4,9 % pour l’express au quatrième trimestre sur la base decomparaisons interannuelles (voir graphique).

Cela n’était que la résultante du premier grand choc macroé-conomique observé au cours de cette crise : la débâcle finan-cière de la banque d’investissement Lehman Brothers audeuxième semestre 2008 et les effets systémiques dévasta-teurs provoqués par celle-ci sur le système économiquemondial, poussant une grande majorité d’économies dans unerécession profonde et durable. A l’instar du commerce interna-tional qui s’effondra littéralement pendant cette phase, lesenvois postaux internationaux connurent le même sort sansdistinction de classe, avec des pics de taux de déclin avoisinantles 5 % pour le colis et les 3 % pour la lettre et l’express auquatrième trimestre, qui succédaient à des pics de croissancede plus de 10 %, 7 % et 5 % respectivement au cours despremiers trimestres de l’année 2008.

• La deuxième phase de la crise marquée par lesauvetage des institutions financières, les plans derelance des économies et l’assouplissement quantitatif etqualitatif des politiques monétaires de nombreux paysallait coïncider avec des évolutions chaque fois plusdivergentes des trois segments considérés dans lesenquêtes successives.

Alors que le déclin du courrier s’accélérait (- 12 % en varia-tion interannuelle au deuxième trimestre 2009) et que leschutes de volumes et de revenus de l’express se poursuivaientà un rythme plus lent, les colis, eux, connaissaient une évolutionstable de leurs volumes etrevenus, voire croissante aucours de certains trimestres.Cette dichotomie pouvait s’ex-pliquer, d’une part, par desbaisses importantes du marke-ting direct liées à une offre trèsrestreinte de services finan-ciers, notamment de créditpendant cette période de« credit crunch », ainsi qu’à lafaiblesse de la consommation, et d’autre part, par des mouve-ments de glissement de gamme favorisant les colis aux dépensde l’express au vu des choix de coût opérés autant par les expé-diteurs que les destinataires confrontés à la récession. Lesmêmes tendances, mais de façon encore plus prononcée,étaient observées pour les colis et l’express à l’internationaldont les évolutions demeuraient très volatiles et incertaines toutau long de ces mêmes trimestres de 2009.

• L’année 2010 fut marquée par la troisième phase dela crise : les incertitudes macroéconomiques persistaientà cause des crises de dettes souveraines de la zone euro.

Mais elle fut aussi l’année confirmant la sortie de crise, dupoint de vue de la croissance du produit intérieur brut, dans denombreux pays couverts par les enquêtes trimestrielles del’UPU (dont la France). Cette amélioration des conditions macro-économiques était reflétée à leur tour par un clair retour à lacroissance des segments du colis et de l’express, encore plusforte à l’international qu’en domestique pour ce dernier, et parun net ralentissement du déclin du courrier domestique, n’attei-gnant plus que – 1,9 % dès la fin du deuxième trimestre 2010.

Quels enseignements tirer de la crise ?Trois remarques méritent être ajoutées à ce stade. La

première traite des différences de performance identifiées dans

L

8x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Par José Ansón, économiste, bureau international de l’Union postale universelle (UPU)

La criseéconomique etfinancière de 2008 a accentuél’hétérogénéité du secteur postal.

Courrier, colis et express :une crise en trompe l’œil

Page 9: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

les enquêtes ; la seconde concerne la comparaison des évolu-tions de trafic entre pays émergents et en développement,d’une part, et pays industrialisés, d’autre part ; enfin, la dernièreexamine le phénomène de substitution électronique du courrierà l’aune de la crise.

• Les écarts de performance grandissent entre lesopérateurs réalisant les meilleures et pires performancesdans les trois segments étudiés au cours de la crise.

Au fur et à mesure que ses effets se sont déployés, la varia-tion des performances, en termes d’évolution des volumes et desrevenus, s’est accrue entre les opérateurs les plus souples etadaptables et ceux faisant face à davantage de contraintes indé-pendamment des segments concernés. La crise a donc été lasource d’une accentuation de l’hétérogénéité du secteur postal.

• Les volumes de courrier des pays émergents et endéveloppement ont mieux résisté à la crise que ceux despays industrialisés, et ont même connu des taux de crois-sance positifs dans certains cas.

Cela suggère l’existence d’un potentiel de développement ducourrier dans les pays émergents et en développement en dépitdes immenses progrès constatés en termes d’accès auxnouvelles technologies de l’information et la communication,comme par exemple la téléphonie mobile. Dans ces pays, lecourrier peut encore croître dans certains segments relative-ment peu développés, comme le marketing direct.L’international peut aussi représenter un autre relais de crois-sance au vu de l’intégration régionale croissante de ces écono-mies.

• Qu’en est-il du phénomène de substitution électro-nique pendant la crise ? S’est-il lui aussi accentué ?

D’aucuns avaient suggéré que la crise elle-même accélèreraitle phénomène de substitution électronique. Cette hypothèse nepeut être que difficilement acceptée au vu des taux similaires dedéclin, de l’ordre de 2 à 3%, estimés avant l’entrée en crise eten phase de sortie. La substitution du courrier est un phéno-mène complexe, qui touche les différents segments (particulierà particulier, entreprise à entreprise, entreprise à particulier etvice versa) de façon différente à mesure que s’opère la diffusion

de nouvelles technologies de l’information et de la communica-tion. L’accélération de la pénétration de l’internet à haut débit,voire à très haut débit, dans différents pays avant et pendant lacrise pourrait s’avérer autrement plus cruciale dans la poursuitedu déclin du courrierque la persistanced’éventuels change-ments d’habitudesde consommationpostale pendant lacrise financière. Ilconvient d’ailleurs denoter que certainsopérateurs postauxont accéléré la miseà disposition de services de distribution électronique demessages auparavant transmis par courrier physique.

Internet, nouvel Eldorado des postes ?Au final, pourra-t-on revenir aux niveaux de volumes anté-

rieurs à la crise ? La réponse dépend évidemment dessegments concernés. L’express et le colis sont en généralretournés, en volumes et revenus, au niveau précédant la crise.Le doute n’est pas là. Par contre, le courrier est confronté àdavantage d’incertitudes, même si les annonces récentes decertains opérateurs d’une baisse de trafic moins importante queprévue pour l’année 2010 peuvent offrir des perspectives modé-rément optimistes quant à son avenir.

Lorsqu’on examine le cas des Etats-Unis de façon plusdétaillée, grâce aux données de leur autorité de régulationpostale, on s’aperçoit que le segment dominé par le courriertransactionnel (« first class mail ») poursuit son déclin alors queles envois liés au marketing direct (souvent dans la classe « stan-dard mail ») sont en net rebond sous l’impulsion de meilleuresperspectives de consommation des ménages. Dans une telledynamique, il sera probablement difficile de revenir aux niveauxde volumes de courrier, mesurés en nombre, atteints avant la crise. Il reste désormais à savoir si, avec des segments en

croissance soutenuetels que le colis et

l’express, le poids etle revenu perdus enc o r re s p o n d a n c epourraient être plusque compensés parceux des nouveauxéchanges portés parle développementexponentiel attendupour les achats enligne au cours de cesprochaines années.Là aussi, l’accèsdes ménages à l’in-ternet très hautdébit pourrait bienjouer un rôle déter-minant. w

www.upu.int

Quel avenir pour le secteur postal ?Etat des lieux

Evolution globale des trafics de la poste (lettres, colis et express domestique)

Lettres

Colis

Express

Source : UPU

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x9

L’accès des ménages à internet à très haut débit jouera un rôledéterminant dans ladynamique de croissancedu courrier.

Page 10: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Par Menno Sanders, analyste, Morgan Stanley Research

es trois sociétés européennes d’acheminement du courriercotées en bourse - la Poste autrichienne, Deutsche Post etTNT-, exercent leurs activités dans des pays différentsmais sont confrontées à des défis très similaires. Ellesréagissent d’ailleurs aussi de manière très identique à ces

défis, à une exception près, qui touche au rôle que ces sociétés spécialiséesdans le courrier traditionnel peuvent - et devraient - jouer sur le marché ducourrier électronique. Chacun de ces trois opérateurs jouit de différentsdegrés de liberté sur le plan social et politique qui conditionnent à la fois lanature et l’étendue des mesures qu’il peut prendre.

La baisse structurelle des volumes de lettres adressées, liée à la substitu-tion électronique et/ou à la concurrence, est aujourd’hui une réalité bientangible pour ces trois opérateurs. La grande question est toujours de savoir

à quel rythme ces volumes vontdiminuer et s’il est possible detabler sur un seuil de viabilité. Ilest d’autant plus compliqué d’yrépondre que, du fait de la réces-sion de 2009 et de la lentereprise de 2010, il est difficile defaire la part entre la composantestructurelle et la composantecyclique de la régression des

volumes de courrier qui se poursuit depuis trois ans.Les solutions adoptées pour résoudre ce problème majeur n’ont pas varié

au fil des dix dernières années mais la nécessité d’un changement devient deplus en plus urgente. Les sociétés de distribution du courrier cotées en boursesont ainsi en train de prendre cinq grands types de mesures.

Réduire les coûts en termes absolus pour préserver la rentabilité

Pour faire face à la baisse des volumes, la priorité a été donnée à lacompression des effectifs, que ce soit par des départs naturels, des licen-ciements économiques ou des réaffectations de fonctionnaires à des postesdans l’administration. Deutsche Post mise avant tout sur les départs natu-rels, qui se traduisent par une réduction annuelle de 3% de sa main-d’œuvre(5 % de départs mais avec seulement 2% de remplacements) plutôt que surles licenciements.

La Poste autrichienne a recours au mécanisme de la retraite anticipée, avecincitation au départ, associé à la réaffectation d’une centaine de fonctionnairesà des postes dans l’administration. Elle obtient ainsi une réduction de l’ordre de800 à 900 emplois équivalents temps plein par an, soit 61 millions d’eurosd’économies. Quant à TNT, elle prend actuellement des mesures drastiques derestructuration de son réseau, preuve qu’elle a subi la baisse sans aucun doutela plus marquée du nombre d’envois (1). Le groupe néerlandais prévoit deremplacer l’intégralité des 11 000 postes à temps complet du secteur de ladistribution par des postes à temps partiel, en procédant le plus souvent à desincitations au départ volontaire, auxquels viendront tout de même s’ajouter2800 licenciements économiques. Pour ces trois opérateurs, la grande diffi-

culté consiste à réduire les effectifs de manière socialement acceptable, maisaussi à maintenir les niveaux de service malgré la restructuration du réseau.

Faire preuve de plus flexibilité sur les coûts pour mieux affronter un avenir incertain

Plusieurs moyens sont mis en œuvre pour adapter la base de coûts auxchangements des modes de distribution : distribution sur seulement deux àtrois jours de la semaine pour le courrier hors obligation de serviceuniversel ; recours à l’emploi à temps partiel ou à des contrats de travail àtemps plein mais avec des horaires journaliers variables ; et distributiongroupée des lettres et des colis.

C’est TNT qui a pris les mesures les plus radicales dans ce domaine enréduisant à trois le nombre de jours de distribution dans la semaine pour lecourrier hors service universel et en employant à temps partiel 100% deson personnel de distribution. Le groupe a ainsi déjà réaménagé sesservices nationaux de distribution des colis, qui sont assurés par des sous-traitants, payés à l’unité. La Poste autrichienne est également en traind’évoluer vers un service de distribution à deux niveaux et, au 1er mai 2011,elle introduira une formule à trois jours par semaine pour les entreprises.

Développer d’autres sources de revenus, par exemple les colis

Pour ces trois sociétés, les colis ont longtemps constitué une activité enmarge du cœur de métier que représentait le courrier. Avec l’essor considé-rable des opérations effectuées via internet, tant au niveau des entreprisesque des particuliers, ce marché est devenu une réelle source de croissance.

A la différence du courrier, les expéditions de colis ont repris après lerepli cyclique engendré par la récession de 2009. Pour se développer surce marché, il faut investir, notamment dans des terminaux et des machinesde tri, mais aussi dans le marketing. Les nouvelles formes de distribution,telles que les relais colis – que Deutsche Post a été la première à introduire– nécessitent toutes des capitaux.

En 2010, les activités «colis» de TNT et Deutsche Post ont respective-ment dégagé environ 15% et 10% de marge d’exploitation, contre seule-ment 1 à 2 % pour la Poste autrichienne (2,5 à 3,0 % en Autriche). Lesprochaines démarches de développement de ces activités vont se concen-trer sur l’optimisation du réseau existant. Ainsi, la Poste autrichiennedistribue déjà des colis UPS avec les siens dans certains pays d’Europe.

L’expansion des réseaux traditionnels B-to-C vers le marché B-to-B faitégalement partie des scénarios possibles, mais cette option est nettementplus risquée, en particulier en dehors des frontières nationales, car lesopérateurs postaux y sont confrontés à plus de concurrence que sur leurcréneau B-to-C intérieur et leurs avantages concurrentiels par rapport auxopérateurs en place ne sont pas patents.

Jouer sur les niveaux de prix et de services pour soutenir les recettes

Ces sociétés cotées en bourse sont en train d’essayer de remédier au faitqu’elles assurent des services de distribution express (plus de 95% d’envois

L

La grande question esttoujours de savoir à quelrythme les volumespostaux vont diminuer ets’il est possible de tablersur un seuil de viabilité.

Il est temps d’agir…

10x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Morgan Stanley

Page 11: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

distribués le jour suivant) à des tarifs de simples services de camionnage.En valeur absolue, le tarif d’affranchissement du courrier relevant de l’obli-gation de service universel a baissé, pour ces trois opérateurs, au cours desdix dernières années. Récemment, TNT et la Poste autrichienne ont procédéà des augmentations de prix pour contrebalancer l’inflation des salaires, quine peut être compensée par une réduction des coûts salariaux du fait de larégression des volumes. TNT a relevé de 4% le tarif des timbres au 1er

janvier 2011 et la Poste autrichienne a révisé sa structure de prix de sorteque les timbres devraient coûter 3,7% plus cher à partir du 1er mai.

La mise en place de niveaux de services différenciés est une solutionqui permet à la fois d’aménager le réseau pour mieux gérer les volumesen baisse et de pratiquer des tarifs également différenciés. La Posteautrichienne a déjà présenté sa solution, qui intègre une possibilité dedistribution le jour suivant (Premium) ou dans un délai de trois jours(formule économique), tandis que TNT a commencé à mettre en placedes délais de distribution de trois jours, avec certains jours de distribu-tion plus chers que les autres.

Redéfinir le réseau de bureaux de posteLes réseaux sont en train d’être redéfinis, tant en ce qui concerne leurtaille, que leur propriété et leur rôle. La Poste autrichienne poursuit ainsisa démarche de transfert, dans les deux années à venir, de 200 nouveauxbureaux de poste à des franchisés. Elle est par ailleurs passée d’uncontrat lié aux recettes à un contrat à prix coûtant majoré avec son parte-naire financier BAWAG. TNT a mis fin à sa filiale commune avec son parte-naire financier ING et assure désormais la gestion de toutes lessuccursales en direct, principalement par le biais de franchises et de«points poste» dans des commerces. En outre, les succursales peuventêtre transformées en centres de service beaucoup plus flexibles, avec deshoraires d’ouverture étendus et des équipements de haute-technologie,notamment pour les colis.

Quel rôle sur le marché du courrier électronique ? Une grande interrogation subsiste quant au rôle que les sociétés dusecteur du courrier traditionnel peuvent et doivent jouer sur le marché ducourrier électronique. Certains gouvernements poussent d’ailleurs à l’accé-lération du développement de solutions de courrier postal électronique.Celui de l’Allemagne, par exemple, est intervenu très tôt pour promouvoirénergiquement l’introduction d’un système électronique d’envoi de la posteaux lettres («E-brief») juridiquement valable. Deutsche Post, DeutscheTelekom et United Internet ont affirmé leur volonté d’occuper une positiondominante sur ce marché, Deutsche Post ayant même annoncé son inten-tion d’investir pas moins de 500 millions d’euros sur 5 ans à cet effet.Les gouvernements néerlandais et autrichien, en revanche, se sont montrésbeaucoup moins dynamiques dans leurs initiatives pour mettre en place unenorme nationale unique légalement contraignante pour la lettre électronique.De ce fait, bien que la Poste autrichienne et TNT proposent toutes deux dessolutions d’envoi en ligne (en juin 2010, la Poste autrichienne a racheté uneentreprise spécialisée dans les solutions de paiement électronique), lesobjectifs qu’elles visent sont nettement moins ambitieux qu’en Allemagne.Au final, il est clair que ces trois entreprises doivent soigneusement évaluerle rendement de leurs investissements dans un service de courrier électro-nique par rapport au risque qu’elles courent de le voir précipiter le déclin ducourrier physique à un moment où leurs structures de coûts ne sont passuffisamment souples et ne peuvent pas être allégées assez rapidementpour faire face aux baisses de volumes. w

www.morganstanley.com

(1) Baisse du nombre d’envois en 2010 : Poste autrichienne -3%, Deutsche Post -3% et TNT -9%.

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x11

Quel avenir pour le secteur postal ?Etat des lieux

Interview de Thierry Klopp,président directeur général, DHL Global Mail France

z D’où vient DHL ?Créé en 1969, DHL s’est imposécomme une référence dans ledomaine du transport expressinternational en porte-à-porte. En1998, l’intégration de DHL au groupeDeutsche Post a permis de donnernaissance à un leader mondial – 220pays et territoires sont aujourd’huicouverts – du transport, de lalogistique et du courrier grâce auxdifférentes acquisitions – Danzas ouAEI, par exemple – faites par laDeutsche Post.

z Quelle est la stratégie du groupe ?Le groupe Deutsche Post DHL reposesur deux piliers : Deutsche Post,prestataire de services postaux pourl’Allemagne, et DHL, prestataire detransport et logistique pour le monde.La stratégie du groupe, c’est de resterle premier groupe postal en Allemagneet de devenir le leader mondial dutransport et de la logistique. Pour cela, DHL cherche à rendreaccessible chaque destination dumonde, tout en minimisant lescontraintes temporelles, économiqueset écologiques. D’où une recherchepermanente de synergies entre lesdifférentes divisions de l’entreprise :Global Forwarding (le fret maritime etaérien), Freight (le transport routier desemi-lots ou lots complets), SupplyChain (la logistique), Express (letransport express international) etGlobal Mail (les solutions de courrieret de colis postal à l’international).

z Et en France ?En France, le groupe Deutsche PostDHL est présent sur les secteurs dutransport express, de la logistique, dufret et de la distribution postaleinternationale : c'est un acteurimportant du tissu économique avecprès de 11 800 collaborateurs, environ2 milliards d'euros de CA en 2009 etquelques 50 000 entreprises clientes.

z Quel est le métier de votre filialeDHL express ?Elle propose des solutions pour livrerdocuments et colis en express partouten France et dans le monde.Concrètement, tout ce qui est envoyéde France sera livré le lendemain enEurope et sur le continent nordaméricain, et en J+2 sur les autrescontinents, selon les destinations : ilfaut 48 heures pour livrer une piècedétachée sur les principales zoneséconomiques. Aujourd’hui, mêmedans le coin le plus retiré du monde,nous sommes capables d’assurer leslivraisons ou la prise en charge desenvois en deux-roues, en voiture oubateau... voire à dos d’animal, lesmoyens de transport sont illimités !Quant aux produits transportés, ilsvont des réponses à appel d’offres surdes contrats internationaux, autransport de prototype ou de piècesdétachées critiques - qui nécessitent del’urgence et de la fiabilité – voireparfois de l’extrême urgence, commedes robes pour des défilés de mode oudes produits pharmaceutiques…

z Avez-vous été impacté par la criseéconomique, il y a deux ans ? Il y a eu un vrai ralentissement mondialdes échanges mais depuis 12 mois lareprise est bien réelle pour l'activitéglobale de DHL..

z Peut-on dire que l’activité« colis » est un indicateur del’activité économique mondiale ?Sans aucun doute, et c’est d’autantplus vrai dans une économie globaliséetelle que nous la connaissons tousaujourd’hui. w

www.dhl.fr

Deutsche Post DHL : la plus value des synergies

Page 12: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Par Jean-Paul Bailly, président directeur général de La Poste

a troisième directive postale européenne adoptée le20 février 2008 a achevé le processus de libéralisa-tion progressive du marché postal entamé dans lesannées 1990. Après la publication d’un Livre Vert surle développement du marché unique des services

postaux par la Commission européenne en 1992, le Parlement européenet le Conseil se sont engagés sur la voie d’une ouverture à la concurrencedes services postaux, tout en maintenant un service universel ambitieuxpour tous les Européens. L’objectif est de s’assurer, à travers un cadreréglementaire approprié, que tous les citoyens de l’Union européenne puis-sent disposer sur tout le territoire de celle-ci de services postaux effi-caces, fiables et de bonne qualité et ce, à des prix abordables. Troisdirectives ont été adoptées (en 1997, 2002 et 2008), réduisant, jusqu’àle faire disparaître, le « secteur réservé » sur lequel l’opérateur historiqueen charge du service universel était en monopole.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2011, l’activité postale est totalementouverte à la concurrence dans seize pays européens (six d’entre euxavaient ouvert leur marché depuis plus ou moins longtemps) représen-tant 95% du marché postal communautaire. Les onze pays restants del’Union européenne devront supprimer leur secteur réservé, aujourd’huilimité aux envois de correspondance de moins de 50 grammes et dontle prix est inférieur à 2,5 fois le tarif de base, d’ici au 1er janvier 2013.

Un contexte économique et sociétal particulier Toutefois, contrairement à ce que l’on a pu observer dans d’autres

industries de réseaux telles que les télécommunications, les transports oul’énergie, la libéralisation du marché postal se fait dans un contexte écono-mique particulier, très différent de ce qu’il était au moment où la décisionde libéraliser le secteur a été prise. D’une part, les usages du courrier sesont transformés et l’activité postale est aujourd’hui une activité en décrois-

sance : la baisse desflux de correspon-dance, amorcée il y aquelques années, estdevenue une réalitéstructurelle. D’autrepart, la prise de

conscience environnementale affecte directement les opérateurs postaux.Dans ce contexte, comment concilier émergence de la concurrence etpérennité du service universel dans un secteur en décroissance, missionsde service public et engagements responsables ?

La baisse des flux de correspondance, une réalité structurelle

La baisse des flux amorcée au début du 21e siècle connaît une accé-lération préoccupante depuis la crise financière. La croissance épaulée etrégulière, que l’on observe historiquement entre courrier et PIB, estaujourd’hui remise en cause avec la dématérialisation des échanges d’in-

formation, précipitée récemment par le besoin des entreprises de réduireleurs dépenses au plus vite. Et toutes les Postes des pays industrialiséssont unanimes : les baisses de flux dans les cinq prochaines annéesdevraient atteindre 30 % à 40 %. Peut-être plus.

Face à ce phénomène, tous les opérateurs recherchent de nouveauxéquilibres. L’ampleur de la baisse nécessite certes la réadaptation de l’ap-pareil de production, mais pas seulement. Il doit s’agir d’une introspectionplus profonde sur notre métier, sur notre modèle économique. Quels usagespour le courrier de demain ? Comment faire en sorte que les nouvelles tech-nologies ne soient plus concurrentes mais complémentaires ?

La problématique environnementaleLa Poste, comme toute entreprise, fait face à l’accélération de la prise

de conscience collective des problématiques de développement durable.Les entreprises sont de plus en plus soumises à une pression réglemen-taire liée au développement durable. Le secteur postal est en particulierconcerné par une série de législations environnementales touchant auxsecteurs du transport et des bâtiments. Ceci affecte naturellement lesprocessus de production et les stratégies des opérateurs mais égalementquestionne les missions de service public confiées aux opérateurspostaux. L’analyse coûts-bénéfices de ces dernières doit désormais inclureune dimension environnementale. Négliger l’empreinte environnementalede la collecte et de la distribution quotidienne du courrier n’est plus accep-table. A ce titre, La Poste développe des services éco-conçus et éco-trans-portés et réfléchit à une nouvelle offre de courrier plus écologique carnécessitant des moyens de transport moins énergivores.

Les réponses à ces enjeuxSur ses activités traditionnelles, La Poste s’est engagée dans une

démarche d’amélioration permanente de la qualité de service et le déve-loppement d’innovations.

Dès 2003 avec « Cap Qualité Courrier », La Poste a misé sur la qualitépour affronter la concurrence des nouveaux modes de communication enmodernisant son appareil de production, avec l’ambition par exemple defaire du courrier un media privilégié de la relation client.

Plus récemment, La Poste affirme son positionnement dans le mondenumérique en développant son activité sur le web ou en exploitant desdimensions innovantes propres à internet, comme « Digiposte». Mais LaPoste a aussi la volonté de développer de nouvelles activités pour le grandpublic autour des facteurs, acteurs de proximité et de confiance.

La « réinvention » du Courrier passera inévitablement par le respect decette double exigence d’amélioration de la qualité de service et de dyna-misme en termes d’innovation.

La Poste a par ailleurs fait le choix de la diversification, en s’appuyantsur ses missions de service public et en préservant ses valeurs et sonmodèle social. Alors que certains opérateurs postaux ont abandonné leursactivités financières pour se centrer sur leur cœur de métier historique,nous les avons, au contraire, développées, en créant une banque de droit

L

12x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Réinventer La Poste entièrement

Les baisses de flux dans les cinq prochaines annéesdevraient atteindre 30 % à 40 %. Peut-être plus.

Page 13: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

commun, pleinement intégrée à notre activité en 2005. Celle-ci s’ap-puie sur la proximité et les valeurs de transparence et de servicecaractéristiques de La Poste pour développer un positionnementoriginal sur le marché français de la banque de détail.

Les activités de colis et d’express internationales ont égalementété régulièrement étendues, utilisant ainsi dans des marchés encroissance des savoir-faire en matière de gestion de réseaux et delogistique proches de ceux mis en œuvre dans l’activité courrier.

Le nouveau plan stratégique du Groupe « Ambition 2015 »confirme ces orientations en fixant à l’entreprise cinq priorités : la pleineexécution de ses quatre missions de service public réaffirmées par la loidu 9 février 2010, l’atteinte d’une performance durable et responsabledans tous les secteurs,l’amélioration de la qualitéde service, le développe-ment de l’innovation, ledéveloppement d’activitésnouvelles dans la chaîne devaleur des métiers et larecherche de nouveauxmarchés en Europe.

Toutefois, ce tournanthistorique qu’est la libéralisa-tion du secteur postal ne saurait être une réussite, pour le plus grandbénéfice de tous, qu’au travers d’une politique de régulation du secteurpostal appropriée aux circonstances particulières dans lesquelles elle sedéroule. L’ARCEP fait à cet égard face à une tâche délicate : réguler lesecteur postal tout en assurant les meilleures conditions pour la fournituredu service universel dans un contexte baissier.

L’échange régulier entre les opérateurs et l’Autorité sur les dyna-miques de fond du secteur et l’évolution des usages est une desconditions de réussite dans la recherche de cet équilibre. Je meréjouis que cette édition des « Cahiers » y contribue. w

Quel avenir pour le secteur postal ?La stratégie de l’opérateur historique

dans un marché libéralisé

La Poste a la volontéde développer de

nouvelles activitéspour le grand publicautour des facteurs,

acteurs de proximitéet de confiance.

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x13

www.laposte.fr

Page 14: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

14x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Interview de Frédéric Pons,directeur général d’Adrexo

« En France, la concurrence n’existe que

z Adrexo est souventprésenté comme leprincipal challenger de LaPoste. Et vous, commentvous définissez-vous ?Nous sommes en réalité lepremier opérateur postal privéfrançais avec une couverturede tout le territoiremétropolitain. Nous employons23 000 salariés répartis sur 250centres, partout en France.Nous aimons à nous présentercomme des générateurs decontacts car notre activitérepose sur deux métiers quesont la distribution d’imprimés,courriers publicitaires etcatalogues, et le colis livrés àdomicile. Notre première caractéristiqueest d’être une société deservice. Notre cultured’entreprise est donctotalement imprégnée de cettevocation de servir aussi bien lesentreprises que leconsommateur final et noussommes le point de contact, lelien, entre les deux.Ce service est rendu par desfemmes et des hommes carnous sommes, et c’est sansdoute notre deuxièmecaractéristique majeure, unesociété à forte intensité demain d’œuvre. Notredéveloppement est doncdirectement générateurd’emplois, non-délocalisableset de proximité.Le troisième pilier, corollairedes deux premiers, c’estl’insertion. Chez Adrexo,l’insertion n’est pas uneincantation mais une réalitéquotidienne car lescollaborateurs que nousrecrutons sont, le plus souvent,sans formation, en recherche

d’insertion professionnelle,voire en difficulté. Pour cesderniers, faire un métier deservice postal va beaucoup plusloin qu’assurer une simplefonction économique : celaleur confère un rôle toutparticulier de création etd’entretien du lien social.

z Le marché du courriers’est ouvert à laconcurrence au 1er

janvier 2011. SansAdrexo. Pourquoi ?Ce n’est pas de gaîté decœur que nous avonsrenoncé à opérer sur lemarché du courrier de moinsde 50 grammes… D’autantplus que nous étions prêts àvenir sur ce secteur etavions, dans nos cartons, desoffres innovantes qui auraientsans doute dynamisé uneactivité qui en avait bienbesoin… C’est le manque de sécuritéjuridique relatif à la nouvelleorganisation du marché quinous a fait renoncer,notamment le caractère nondéfinitif et imprécis des règlesde contribution des acteursalternatifs au fonds decompensation du serviceuniversel. Sans certitude sur cepoint, il est, vous enconviendrez, impossibled’élaborer un plan d’affairessérieux et crédible. Regardez cequi s’est passé dans le secteurde l’électricité : six annéesaprès l’ouverture du marché,les conditions tarifairesimposées par EDF à sesconcurrents font qu’ilscontinuent de vendre à perte,faute de définition de règlesprécises au moment de la

libéralisation du marché.Cependant, notre activité dedistribution de courrier adressé« lourd », comme les annuairesou les catalogues, avec neufmillions de plis distribués en2010, nous place clairementcomme le premier opérateuralternatif courrier en France.L’absence de concurrence surle courrier de moins de 50grammes est une mauvaise

nouvelle pour lesconsommateurs, pour lesentreprises, mais aussi etsurtout, pour La Poste elle-même car elle ne sera passtimulée sur son marchédomestique et sera donc moinsapte à innover et à sedévelopper à l’étranger. L’offre courrier actuelle ne peutêtre qu’en déclin car elle nes’est pas suffisammentrenouvelée. La concurrence surce segment de services postauxaurait de toute évidencecontribué, comme c’est le caspartout où il y a de laconcurrence, à l’arrivée d’offresinnovantes qui seraient venuesbousculer le marché comme,par exemple, des offresassociant l’impressionnumérique à l’internet. Pourpreuve, dans le domaine ducolis, c’est Adrexo qui ainventé, et imposé au marché,

le colis tracé et la livraison àdomicile ou dans des relais deproximité.

z Quels sont vos axes dedéveloppement ? Nous sommes aujourd’hui bienpositionnés sur les deuxsecteurs très porteurs que sontla distribution d’impriméspublicitaires, catalogues etannuaires en boites aux lettres,

et le colis livré à domicile.Sur le marché du colis, noussommes devenus le premierconcurrent de l’opérateurhistorique et avons l’ambitiond’atteindre 20% de part demarché rapidement. Endécembre 2010, nous avonsd'ailleurs battu tous nosrecords avec la distribution deprès de 100 000 colis par jour.L’accord de partenariat signéavec TNT Express devrait nouspermettre de renforcer notreposition et de dépasser nosobjectifs.Notre autre activité, ladistribution en boîtes à lettresde journaux et magazinesgratuits, catalogues, annuaires,ainsi que d’impriméspublicitaires est, elle aussi, enpleine croissance, poussée toutà la fois par une demandesoutenue d’annonceurs qui ontconstaté les performances de

L’absence de concurrence sur le courrier de moinsde 50 gr est une mauvaise nouvelle pour les

consommateurs, pour les entreprises, mais aussipour La Poste qui ne sera pas stimulée sur sonmarché domestique et sera donc moins apte à

innover et à se développer à l’étranger.

Page 15: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x15

z Comment voyez-vous lemarché français ?La taille du marché nousimpressionne chaque jour unpeu plus depuis 20 ansd’activité ! Il manquemalheureusement encore, enFrance, l’environnementrèglementaire favorable pourque s’expriment plus deprojets. L’esprit entrepreneurialest bridé. Et pourtant, lesecteur postal estpassionnant ; il fait appel à denombreuses disciplines : latechnologie EDI, indispensableà nos exploitations comme ànos clients, l’impressionnantelogistique humaine et

matérielle indispensable pourenlever, trier, transporter paravion ou par route des plis de20g, des colis, des mailingspartout dans le monde ; enfin,la discipline qui consiste, pourune PME française, à offrir uneprestation de service innovanteet fiable, alors quel’organisation mondiale de ladistribution reste entre lesmains d’anciennesadministrations. L’exercice nemanque pas de piquant !

z Quels sont vosopportunités de croissance ?Le métier d’IMX, trèsinternational, présente

quelques opportunités produitcomme le colis qui surfe sur lesuccès du e-commerce. Leréseau postal mondial offre lesservices de plus de 2 millionsde facteurs ! Ceux d’entrenous qui sont capablesd’accéder, dans de bonnesconditions, à ces 2 millions desalariés dans le monde

gagneront leurlégitimité. Pour cela,l’existence physiquede notre centreopérationnelinternational dePantin est unecondition sine qua

non du succès. Pour Presstissimo, en national,les opportunités de croissancesont à l’évidence réelles maisl’opérateur historique conserveune avance acquise depuismaintenant plusieurs siècles !Alors, s’intégrer dans lepaysage, même s’il est vaste,prendra encore beaucoup detemps !Chez IMX, nous sommesrésolument optimistes etpensons que l’immobilismeengendré par l’ex monopolen’est pas une fatalité ! Larencontre « client-entrepreneur» présage debelles perspectives au secteurpostal. w

www.imxpostal.fr

L’esprit entrepreneurialest bridé. Pourtant, le secteur postal estpassionnant !

dans la loi »ce media et par le caractèreinnovant de nos offres. Parmi cesdernières, je voudrais citerAdrexo Print, une offre clé enmain, économique et écologique,qui combine de façon intelligentela conception, l’impression et ladistribution ciblée en boîtes auxlettres d’imprimés publicitaires etde catalogues. Egalement,Adrexo Link, que nous aimonsprésenter comme le premiermedia français avec la capacitéde toucher 21 millions de foyersen une seule campagne. En effet,c’est un véritable « espace médiapremium », pensé à l’attentiondes annonceurs et desconsommateurs, prenant laforme d’une « sur couverture »de 4 pages recouvrant lesprospectus distribués en boîtesaux lettres avec un contenuéditorial à la carte étudié pourfavoriser la prise en main et lacirculation au sein du foyer.

z Qu’attendez-vous del’ARCEP et des pouvoirspublics ?En matière de services postaux,force est de constater que la

mission de l’ARCEP est moinsdécisive qu’en matière detélécommunications. Parler derégulation sur un marché quin’en est pas véritablement un,faute de concurrence, n’a eneffet pas beaucoup de sens… En son temps, l’ouverture dumarché des télécommunications

avait été ressentie comme unefête par les consommateurs, quiont d’abord vu les prix fondrecomme neige au soleil, puisarriver de nombreuses etdécisives innovations, tanttechnologiques quecommerciales, principalementdues à l’inventivité et à l’audaced’acteurs alternatifs. Ces derniersavaient d’ailleurs été nombreux àvenir concurrencer l’opérateurhistorique dont même leprésident directeur général del’époque, Michel Bon, déclaraiten 1998 : « La concurrence, c’estbon pour le marché, mais c’estaussi bon pour nous car nosconcurrents vont nous aider àfaire grossir un gâteau dont nousgarderons la plus grosse part ».Aujourd’hui, l’ambiance n’estpas vraiment la même dans lesecteur postal ! De touteévidence, tout a été fait pourque le marché du courrier restemonopolistique.Si donc j’avais une attente vis-à-vis des pouvoirs publics, elleserait un changement de postureradicale au regard de laconcurrence et une prise de

conscience quecette dernière estle seul et le vraimoteur del’industrialisation,de l’innovation etde l’emploi. Car,ne l’oublions pas,en France, dans ledomaine des

services postaux comme dans detrop nombreux autres secteurs, laconcurrence n’existe que dans laloi afin de satisfaire auxobligations communautaires etreste ainsi l’alibi des monopoleset la bonne conscience de l’Etat.w

www.adrexo.fr

En matière de services postaux,force est de constater que lamission de l’ARCEP est moinsdécisive qu’en matière detélécommunications.

Interview de Denis Cayet,directeur général d’IMX France

Quel avenir pour le secteur postal ?La vision des opérateurs alternatifs

« Nous sommes optimistes, l’immobilismen’est pas une fatalité ! »

Page 16: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

a crise économique, l'ouverture à la concurrence etsurtout l'utilisation croissante du numérique ont unimpact fort, à la fois sur l’équilibre économique desopérateurs postaux mais aussi sur le comportementdes consommateurs. Quels sont aujourd’hui les

besoins des utilisateurs de services postaux ? Qui sont-ils et commentévoluent leurs pratiques ? Comment voient-ils le service prioritaire en J+1 ?Quels sont leur connaissance et leur degré de satisfaction du service actuelet quels sont les aspects auxquels ils sont le plus attachés ?

Telles sont les questions auxquelles l’ARCEP et la DGCIS ont essayé detrouver une réponse au travers de deux enquêtes (1) commandées aucabinet London Economics et réunies dans une étude sur les pratiques etles besoins socio-économiques des utilisateurs concernant la qualité et lafourniture d’un service postal prioritaire. Cette étude donne des pistes inté-ressantes au régulateur qui doit veiller à ce que les consommateurs conti-nuent à bénéficier de services postaux adaptés à leurs besoins et dequalité, grâce à un service universel moderne.

Des services postaux adaptés aux besoinsTout d’abord, il apparaît que les services postaux restent importants et

pertinents malgré l’avènement de l’ère numérique. Une majorité d’entre-prises interrogées indique que le bon fonctionnement des services postauxest important pour leur activité économique, appréciation partagée par lesreprésentants de nombreux secteurs (juridique, immobilier, transports,associations), ainsi que par les PME de 20 à 49 salariés.

Une méconnaissance de la lettre économiqueLes consommateurs n’ont généralement pas une connaissance précise

des offres et tarifs pour l’envoi de leurs lettres. Seuls 29% des ménages et34% des entreprises connaissent le prix de la lettre normale(2) (prioritaire).Par ailleurs, un tiers des ménages - et un cinquième des entreprises - neconnaissent pas la lettre économique, surtout chez les plus de 65 ans, lespersonnes au foyer et les petites entreprises. Enfin, ceux qui déclarentconnaître la lettre économique ont souvent une perception erronée de sonprix. En effet, seuls 19% des ménages et 18% des entreprises en connais-sent le prix.

Plus la distance est longue, moins le délai est primordialLe besoin d’un service prioritaire (J+1) ne semble qu’occasionnel :

seuls 20% des ménages et 28% des entreprises indiquent que leur lettredoit toujours arriver le lendemain. Les consommateurs ne s’attendent pasnon plus à un service J+1 lointain (hors de la région) et indiquent que plusla distance est longue, moins il est besoin que la lettre arrive le lendemain.Les consommateurs n’associent d’ailleurs pas forcément lettre normale etJ+1. Le délai d’acheminement ressenti tourne autour de 2,3 jours pour lalettre prioritaire quand le délai mesuré est plutôt de 1,2 jour. Ce décalagepeut s’expliquer par l’heure limite de levée du courrier qui ne serait pasconforme aux besoins et à l’idée que s’en font les utilisateurs.

2/3 des entreprises n’utilisent que la lettre normalePrès des ¾ des ménages et plus des 2/3 des entreprises n’utilisent que

la lettre normale, et non pas la lettre économique. Le consommateur aurait-il recours à un produit plus coûteux faute d’une bonne connaissance d’unproduit plus adapté à ses besoins ? Le doute est permis même si les répon-dants déclarent utiliser la lettre normale pour ses délais plus courts.

Une forte majorité (près de ¾) est satisfaite ou très satisfaite durapport qualité-prix de la lettre normale mais seulement un tiers (surtoutparmi les entreprises) se satisfait du rapport qualité-prix de la lettre recom-mandée (34%) et du Colissimo (42%). La satisfaction des besoins liés auxenvois en recommandés ou de marchandises doivent donc constituer unpoint de vigilance pour le régulateur.

Rejet d'une hausse de prix de la lettre normaleEnfin, une partie importante de l’étude porte sur les aspects les plus

importants du service universel postal pour les consommateurs. Les utilisateurs rejettent à une forte majorité une hausse de prix de la

lettre normale, même en contrepartie d’un délai plus fiable en J+1 oud’une heure limite de dépôt retardée de deux heures.

Les 2/3 des utilisateurs (65 à 68%) acceptent une réduction de prixde la lettre normale (de 58 à 48 centimes dans les scénarii proposés)assortie d’un délai de distribution ‘à deux niveaux’ : J+1 régional et J+2hors région. De même, les consommateurs soutiendraient assez forte-ment un scénario de livraison 5 jours sur 6 (au lieu de 6 jours sur 7aujourd’hui), impliquant lui aussi une baisse de prix.

Les consommateurs sont aussi tentés par la combinaison d’une heurelimite de dépôt retardée de deux heures en contrepartie d’un service prio-ritaire à deux niveaux (J+1 régional et J+2 hors région). Enfin, la moitiédes consommateurs opterait pour un délai de distribution plus fiable enJ+1 (84,7% aujourd’hui) en contrepartie d’une livraison 5 jours sur 7.

En conclusion, les consommateurs sont sensibles au prix et auxheures limites de dépôt mais le sont moins au délai de distribution. Ils necherchent pas un délai plus fiable en J+1 mais, par contre, sembleraientprêts à renoncer à un service J+1 lointain pour payer moins cher. w

(1) La première enquête à laquelle ont participé 1 317 ménages et 504 établisse-ments portait sur les besoins, attentes et priorités des usagers, tandis que la se-conde, réalisée sur 1 353 ménages et 500 établissements, s’intéressait àl’évaluation, par les usagers, du rapport prix-qualité de différents produits postaux.

(2) Lettre normale : formulation retenue dans le cadre de cette étude pour parler dela lettre prioritaire (la plus rapide).

Coûts, qualité et délais : les besoinsdes consommateurs postaux

L

Délai de distribution des lettres économique, normale et recommandée et du Colissimo selon les participants à l’enquête

16x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Plus de 2 jours qu’objectif

2 jours de plus qu’objectif

1 jour de plus qu’objectif

Objectif

1 jour de moins qu’objectif

2 jours de moins qu’objectif

Plus de 2 jours de moins qu’objectif

Moyenne

Page 17: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

e marché des objets adressés (objets distribués enFrance et à l’export) s’est élevé à 13,7 milliardsd’euros et à 19,4 milliards d’objets en 2009. Lemarché des objets domestiques (plis et colis natio-naux et importés) représente plus de 95% de l’en-

semble des objets adressés, en volume comme en valeur.

Les envois de correspondance ont fortement fléchi en 2009

Les envois de correspondance représentent plus de 8 objets sur 10distribués en France, soit 15,3 milliards d’objets en 2009. Le nombrede ces plis a diminué plus fortement qu’en 2008 (-5,0% en 2009contre -2,8% en 2008), notamment en raison du reflux plus impor-tant du nombre d’envois de publicité adressée (- 6,6% en 2009contre - 1,3% en 2008). Les envois de publicité adressée représen-tent environ 30% du nombre total d’envois de correspondance. Lesautres envois de correspondance (courrier de gestion, comme lesfactures ou les relevés de compte, et lettres des particuliers), dimi-nuent à peu près au même rythme depuis deux ans (-3,4% en 2008,-4,3% en 2009), et s’établissent en 2009 à 10,9 milliards d’objets.

En valeur, la tendance observée en 2009 est la même qu’envolume : le revenu généré par l’ensemble des envois de correspon-dance s’élève à 7,8 milliards d’euros, en baisse de 5,7%. Le revenuprovenant des envois de publicité adressée a fortement diminué en2009 (-9,5% sur un an), alors qu’il était stable les deux années précé-dentes. Le changement de gamme de produits de la part des clientsexpéditeurs peut expliquer en partie ce fléchissement significatif.

En 2010, la tendance à la baisse des volumes devrait persister,mais le recul devrait être moins important qu’en 2009, retrouvant leniveau observé en 2008, notamment en raison de la moindre diminu-tion des flux de publicité adressée.

Le marché des petits colis marque une pause en 2009

En 2009, les volumes de colis distribués en France représentaientenviron 700 millions d’objets et généraient un revenu de 3,8 milliardsd’euros. Les colis hors express (qui incluent les colis ordinaires et lescolis remis contre signature, généralement envoyés dans un délai de2 à 5 jours) ont légèrement diminué en 2009, passant de 380 à 370millions d’objets environ. Le revenu issu de la distribution de ces colis(1,6 milliard d’euros en 2009) est stable, alors qu’il avait connu uneaugmentation en 2008 (+2,9%).

Le nombre de colis express (1) (colis dont le délai d’acheminementest inférieur ou égal à un jour) a, quant à lui, augmenté (+1,6%), grâceau fort accroissement du volume de colis express importés (+10,7%par rapport à 2008). En revanche, le nombre de colis expédiés enexpress sur le territoire national a diminué pour la première fois depuis2004 (-1,6%).

Le revenu provenant de l’envoi de petits colis en express s’élève en2009 à 2,2 milliards d’euros et a lui aussi diminué en 2009, de -4,3%en un an, alors qu’il augmentait depuis 2005, à un rythme d’environ5% par an.

Pour l’année 2010, le volume total de colis ne devrait pas subir lemême recul qu’en 2009, notamment en raison de l’accroissement dunombre de colis express. D’après l’enquête messagerie du ministèrede l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aména-gement du territoire (2), sur les trois premiers trimestres de 2010, levolume de colis nationaux express a augmenté de 4,6% (contre unediminution de 2,5% sur la même période en 2009), et le volume decolis importés s’accroît de 14,7% (contre 9,1% d’augmentation en2009).

La croissance du portage de presse se poursuitEn 2009, le nombre de journaux et magazines distribués en

France à des abonnés s’élève à 2,6 milliards d’objets, soit un recul de2,5% sur un an. Cette baisse fait suite à plusieurs années de repli(2,8 milliards de journaux étaient concernés en 2005).

Les volumes de presse distribués par voie postale diminuentdepuis 2005 au rythme de 3,5% en moyenne par an. Avec 1,6milliard d’objets, la presse distribuée par circuit postal se contractede 5,1% en 2009 par rapport à 2008. Le revenu provenant de ladiffusion de la presse payante distribuée par voie postale s’élève à460 millions d’euros en 2009 et diminue moins fortement que letrafic (-1,2% en revenu pour -5,1% en volume). La baisse du volumedevrait se poursuivre en 2010, sensiblement au même rythme qu’en2009.

En revanche, le volume de presse par portage (3) s’accroît chaqueannée de près de 2% en moyenne par an. En 2009, le nombre de jour-naux et magasines distribués par portage progresse de 1,8% mais nerassemble que 40% du volume total de la presse par abonnement. w

(1) Estimation d’après le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, La messagerie au quatrième trimestre 2009, Chiffres et statistiques n°103, mars 2010.

(2) La messagerie au troisième trimestre 2010, Chiffres et statistiques n°178, décembre 2010.

(3) 20ème Observatoire de la Presse, OJD, 2010. L’OJD est l’association françaisequi certifie la diffusion, la distribution et le dénombrement des journaux, pério-diques, sites web, et de tout autre support de publicité.

Le marché des objets postaux en France : évolutions 2009 et tendances 2010

LRevenu et volume

de colis distribués en France

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x17

Quel avenir pour le secteur postal ?Les principaux chiffres du secteur

Volume de colis express

Revenus des colis express

Volume de colis hors express

Revenus des colis hors express

Page 18: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

e secteur postal connait actuellement des évolutionsimportantes. Depuis le 1er janvier 2011, il n’y a plus desecteur réservé dans les principaux marchés del’Union européenne, ce qui constitue une étape impor-tante vers l’ouverture totale à la concurrence dans le

secteur postal européen. Mais ce pas décisif a été éclipsé par la chutecontinue des volumes en raison de la concurrence d’internet. Ainsi, l’opéra-teur américain US Postal Service a vu ses volumes de courrier chuter defaçon spectaculaire, passant de 213 milliards d’objets en 2006 (ce quiconstituait un pic) à 170 milliards en 2010, soit une réduction de 20 %. LaPoste française a, quant à elle, vu ses volumes diminuer de 18,8 à 17,4milliards d’objets entre 2006 et 2009, et une nouvelle baisse importante estanticipée entre 2010 et 2015. Dans ce contexte, les opérateurs postaux etles autorités de régulation réexaminent le champ du serviceuniversel, tant en termes de coûts qu’en tant que levier pour lesmissions traditionnelles de service public, notamment l’aména-gement du territoire.

Des coûts fixes importantsLe service universel comprend la fourniture de services postaux en tous

points du territoire à un tarif uniforme et abordable, ainsi qu’une densitédéfinie de points de contact postaux. Les conditions du service universelsont ainsi naturellement génératrices de coûts fixes importants. La chutedes volumes du courrier traditionnel est donc particulièrement préoccu-pante pour les opérateurs postaux prestataires du service universel. Leproblème ne peut être résolu comme il l’a été dans les télécommunications,où les opérateurs sont entrés sur les marchés du haut débit et de la télé-phonie mobile, dont la forte expansion était à même de compenser lespertes dans la téléphonie traditionnelle. Pour les opérateurs postaux, les

difficultés à venir semblent plusgrandes. Les solutions envisagea-bles pour freiner le déclin du cour-rier et rester viables peuventpasser par un renforcement de ladémarche commerciale, par ledéveloppement de produits inno-vants, par la transformation mana-gériale, par la recherche denouveaux relais de croissance

(courrier hybride, logistique urbaine, services financiers…), ou encore par laredéfinition du périmètre du service universel. Toute perspective d’évolutiondu service universel conduit donc naturellement à une appréciation de soncoût et des avantages qu’il procure à l’opérateur qui le fournit.

Quelle méthodologie utiliser ?Il existe une abondante littérature économique sur le coût du service

universel postal (1). La méthodologie faisant autorité pour mesurer ce coûtest l’« approche en termes de profitabilité » développée presque simultané-

ment il y a dix ans par Helmuth Cremer (cf article page suivante) et JohnPanzar qui sont tous deux des économistes industriels de renom. Seloncette approche, le coût du service universel devrait être évalué à travers laréduction de profit qu’induit pour le prestataire du service universel la four-niture dudit service, par comparaison avec le profit qui serait engrangé siaucune contrainte de service universel ne lui était imposée. A première vue,cette méthodologie apparaît simple et à même de fournir une base decomparaison utile. Mais dans les faits, il est très difficile de calculer le coûtdu service universel de cette manière. En effet, un grand nombre defacteurs sont susceptibles de changer si le périmètre du service universelest modifié. Notamment la demande des consommateurs, le comportementdes concurrents potentiels ou encore l’action des régulateurs. Ainsi, la déter-mination du profit des opérateurs postaux suite à une modification de

certains aspects du service universel (par exemple, la réduction de lafréquence de distribution de 6 à 5 jours par semaine, ou la diminution ducritère de densité du réseau des points de contact) amène à des résultatspeu fiables. C’est pourquoi différentes méthodologies plus rudimentairescontinuent d’être utilisées. Elles comprennent notamment l’évaluation despertes réalisées sur les tournées non rentables, ou la modélisation deséconomies qui résulteraient de changements spécifiques dans les missionsde service universel (tels par exemple la réduction du nombre de jours dedistribution ou de la densité de points de contact).

La valeur économique du service universelLe corollaire du coût du service universel est sa valeur économique pour

les consommateurs. La mesure la plus aisée de cette valeur est la dispositionà payer des utilisateurs pour les différents attributs du service universel(fréquence de distribution, proximité des boîtes de collecte, densité des pointsde contact…). Les méthodes d’évaluation de la valeur des biens et servicesdans des conditions de marché sont clairement définies en sciences écono-miques comme en marketing. L’approche la plus commune repose sur uneévaluation des fonctions de la demande sur la base du prix et des caractéris-tiques du produit en utilisant l’observation directe et des données d’enquête.

Dans les deux cas, la représentation de la demande à l’aide d’une fonc-tion de prix P et des attributs du produit A traduit un trade off indiquant lemontant que les consommateurs d’un bien ou d’un service particulier sontprêts à payer pour différents changements des attributs du bien en ques-tion. Ce type de trade off n’est pas utile que pour évaluer le coût du serviceuniversel, mais apporte également des informations importantes sur lespréférences des consommateurs, qui peuvent être utilisées pour définir etcommercialiser de nouveaux produits(2).

••• / Suite p. 22

L

18x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

La chute des volumes due à la concurrence d’internetest le défi le plus important que les opérateurspostaux ont eu à faire face dans leur histoire.

La rédéfinition du périmètre du serviceuniversel est l’une dessolutions envisageablespour freiner le déclin du courrier.

Les coûts et les bénéficesdu service universel postal

Par Paul Kleindorfer,professeur titulaire de la chaire de développement durable Paul Dubrule à l’INSEADmembre du comité de prospective de l’ARCEP

Page 19: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

n France, le code des postes et des communica-tions électroniques (CPCE), modifié successive-ment par les lois relatives aux activités postales du20 mai 2005 et du 9 février 2010, précise lescontours du service universel postal du point de vue

des obligations afférentes, de son contenu et de l’identité du prestatairedésigné pour l’assurer. En sus des obligations auxquelles sont soumisles opérateurs de services postaux, le prestataire du service universelpostal est soumis à des obligations particulières, notamment :• la levée et la distribution des envois postaux assurées tous les jours

ouvrables ;• l’encadrement tarifaire et la péréquation géographique des tarifs ;• l’accessibilité des points de contact pour le grand public (1).

Selon l’article L1 du CPCE, « le service universel postal comprenddes offres de services nationaux et transfrontières d’envois postauxd’un poids inférieur ou égal à 2 kilogrammes, de colis postaux jusqu’à20 kilogrammes, d’envois recommandés et d’envois à valeurdéclarée». La Poste est le prestataire de service universel pourquinze ans à partir du 1er janvier 2011. Elle établit et tient à jour laliste précise des produits et services relevant du service universel.L’examen du catalogue des offres commerciales de La Poste relevantdu service universel montre que la majorité des produits et servicesdu courrier entre dans le périmètre du service universel. Seulscertains services à valeur ajoutée et/ou sur mesure (par exemple lesuivi des envois ou la remise précoce), les services hybrides, incluantune part de dématérialisation (par exemple la lettre recommandéeélectronique) et les prestations de services rendues par les facteurs

(par exemple le relevage des compteurs de gaz) en sont exclus. Pour ce qui concerne les prestations du colis, seul le service

d’envoi des Colissimo suivis et recommandés (hors emballagesColissimo) commercialisés aux guichets grand public sont concernés.Au final, seule une faible part des prestations du colis relève duservice universel postal.

Le constat : baisse des volumes et des revenusEntre 2005 et 2009, l’évolution des volumes et revenus des pres-

tations du service universel postal a suivi celle du marché du courrieren France avec un phénomène net d’attrition du marché à partir de2007 : baisse de 7% des volumeset recettes entre 2007 et 2009 (cf.graphique). Cette tendance estconforme à celle observée enEurope. Aujourd’hui, La Poste tablesur une baisse des volumes ducourrier de 5% de baisse par an enmoyenne jusqu’en 2015.

L’attrition du marché du courrierinduit mécaniquement une haussedes coûts unitaires du serviceuniversel postal. En effet, indiquésdans la consultation de l’ARCEP dejanvier 2010 sur les règles compta-bles de La Poste et la synthèse desréponses d’avril 2010, les coûts de distribution postale sont majoritai-

rement composés de coûts fixes liés au temps de parcoursdu facteur. La baisse des trafics distribués ne permet, enmoyenne, qu’une faible réduction de ce temps de parcours.En outre, la contrainte d’accessibilité des points de contact

est liée à des critères de temps et de distance et n’est pasdirectement sensible aux baisses de volumes constatées.La rigidité des coûts face à une baisse des volumes induitdonc une augmentation des coûts unitaires.

Repenser la question du périmètreLe service universel postal est composé de produits

dont la demande décline, que ce soit la demande desgros émetteurs de courrier (banques, facturiers, vente àdistance) qui assurent plus de 70% des volumes, maisaussi la demande des petits consommateurs (profes-sionnels ou particuliers). En toile de fond se tisse ladématérialisation des relations clients ou personnellesqui accélère la baisse des flux du courrier.

••• / Suite p. 22

E

Le service universelpostal va-t-il imploseren volume et exploser en coût ?

Par Laurent Benzoni, professeur à la Sorbonne Universités, associé TERA Consultants

et Olivier Salesse, directeur, TERA Consultants

Quel avenir pour le secteur postal ?Le service universel

Evolution des volumes et des revenus des correspondancesen France entre 2005 et 2009

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x19

Source : ARCEP, observatoire annuel 2009 des activités postales en France

Une réflexions'impose sur le

périmètre duservice universel

postal qui intègrela mutation de

l'offre et de lademande de

services decourrier.

Page 20: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

es dernières années, de nombreux pronosticsalarmistes sont véhiculés concernant l'avenir dusecteur postal. Il est vrai qu’au regard des effetscumulés de la crise économique et de la con-currence des médias électroniques, les perspec-

tives de ce secteur peuvent paraître bien sombres. On pourrait mêmese demander si rentabilité et activité postale « traditionnelle » (c'est-à-dire basée sur du courrier matérialisé) pourront être conciliées dans lesprochaines décennies. Ce pessimisme ambiant ne doit cependant pasempêcher les opérateurs postaux et les régulateurs de tout mettre enœuvre afin de répondre aux besoins des clients et d’assurer la péren-nité du service public postal. Avec ou sans ces contraintes, l'avenir dusecteur exige en effet la mise en place d'une gestion efficace et d'uneréglementation capable de concilier l'intérêt des consommateurs et lapérennité financière du ou des opérateurs.

Pour un opérateur postal, une vision purementfinancière de la rentabilité est inadaptée

Avant d'approfondir ces aspects, le spécialiste d'économie publiquese doit de faire une remarque sur la mesure de la performance d'uneentreprise, publique ou privée, qui remplit des missions de service

public. Ces obligationsrendent en effet ambigule concept de « rentabi-lité » car une visionpurement financière dela rentabilité est ina -daptée. Pour une entre-prise privée, la ren ta bilitéfinancière reflète enprincipe fidèlement saperformance puisqu’ellen’est élevée que si l'en-treprise satisfait les

besoins de ses consommateurs de façon efficace. Rentabilité finan-cière et rentabilité sociale coïncident donc parfaitement.

Le cas d'un opérateur postal est plus compliqué car leservice universel génère des avantages sociaux. En particulier,il réalise une redistribution des clients à faible coût vers ceuxqui présentent un coût élevé. Nous qualifions ce bénéfice de«social » car il n'est pas internalisé dans les prix ou dans leprofit de l’opérateur. L'évaluation exacte de ce bénéfice social est unexercice compliqué. Cependant, le fait que les législateurs européenset nationaux imposent des obligations de service universel montre qu'ilsestiment que ce type de service procure un bénéfice social suffisam-ment significatif pour justifier l’entrave au libre jeu de la concurrencequ’il implique. En nous limitant à une performance en termes de renta-

bilité financière, nous négligeons ces bénéfices alors même que leurscoûts sont intégrés et réduisent donc la rentabilité annoncée; unedouble peine, pleine de perversité, à laquelle on ne peut remédier qu'àtravers la mise en place d’un mécanisme de compensation spécifique.Nous sommes donc ici en présence d'une mesure biaisée qui tend àsous estimer les bénéfices sociaux. La performance d'un opérateur deservice universel ne doit ainsi pas être appréciée par le seul critère derentabilité financière.

Cette distinction entre rentabilité sociale et rentabilité finan-cière est souvent négligée alors même que les opérateurspostaux subissent de plus en plus de pressions pour qu'ils privi-légient leur rentabilité financière.

Parmi les facteurs interdépendants pouvant expliquer ce phéno-mène, beaucoup sont liés au contexte réglementaire. Il y a d'abord laprivatisation, effective ou envisagée, ou simplement le changement destatut qui devrait permettre à l'entreprise de faire appel à des capitauxprivés. Ceci n'est possible que si l'opérateur offre à ses investisseursdes perspectives de rendements financiers suffisamment attractives.L'ouverture à la concurrence constitue un deuxième facteur. La pres-sion concurrentielle réduit les possibilités de profit et la recherche d'ef-ficacité est un impératif pour l'opérateur qui veut assurer sa survie. Ceteffet est d'autant plus significatif que l'opérateur est soumis à des obli-gations de service universel contraignantes et qu'il n'y a pas de méca-nisme assurant une compensation adéquate des surcoûts liés à cetteobligation. En troisième lieu, et plus généralement, il y a la perspectived'une baisse des flux d'activité. A cet égard, la menace qui plane surles opérateurs semble émaner moins des concurrents strictementpostaux que de la concurrence provenant d'autres moyens de commu-nication. Enfin, n’oublions pas qu’en vertu de la législation européennesur les aides d'Etat, les opérateurs peuvent en cas de difficultés demoins en moins compter sur des mesures de sauvetage de la part despouvoirs publics.

Un défi pour l’opérateur : faire preuve d’innovationCes différents effets constituent un défi plutôt qu’une fatalité. Le défi

s’adresse tant à l’opérateur qu’au régulateur. L’opérateur doit fairepreuve d’innovation et de créativité pour assurer un service efficace (aumoindre coût) qui réponde aux besoins des clients. En particulier, l’obli-gation de subventionner certains segments de la clientèle ne doit pasempêcher l’opérateur d’être par ailleurs géré comme une entreprisecommerciale. En effet, un opérateur inefficace ne pourra pas survivredans un monde concurrentiel et ce serait alors la fin du service public.Le potentiel d’innovations technologiques est sans doute limité ; c’est làune des principales différences entre le secteur de la poste et celui destélécommunications. Cependant, du côté des produits, les possibilitéssont beaucoup plus riches. Même s'il n’existe pas de formule miracle enmatière de conception de produits postaux, il est clair que cet aspect

Par Helmuth Cremer, Professeur d'économie à l’IDEI, à Toulouse School of Economics (TSE)

Comment concilier rentabilité et

C

20x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

L'avenir du secteur exigela mise en place d'unegestion efficace et d'uneréglementation capablede concilier l'intérêt desconsommateurs et lapérennité financière desopérateurs.

Dossier

Page 21: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

mérite d’être approfondi. Il faut adapter la gamme des produits auxbesoins des clients; ce qui dans le cadre administré des bonnes vieillesPTT n’a pas toujours été fait. Plus important encore, la demande évolueface à la concurrence des autres médias. La stratégie de communica-tion des entreprises vers les ménages est en pleine mutation et s’appuiesur différents médias; il faut donc trouver la place des produits postauxdans la panoplie de ces moyens de communication.

Une régulation bien conçue : un impératif crucialUne régulation bien conçue constitue un autre impératif

crucial face à ce défi. Plusieurs aspects doivent être considérés.Tout d’abord, la compatibilité entre la concurrence et l'obliga-tion de service universel aussi bien que les incertitudes liées àl’évolution de la demande exigent que l’opérateur historique sevoie accorder une certaine flexibilité pour déterminer la struc-ture de sa tarification, y compris celle du courrier préparé.

Un price-cap global qui spécifierait le niveau (moyen) de tous les prix,tout en laissant une certaine flexibilité pour déterminer la structure enfonction des conditions du marché, devrait être préféré à des schémasplus rigides fondés sur de multiples sous-paniers (ou la réglementationde chaque tarif individuel). La réglementation par price-cap est uneforme extrême de la réglementation incitative qui donne à l'opérateurdes incitations très puissantes en matière de réduction des coûts. Lesystème est également censé réduire l'ingérence politique dans la fixa-tion des prix spécifiques ; cette flexibilité devrait ainsi permettre auxopérateurs historiques d'adopter une gestion plus commerciale. Bienque leur prix moyen soit plafonné par la réglementation, les opérateurspeuvent ajuster les prix relatifs de leurs différents produits afin qu’ilsreflètent non seulement leurs coûts, mais aussi l'élasticité de lademande, les complémentarités entre les segments et/ou la pressionconcurrentielle.

Cette forme de réglementation n’empêche pas que le régulateuraccorde une importance particulière à certains produits et/ousegments de la clientèle. Cependant, ce genre de considérations peuts’intégrer dans un price-cap global en adoptant une formule qui pondère

les produits defaçon appropriéeen donnant plusde poids aux bienspour lesquels lerégulateur veut voirles prix augmenter

moins fortement que la moyenne. En d’autres termes, si l’objectif est deprotéger certains groupes de clients, il n’est pas nécessaire d’adopterdes sous-paniers. Par ailleurs, quand l'évolution de la demande estincertaine, créer des sous-paniers peut conduire à des inefficacités. Eneffet, cela consiste à imposer des contraintes ex ante qui resteront

figées pour la durée d'application du price-cap, donc à empêcher l’opé-rateur d’adapter ex post sa structure de prix à la demande.

Le deuxième pilier réglementaire est la définition du champ de l'obli-gation de service universel. Du point de vue du bien-être social, définirl'amplitude optimale du service universel, y compris au niveau de laqualité de service, requiert un arbitrage entre coûts et avantages. Ils'agit d'une questioncomplexe, à considérer d’unpoint de vue dynamique.L'émergence de la concur-rence exacerbera le coût entermes d’efficacité des obli-gations de service universel ;de même, le développementde supports électroniquespourrait réduire les avan-tages du service postaluniversel. Il peut ainsi êtresouhaitable, du moins àterme, de redéfinir les obli-gations les plus coûteuses sides substituts électroniquessont disponibles. En d'autrestermes, le service universelpourrait devenir "inter-modal". Par ailleurs, il existedes "dogmes" tels que leJ+1 et les six tournées dedistribution hebdomadaire. Ces services ont une valeur symbolique quirend politiquement difficile leur remise en cause. Cependant, cescontraintes correspondent elles encore à une demande significative dela part des clients? Les entreprises sont par exemple probablementplus intéressées par la variance du délai d'acheminement que par samoyenne. Par conséquent, le J+2 "garanti", tout en étant moinscoûteux pour l'opérateur, peut être préféré par le client au J+1 à 85%.Nous retrouvons là l'idée d'innovation évoquée précédemment ainsique celle de service universel intermodal pour prendre en charge lesbesoins de communication urgents.

En résumé, il faut combiner une gestion commerciale et innovantede l'opérateur avec une régulation incitative mais flexible et assortied'obligations de service universel d'un niveau adapté. Enfin, lespouvoirs publics (et notamment le ministère de l'industrie) ont uneresponsabilité forte et un rôle crucial devant ce double défi. Un rôle àla fois simple et compliqué puisqu’ils doivent à la fois respecter l'indé-pendance du régulateur et résister à la tentation d'intervenir directe-ment dans la gestion du secteur. w

http://idei.fr/ www.tse-fr.eu/ http://iuf.amue.fr/

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x21

Un opérateur postal inefficacene pourra pas survivre dans unmonde concurrentiel et ce seraitalors la fin du service public.

Il existe des dogmestels que le J+1 et les

six tournées dedistribution

hebdomadaire, quiont une valeur

symbolique qui rendpolitiquement difficile

leur remise en cause.Pourtant, ces

contraintescorrespondent elles

encore à une demandesignificative de la part

des clients ?

Quel avenir pour le secteur postal ?Le service universel

et à l’Institut universitaire de France

service universel postal?

Page 22: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

La concurrence de l’internetLa chute des volumes due à la concurrence de l’internet est le défi

le plus important auquel les opérateurs postaux ont eu à faire face dansleur histoire. La concurrence électronique frappe de plein fouet l’envoide lettres. Le seul avantage apparent qu’elle offre est une augmentationdu trafic de colis grâce au e-commerce et, peut-être, l’émergence d’unelogistique urbaine et de transport locaux, à condition que les opérateurspostaux soient à même de développer des synergies et de réaliser deséconomies grâce à l’intégration de nouveaux services au sein de leurréseau (comme La Poste l’a fait en développant la banque postale). Pourcela, les opérateurs postaux doivent continuer à améliorer l’interfaceentre les réseaux de courrier et de colis d’une part, et les nouveauxmodes de communications via internet d’autre part.

De ce point de vue, le développement d’outils marketing pourmesurer le coût et la valeur du service universel pourrait être un pointd’appui pour d’autres changements, nécessaires pour faire face à lanouvelle situation concurrentielle, et tirer parti des nouvelles opportu-nités. w

www.insead.edu/home/

(1) Plusieurs articles disponibles portant sur la réforme postale abordent le sujet ducoût du service universel : voir M. A. Crew et P. R. Kleindorfer, (eds.). Reinventingthe Postal Sector in an Electronic Age, Edward Elgar, Cheltenham, UK: 2011. Pourune intéressante comparaison empirique du coût de la fréquence de distribution, voirl’article des économistes de La Poste : Claire Borsenberger, Denis Joram, ClémentMagre et Bernard Roy : Comparaison internationale de la fréquence de distributiondu courrier, In F. Boldron, C. Borsenberger, D. Joram, S. Lecou et B. Roy (eds), Li-béralisation & Services Publics: Economie Postale, Economica, Paris, 2010.

(2) Pourtant, une étude récente sur le comportement des opérateurs postaux euro-péens en matière tarifaire montre que seulement une minorité d’entre eux a com-mencé à se doter des compétences requises en marketing pour répondre à cesenjeux par le développement de pratiques tarifaires plus concurrentielles. Voir P. R.Kleindorfer and Z. Szirmay, “Pricing Practice in the Postal Industry under Liberali-zation”, June, 2009 : athttp://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1414308

22x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Les utilisateurs de services de courrier arbitrent de fait, pour desraisons d’usage et de prix, entre le support papier et le support élec-tronique : évolution radicale et irréversible. Le marché postal n’étantplus étanche, le service universel postal va-t-il alors imploser en volumeet exploser en coût ?

Dès lors, une réflexion s’impose sur le périmètre du service universelpostal qui intègre cette mutation de l’offre et de la demande de servicesde courrier.

A l’instar de ce qui a été réalisé dans les communications électro-niques (intégration de l'internet bas débit, puis du mobile pour lacomposante sociale, et aujourd'hui réflexion sur l'intégration de l'accèsuniversel à l'internet haut débit dans le périmètre du service universeldes télécommunications), ne faut-il pas repenser le périmètre ?

Il s’agit de redéfinir un périmètre qui soit en adéquation entre lesbesoins de base de la population et la fourniture d’un service à un coûtraisonnable et optimisé sur l’ensemble du territoire, donc sous uneforme technique en relation avec la réalité des marchés et des besoins.

Ainsi, se pose logiquement la question de l’insertion de produitshybrides, partiellement dématérialisés, telle la lettre recommandéeélectronique, voire de produits totalement dématérialisés (factures,relevés de banque, etc.), au sein d’un service universel postal reconsi-déré, davantage centré sur la notion de service rendu que sur lesmoyens d’expédition mobilisés pour rendre le service. Cette réflexionpeut être légitimement et rapidement ouverte aux niveaux national eteuropéen.

Une telle réflexion, il faut en avoir conscience, posera incidemmentle problème des offreurs éligibles à la fourniture des servicesconcernés par un nouveau périmètre du service universel postal. w

www.teraconsultants.fr

(1) Au moins 99 % de la population nationale et au moins 95 % de la populationde chaque département doit être à moins de 10 kilomètres d'un point decontact et toutes les communes de plus de 10 000 habitants doivent dispo-ser d'au moins un point de contact par tranche de 20 000 habitants.

•••/suite de la page 18 Paul Kleindorfer

INSEAD

•••/suite page de la page 19 Laurent Benzoni et Olivier Salesse

Tera Consultants

z Revenons à la satisfaction desconsommateurs, qu’allez-vous faire ?L’idée est de voir si les différents indicateursactuels de qualité de service sont calculés dela même façon, avec les mêmes méthodes ets’ils sont comparables. Quant à lasurveillance du bon fonctionnement dumarché, il s’agit en premier lieu d’améliorerle niveau de connaissance des marchéspostaux dans les différents pays à travers desgrilles d’analyses communes et des outilsstatistiques qui portent sur les mêmes objets.

z Et l’accès au réseau ?Cette question recouvre deux types de sujets.D’un côté, l’accès aux informationsessentielles (les changements d’adresses, les

codes postaux, les boîtes postales, etc) duréseau des opérateurs historiques par leursconcurrents. De l’autre, l’accès des routeurset des consolidateurs aux services del’opérateur historique au regard des servicesauxquels les grands émetteurs – qui sontsusceptibles de passer par ces intermédiaires- ont eux-mêmes directement accès. Lesrouteurs et les consolidateurs sont-ilsdéfavorisés ou favorisés par rapport auxgrands émetteurs ? A travers l’Europe, lesobligations nationales ne sont pas lesmêmes. Il faut donc développer unecompréhension commune de ce sujet.

z On a le sentiment que le travailprincipal du GRE va être la créationd’outils communs d’analyse !Il s’agit en effet de développer et de partagerdes outils méthodologiques communs,d’harmoniser les méthodes d’analyses. Bref,

de parler la même langue quand on évoqueun sujet, pour ensuite, chacun dans nos paysrespectifs, réguler en utilisant au mieux cesmêmes outils appliqués à des situations etdes cadres réglementaires éventuellementdifférents.

z En conclusion, peut-on être unrégulateur postal sans être économiste ? Pour ma part, je suis une économiste, jeparle comme donc une économiste ! Mais lesujet postal est, dans tous les pays,éminemment passionnel. On ne peut donc niespérer ni souhaiter qu’il devienne un sujetpurement économique. Par contre,l’économie permet d’objectiver un certainnombre de choses et, à ce titre, je pense quele fait que les régulateurs initient et mettenten place des mécanismes d’analyseéconomique améliorera la qualité du débatpolitique. w

•••/suite de la page 6Joëlle Toledano

ARCEP – Groupe des régulateurs postaux

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Par Neil Anderson, chef du secteur Poste et Logistique du syndicat mondial UNI

es derniers temps, il a beaucoup été question de l'évolu-tion de ce secteur complexe et très divers qu'est lemarché postal. Pour autant, peut-on dire que l'évolution, ausens de progrès, a été générale sur tout le secteur ? Lesréponses à cette interrogation divergent, de même que les

sources pour y répondre, notamment lorsqu’il est question d’emploi. Il seraquestion dans cet article des changements auxquels le secteur estconfronté, leur impact sur l’emploi, ainsi que les façons d’accompagner leschangements.

La libéralisation n'a pas abouti à une véritable concurrenceDepuis quelques décennies, le secteur postal a connu d’importants chan-

gements, fruits de l’évolution technologique, politique et socio-économique.Qu’ils soient endogènes ou exogènes, tous ces changements ont un impactsur l’emploi. C’est pourquoi, en 2009, l’UNI (1) a mené une étude sur la libé-ralisation des services postaux et ses conséquences sur les travailleurs (2).Basée sur 12 études de cas sur tous les continents, cette étude a permisde retracer l’évolution des opérateurs postaux et du marché dans sonensemble. Il s’avère que cette évolution a suivi souvent le même schéma, àsavoir : un détachement de l’Etat puis, une fois transformé en entreprise(détenue par l’Etat), séparation en diverses holdings (Poste, Telecom,service financiers ou assurances) (3). Puis, création d'une autorité de régula-tion qui suit la libéralisation du marché postal.

Selon les pays, ce processus a eu des effets mixtes sur l’opérateurpostal. Il a également entraîné une forte fluctuation du nombre de compéti-

teurs sur le marché postal, trèsnombreux au départ puis seréduisant peu à peu pouratteindre aujourd'hui entre 1 à 4concurrents principaux surchaque marché. Après l'effetd’écrémage, on constate aussique la compétition est quasinulle. En effet, selon notre étude,la part de marché des concur-rents de l’opérateur historique va

de 0,1% à 10%. Tous ces changements qui, contrairement à la théorieprônée dans les livres d’économie, n’ont pas abouti à une véritable compé-tition sur le marché, ont cependant eu un impact énorme sur l’emploi dansce secteur.

Une augmentation de la précarisation de l'emploiLa baisse colossale du nombre d’employés est le premier impact notable

de cette évolution. En Allemagne, la Deutsche Post a supprimé plus de21.000 emplois à plein temps et plus de 12.000 emplois à temps partielentre 1999 et 2006. Aux Pays-Bas, le nombre d'emplois équivalents pleintemps est passé de 40.000 à 24.000. Le deuxième impact a trait à la

qualité de l'emploi. Les termes et les conditions d’emplois divergent entrel’opérateur historique et les nouveaux entrants sur le marché, de mêmequ’au sein de l’opérateur historique entre nouveaux et anciens employés,ceci en défaveur des nouveaux arrivants et de ceux travaillant pour lesnouveaux concurrents. Une précarisation de l’emploi a également accom-pagné le secteur postal durant ces dernières années. En effet, aujourd'hui,on compte davantage d’emplois à temps partiel, ainsi que des formes d’em-ploi atypiques telles que les travailleurs payés à la pièce, les travailleurs« indépendants » ou temporaires, les CDD, le réemploi de travailleursretraités ou des travailleurs exerçant des « mini-jobs ». Enfin, notons égale-ment l’émergence du dumping salarial. Dans un marché intensif en maind’œuvre, la concurrence se fait essentiellement sur les coûts liés à l’emploi,et non sur l’innovation à proprement parler.

Les acteurs du secteur ont leur part de responsabilitéQue faire, en termes d’emplois, face à ces changements induits par l’évo-

lution du marché postal ? Chaque acteur de ce secteur a un rôle à jouer enla matière. D'abord, du côté des employés. A travers leurs syndicats, cesderniers doivent s’efforcer de mener des politiques nationales et régionalescoordonnées, quels que soient les entreprises ou les secteurs qu’ilscouvrent. Ils doivent se battre pour que les conventions collectives de travails’étendent à l’ensemble du secteur postal, et ne s’appliquent pas entreprisespar entreprises.

L’Etat a un rôle important à jouer dans tout ce qui a trait à la régulationdu secteur postal, et spécialement ce qui touche à la réglementation socialepour tout nouvel entrant sur le marché. Ceci, non seulement en vue de l’édic-tion de normes mais surtout dans leur implémentation et leur suivi.

Enfin, toutes les entreprises postales du secteur - opérateurs historiquesou nouveaux entrants -, sont concernées par les questions d’emploi. A l’èrede la responsabilité sociale des entreprises, où ces dernières signentnombre de déclarations, adhèrent à de nombreuses initiatives et codes deconduite, il est temps qu’elles prennent leurs responsabilités en matièred’emploi. Une concurrence basée sur l’innovation et la préservation d’unservice postal de qualité seront toujours plus rentables sur le long terme,ainsi que dans une optique de développement durable, qu’une concurrencequi se fait sur les coûts et conditions d’emploi dans le secteur.

Au final, si l’on constate une évolution en termes d’emploi dans le secteurpostal, n’occultons pas les faits : il ya évolution certes, mais pas de progrès.Il n’est cependant pas trop tard pour changer de cap. w

www.uniglobalunion.org

(1) UNI Poste & Logistique est le syndicat mondial du secteur poste et logistique. Ilreprésente 157 syndicats et 2,5 millions de travailleurs dans le monde, répartisen 4 régions (Afrique, Amérique, Asie et Pacifique et Europe).

(2) Qu’est-ce que la libéralisation postale a apporté ? Etude d’UNI Poste etLogistique sur la libéralisation du secteur postal, E.Bares, 2009.

(3) à l’exception du Royaume-Uni dont le marché est libéralisé sans que Royal Mailsoit privatisée pour le moment.

C

A l’ère de laresponsabilité sociale des entreprises, il esttemps que ces dernièresprennent leursresponsabilités en matière d’emploi.

«La concurrence doit être basée sur l'innovation et la qualité,et non sur la réduction des coûts»

Quel avenir pour le secteur postal ?Service universel et emploi

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x23

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Service universel Le courrier n'a pas vocation à être subventionné ; c'est par les tarifs postaux seuls que sont financés lestout le territoire. Encadrer ces tarifs est une tâche fondamentale de l'ARCEP, qui veille à ce que La Poste soit

24x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

’année 2006 constitue une date symbolique dansl’histoire de la régulation postale en France et auxEtats-Unis. C’est en effet au même moment quel’ARCEP et son homologue américain, la PostalRegulatory Commission, ont adopté un dispositif

semblable d’encadrement pluriannuel des tarifs. Plus communémentdénommé price cap, ce dispositif est fondé sur une incitation del’opérateur à améliorer son efficacité. Il impose une limite globaleaux hausses tarifaires mais octroie une latitude à l’opérateur dans lechoix des produits concernés par les éventuelles hausses. Si lesmotivations économiques sont similaires, la mise en œuvre de cettepolitique diffère grandement des deux côtés de l’Atlantique.

Un dispositif strictement calé sur l’inflation aux Etats-Unis

La hausse maximale autorisée aux Etats-Unis est limitée au niveaude l’inflation, éventuellement ajustée d’un paramètre d’efficience.Théoriquement, la formule du price cap s’écrit sous la forme I-X, où I correspond à l’évolution de l’indice de prix de référence et X à unparamètre d’efficience prenant notamment en compte l’évolutionanticipée des charges : il vise à rétrocéder aux consommateurs unepartie des gains de productivité réalisés par l’opérateur. En France,ce facteur X est fixé actuellement à - 0,3 %, ce qui autorise deshausses plus élevées que l’inflation, alors que, par construction, ilest nul aux Etats-Unis. En conséquence, l’encadrement des tarifs del’opérateur USPS est plus sévère.

Des marges de manœuvre plus importantes pour La Poste

En France, le price cap s’applique historiquement sur l’ensembledes produits du service universel. Par la taille de ce panier soumis àrégulation, La Poste dispose d’une assez grande marge demanœuvre. Cependant, depuis 2008, l’Autorité a soumis à un enca-drement spécifique, calé strictement sur l’inflation, les produits obli-térés par machine à affranchir. En effet, ces derniers s’adressent àune clientèle particulièrement captive, constituée essentiellement deTPE et PME. Aux Etats-Unis, le système est plus contraignant, leplafond s’applique individuellement à chaque famille de produits :courrier égrené prioritaire, colis de petite taille, presse ou envoisinternationaux. Ainsi, une forte hausse sur un produit donné ne peutaucunement être compensée par la moindre augmentation d’un autreproduit.

En France, des possibilités d’ajustements a posteriori En France, l’indice de prix de référence est déterminé ex ante, au

niveau fixé en loi de finances de l’année N-1. A l’inverse, la référence

est calculée ex post aux Etats-Unis, fondée sur l’évolution des 12derniers mois de l’inflation. De fait, le modèle français, qui offre plusde prévisibilité, laisse place à un éventuel décalage avec le niveauréel d’inflation. Il est donc prévu une possibilité d’ajustement duplafond, tant à la hausse qu’à la baisse. Une procédure similaireexiste également en cas de décalage entre la trajectoire des traficset les hypothèses d’encadrement. L’ARCEP, comme La Poste, sontlibres de déclencher ces clauses d’ajustement sans possibilité deveto de l’autre partie.

Aux Etats-Unis, les possibilités d’ajustement existent également.Cependant, elles sont soumises à l’approbation du régulateur etdoivent être motivées par des circonstances exceptionnelles, tellesla conjoncture économique, un choc sur le prix des carburants, etc.Ces notions demeurent relativement floues. En septembre 2010, endépit de la conjoncture économique morose, la Postal RegulatoryCommission a refusé la demande de hausse extraordinaire formuléepar USPS, arguant que le lien avec la récession n’était pas démontré.

Les régulateurs américain et français ont tous deux fait le choixd’un encadrement tarifaire similaire, de type price cap. Cependant,face à la crise, USPS a dû formuler une demande exceptionnelle, quin’a pour autant pas été autorisée par le régulateur. La Poste, enrevanche, n’a pas demandé de capacité de hausse supplémentaire :la plus grande souplesse du dispositif français lui a permis, à ce jour,de faire face à la baisse des trafics. w

L

Le dispositif du price cap : les systèmes français et américain

Dispositifs d’encadrement tarifaire aux Etats-Unis et en France

Etats-Unis France

Régulateur Postal Regulatory Commission ARCEP

Panier régulé Produits en position dominante

Produits du service universel

Champs d’application

10 paniers dont lettreprioritaire, presse, etc.

2 paniers : panier global etsous-panier des envoisaffranchis par machine

Indice de prix Inflation des 12 derniers mois

Inflation prévue en loi de finances

Formule Indice des prix à laconsommation IPC (CPI) IPC +0,3 %

Ajustementexceptionnel Soumis à approbation Libre sans veto de l’autre

partie

Causes Cas exceptionnels :conjoncture, etc. Inflation, volume

Dossier

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moyens en personnel et en bâtiments nécessaires pour distribuer quotidiennement le courrier sur équitablement rémunérée pour cette mission.

Quel avenir pour le secteur postal ?Le financement du service universel

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x25

e service postal est un service d’intérêt général.Il joue un rôle important pour les particulierscomme pour les entreprises puisqu’il leurpermet de communiquer et, bien que la corres-pondance emprunte de plus en plus souvent la

voie électronique, il représente toujours un moyen fiable et peuonéreux d’échanger, et donc d’assurer la bonne marche desaffaires.

Afin de garantir à tous les citoyens l’accès au service postal, lesgouvernements ont mis en place des normes minimales pour leservice postal universel, tout en imposant à un prestataire l’obliga-tion de service universel (OSU). En France, ce prestataire est LaPoste. Pour satisfaire à cette obligation, La Poste pourrait devoirfournir des services et/ou pratiquer des niveaux dequalité qui ne se justifient pas sur un plan strictementcommercial. L’approche qui a longtemps été adoptéepour garantir le financement de ce «coût net de l’OSU»a consisté à accorder à La Poste un monopole surcertains services, ce qui n’est plus possible une fois lemarché postal totalement libéralisé, c’est-à-dire depuis2011.

Bénéfices immatérielsSelon les dispositions de la directive postale 2008/6/EC qui

concernent le financement du service universel, les éventuels coûtsnets de l’OSU peuvent justifier le paiement d’un dédommagementaux opérateurs désignés, tels que La Poste. Or, le calcul de cescoûts nets doit tenir compte des «bénéfices immatériels» et des«avantages commerciaux». Par conséquent, pour déterminer lescoûts nets de l’OSU, il faut quantifier les bénéfices et les avantagesobtenus. Mais comment définir un « bénéfice immatériel » ? Au boutdu compte, tous les avantages (matériels et immatériels) se tradui-sent par des résultats tangibles et ont un impact sur les gainsréalisés.

A ce stade, on ne peut s’appuyer sur aucune expérienceconcrète pour calculer la valeur des bénéfices et avantages liés àl’OSU, mais l’application de règles similaires dans le secteur descommunications électroniques tend à montrer que les avantagespeuvent substantiellement réduire la charge financière que repré-sente l’OSU et donc le montant de la compensation versée aux pres-tataires du service universel.

Mais quels sont les bénéfices liés à l’obligation de service postaluniversel ? En fait, les prestataires qui doivent s’en acquitter jouissentde nombreux avantages par rapport aux concurrents qui font leurentrée sur le marché, ne serait-ce que parce que leur nom de marqueest connu et qu’ils disposent d’un personnel qualifié, ainsi que d’unvaste parc immobilier. En outre, pour avoir longtemps détenu unmonopole sur le marché, ils connaissent bien tous leurs clients.

Avantages commerciauxNéanmoins, les avantages dont profite La Poste ne peuvent pas

tous être intégrés dans le calcul des coûts nets. Dans le cadre d’unerécente étude réalisée pour l’ARCEP, WIK-Consult a proposé la classification suivante : un avantage découle de l’OSU uniquement s’il

est la conséquence d’un niveau de service supplémentaire que LaPoste fournit à cause de l’OSU et qu’elle ne fournirait pas sinon ; ous’il est la conséquence d’un droit ou d’un privilège découlant légale-ment de l’OSU. Dans le cas de La Poste, trois bénéfices immatérielssemblent tout particulièrement importants : meilleure position denégociation en tant que prestataire du service universel ; améliorationde la réputation de l’entreprise et de la valeur de la marque ; etéconomies d’échelle/d’envergure.

Enfin, il faut préciser que La Poste détient d’autres avantagescommerciaux qui ne sont pas catégoriquement liés à l’OSU. Parexemple, il peut s’agir des avantages découlant d’une position uniquesur le marché ou encore du bénéfice du premier entrant, l’entrepriseayant fourni des services postaux sur l’ensemble du territoirependant des siècles. En l’absence d’une obligation de serviceuniversel, La Poste continuerait très probablement à profiter de cesavantages, qui ne doivent donc pas être inclus dans le calcul descoûts nets de l’OSU. Toutefois, ces avantages commerciaux pouvantêtre considérables, leur prise en compte doit être envisagée pourdéterminer si le coût net représente une «charge financière inéqui-table» justifiant un dédommagement. w

http://wik.org/

Par Alex Dieke, responsable de l’unité Services postaux, logistique et transport, WIK-Consult

L

wikCONSULT

Comment définir un bénéfice immatériel ? Au bout du compte, tous les avantages (matériels

et immatériels) se traduisent par des résultats tangibles et ont un impact sur les gains réalisés.

Les avantages liés au service universel postal

dans le calcul du coût net

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epuis le 1er janvier 2011, en conformité avec la direc-tive postale 97/67/CE modifiée, le marché postaleuropéen est intégralement ouvert à la concurrencedans la plupart des pays européens (1). La fin dusecteur réservé permet ainsi potentiellement à tout

opérateur d’entrer sur le marché postal pour y effectuer tout ou partiedes services postaux, à savoir la levée, le tri, l’acheminement et la distri-bution. Dans cette optique, la totalité des activités de l’opérateur histo-rique pourrait, en théorie, être répliquée par un nouvel acteur. L’outilindustriel de La Poste n’est en effet pas regardé comme une « infra-structure essentielle » non réplicable, à laquelle il conviendrait de fixer,comme dans les télécommunications, des règles d’accès.

La voie choisie aux Etats-Unis relève, en revanche, du paradigmeinverse, pour des raisons qui ne relèvent pas nécessairement de certi-tudes économiques mais plus simplement historiques et culturelles : leservice postal est l’un des symboles du fédéralisme américain. Dans cegigantesque marché (40 % des volumes mondiaux), l’opérateur histo-rique, USPS, a donc conservé un droit exclusif sur la distribution. Si cettepolitique de monopole du « last mile delivery » se différencie du modèleeuropéen à de nombreux égards, les difficultés rencontrées actuellementpar les différents opérateurs sont relativement proches.

Aux Etats-Unis, le monopole sur la distribution a permis ledéveloppement du worksharing ou « travaux partagés »

Mis en place dans les années 1970, le principe des « travauxpartagés » repose sur l’octroi de remises sur le tarif d’affranchissement

en échange du partage de travaux préparatoires tels que la levée,le tri et l’acheminement. Ce modèle repose sur un postulatsimple : la mise en concurrence « en amont » d’USPS devraitgénérer des gains d’efficacité. Cette doctrine, en poussant à la

production de courrier de masse, a permis le développement detoute une industrie de préparation du courrier. La rétrocession aux émetteurs d’une partie de l’écart entre les coûts

supportés par l’opérateur historique et les coûts moindres présentés parces prestataires constitue le socle de ce modèle économique. Dans uncontexte historique de croissance des volumes, USPS et les différentsintermédiaires bénéficient d’un tel système. Fixées initialement à unniveau inférieur aux coûts évités, ces remises ont tendance aujourd’hui às’en rapprocher. C’est en tout cas ce qu’indique un audit interne d’USPS (2)

qui montrerait que les remises consenties en 2008 (15 milliards dedollars) seraient supérieures aux coûts évités (14,8 milliards de dollars).

Le paradigme européen : la concurrence « de bout enbout » ou le modèle suédois

A l’opposé, le modèle d’ouverture défini par la directive postale euro-péenne ne considère a priori aucune composante du service postalcomme une infrastructure essentielle. Tout segment de l’activité estsupposé potentiellement réplicable par les nouveaux entrants, en parti-culier la distribution. Dans cette architecture, c’est l’émergence d’acteurs

intégrés assurant une concurrence de bout en bout qui est à même d’en-traîner une concurrence par les prix et des incitations à une plus grandeefficacité.

Deux cas de figure sont apparus en Europe. Le modèle suédois s’ins-crit en droite ligne dans l’esprit de la directive. Le pays a procédéà l’ouverture de son marché postal dès 1993, permettant lanaissance de City Mail, concurrent de l’opérateur histo-rique. Proposant une offre spécifique, avec une distributiondeux jours par semaine sur la moitié du territoire seulementmais à des tarifs inférieurs, City Mail a pu acquérir 9 %environ du marché postal suédois, mais près de 20 % de celui ducourrier industriel. Posten, l’opérateur historique, s’est adapté en rédui-sant ses coûts et en améliorant sa qualité de service et l’organisation deses bureaux.

Le scénario françaisLa France, comme la plupart des pays européens, a aménagé sa

législation en vue d’un scénario concurrentiel de type « suédois ».Quelques concurrents proposent déjà un service de distribution àl’échelle locale ou nationale. Cependant, le développement d’entreprisesd’envergure nationale, réellement envisageable seulement depuis l’ouver-

26x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

D

Si, de l'Europe aux Etats-Unis, la situation économique n’est pas la plus favorable à la croissance du marché Mérites comparés des modèles américain et européen, et zoom sur la régulation de la qualité du service postal

arallèlement à l’ouverture à la concurrence, le cadrejuridique européen a voulu améliorer la qualité deservice ; il a fixé l’obligation, pour les Etats membres,de veiller « à ce que des normes en matière de qualitédu service soient fixées et publiées pour le service

universel en vue d'assurer un service postal de bonne qualité ». Parailleurs, « un contrôle indépendant des performances est effectué aumoins une fois par an. Les résultats du contrôle font l’objet de rapportsqui sont publiés au moins une fois par an ».

Ces deux outils sont relativement « classiques » dans une politiquede qualité des services publics : la fixation d’un niveau de qualité à

respecter par l’opérateur et lapublication des résultats

atteints. Ces dispositionsont été transposées dansle droit français qui prévoit,

d’une part, la fixation d’ob-jectifs de qualité de servicepar arrêté ministériel et,d’autre part, un contrôle parl’ARCEP qui veille à la publica-tion des résultats.

La régulation de la

P

Les modèles de concurrence dans le

Page 27: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Quel avenir pour le secteur postal ?Le service universel

postal, ce n'est pas qu'une question de crise : les modèles économiques sont aussi en jeu. en France.

ture complète à la concurrence au 1er janvier 2011,semble désormais compromis par la crise économiqueet la baisse annoncée des volumes. Les concurrents enplace ont, comme La Poste, souffert de la crise économique.

L’exception britanniqueLe marché britannique n’a pas non plus vu l’émergence d’un opéra-

teur d’envergure nationale pour des raisons qui tiennent peut-être à unepolitique tout à fait atypique dans le cadre européen. L’ouverture à laconcurrence, totale en 2006, s’est accompagnée d’un « tarif d’accès àla distribution » (downstream access) imposée en 2003 à Royal Mail lorsd’un règlement de différend. Le régulateur POSTCOMM régule « l’espaceéconomique » laissé aux concurrents pour concurrencer Royal Mail àtravers l’écart entre ce tarif et les prix de détail offerts aux grands émet-teurs : un « tarif de gros » se déduit ainsi du prix de détail de Royal Maildans une logique « retail minus ».

Dans un premier temps, le régulateur jugeait que cette mesurepouvait favoriser les réseaux concurrents de distribution, en leur ouvrantune offre globale, desservant tout le territoire, jusqu’à ce qu’ils puissentdévelopper à leur tour leur propre réseau (théorie de l’« échelle des inves-tissements »). Dans les faits, ce modèle a surtout permis l’émergence

d’une concurrence « en amont », concentrée sur le marché du courrierindustriel. Ainsi, l’opérateur historique Royal Mail ne dispose plus que de40 % de parts de marché (3) sur les envois en nombre. Cependant, cesystème n’a pas créé d’incitations pour développer une offre alternativede distribution, sans doute parce que les prix ont été fixés assez bas. Defait, la concurrence de « bout en bout » n’est pas apparue.

L’histoire récente, avec la dématérialisation des échanges et la criseéconomique, ne constitue pas un contexte favorable à des investisse-ments volontaristes dans le développement de réseaux alternatifs. Lesopérateurs historiques s’interrogent également sur l’orientation àdonner à leur stratégie. Les deux modes d’ouverture, européenet américain, ont été impactés, même si les opérateurs histo-riques européens amortissent mieux le choc conjoncturellorsqu’ils ont réussi leur diversification. Il est vraisemblable quele prochain modèle de concurrence devra s’écrire dans un cadre oùles volumes échangés seront bien plus faibles. w

(1) A l’exception de certains pays, notamment parmi les nouveaux membres, ayantobtenu un report jusqu’en 2013.

(2) Audit Report MS-AR-10-003, Office of Inspector General, USPS.(3) Rapport Hooper 2010

qualité de service

secteur postal

Délais d’acheminements des courriers et colis

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x27

ProgrèsSi on le compare à la situation antérieure, où seule une mesure du délai

d’acheminement des lettres était publiée, ce dispositif marque un progrès.L’arrêté ministériel de 2009 en vigueur actuellement fixe par exemple un«objectif » de 84% des lettres distribuées en J+1 et de 95% pour cellesdistribuées à J+2 ; il édicte également une obligation de mesurer le tauxde perte des envois recommandés, ainsi que des statistiques de traitementdes réclamations. Pour la réalisation des mesures, il prescrit d’utiliser lesméthodes qui ont fait l’objet d’une normalisation au sein du Comité euro-péen de normalisation (norme EN 13850 pour la lettre, par exemple).

Transparence Parallèlement, l’ARCEP et La Poste ont travaillé, depuis 2006, pour

développer la transparence des niveaux de qualité de service. Un « tableaude bord de la qualité du service universel » est ainsi publié chaque année.Pour cette publication, l’ARCEP a choisi de privilégier le suivi de la qualitédes prestations postales vendues « à l’unité » et utilisées notamment parles ménages et les petits professionnels qui ne disposent pas de pouvoirde négociation auprès de La Poste. En effet, les émetteurs de « courrierindustriel » tels que les grands facturiers bénéficient d’ores et déjà decontrats prévoyant des mesures de qualité de service et des pénalitésfinancières en cas de défaut de qualité.

Le contenu de ce tableau de bord s’est enrichi au fil des années, notam-ment par des informations sur les heures limites de dépôt du courrier dansles « boites jaunes » et le délai d’acheminement des recommandés.

Des progrès importants restent encore à réaliser : d’abord, dans lecontenu des informations délivrées, qui peut encore évoluer en fonctiondes besoins des consommateurs. Le développement du commerce entreparticuliers par le biais d’internet doit-il, par exemple, conduire à intégrer denouveaux indicateurs sur la distribution des colis ? Ensuite, le « tableau debord » doit gagner en notoriété et en visibilité pour jouer de façon pluseffective son rôle d’information des consommateurs. w

2008 2009 2010

Lettre prioritaireégrenée

Taux de J+1 83,9 % 84,7 % 83,4 %

> J+2 3,2 % 3,2 % 4,0 %

Lettre recommandée

J+2 90,9 % 88,7 % 85,8 %

> J+7 0,4 % 0,3 % 0,4 %

Colissimo guichetJ+2 85 % 87,7 % 84,8 %

J+7 99,8 % 99,9 % 99,8 %

Boîtes aux lettresrelevées avant

13h 79,95 % 80,37 % 80,85 %

16h 94,96 % 95,03 % 95,14 %

Page 28: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

’ouverture totale à la concurrence des marchés ducourrier le 1er janvier 2011 s’opère dans un cadresociétal et économique radicalement différent decelui dans lequel elle avait été décidée voici 20 ans :les modes et les usages de communication se sont

profondément transformés sous l’effet de la numérisation de notresociété.

Comme souvent en période de mutation, on identifie d’abord lesmenaces. Les experts postaux convergent désormais pour prévoir unephase d’adaptation des volumes de courrier se traduisant, dans leséconomies développées, par une baisse d’environ 30 % des volumesentre 2008 et 2015. Ce mouvement est engagé en France, puisque LaPoste a distribué 16 milliards de plis adressés en 2010, contre 18milliards en 2007. Cette rupture a un double effet : une concurrence surla distribution du courrier moins attractive, donc qui se développe moinsque prévu, et, simultanément, une adaptation du modèle économique du

courrier paradoxa-lement plus impor-tante et urgentequ’envisagé.

Le courrier adéjà engagé une

adaptation en temps réel de ses moyens à l’activité : c’est la conditionsine qua non pour garantir sa pérennité. La Poste le fait avec la volontéde maintenir une exigence très forte dans le bon exercice de sesmissions de service universel. Elle le fait aussi en garantissant auxpostiers le maintien d’un modèle social ambitieux, reposant notammentsur l’engagement de ne pas procéder à des plans de départ imposés etde construire le courrier de demain avec les postiers d’aujourd’hui.

Un média aux atouts importantsPour autant, la mutation actuelle est aussi porteuse d’opportunités.

Le courrier a un avenir, pour peu qu’il se réinvente, ce qui exige d’abordque soit porté sur lui un regard renouvelé : le courrier n’est pas seule-ment l’opérateur logistique du dernier kilomètre, il est aussi un média,efficace et apprécié, et un acteur majeur de marchés en développement.

Le courrier permet de toucher tout le monde et de toucher chacun :il allie la puissance d’un média de masse (tous les foyers peuvent êtredesservis) à la finesse d’un média extrêmement ciblé (le géomarketingpermet de cibler un seul foyer ou une seule personne). C’est aussi lemédia le plus apprécié des destinataires, car le courrier est un médiachoisi par le consommateur, donc perçu comme non intrusif, ce quigarantit une prise de connaissance attentive de son contenu.

C’est ce qui explique son efficacité pour la communication publicitairecomme pour la relation contractuelle, efficacité se mesurant aussi bien

dans son impact que dans les taux de mémorisation et, in fine, dans lesretours sur investissements des campagnes publicitaires. C’est aussi cequi explique l’utilisation systématique du média courrier pour des commu-nications sensibles telles que la délivrance des papiers d’identité ou desmoyens de paiement bancaires, le rappel de produits défectueux oudangereux ou bien pour des campagnes d’information dans le domainede la santé ou des retraites... Le courrier est le média par excellence dela communication des informations importantes.

Trois marchés en développement Tout d’abord, le marché de la communication commerciale. Le cour-

rier est un des principaux acteurs de ce marché de 30 milliards d’eurosannuels, avec un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros (réalisé par lamaison-mère et par la filiale Mediapost). Tant pour le développement dela notoriété et de l’image, pour la stimulation de la fréquentation d’unmagasin ou d’un site internet, que pour le développement des ventes ouencore de la fidélisation des clients, les annonceurs disposent desmédias traditionnels (télévision, radio, presse…), des médias évène-mentiels (sponsoring, promotion, salons…), d’internet (e-mailing,bannières, liens sponsorisés, réseaux sociaux…) et bien sûr du médiacourrier publicitaire (courriers adressés ou imprimés publicitaires).

Ces médias présentent autant d’alternatives entre lesquelles lesannonceurs, avec leurs agences, effectuent des arbitrages. Ils sont doncen totale concurrence entre eux. Les atouts du média courrier sont telsque ce marché recèle des marges de croissance importantes pour legroupe La Poste.

Ensuite, la gestion de la relation client. Ce marché est estimé àenviron 34 milliards d’euros par an. C’est sur ce marché que le courrierréalise aujourd'hui la majeure partie de son chiffre d’affaires : 7,5milliards d’euros. Les besoins de ses clients concernent l’ensemble deséchanges d’information et de paiement : contractualisation, prise decommande, paiement, facturation, traitement des réclamations… Lesprincipaux demandeurs sur le marché sont le secteur public, le secteurbancaire, le secteur des assurances et les grands facturiers (eau, gaz,électricité, opérateurs téléphoniques…). Pour opérer ces échangescontractuels, différents canaux de communication (face-à-face, courrier,téléphone, internet, EDI…) peuvent se substituer les uns aux autres oucoexister, ce qui explique une concurrence là aussi importante.

C’est sur ce marché que la baisse des volumes de courrier est la plusforte, par la diminution progressive de certains types de factures ou derelevés sans forte valeur ajoutée. Pour autant, c’est aussi un champ d’in-novation et de conquête pour le courrier : il s’agit d’innover, soit endonnant de la valeur aux courriers relationnels, notamment par la person-nalisation du contenu que permettent de nouvelles technologies, soit endéveloppant de nouvelles solutions intégrées au service des entreprises.

L

Le courrier a un avenir, s’il se réinvente commemédia de la relation client.

« Oui, le courrier a un avenir »

Par Nicolas Routier,directeur général adjoint du groupe La Poste, directeur général du Courrier, président de Sofipost

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Dossier

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Une course contre la montreIl est 14h au centre

de tri de la rue des Renaudes à Paris. Mickaël, sala-rié de La Poste depuissix ans, s’apprête àpartir en tournée auvolant d’une Kan-goo.C’est sa premièrecollecte de l’après-midi : une dizained’entreprises à visiteren une heure trente.Deux autres tournéessuivront, jusqu’à 18hce soir. Il n’y a doncpas de temps à per-dre, car tout retardpris s’accumule surles tournées sui-vantes et perturbel’ensemble de lachaine de traitementdu courrier. Pareil àun essaim, l’organi-sation est stricte, lesmissions de chaquesalarié sont préciseset doivent être réali-sées dans les temps. « Les entreprises servies le plus tard dans la journéesont aussi celles qui payent le plus cher», précise Mickaël, « respecter leshoraires est donc primordial dans notre métier». Lancé dans les rues de Paris, le collecteur connait parfaitement son iti-néraire. Il sait user de toutes les astuces pour pallier au trafic ou aux mau-vaises conditions météo. Sans perdre un instant, il se glisse dans lesimmeubles du quartier, pianote les codes, choisit les raccourcis. Enquelques minutes, il passe d’une agence immobilière à une librairie,d’une clinique à un cabinet d’avocat et collecte leur courrier. Il n’oubliepas de flasher le code barre de l’établissement, pour justifier de son pas-sage, et aussitôt repart. Dans le quartier, les voitures et camions jaunes,comme des abeilles, se croisent dans tous les coins de l’arrondissement.Elles sont partout, butinent dans toute la ville et, vers 15h30, convergentvers le centre de tri, tel une ruche, où l’activité bat son plein. Il est 15h30:objectif atteint pour Mickaël mais déjà, la tournée suivante démarre !

REPORTAGESuivi d’une collecte du courrier entreprisedans le 17e arrondissement parisien

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Quel avenir pour le secteur postal ?Comme une lettre à la poste

La logistique de proximité est le troisième marché sur lequel le cour-rier intervient. Ce marché pèse environ dix milliards d’euros par an, dontun milliard réalisé par le courrier principalement comme distributeur decolis et diffuseur de la presse (la distribution postale représentantenviron 30 % de la diffusion de la presse). Ce marché est appelé à sedévelopper, grâce au développement du e-commerce, de la logistique etdes besoins de services nouveaux à domicile. Grâce à son incomparableréseau de facteurs, à leur image et à la confiance qu’ils inspirent, lemarché de la logistique de proximité présente pour La Poste un poten-tiel de développement important.

En complément, le courrier est également actif sur le marché de lacommunication entre particuliers. Si celle-ci a très fortement augmentéces dernières années, portée par l’évolution des technologies decommunication (téléphonie mobile, email, réseaux sociaux…), ce déve-loppement n’a pas bénéficié au courrier, dont les usages se sont raré-fiés. Les échanges entre particuliers ne représentent plus aujourd’huiqu’environ 3 % des plis distribués par La Poste. Pour autant, ce marché,comme celui très particulier de la philatélie, garde une importancesymbolique forte aux yeux de La Poste comme à ceux de ses clients.

Le courrier, acteur majeur de la relation clientSur l’ensemble de ces marchés, internet, qui est d’abord apparu

comme un canal de communication supplémentaire, est devenu unmédia structurant toujours davantage les relations. Tant mieux ! Car surinternet, la mission de tiers de confiance du courrier garde tout sonsens: La Poste se saisit de la possibilité et de l’opportunité – on esttenté d’écrire de la nécessité – de transposer dans les échanges numé-riques son rôle historique d’in-termédiaire des échanges, avecles mêmes valeurs de proximitéet les mêmes garanties deconfidentialité. C’est pourquoi lastratégie du groupe La Postefait d’internet une dimension ducourrier et entend faire du cour-rier un acteur majeur d’internet,notamment de l’internet de la confiance, où ses savoir-faire et son imagesont des atouts reconnus.

Après avoir, dans un premier temps, favorisé l’accès en ligne de sesservices, le courrier a lancé, début 2011, Digiposte, qui offre un service« 3 en 1 » : une boîte aux lettres numérique sécurisée, un coffre-fortélectronique et un espace de partage des documents. Digiposte a voca-tion à devenir le standard des échanges sécurisés « B to C » entre lesgrands émetteurs et les particuliers dans le monde de l’internet de laconfiance, complétant ainsi le rôle de Docapost, filiale du courrier dansle domaine des échanges « B to B », entre les entreprises.

Oui, le courrier a un avenir, comme acteur majeur proposant des solu-tions multiples et intégrées de développement de la relation client, offrantle meilleur du papier et le meilleur du numérique, profondément ancré dansses racines, comme référence de confiance et modèle de développementdurable. A condition à la fois qu’il s’adapte en permanence et qu’il se réin-vente grâce à l’innovation car, comme l’a dit un illustre postier, BenjaminFranklin, premier « Postmaster general » de USPS, la poste américaine,« when you’re finished changing, you’re finished ». w

www.laposte.fr

Le courrier sera un acteur clé

du développement de l’internet

de la confiance.

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30x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

e courrier des entreprises ne se limite pas auxenvois en très grand nombre sous forme de cour-rier industriel : les PME et TPE sont aussi les prin-cipaux utilisateurs du courrier « égrené » constituéde plis affranchis par timbre poste ou machine à

affranchir et expédiés à l’unité. Le service universel et la protectionqu’il représente prend tout son

sens pour cette catégoried’utilisateurs qui ne dispose

pas du même pouvoir denégociation qu’un client déposant de

grands volumes et qui est proba-blement plus sensible aux coûtset à la qualité du courrier queles ménages. En effet, ceposte de dépense repré-sente parfois une fraction

significative des coûts pour les avocats et les professions juridiques.Alors, dans le paysage du courrier des entreprises, quels sont les

usages et les besoins des PME-TPE et des grands émetteurslorsqu’ils envoient du courrier égrené ? Une étude commandée parl’ARCEP et la DGCIS au cabinet London Economics – Etude sur lespratiques et les besoins socio-économiques des utilisateurs concer-nant la qualité et la fourniture d’un service postal prioritaire (lireégalement p. 16) – donne plusieurs pistes.

D’abord, les comportements postaux des petites entreprisestendent à se rapprocher de ceux des ménages. Comme cesderniers, les entreprises de moins de 10 salariés utilisent destimbres-poste pour le courrier égrené et 96 % des établissements de1 à 9 salariés déposent eux-mêmes le courrier en bureaux de posteou en boîtes aux lettres de rue. Les entreprises de taille plus impor-tante ont, en revanche, une gestion plus professionnalisée du courrier : 64 % d’entre elles utilisent une machine à affranchir et unservice de collecte du courrier dans plus d’un tiers des cas.

Le numérique change les habitudes, mais la poste reste pertinente…

Sans surprise, les communications électroniques ont remplacéune bonne partie des envois postaux des entreprises : les factures(réception, envoi et paiement) représentent ainsi moins de 40% desenvois. En revanche, pour la communication et le marketing, lesdémarches administratives et fiscales et la correspondance avec lesménages, ce chiffre s’élève à près de 50% et atteint près de 70%pour la correspondance générale avec les autres entreprises.

Ces tendances perdureront-elles ? Sans doute oui, mais les entre-prises pensent toujours utiliser le service postal pour tous ces typesde courrier. En effet, plus des deux tiers d’entre elles indiquentqu’elles continueront à utiliser les services postaux pour les factures,et même près de 40% pour les envois de communication et demarketing. En outre, plus l’entreprise est petite, moins elle souhaiteutiliser le courrier physique pour sa correspondance avec sonpersonnel – un taux au dessous de 40% pour les entreprises de

moins de 10 salariés – alors qu’il se situe autour de 75% pour cellesayant plus de 50 salariés.

Enfin, pour la plupart des entreprises, le délai d’attente en bureaude poste (29,4%) et le délai de distribution de la lettre normale(16,1%) sont les principaux points à améliorer. Leurs autres prioritéssont l’intégrité physique du courrier et des colis, la régularité de ladistribution, et le délai de distribution de la lettre normale, pourtantjugés satisfaisants. Une éventuelle contradiction ? w,

LUn gros émetteur de courrier témoigne : la MGEN

La Mutuelle générale de l’éduca-tion nationale (MGEN) entretientdes relations soutenues avec tousses membres à qui elle adresseinformations, relevés de rembour-sements, publicités. Elle commu-nique aussi régulièrement avec sesagences territoriales. C’est pour-quoi elle a besoin d'un servicepostal quotidien spécifique bienadapté pour faire face à un affluxmassif de documents. Un contratannuel national lie ainsi La Poste etla MGEN pour la réception et l'envoidu courrier et de la presse.

z Quel volume de courrier envoyez-vous chaque semaine ? La majeure partie du courrier générépar nos centres de gestion et centresd’appels est édité, affranchi et expé-dié depuis Nancy sur une plateformeindustrielle. En moyenne, cela repré-sente 460 000 plis par semaine en2010, auxquels se rajoutent, au siègede la MGEN, 800 plis en moyennepar jour. Le ramassage est fait par LaPoste à 16h30, du lundi au vendredi.Le courrier arrivant le samedi esttraité dans le flux du lundi. La MGEN

édite également plusieurs revuesmutualistes : l’une, Valeurs Mutua-listes, bimestrielle, à 1,8 milliond’exemplaires et l’autre, MGEN FiliaMagazine, trimestrielle, à 100 000exemplaires. Ces deux publicationssont adressées par La Poste en J+3.

z L'arrivée du courrier électroniquea-t-elle réduit l'envoi de courrierpapier à vos adhérents ? Le courrier papier reste indispen-sable pour la petite correspondance,car certains services restentcontraints de conserver une trace deleurs envois (direction, service juri-dique…). Mais la MGEN commenceà faire des économies sur le courriersortant grâce au service d’abonne-ment au décompte par mail– actuellement 120 000 abonnés –,qui a permis d’économiser 300 000plis par an, soit une économie d’en-viron 115 000 euros. Mais la mise àdisposition d’outils sur le siteinternet permet aussi d’économisersur le courrier entrant avec, parexemple, un millier d’adresses misesà jour en ligne deux semaines aprèsle lancement de ces outils. w

www.mgen.fr

Les entreprises et leur courrier : numérique mais aussi papier

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orsqu’une personne ou une entreprise remet une lettre àLa Poste, elle n’imagine pas forcément l’ensemble desopérations nécessaires au traitement pour que ce cour-rier arrive à l’heure désirée, c’est à dire le jour suivant

dans le cas d’un courrier urgent. En effet, il faut collecter l’objet, véri-fier que le tarif appliqué correspond bien au service demandé et auxopérations de tri associées, acheminer le pli de la zone d’émissionjusque vers une ville proche du destinataire, puis le trier dans un centrede tri de distribution. Il est alors remis au facteur qui organise satournée et dépose le pli dans la boîte aux lettres du destinataire final.

40 000 lettres à l’heureAu début, ces opérations étaient entièrement réalisées manuellement et

nécessitaient beaucoup d’opérateurs ; la capacité de tri pour un opérateurest de l’ordre de 700 à 1.200 objets à l’heure. Il fallait même parfois effec-tuer le tri durant le transport, par exemple dans les trains. L’efficacité dutraitement s’est améliorée avec l’arrivée d’équipements automatisés deplus en plus performants. Aujourd’hui, la capacité opérationnelle est del’ordre de 40.000 lettres à l’heure. Ce passage du tri manuel au tri auto-matique a d’abord concerné le traitement dit « d’acheminement » (dès lesannées 50), puis le processus de remise des lettres au facteur (années80), et enfin la mise en séquence dans l’ordre de la tournée (années 2000).

Faire face à la compétitionAu-delà de l’amélioration de la performance et de la réduction des

coûts associés, l’automatisation de la chaîne a permis aux postesd’améliorer la qualité de service : distribution du courrier prioritaire àJ+1 pour un plus grand nombre de lettres, qualité et précision du tri,meilleure connaissance des usagers grâce aux données statistiquescollectées et meilleure planification des évolutions en termes deservices attendus par les entreprises et les usagers.

Ces évolutions technologiques ont permis aux postes d’améliorer letransport des objets. Elles ont actuellement un outil performant pourproposer de nouveaux services à leurs clients, ce qui doit leur permettrede faire face à la compétition autorisée depuis janvier 2011 dans ungrand nombre de pays en Europe. C’est la condition essentielle pour leurcroissance.

Mais les postes ne peuvent plus se contenter de transporter desobjets d’un point à un autre ; elles doivent toujours être à l’écoute desbesoins de leurs clients et y répondre de façon rapide. Par exemple, l’in-troduction du suivi électronique des plis leur donne une chance de nepas être concurrencées par des sociétés entrantes sur ce marché. Ilfaut juste que, dans cette conjoncture, les postes s’affirment pourproposer des services répondant à ces nouvelles demandes. w

www.solystic.com

L

es premiers facteurs de la baisse des volumes du courrieront été la rationalisation puis le ciblage des envois, puis ladématérialisation a aggravé la situation. La crise écono-mique a amplifié temporairement (nous l’espérons) ces

phénomènes ; en effet, le budget communication de nos clients est direc-tement impacté. Par ailleurs, pour les envois adressés de marketing direct,les offres dites « multi canal » sont venues grignoter des volumes au cour-rier, mais celui-ci reste un outil commercial pertinent. Nous constatons aussique tous les acteurs de la chaîne du courrier amont à la distribution ontmultiplié les efforts pour améliorer leur productivité. De plus, suite à la modi-fication de la politique commerciale de La Poste, ils ont été contraints deréviser leur modèle économique.

Regroupements industriels de flux de courriersEn revanche, du côté de la distribution, la modernisation a tardé à venir

et n’a apporté, à ce jour, que peu d’amélioration de productivité répercutéedans les budgets des émetteurs… Des hausses sensibles de tarifs ont étérégulières et d’autres sont toujours programmées. Ces dernières peuventcontribuer à accentuer la baisse des volumes, les émetteurs se détournantdu média courrier. En effet, force est de constater que, dans le budget d’unenvoi de courrier, la distribution pèse pour 50% quand il s’agit d’un courrier

de marketing direct ou de communication et passe à 70 % pour les cour-riers dits de gestion (facture, relevés de compte, etc…) alors que le routagereprésente 5 à 10 % de ce budget.

Pour endiguer la baisse des volumes liée aux coûts globaux d’envoi ducourrier, le levier principal est celui des coûts de distribution. La premièrepiste, pour apporter immédiatement de l’oxygène budgétaire au marché ducourrier, serait que La Poste accepte, de manière plus souple, les regrou-pements industriels de flux de courriers, ce qui permettrait une réductionappréciée des budgets d’affranchissements. Cela amène, certes, unebaisse de chiffre d’affaires, mais celle-ci est compensée par les économiesapportées par les préparations réalisées par les industriels.

Dans un second temps, nous proposons de participer à l’évaluation dupérimètre et des coûts nets de la fourniture du service universel, en tenantcompte des avantages/désavantages, uniquement pour les envois decorrespondance. Cette analyse devrait permettre d’aboutir à une tarificationde la distribution basée sur les coûts réels d’entrée dans le réseau et enfonction du délai de remise, quel que soit le type de courrier. Par exemple,la fréquence de distribution du courrier ne peut-elle pas être étudiée ? Endernier lieu, il faudrait enfin intensifier la communication pour favoriser le bonusage du média papier… w

www.selced.eu

Les défis de l’automatisation

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x31

Quel avenir pour le secteur postal ?Comme une lettre à la poste

L

Endiguer la baisse des volumes par la réduction des coûts

Par Pierre Patry, directeur commercial et stratégie de Solystics

Par Didier Barbier, président du syndicat des entreprises de logistique de communication écrite directe (SELCED)

Page 32: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

REPORTAGE

Le Hub Courrier de La Poste à Roissy : un lieu hors norme

Dossier

Injection dans la trieuse de contenants« avion »

Déposes Route

Poste de reconditionnement export

Postes d’homogénéisation des caissettes

Trier du courrier à partir de fluxhétérogènes en provenance de

quelque 200 pays n’est pas unemince affaire. Avant de les injecterdans les machines de tri, desopérateurs doivent par exempleséparer les petits des grandsformats, ainsi que les objets méca-nisables de ceux traités manuelle-ment : cette opération s’appellel’homogénéisation. Puis, onprocède à des sondages : desagents pèsent et comptent les plispour évaluer la rémunération, liéeau volume échangé, que lesopérateurs postaux sont amenés àse verser pour la distribution ducourrier import, sur leur territoirerespectif. Pour le traitement duflux de l’aviation postale inté-rieure, une trieuse de bacs« route » trie les bacs de courrierexpédiés par la route ; ses 13sorties et 320 plateaux lui permet-tent de traiter 7500 bacs à l’heure.Même processus pour le courrierarrivé en sacs grâce à la trieuse desacs «route» qui oriente 1700sacs à l’heure en moyenne sur 60sorties. Une « transitique » (tapisroulants) d’environ 3 kilomètresachemine le courrier qui transiteentre les différents chantiers sansrupture de charge.

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A la fois bureau d’échange international et centre de transit, le Hub Courrier de Roissy, ouvert en 2003, assure import et export de La Poste ainsi que le transit du courrier national dans le cadre de l’Aviation postale intérieure représente environ 2 millions de plis par jour et 300 tonnes de courriers traités quotidiennement par 1000 7. Evocation en images d’un lieu hors norme : le Hub Courrier de La Poste à Roissy, le plus moderne d’Europe…

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Quel avenir pour le secteur postal ?Comme une lettre à la poste

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x33

Situé au plus près des avions,avec accès direct au tarmac,

Roissy Hub travaille avec 62 compa-gnies aériennes. 1000 liaisonsaériennes assurent toutes lessemaines 60% du trafic du courrierinternational vers 124 destinations.La plate forme traite aussi, depuis2007, les échanges de courriernational dans le cadre de l’aviationpostale intérieure. Les avions arri-vent tous les soirs vers 23h45 etrepartent vers 1h30 du matin : uneplage horaire extrêmement courtepour décharger, trier et recharger lecourrier en provenance et à desti-nation de la France métropolitaine. Les avions sont utilisés en complé-ment de la route et du rail à partird’une distance supérieure à 400km. Une pesée du courrier esttransmise à l’aviation pour établirles plans de charge des avions. Lesplans de vols sont déterminés enfonction de l’heure à laquelle lecourrier doit être remis. Ainsi, letrafic postal n’est plus seulement

trié par destinations mais aussipar niveaux de qualité : 12%des lettres nationales en J+1passent ainsi par Roissy Hub,

soit 1 pli sur 10 de la sacochedu facteur. En Europe, 94 % du

courrier prioritaire est livré dans les3 jours.

Trieuse de contenants « avions »

Réception des bacs du courrier

Mise en conteneurs

Lecture optique Chute de la trieuseliasses et d’encombrants

Trieuse grands formats

Garantir, en un temps très court,la sécurité de tous les objets

postaux export transportés par avionest un autre défi relevé par le HubCourrier de Roissy. Tout le courrier àdestination de l’étranger sans excep-tion passe ainsi automatiquementau rayon x ; les images douteusessont ensuite analysées sur écran, pardes opérateurs de sûreté ; enfin, si ledoute persiste, le courrier subit unnouveau contrôle au rayon x,manuel cette fois, et termine parfoisdans le caisson antidéflagration où ilest saisi par les autorités des servicesde déminage. Parallèlement, une trentaine dedouaniers détachés en permanenceau sein du Hub peuvent à toutmoment vérifier que le courrier necontient pas de drogues illicites, decontrefaçons de marques ou demédicaments illégaux…

Passage au rayon x

Départ vers les pistes

Sur le tarmac

Caisson antidéflagration

Réinjection dans le circuit après contrôle

le traitement du courrier international prioritaire(API). Le tout, acheminé par camions ou par avions,collaborateurs qui se relaient 24 h sur 24, 7 jours sur

Côté tri, le Hub de Roissy est équipé de machines de dernière géné-ration, comme la trieuse de petits formats qui traite, par lecture

optique des adresses, jusqu’à 40 000 courriers par heure et par destina-tion (départements à l’import et pays à l’export). Trieuses de petitsformats, trieuses d’objets plats, trieuses de liasses et «d’encom-brants»…: le tri n’a plus aucun secret pour le Hub de Roissy. Mais le plusspectaculaire, c’est de regarder la trieuse de contenants « avions » dispat-cher le courrier national et international sur un anneau de 490 mètres delong hérissé de 720 plateaux, qui basculent automatiquement ce cour-rier vers 124 sorties différentes. En contre bas, des opérateurs récupèrentles bacs et remplissent les conteneurs prêts à l’embarquement.

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Dossier

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REPORTAGE

Les plates-formes de courrier : des outils logistiques sophistiqués

Elles incarnent la puissance industrielle du courrier et la volonté de La Poste de moderniser son outilpour mieux assurer ses missions. Avec 86 millions de courriers (adressés et imprimés publicitaires) et dedocuments traités chaque jour, les 36 Plates-formes Industrielles Courrier (les PIC) de La Poste sont lecœur du réseau industriel du courrier. Visite de la plate-forme de Wissous, non loin de l’aéroport d’Orly.

Installée sur 40 000 m2, sur un terrain de plusde 9 hectares, la plate-forme de Wissous

ouverte en 2007, a nécessité un investisse-ment de 70 millions d'euros. 800 personnestravaillent sur le site, 24 h sur 24, 7 jours sur 7.Dédiée au tri du courrier des dix arrondisse-ments du sud et de l’est de Paris, ainsi qu’àune partie du trafic des départements deproximité (91, 92, 94), la PIC de Wissous traitecinq millions d'objets postaux par jour.

Ala PIC de Wissous, soixanteconsoles de vidéocodage

permettent de lire et de corriger,en temps réel, les adresses nonreconnues par les machines.Chaque opérateur traite ainsi en moyenne 3 000 adresses àl’heure, un rythme particulière-ment impressionnant.

Sur une telle surface, on se déplace à vélo et le courrier esttransporté à l’aide d’engins motorisés. La Poste a aussi mis

l'accent sur l'ergonomie des casiers de tri, à hauteur réglable, etsur l'isolation phonique du site, situé sur l'emprise de l'aéroportd’Orly. Enfin, des coloristes ont participé à la conception deséquipements. Au total, « un site graphiquement sublime » audire du chanteur suisse Stephan Eicher qui avait choisi la PIC deWissous pour tourner, le clip de l’un de ses derniers titres,« Confettis ».

La modernisation de l’outil industriel du courrieret des équipements, conçus en collaboration

avec des ergonomes et des médecins du travail, ontpermis d’améliorer les conditions de vie au travail.Ainsi, par exemple, les opérations de manutentionsont minimisées par des « descenseurs » qui dépo-sent les objets près du poste de pilotage de tri, destapis anti fatigue sont disposés le long desmachines de tri afin de soulager les opérateurs dansleurs déplacements, des dépalettiseurs sont capa-bles de vider 800 bacs à l’heure, l’acheminementdes lettres vers les opérateurs est effectué via destapis roulants…

La PIC de Wissous est organisée en deux lignes, pour les petits et les grandsformats. Douze machines dotées de systèmes de tri de dernière génération,

avec lecture optique de l'intégralité des informations inscrites sur les enve-loppes, trient chacune plus de 40 000 plis à l'heure. L’objectif ? Faire gagner dutemps au facteur : grâce à la finesse de tri des machines, 60 % des courriersqu’il aura à distribuer sont classés dansl’ordre précis de sa tournée. Il arrive encore que le courrier à réexpé-dier soit traité par le facteur quil’oriente alors vers la nouvelle adresse.Mais de plus en plus, la réexpédition sefait automatiquement. Un gain detemps dont peuvent, par exemple,bénéficier les 12 % de Français quidéménagent chaque année.

Tri

Le vidéo codage

Tri dans l’ordre des tournées du facteur

Une site « graphiquement sublime »

Page 35: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

6h30 : c’est la prise de service, 6 jours sur7, du lundi au vendredi et un samedi surdeux. Yannick, lui, préfère arriver à 5h30

pour commencer à trier ses plis... Il travailleen équipe, avec deux autres personnes, ce quipermet d’assurer une tournée et demie lesamedi, quand il faut remplacer le collègue enrepos. Le centre de la rue des Renaudes emploie 147facteurs qui distribuent, dans cette zone parti-culièrement dense, chacun environ 1800 plis enmoyenne chaque jour. « Bien sûr, les tournéesne sont pas tout à fait équivalentes, commenteYannick, mais on ne peut pas couper une rueen deux, ce ne serait pas rationnel ! ». Deux foispar an, les derniers mardi de mars et d’octobre,La Poste met les quartiers « en vente », c'est-à-dire qu’elle remet au pot les tournéesvacantes : c’est le facteur qui a le plus d’an-cienneté qui choisit en premier…Arrivé du centre de tri de Gonesse – où unpremier tri est réalisé par machine – le courrier

est déchargé dans lanuit au sous sol de larue des Renaudes,puis livré aux facteurssur caissettes. Chaquefacteur « coupe »alors son courrierdans des casiers,c'est-à-dire qu’il trieson quartier à lamain, par rues, numéros et bâtiments-esca-liers. Les fins de semaine sont plus chargéesà cause de la distribution des hebdos. Unefois trié, le courrier est ficelé en liasses, unepartie étant regroupée dans des sacs, l’autrechargée sur le caddie, « le 4x4 du facteur,avec ses roues adaptées aux trottoirs ». Mais avant de battre le bitume parisien, ilfaut encore procéder, à l’aide de listes et defiches classées dans une bonne vieille boiteà chaussures, à toutes les réexpéditions, puisréorienter les retours (mauvaises adresses ou

adresses incon-nues, personnes décédées) vers le tri. « Lesréexpéditions sont multipliées par trois l‘étéà cause des vacances ». Le facteur doitensuite récupérer ses recommandés : « ilfaut obligatoirement les porter en sacoche,ne pas s’en séparer : c’est une vraie respon-sabilité ». Enfin, chargement du badge Vigik(uniquement activé pour la durée de latournée) pour franchir les portes codées desimmeubles et c’est parti pour la tournéeproprement dite !

Quel avenir pour le secteur postal ?Comme une lettre à la poste

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x35

LA PRÉPARATION DU COURRIER

9h30 : chaussé de baskets toutterrain, casquette siglée La Postevissée sur la tête, Yannik part distri-

buer neuf rues situées à environ 2 kmdu centre de tri, soit un parcours d’environ5 km en tout. «Après la phase collective dumatin, c’est agréable d’être autonome, dese sentir son propre chef ». Les facteurs destournées plus lointaines sont déposés enbus ; lui fait sa tournée à pied et renseignevolontiers le passant égaré en chemin…«Suivez le guide ! ».Arrivée rue Rousselot, première cage d’esca-

lier : jeter les plis dans chaque boite indivi-duelle - « il faut rester concentré pour ne pasfaire d’erreur » -, monter à l’étage pourremettre les recommandés, vérifier les procu-rations, remplir les bordereaux en cas d’ab-sence, discuter avec le concierge (parexemple lorsque la liste des locataires esterronée), congratuler les uns, demander desnouvelles des autres… « La tournée dufacteur est assez rythmée ; il faut saluer leslocataires sans trop s’attarder ». Yannick lesconnait d’ailleurs (presque) tous par leurnom : «j’ai choisi ce métier pour le contact

avec les gens ; il faut savoir dialoguer pourremédier aux éventuels incidents, apporter leplus d’informations possible. Les gens y sonttrès attachés, même ici, à Paris ». Mais il fautdéjà repartir pour récupérer le reste des plisdans des caissons ravitaillés sur le chemin de

la tournée par des chauffeurs de La Poste.

Aux alentours de 13h… Après un« stop and go » saccadé et sans fin

le long de ces rues qu’il connait parcœur – « un trottoir, puis l’autre, le trico-

tage* étant interdit » –, ••• suite page 36

REPORTAGE

Coupage du courrier

Centre de tri

Ravitaillement du facteur sur sa tournéeDépart en tournée

LA TOURNÉE DU FACTEUR

1 800 courriers distribués chaque jour*5 km au quotidien,1 facteur parisien

* en moyenne

Facteur depuis 37 ans, Yannick, originaire d’Amiens, distribue le courrier sur plusieurs grospâtés d’immeubles, les mêmes depuis 6 ans, non loin de la porte d’Asnières à Paris. Quel

est le quotidien d’un facteur ? Le métier a-t-il évolué ? Reportage au centre de tri et de distribution de la rue des Renaudes, dans le 17e arrondissement de la capitale, dans les pas de Yannick.

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uelle est la nature et le volume de courrier que nous rece-vons ? Sur une semaine normale – c'est-à-dire ne comportantpas d’événement particulier (rentrées des classes, joursfériés, etc.) pouvant entraîner des variations dans lesvolumes de courriers -, un foyer reçoit en moyenne 23,6

documents dans sa boîte aux lettres. La majorité de ces envois (14,6) sontadressés et portent le nom et l’adresse du destinataire ; les 9 autres sontde la publicité non adressée ou de la presse gratuite. Parmi les courriersadressés, les correspondances forment un volume hebdomadaire moyende 10,4 courriers dont 4 courriers de gestion / administratifs, 3,4 courrierspublicitaires, 2,9 courriers privés.

Courriers administratifsCe sont les foyers de plus de trois personnes qui reçoivent le plus de

courriers administratifs (5 par semaine en moyenne comparé à unemoyenne de 4 sur l’ensemble des foyers). Factures, relevés de compte ouéchanges avec les impôts, l’Urssaf, la Caf, etc. abondent en effet dans lesfamilles.

La dématérialisation ne semblepas aller à l’encontre des échangesde courrier papier : les ménagesconnectés à internet reçoivent davan-

tage de courrier administratif que la moyenne (4,4 par semaine enmoyenne). Les familles composées d’un couple avec enfants, disposant dedeux revenus et de l’accès à internet, reçoivent plus de courrier adminis-tratif, contre 2,9 par semaine en moyenne pour les ménages composésd’une seule personne et ayant des revenus moins élevés.

Envois de publicitésLes foyers clients d’une ou plusieurs enseignes de vente par corres-

pondance (VPC) sont les plus gros destinataires de courriers publicitaires,avec 3,7 envois par semaine en moyenne contre 1,9 pour les non-clients.Promotions personnalisées et opérations de fidélisation forment l’essentielde ces courriers et leur volume augmente avec l’âge des occupants dulogement : les 60-69 ans reçoivent 3,9 courriers de publicité adressée parsemaine « normale » et les plus de 70 ans 4,1 (contre 3,4 courriers enmoyenne sur l’ensemble des foyers).

Correspondance privéePour la catégorie « courriers privés », le volume reçu augmente avec

l’âge. Avec 4,5 courriers privés par semaine, comparé à 2,9 sur l’ensembledes foyers, les ménages dont le chef de famille a plus de 70 ans sont ceuxqui reçoivent le plus de lettres et cartes postales, courriers d’associations,de syndicats, de syndics, billets de train, etc.

Les plus de 70 ans sont aussi les plus abonnés à la presse : ils en reçoi-vent en moyenne 4,6 par semaine pour 2,5 en moyenne sur l’ensemble desfoyers. Ce sont avant tout des magazines (2,5 en moyenne par semaine) etdes quotidiens (2,1 en moyenne par semaine).

Être client des enseignes de VPC incline à recevoir davantage de maga-zines : 1,6 en moyenne par semaine, pour 1,1 seulement pour les autresménages. En revanche, accéder à internet va plutôt de pair avec un nombremoindre d’abonnements à la presse, quotidienne ou magazine.

Propectus et presse gratuiteProspectus et presse gratuite représentent 38% du contenu de nos boîtes

aux lettres. La présence d’un autocollant « stop-pub » limite largement levolume reçu : 1,3 par semaine pour une boîte aux lettres avec autocollant,comparé à 7,6 pour l’ensemble des foyers. L’habitat et la géographie influentaussi sur le volume de prospectus reçus : 9,2 par semaine pour les foyershabitant une maison, situés en zone rurale (8,6) ou dans des villes de moinsde 100 000 habitants (8,9).

Naturellement, l’accès facile aux boîtes aux lettres a pour effet d’ac-croître le volume de prospectus ou de journaux gratuits reçus : 8,7 parsemaine en moyenne, pour 6,2 quand il existe un interphone, 5,1 un digi-code, 4,6 un gardien et 4,6 quand le système Vigik est présent. w

* principaux résultats d’un sondage Ipsos réalisé pour l’ARCEP en octobre 2008 déjàpubliés dans La lettre de l’Autorité n°65 (janvier-février 2009).

36x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Que contient notre boîte aux lettres ?

Q

••• suite de la page 35retour au centre de distribution pour la reddi-tion des comptes : remise des lettres nondistribuées, du badge Vigik et vérificationsdiverses. « Le timbre à 58 centimes pour toutce travail, c’est pas très cher ! » lance

Yannick, mi affirmatif, mi interrogateur.

13h30-14h : fin du service. Yannick vientde distribuer du courrier à 800 à 1000

clients, avec un sentiment certain du devoiraccompli. « Il faut un bon mois pour faire unfacteur efficace ». Les qualités du facteur juste-ment ? « Etre ponctuel, méticuleux, mais aussialler vite tout en faisant preuve de conscienceprofessionnelle ». Des qualités valables hierautant qu’aujourd’hui. Car le métier n’a pasbeaucoup évolué : « grâce aux machines, on agagné en temps sur le tri – d’où le rallonge-ment des tournées –, on fait la tournée unique

(au lieu de trois tournées par jour à Paris) et onne distribue plus de mandats ». Mais lesfacteurs seront toujours les messagers. Commel’écrit Jules Janin au 19e siècle, il est « l’espé-rance en uniforme, la voix mystérieuse quiparle tout bas à toutes les oreilles, qui se faitentendre de tous les cœurs ».

* tricotage : en langage postier, traverser larue en zig zag

Méthodologie

L’enquête « consommation des servicespostaux par les ménages en France » aété effectuée par IPSOS, pour le comptede l’ARCEP, auprès d’un échantillon de1 710 foyers représentatif de l’ensembledes foyers.Les personnes en charge habituellementdu relevé du courrier ont renseignépendant deux semaines, du 6 au 19octobre 2008, un questionnaire sousforme de grilles quotidiennes, permet-tant de relever le nombre, par catégorie,de documents reçus par le ménage.

Ces deux semaines ont été choisiesparce qu’elles ne comportent pasd’événement particulier (rentrées desclasses, jours fériés, etc.) qui auraientpu entraîner des variations dans lesvolumes de courriers. Ce choix desemaines « normales » peut expliquernotamment que les données issues del’observatoire des activités postalespublié par l’ARCEP fournisse des esti-mations hebdomadaires moyennes surl’année d’ordre différent, notammentsur la publicité non adressée.

Page 37: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Quel avenir pour le secteur postal ?Présence postale et aménagement du territoire

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x37

a loi (1) a confié quatre missions de service public à LaPoste: • l’accessibilité bancaire ;• le transport et la distribution de la presse ;• le service universel postal ;

• une contribution à l’aménagement du territoire, au moyen de sonréseau de points de contact.

Pour cette dernière mission, la loi postale de 2010 (2) est venuepréciser qu’elle passait par le déploiement d’un réseau comportant aumoins 17 000 points de contact sur la France, ce qui correspond àl’étiage historique du réseau des bureaux de poste. Cette précisioncomplète l’obligation déjà présente dans la loi, qui prévoyait unedistance maximum de 5 km ou 20 minutes en voiture pour un point decontact (3). Le réseau de La Poste comporte ainsi davantage de pointsque ce qui serait nécessaire au seul titre de la mission d’accessibilité duservice universel postal, qui prévoit une distance maximum de 10 km (4).

La loi a également chargé l’ARCEP d’évaluer le coût de ce maillagecomplémentaire, pour lequel La Poste bénéficie d’un abattement defiscalité locale de 135 M€ en 2009, passé à 155 M€ en 2010 à la suitede la réforme de la fiscalité locale (remplacement de la taxe profession-nelle par la contribution économique territoriale). Cette évaluation indé-pendante doit permettre de vérifier qu’il n’y a pas surcompensation del’opérateur.

Le décret précisant la méthode d’évaluation du coût n’est pas encorepris, mais l’ARCEP a déjà commencé les travaux d’évaluation, dont lesgrands principes sont ici présentés.

Le maillage des points de contact de La PosteLa Poste déploie environ 17 000 points de contact, qui correspon-

dent à environ 10 500 bureaux de poste en propre, accompagnés d’en-viron 6 500 points en partenariat. En effet, dans un mouvementcommun à la plupart des pays européens, engagé depuis plusieursannées, La Poste a établi des partenariats avec des mairies, pour ledéveloppement d’agences postales communales (environ 4 700 APC),et avec des commerçants, pour le développement de relais postecommerçant (1 800 RPC).

Il convient de souligner l’extraordinaire hétérogénéité des points decontact du réseau postal, entre des bureaux de poste à très forte acti-vité (les 2 000 plus gros concentrent environ 50 % de l’activité) alors queles 7 300 plus petits points comptabilisent moins d’une heure d’activitéau guichet en moyenne par jour.

Dans ce contexte, les partenariats permettent à La Poste d’assurersa présence sur le territoire, en mutualisant les moyens (employés,locaux) avec la mairie dans le cas d’une APC, en fournissant des horairesd’ouverture très étendus dans le cas des relais poste commerçant. Cespoints de contact permettent de réaliser l’essentiel des opérations duservice universel postal (achat de timbre, dépôt de courrier et de lettrerecommandée, retrait de lettres ou de colis en instance) ainsi que desopérations bancaires élémentaires.

L’évaluation ducoût net parl’ARCEP

Même si l’évalua-tion de l’ARCEP sur lecoût de cette mission n’apas encore été réalisée, lesgrands principes d’évalua-tion du coût d’une missionde service public sont fixéspar la jurisprudence euro-péenne sur les aides d’Etat(arrêt Altmark de la Cour dejustice), selon le principe ducoût évité net.

Le calcul résulte de la différence debénéfice pour l’opérateur entre deux situations: celle où il est soumis à l’obligation de service public et celleoù il ne serait pas soumis à cette même obligation. Dans le cas qui nousintéresse, la situation hypothétique – appelée aussi le scénario contre-factuel – où La Poste n’a pas d’obligation de contribuer à l’aménagementdu territoire, correspond à celle d’un opérateur qui resterait soumis auxautres missions de service public, notamment, pour ce qui concerne sonmaillage, à l’obligation d’accessibilité du service universel, qui l’amène-rait à déployer un maillage moins dense, plus dense cependant que celuid’une entreprise « commerciale » classique.

Cet exercice suppose donc de déterminer, d’une part, l’évolution desrecettes en l’absence du maillage complémentaire – la diminution de lataille du réseau entraîne en effet un report de la demande sur les pointsde contact maintenus, susceptible de diminuer la demande de service –et, d’autre part, l’évolution des coûts. Cette dernière peut être décom-posée comme le coût direct actuel des points de contact correspondantau maillage complémentaire, auquel il convient de retrancher le coût detraitement de la demande reportée dans les points de contact main-tenus.

La Poste procède à ce jour à une évaluation en interne du coût de samission d’aménagement du territoire. En 2009, elle a évalué le coûtcette mission à 314 M€, associé à la différence entre un déploiementde 7 329 bureaux de poste répondant à la mission d’accessibilité duservice universel et les 17 000 points de contact actuel. Pour avoir l’éva-luation de l’ARCEP, il faudra encore patienter un peu… w

(1) Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de laposte et à France Télécom.

(2) Loi n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l'entreprise publique La Poste etaux activités postales.

(3) Pour 90 % de la population de chaque département.(4) Pour 95 % de la population de chaque département et 99 % de la population

nationale.

L

L’évaluation du coût de la mission d’aménagement du territoire de La Poste :

une nouvelle mission de l’ARCEP

Page 38: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

38x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

’année 2005 a vu progressi-vement se mettre en placeun cadre visant à assurer età garantir une meilleure

présence postale sur l’ensemble duterritoire, sujet longtemps objet devives discussions. La loi de régulationpostale du 20 mai 2005 a ainsi définides règles d’accessibilité au réseaupostal public et mis en place le fondspostal national de péréquation territo-riale. Ce fut également en 2005 qu’unaccord a été signé entre l’Associationdes maires de France (AMF) et LaPoste pour organiser le partenariatavec les communes ou les commu-nautés, via les agences postalescommunales ou intercommunales.

Plus récemment, la loi du 9 février2010 a fixé à 17 000 le nombre depoints de contact « minimum » répartissur l’ensemble du territoire. C’est dansce cadre que l’AMF a élaboré, avecl’Etat et La Poste, le contrat deprésence postale territoriale 2011-2013, signé en janvier 2011.

Financement organiséPrenant le relais de celui signé en

2008, ce nouveau contrat est à la foisdans la continuité du précédent,puisqu’il organise le financement de laprésence postale à travers le fondspostal national de péréquation territo-riale mais va aussi plus loin, en préci-sant les modalités de la présencepostale sur l’ensemble du territoire.

Doté d’un montant prévisionnelannuel de 170 millions d’euros, quisera définitivement arrêté après l’éva-luation par l’ARCEP du coût supportépar La Poste au titre de sa contributionà l’aménagement du territoire

(cf p.37), ce fondsva servir à financer et préserver laprésence postale dans les zones quele législateur a qualifié de « priori-taires », à savoir les communesrurales, avec une attention particulièrepour les plus fragiles d’entre ellessituées en zones de revitalisationrurale, en zones de montagnes et demassifs, les ZUS et les DOM.

L’amélioration de la qualité duservice postal étant un autre objectifrecherché dans le contrat, il prévoit,par exemple, une définition annuelledes jours et heures d’ouverture despoints de contact, ce qui devraitpermettre une stabilisation deshoraires d’ouverture des bureaux deposte de faible activité.

Diagnostic partagéPour l’AMF, la signature de ce

contrat est aussi l’occasion derenforcer le dialogue entre les élus etles représentants de La Poste sur lemaillage territorial. Deux principesforts ont ainsi été inscrits dans lecontrat : le premier est qu’aucunetransformation d’un bureau de postene se fera sans l’accord du maire et duconseil municipal ; le second rend obli-gatoire un « diagnostic partagé » entrele maire et le représentant de l’opéra-teur postal avant toute transformationd’un bureau de poste en agencepostale communale ou en relais poste.

Enfin, les commissions départe-mentales de présence postale territo-riale, où siègent les élus locaux,s’assureront que les règles figurantdans le contrat sont respectées. Endevenant également des instances derecours en cas de difficultés, elles veil-leront, et c’est le souhait de l’AMF, aumaintien d’une répartition équilibréeentre les bureaux de poste et les diffé-rents partenariats, gage d’un servicepostal de qualité pour l’ensemble denos concitoyens. w

www.amf.fr

« Rien ne se ferasans les élus »

es défis auxquels LaPoste doit répondre en2011 sont multiples etcomplexes, mais aussi

porteurs de promesses si elle saitpréserver ses atouts.

Alors que la concurrence estdevenue totale sur le courrierdepuis le 1er janvier de cetteannée, de nouveaux métiers s'of-frent à elle, sur des marchésporteurs comme l'assurance oules prêts à la consommation, quirépondent aux besoins des parti-culiers, et notamment des jeunes,comme des petites entreprises,partout sur nos territoires.

Fiabilité et proximitéLa tradition d'éthique et de

service public qui fonde encoreaujourd'hui la « marque » de LaPoste constitue à cet égard pourle groupe une véritable valeurajoutée auprès d'un public enrecherche de confiance et destabilité.

Dans un monde où tout se«virtualise» et où les repèressociaux et économiques évoluentrapidement, la fiabilité et la proxi-mité constituent des pilierssolides pour le développement del'entreprise publique.

Les désagréments liés aumanque de sécurité sur internet,par exemple, redonnent leurslettres de noblesse à un courrierfiable et qui doit le rester. Le déve-loppement des ventes sur internetmaintient et ne peut que solliciterplus encore à l'avenir les volumes

de livraisonpar colis, en particulier en zonerurale.

Les nouvelles compétencesdévolues aux facteurs peuventpermettre de répondre à desbesoins réels dans le domainedes services à la personne, pourautant que la polyvalence ne sefasse pas au détriment de laprésence.

Fragilité juridiqueDans la période récente, et

avec la complicité du législateur,La Poste a fait le choix préjudi-ciable de transformer un nombreimportant de bureaux de poste deplein exercice en points decontact. Certes, ces points decontact, commerçants ou agencespostales communales, peuventfaire illusion au départ avec uneplus large ouverture au public.Mais dans la durée, on risque dese rendre compte de leur fragilitéjuridique en l'absence de véritabledélégation de service public, de lafaiblesse de leur offre en matièrede fiabilité au niveau des servicesfinanciers.

Le contact direct a dusens, et même de l'intérêt

Dans ce XXIème siècle qui, àpeine né, connaît sa premièrecrise systémique, le contactdirect a du sens et même de l'in-térêt. Pour La Poste, comme pourles usagers qui y viendront cher-cher un pli ou un conseil, il esturgent d'envisager l'avenir en nebaissant pas la garde sur le mail-lage territorial, qui reste le coeurde métier de l'entreprise publiquenationale qu'est La Poste. Sans laprésence, la Poste perd tout sonsens. w

www.francois-brottes.com

« Sans la présence,La Poste perd

tout son sens »

L L

Par François Brottes, député de l’Isère

Par Jacques Pélissard,député du Jura, président de l’Association des maires de France (AMF)

Page 39: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x39

a présence postaleconstitue une desmissions de servicepublic confiée, par la loi,

à La Poste, dans le cadre de lapolitique d’aménagement du terri-toire, qui représente l’un dessoucis majeurs des élus deterrain.

La Commission supérieure duservice public des postes et descommunications électroniques(CSSPPCE) que je préside a été,au travers de ses membresrapporteurs des deux projets delois qui constituent le cadre légaldes activités postales, le relais deces préoccupations.

Nécessaire adaptationLa Commission partage avec

La Poste le souci d’une concerta-tion la plus étroite entre les élus etles représentants de l’opérateurpostal afin de trouver les solutionsles plus innovantes répondant auxexigences de compétitivité quis’imposent à La Poste, mais égale-ment aux souhaits des élus dedynamiser leurs territoires.

C’est ainsi que la loi du 20 mai2005 fixe une norme d’accessibi-lité pour le réseau postal, mais elleprévoit également les outils quipermettent la nécessaire adapta-tion du maillage territorial  : lescommissions départementales deprésence postale territoriale(CDPPT), instances de dialogue etde concertation au niveau local, lefonds de péréquation pour assurerle financement de la mission

d’aménagementdu territoire et le contrat deprésence postale territoriale quiassocie les élus, l’Etat et LaPoste ; ces trois partenaires sontreprésentés au sein del’Observatoire national deprésence postale territoriale quifixe les règles de gestion et d’utili-sation du fonds, ainsi que lesmodalités d’évolution de laprésence postale territoriale.

En 2010, à l’occasion du chan-gement de statut de l’opérateurhistorique et dans la perspectivede la libéralisation du marchépostal, la loi a conforté la missiond’aménagement du territoire de LaPoste et a renforcé son finance-ment par des possibilités accruesd’allègement de fiscalité locale quialimente le fonds de péréquation.Elle a gravé dans le marbre lemaintien des 17 000 points decontact du réseau postal.

Plus de 17 000 points de contact

A la fin de l’année 2010, LaPoste comptait 17 079 points decontact et plus de 94 % des dépar-tements français respectaient lanorme d’accessibilité. Elle estainsi présente partout, dans leszones les plus éloignées commedans les zones urbaines sensi-bles  : 9 800 points de contactsont situés en zone rurale et 850en zone urbaine sensible (ZUS).

En zone rurale, la présencepostale prend souvent la forme departenariats, agences postalescommunales ou relais poste, quioffrent une amplitude d’ouvertured’horaire plus satisfaisante pourles clients puisque 91 % despersonnes qui fréquentent les5 800 agences ou relais deszones rurales se déclarent satis-

faites de ces services.Le contrat de présence postale

2011-2013, signé le 26 janvier2011, renforce le financement etla stabilité de la présence postale,notamment dans les territoiresruraux et de montagne, dans lesZUS et les DOM. Il s’inscrit dans lacontinuité du partenariat nouéentre les trois signataires ettraduit la volonté de renforcer lesbases de dialogue et de concerta-tion établies entre eux, ainsi que

les instances de gouvernancemises en place, l’Observatoire auniveau national et les CDPPT auniveau départemental. Ce doubledispositif, national et départe-mental, permet un dialogueconstructif entre les élus locaux etles représentants de La Poste aubénéfice d’une présence postaleperformante et pérenne, adaptéeaux besoins des populations. w

Par Pierre Hérisson,sénateur de la Haute-Savoie, président de laCSSPCE et de l’Observatoire national deprésence postale territoriale

L

« Une présence gravée dans le marbre »

www.industrie.gouv.fr/poste/act/cssppce.html

Quel avenir pour le secteur postal ?Présence postale et aménagement du territoire

Bureau de poste de Foix (Ariège)

Bureau de poste deSaint Aygulf (Var)

Bureau de poste de Villers-sur-Mer(Calvados)

Bureau de posted’Ajaccio (Corse-du-Sud)

Bureau de posteà Pamier (Ariège)

Page 40: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

es tarifs postaux préférentiels constituent la plusancienne forme d’aide de l’Etat à la presse, puisqu’ilsremontent au 18e siècle. En vertu de la défense du plura-lisme de l’information et de l’égal accès à la presse surl’ensemble du territoire, l’Etat apporte à La Poste une

contribution annuelle destinée à compenser les surcoûts de la mission deservice public de transport postal de la presse. Depuis les années 1980,une succession de protocoles associant les éditeurs, La Poste et l’Etat ontfixé les modalités de cette prise en charge partielle, par l’Etat, des tarifs

d’acheminement postal. Signé le 23 juillet 2008, le dernier protocoleengage les parties sur la période 2009-2015 dans un

contexte d’ouverture complète du marché du courrierau 1er janvier 2011. Ces accords prévoient la

résolution de la question du déficit par lacombinaison de la hausse des tarifs, lesgains de productivité obtenus par LaPoste et la contribution de l’Etat.

Malheureusement, malgré lesengagements de l’Etat, l’effort des

éditeurs en matière tarifaire etl’amélioration des perfor-mances de La Poste en

matière d’organisationet d’industrialisation

du serviced’achemine-ment de lapresse, cette

activité continuede générer undéficit structurel

important dansles comptes de

l’opérateur postal. Pour la presse quotidienne, ce service postal est nonseulement coûteux mais il n’est pas vraiment adapté aux exigences deslecteurs de quotidiens. Si le canal postal reste pertinent pour certaineszones très rurales où seul le service universel postal peut se rendre à uncoût raisonnable, pour le reste, le portage constitue le seul moyen d’as-surer à ces lecteurs une livraison des quotidiens le jour même, 7 jours sur7, jours fériés compris, avant 7h30.

Portage de presse : une aide revalorisée de 70 millions d’euros

Depuis des années, la presse quotidienne régionale a mis en place uneorganisation très performante de portage à domicile pour fidéliser sonlectorat et consolider sa diffusion. C’est ainsi que le portage à domicilecontribue aujourd’hui à 48% de sa diffusion payée et représente 800millions d’exemplaires par an.

Avant que le chef de l’Etat ne décide de revaloriser l’aide directe auportage à l’issue des Etats généraux de la presse écrite, prenant ainsi actede son utilité publique, celle-ci s’élevait à 8,25 millions d’euros, contre 242millions pour une aide postale accompagnant la distribution d’1,7 milliardd’objets de presse. Ce faisant, l’Etat soutenait ainsi 30 fois plus un dispo-sitif d’une volumétrie deux fois supérieure seulement. Dispositif qui, parailleurs, ne bénéficie qu’à proportion de 37% à la presse quotidienne d’in-formation politique et générale. C’est ce qu’a révélé l’Inspection généraledes finances dans une analyse de l’efficacité des aides à la presse endécembre 2009, pointant ainsi le caractère très relatif du ciblage de l’aidepostale et, par rebond, du soutien de l’Etat à l’expression du pluralisme etau débat démocratique

Depuis que l’aide directe de l’Etat au portage a été revalorisée de 8,25à 70 millions d’€, le portage de la presse quotidienne payante connaît unenouvelle dynamique. Les chiffres de l’OJD l’attestent : sur 2010, le portagede la presse quotidienne a progressé de 80 000 exemplaires chaque jourpar rapport à 2009, ce qui représente une hausse de près de 3% qu’ilconvient, pour mieux en apprécier la performance, de comparer à la

Le portage n’est pas l’avenir quotidienne, c’est déjà

L

Diffusion France payéede la presse quotidienne régionale et départementale

PosteTrajectoire 2001-2010 - 30 % d’exemplaires de presse quotidienne

servis par La Poste ( -109 millions d’exemplaires)

40x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Source : OJD / DGMICSource : OJD / DGMIC

Par Vincent de Bernardi, ex directeur du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SP

Page 41: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

de la presse le présent !

es États généraux dela presse écrite ontdébouché sur uncertain nombre de

dispositions visant à améliorer lasituation économique des entre-prises de presse. Parmi ces dispo-sitions, le renforcement de l’aide auportage fait figure de mesurephare. Certains l’ont critiquée,dénonçant un « effet d’aubaine ».Pour d’autres, c’est la conclusionlogique de la prise en compte, bientardive, de la nécessité de rattraperle retard manifeste de la Francedans ce domaine.

Les raisons du maintien de ladiffusion d’Ouest-France depuis 20ans pourraient se résumer au seuldéveloppement du portage. En1990, la diffusion OJD s’établissaità 795 436 exemplaires, et leportage à 291 173 exemplaires,soit 36,6 % de la diffusion. En2010, la diffusion OJD est de780779 exemplaires (soit unebaisse infime de 1,8 % en 20 ans),et le portage représente 431 914,soit 55,3 % de la diffusion.

Aberration politiqueLe retard français est le résultat

de contraintes objectives liées auterritoire, et d’une aberration poli-tique.

Le territoire français est vaste etla densité y est d’environ 100 habi-tants au kilomètre carré, trois foisinférieure au Benelux, deux fois infé-rieure à l’Allemagne.

Mécaniquement, il est plus difficileet beaucoup plus coûteux de porterun journal en France que dans cespays. D’autant que le portage estun service à domicile, dont le coûtest uniquement constitué de tempsde travail (salaires) et de frais dedéplacement.

En France, depuis 50 ans, l’Étataide massivement et quasi-exclusi-vement La Poste pour distribuer lapresse. Or, elle livre les journaux deplus en plus tard, entre 9h00 et14h00, et souvent le lendemain, cequi ne sert à rien pour un quotidien.Autant d’années et d’argent perdus.

Volontarisme commercialLe développement du portage

nécessite par ailleurs un investisse-ment commercial colossal. Ouest-France y consacre des budgetstrès importants, c’est une prioritéd’entreprise. Plus encore que leportage, c’est bien le volontarismecommercial qui est l’avenir desentreprises de presse.

Le portage, canal privilégiéd’accès à l’information écrite poli-tique et générale, nécessite donc,d’une part, un soutien de l’État enraison de la faible densité du terri-toire français et, d’autre part, uneaction commerciale d’envergure.

Mais une entreprise de pressene se résume plus au seul journal.C’est désormais une myriade d’acti-vités dont le journal représente unepart qui devrait progressivementdiminuer. Le portage, s’il est bien leprésent des journaux qui réussis-sent, n’est cependant qu’une descomposantes de l’avenir des entre-prises de presse. w

www.ouest-france.fr/

« Rattraperle retardfrançais »

Par Olivier Bonsart,directeur délégué du groupe SIPA/Ouest-France

PortageTrajectoire 2001-2010 + 16 % d’exemplaires de presse quotidienne

servis par portage ( +121 millions d’exemplaires)

Quel avenir pour le secteur postal ?Les missions de transport et de distribution de la presse

Source : OJD / DGMIC

QR)

baisse de 7% (soit une perte de près de 200 000 exemplaires chaquejour) de la vente en magasins, et à celle de près de 8% de l’abonnementpostal. Ces évolutions croisées de volumes postés et portés contribuentdu reste à réduire sensiblement le déficit postal. Et les actions de longuedurée qui, au moyen de cette aide accrue, ont été mises en œuvre, tantpar la PQR que par la PQN, devraient voir cette progression s’intensifier.

S’agissant du développement du portage pour la seule PQR, ce sontde nouvelles tournées qui se créent dans des zones semi-rurales oururales, des tournées existantes qui se densifient et s’étendent, desprogrammes de prospection et de fidélisation qui se développent, denouvelles offres commerciales d’abonnement qui ciblent de nouveauxpublics, des investissements dans la relation client et des développementsinformatiques au service de celle-ci et de la logistique. Ce sont desemplois consolidés de porteurs salariés et de vendeurs colporteurs depresse, mais également de personnels encadrant (animateurs commer-ciaux, responsables logistiques, gestionnaires de call center…). Enfin,c’est un réseau de portage qui est mis à la disposition de ses confrèresnationaux puisqu’en 2010, la PQR a porté quelque 16 millions d’exem-plaires de quotidiens nationaux.

N’est-il donc pas plus vertueux de continuer à aider au fonctionnementd’une activité pérenne qui supporte pourtant nombre de contraintes ? Lafermeture de la plupart des sites de Neopress démontre que le portagen’est pas un métier facile qui, pour commencer, doit composer avec lafaible densité du territoire français. Cette situation propre à la France estincontournable, durable, et justifie en elle-même une prise en compte parl’Etat de la difficulté d’acheminement de la presse quotidienne à tous lescitoyens. Un métier difficile en raison, également, de l’explosion des coûtset des contraintes logistiques, des difficultés d’accès aux boîtes auxlettres des logements collectifs, et de la spécificité du profil des porteurs.Du fait de ces contraintes, l’aide au portage est plutôt un exemple réussid’aide ciblée, orientée vers le développement, avec des résultats rapideset mesurables. w

www.pqr.fr/spqr/

L

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x41

Page 42: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

42x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

z Vous êtes l’un desentrepreneurs les plus connusdans la sphère du e-commerce ;pouvez-vous présenter vente-privee.com ?vente-privee.com est à l’origine uneentreprise de ventesévènementielles à vocation B to B.En clair, il s’agit de déstocker lesmarques. Avec le succès de ces dix

dernières années, nous sommesdevenus une marque qui reçoit tousles jours environ 3 millions depersonnes en ligne, donc un média.Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui, il ya un véritable bouleversement dansla façon de consommer. Unemutation est en train de seproduire : la nouvelle barrière, cesont les jeunes qui ont, depuis l’âgede 8, 10, 12 ans, selon les familleset selon les moyens, des portableset aujourd’hui des smartphones.Demain, ils consommeront aveccette «baguette magique », qui leurdonne accès à notre monde deconsommation tel qu’il estaujourd’hui, c'est-à-dire à unemultitude de produits et de serviceset à toutes les marques possibles aumonde.

z C’est la fin des magasins ?Non, mais les consommateursn’iront plus dans les magasinsseulement pour y faire leurs courses.Ils n’en franchiront la porte que si lemagasin est intéressant, sil’expérience de shopping estagréable, s’il y a autre chose que

des produits, par exemple de l’art -d’où les magasins qui deviennent enmême temps des galeries ou quiouvrent des restaurants, commeArmani Café par exemple. Car ilsveulent également se procurer undésir sensoriel d’être avec d’autres…C’est l’agora dans le magasin !Mais l’agora ne suffit pas parce quede nombreux produits vont pouvoir

être achetés directement avec uniPhone. Car c’est hyper simple : avecle « one click payment », vousvisualisez le désir immédiat. Or, cedésir immédiat gouverne la vie deces jeunes, toute leur vie, jusqu’àleurs vies amoureuses. Avant,souvenez-vous, il fallait téléphoner,ne pas tomber sur les parents, nepas appeler trop tard, s’excuser,laisser des messages, attendrequ’on nous rappelle.Aujourd’hui, n’importe queljeune, à une heure du matin,s’il a une détresse affective, vaappeler sa copine ou luienvoyer un SMS « je t’aime »ou « moi je ne t’aime plus » :satisfaction immédiate dudésir…

z Quel rapport avec le e-commerce ?Autrefois, les gens allaient dans lesmagasins, achetaient leurs produitset repartaient en les portant. Maispersonne n’a envie de profiter d’unejournée avec ses enfants avec despaquets à la main ! L’avenir, c’est lecross selling : où que vous soyez,

dans un magasin ou dans votre lit,vous pouvez, avec votre smartphone,commander une marchandise etvous la faire livrer plus tard. Demain,on vous livrera vos achats – y comprisles vêtements – à domicile, commele font déjà les boutiques de luxe, carle luxe, c’est le service. Pour capter leclient, il va falloir mettre en place duservice, sinon le client ira ailleurs. Car,au fond, qu’est-ce qui ressemble plusà un tee-shirt qu’un autre tee-shirt ?

z C’est donc le service qui fera ladifférence ?Oui. L’important, c’est de permettrel’accessibilité à un produit et sonenvoi chez le client. D’où l’explosiondu e-commerce.Avant, je vendais 20 millions deproduits avec mon affaire de gros.Mes clients venaient chercher lesproduits avec leurs camions, lesmettaient dans leurs magasins et lesclients de mes clients venaient dansleurs magasins et repartaient avecun sac en plastique siglé Tati ouMistigri ...Aujourd’hui, je vends 45 millions de

produits - juste le double, ce quin’est pas énorme - mais je suisdevenu le premier client de La Poste.Car je vends les produits à chaqueclient en direct et j’expédie 15 ou 16millions de commandes par an, soit22 millions de colis !Cela crée des emplois et nécessitedes investissements dans lestechnologies de pointe, dans lescentres de tri ... Et La Poste a profité

de cette manne. Heureusement, carle courrier diminue, de - 3 % cetteannée. Cette baisse est inexorable.Un jour prochain, il n’y aura plus decourrier.

z Vous annoncez la fin ducourrier ?Que reçoit-on aujourd’hui commecourrier ? De la pub – je pense queles marques vont finir parcomprendre que le prospectus nefait plus vendre, car il n’est plusdésirable – des factures, les impôts...Aujourd’hui, le courrier que l’onreçoit est négatif. Plus personne nedit : « j’attends une lettre d’un amid’Amérique, d’un fiancé ». Cemonde-là n’existe plus. Le courrierdu matin, dans la boite aux lettresou sur le paillasson, ce ne sont plusque des « emmerdes ».Aujourd’hui, le facteur n’est plussynonyme de bonnes nouvelles,mais plutôt de mauvaises nouvelles.Le mail va remplacer le courrier. La Poste a inventé la lettrerecommandée par mail, c’estfantastique ! Il n’y a rien de plus

stressant que de recevoir une lettrerecommandée à la maison, de nepas avoir de gardienne... d’êtreobligé d’aller la chercher à La Poste.Tout cela est terminé. Il va falloirremplacer ce savoir-faire par autrechose, la livraison du colis au dernierkilomètre. Et, pour réaliser cettemutation, La Poste est la mieuxplacée avec ses investissements etson savoir-faire.

Le luxe, c’est le service.

Pour capter le client, il faut mettre

en place du service.

Dossier

Interview de Jacques-Antoine Granjon,président de vente-privee.com

Nous n’aurions pasgrandi si nous

n’avions pas eu La Poste à nos côtés.

« Il va falloir inventerla box aux colis »

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x43

z La livraison du colis audernier kilomètre sera doncla révolution à venir ?Demain, toutes les marquesvont vendre sur internet – noussommes des précurseurs, nous lefaisons déjà depuis dix ans, ce quinous a permis de développer unevraie expertise en la matière. Ellesn’auront pas d’autre solution. Ellesvont donc toutes avoir besoin delivrer des colis jusqu’au dernierkilomètre. Et ce sont des millions,des centaines de millions deproduits qui vont passer par LaPoste pour arriver chez vous. Avec quelles conséquences ? Toutd’abord, la création d’emplois. Desemplois de services nondélocalisables. Ensuite, il va falloirmieux prendre en compte lesquestions liées au développementdurable : pour livrer des colis, il fautaussi réfléchir à la fabrication ducolis lui-même. Le carton est-ilvraiment plus écologique que leplastique, comme on le croitsouvent ? Combien d’eau faut-ilpour le fabriquer ? Beaucoup derecherches très intéressantes sontmenées en ce moment sur lasolidité, la fiabilité du carton.

z Vous travaillez sur ces sujetsenvironnementaux ?Bien sûr, nous y sommes obligés. Unexemple : certains de nos clientsreçoivent parfois de trop groscartons pour les produits qu’ilscontiennent et sont mécontentsparce que, disent-ils, « c’est del’argent gâché » ou « ce n’est pastrès écologique ». En réalité, notrechaine de livraison n’est prévue quepour trois tailles de cartons, alorsque nous gérons des centaines demilliers de produits différentsprovenant de 1 200 marques. Nousne pouvons donc pas toujoursformater le carton à la taille duproduit. Cette prise de conscience desquestions de développementdurable est de plus en plusfréquente, notamment chez lesjeunes. Notre industrie doit doncréaliser tout un travail éthique, enmettant les moyens nécessaires àl’innovation.

z Revenons au dernierkilomètre…Arrêtons de construire desappartements avec des boites aux

lettres ! Il vafalloir inventer la« box auxcolis », trouverun système pourlivrer les colis en

toute sécurité sans qu’ils restent surle palier. Un peu comme lesconsignes dans les gares. Car tout lemonde n’a pas la chance d’habiterun immeuble avec une gardienne.L’innovation, ce serait que lesarchitectes dessinent, dans les futursimmeubles ou dans les futureszones pavillonnaires, des box à colisqui puissent être partagées, parceque tout le monde ne reçoit pas lemême colis le même jour, 35 pour100 logements par exemple,utilisables avec des codes : lorsque lepostier arrive, il met le colis dans labox et, grâce au code barre, vousrecevez automatiquement un mailqui dit que votre colis est bien arrivéet vous donne votre code pourouvrir la boite.

z Cela parait un peu utopique …Pas du tout ! La distribution vaconnaître, elle aussi, des mutations.Certes, elles ne vont pas se fairerapidement et il faudra d’énormesinvestissements que les grandsgroupes de distribution refusent defaire aujourd’hui, parce qu’ilspréfèrent viser la valorisation et lasatisfaction de leurs actionnaires àcourt terme – c'est-à-dire à 5 ou 8ans. Première mutation à venir : laproximité. Ce n’est pas par hasardqu’aujourd’hui toutes les grandeschaines se recentrent sur ce conceptde commerce de proximité. Parceque nous avons tous aussi desbesoins de proximité, des besoinsauxquels internet ne peut passubvenir : du basilic, des yaourts,une tranche de jambon, le journal,un paquet de cigarettes, desallumettes... La proximité dans lesvilles, bien sûr, mais aussi dans lescampagnes. Parce que les besoinsdes consommateurs qui s’y installentsont les mêmes qu’en milieu urbain.Il va donc falloir que les chainesaient le courage de refaire « ce petitmagasin qui brille dans la nuit »comme le Seven/Eleven enAmérique. Est-ce que ce sera lastation-service ou le bureau de postequi jouera ce rôle ? Je n’en sais rien.Deuxième évolution, la distributionculturelle. Il y aura toujours, danstoutes les grandes villes du monde,

des endroitsoù l’on vaparce que lesrues sontsympas, parcequ’il y a des musées, des églises, desbâtiments intéressants. Il y auratoujours Soho à New York ou leMarais à Paris. Les grandes marquesvont de plus en plus investir cesendroits-là. Mais l’important, pourelles, est de savoir comment ellesvont faire vivre leurs magasins. Maréponse, c’est : par la culture.Ma troisième conviction est que leshypers doivent devenir des endroitsbeaucoup plus conviviaux, desagoras, des lieux où les gens serencontrent, plus seulement où ilsvont pour acheter du dentifrice oude la moutarde, mais aussi pouravoir une patinoire, des cinémas,des librairies, 10 restaurants au lieude la seule cafétéria de l’hyper. ATokyo, il y a des buildings où, sur huitétages, l’on trouve de l’électronique,des téléphones, des télévisions... et,au 10e étage, 15 restaurants ! Et le

dimanche soir, même à minuit, c’estplein de monde ! On va vers unesociété où l’offre est démultipliée.Qu’on l’aime ou pas est un autresujet.Pour ma part, je crois à la fin deshypers parce qu’ils sont anti-éthiques avec leur profusion demarchandises. Personne n’a plusenvie de se balader dans des alléesde dix mètres de large avec desmilliers de pots de moutarde alorsque chacun veut toujours le pot quilui correspond. Ce monde-là estfini. Il va durer encore un peu parceque la population vit pluslongtemps et a des habitudes.Attention, je ne dis pas qu’il n’yaura plus d’hypermarchés dans huitans, mais que mes enfants n’irontplus. Car les jeunes qui arrivent,ceux qui ont 12 ans, 14 ans, 15 ans,ceux qui vont accéder au monde dutravail avec une carte de crédit, cesjeunes-là vont muter beaucoup plusvite que nous. En réalité, ils ont déjàmuté. Ils ne se disent pas que c’était

mieux quand on allait faire lescourses. Ils sont sur d’autressphères, celles du désir instantané,de la satisfaction du désir immédiat,de l’accession à de nouvellesimages, de nouvelles chansons, duzapping permanent. Ils ont leurpropre culture et ils s’en sortent trèsbien. Là encore, il ne faut pas fairede constat sociologique en disantque c’est grave. C’est ainsi !

z Et La Poste dans cesbouleversements sociétaux ?Le défi de La Poste est immenseparce qu’elle a une positiondominante, les réseaux, le savoir-faire, l’argent, les hommes. DenisPayre, le patron de Kiala (lire p. 46-47), fera tout ce qu’il peut, mais ilest moins puissant que La Poste. Si, demain, je dis à La Poste que jevais m’installer dans la Creuse poury bâtir 100 000 m2 d’entrepôts, elleva m’accompagner en meconstruisant un centre de tri et enme donnant les moyens dem’installer là-bas. C’est ce qui est

vraiment intéressant. Nousn’aurions pas grandi si nousn’avions pas eu La Poste avec nous.Elle a été notre premier partenaire.Nous expédions 18 millions de colispar an, avec des pointes à 100 000par jour au moment de Noël. Nousne pourrions pas assurer le dernierkilomètre si nous n’avions pas LaPoste qui réalise un vrai travail entermes de qualité de service ducolis.

z Votre conclusion ?Je pense qu’il faut être positif etchercher comment créer de lavaleur, des emplois, des richesses,comment les partager et commentinventer les métiers de demain,plutôt que d’avoir une visionpasséiste. Ayant dit cela, je n’ai pasles solutions. Chacun fait ce qu’ilpeut. Moi, j’ai créé une entreprisequi fonctionne, avec unécosystème. Des emplois et desrichesses ont ainsi été créés. w

www.vente-privee.com

Quel avenir pour le secteur postal ?Le parcours du colis

Le dernierkilomètre, c’est lenouveau graal du

secteur postal.

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44x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

z Comment voyez-vous lemarché français ?La reprise du commerce extérieurinitiée depuis le second semestre2010 semble se consolider. Lacroissance est tirée par lesimportations (+5% par rapport au3ème trimestre 2010) dans lessecteurs de l’automobile et de lachimie, et en particulier depuis lespays européens. Les exportationsprogressent, quant à elles, à unrythme de 4% par rapport à fin2010, poussées par la vented’équipements industriels, enparticulier vers l’Union européenneet les autres pays tiers, hors Asie.

Dans ce contexte, DHL Expressprévoit en 2011 une croissance de6% en valeur par rapport à 2010.Pour atteindre cet objectif, nousmisons sur la fidélisation et ledéveloppement de nos clients en lesaccompagnant sur de nouveauxmarchés avec des solutions expressinternationales encore plusinnovantes, alliant qualité de serviceet développement durable, parexemple.

z Quelles sont vos opportunitésde croissance, comme filialed'un grand groupe européen ?L’Europe frontalière représente la

majeure partie de nos échanges etnous visons de belles opportunitésde développement à traversl’envoi de petits colis sur le grandexport intercontinental, versl’Amérique du Nord et les paysémergents.La France est un pays dont labalance commerciale eststructurellement déficitaire, ce quitémoigne de notre dépendancevis-à-vis de partenaires extérieurs.La reprise des achats françaisdepuis quelques mois est donc unbon signe pour le développementde notre offre import qui pèsemoins de 30% de notre revenu

actuellement.Perçus comme davantage tournésvers les entreprises de taillesmoyennes et les groupesmultinationaux, nous souhaitonségalement développer nospartenariats avec les plus petitesentreprises. Nous évaluons leurcontribution à 20% des échangeset leur représentation à environ70% des entreprises françaisesimpliquées dans les échangesinternationaux.La reprise des échangesinternationaux, la reconstitutiondes stocks mondiaux, l’extensionde notre marché éligible au

Interview de Frédéric Maille, TDI Marketing Product, DHL Express

Le colis : « de réelles opportusur un marché fortement concu

La plateforme colis express DHL REPORTAGE

Chiffres clés170 collaborateurs travaillent 24 heures sur 24. Ils réalisent chaque jour 12 000 expéditions, d’un poids moyen de 7,5 kilos, ce qui représente 40 à 50 tonnes à l’export chaque soir.

Le matin, la plateforme est utilisée comme centre de tri (réception des containers)et centre de distribution (expédition des plis des clients de Paris rive droite : cabi-nets d’avocats, banques, entreprises de luxe, etc ). L’après-midi, les plis sontenlevés chez les clients pour être expédiés le soir, avant 22h40, délai impératif,heure du départ de l’avion qui rejoint le hub européen de DHL à Leipzig.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x45

transport express et notre capacitéd’innovation pour continuer à créerde la valeur pour nos clientsconstituent de réelles opportunités decroissance en 2011 sur un marchéfortement concurrentiel. Les évènements récents en Afriquedu Nord, au Proche et Moyen-Orientet au Japon ne semblent pas encoredirectement affecter les échangesmais auront très certainement unimpact dans le schéma logistique enplace, d’autant plus qu’il s’agit dezones d’échanges avec la France quiont connu les plus fortes évolutionsdepuis 2001. w

www.dhl.fr

nités rrentiel »

de Villeneuve-la-Garenne

Les expéditions font l’objet d’un « tracking » par code-barre à chaque étape du processus, permettant ainsi auclient de savoir en temps réel où est son pli ou son colis.

Un container aériencontient 1,5 à 2 tonnesde fret. Le chargementdoit être optimisé pardes « tasseurs » pourfaire en moyenne 120 kgau m3. Auparavant, tousles colis seront passés àla sureté aérienne, parun contrôle aux rayonsX, doublé d’une vérifica-tion par un chien spécia-lement dressé pourrenifler les explosifs.

Quel avenir pour le secteur postal ?Le parcours du colis

Dès l'arrivée des camions, un systèmeautomatique d'élévateur permet deréceptionner les containers directe-ment au niveau du centre de tri. Puis,grâce à une plateforme entièrementrecouverte de petites roulettes, lescontainers peuvent être déplacés trèsfacilement, en limitant au maximumla manutention humaine.

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46x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

z Certains parlent de vouscomme « le Xavier Niel dumarché postal » …C’est un grand compliment,d’autant que nous connaissons bienFree et ses performances etcaractéristiques car c’est l’un de nostrès bons clients. Être un peu letrublion, l’acteur émergent quiréussit par l’innovation, c’est ce quinous rapproche le plus de Free. Nousn’avons pas inventé le concept derelais, il faut l’admettre, mais nousl’avons fait beaucoup évolué et nousavons probablement inventé le relaisdu XXIe siècle.

z Vous parlez de relais. Qu’est-ceau juste ?Kiala est un réseau de relais dans descommerces de proximité - despressings, des fleuristes, desmarchands de journaux, desépiceries… – avec toute la logistiquequi va derrière. Ces commerçantsacceptent de faire un travail en plusde leur métier de base qui consiste àréceptionner des colis tous les jourspour les remettre individuellement àdes consommateurs en échanged’une validation de leur identité. Ilseffectuent également des opérationsdites de swap, c’est à dire qu’ilsrécupèrent un produit en échanged’un autre. Nous travaillonsbeaucoup avec les fournisseursd’accès à internet autour de troistypes de prestations : des livraisonsde box en début d’abonnement, des swap pour les montées deversions des box et enfin des retours de box pour résiliation en fin d’abonnement.

z Comment l’idée de relais vousest-elle venue ? Nous étions convaincus depuislongtemps que le e-commerce seraitun phénomène majeur. Or, pourl’avoir vécu à titre personnel, l’un

des freins au e-commerce, c’est quel’on est souvent absent de chez soiau moment où passe le livreur ou lefacteur. D’où l’idée du relais. Elle aété inventée par les grands groupesde vente à distance – La Redoute,Les 3 Suisses – il y a une bonnevingtaine d’années, mais avec peud’investissements et peu de velléitésde concurrencer La Poste - parailleurs un grand partenaire -, maisplutôt dans l’idée d’être moinsvulnérables par rapport aux risquesde grèves. Or, ces services sontpertinents et intéressent àl’évidence les clients. C’est ainsique nous avons créé Kiala,opérateur dédié à ce métier, eninvestissant en particulier dans latechnologie.

z Quels typesd’investissements ?En étudiant le projet, nous noussommes aperçus que lescommerçants relais avaienténormément de tâches à accomplir,notamment les en-cours de colis,c'est-à-dire le suivi des retraits et larelance des clients au bout de cinqjours. Ils avaient développé la «boîteà chaussures», une boîte en cartonavec une fiche par colis et par jour,et devaient déplacer ces ficheschaque jour pour savoir depuiscombien de temps le colis était là.Dans la 5ème case, vous aviez lesfiches des gens qui n’avaient pasretiré leur colis et qui devaient êtrerelancés. Or, un relais stockerapidement 200 à 300 colis et cesystème devenait ingérable. Je mesouviens d’une commerçante quiretournait les colis tous les samedisparce que, le samedi, elle avait letemps… Des colis arrivés le vendredirepartaient dés le lendemain !Nous avons donc investi pour mettreà disposition du commerçant relaisun terminal informatique équipé

d’un scanner pour lire les codes-barres des colis, d’un modem pourfaire remonter les données vers unsite central et d’un écran à messagespour les guider dans les opérations àeffectuer, avec la possibilité de signersur l’écran, de capturer lessignatures des clients... Bref, on asimplifié et professionnalisé leprocessus. Sans négliger lerecrutement des commerçants. Millerelais, c’est un million d’euros,auxquels il faut rajouter

l’équipement d’un terminal quicoûte à peu près 600 €. Au final, cen’est pas négligeable.

z Est-ce un métier complexe ?Il ressemble beaucoup à celuid’opérateur télécom : c’est unmétier de flux, de transactions, avecdes coûts fixes importants, un coûtunitaire par transaction très élevé,qui nécessite donc de générer desvolumes importants pour amortir cescoûts. Les systèmes de billing sontassez sophistiqués, comme chez lesopérateurs mobiles, avec destransactions qui se comptent enmillions. Enfin, il y a l’investissementcommercial. Il faut se faire connaître,convaincre des marchands et desconsommateurs de nous rejoindre,recruter des commerciaux, lancerdes campagnes marketing,communiquer... Pour résumer, il fautd’abord convaincre Amazon depasser par nous puis convaincre lesclients d’Amazon de se faire livrerdans un relais Kiala, plutôt qu’àdomicile…

z Vous suivez lacroissance de l’e-commerce ?Nous allons plus vite qu’elle !L’e-commerce est devenu unphénomène de masse. Près de 5%de la consommation globale se faiten ligne et ½ point deconsommation traditionnelle basculechaque année vers la consommationen ligne. Ce qui représente 5milliards d’€ ! Et ce n’est pas prêt des’arrêter. L’électronique grand public

– premier segment à avoir basculé –est à environ 10% des ventes enligne. 20% des lecteurs MP3 sevendent sur internet - en Allemagneet en Angleterre, c’est même 40%des ventes ! Dans 5 à 10 ans, cesjeunes acheteurs consommeronttous les autres produits en ligne. Lesjeunes sont sur internet enpermanence. Leur moded’interaction avec les autres, c’est lenumérique, au point que c’en estmême inquiétant ! Nous ne sommesqu’au début de la révolution del’e-commerce qui entraine déjà destas de bouleversements.

z Lesquels par exemple ?La fédération des centrescommerciaux français a annoncé endébut d’année qu’il y avait eu lemême nombre de visiteurs en 2010dans ses magasins mais que lenombre de transactions avait baissé.Que se passe-t-il ? Les acheteurs vontdans les centres commerciaux pouressayer et repérer les produits maisachètent en ligne. A Lyon, un

Dossier

« Nous avons inventé le relais du XXIe siècle »

Interview de Denis Payre,PDG de Kiala

Notre croissance va plus vite que celle du e-commerce

qui est devenu unphénomène de masse.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x47

z Pourquoi achetez-vous surinternet ? Acheter sur internet, c’est facile ! Plusbesoin de se déplacer dans lesmagasins, tout est au bout de sasouris. Avec internet, on a un choiximmense de produits neufs etd’occasion, et la possibilité decomparer rapidement les prix et les caractéristiques des produits.C’est particulièrement vrai pour les achats de produits high tech oul’électroménager. En outre, c’est moins cher qu’en magasin. Depuisque j’achète par internet, je ne fais plus les soldes. Pour lesvêtements en particulier, les offres sont très souvent plusintéressantes sur le web.

z Et la livraison ?Avec les e commerçants, c’est en général très rapide, le plussouvent gratuit et les services après vente sont très efficaces. Aumoindre problème, tout se règle par mail et les délais de réponsesont très courts, ils dépassent rarement une journée.

z Comment vous faites-vous livrer vos colis ? C’est au cas par cas : directement à mon domicile, en express sous24h, ou dans un point relais, pour les articles les plus susceptiblesd'être retournés. Tout dépend en effet du produit que j’achète etdu prix demandé pour le service de livraison.

z L’avantage des points relais ? Des amplitudes horaires plus larges qu’à LaPoste, qui varient en fonction des heuresd’ouverture du magasin qui assure ce service. Etsurtout, la proximité, car c’est, en général, lemagasin au bout de la rue !

Anne Briand, e-acheteuse

La richesse du e-commerce, au bout de la rue

marchand de chaussures a mêmedécidé de faire payer les essayages ! Mais internet créé aussi desopportunités, y compris en matièred’aménagement du territoire.Aujourd’hui, nous permettons à7.500 commerces en Europe degénérer un revenu de complémentcorrespondant à presqu’un treizièmemois. Notre activité génère dans leurboutique 30 à 50 visites par jour,dont à peu près les deux tiers vontse transformer en clients récurrents.Parmi ces derniers, un tiers va toutde suite acheter et un autre tiersreviendra acheter dans le mois. AParis, beaucoup de consommateursredécouvrent ainsi leurs commercesde proximité. Avant d’aller ychercher un colis, 60% d’entre euxne les connaissait pas ou n’y avaitjamais mis les pieds.

z Comment avez-vous démarré ?Pour nous lancer sur le marchéfrançais en 2003, il nous fallait aumoins autant de relais qu’il enexistait sur le marché à l’époque,sous peine de ne pas être crédibles.Nous nous sommes donc associésavec le groupe 3 Suisses MondialRelais qui disposait de 3.500 relais.En échange, nous leur avonsapporté notre technologie et créétoute une infrastructure amont avecun centre de tri dans le sud de Paris,autrement dit au barycentre de laFrance, qui livre tous les jours les 23plateformes régionales avec dessolutions de transports etd’enlèvements auprès des clients...Ce centre de tri leur a aussi offert unpoint d’injection intéressant, nouspermettant d’éviter la remontée descolis jusqu’à Lille – le fief de la venteà distance - avec les coûts et lesdélais supplémentaires que celaimpliquait. En 2010, Presstalis, les exNMPP, nous a proposé de densifiernotre réseau pour faire face à notrecroissance. Nous nous appuyons surleurs tournées et mutualisons leursflux avec les nôtres.

z Qui sont vos clients ?La plupart des grands acteurs dee-commerce, et notamment les pureplayer d’internet, comme Amazonou Sarenza, qui travaillent souventavec nous sur plusieurs pays, car ilssont pan-européens, voireinternationaux. Nous couvrons àpeu près tous les segments demarché : bijoux (sauf les diamantspour des questions de sécurité),

grands parfums, pharmacie,développement photo, alimentspour chiens et chats, piècesdétachées automobile, etc.Depuis deux ou trois ans, on voitarriver les enseignes classiques et lesgrandes marques qui se mettent àvendre sur internet - et qui souventy arrivent très bien - comme Esprit,H&M, Etam, Celio, Du Pareil auMême, Promod, Tati, Les GaleriesLafayette, Puma, Quick Silver, etc.Dans les télécoms, SFR, Free etOrange, mais aussi Belgacom ainsiqu’une filiale de KPN. Et puis les acteurs traditionnels de laVAD, du moins ceux qui ont trouvédes business modèles pérennes,comme Yves Rocher, M6 Boutiqueou Damart qui continuent à sedévelopper très fortement.

z Quelles sont vos relations avecLa Poste ?Le e-commerce est en train deprendre une place très importantedans la consommation française. Etce n’est que le début. Le marchéglobal du colis est en croissancecontinue. L’année dernière, nousavons traité 17 millions de colis,dont 12 millions en France. ColisPoste, la branche colis de La Poste,a quant à elle traité 260 millions decolis. Kiala a beau connaitre unénorme succès, nous restons untout petit acteur, avec 4% dumarché.La Poste est notre concurrentnuméro un dans tous les pays. EnFrance, elle a lancé un produit–So Colissimo – qui, d’après nous,constitue un abus de positiondominante. Nous ne voulons pasfaire du juridique contre La Poste,nous pensons qu’il y a de la placepour tout le monde. La Poste estun acteur éminemmentrespectable, avec beaucoup dequalités, mais elle a aussi uneprésence dominante extrêmementforte. Et tout acteur dominant peutêtre tenté d’abuser de sa position.Il faut donc être très vigilant, etnotamment au sujet des aidesaccordées à La Poste, qui sontconsidérables puisqu’il s’agit, autitre du service universel, deplusieurs centaines de millionsd’euros par an - 500 à 700. Monpropos n’est pas de dire qu’elles

sont illégitimes. Mais il faut veiller àce qu’elles ne soient pas utiliséespour affaiblir la concurrence etsubventionner des activités qui,elles, sont concurrentielles.

z Avez-vous des attentes vis-à-vis de l’ARCEP ?Certes, le marché du colis n’est pasun marché directement régulé,mais à partir du moment où LaPoste utilise ses infrastructures pourdes activités régulées ou en passed’être ouvertes à la concurrence - lecourrier -, l’ARCEP a forcément undroit de regard. Il faut en effetsavoir – l’information figure dans lerapport de la Cour des Comptes -que 75% des colis de Colis Postesont aujourd’hui livrés par les80.000 facteurs. Autrement dit,c’est l’infrastructure du courrier quiest utilisée pour livrer la plupartdes colis de La Poste.

z Comme tout concurrent, vous poussez La Poste à serénover…Nous sommes d’abord uneentreprise qui crée des emplois,des flux fiscaux, des flux sociauxmais nous sommes aussi unformidable aiguillon pour LaPoste. A Paris et dans un certainnombre de grandes villes, lesbureaux de poste ont été rénovésde façon spectaculaire, et sontmaintenant ouverts de 8 heures à20 heures sans interruption, desguichets ont été dédiés à la remisedes colis. La concurrence, c’estplus d’efficacité, un meilleurservice. Tout le monde estgagnant : le consommateur etl’Etat actionnaire qui n’est pasobligé de financer une entrepriseen déficit. Voilà notre utilitésociale ! w

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Quel avenir pour le secteur postal ?Le parcours du colis

Page 48: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

ostFinance, l’établissement financier de La Poste Suisse, est unacteur de premier plan sur le marché financier suisse. Sonhistoire récente est marquée par de nombreux succès.PostFinance s’est affirmée comme un pilier essentiel du groupe

mixte Poste, et continuera à jouer un rôle important. Mais La Poste Suisse doitaussi consolider sa position sur les marchés de la logistique et de la communi-cation, tout en poursuivant son développement dans les transports publics. Poury parvenir, elle doit maintenir la qualité élevée de ses prestations traditionnelles,mais aussi développer des solutions novatrices à l’intersection du courrier tradi-tionnel et de la communication électronique.

Le succès de PostFinance rappelle un peu cette histoire du laveur d’assiettesdevenu millionnaire. Pour bien visualiser ce parallèle, remontons jusqu’en 1906.Cette année-là, l’Entreprise des Postes, Télégraphes et Téléphones, les PTT, sevoit confier par la Confédération le mandat initial de mettre en place un servicede trafic des paiements couvrant tout le territoire suisse. Pendant près d’unsiècle, les prestations financières offertes par la Poste se résument au trafic despaiements sur le compte postal(1) avec la "Postcard". Il faut attendre 1998 pourque l’ancienne régie des PTT cède la place à La Poste et à Swisscom.

Une jeune pousse au potentiel prometteurEn 1998, la marque «PostFinance» apparaît pour la première fois sur le

marché financier suisse. Une jeune pousse dont les racines et les feuilles nedemandent qu’à forcir et qui passe alors quasi inaperçue parmi les géants de labranche. Très tôt, la direction de la Poste reconnaît néanmoins le potentielprometteur de son secteur financier. De nouveaux produits financiers sont intro-duits à un rythme toujours plus soutenu : des fonds de placement, des comptesd’épargne, du courtage en ligne, des produits de prévoyance, des hypothèques,des crédits pour les PME, etc. Le service de trafic des paiements poursuit égale-ment sa modernisation. PostFinance devient bientôt un établissement financier àpart entière, offrant les principaux produits à une clientèle à faible ou moyenrevenu ou patrimoine. PostFinance jouit d’un capital confiance particulièrementsolide, ce qui lui permet de traverser la crise financière et de connaître une crois-sance exponentielle.

Aujourd’hui, PostFinance se classe au quatrième rang des établissementsfinanciers suisses. Ses 2,75 millions de clients lui ont confié des avoirs pourquelque 85 milliards de francs. PostFinance emploie actuellement 3700 colla-borateurs et a créé plus de 1600 emplois à plein temps ces douze dernièresannées.

L’établissement financier a dégagé un bénéfice de 575 millions de francs en2010. Un chiffre réjouissant pour les finances postales qui induit pourtant undéséquilibre. Il est vrai que la Poste, avec ses quelque 60 000 collaborateurs,est avant tout une entreprise de communication et de logistique, et non unebanque. Les autres sources de recettes de la Poste doivent donc être renfor-cées pour parvenir à dégager des résultats conformes aux pratiques de labranche. Mais comment y parvenir?

A la croisée du courrierphysique et de l’électronique

La Poste Suisse a su quitter son ancienne armure de régie de monopolepour devenir un groupe mixte compétitif. Active sur quatre marchés – lacommunication, la logistique, les finances et les transports publics de voya-geurs – elle doit satisfaire à son mandat légal de fourniture de la desserte debase sur l’ensemble du territoire. Sa première mission consiste à assurer larentabilité de ses tâches de base (courrier, colis, paiements), même avec defaibles volumes, ce qui nécessite une stricte discipline budgétaire et le main-tien d’une grande qualité des prestations.

Parallèlement, elle doit aussi continuer à développer des prestations inno-vantes et s’imposer sur de nouveaux marchés comme, dernièrement, lagestion de documents pour les grandes entreprises ou encore la boîte auxlettres électronique mobile "Swiss Post Box" pour la réception du courrierphysique. De telles innovations complètent et consolident la chaîne de valeurde l’activité de base, sans la cannibaliser. La Poste est prédestinée à déve-lopper des solutions innovantes à la croisée du courrier physique et de lacommunication électronique – et cela ne date pas d’aujourd’hui. PostFinance,qui mise sur l’e-banking depuis les années 90, est aujourd’hui le numéro un dela branche en Suisse, avec pas moins de 1,22 million de clients e-finance. S’yajoutent plus de 100 000 clients de PostFinance Mobile qui peuvent effectuerleurs paiements via l’écran de leur téléphone mobile.

Vers de nouvelles marges de manœuvrePour l’instant, la Poste a encore un statut d’établissement de droit public

propriété de la Confédération, tandis que PostFinance reste une unité dugroupe Poste.

En décembre dernier, les Chambres fédérales ont adopté une nouvellelégislation postale dont l’entrée en vigueur marquera la transformation de LaPoste Suisse en une société anonyme (SA) de droit public. PostFinancedeviendra par la même occasion une SA de droit privé, détachée du groupePoste et placée sous la surveillance de l’Autorité fédérale de surveillance desmarchés financiers (FINMA). Ce passage à une forme plus moderne de SA vaouvrir à la Poste et à PostFinance de plus grandes marges de manœuvre, cedont profiteront aussi la desserte de base et les services aux particuliers etaux entreprises. Son nouveau statut donnera de surcroît à la Poste une flexibi-lité accrue qui lui permettra de répondre de manière encore plus souple auxbesoins les plus divers de ses clients. Malgré son arrivée dans le club desmillionnaires, PostFinance ne s’est pas départie de sa modestie. Elle est véri-tablement l’établissement financier du peuple, à sa disposition 7 jours sur 7 et24 heures sur 24. w

www.poste.ch/(1) Le service de base de trafic des paiements recouvre la possibilité, pour tous les

Suisses et en tout point du territoire, d'effectuer des versements d'argent au guichetsur un compte postal et de recevoir des paiements.

48x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

La poste, une banque

P

Dossier

Par Jürg Bucher, directeur général de La Poste Suisse et responsable de PostFinance

La Poste Suisse : un groupemixte doté d’un solideétablissement financier

Page 49: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

pas comme les autres

n milliard et demi de personnes utilisent les services finan-ciers postaux – à comparer avec le nombre de créditsactifs issus de la micro-finance qui représente moins d’unhuitième de ce chiffre. Le nombre de comptes postaux,

dont les trois quarts sont ouverts dans les pays en développement, repré-sente le cinquième du total mondial (1).

Dès leur origine au 19e siècle, les administrations postales des paysindustrialisés et du Japon (cf page suivante) ont joué un rôle fondamentaldans l’accès du grand public aux services de paiement et à l’épargne ainsique dans le financement de l’économie. En 2008, selon les statistiques del’UPU (Union postale universelle), 46 % du revenu des postes en Asieprovenait des services financiers postaux, 44 % dans les pays arabes,24 % en Europe et dans la Communauté des Etats Indépendants (CEI) (2)

et 19 % en Afrique. Si paiements, versements sociaux, règlements de

facture d’eau, de gaz et d’électricité, comptes d’épargne et de dépôt etl’assurance-vie (en Asie) s’y sont taillé la part du lion du fait de la règle-mentation traditionnelle des services financiers postaux et du positionne-ment de la poste entre l’Etat et les citoyens, l’assurance IARD(3), lesproduits d’investissement, et même le crédit – à savoir la gammecomplète des services financiers de base – y jouent un rôle croissant.

Brésil, Inde, Chine : un fort potentielReflet de la nouvelle donne géopolitique, ce sont trois des quatre

grands pays émergents – Brésil, Inde, Chine – qui ont le plus contribué aucours de la dernière décennie à la croissance des services financierspostaux.

Au Brésil, la politique d’inclusion financière repose sur l’utilisation depoints de vente existants en tant qu’agences bancaires. L’alliance straté-gique, sous la dénomination de « Banco Postal », entre Correios et unpartenaire bancaire choisi par appel d’offres au plus offrant (250 millionsde dollars pour l’automatisation du réseau) porte sur une gamme deservices financiers de base. Ceux-ci sont gérés à partir d’une plateformecentrale en temps réel par la banque Bradesco et distribués par Correios,lequel dispose d’un fort capital de confiance auprès de l’ensemble desBrésiliens, y compris des plus pauvres. Dans le déploiement, priorité a étédonnée à l’ouverture de services dans les communes sans présencebancaire. Résultats: quelque dix millions de nouveaux comptes ouvertsdont la plupart à des clients non bancarisés antérieurement en l’espace desept ans et davantage d’entreprises créées là où la présence de Banco

Postal compense une faible offrebancaire. Le partenariat doit prochainement faire l’objet d’un nouvel appeld’offres.

En Chine, le choix s’est porté sur le développement en interne de laCaisse d’épargne postale (CEPC) qui a été transformée en banque à partentière. Les alliances à titre temporaire y sont utilisées exclusivementcomme moyens d’apprentissage de nouvelles compétences. La CEPCgère déjà 10% de l’épargne des particuliers et détient plus d’un tiers dumarché en nombre de comptes. Elle fonctionne à travers 36 000 bureauxde poste particulièrement présents dans les petites villes et les régionsrurales. Sa mission est de participer à l’aménagement du territoire endéveloppant l’infrastructure et l’offre financière «de dernier km » auxcitoyens et aux PME jusqu’alors non inclus dans le système financier. Sonsuccès dans le domaine du crédit en dit long sur son potentiel : presque

deux millions de micro-crédits d’une valeur moyenne appro-chant les 10 000 dollars offerts en l’espace d’un an.

En Inde, la priorité de politique publique est d’attribuer àchaque citoyen une identification électronique unique et derendre les comptes accessibles aux habitants vivant dans descommunes de plus de 2 000 habitants, là où vit la majoritédes Indiens non bancarisés. Pas un jour ne passe sans l’an-nonce de nouvelles initiatives à cet effet. Forte de ses

160 000 bureaux, la poste joue un rôle capital du fait de sa capillarité enzone rurale et de ses alliances avec les banques publiques et commer-ciales.

Afrique : les postes au cœur du paiement mobileBon nombre de pays utilisent également le réseau postal pour réduire

la fracture numérique et l’exclusion financière dans l’esprit même de lastratégie postale de Nairobi de l’UPU. Entre autres, l’Afrique du Sud, laTunisie et la Namibie. De nouvelles initiatives sont en cours au Bangladeshet en Tanzanie plaçant les postes au centre de partenariat de paiementmobile.

Les modèles développés, tous différents, prennent en compte lesspécificités historiques, culturelles et sociales tout en intégrant la dimen-sion technologique. Ils s’appuient sur la proximité des postes, leur capitalde confiance auprès du grand public et des PME, leur expérience engestion de trésorerie et logistique de cash. Ils s’inscrivent dans l’exécutiond’actions concertées de développement entre les parties prenantes –ministères de tutelle, banque centrale, régulateurs, organismes depension et de prévoyance – et les diverses politiques publiques – renfor-cement de capacité, réduction de lapauvreté et accès aux services essen-tiels, stabilité financière, développement du système fiscal et de sécuritésociale, partenariats public-privé équitables.

Le succès repose sur une profonde compréhension des besoins descitoyens non bancarisés et des mécanismes informels utilisés, sur les tech-nologies de connectivité, téléphonie mobile en particulier, •••/suite page 50

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x49

U

Quel avenir pour le secteur postal ?Les services financiers

Par Marie-Odile Pilley, expert en économie postale au sein de l’Union postale universelle (UPU)

Les postes et l’inclusion financière : un secret bien gardé

Les grandes innovations financières récentes sontvenues de pays en voie de développement : le Bangladesh pour la micro-finance solidaire et le Kenya pour l’accès de tous à un système de paiement mobile.

Page 50: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

•••/suite page de la page 49Marie-Odile Pilley

UPU

es actifs combinés de Japan Postreprésentent 306 000 milliards deyens (soit 2 700 milliards d’€), ou 63points de PIB. Avec des dépôts

postaux d’un montant de 175 000 Mds de yens,Japan Post Bank, la filiale bancaire de la postejaponaise reste la première banque de dépôts duJapon devant les grands opérateurs privés, eux-mêmes qualifiés de « méga-banques » en raisonde la taille de leurs bilans. Japan Post Insurance,une autre filiale, gère de son côté des actifs d’as-surance-vie qui représentent 100 000 milliardsde yens. La moitié des employés de la Poste –ils sont 230 000 au total –, travaillent dans lesactivités non liées au courrier.

Outre sa taille, la Poste japonaise bénéficied’avantages compétitifs par rapport à sesconcurrents : elle n’est pas soumise pour sesactivités financières à la supervision de l’autoritédes marchés financiers, mais à celle du minis-tère de l’intérieur et des communications ; ellen’est pas soumise non plus à certains impôtsque doivent payer ses concurrents privés.

Des élections législatives dominéespar le statut de la Poste …

L’ancien Premier ministre du Parti libéral démo-crate, M. Junichiro Koizumi, avait fait de la privati-sation de la Poste une des réformes phare de sonmandat (2001-2006). En 2005, confronté à uneopposition interne, il avait provoqué et gagné trèslargement des élections législatives anticipées surle sujet. L’objectif de cette réforme visait d’abordà permettre une meilleure allocation des fondsvers le secteur privé en réduisant la dépendancedes organismes publics par rapport au finance-ment postal. La réforme visait aussi à réduireprogressivement le régime dérogatoire dont béné-ficiait la Poste : garantie implicite sur les comptesd’épargne postaux et les produits d’assurance vie(limitée pour les nouveaux produits en octobre2007) ; exemptions de certains impôts (réduitesdepuis)… Les dépôts postaux ont diminué d’unquart depuis 2003, un mouvement un momentfreiné par la crise financière.

… ont abouti à découper l’entreprisepublique en six filiales …

Le projet prévoyait aussi un calendrier trèsgraduel de privatisation. Après deux ans detransition, Japan Post a été éclatée en octobre2007 en six institutions, dont Japan PostBank, Japan Post Insurance, Japan PostNetwork, et Japan Post Service, filiale chargéede la distribution du courrier, les subventionscroisées entre les différentes filiales étantinterdites. L’ensemble du capital des filialesbancaires et d’assurance et les deux tiers ducapital de la holding devaient être privatisésd’ici 2017.

… selon un calendrier depuis lorsremis en cause

Ce calendrier a été remis en cause par lacoalition conduite par le Parti démocrate,arrivée au pouvoir en août 2009. Le seul alliéconstant du Parti démocrate, est le Parti duPeuple, un parti très minoritaire animé par M.Kamei, qui avait quitté le parti de M. Koizumien 2005 sur son opposition à la réforme de laPoste, et dont le principal objectif revendiquéest de conserver l’électorat des postiers. Legouvernement a présenté un projet de loi quigèle la privatisation, fusionne le réseau et lesactivités de courrier, et double le montant dela garantie publique sur les dépôts et les assu-rances. Cette réforme suscite les inquiétudesdes banques régionales, qui subiront directe-ment la concurrence du réseau postal, dessociétés d'assurance qui risquent de perdredes marchés qu'ils ont eux-mêmes créés, etdans une moindre mesure, des services privésde distribution du courrier.

Le projet a déjà été inscrit trois fois endiscussion au Parlement, mais sans êtreprésenté, en raison de la polarisation desoppositions qu’il pourrait provoquer sur une loisymbolique des réformes Koizumi. Par défaut,la séparation de 2007 pourrait perdurer maisavec le gel du calendrier de privatisation. w

www.ambafrance-jp.org

L

Japan Post, première institution financière au monde et objet dedébat politique au Japon Par Brieuc Monfort,

Conseiller Financier, Adjoint du chef du Service Economique RégionalAmbassade de France au Japon

surtout là où les infrastructures sont défi-cientes, ainsi que sur la mobilisation desressources et compétences existantes.Comme l’indique le livre bleu des Nationsunies sur l’inclusion financière, les solutionsstandards comme l’accès de tous au comptebancaire ou la simple transposition de solu-tions de pays industrialisés ne sont pas demise. Les grandes innovations financières nesont-elles pas venues récemment des paysen développement : Bangladesh pour lamicro-finance solidaire et Kenya pour l’offred’accès à tous à un système de paiementmobile formel, M-Pesa ?

Permettre l’accès des personnesnon bancarisées aux services financiers

En guise de conclusion, deux remarquesd’un fonctionnaire de la Banque centrale nami-bienne (4) s’imposent. Les particuliers nonbancarisés, indique-t-il, veulent un accès ausens large à des services financiers qui ajou-tent de la valeur, et tout d’abord à des paie-ments à distance. La première priorité desrégulateurs désirant faciliter le processus d’in-clusion financière est donc de différenciersystème bancaire et système de paiementdans le seul but de créer un système nationalde paiement qui soit innovateur, fiable, sûr,efficace, abordable et accessible par tous. Lefonctionnaire se réfère ensuite au succèsrencontré par la poste namibienne dans ledéveloppement de comptes d’épargne à bastarifs, accessibles à une grande partie de lapopulation du fait de la densité du réseau, deleur offre sous forme de carte biométriquesans condition autre pour l’ouverture quel’identification. A bon entendeur, salut ! w

www.upu.int

(1) “Financial inclusion and postal banking: is the sur-vival or posts also there”? J. Anson et J. Toledano,dans “Reinventing the postal sector in an electronicage”, M A Crew and P R Kleindorfer, Edward Elgar,Cheltenham UK Northampton MA USA, 2011.

(2) CEI : entité composés de 11 des 15 anciennes ré-publiques soviétiques.

(3) IARD : abréviation utilisée dans le monde de l'as-surance pour Incendie, Accidents et Risques Di-vers.

(4) “The role of payment systems in reaching the un-banked” S di Sousa,Journal of payment strategyand systems, volume 4 number 2, 2010.

La poste, une banque pas comme les autres

50x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Page 51: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x51

epuis plusieurs années, la législation évolue pourpermettre l’usage de la forme « électronique » dans lesactes et procédures de la vie économique et sociale, aumême titre qu’un écrit classique. En règle générale,

l’équivalence est consacrée à la double condition que l’auteur puisseêtre identifié et que l’intégrité du contenu soit garantie lors de sarédaction et pérennisé dans sa conservation. Ainsi en est-il désormaisde la lettre recommandée électronique. La possibilité d’avoir recoursà cette dernière pour la conclusion ou l'exécution d'un contrat estprévue depuis 2005 par l’article 1369-8 du code civil, mais ledécret (1), qui en précise les modalités d’application, a été publié le 2février 2011.

« Tout électronique » ou « hybride »La lettre recommandée par voie électronique présente les mêmes

garanties que les envois recommandés classiques. L’envoi d’une lettrerecommandée électronique implique un expéditeur, un destinataire, un« tiers chargé de son acheminement » (le prestataire de service) et,éventuellement, un prestataire de services postaux. Selon les cas, ilpeut s’agir d’un envoi complètement électronique, depuis l’émissionjusqu’à la réception, ou d’un envoi hybride émis par voie électroniqueet distribué au destinataire sous une forme postale classique.

L’expéditeur envoie de façon électronique la lettre recommandée au

prestataire en indiquant s’il souhaite que l’envoi soit distribué de façonélectronique ou, plus classiquement, sous un format papier. Une preuvede dépôt est adressée par voie électronique à l’expéditeur et uneempreinte informatique du document original est conservée pendant unan par le prestataire, ce qui permet de prouver le contenu de l’envoi encas de litige.

Tout électronique : adhésion des partiesDans le cas où l'expéditeur demande la distribution par voie électro-

nique, le tiers chargé de l'acheminement du courrier informe le destina-taire par courrier électronique qu'une lettre recommandée électroniqueva lui être envoyée. Ce dernier a ensuite la possibilité, pendant un délaide quinze jours, de l'accepter ou de la refuser. Dans le cas où le desti-nataire accepte, la lettre recommandée électronique lui est immédiate-ment adressée. Il est important de noter que les destinataires nonprofessionnels peuvent refuser la distribution par voie électronique.Dans le cas où l’expéditeur a opté pour une distribution sous formatpapier, le prestataire imprime le courrier et procède à sa mise sous enve-loppe. L’envoi prend alors la forme d’une lettre recommandée classique,devant être distribuée par un prestataire de services postaux autorisé parl’ARCEP. w

(1) Décret n° 2011-144 publié le 2 février 2011 au Journal officiel : (cfhttp://www.arcep.fr/fileadmin/reprise/textes/decrets/poste/dp2011-144.pdf)

Quel avenir pour le secteur postal ?Les autres relais de croissance

Par Massimo Sarmi, directeur général de Poste Italiane

D

PosteMobile, premier MVNO postal epuis plusieurs années, la poste italienne a entrepris unprocessus d’innovation technologique et de diversification deson offre de produits et de services, à la fois dans le butd’explorer de nouveaux marchés (services financiers et

d’assurance, par exemple), mais aussi pour faire face à la baisse graduelledes volumes et des revenus liés à la correspondance traditionnelle. Cechoix s’est avéré gagnant : le groupe Poste Italiane a en effet enregistré unecroissance progressive de ses revenus, ce qui en fait un modèle de déve-loppement au niveau international.

Modèle de plateforme multi accèsPoste Italiane a été le premier opérateur postal au monde à rentrer sur

le marché de la téléphonie mobile virtuelle, en offrant des services uniquesdans un paysage des télécommunications qui fait l’objet de changementscontinus dans les usages. Avec PosteMobile, l’opérateur du groupe PosteItaliane, le terminal mobile n’est plus seulement un moyen de communica-tion en mobilité, mais aussi un instrument permettant au client d’envoyeret de recevoir de l’argent, d’effectuer des opérations de paiement (la sécu-rité des transactions est assurée par l’envoi de messages codés ouprévoyant une signature électronique), ainsi que des opérations postalessans avoir à se déplacer au bureau de poste. Son entrée sur le marché dela téléphonie mobile virtuelle a permis à Poste Italiane d’ajouter unenouvelle corde à son portefeuille de produits et de services, ce qui conso-lide son modèle de plateforme multi accès.

218,5 % de croissance en 2010Pour la neuvième année consécutive,

en 2010, le groupe Poste Italiane a ainsiclos l’année avec un bénéfice positif. En2010, il s’est établi à 1,018 milliard d’euros (+12,6% par rapport à2009) et les revenus totaux du groupe ont augmenté à 21,8 milliards,en croissance de 8,7% par rapport à 2009. Actif sur le marché depuisnovembre 2007, PosteMobile a atteint la rentabilité en 2010 avec unrésultat opérationnel positif de 9,5 millions d’euros environ, en crois-sance de 218,5% par rapport à 2009. L’opérateur approche désormaissa cible de 2 millions de cartes SIM actives et plus de 70% des clientsont décidé d’associer cette carte à leur compte bancaire BancoPosta.Plus de 25 millions d’opérations (transfert d’argent et échanges) sontainsi effectuées à partir des terminaux de PosteMobile, soit 256 millionsd’euros de transactions au total.

Ces chiffres témoignent du succès de PosteMobile auprès desclients de Poste Italiane qui apprécient l’intégration de services de télé-phonie mobile, de services financiers et de correspondance. Enfin, enfévrier 2010, PosteMobile a fait son entrée sur le marché des terminauxavec le lancement de son premier téléphone mobile siglé à sa marque.Aujourd’hui, PosteMobile propose ainsi huit modèles de téléphonesmobiles, ainsi qu’une tablette tactile portant la marque PosteMobile, la« PM1152 Tabula ». w

www.postemobile.it

D

Recommandé électronique : mode d’emploi

Page 52: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

52x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Tour d'horizon du secteur postal en EuropeL'ouverture progressive des activités postales à la concurrence se poursuit dans l'Union européenne... Après lesrégulation postale aujourd'hui ? Où en est la concurrence, et quels sont les obstacles rencontrés par les nouveauxdans un secteur où la baisse des volumes réduit l'attrait du marché pour les investisseurs ? Les réponses de trois

1 Malgré la baisse des volumesde courrier, le secteur postal resteun marché gigantesque quidevrait permettre auxconsommateurs de profiter d’unevéritable liberté de choix. Dans cecontexte, il est essentiel qu’uneentité indépendante puisse assurerune surveillance efficace dumarché, en s’attachantnotamment à contrôlersoigneusement les prix et le calculdes coûts. Il est quasimentimpossible de rivaliser avecl’opérateur historique, qui alongtemps détenu le monopolepostal et qui en conserve tous lesavantages. Les principales armesdes concurrents sont les prix et,jusqu’à un certain point,l’innovation dans les services. Letarif des envois en nombre de laposte aux lettres est établi sur labase de contrats individuels et lerespect des règles édictées par ladirective en vue de garantirtransparence et non discriminationdans la fixation des prix, doit êtremaintenu dès le départ. Nonseulement en ce qui concerne leservice universel, d’une portée trèslimitée, mais aussi, et surtout pourles volumes d’envois du secteurconcurrentiel. Il s’agit là d’unparamètre crucial pour définirl’étendue du service universel.Dans ce cadre, il est aussi trèsimportant de désigner unprestataire du service universelafin de mener à bien la missionessentielle de régulation des prixprévue par la directive.

En Suède, les nouveauxentrants sont confrontés à unmarché de la poste aux lettreslargement dominé par l’anciendétenteur du monopole postal (88 % de parts de marché). En

appliquant des méthodes detarification plus ou moinsacceptables, ce dernier peut inciterdes clients clé à confier tous leursvolumes à un seul prestataire etéliminer ainsi une concurrencenaissante. L’égalité d’accès auxinfrastructures postales (boîtespostales, système de codificationpostale, réexpédition du courrier,etc.) est également très importantepour tout nouvel arrivant, mais cetaspect est bien réglementé par laloi sur les services postaux. Tous lesservices postaux sont assujettis à laTVA, ce qui constitue un préalableessentiel à la mise en place derègles du jeu équitables. Sil’opérateur historique devait se voirexonérer de cette taxe, il serait trèsdifficile pour d’autres entreprisesde trouver des débouchéscommerciaux sur le marché postal.

Les volumes d’envois de laposte aux lettres sont enrégression, mais par rapport à unniveau qui avait atteint dessommets sans précédent. Etantdonné que le marché postalsuédois est ouvert à laconcurrence depuis 1993, PostenAB a su mettre à profit toutes cesannées pour rationaliser sonexploitation. Devenueextrêmement rentable, l’entreprisea enregistré un résultat financierrecord en 2010, sans avoirbénéficié de la moindresubvention de l’Etat. La qualité duservice universel est au moinsaussi bonne qu’elle le fut avant lalibéralisation du marché, voiremême meilleure. Le coût de

l’affranchis sement estparmi les plus basd’Europe, tout enincluant 25% deTVA. Cette situationne facilite pas l’accèsdes nouveauxentrants au marché.Il est donc importantqu’une autorité derégulationindépendante puisseprendre des mesuresénergiques en vuede garantir la miseen applicationeffective de ladirective. w

www.pts.se

La baisse des volumes du courrier(Royal Mail a enregistré une chute de7,3% des volumes de courrier en 2010)et la forte croissance de l’achemine-ment de colis et paquets due aux achatssur internet posent deux problèmes :pouvoir identifier un moyen efficace deréguler Royal Mail (qui est le prestatairede service universel) tout en assurant saviabilité et sa stabilité financières. Eneffet, un élément clé de la libéralisationdu marché britannique est le fait queRoyal Mail doit fournir, sur demande,un accès à son réseau. Depuis 2006,date de la libéralisation du secteur,d’autres opérateurs postaux ont gagnéune part considérable du marché ducourrier en amont, assumant la collecteet le tri du courrier, puis son achemine-

ment jusqu’à Royal Mail, qui se chargealors de la livraison finale.

Les clients qui ont de gros volumesde courrier peuvent conclure desaccords d’accès direct avec Royal Mailet rejoindre ainsi son réseau de livrai-son. Postcomm a instauré une méthodede contrôle des prix, « Access Hea-droom », afin d'être certain que RoyalMail facture l’accès à son réseau à unprix équitable. L'opérateur ayantannoncé publiquement que la fourni-ture d’accès est une activité déficitaire,le régulateur a revu sa politique decontrôles en attendant un examen plus

33

2007 2008 2009Volumes courrier

(en milllions de SEK)

3 155 3 089(-1,3 %)

2 915(-5,6 %)

CAcourrier

(en millions d’objets)

9 260 9 135(-1,3 %)

8 750(-4,2%)

11

11

11

22

22

22

Göran Marbyprésident de PTS (Suède)

« Pour rivaliser avec l’opérateur historique,les concurrents doivent faire preuve d’innovation »

Tim Brownprésident de Postcomm (Royaume-Uni)

« le régulateur doit veiller à ce reste innovant et réactif face aux

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LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x53

Deux des objectifs visés par les direc-tives sont interdépendants. A savoirgarantir la fourniture permanente d’unservice universel de qualité - à des prixabordables - et réaliser l’ouverture totaledu marché. C’est un défi pour les régula-teurs postaux. Mais du fait d’une miseen concurrence accrue des opérateurspostaux, l’ouverture totale du marchépeut contribuer à accroître l’efficacité dela prestation de services avec, à la clé,une réduction des coûts de la fournituredes services. En effet, dans le secteurpostal, où les économies d’échelle sontimportantes pour la prestation du serviceuniversel, la baisse des volumes de cour-rier incite les prestataires à réduire leurscoûts. Sur ce point, il faut donc accorderla plus grande attention au calcul des

coûts nets de l'obligation de ser-vice universel, à l' accès en avalnon discriminatoire pour les prestataires de services au réseau postaldu prestataire du service universel (PSU)et, en corollaire, examiner avec soin lesméthodes d'allocation des coûts appli-quées par le PSU. L’autre enjeu de larégulation est de régler les litiges entreopérateurs postaux mais aussi entre cesderniers et les consommateurs. L’objectifétant de promouvoir la libre concurrenceet d’assurer la protection des consom-mateurs.

Au Portugal, le concurrence est fortesur le marché des envois express puisqueplus de 60 % des parts sont détenuespar des concurrents du PSU. Sur les

autres segments, la concur-rence a légèrement progressébien que le PSU conserve prèsde 90 % de parts de marché.Principalement en raison dumonopole qu’il a exercé pen-dant longtemps et qui, outre lapuissance de la marque, peutêtre considéré comme un avan-tage concurrentiel par rapportsaux nouveaux entrants. La concur-rence s’avère néanmoins un peu plusvive dans le secteur du courrier trans-frontalier. Nous nous attendons à uneintensification de la concurrence dans le

complet. Les services d’accès ont intro-duit de l'innovation et de la concur-rence sur le marché et utilisent au maxi-mum le réseau d’acheminement trèscomplet de Royal Mail. Ce qui leur per-met des économies d’échelle et desperspectives sur un marché où lesvolumes sont en déclin. En tant querégulateur, nous devons veiller à ce quele marché postal reste innovant et réac-tif face aux besoins des clients.

A ce jour, Postcomm a octroyé plusde 50 licences, notamment à despetites entreprises et des entrepreneursindividuels. La concurrence sur le mar-ché britannique concerne essentielle-ment la collecte et le tri. Royal Mailcontinue d’acheminer plus de 99% ducourrier adressé. La concurrence debout-en-bout a été lente à démarrer et

l’opérateur historiqueconserve une puissancede marché dans le sec-teur de l’acheminementsur le dernier kilomètre,essentiellement grâce àson réseau très completd’acheminement à pied.Les volumes de courrierlivrés de bout-en-bout parles concurrents ont chutéde 50% en 2009-10, atteignant 11,9millions d’articles. Cela est dû en partieau fait que deux des opérateurs autori-sés ont changé leur façon de comptabi-liser leurs volumes. Nous avons récem-ment analysé les marchés postauxbritanniques et conclu quel’arrivée massive de concurrents sur ledernier kilomètre est fort improbabledans un proche avenir étant donné

l’ampleur des investissements requis. Laconcurrence peut être développéegrâce à un contrôle des prix judicieux.Postcomm a instauré un cadre decontrôle des prix en 2006 en vertuduquel Royal Mail ne peut augmentercertains de ses tarifs ou réduire la qua-lité de certains services. Cette démarcheincite Royal Mail à être plus efficient. w

www.psc.gov.uk

33

33

11

22

José Amado da Silvaprésident d’Anacom (Portugal)

2008 2009 2010Volumes(milliards)

dont courrier

et pressedont colis

1,226

1,204

0,021

1,167

1,143

0,023

1,130

1,105

0,025CA total

du secteur(milliards

d’€)1,072 1,034 NC

domaine du courrier commercial enzones urbaines ainsi que dans le sec-teur des colis, qui bénéficient de l’essordu commerce électronique. La faibledensité de population dans les zonesrurales peut constituer un frein à l’ex-pansion des nouveaux acteurs vers cesrégions, d’où l’importance toute parti-culière que revêt ici la question de l’ac-cès en aval mentionnée plus haut. Parailleurs, une autre barrière à l’entréerégulièrement évoquée est le régimede TVA différent qui s’applique auxprestations du PSU relevant du serviceuniversel.

En principe, plus les concurrentssont nombreux et plus ils sont motivéspour répondre aux besoins des consom-mateurs. Concernant le service universelen particulier, on peut envisager la miseen place d’un mécanisme de compensa-tion approprié si le maintien de l’équili-bre entre les exigences de qualité de ser-vice et l’obligation de pratiquer des prixabordables se traduit par un coût netqui constitue une charge financière iné-quitable pour le PSU. Il s’agit là d’un défimajeur, qui pourra nécessiter de trouverun compromis entre le niveau de qualitéde service et le nombre de jours de dis-tribution du courrier ainsi que les lieuxprécisément visés par l’obligation de dis-tribution. w

www.anacom.pt

nouvelles directives et la baisse des volumes du courrier, quelles sont les grandes questions qui se posent à la acteurs ? Comment développer la concurrence et répondre aux besoins en termes de qualité de service

régulateurs européens : le Royaume-Uni, le Portugal et la Suède.

2007-08 2008-09 2009-10

Volumescourrier

21,5 20,2 18,8

CA courrier

6,8 £ 6,7 £ 6,5 £

•• Volumes et chiffres d’affaires

de Royal Mail(dont courrier, colis et presse)

que le marché postal besoins des clients »

Quel avenir pour le secteur postal ?Les réponses des régulateurs européens

33

Données en milliards

« Plus les concurrents sont nombreux, plus ils sont motivéspour répondre aux besoins des consommateurs »

Page 54: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

54x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Entièrement libéralisé le 1er

avril 2009, le marché postal desPays-Bas est un marché entransition, qui se caractérise pardes volumes de courrier enbaisse, une diminution des fluxd’envois de la poste aux lettres auprofit des envois de colis (stimuléspar le développement ducommerce électronique) et unetendance croissante à laconvergence entre les moyens decommunication physique etélectroniques. Face à cesévolutions, et aux revendicationspour des conditions de travailéquitables, il devient nécessairede repenser la notion de produitpostal ainsi que le rôle de larégulation. Le marché postalmoderne n’est plus façonné parles attentes du consommateur

individuel mais par la demandequi émane du secteurcommercial. La concurrence vainciter les entreprises postales àrechercher un meilleur rapportcoût – efficacité et à assurer unequalité de service différenciée enfonction des catégories declientèle. Dans ce contexte,l’obligation de maintien d’uncertain niveau de service universeldemande une réflexionapprofondie. Du fait de cesdéveloppements, la principaledifficulté consiste à trouver desconcepts de régulation innovants,plus souples, pour faciliter lanécessaire transition vers une

concurrence axée, non plus surles prix, mais sur la qualité. Celadoit se faire en garantissantl’existence d’un service universelà un prix abordable et d’unenature conforme aux attentesd’un marché évolutif.Paradoxalement, unenvironnement postal libéralisé abesoin d’être plus solidementencadré, par une autorité derégulation bien informée,disposant d’un vaste éventaild’instruments pour agir.

Si le rachat annoncé deSelektmail par Sandd estapprouvé par l’autorité deconcurrence, le marché postalnéerlandais sera aux mains dedeux grands acteurs nationaux etd’une multitude de petits

opérateurs régionaux. Etantdonné l’évolution à la baisse desvolumes d’envois et la difficultéde duplication du réseau, il estpeu probable qu’un nouvel acteurnational fasse son entrée sur lemarché. En effet, il aurait du malà rentabiliser ses activités sur labase des volumes actuels,d’autant que la législationnéerlandaise stipule que 80 à100% des agents de distributionpostale doivent être employéssous contrat fixe. Même si desétudes montrent que l’obligationd’accès prévue par la loi postalenéerlandaise ne semble pas servirune finalité avérée, l’absenced’une telle obligation risqueraitde faire obstacle à l’entrée denouveaux acteurs sur le marché.

Les principaux défis à releveren matière de régulation postalesont de trois ordres. D’abord, garantir l’existence desconditions requises pour laprestation du service postaluniversel en tous points duterritoire national et dans lerespect des normes de qualitéapplicables. Ensuite, assurer desconditions équitables auxopérateurs postaux afin qu’uneconcurrence effective puisse sedévelopper sur les marchéspostaux libéralisés.Et enfin, protéger les intérêts

des utilisateurs des servicespostaux.

Du fait des différences quiexistent entre le service postaluniversel (SPU) et les prestationspostales qui ne relèvent pas duSPU - y compris en ce quiconcerne les modalités de leurfourniture, soumises à deuxrégimes différents (octroi d’uneautorisation ou simple

notification) -, il n’est pas possible d’analyser l’état de laconcurrence de la même manièresur ces deux marchés.

La part du prestatairedu service universelsur le montant totaldes recettes issuesdu SPU a étéd’environ 95 % aucours des dernièresannées. Le marchédu SPU peut doncêtre qualifié defaiblementcompétitif et d’unhaut niveau deconcentration.L’un des principaux

obstacles au développementd’une concurrence effective arésidé dans l’existence d’unsecteur réservé pour le SPU.

2009

Volumes courrier(en millions d’objets)

206

CA(en millions de BGN)

– dont courrier– dont colis– dont express

226

505

135

« En Bulgarie, on a ouvert la voie à un marché du service

Johan Keetelaar et Symen Formsmadirecteur du département des expert du marché postal à l’OPTAmarchés de l’OPTA (Pays–Bas) (Pays–Bas)

« Il est nécessaire de refaçonner les marchés postaux de

COMMUNICATIONS REGULATION COMMISSION

Veselin Bozhkovprésident de la CRC Communications RegulationCommission (Bulgarie)

Tour d'horizon du secteur postal en EuropeL'ouverture progressive des activités postales à la concurrence se poursuit dans l'Union européenne... Après les régulation postale aujourd'hui ? Où en est la concurrence, et quels sont les obstacles rencontrés par les nouveauxdans un secteur où la baisse des volumes réduit l'attrait du marché pour les investisseurs ? Les réponses de trois

11

22

11

11

22

22

Page 55: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x55

Larégulation nedoit pasentraver lesdémarches desprestataires deservicespostaux quicherchent àproposer desrapportsqualité-prixconformes auxattentes de laclientèle car ilrevient au marché de laissers’instaurer différents niveaux deservice à différents prix surdifférents créneaux. Dans cecontexte, une obligation deservice universel d’une portéeexcessive pourrait s’avérer

constituer un obstacle plutôtqu’une incitation. La régulationa aussi pour mission de garantirla transparence en matière deprix et de qualité de service,une mission essentielle pourl’avenir. w

www.opta.nl

L’évolution technique entraîne unemodification des activités classiques dumarché de la poste aux lettres car appa-raissent de nouvelles formes de presta-tions de service telles que la lettrehybride ou le courrier électronique. Along terme, cela va conduire à unerestructuration profonde du marchépostal. L’ouverture intégrale du marchéau 1er janvier 2011 représente dans laplupart des États membres européensune étape importante dans le processusde libéralisation des marchés postaux etoffre à tous les acteurs du marché deschances mais aussi de nouveaux défis.Pour l’Allemagne, cela signifieque, outre les conditions cadreen matière de législation postaleexistantes - destinées à renfor-cer la concurrence - il est néces-saire d’introduire de nouveauxinstruments de régulation et/oude renforcer les instruments derégulation existants. C'est ainsipar exemple que, parallèlementà une réglementation des tarifsdans le secteur ex ante (essen-tiellement le segment de laclientèle privée régulé par pricecap) où les gains d’efficacitédoivent profiter aux consom-mateurs, les possibilités decontrôle des abus ex postdevraient être améliorées.

Alors que, dans le secteur des prestations de service courrier rapide– express – et du colis, on assiste à uneforte concurrence en matière de prix etde qualité, il ne s’est jusqu’à présentpas encore instauré de véritable concur-rence sur le marché de la poste aux lettres. L’opérateur historique possèdetoujours une part de marché de 90%environ. Cette situation vient du faitque les concurrents doivent traiter une

quantité suffisanted’envois de la posteaux lettres pour pouvoirdépasser le «volume

critique » qui permet d’exploiter demanière profitable un propre réseau dedistribution. Cela pourrait se réalisersous forme de coopérations dans le butd’obtenir en commun un achemine-ment d’envois de la poste aux lettresqui couvre l’ensemble du pays.

Le développement de la concurrence doit être plus fortementencouragé au moyen d’instruments derégulation accrus (voir plus haut). Si, grâce à des mesures de régulation,des conditions de concurrence équita-bles ouvrent aux concurrents desopportunités sur le marché, ceux-cipeuvent et doivent saisir eux-mêmesces opportunités en mettant en placedes business models innovants. w

www.bundesnetzagentur.de

Avec l’amendement apporté à la législation nationale (envigueur depuis le 30 décembre2010), d’autres obstacles ontégalement été supprimésconcernant les prescriptions enmatière d’autorisations, ainsique de tarification. Le marché hors SPU restedynamique, relativementcompétitif et il peut êtreconsidéré comme d’un niveaude concentration modéré, voiremoyen. Le développement de laconcurrence sur ce marché aégalement été encouragé parle remplacement du systèmed’enregistrement par celui de

la notification, ainsi que par lasuppression des droitsd’enregistrement.

Les mesures de régulationjouent un rôle essentiel.L’existence d’un cadreréglementaire aussi efficace etharmonisé que possible permetde garantir l’accès au réseaude l’opérateur historique dansdes conditions d’ouverture dumarché et de non-discrimination, avec des prixorientés sur les coûts pour leSPU et des comptesréglementaires fiables etdétaillés. w

www.crc.bg

2009Volumes courrier

(en milliards d’objets)– dont lettres– dont publipostage

non adressé

43,1

17,1

22,0

CA(en milliards d’€)

– dont lettres– dont publipostage

non adressé

25,69,5

0,8

Matthias Kurthprésident du BNetzA (Allemagne)

« L’évolution technique conduità une restructuration profonde du marché postal »

postal universel compétitif

demain »

2007 2008 2009 2010

Volumes(milliards)

5,5 5,3 5,1 4,8

CA (miliards

d’€nc 1,8 1,7 nc

Hors colis et courrier international

nouvelles directives et la baisse des volumes du courrier, quelles sont les grandes questions qui se posent à la acteurs ? Comment développer la concurrence et répondre aux besoins en termes de qualité de service régulateurs européens : les Pays-Bas, l’Allemagne et la Bulgarie.

33

33

33

33

11

22

Quel avenir pour le secteur postal ?Les réponses des régulateurs européens

Page 56: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

56x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Pour notre commission derégulation, la grande prioritéest de garantir la viabilité duservice postal universel tout enveillant à ce qu’il soit conformeaux normes de qualité deservice, et à un prix abordable,ceci dans un contexte où lesvolumes de courrier subissentles effets du développementdes communicationsélectroniques mais aussi dudéclin de grands secteursd’expédition tels que lelogement et les finances.La loi stipule que l’U.S. PostalService (USPS) doits’autofinancer, avec quelquesexceptions mineures pour lesvotes de l’étranger et lescécogrammes, dont l’envoi estgratuit. Malgré des mesuresdrastiques de réduction descoûts, le service postalaméricain s’estremarquablement bien adaptéaux évolutions du marché, mais

il n’a pas été en mesure decontinuer à assurer lesversements assez importantsqu’il est légalement tenud’effectuer, depuis 2006, à unfonds d’allocations-maladiepour les futurs retraités. Al’époque où notre Congrès aordonné ces paiements, USPSse trouvait dans une situationfinancière beaucoup plus sainemais, au cours des quatredernières années, les pertesencourues pour doter ce fondsde 21 milliards de dollars ontatteint les 20 milliards. La Commission est en traind’examiner des propositions demodification des services, etnotamment de fermetures oude regroupementsd’établissements postaux ouencore une réduction dunombre de jours dedistribution. Nous conseillons USPS sur lafaçon de maintenir l’accès pour

la population etle niveau dequalité deservice dans lecas ou de telschangementsseraientopérés. Nousfournironsbientôt un avisconsultatif auCongrèsconcernant ladistribution lesamedi.Actuellement,la loi imposesix jours dedistribution.

La Commission a conduit uneenquête qui a révélé que lefonds de pension de USPS avaitété surcapitalisé à hauteur de50 à 55 millions de dollars.Dans le cadre de notre missionde régulation, nous travaillonsassidument avec l’opérateur, leCongrès et les différentsacteurs du secteur pour trouverun moyen de réinjecter ce trop-payé dans le fondsd’allocations-maladie des futursretraités. Accordant une grandeconfiance au service postal deson pays, la populationaméricaine tient à ce qu’il restefinancièrement intègre et qu’ilsoit à même de renforcer leservice universel actuellementen place. Nos fonctions nous imposentde trouver le juste équilibreentre, d’une part, l’obligationd’exercer une surveillancefranche et efficace pourprotéger les consommateurs etles expéditeurs et, d’autre part,la prise en compte du fait queUSPS est un organisme fédéralet qu’il mérite, à ce titre,certains égards.

Notre service postal a suévoluer en encourageant lessociétés privées à proposer desproduits en tous points du

territoire, exception faite du«dernier kilomètre».USPS ne génère ainsi qu’unepetite portion des recettestotales pour le secteur, quidépassent un trillion de dollarspar an. USPS conserve le monopole du marché pour la poste auxlettres, les périodiques, les colisen nombre et les envoispublicitaires. Mais il favoriseaussi une forte concurrencepour l’accès en amont enaccordant des remises auxexpéditeurs capables de traiter,à un prix inférieur au sien, des opérations telles que le tripréalable, l’apposition descodes barres, la préparation ducourrier, la rectification desadresses ou encore le transport.Notre rôle de régulateurconsiste alors à contrôler queces remises sont conformes à la loi. Ainsi, les entreprisesprivées effectuent le travail,empochent les bénéfices etintroduisent de nouvellesapplications pour le courrier,comme l’illustre le récentexemple de Netflix. En ce qui concerne les envoisde colis en nombre et ladistribution express, produitsque nous qualifions deconcurrentiels, le secteur privése taille la part du lion auxEtats-Unis. Néanmoins, làencore, USPS travaille en étroitecollaboration avec les sociétésprivées et a conclu denombreux accords pour assurerle transport, l’accès auxbureaux de poste et ladistribution sur le «dernier

11

11

Ruth Goldwayprésidente de l’U.S. Postal Regulatory Commission

Tour d'horizon du secteur postal en Europe… et focus sur les États-Unis A la suite de la baisse des volumes du courrier, quelles sont les grandes questions qui se posent à la régulationComment développer la concurrence et répondre aux besoins en termes de qualité de service dans un secteur

Les réponses de deux régulateurs : la Belgique et les États-Unis.33

« Nous surveillons attentivement toute démarche qui viseraitles coûts en réduisant le service »

22

2010

Chiffre d'affaires(en milliards de dollars)

– courrier– express et colis

– transport de presse

58,48,71,9

Volumes(en milliards d’objets)

– courrier– express et colis

– transport de presse

169,21,47,3

Période de référence : année

fiscale 2010 (1er octobre

2009-30 septembre 2010)

Page 57: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x57

En 2009, nous avons noté unebaisse importante (jusqu’à 4 %) desvolumes. Cette baisse peut être laconséquence de l’e-substitutionmais semble avoir été exacerbée parla crise économique. Cettetendance s’est ralentie en 2010puisque bpost indique une baisseen volumes de seulement 1%. Labaisse des volumes causée par l’e-substitution est souventlargement compensée par lesvolumes générés par l’internet. La troisième directive postaleconfronte l’IBPT à un certainnombre de défis régulatoires. Suiteà la nouvelle législation postalebelge entrée en vigueur le 1er janvier2011, l’IBPT va devoir veiller àl’accès au réseau postal, procéder àl’examen d’éventuels privilèges surle marché postal et calculer le coûtnet du service universel selon unenouvelle méthodologie. A celas’ajoutent certains aspectsréglementaires qualifiés deprioritaires par le groupe européens

des régulateurs postaux (ERGP) etauxquels l’IBPT accorde tout sonsoutien. La régulation du secteurpostal doit soutenir les pôles decroissance et favoriser l’innovation.En effet, des nouveautés comme lecourrier hybride et la distributionvirtuelle apportent une valeurajoutée au marché postal.

La situation de la Belgique–forte densité de population (330habitants/km2), taux d’urbanisationélevé (71%), réseau routier biendéveloppé, absence d’obstaclesgéographiques et situation centraleen Europe –, peut rendre ladistribution du courrier intéressantepour les concurrents de bpost.Actuellement, la concurrences’exerce sur les segments de marchédéjà libéralisés avant le 1er janvier2011. Ainsi, les opérateurs GLS,DPD, TNT et Kiala détiennent unepart de marché importante pour lescolis. Des opérateurs comme DHL,TNT, Fedex et UPS sont actifs sur le

marché express. Sur lemarché des envois decorrespondance, lesintermédiaires et lesconsolidateurs veillent àla dynamique de la partieamont de la chaînepostale. A ce stade, iln’est pas encore questionde concurrence de bouten bout. Bien quequelques mois aprèsl'ouverture du marché, ilsoit encore prématuréd’en signaler les obstacles,il est possible que lesobligations liées à lalicence rendent plus

difficile l’établissement de projetséconomiques pérennes.

La baisse des volumes doit êtrequelque peu nuancée, mais lesecteur postal est en effetconsommateur de main-d’œuvre etdemande des investissementsimportants en infrastructure. Enmême temps, la baisse des volumeset la venue de la libéralisation ontobligé bpost à investir et àmoderniser la chaîne postale,notamment dans ses centres de tri.On peut s’attendre à plus deconcurrence dans certaines niches,à l’instar des envois recommandés.Les nouvelles évolutionstechnologiques et les synergies avecles communications électroniquespermettent le développement deservices de qualité qui peuventégalement être intéressants pour les investisseurs. Le succès de l’e-commerce et son interactionavec le publipostage via les médiasaudiovisuels constitue un facteursupplémentaire de stimulation de laconcurrence. Sous l’angleréglementaire, il est essentiel, pourun bon développement de laconcurrence, de veiller à ce que lesopérateurs dominants nedéveloppent pas des modèles etinterfaces – par exemple desbanques de données d’adresses –auxquels les opérateurs alternatifspourraient difficilement accéder. w

www.ibpt.be

Luc Hindryckxprésident du conseil de l’IBPT (Belgique)

11

22

postale aujourd'hui ? Où en est la concurrence, et quels sont les obstacles rencontrés par les nouveaux acteurs ? où la baisse des volumes réduit l'attrait du marché pour les investisseurs ?

33

Quel avenir pour le secteur postal ?Les réponses des régulateurs

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à réduire « Des nouveautés comme le courrier hybride et la distribution virtuelle apportentune valeur ajoutée au marché postal »

33

kilomètre». Notre mission de régulationporte uniquement sur lesproduits concurrentiels fournispar USPS et consiste à vérifierqu’ils permettent de couvrirles coûts allouables, qu’ils nesont pas financés par le biaisde produits sous monopole etqu’ils contribuentraisonnablement à couvrir lescoûts indirects, afin degarantir une concurrenceloyale par rapport au secteurprivé. Tout un ensembled’autres lois qui réglemententles sociétés privées permettentégalement d’uniformiser lesrègles du jeu.

Conformément à la loi, laPostal Regulatory Commissions’occupe uniquement de USPSet non pas de l’intégralité dusecteur des postes et desexpéditions. Par conséquent,ses exigences de qualité deservice ne s’appliquent qu’àUSPS. Dans ce cadre, comptetenu de la baisse des volumesd’envois, elle surveilleattentivement toute démarchequi viserait à réduire les coûtsen réduisant le service. Par ailleurs, grâce à la synergiepublic-privé, notre réseaupostal offre aux entreprises denouveaux produits en amont,ainsi que des prixraisonnables, distributioncomprise. Citons par exemplela formule «Parcel Select» ouencore le nouveau cartond’expédition permettant deregrouper des échantillons. w

www.prc.gov

2010Chiffre d’affaires(en millions d’€)

– courrier 1 774Volume

– courrier NC

Page 58: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Par Suvi Lindén,ministre des communications, Finlande

ous assistons actuellement à un véritable bouleversementdes modes de communication et d’échange, avec unrecours croissant aux technologies, aux réseaux et auxservices numériques. Les services postaux, qui avaient

toujours eu pour rôle d’acheminer des messages imprimés d’un point àun autre, sont eux aussi fortement influencés par la progression dunumérique. Il n’est donc pas possible d’ignorer le changement radicalinduit par les moyens de communication modernes. Les servicespostaux sont indéniablement parmi les plus durement touchés parl’essor du numérique. Et il est probable que les volumes postaux vontconnaître une importante régression au fur et à mesure que les parti-culiers et les entreprises opteront toujours plus souvent pour des cour-riels, des factures électroniques ou encore des journaux en ligne, audétriment du courrier traditionnel.

Mais si la transformation de la société numérique se poursuit, ilexiste toujours une demande pour les services postaux physiques. Iln’est en effet pas possible de tout convertir au format électronique etnous ne sommes pas prêts à renoncer à la distribution des lettres à

domicile car, si les services électroniques sont adaptés à la communi-cation instantanée, la lettre imprimée sera peut-être considérée commeun luxe dans les années à venir. Les acteurs de la distribution postale,ainsi que les régulateurs, doivent donc s’attacher à répondre auxnouvelles attentes de la société numérique.

Assurer un service de qualité,innover au service des clients

La baisse des volumes d’envois et l’intensification de la concurrencenumérique ne sont pas les seuls défis. L’émergence de la concurrencemodifie également l’environnement du marché postal. Des stratégiesde survie doivent être trouvées pour continuer à assurer un servicepostal de qualité, accessible à tous, à un prix abordable. Pour maintenirle niveau de service à un coût raisonnable, les opérateurs postauxdoivent reconsidérer leur stratégie : il leur faut rénover les infrastruc-tures, restructurer les services, miser sur l’innovation et identifier denouveaux débouchés commerciaux.

Les TIC sont déjà très largement utilisées dans les activitéspostales, mais il reste beaucoup à faire pour innover au service desclients. Le NetPosti finlandais, une boîte aux lettres électronique sécu-risée proposée par Itella, prestataire du service universel en Finlande,

en est un bonexemple. Ce servicepermet aux usagers derecevoir des courriels, ainsi que deslettres et factures électroniques, avecpossibilité de sauvegarde desmessages et informations. Il estaccessible à tous, gratuitement. Ilmontre que les postes savent innover etservir les intérêts conjoints des utilisateurs,des opérateurs postaux et des prestataires deservices.

Tester les services postaux de demainEn Finlande, Itella conduit actuellement des tests numériques

« grandeur nature » des services postaux de demain. Ces tests sedéroulent dans un village d’une région rurale faiblement peuplée, ausud du pays. Le courrier est distribué aux familles et entreprises parti-

cipantes seulement deux fois par semaine sous formephysique, mais cinq fois par semaine sous forme électro-nique. Grâce à un accord de confidentialité signé avec lesclients, toutes les lettres de première et de secondeclasse reçues sont ouvertes et scannées par l’opérateurpostal, puis transmises par voie électronique sur leNetPosti des destinataires. Les enveloppes sont ensuiterecachetées pour être distribuées aux intéressés sursupport papier. Entre deux tournées de distribution, ces

lettres, ainsi que les colis, peuvent être récupérés en un point de distri-bution spécial jouxtant l’épicerie du village. Des tests sont aussi encours pour étendre cette solution à la distribution des journaux.Transmis en version numérique sur NetPosti, l’abonné peut alors lireson journal sur son ordinateur ou sa tablette tactile.

Ces essais permettent d’obtenir de précieuses informations sur lacapacité des utilisateurs à accepter de nouveaux modes de réceptiondu courrier. Ils révèlent aussi que l’opérateur postal peut ainsi déve-lopper d’étroites relations avec sa clientèle de destinataires.

La définition traditionnelle des services postaux n’est plus du toutd’actualité. Le numérique et les nouveaux besoins des utilisateurs sonten train de véritablement changer la donne sur le marché postal. EnFinlande, nous essayons de créer un environnement porteur pour lesservices numériques : nouvelle identification électronique, compteélectronique à l’usage des citoyens ou bien encore généralisation desconnexions à haut débit. Toutes ces initiatives profiteront aussi ausecteur postal.

Dans l'esprit de l'agenda numérique européen, le cadre réglemen-taire de l'UE pour les services postaux devrait également refléterl'essor que connaît le numérique dans le secteur. w

www.lvm.fi

N

La définition traditionnelle des services postauxn’est plus du tout d’actualité. Le numérique et les nouveaux besoins des utilisateurs sont entrain de véritablement changer la donne sur lemarché postal.

Les services postauxà l’ère du numérique

58x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Dossier

Page 59: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

'assurer que le consommateur peut effectivement exercerun choix éclairé lorsqu'il souscrit une offre, tant sur lanature et la qualité des services offerts que sur les prix :tel est l’objectif des sept propositions postales publiées mifévrier 2010 par l’ARCEP pour améliorer les offres faites

aux consommateurs. Ce document rappelle d’abord que tous les presta-taires postaux autorisés doivent mettre en place des procédures permet-tant à leurs clients de déposer des réclamations. Il rappelle aussi que lerégulateur veille au respect des obligations juridiques, favorables auxconsommateurs, pesant sur les prestataires de services postaux. Il s’agit,par exemple, de s’assurer que les conditions générales ou spécifiques devente de La Poste sont conformes aux dispositions du service universelpostal (lire ci dessous).

Cachet de la poste faisant foiParmi les propositions de l’ARCEP, l’une s’intéresse au cachet de la

poste. L’expression « le cachet de la poste fait foi » est courammentutilisée et son application semble aller de soi. Pourtant, aucun texte ne

détermine les informations devant y figurer et les opérateurs postaux n’ontaucune obligation en la matière, ce qui peut créer une insécurité juridique.

Bien que divers textes réglementaires accordent la même valeurprobante au timbre à date, quel que soit l’opérateur postal ayant acheminél’envoi, les opérateurs alternatifs font état de craintes exprimées par leurclientèle sur la valeur de leurs marquages. L'ARCEP sera donc amenée àpréciser les mentions que les prestataires postaux autorisés devront fairefigurer sur les envois postaux.

Egale valeur du recommandéEnfin, une autre proposition concerne les envois recommandés. Il reste

méconnu que les opérateurs postaux autorisés, ou même les expressistes,offrent des prestations aux caractéristiques similaires à celles des envoisrecommandés de La Poste. Les modalités d’envoi et la valeur juridique desenvois recommandés électroniques venant d’être précisées par décret,l'ARCEP va mener une action d'information pour rappeler que ces envoisont une même valeur probante, notamment devant les juridictions, et qu’iln’existe pas de monopole de la lettre recommandée. w

Mini Max, 2 cm seulement,pour le moment…

S

epuis le 1er janvier2011, les clientsdes services postaux

peuvent saisir l'ARCEP des récla-mations qui n'ont pu être satis-faites dans le cadre desprocédures de traitement desréclamations mises en place parles prestataires de servicespostaux autorisés.

Cette possibilité est ouverte àtoute personne physique oumorale bénéficiaire d'une presta-tion de service postal réalisée parun prestataire autorisé, en tantqu'expéditeur ou destinataire. Ellepeut porter sur une réclamation quin'a pas été traitée ou qu’il l’a été defaçon incorrecte ou insatisfaisantepar le prestataire postal concerné.

Préalablement à la saisine del'ARCEP, les utilisateurs doiventavoir épuisé la totalité des voiesde recours mises en place par lesprestataires postaux, y compris lemédiateur de La Poste pour lesréclamations concernant LaPoste.

Délai d’un moisAu terme de l'instruction, le

collège de l'ARCEP rend un avisqui est notifié au demandeur et auprestataire postal par lettrerecommandée avec avis de récep-tion. Le délai de traitement de laréclamation est d'un mois, saufpour les cas particulièrementcomplexes ou demandant desinvestigations spécifiques. Le dispositif adopté a vocation àévoluer en fonction du retour d’ex-périence et notamment dunombre de dossiers reçus et deséventuels problèmes rencontrés.Dans tous les cas, l’ARCEP fera lepoint dans un an et instaurera despoints d’étape réguliers avec lesassociations de consommateurs,naturellement associées auxaméliorations qui pourront êtreapportées au dispositif. w

Les modalités de saisine sont disponi-bles sur le site de l’ARCEP :www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/dispositif-reclamation-postal-janv2011.pdf

D

L'ARCEP se mobilise aux côtés des consommateurs

’ARCEP attache beau-coup d’importance à ceque les consommateurs

disposent d’un service universelpostal qui corresponde à leursbesoins. Le service universel doitdonc proposer des produitsadaptés aux envois que souhaitentadresser les consommateurs dansdes conditions de qualité et detarifs appropriés et abordables.

A la suite de la parution, en2005, des premières conditionsgénérales de vente de La Poste, quiont interdit l’envoi de marchandisesdans les lettres, un manque estapparu dans la gamme des offresrelevant du service universel. Lesconsommateurs qui souhaitaientenvoyer des objets n’avaient eneffet pas d’autre choix que l’offreColissimo qui bénéficie d’un suivi etd’une assurance en cas de perte etde retard, mais dont le tarif n’estpas toujours approprié pour lesenvois de faible valeur. C’est ainsiqu’à la demande de l’ARCEP, l’offreMini Max destinée aux envois de

marchandises d’un poids inférieur àun kilo et d’une épaisseur inférieureà deux centimètres était commer-cialisée fin 2008 par La Poste.

Conditions restrictivesA partir de 2009, le régulateur a

constaté que Mini Max ne pouvaitremplir son rôle car elle faisaitl’objet d’une communication insuffi-sante. Or, cette offre, qui relève duservice universel, doit être acces-sible et connue de tous.

Enfin, il est apparu que lesconditions de poids et de format deMini Max sont particulièrementrestrictives au regard des besoinsdes utilisateurs. La limite de 2 centi-mètres de hauteur, en particulier, apour effet d’exclure un grandnombre de livres ou de DVD. Lesconditions de poids et de format deMini Max pourraient ainsi être élar-gies pour permettre l’envoi d’objetsdans des conditions proches decelles de la lettre. L’ARCEP ytravaille actuellement avec LaPoste. w

L

Réclamations: l’ARCEP, en dernier recours

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x59

Quel avenir pour le secteur postal ?Les relations avec les consommateurs

Page 60: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Dossier

60x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

erait-il trop ambitieux, pour traiter de l’histoirepostale, d’emprunter à Pierre Nora son célèbreconcept historique (1), mis en exergue dans sonoeuvre qui esquisse l’ensemble des repères cultu-rels, concrets ou bien immatériels, que sont des

lieux, pratiques et représentations formant un socle commun auxFrançais ? C’est en tout cas un point d’entrée original, sous-estiméet mal traité par les historiens traditionnels, que les récentes et dyna-miques recherches sur la Poste(2) font poindre. Elles permettent de mettre àjour le visage d’une institution qui se pose en tant que médiatrice en diversdomaines de la vie quotidienne culturelle, sociale et sociétale, politique etgéographique, position qui lui confère un profil atypique.

Ces critères constituent-ils une base d’évaluation légitime capable de nousrenseigner sur la particulière acuité de dimensions - symbolique, politique etsociale - qui définissent un attachement passionnel, une vision possessive,voire irrationnelle, de l’opinion publique hexagonale envers sa Poste ?Plusieurs éléments tangibles, mais mal connus du grand public, pourraientalimenter cette réflexion a priori surprenante, autour des éléments de laprésence d’une institution qu’on identifie partout et sous différentes formes.

La Poste, que la représentation traditionnelle nous donne à voir comme inamovible…

… pérenne et rassurante, a pourtant été traversée par de grandesphases de changements.

Institutionnels, avec la récente transformation en société anonyme en2010, la scission (d’avec France Télécom) en deux EPIC (3) en 1990,marquant la fin d’une administration érigée en direction générale en 1804,puis en ministère en 1879, avalant le télégraphe puis le téléphone lors de ladécennie suivante, oscillant comme sous-secrétariat d’Etat à la tutelle chan-geante jusqu’aux années 1920 puis devenant le puissant ministère des PTT.

Techniques, dans une course effrénée vers une plus grande rapidité dansle transport du courrier par l’introduction du train dans le transport postal dès1845, puis du TGV au début des années 1980 ; par l’immixtion de l’aviondans les liaisons postales transnationales puis hexagonales ; par l’introduc-tion de l’automobile dans la distribution du courrier au début des années1950 qui contribue à révolutionner l’acte de remise à domicile.

Sociétaux, par l’offre faite aux Français dans les campagnes d’uneépargne massive dès 1881 avec la création de la Caisse d’épargne postale;par la contribution aux rêves d’enfance avec la création du secrétariat du PèreNoël en 1962 ; ou encore par la construction d’un lien indéfectible autour deservices entre un homme, le facteur, et une bonne partie de la population,plus rurale qu’urbaine, plutôt quinquagénaire a minima, plus féminine quemasculine.

Le facteur, tel une madeleine de ProustJustement, cet agent qu’est le facteur compte tant parmi les éléments de

cette atemporalité ressentie, de ceux qui comptent dans l’inconscient collectifnational. La figure tutélaire de cet homme, que l’Etat a installé à l’origine surtout le territoire en 1830 à des fins d’abord politiques, et qui finalement, à

l’usage de la pratique et de la construction deson métier, s’est avéré très vite le vecteurefficace d’une acculturation administrative,

de l’éveil à la démocratie et du progrès intel-lectuel de toute une nation(4). Le facteur, telune madeleine de Proust, évoque aussi aux

Français cette nostalgie d’un temps passé plushumanisé. Les mots et les images ne sont pas

étrangers non plus à cet affect. A travers unacronyme, celui des PTT, passé dans lelangage commun et courant à partir desannées 1920, ou par une marque institutionna-

lisée depuis 1984 dont la couleur jaune, déjà entérinée en 1962, disposed’une notoriété indélébile dans le paysage national.

Les bureaux de poste, ces repères républicainsSurtout, prévaut la présence architecturale et magistrale de ces implan-

tations connues sous le nom d’hôtels des Postes, dont l’érection dans laplupart des chefs lieux départementaux a été prégnante autour de laPremière Guerre mondiale : on s’apprête d’ailleurs à en fêter de nombreuxcentenaires dans le pays. Cette présence est complétée par une autre, plusdiscrète, mais aussi bien identifiée et reconnue, des bureaux de poste demoindre importance. Tous ces établissements ont longtemps scandé le quoti-dien de plusieurs générations de Français ; s’il n’est pas inutile de rappelerque l’on « va à la poste » en 1960 pour des raisons fondamentalement diffé-rentes qu’en 2010, il faut avoir surtout avoir à l’esprit qu’un demi siècle d’évo-lution technique, de démocratisation et de transformation des usages relatifsaux moyens de communication divers, a vidé ces bureaux de poste d’uneimportante partie de leur substance : téléphoner, correspondre, expédier,voire s’informer. Le bureau de poste était au cœur des ces besoins « decommunication », tel qu’on pouvait le ressentir jadis: il ne l’est désormaisplus, dans cette soif de connexion sempiternelle.

Ainsi, la poste, c'est-à-dire le bureau par lequel transpirent l’institution etsa symbolique, apparaît inconsciemment comme la place d’où émanentnombre de repères républicains que d’autres sites comme l’école, la gendar-merie, l’hôpital et évidemment la mairie, ont également longtemps contribuéà faire résonner. Mais ces repères, sur lesquels se fonde une large part de lalongue relation passionnelle entre les Français et leur Poste, dont La Posteactuelle est effectivement héritière, sont en passe, sinon de disparaître, dumoins de voir leur nature se transformer. w

www.laposte.fr/(1) Pierre Nora, Les lieux de mémoire : Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires),

Paris, 3 tomes : t. 1 La République (1 vol., 1984), t. 2 La Nation (3 vol., 1986), t. 3Les France (3 vol., 1992)

(2) Le présent article emploiera à dessein, la Poste pour qualifier l’institution sur le tempslong, La Poste pour désigner l’entreprise, et la poste pour qualifier le bureau.

(3) Etablissement public à caractère industriel et commercial. A ce titre, lire A. Darrigrand,S. Pélissier, La Poste, enjeux et perspectives, Que Sais-Je, PUF, Paris, 1997, 125 p.

(4) Sébastien Richez, Postes et postiers en Normandie. Témoins des transformations na-tionales 1830-1914, Paris L’Harmattan, 2009, 330 p.

S

Par Sébastien Richezdocteur en histoire contemporaine, chargé de recherche au Comité pour l’histoire de La Poste

Fer forgé décoratif, reprenant l'ancienlogo des PTT sur un bâtimentadministratif des postes à Lille.

La Poste, telle un lieu de mémoire républicain

Page 61: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

l y a plus de vingt ans, entre 1989 et 1993, j’ai dirigé la trans-formation de La Poste d’administration en entreprise de servicepublic, dans le cadre de la réforme de 1990 voulue et menéepar Paul Quilès pour donner leur autonomie à La Poste et àFrance Télécom. A l’automne 2008, j’ai participé à la commis-

sion que présidait François Ailleret, dont le rapport affirmait : « Oui, LaPoste a un bel avenir devant elle ». Il préconisait son changement destatut d’EPIC en société anonyme à capitaux publics. Ce statut estaujourd’hui effectif. La Caisse des dépôts vient de s’engager au capital deLa Poste au côté de l’Etat, lui apportant les nouveaux fonds propres requispour mener à bien son projet.

Une longue histoireIl m’a été demandé de témoigner du passé pour servir l’avenir de La

Poste. Vingt ans, c’est peu quand on considère l’histoire longue desPostes : sans remonter aux Perses, ni même aux courriers organisés parla Sorbonne, rappelons qu’en France, la Poste, créée par Louis XI, fermeroyale sous Louis XIV, maintenue au sein de l’Etat par la Révolution etrattachée au ministère des finances, devint un ministère, celui des PTTaprès l’invention du télégraphe puis du téléphone. La poste aux chevaux,et les relais de poste, disparurent sous Napoléon III, victimes de la concur-rence du chemin de fer, à peu près au moment où les services financiersde la Poste prenaient un lent mais long essor, avec la création de la CNPen 1868, du livret A dans les débuts de la IIIème République, des CCPautour de la Grande Guerre…

Sait-on assez, quand on parle aujourd’hui de présence postale, viterésumée à 17 000 bureaux ou points de contact, que c’est un décretroyal qui, dans les années 1830, généralisa la tournée des facteurs dansles campagnes, 18 ans avant que l’adoption du timbre, inventé enAngleterre quelques années plus tôt, n’entraine l’explosion du courrier –celle-ci allant de pair avec l’alphabétisation de nos sociétés, en passe dedevenir industrielles et urbaines.

Par son histoire longue, La Poste fait figure d’institution. Mais l’institu-tion n’a pu durer qu’en muant tout au long de cette histoire, avec l’appuid’une forte culture interne de gestion depuis au moins le budget annexeinstitué en 1923 et les méthodes modernes de gestion des années1970… Les vingt à trente ans écoulés l’ont à nouveau montré, quand lesPTT, en France comme ailleurs, ont vu leur branche Télécom s’autono-miser pour vivre un essor prodigieux, à base de technologies, de capitauxet de concurrence. Comme par contrecoup, La Poste a dû changer destatut, abandonner par degré ses monopoles et éprouver les délices desmarchés, inventer au passage un business model et adapter ses métierset ses processus aux technologies de l’information. Casser la glace dans3 000 bureaux de poste, inventer le timbre sans valeur faciale ou le hubde Roissy, recréer l’Aéropostale !

A rebours d’autres postes qui l’ont cher payé plus tard, elle comprit tôtque son avenir reposait sur une alliance équilibrée de ses trois activités :le courrier, le colis et les services financiers. Dès 1991, et l’ébauche deson premier contrat de plan avec l’Etat, La Poste, pour donner du souffle

à ses services financiers et servir ses clients à l’égal des banques, visaune réforme graduelle de l’emploi des fonds des CCP et des livretsd’épargne, dont la collecte était intégralement centralisée au Trésor et àla Caisse des dépôts. Au bout d’un combat de 30 ans, la Banque postaleest née : en 1980, elle donne accès à la carte bancaire ; dans les années90, c’est la fin de la prohibition « moyenâgeuse » du moindre découvertsur CCP, l’accès en partenaire majeur au marché de l’assurance, l’offred’une gamme élargie de produits financiers, enfin la possibilité de prêtssans la contrainte d’une épargne préalable, si restrictive pour lesjeunes clients.

La vague du webAvant-hier, vers 1975, l’avènement du

zéro papier, annoncé par Nora-Minc encorollaire inéluctable de l’informatisation,condamnait pour sûr la Poste. La suitedémontra longtemps le contraire : l’infor-matique fit croître à l’envie le courrier d’en-treprise comme le courrier commercial.En 1991, quand le courrier électroniqueprit la vague du web, nous entrevîmes lacannibalisation future du courrier postal,alors que les études disputaient encore desavoir si ce nouveau média susciterait plusou moins de courrier que le courrierpapier. Vingt ans après, l’électronique amarqué des points décisifs. Cependant, nos réflexions prospec-tives de 1992 sur le phénomène internet nous avaient fait entrevoirl’effet bénéfique du e-commerce naissant sur l’activité colis et y préparerLa Poste.

Alliant les nouvelles technologies au développement de nos modeset infrastructures de transports – la route, l’air et le fer – la Postes’est révélée logisticienne après que l’externalisation de la fonction logis-tique et la globalisation aient engendré des champions mondiaux, lesintégrateurs en particulier, les Fed Ex, UPS, DHL, TNT... Cent ans aprèsla création de l’Union postale universelle, la création dans les années1980 d’International Post Corporation, que j’ai eu l’honneur de dirigerentre 1994 et 1999, fut l’outil des coopérations nécessaires entre lespostes les plus développées, dans un monde dominé par la concurrenceet les innovations technologiques. Et aussi le lieu privilégié du paran-gonnage, et donc de l’émulation entre Postes, au premier chef euro-péennes.

L’Union européenne a fait choix d’un modèle de développement despostes sur un marché unique inspiré des thèses libérales de l’époque.L’autre philosophie suivie aux Etats-Unis par la Poste fédérale, qui mariemonopole de la distribution et mise en concurrence de segments duprocessus postal, reste matière à réflexion, à l’heure où le courrier est toutentier en concurrence, mais où les opérateurs historiques restent incon-tournables pour assurer un service universel qui n’a rien d’obsolète. w

Quel avenir pour le secteur postal ?Un peu d'histoire...

I

Par Yves Cousquerprésident de La Poste de 1989 à 1993

La Poste : une longue et lente mutation

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x61

1900 1930 1934 1953

1978

1984

2005

des PTTà La Poste

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Dossier

Cher Jean-François,

Tu m’as demandé si nous avions eu un aieul préposé des postes dans notre famille. Et bien oui : ton arrière grand père Gédéon a été

facteur, pendant quarante ans, et sa carrière, que je retrace ici brièvement, traverse l’histoire de la France au tournant du 20ème siècle.

Gédéon, né en 1875, était l’ainé d’une famille de cinq enfants. Son père était artisan savetier dans le hameau du Chambon à Saint Vincent

de Durfort sur les plateaux de l'Ardèche. A l’époque, la vie était très rude, les emplois rares et, certains hivers, l'on était proche de la

famine. Il fallait donc travailler aux champs le soir après l'école, ou se louer à la journée comme ouvrier agricole pour pouvoir survivre.

Les pérégrinations de Gédéon, de ferme en ferme, l'amenèrent à épouser Céline, en 1899, à Grâne, dans la Drôme.

La nécessité de trouver un emploi plus stable était d'autant plus impérieuse qu'un premier enfant naquît

neuf mois après leur union. La Drôme était alors représentée à Paris par un homme politique

originaire de Marsanne qui s'occupait bien de ses électeurs. Émile Loubet avait fait une brillante

carrière politique et, le 17 février 1899, était devenu président de la République. Gédéon, qui

n'avait pas froid aux yeux, osaécrire au nouveau Présidentpour lui demander un emploi.

Nous sommes alors autournant du vingtième siècle.C'est la période où laRépublique lance unepolitique de peuplement del'Algérie en attribuant deslots à des paysans dans lamisère en France. Cettevague de nouveaux

arrivants génère un besoin de services publics d'accompagnement.

C'est pourquoi la réponse de la Présidence ne tarda guère. Gédéon

se vit ainsi proposer un emploi de facteur des Postes à Laverdure, un

petit village d’Algérie, tout près de la frontière tunisienne.

L'aventure démarre. Le petit paysan ardéchois et son épouse, qui

n'ont jamais vu la mer et jamais voyagé en bateau, partent versl'inconnu... C'est le début d'une nouvelle vie. Gédéon va installerdurablement sa famille sur place et accomplir à Laverdure toute sa

carrière. L'uniforme en drap est strict avec un col en celluloïd, un

casque colonial, une fière moustache et des sourcils broussailleux

qui en imposent. Dans cette région montagneuse, les tournées à pied

vers les fermes éloignées et les douars en pisé recouverts de paille

sont pénibles. Quelques années plus tard, Gédéon réussira àacheter un vélo - un luxe à l'époque ! - et ne reviendra vers sarégion natale qu'en 1937, à sa retraite.

Mais la deuxième guerre mondiale éclate et la mobilisation prive

les PTT de nombre de ses agents. L'administration demande alors

à Gédéon s'il accepte de reprendre du service. A près de 60 ans,

entre 1940 et 1945, une troisième vie commence avec de longues

tournées à pied à Saint Vincent de Durfort, sur les sentiersescarpés des montagnes qui surplombent la vallée de l'Eyrieux.Très apprécié pour son affabilité, sa régularité et son efficacité,

Gédéon prendra ensuite une deuxième retraite et deviendraadjoint au maire de la commune.

C'était mon grand père, à une époque où chaque petit villagecomptait une "agence" postale, où la plupart des famillesdisposaient d'un CCP et où la notion de service public d'intérêtgénéral était encore la règle absolue. La carrière de facteur,porteur des "nouvelles", fonctionnaire assermenté et dévoué àses usagers, était alors très prestigieuse et recherchée ; danstoute la France rurale, elle égalait presque celle de l'instituteurou du médecin.

Ton oncle Claude

Facteur desPostes entre

Algérie et Ardèche

Qui n'a pas eu, dans sa famille ou ses proches relations, un facteur ou un receveur des Postes ? Cette icône son lointain cousin du futur se déplaçant en véhicule électrique », hante les mémoires familiales et

Mon cher Jean-Michel, Tu as souhaité que je fouille dans mes souvenirs pour te

raconter mes débuts dans l’administration des PTT. Après avoirobtenu le certificat d’études à l’âge de 14 ans, mon père a fait unedemande d’embauche auprès de la direction régionale des PTT deParis. J’ai débuté le 13 août 1947 comme jeune facteur du télégraphe, en tantqu’auxiliaire pouvant être titularisé après avoir rempli les obligations militaires.

Le local du télégraphe à Paris 46 ? Unetable et un banc pour nous, les « télés», unbureau et une chaise pour le facteur chef dutélégraphe, sans oublier les tubes par lesquelsarrivaient les pneumatiques après avoir circulédans le réseau des égouts.

Nous travaillions en brigade : le matin de 7hà 12h30 et l’après-midi de 12h à 21h. Dès laprise de service, arrivée du premier « curseur »,une boite en acier contenant les correspondancesqui circulaient dans les tubes. Le chef inscrit lenom et l’adresse des destinataires sur un «part », numéroté avec l’heure de départ etd’arrivée de course. Le distributeur classe les objets et part immédiatement endistribution. La distribution s’effectue à pieds. Au retour, il rend le part : le chef portel’heure et vérifie les indications de distribution. Départ de suite pour une autre course.

Quelquefois, un agent de surveillance « le pouasse » (surnommé « Trompe laMort » car selon la légende, d’autres « télés » l’avaient jeté dans le canal Saint-Martin !) nous contacte pendant la distribution pour vérifier notre sacoche, notre tenued’uniforme et se rend au domicile des destinataires constater nos indications de remise surle part. L’après-midi, mêmes exercices, mais vers 16h, le chef nous accorde une pause de 15minutes pour souffler et manger « notre pain» (à 14 ans, nous sommes encore desenfants !). D’ailleurs, le boulanger près du bureau accepte de nous vendre une demi-baguette sans avoir à fournir les fameux tickets de rationnement.

Vers 20h10, c’est l’heure du « balai », l’avant dernier curseur, très attendu carsouvent chargé de nombreux plis. Enfin, vers 20h25 arrive la « clot » (la clôture).C’est le dernier curseur de la journée : il est moins rempli et heureusement, car c’est ladernière course !

Le samedi, c’est le jour des « bonniches» dans l’avenue Parmentier : immeublesbourgeois, beaucoup de pneumatiques pour le 6ème étage (sûrement les rendez-vous de cesdames !), et l’interdiction des « bignoles » (les concierges) d’utiliser les ascenseurs.Ainsi, au cours d’une vacation, nous montons plusieurs fois l’équivalent de l’escalier de laTour Eiffel ! Heureusement, tout cela se termine avec ma nomination fin 1948 à Nogent-sur-Marne.L’activité y est moins intense, mais la localité est très pentue et nous faisons ladistribution à vélo. Bonjour les mollets ! Mais c’est peut-être grâce à ça qu’aujourd’hui jeparviens encore à pédaler en compagnie de mon petit-fils Maxence ! Merci les PTT.

Ton beau-père Georges

Je suis derrière à droite sur la photo

Le petittélégraphiste

62x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Page 63: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Quel avenir pour le secteur postal ?Un peu d'histoire...

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x63

ne semaine de vacances et c’est encore et toujours l’occa-sion de faire un clin d’œil amical à nos proches en leur faisantpartager nos coups de cœur le temps d’une carte postale.Celle-ci viendra illuminer une boîte aux lettresqui n’a plus si souvent l’occasion de s’émer-

veiller. Le courrier se fait rare en ces temps de bourrasquesnumériques.

Les faits sont implacables qui, année après année, ontvu s’effriter les piliers de la poste que nous avions toujoursconnus. Les postes états-uniennes ou françaises, qui distri-buaient chaque année respectivement plus de 170 milliardset plus de 19 milliards d’objets (courriers, colis, publicités),ont connu une baisse régulière des volumes traités, de plusde 20% en dix ans.

Notre fragile carte postale a été elle aussi emportée parla tempête virtuelle. Il est loin son âge d’or, quand – au débutde 20ème siècle – il s’en vendait en France plus de 800millions d'exemplaires en une seule année. Avec un peu plus de 300 millionsdistribuées en 2010, les cartes postales ont su rester les témoins fidèles denos vacances en se réinventant pour ne pas disparaître. Des e-cards acces-

sibles sur internet aux cartes autoproduites sur un smartphone,nous commençons aujourd’hui à nous envoyer des cartes

personnalisables sur papier électronique souple utilisant lesdernières générations d’encre numérique.

Innovations timbrées C’est peu dire que nos bonnes vieilles postes ont été

soumises à rude épreuve. Dans la foulée de la libéralisa-

tion complète du service postal, qui eut lieu le 1er janvier 2011 pour laFrance, elles ont redoublé d’efforts pour élaborer un dosage complexe derigueur budgétaire, de travail sur leur métier de base et d’ouverture à de

nouveaux services innovants. Tandis que le britannique RoyalMail lançait en 2010 le premier timbre intelligent permettantà un smartphone de lire des informations embarquées grâceà l’application Junaio, la poste finlandaise testait un nouveaumode de distribution : les lettres, une fois ouvertes, sontscannées, puis envoyées en PDF par mail à leurs destina-taires. En France, La Poste lançait au même moment unnouveau service, Digiposte, donnant accès à une boîte mailsécurisée, ainsi qu'à un coffre fort virtuel permettant àchacun d’archiver toutes sortes de documents : courrier,factures, bulletins de paie, relevés bancaires…

Facteur des temps modernesIl est bien révolu ce temps où une marquise enchantait

l’Europe de ses lettres et où un Voltaire inondait ses contemporains d’un flotépistolaire étourdissant. Se souvient-on encore que, pour faire passer un oudeux sacs de lettres, quelques héros de l’Aéropostale défiaient dans leursavions de toile les océans, les cimes et les déserts. François, le facteur deJacques Tati, qui pouvait en 1949 se lancer dans une folle tournée àl’Américaine le temps d’un inoubliable jour de fête, regarderait bouche-béece lointain cousin du futur se déplaçant en véhicule électrique. Ce nouveaufacteur rend des services qui vont désormais bien au-delà de la livraison dequelques lettres et d’un journal autrefois tant attendus. w

UVous êtes déjà en 2020. Prendre le numérique au pied de la lettre

Trieur ambulant, un métier d’antan

Chère Gaëlle,

Je n'avais jamais fait attention, mais depuis que tu m’as posé ta question, je

m’aperçois que la Poste, dans notre famille, est une longue histoire du côté pater-

nel... Ton grand père Robert travaillait au tri international à la Gare de Lyon,

après la guerre. Il était déjà postier avant la guerre... Son frère Charles travaillait

aux pneumatiques, les « tubes » comme on les appelait à l’époque, l'ancêtre du

SMS en quelque sorte ! L’activité se déroulait 24 h sur 24, rue de Grenelle, et il

trouvait le travail moins stressant qu'au tri postal. Son autre frère, Pierre, était

facteur-receveur à Avant les Marcilly, dans l'Aube. L'oncle Pierre faisait une tournée le matin à vélo, environ une

douzaine de km. Lorsqu'il apportait un colis, on lui offrait facilement une boisson, un café par exemple, pas forcé-

ment un verre de vin ! Puis, il ouvrait son bureau en fin de matinée et l'après midi. Enfin, ton arrière grand-père

travaillait comme trieur ambulant car, il n’y a pas si longtemps, le courrier était encore trié dans les trains. C’était

un métier très éprouvant, très physique… Il fallait «gerber » les sacs de lettres et de journaux dans les wagons, les

ouvrir, tout trier et livrer aux stations, en majorité sur des horaires de nuit. Les wagons n’étaient pas grands et l'air

chargé de poussière… Mais l'ambiance était excellente ! Les ambulants ne circulent plus depuis 1995. C’était vrai-

ment une autre époque …Papa

www.idate.fr

Par Jean-Dominique Séval, directeur général adjoint de l’IDATE

incarnée sur le grand écran par François, le facteur de Jacques Tati, « qui regarderait bouche-bée l'imaginaire collectif. Témoignages.

Ton grand-père, à gauche, au tri international, dans les années 30.

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64x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

z Commissaire auxtélécommunications dedéfense, qu’est-ce ?La fonction est peu connue etpourtant elle figure dans lestextes depuis près de 50 ans.C’est dans les années 90 quel’Etat a créé le CTD (qui est placéauprès du haut fonctionnaire dedéfense et de sécurité (HFDS) desministères économique et finan-cier), ainsi que la commissioninterministérielle de coordinationdes réseaux et services de télé-communications pour la défenseet la sécurité publique (CICREST),qui sont étroitement liés. Al’époque, il s’agissait essentielle-ment de s’assurer de la continuitédes réseaux, ainsi que de la capa-cité de l’Etat à en garder lecontrôle en cas de crisesmajeures. La fonction a ensuiteévolué pour devenir l’interfaceentre les services de l’Etat et lesopérateurs. Il s’agit de satisfaireles besoins exprimés par leSecrétariat général à la défense et

à la sécurité nationale (SGDSN) etpar les ministères en matière dedéfense et de sécurité publique.C’est une fonction, par essence,interministérielle.

z Quel est votre champd’action ?Au sein du service du HFDS, nousnous occupons de la défense etde la sécurité publique desréseaux de télécommunicationsnon militaires. Nous appliquons laloi de 1991 sur les interceptionslégales, nous établissons les direc-tives nationales de sécurité etnous suivons les travaux euro-péens sur la résilience et la sécu-rité des réseaux. Grâce à noséchanges avec les opérateurs,nous réfléchissons aux scénariosde crise et aux instructions –pouvant aller jusqu’à des réquisi-tions - que le ministre peutimposer aux opérateurs dans unesituation extrême. Ce n’est jamaisarrivé mais on s’y prépare ! Enfin,nous travaillons sur la transmis-

sion des appels d’urgence etreprésentons la Franceauprès de l'OTAN pourtraiter des plans civils d'ur-gence.

z Qu’est-ce qu’une crisemajeure ? C’est essentiellement un réseauqui tombe. Contrairement auxattaques informatiques, la couchebasse des réseaux de télécommu-nication est extrêmement rési-liente parce qu’elle met en œuvredes fonctions de base trèssimples, assez faciles à protéger,ainsi que des automates quidoivent répondre dans un délaifixé, faute de quoi le système nefonctionne pas. Par contre,certains protocoles de routagesont surveillés de près par lesopérateurs. On a vu le cas d’unpays qui, en paramétrant simple-ment ces protocoles, a détournétout le trafic d’un grand fournis-seur américain... Cela dit, la rési-lience et la robustesse onttoujours été dans l’ADN cultureldes équipementiers télécoms.

z Les réseaux tout IPd’aujourd’hui sont-ils aussirobustes que les anciens ?Clairement, non. Le taux depanne moyen d’un équipementclassique est d’une minute par analors que celui d’un équipementde routage IP est d’environ uneheure par an. C’est quand même100 fois plus ! C’est pourquoi desopérateurs de téléphonie surinternet ont dû dupliquer certainséquipements, ce qui n’était pasprévu à l’origine. Dans les anciensautocommutateurs, seul le«coeur de chaine» était systéma-tiquement dupliqué. Dans l’IP,c’est le concept de réseau lui-

même qui portela résilience. Si une route estcoupée, le système de routage IPen trouve automatiquement uneautre. Du coup, la philosophie dela redondance n’est plus tout àfait la même car on cherchesurtout à éviter que les équipe-ments tombent en panne tous enmême temps. L’interconnexion dedizaines de milliers de réseauxleur donne une très granderobustesse structurelle. Parcontre, il est assez facile detricher. Le pays qui a capté letrafic du grand fournisseur améri-cain que j’évoquais s’est simple-ment contenté d’offrir lesadresses IP à un prix plus bas queles autres !

z Les appels d’urgence sont-ilsune préoccupationimportante ? Les opérateurs sont tenus d’ache-miner gratuitement les appelsd’urgence, ainsi que, depuis2002, la localisation du terminal,dans la mesure où c’est techni-quement possible. La directiveeuropéenne de 2009 demandeune localisation systématique deces appels, un gros bouleverse-ment sur lequel nous travaillonsau sein de la CICREST, présidéepar le HFDS au nom du ministrechargé des communications élec-troniques.Il y a environ 200 000 appelsd’urgence par jour en France.Actuellement, les renvois vers lescentres d’appel (incendie, SAMU,gendarmerie, police principale-ment) sont gérés au niveaudépartemental. Mais nous ne

Pour s’assurer de la continuité des réseaux en cas de crise, l’Etat impose des obligations aux opérateurs enréseaux et de transmission des appels d’urgence. C’est le commissaire aux télécommunications de défenseConstant Hardy, qui veille à leur application.

Sécurité des réseaux

Animée par le CTD, la CICREST réunit les ministères, l’ARCEP, l’ANFR et lesopérateurs et travaille sur les thèmes suivants :Procédures de crise : information et action des services de l’Etat en cas dedysfonctionnement significatif sur un réseau.• Appels prioritaires : possibilité, pour des abonnés répertoriés, d’appeler en

cas de saturation des réseaux.• Appels d'urgence :

• Ecall : système, à bord des véhicules, qui appelle automatiquement lesservices d'urgence en cas d’accident.

• Plans d'acheminement des appels d'urgence : centralisation nationaledes informations recueillies par les préfectures.

• Aide aux gestionnaires de numéro d'urgence : résolution de difficultéssignalées par les membres de la commission.

• Localisation des appels d’urgence : organisation et définition desinterfaces pour transmettre cette localisation.

• Brouilleurs : évolutions de la réglementation pour éviter leur prolifération.• « Cell broadcast » : diffusion de SMS d'alerte et de consignes sur une

zone géographique.

Les travaux de la CICREST

Interview de Constant Hardy, commissaire aux télécommunications de défense

« La résilience est dans l’ADN culturel des réseaux télécoms »

Page 65: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

disposons toujours pas d’unfichier national qui permettrait defaciliter le renvoi de ces appelspour améliorer, par exemple, lesmises à jour. Nous travaillons surcette question mais « le diable seniche dans des tas de détails » !

z Comment l’activité duCommissariat s’articule-t-elleavec celle de l’ARCEP ? Plusieurs aspects de défense et desécurité sont de la compétence duministre. L’ARCEP peut sanc-tionner les opérateurs qui nerespecteraient pas les exigencesde défense et de sécuritépublique. Elle peut aussi édicterdes prescriptions techniques desécurité, se faire communiquer lesplans des opérateurs pour la sécu-risation des réseaux. Par contre,en cas de crise majeure, du fait dufort impact politique, c’est plutôtle ministre qui prendrait la main.

z En conclusion, la sécurité desréseaux vous semble-t-elleaussi menacée qu’on le litparfois ? A ma connaissance, aucun réseautélécom dans le monde n’estjamais tombé. Les réseaux detélécommunications restent assezrobustes et peu sensibles auxattaques. Par contre, les coucheslogicielles vues par les utilisateurssont beaucoup plus menacées.Quand votre micro-ordinateurmarche, c’est que personne n’adécidé de vous attaquer sérieuse-ment ! Mais ce domaine estplutôt de la compétence del’ANSSI. w

www.economie.gouv.fr

matière de résilience des(CTD), en la personne de

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x65

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L'Autorité a mis en consultationpublique jusqu'au 4 mai 2011 un projetde recommandation sur les modalitésde déploiement et de mutualisation desréseaux de fibre optique jusqu’àl’abonné (FttH) pour les immeubles demoins de 12 logements des zones trèsdenses. Ces recommandations visent àfaciliter le déploiement de la fibreoptique dans ces petits immeubles,pour lesquels la décision de l’Autoritén°2009-1106 du 22 décembre 2009,relative aux modalités de l’accès auxlignes FttH dans les zones très denses,n’a pas fixé de règle spécifique. w

L'ARCEP a demandé au cabinet Baker& McKenzie de mener une étude durégime juridique de l'IRU ("IndefeasibleRight of Use ") en droit français afind'évaluer les conditions dans lesquellesce contrat, issu de la pratique, pourraitconstituer un outil juridique adaptépour répondre à la problématique duco-investissement des opérateurs dansle câblage en fibre optique des immeu-bles et la partie terminale des réseauxà très haut débit. Dans un souci de transparence et d’information,l’ARCEP a publié cette étude. w

Ala suite de la consultation publique menéeentre juillet et septembre 2010, l’ARCEP apublié, le 27 janvier 2011, des orientations

relatives au haut et au très haut débit mobile outre-mer. Celles-ci prévoient la possibilité d’utiliser lesbandes 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz pourl’UMTS selon des modalités adaptées aux situationsde chaque département ou collectivité. Le cadreainsi défini permettra d’améliorer la couverture et laqualité de services mobiles à haut débit, au bénéficedes consommateurs ultramarins. w

Mutualisation des réseaux de fibre

Dans une décision de règlement de différend opposant SFR et France Télécom, l’Autorité a jugé inéqui-table la demande de SFR d’imposer à France Télécom un plafond s’appliquant à la moyenne des deuxtarifs – traitement automatique et traitement manuel – de conservation des numéros fixes.Parallèlement, l’Autorité a lancé des travaux sur l’évaluation des coûts liés à la mise en œuvre de laconservation de ces numéros fixes visant à préciser les méthodes de comptabilisation, de recouvrementet de tarification des coûts liés à cette prestation, comme elle l’a déjà fait pour les numéros mobiles. w

Conservation des numéros fixes

FTTH et régimejuridique des IRU

3G outre-mer

L'Autorité a lancé une consultation publique sur lescritères de choix d’une méthode d'annualisation descoûts d'investissement et la transition du cuivre vers lafibre. Cette consultation, ouverte jusqu'au 2 mai 2011,a notamment pour objectif de déterminer si le rempla-cement à terme des réseaux de cuivre par les réseaux enfibre optique nécessitera d’apporter des ajustementsaux méthodes d’annualisation en vigueur. w

Transition du cuivre vers la fibre

L’Autorité a notifié à la Commission européenneet mis en consultation publique son projet dedécision sur l’encadrement tarifaire de la termi-

naison d’appel vocal mobile d’Orange France, SFR etBouygues Telecom pour la période du 1er juillet 2011au 31 décembre 2013. L’Autorité propose de retenirun niveau cible de 0,8 c€/minute, applicable au 1er

janvier 2013, à atteindre progressivement en troisphases : une première baisse de 2 c€/minute, à partirdu 1er juillet 2011 pour six mois ; une deuxième baissede 1,5 c€/minute, à partir du 1er janvier 2012 pour sixmois ; et une troisième baisse de 1 c€/minute, à partirdu 1er juillet 2012 pour six mois. L'Autorité proposeaussi de fixer des tarifs symétriques pour les troisopérateurs dès le 1er juillet 2011. w

Terminaison d’appel mobile

Dans le cadre du troisième cycle d’analysedes marchés de la téléphonie fixe,l’Autorité a lancé, jusqu’au 23 mars,

une consultation publique dans l’optiqued'adopter une décision avant l’été qui porterasur les années 2011-2014. La mise en œuvre dela recommandation de la Commission euro-péenne du 7 mai 2009 sur les terminaisonsd’appel fixe et mobile et sur le départ d’appelfixe, avec la différenciation des obligations impo-sées à France Télécom pour le départ d’appel desélection du transporteur et pour l’accès àinternet bas débit, d’une part, et à destinationdes numéros de service à valeur ajoutée, d’autrepart, est le principal enjeu de ce nouveau cycle.w

Terminaison d’appel fixe

« Paquet télécoms »Les parlementaires ont adopté - le 8 mars 2011 pourl'Assemblée Nationale, le 9 mars 2011 pour le Sénat -le texte mis au point en commission mixte paritaire surle projet de loi « portant diverses dispositions d’adap-tation de la législation au droit de l’Union européenneen matière de santé, de travail et de communicationsélectroniques ». Ce texte autorise notamment leGouvernement à transposer par ordonnance les direc-tives européennes du « paquet télécoms ». w

Page 66: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

Diplômé de l’Ecole normale supérieure deCachan et agrégé d'économie-gestion, AntoineDarodes de Tailly est également titulaire d'unDEA de droit. A l’été 2004, il intègre le Conseilde la concurrence (devenu Autorité de laconcurrence) en qualité de rapporteur, plus

particulièrement responsable de l'instruction de dossiers relatifsau secteur des communications électroniques. Il a rejoint l’ARCEPle 1er octobre 2009, où il était chargé de mission auprès dudirecteur général. Il a été nommé le 1er février 2011 directeur dela régulation des marchés du haut et très haut débit et desrelations avec les collectivités territoriales.

w Antoine Darodes de Tailly, nouveau directeur de la régulation des marchés du haut et très haut débit et des relations avec les collectivitésterritoriales

w Alexis ArgoudDiplômé de l’EcoleP o l y t e c h n i q u e en 2010, Alexis Argoud a effectuéson année de spé-cialisation à l’ENSAE. Il est égalementtitulaire du master « Economie et poli-tique publiques » de Sciences Po. Il arejoint le 3 janvier l’unité « mutua-lisation de la fibre et marchés avalhaut et très haut débit » au sein dela direction des marchés haut et trèshaut débit et des relations avec lescollectivités territoriales, où il tra-vaillera en particulier sur la régula-tion de la fibre et le bitstream.

w Denis CatinotDiplômé de l’écolesupérieure de l’Armedes transmissions,Denis Catinot débutesa carrière commespécialiste en interception et analyse designaux électromagnétiques pour l’Arméede terre, puis, à partir de 1996, devientresponsable du service de traitement dusignal électromagnétique. En 2004, il re-joint la direction inter-armées des réseauxd’infrastructure et des systèmes d’infor-mation des armées où il occupe le postede conseiller technique dans le domainedes radiocommunications. Il quitte l’ar-mée en 2007 pour rejoindre le ministèredes affaires étrangères en tant qu’expertqualité sécurité en charge du déploie-

ment de matériels de communication ausein des ambassades. Il a rejoint l’unité"régulation et gestion du spectre" del’Autorité en décembre 2010 en qua-lité de coordinateur technique.

w Eric DelannoyDiplômé de l'Insti-tut supérieur del'électronique etdu numérique deLille en 2005 et titulaire d'un mastère de l'ESSEC en affairesinternationales, Eric Delannoy débute sacarrière en 2007 chez TERA Consultants oùil réalise des études économiques et régle-mentaires pour le compte d'autorités de ré-gulation nationales et d'opérateurs detélécommunications. Il a rejoint l'unité"infrastructures haut débit et très hautdébit" au sein de la direction des mar-chés haut et très haut débit et des rela-tions avec les collectivités territoriales,où il travaillera notamment sur la mon-tée en débit et les modèles de coûtsFTTH.

w Nicola ShorlandDiplômée en droit del’université Victoriade Wellington enNouvelle Zélande,son pays natal, NicolaShorland a été conseillère à l’Autorité dela concurrence de Nouvelle Zélande en2004. Elle travaille ensuite pendant quatreans pour le ministère de l’économie

comme responsable d’analyses politiqueset de stratégies de développement. En2008, elle intègre l’opérateur postal NewZealand Post Limited où elle est en chargede la réglementation et des relations inter-nationales. Dans le cadre de ses fonctions,elle représente son pays auprès de l’Unionpostale universelle (UPU) à Berne et del’Union postale de l’Asie et du Pacifique(UPAP) à Bangkok. Elle a rejoint la direc-tion des affaires postales de l’ARCEPen janvier dernier où elle veille au res-pect, par La Poste, de ses obligationsde service universel et travaille sur lesquestions concurrentielles, internatio-nales et de protection du consomma-teur.

w Elisabeth SuelTitulaire d’un DEAde droit public en2002, ElisabethSuel est doctorantesur la régulationdes marchés financiers. Après plusieursstages en cabinets d’avocats, elle com-mence en 2003 comme assistante de jus-tice à la section du contentieux du Conseild’Etat, puis est attachée temporaire d’en-seignement et de recherche à l’Universitéde Paris X-Nanterre pendant deux ans,avant de rejoindre la direction juridiquedu Conseil supérieur de l’audiovisuel(CSA) en mai 2010. Arrivée à l’ARCEPen février dernier, elle a intégrél’unité « procédures, fréquences, au-diovisuel, interconnexions et consom-mateurs » de la direction des affairesjuridiques de l’Autorité.

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Vie de l’ARCEP

L'Autorité a rendu le 10février 2011 un avisfavorable sur les tarifs

des offres de colis de LaPoste, relevant du serviceuniversel, vers la métropole etl’international. Applicables àcompter du 1er mars 2011,les évolutions proposées,

respectivement de +2,6 % et+1,9 %, sont compatiblesavec l'encadrement tarifairede La Poste. Par ailleurs,l'Autorité se félicite que sesrecommandations de gel destarifs sur le colis à destinationde l’outre-mer en 2011 aientété suivies. w

Evolutions des tarifs des offres colis de La Poste

80,85 %

En Suède, l’opérateur postal Posten AB devrait mettre en place en 2011 unnouveau système d’affranchissement des lettres et paquets de moins de deuxkilos : le timbre pourra être remplacé par un code à écrire soi-même sur l’enve-loppe après l’avoir reçu par SMS. Ce service pourrait être lancé également auDanemark cette année. Cette innovation vise à faciliter l’usage des servicespostaux. Le risque de fraude ne serait pas plus élevé qu’avec les timbres classiques.w

Ce chiffre correspond au pourcentage de boîtes aux lettresfrançaises qui ont une heure limite de dépôt fixée à 13 heures.w

DÉMATÉRIALISATION DES TIMBRES POSTAUX

Page 67: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011 x67

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D’ici la fin de l’année, l’ARCEPprocèdera à l’attribution desfréquences dans les bandes 800MHz et 2,6 GHz nécessaires audéploiement de réseaux mobilesà très haut débit (4G). La procé-dure poursuit trois objectifs :conformément à la loi, un niveauélevé de couverture du territoireen très haut débit mobile, ladynamique concurrentielle, et lavalorisation du domaine publicdes fréquences. L’appel à candi-datures pour l’attribution deslicences devrait être lancé dans lecourant du mois de mai. w

Appel à candidatures 4G

Depuis le 30 juin 2010, les opérateurs ayantplus de 100 000 abonnés ont l’obligation demettre à disposition du public, chaquetrimestre, sur leur site internet, les résultatsde mesure de la qualité de leur service fixepar type d’accès au service téléphonique(réseau téléphonique commuté, ADSL,câble, etc.). Alice, Bouygues Telecom, DartyBox, Free, Numéricâble, Orange et SFR ontainsi publié, le 31 mars 2011, ces indicateurspour la quatrième fois. Ces publicationspermettent aux consommateurs de disposerd’informations pertinentes afin de suivrel’évolution, dans le temps, de la qualité deservice de leur opérateur. A l'occasion decette publication, le dispositif s'est enrichid'une mesure supplémentaire sur le délai defourniture du raccordement initial. w

Qualité du service fixe

Les vérifications de couverture 3Geffectuées par l’Autorité début 2011font apparaître que BouyguesTelecom satisfait à son obligation decouverture d’au moins 75% de lapopulation, qu’Orange France et SFRont respecté l’obligation de couver-ture, qui leur était faite au titre de leurmise en demeure du 30 novembre2009, de 91% et 88% de la popu -lation respectivement, et que laprogression de la couverture permetd’envisager un alignement progressifdes taux de la 3G sur ceux de la 2G.w

Couverture 3GMontée en débit

Cette solution permet à des opérateurs de mettre en œuvre l'accès à la sous-boucle duréseau cuivre de France Télécom pour offrir de meilleurs débits en DSL à certainsfoyers, en attendant l'arrivée de la fibre jusqu'à l'abonné. L’ARCEP a engagé, depuis

plus d’un an, des travaux avec les opérateurs et les représentants des collectivités, en vued'élaborer un cadre réglementaire qui garantisse une mise en œuvre efficace de la montéeen débit, protège la concurrence et réponde aux attentes des utilisateurs. Dans le cadre del'analyse des marchés du haut et du très haut débit (marché 4 et 5), qui sera adoptée à la findu printemps, l'Autorité va ainsi obliger France Télécom à publier une offre de réaménage-ment de son réseau de boucle locale cuivre à l'attention des opérateurs aménageurs, agis-sant pour le compte des collectivités territoriales, pour permettre la mise en œuvre de lamontée en débit. Cette offre sera régulée et son tarif orienté vers les coûts. 3 millions defoyers sont susceptibles de bénéficier de la montée en débit à un rythme de 500 000 foyersenviron par an, selon les capacités de production des opérateurs. w

Schémas directeursterritoriauxPour favoriser la cohérence des initiativespubliques et les articuler correctement avecles investissements privés, la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, dite loi Pintat, vise à généraliser l’élaboration,sur l’ensemble du territoire national, deschémas directeurs territoriaux d’aménage-ment numérique (SDTAN) qui conditionnentle soutien financier de l’État aux projets descollectivités dans le très haut débit, à traversle fonds d’aménagement numérique desterritoires. Établi au minimum à l’échelled’un département, ce schéma directeur visela construction d’un projet d’aménagementnumérique cohérent, partagé par tous lesacteurs du territoire. 75 départements sontdéjà concernés par un projet de schémadirecteur. w

6,4 milliards d’euros :l’année 2010 a été marquée, enFrance, par une hausse des investisse-ments, tous opérateurs confondus, de8,3% par rapport à l’année 2009.

Kaléidoscope du monde télécom en quelques chiffres

60 milliards d'euros : cette contribution directe de la filière internet (infor-matique et télécommunications liées à internet, et activités économiques ayant le Web poursupport, telles que e-commerce ou publicité en ligne) au PIB français, en 2009, représente 3,2%du PIB national, selon une étude publiée par Mc Kinsey sur l'impact de l'internet sur l'économiefrançaise. En 2010, internet pourrait représenter un quart de la progression du PIB et créer450000 emplois d’ici 2015, qui s’ajouteraient au 1,15 million d’emplois actuels, liés directe-ment et indirectement à internet.

28,4 millions d’utilisateurs de servicesmultimédias, en augmentation de 20,8 %, et 2,8millions de clients des clés 3G, en hausse de 32,1% :l’appétence pour l’internet mobile se confirme. Et le revenu liéà l’échange de données (1,2 milliard d’euros) augmente defaçon continue, d’environ 20% par an depuis trois ans.(source : ARCEP / Observatoire du marché au 4e trimestre 2010).

1377c'est lenombre d'avis ou de décisionspris en 2010 par l'ARCEP.

75 % des forfaitsmobiles vendus en France ontune durée d’engagement de24 mois et 25 % une duréed'engagement de 12 mois.Ces chiffres sont extraits durapport remis à l’été 2010 parl’ARCEP au Parlement dans lecadre de l'analyse de l'impactde la loi Chatel.

1 075 000avec ce chiffre, la barre du million delogements éligibles à la fibre optiquejusqu’à l’abonné (FTTH) en France aété franchie à la fin de l’année 2010,en augmentation de 34,4 % sur unan. Plus largement, 20 millions delogements sont actuellement raccor-dables au très haut débit (câble etfibre), 6 millions d’entre eux sonteffectivement raccordés, mais peuencore sont abonnés : 460 000 fin2010 (dont 115 000 en FttH).

Page 68: à la recherche d'un nouveau modèle économique postal

ar décret duprésident de laR é p u b l i q u e ,M a r i e - L a u r eDenis, conseiller

d’Etat, a été nommée membre del’Autorité le 7 janvier dernier, enremplacement d’Edouard Bridoux,qui était arrivé en fin de mandat.

Directrice adjointe du cabinet

de Jean Tiberi à la mairie de Paris(1995-1998), puis directrice ducabinet de Christian Jacob auministère délégué à la famille etdirectrice adjointe du cabinet deJean-François Mattei, ministre dela santé (2002-2004), Marie-Laure Denis était membre duConseil supérieur de l’audiovisuel(CSA) depuis mars 2004. Elle y

était notamment chargée de laprésidence des groupes de travail« Pluralisme et campagnes électo-rales » et « Audiovisuel extérieuret coopération internationale ».De 2005 à 2007, Marie-LaureDenis a également été vice-prési-dente de la Commission audiovi-suel numérique terrestre au CSA.Auditeur, maître des requêtes auConseil d’Etat, maître de confé-rences à l’Institut d’études poli-tiques de Paris, Marie-LaureDenis a également été vice-prési-dente des jurys de recrutementdes magistrats de l’École natio-nale de la magistrature.

Le Président de la Républiquea également nommé, par décreten date du 25 janvier 2011,Jérôme Coutant, qui remplacePatrick Raude, démissionnaire.Responsable du programmedéveloppement numérique desterritoires pour le grand sud-ouest à la Caisse des dépôts, puischef du pôle aménagement

numérique du territoire à laDATAR, Jérôme Coutant avait étéappelé, en juillet 2009, aucabinet de Michel Mercier, entant que conseiller chargé desservices publics et de l’économienumérique. Au cours des années90, Jérôme Coutant a notam-ment dirigé la division haut débitde Motorola, puis la branchemobile, avant de créer une entre-prise internet.

Le collège de l’ARCEP secompose ainsi de sept membres :Jean-Ludovic Silicani (président),Daniel-Georges Courtois, JérômeCoutant, Nicolas Curien, Marie-Laure Denis, Denis Rapone etJoëlle Toledano. Le collège del'Autorité définit les grandesorientations, adopte les décisionset les avis qui s'intègrent dansl'action générale de l'Autorité.Nommés pour une durée de sixans, les membres de l’Autoritésont irrévocables et non renouve-lables. w

68x LES CAHIERS DE L’ARCEP ● JANVIER-FÉVRIER-MARS 2011

Deux nouveaux membres ont rejoint le collège de l’Autorité en janvier 2011

Vie de l’ARCEPB

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Évolution générale du secteur, FTTH, montéeen débit, procédure 4G, couverture 3G, termi-naisons d'appel mobile et fixe, net neutralité,propositions consommateur : Jean-LudovicSilicani, président, Jérôme Coutant, Denis Raponeet Joëlle Toledano, membres du collège, ont reçula presse le 8 avril 2011 pour procéder à un tourd'horizon complet du paysage français des télé-communications. Ils ont également évoqué lesquestions postales, au lendemain de la libéralisa-tion complète du marché du courrier en France, le1er janvier dernier. Enfin, dans une réunion simi-laire organisée l’après-midi, ils ont reçu lesanalystes financiers. w Le comité de prospective de l’ARCEP s’est réuni le 15 février 2011 pour

conclure son cycle de réunions sur le thème de l’évolution de l’offre etde la demande dans le secteur des télécommunications. Le rôle des

pouvoirs publics dans le développement de nouveaux marchés et de l’innovation a ainsi largement été débattu au cours des réunions de cepremier cycle dans lesquelles sont intervenus, notamment, l’historien PascalGriset, professeur à la Sorbonne, l’économiste Michèle Debonneuil et lepaléoanthropologue Pascal Picq, mais aussi : Jean-Baptiste Soufron, direc-teur du think tank du pôle de compétitivité de Cap Digital et Marc Fossier,directeur responsabilité sociale d’entreprise chez France Télécom. Le cyclede 2011 a pour thème « Les territoires de l’économie numérique ». w

L'ARCEP s'adresse à lapresse et aux analystesfinanciers

PJérôme Coutant et Marie-Laure Denis.

Denis Rapone, Joëlle Toledano, Jean-Ludovic Silicani et Jérôme Coutant.

"Croissance, innovation, régulation":le colloque 2011 de l'ARCEP

Le colloque annuel de l’Autorité sur le thème "Croissance, innovation, régula-tion" aura lieu mercredi 4 mai 2011 et sera ouvert par Eric Besson, ministre del'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Une vingtaine d'interve-nants internationaux de haut niveau débattront toute la journée au cours dequatre tables rondes. Quatre capitaines d'industrie – Stéphane Richard, Jean-Bernard Lévy, Martin Bouygues et Xavier Niel – ont accepté de présenter leurvision du sujet. w

Pour s'inscrire : http://www.arcep.fr/

Comité de prospective de l’ARCEP : clôture du cycle sur l’offre et la demande et ouverture du cycle sur les territoires de l'économie numérique