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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE S Nos 8-9 1955 (8' année) France : 50 frs Belgique : 10 frs Suisse : 0,70 fr uméro spécial 6 8 pages Le soleil et le vent au service de l'homme la pluie artificielle : espoirs et réalités Une merveille : la culture sans terre L'Art fleurit en plein Sahara LE CHAMEAU A LIVRE SON SEÎRET ¿voir p.iB)

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UNE FENÊTRE OUVERTE SUR LE MONDE

S

Nos 8-9

1955

(8' année)

France : 50 frs

Belgique : 10 frsSuisse : 0,70 fr

uméro spécial

6 8 pages

Le soleil et le vent

au service de l'homme

la pluie artificielle :espoirs et réalités

Une merveille : la

culture sans terre

L'Art fleurit en

plein Sahara LE CHAMEAU A LIVRE

SON SEÎRET ¿voir p.iB)

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VIEUX JOE

FAVEUR DE PLUIE'Faire Éomber la pluie à volontéa toujours été #ri rêve cher al'homme. Il s'e|t traduit par detraditionnelles cérémonies. Au¬jourd'hui encore, bien des tribusprimitives se tournent vers le« faiseur de pluie » en période desécheresse. Mirrtúlee (de Thurra-bareè) - appelé plus familière¬ment Vieux Jóe, le Faiseur dePluie, est un aborigène austra¬lien qui continue à pratiquer lesrites anciens. Cette photo esttirée du film « The Back ofBeyond » qui décrit la vie dans

les déserts de l'Australie.

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Le Courrier

SOMMAIRE

UNE fíNtlñt OUVERT! SU* II MONDE

Nos 8-9 - 1955

8e ANNÉE

PAGES

3 EDITORIAL

4 LA TERRE A SOIF

par James Swarbrick

6 A LA CONQUETE DU DESERT

par B.T. Dickson

14 95 SAVANTS AUSCULTENT

...les sables

17 AUTANT EN APPORTE LE VENT

par E. W. Goldlng

20 L'ÉNERGIE SOLAIRE DOMESTIQUÉEpar Gerald Wendt

25 LE GÉANT DES PYRÉNÉES

par Daniel Behrman

28 LE CHAMEAU - FABLE ET RÉALITÉ

par Bodil et Knut Schmidt-Nielsen

3 3 L'ART FLEURIT EN PLEIN SAHARA

par Jean Gabus

42 CULTURE SANS TERRE

par J.W.E.H. Sholto Douglas

48 UNE ÉQUATION A TROIS INCONNUESpar H.I.S. Thlrlaway

51 PLUIE SUR MESURE

...un rêve millénaire

56 INVOCATION AUX DIEUX

...de l'eau

58 LE MYTHE DES TROPIQUES

par W.S.S. Ladell

60 UN DÉSERT SATURÉ D'HUMIDITÉ

par G. de Réparaz

64 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

66 LATITUDES ET LONGITUDES

Mensuel publié par

L'Organisation des Nations Unies pour l'Éducation, la Scienceet la Culture.

Bureaux de la Rédaction :

Unesco, 19, avenue Kléber, Paris- 16*, France.

Directeur-Rédacteur en Chef :

Sandy Koffler.

Secrétaires de rédaction :

Edition française : Alexandre Leventis.Edition anglaise : Ronald Fenton.Edition espagnole : Jorge Carrera Andrade.

Maquettiste :

Robert Jacquemin.

Chargés de la diffusion :

Jean Groffîer.U.S.A. : Henry Evans,

Sauf mention spéciale de copyright, les articles et documents paraissant dansce numéro peuvent être reproduits à condition d'être accompagnés de 11 men¬tion : Reproduit du « Courrier de l'Unesco ». Les articles ne doivent pas êtrereproduits sans leur signature.Les manuscrits non sollicités peuvent être retournés ä condition "d'êtreaccompagnés d'un coupon-réponse international.Les articles paraissant dans le «Courrier» expriment l'opinion de leurs auteurs,non pas nécessairement celles de l'Unesco ou de la Rédaction.Abonnement annuel au «Courrier»: 300 francs lr.\ 6/-; ou % 1.50 par mandatC.C.P. Pans 12598-48, Librairie Unesco, 19, Av. Kleber,

MC. 55. I. 94. F.

Le Courrier. N" 8-9. 1955

NOTRE COUVERTURE

Comment un chameau peut couvrir des dis¬tances incroyables sans boire d'eau n'est plusun mystère : une équipe de chercheurs tra¬vaillant au Sahara sous les auspices de l'Unescoa résolu le problème. Ici, un chameau est peséaprès avoir été privé d'eau pendant huit jours.Voir en page 28 quelques-unes des révéla¬tions étonnantes faites sur le chameau.

Copyright Schmidt-Nielsen

L'infinie variété de la vie est un des sujets qui intriguentle plus ceux qui aiment la nature, et surtout, les hom¬mes de science qui consacrent leur existence à compren¬

dre le monde. L'extraordinaire faculté d'adaptation desplantes et des animaux aux conditions diverses de la vie neconstitue pas le moindre aspect de son attrait. -D'innombra¬bles générations, soumises au processus de la mutation, ontmodifié peu à peu leurs habitudes, leur anatomie et leurphysiologie afin de s'adapter à la vie des profondeurs del'océan, des sommets des arbres de la jungle, ou même dusous-sol. Chaque espèce s'est merveilleusement assimilée à uhtype spécifique de milieu, mais en même temps, chaque espèceest absolument inadaptée à la vie dans une autre ambiance.

Il n'existe qu'une seule espèce d'animal qui possède le pou¬voir de vivre n'importe où sur la terre (sauf sous l'eau) :l'homme. Il s'est adapté, non pas tellement en changeant sanature au cours des générations, mais surtout en adaptant àlui-même son propre milieu par l'invention de vêtementscontre le froid, d'abri contre les orages, du feu pour rendremangeables les aliments durs, des outils pour mater le sol.L'homme a su rendre plus ou moins habitable chaque coin dumonde, ou presque.

Cependant, il reste encore de vastes régions quasi déser¬tiques, où ne peuvent vivre que les hommes dont les besoinssont limités, et qui s'accommodent de la solitude. « Terradeserta », comme les appelaient les Romains d'où le nommoderne de « désert ». Ces terres ne sont pas forcémentchaudes, car il existe des déserts dans l'Arctique et sur lesplateaux hauts et froids. Mais les déserts sont toujours secs,leur végétation est éparse, leurs animaux peu nombreux et leshommes y vivent dans la pauvreté.

Une définition pratique de la science est celle qui constateque le meilleur emploi de l'intelligence de l'homme consistedans l'amélioration de la condition humaine. Ainsi, le désertdemeure un des plus grands défis que l'homme et la sciencese doivent de relever. Plus que le quart de la superficie totaledes terres émergées est presque inutilisable : trop de soleil,pas assez de pluie. Afin d'améliorer les conditions de la viedans le désert, il faudrait modifier le climat ou au moins letemps, et cette tâche a toujours été au-dessus des forces del'homme.

Avant que la science puisse agir, il faut qu'elle comprenne.Elle doit connaître les causes de la sécheresse et les raisons

du manque de pluie ; elle doit saisir la structure géologiquedes roches, les différents types de sols et de sables afin dedécouvrir les nappes d'eau souterraines. Elle doit s'assimilerles méthodes employées par les plantes et les animaux dudésert pour s'accommoder de l'austérité ; elle doit étudier levent et le soleil afin d'apprendre à les mettre à son service enemployant leur énergie à l'amélioration des conditions de vie.En outre, le problème est si vaste qu'il pèse sur l'existence despeuples d'au moins trente-sept pays. Dans ce domaine,aucune nation ne peut beaucoup accomplir à elle seule, maisce que peut réaliser une nation, toutes les autres' peuvent enbénéficier. Le problème des terres arides est au premier chefd'ordre international, il ne sera résolu qu'en faisant le meil¬leur emploi de l'intelligence humaine et ce, à l'échelle mon¬diale. C'est pourquoi l'Organisation des Nations Unies pourl'Education, la Science et la Culture, depuis ses débuts, s'estattelée à ce problème.

C'est parce que l'Unesco a déployé tant d'efforts à l'étudede ce problème complexe que le Courrier consacre le présentnuméro spécial à la grande campagne entreprise pour rendreles déserts habitables et étendre le royaume de l'homme jus¬qu'aux régions les plus lointaines, les plus sèches et, en biendes cas, les plus plaisantes de cette planète.

Gerald Wendt.

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L'Unesco s'attaque

à un problème mondial

LA TEpar James Swarbrick

Un des objectifs de l'Organisationdes Nations Unies pour l'Edu¬cation, la Science et la Cul¬

ture est d'améliorer les conditionsde vie de l'homme par la recherchescientifique. Peu de temps après lacréation de l'Unesco, ce noble desseinallait être mis à l'épreuve de la réalitébrutale : sur plus du quart des terrémergées ne peut vivre et fort ch¿-tivement qu'une population clairse¬mée, parce qu'elle manque d'eau.

Le problème est aussi vaste que laTerre : La zone aride s'étale à travers

toute la carte du monde, depuis l'Atlan¬tique jusqu'au grand désert de Gobi, enChine, en passant par. l'Arabie, leSahara et le Pakistan. Une autre zone

s'étend du nord au sud, non loin de lacôte du Pacifique, presque depuisl'Alaska jusqu'à la pointe de l'Amériquedu Sud, interrompue seulement par lesrégions humides de l'Amérique centrale.

L'Afrique du Sud est en grande partiedésertique, et aussi toute l'Australie, àl'exception de sa bordure orientale. Etpartout des problèmes se posent, ana¬logues sinon tout à fait les mêmes.

On s'y attaquait déjà, en fait, dansbeaucoup de pays, mais chacun travail¬lait pour son compte. La première ini¬tiative de l'Unesco a consisté à orga¬niser une enquête sur les recherches encours : on a établi le répertoire deprès de cent" institutions de recherchesconsacrant au moins une partie de leuractivité aux problèmes des zones arides.Il porte sur vingt-trois pays, noncompris les pays de l'Union soviétiquequi n'étaient pas alors membres del'Unesco. Cette enquête a montré que larecherche n'existait que dans les payspartiellement arides, tels que les Etats-Unis, capables de tirer de leurs régionsfertiles assez de richesse pour faireface aux dépenses nécessaires. Les payscomplètement arides ne le peuvent pas,et c'est eux, cependant, qui en ont leplus grand besoin. La seule solutionétait, de toute évidence, d'entreprendreune action d'ordre international quiconcentrerait sur l'étude de ce pro¬blème les recherches des spécialistes denombreuses disciplines différentes, etdont les résultats profiteraient auxzones arides où qu'elles soient.

Ce que l'Unesco tente de faire par sonprogramme de recherches sur la zonearide, c'est d'éveiller en tous pays l'at¬tention du public sur ce problème desdéserts, c'est d'encourager les recher¬ches visant à le résoudre, et d'enseigneraux gens comment appliquer les résul¬tats de cette recherche à leur vie quo¬tidienne. Le travail s'effectue sous la

James SWARBRICK, chargé de l'exécution du pro¬gramme de l'Unesco pour les zones arides, est secré¬taire du Comité Consultatif de Recherche sur la Zone

Aride, constitué par l'Unesco. Chimiste, James Swar¬brick travaillait auparavant à la section scientifiquedu British Council.

direction du « Comité Consultatif de

.recherches sur la zone aride », composéde neuf membres de nationalités di¬verses, et spécialistes des différentessciences intéressées. Les sessions du

Comité sont suivies par des représen¬tants des Nations Unies, ceux des Insti¬tutions spécialisées qui s'occupent deces . problèmes (telles l'Organisationpour l'Alimentation et l'Agriculture,l'Organisation Mondiale de la Santé etl'Organisation Météorologique Mon¬diale), et d'un certain nombre d'asso¬ciations internationales de savants et

d'ingénieurs, comme l'Union géogra¬phique internationale et la ConférenceMondiale de l'Energie.

On emmagasine l'eaudans le sous-sol

Un des grands problèmes communsà toutes les zones arides, c'est lemanque d'eau. L'eau peut faire

totalement défaut, parce que les pluiessont rares ou nulles, ou bien être peuabondante parce que les pluies, lors¬qu'elles tombent, ne fertilisent pas unevégétation utile : de sorte que, pourcertaines régions arides, il s'agit de dé¬couvrir de l'eau et, pour d'autres, deprotéger la population contre les effets

de la sécheresse et d'aménager l'em¬ploi de l'eau dont on dispose.

Lorsque la pluie atteint le sol, lescouches superficielles en retiennent unepartie, qui est utilisée par les plantes,ou qui s'évapore. Une certaine quantité,toutefois, pénètre dans la terre d'où elleest drainée par les ruisseaux et les ri-'vières, ou bien elle demeure dans lesous-sol, cheminant très lentement àtravers les roches perméables. Si, enforant, on peut atteindre ces couchesrocheuses, on pourra pomper l'eau etl'employer pour les besoins domestiqueset pour irriguer le sol; ou bien, si lanappe aquatique se trouve entre deuxcouches de roches imperméables, l'eaujaillira comme celle d'un puits artésien.

Bien qu'elles soient, au total, peuabondantes, les pluies des zones aridesprovoquent souvent des inondations quiamènent des phénomènes d'érosion, leseaux détachant et entraînant ensuite

le sol superficiel : non seulement cespluies ne servent à rien, mais encoreelles appauvrissent la région. Il estdonc indispensable d'endiguer les ri¬vières et de construire des réservoirspour emmagasiner les eaux de crues.Les anciennes civilisations du Moyen-Orient et du bassin méditerranéenconnaissaient fort bien l'art de conser¬

ver ces ressources. A l'heure actuelle,l'Inde est, de tous les pays du monde, le

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Le Courrier. NJ 8-9. 1955

« BENI-ABBÈS LASCIENCE DANS LE

DESERT », est un film quel'Unesco vient de terminer.

Il montre le travail effectué

dans un centre de recherches

situé dans le désert sud-

algérien. Ce film sortira enoctobre prochain. Ici, unecaravane part pour un

voyage à travers le désert.

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plus expert en matière d'irrigation parles eaux de fleuves, mais partout où desfleuves traversent des régions arides, ledéveloppement systématique de ces res¬sources est en bonne voie.

L'évaporation des eaux emmagasinéesrisque de représenter en zone aride uneperte considérable. On peut y parer enconstruisant des réservoirs plus pro¬fonds et de surface moins étendue

qu'on ne le fait en général. Une solu¬tion plus radicale encore consiste à

.laisser les eaux gagner le sous-sol àtravers des couches filtrantes spéciale¬ment préparées et à les emmagasineren attendant de les pomper selon lesbesoins.

Un pipe-line amène l'eauau bord de la mer

Les ressources en eau nappessouterraines ou eau de ruisselle¬

ment ne représentent qu'uncomplément insuffisant lorsqu'il s'agitde suppléer aux eaux de pluies. Il fautdonc déterminer par la recherche lesquantités qui pourront ' être utiliséessans danger de voir épuiser la nappesouterraine, faute de quoi les eauxbaisseront progressivement, les frais depompage augmenteront, les puits au

ront besoin d'être plus profonds et ledébit d'écoulement faiblira. En outre,même si toutes ces ressources étaient

complètement utilisées, il subsisteraitde vases zones arides qui demeurerontinexploitées.

Si l'on pouvait trouver une méthodeéconomiquement viable pour débarras¬ser de son sel l'eau de mer, et dessaleraussi des eaux souterraines qui en sonttrop souvent chargées, on aurait sansdoute réalisé le plus grand progrès ini¬tial pour la remise en état des déserts.L'Unesco consacre maintenant à ce

problème une attention toute parti¬culière. On verra sur la carte qui figureà la page 8 que la plupart des régionsdésertiques sont situées non loin descôtes, et principalement des côtes occi¬dentales des différents continents. Lesdéserts du littoral du Chili et du Pérou

en sont des exemples typiques. Alorsque la mer est toute proche, il faut yamener, par des pipe-lines ou mêmedes wagons-citernes, l'eau des régionssituées de l'autre côté des Andes. On

n'a pas trouvé jusqu'ici pour dessalerl'eau de mer de procédé assez écono¬mique pour que l'eau douce ainsi pro¬duite puisse servir à irriguer les dé¬serts. On pourrait aussi augmenter lesressources en eau en provoquant despluies artificielles. Depuis quelques an¬nées, les recherches ont été très pous¬sées dans ce sens et ont donné des

résultats, sans qu'on puisse toutefoistenir pour certaine l'efficacité d'uneméthode déterminée (voir page 51).

La question de l'énergie électriquedans les zones arides est à peine moinsangoissante que celle de l'eau. Il enfaut pour pomper l'eau, pour les be¬soins domestiques, pour les travauxagricoles, pour l'industrie, pour l'exploi¬tation des richesses minérales. Il en

faut avant tout pour combattre la ten¬tation, bien puissante en pays aride,d'abattre et de transformer les arbreset les abustes en combustible.

Il est tout aussi important d'em¬pêcher le désert de s'étendre que deremettre en état des déserts vieux de

milliers d'années. Les terres qui confi¬nent aux déserts sont dans une positiond'équilibre très délicate, et faute deprendre de grandes précautions pourleur exploitation et surtout leur culturecet équilibre se détruit et le désertavance inexorablement. Les méthodes

préventives contre l'érosion sont bienconnues. Elles comprennent la culturesuivant les courbes de niveau, l'emploide coupe-vents, la prévention des inon¬dations et, avant tout, la connaissance

scientifique de ce qu'une région donnéepeut produire et ne peut pas produire;ces méthodes ne sont malheureusement

pas toujours appliquées et il est encoretrop de régions du monde où, par igno¬rance, par négligence, ou faute demoyens, la terre retombe en friche, lepâturage devient steppe et la steppedésert.

L'Unesco se propose de guider et decoordonner les nombreuses recherches

entreprises dans tous ces domaines parune douzaine de pays, et de faire ensorte que tout progrès réalisé en quel¬que domaine et quelque pays que cesoit tombe en partage à tous les cher¬cheurs du monde entier. Le ComitéConsultatif de recherches sur la zone

aride se réunit deux fois par an pourdiscuter en détail des progrès ac¬complis. Une fois par an, l'un dés pro¬blèmes majeurs de la recherche fait lesujet d'un stage d'études où sont invitésles savants du monde entier. Le pro¬chain stage d'études aura lieu en octo¬bre 1955 en Australie, et sera consacréà l'étude du climat. Au cours des an¬

nées précédentes, on a traité de l'hydro¬logie, . étude des ressources en eau(Ankara, Turquie, 1952) de l'écologievégétale (Montpellier, France, 1953), etde l'énergie éolienne et solaire (Nou¬velle Delhi, Inde, 1954).

Le soleil renaîtra

à Phlnix (Arizona)IE Comité autorise la mise en

route d'un certain nombre de

projets tels que l'établissementde cartes indiquant avec exactitudeles conditions des régions arides. Cer¬tains crédits sont en outre alloués àdes recherches particulières telles quela mission du Pr. Schmidt-Nielsen

pour l'étude de la physiologie du cha¬meau (voir p. 28), et l'étude du rôle dela rosée dans la formation de l'humi-dtié nécessaire à la croissance végétale,menée par le professeur S. Duvde-vani, de l'Université hébraïque de Jé¬rusalem. M. Duvdevani a découvert

que certaines plantes peuvent absor¬ber l'eau de la rosée par leurs feuilleset la faire passer dans leurs racineset même dans le sol pour l'y conserver.

Le Comité accorde en outre son assis¬tance à certaines réunions internatio¬

nales patronnées par des autoritéslocales. Au printemps de 1955, parexemple, il a accorde sonaide à rAmerican Associa- Su,tetion for the Advancement page 63

« L'Etat major de l'Unes¬co dans la lutte contre ledésert les neuf hommesdu Comité Consultatif deRecherches sur la Zone

Aride. Au premier rang(de gauche à droite) :Georges Aubert, spéci¬aliste des sols, Franc B.T. Dickson, pathologiedes plantes, Australie;J. Swarbrick, Unesco.Au deuxième rang (degauche à droite) : GilbertF. White , géographe,U.S.A., Processeur H.O'R. Sternberg, géogra¬phe, Brésil ; ProfesseurR. E. G. Pichi-Sermolli,botaniste et écologistedes plantes, Italie ; Sou-bhi Mazioum, hydrologis¬te, Syrie; Herbert Greene,spécialiste des sols,Grande-Bretagne; S.N.Nagir. météorologiste,Pa¬kistan, (Photo Unesco;

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A LA CONQUÊTEDU DÉSERT

(Photo Unicef.) (Copyright Hulton Press Ltd. Picture Post.)

DANS LE « PAYS DE LA SOIF» du nord-est du Brésil, les habitants de Campiña Grande attendent leur tour de tirer de l'eau du puits. Chaque géné¬ration creuse plus profondément pour atteindre la précieuse fraîcheur. (Voir dans le N" 2-1955 du «Courrier» l'article sur le «Polygone de la sécheresse».)

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Les régions arides, où qu'elles soient situées, et notam¬ment dans les pays chauds, sont caractérisées par unciel diurne d'un bleu intense, des distances immenses

baignées d'une lumière qui miroite, une ' végétation clair¬semée, une population animale et humaine encore plus rareet des pluies irrégulières et peu abondantes qui n'atteignentpas 250 millimètres dans les années les plus favorisées. Etcependant nous nous souvenons que de puissantes civilisa¬tions ont existé dans des zones arides traversées par degrands fleuves : le Tigre et l'Euphrate, l'Indus et le Nil.

Quelle est donc en termes de superficie l'importance duproblème ? Il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur lesujet, mais on estime généralement que la surface totale desterres émergées est très approximativement de l'ordre decent millions de kilomètres carrés dont 10 % environ, soitdix millions, sont maintenant cultivés sous une forme quel¬conque. Mais on estime à près de 25 millions de kilomètrescarrés l'étendue des terres arides, soitprès d'un quart de la surface des terresémergées. Cela revient à dire que lazone aride est au moins deux fois et

demie plus étendue que les régionsactuellement sous culture.

La fin de la première guerre'mondialea marqué le terme des grandes coloni¬sations et du développement des terresnouvelles par l'initiative d'individusaudacieux qu'animaient l'esprit d'aven¬ture ou le désir d'une vie plus libre. Laseconde guerre mondiale allait fairecomprendre soudain de quelle manièreprécaire la plupart des pays vivaient,et comment ce niveau de vie portait ensoi les germes les plus propres à fairerenaître les luttes ameres qui déchirentles peuples.

Le Courrier. N" 8-9 1955

jouer qu'un rôle minime dans le développement de nouvelleszones de production ou la remise en valeur de vastes régionsautrefois fertiles et stériles à présent. Je veux parler desmillions d'hectares des vallées du Tigre et de l'Euphrate, del'Indus-Chenab et du Nil, et de la zone aride septentrionalede Ceylan où subsistent encore les restes d'anciens canaux.

On estime par exemple, qu'en Amérique latine près de 6millions d'hectares sont susceptibles de développement etqu'on pourrait disposer dans le Moyen-Niger, pour -la cul¬ture, d'une région plus étendue que les terres productivesd'Egypte. La remise en valeur de ces antiques régions et ledéveloppement des nouvelles exigent que des institutions derecherche, des gouvernements et des organismes des Nations-Unies, sans oublier les autorités financières internationales,combinent tous leurs efforts.

Examinons à présent certains des problèmes qu'ont à ré¬soudre ceux qui sont chargés du développement des zones

par B. T. Dickson

Nous savons à présent que Malthusn'était après tout qu'en avance sur sonsiècle, et nous sommes bien obligés denous demander si les besoins alimen¬

taires des peuples peuvent être satis¬faits par les ressources actuelles aidéesde toute l'expérience technologiquedont nous disposons. Deux solutionspeuvent être envisagées : l'une, c'est laréduction du taux de croissance de la

population mondiale, l'autre l'augmen¬tation de la production alimentairedans une mesure telle que les genssoient non seulement assurés d'un

minimum, mais encore d'un régime ali¬mentaire proche du maximum souhai¬table. Les spécialistes de la zone aride,dont nous sommes, n'ont que peu depouvoir sur le taux de la croissance dela population, ou même pas du tout.Mais quant à la seconde de ces solu¬tions, nous sommes certains qu'on peutaugmenter les ressources alimentairesmondiales en accroissant la productiondans les zones actuellement sous culture et en étendant la

culture à de nouvelles régions insuffisamment exploitéesjusqu'ici.

En appliquant dans toute la mesure possible les connais¬sances techniques dont nous disposons aux régions actuel¬lement improductives, on peut parvenir à accroître consi¬dérablement la production alimentaire des exploitationsprivées. L'Inde, par exemple, possède un système d'irrigationtrès développé, et nulle part dans le monde, l'alimentationd'une population aussi nombreuse n'est au même point tri¬butaire de l'irrigation pour son alimentation : et pourtanton évalue à 10 % seulement du débit général des fleuves del'Inde les quantités utilisées à cette fin.

Si nous en venons à examiner les possibilités qu'offrentles zones arides, on s'aperçoit que l'entreprise privée ne peut

M. B. T. DICKSON, botaniste australien, d'origine britannique, est une des plushautes autorités mondiales en matière d'adaptation des plantes et de biologie desterres arides. Il fait partie, depuis 1929, de la « Commonwealth Scientific andInternational Research Organisation », en Australie, dont il a dirigé la « Divisionof Plant Industry ». L'article ci-dessus est une version légèrement abrégée d'un rap¬port intitulé « The Challenge of Arid Land Research and Development for the Benefitof Mankind ». (Comment l'humanité peut bénéficier des recherches sur les régionsarides et de leur développement) présenté au colloque International sur les zonesarides, organisé à Albuquerque, dans l'Etat du Nouveau-Mexique (U.S.A.), sous lesauspices de l'Association américaine pour l'Avancement des Sciences. Cet article serapublié « in extenso » par l'Association dans le compte rendu général des réunions.

SEUL SUR UNE « ILE », cet arbre est isolé par les vents du désert qui ont balayé la terre qui l'entou¬rait. En vain ses racines cherchent de quoi manger et de quoi boire, car l'érosion a détruit toute vie.

(Photo USIS.)

arides. Je propose de les grouper dans l'ordre suivant : l'eau,les sols, les plantes, les animaux et l'homme.

Les arbres révèlent le

temps qu'il faisait en 1736

L'eau compte avant tout, pour des raisons évidentes, et ilest indispensable de bien connaître les ressources en eaud'une région afin de les utiliser de façon rationnelle en

vue du développement dé la production alimentaire, des usa¬ges domestiques et industriels. Au désert, la moindre goutted'eau est réservée à la conservation de la vie, alors que dansles grands centres urbains nous n'avons qu'à tourner un ro¬binet pour que l'eau coule à flot, encore que parfois certainesrestrictions soient imposées à l'usage que nous en faisons.Dans d'autres pays, l'eau douce venant des grandes chaînesde montagnes s'écoule pendant plusieurs milliers de kilo¬mètres jusqu'à la mer et va former jusque dans l'océan unesorte de delta d'eau douce d'énormes dimensions.

Quelle est l'origine de ces ressources, grandes ou petites ?C'est la pluie, et c'est le début de ce qu'on appellele cycle hydrologique. Une partie des pluies pénè¬tre dans le sol, une autre s'écoule dans les coursd'eau, une autre partie encore s'évapore, une

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A LA CONQUÊTE

DU DÉSERT ««-;

autre enfin est absorbée puis exsudée par la végétation. Leseaux évaporées ou exsudées par les plantes, de même que leseaux fluviales, peuvent voyager sur de grands parcours maisfinissent toujours par retomber en pluie, en neige, en grêle,en brouillard ou en rosée.

Il peut se faire que dans certaines régions tropicales, lespluies dépassent la capacité d'utilisation de l'homme, commec'est le cas dans la région de l'Amazone, mais dans les zonesarides et semi-arides la pluviosité est basse et il est indis¬pensable de ne l'utiliser qu'aux meilleures fins. Il en est ainsimême lorsqu'une région aride utilise des précipitations ve¬nant d'ailleurs, comme c'est le cas en Egypte, où les ressour¬ces en eau de la vallée du Nil dépendent surtout des pluiestombées sur les hautes terres d'Abyssinie.

L'un des premiers problèmes du cycle hydrologique deszones arides réside dans la difficulté d'évaluer exactement

des précipitations ; les pluies étant toujours rares, elles peu¬vent en outre être de caractère très local et extrêmementsporadique, et cette distribution incertaine, tant dans l'es¬pace que dans le temps, entraîne des écarts considérables quiinterviennent lorsqu'il s'agit de calculer avec précision.

On sait que des civilisations très évoluées fleurissaientautrefois là où ne s'étendent plus que des régions arides.On découvre dans les fouilles des restes de réservoirs, de ca¬naux, de fortifications et d'habitations humaines qui permet¬tent de présumer que des populations importantes se li¬vraient là à des cultures intensives et extensives. C'est le

cas dans l'Inde, le Pakistan, l'Afrique du Nord, le Proche-Orient. Même dans la région désolée de Lob-Nor, en Asiecentrale, on a retrouvé les restes de villes, d'oasis et de sys¬tèmes d'irrigation. La disparition de ces civilisations a puêtre provoquée par de graves changements climatiques oubien par l'action de l'homme, indifférent à l'avenir de l'hu¬manité.

Tixeront, en Tunisie, se demandant s'il est possible de pré¬voir longtemps d'avance les conditions climatiques à venir,a fait observer que nous ne disposons pas encore d'une docu¬mentation assez sure, mais il nous apprend pourtant qu'enTunisie on a utilisé certains documents fournis par la nature,comme, par exemple, les anneaux d'âge des arbres, et d'au¬tres, d'ordre humain, tels que les enseignements de l'archéo¬logie. Le service météorologique de Tunisie a étudié lesvariations du climat d'Ain-Draham de 1736 à 1955 en exami¬

nant les anneaux d'âge d'un chêne. H a pu conclure quede 1736 à 1790, les pluies ont été sensiblement plus abondan

tes qu'aux époques suivantes et le fait semble confirmé pardes documents historiques faisant allusion à des récoltesabondantes au cours du xvnr siècle.

Tixeront estime que l'étude des ruines des systèmes d'irri¬gation arabes et romains, celle de certains textes historiques,de la continuité des méthodes de culture, ainsi que des espè¬ces végétales cultivées indique que le climat est stable etn'est pas devenu sensiblement plus sec. De même, il a été ditlors de la conférence de l'Unesco sur la zone aride qui a eulieu à Jérusalem en 1953, que tous íes témoignages d'ordrehistorique, botanique et archéologique sont concordants etmontrent que le climat n'a guère changé au cours des quel¬que quatre-vingts dernières années en Israël et dans l'Inde.

Tixeront souligne, au sujet des périodes de sécheresse, qu'ilfaudrait être renseignés sur les probabilités statistiques duphénomène, et il demande instamment que l'on étudie tousles facteurs climatiques de nature à provoquer la sécheresseou l'inondation.

Dans la pratique, les données de source historique ouarchéologique ont été exploitées très utilement en Tunisie.Les plantations d'oliviers où l'on a adopté les mêmes distan-

Très aride.

L'EMBLÈME DE L'ARIZONA, Etat des U.S.A., est le Sagnaro, ou cactusgéant, qui donne des fruits comestibles dont les Indiens tiraient de la farine.Les cactus que l'on voit ci-dessus ont environ 200 ans. (Photo Swarbrick.)

ces d'implantation qu'au temps des Romains ont très bienréussi en culture sèche. De même les puits, les citernes et lescanaux d'irrigation d'origine romaine peuvent guider lechoix d'un emplacement ou d'un genre d'utilisation.

Les isotopes radio-actifssurveillent les infiltrations

Dans les zones semi-arides et arides, l'exsudation et l'éva-poration sont les principaux facteurs de la recircula¬tion des eaux par la formation des pluies dans l'atmos¬

phère, mais il est assez difficile de les mesurer à cause desdifférences portant sur la couverture végétale. Il est bien évi¬dent que, dans certains cas, une augmentation des cultures,des pâturages ou de la couverture sylvestre risque de dimi¬nuer considérablement la capacité des ressources en eau sou¬terraine, et il faut arriver en général à équilibrer les besoinsdes cultures et les ressources en eau. Des expériences faitesen Afrique du Sud montrent que la proportion des eaux depluie infiltrées qui dépassent la zone d'enracinement des her¬bes du veldt n'est que de 3 % environ. Les phreatophytescomme la luzerne des Etats-Unis dont les racines s'enfon¬

cent jusqu'à la couche aquatique sont remarquables par leurabondante exsudation.

8

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Le Courrier. N> 8-9. 1955

Afin d'évaluer les besoins d'une région en eau, où qu'elle setrouve, il faut recourir à l'un des moyens qui permettent demesurer l'évaporation et l'exsudation ; si étrange que celapuisse paraître, nous ne sommes pas encore parvenus ce¬pendant à chiffrer avec exactitude les résultats que nousfournissent les bassins d'évaporation. M. Thornthwaite, quia consacré toute une vie de recherches à l'étude du climat,préconise, pour évaluer les besoins en eau d'une région, uneméthode qui permet, le niveau des pluies et l'importance del'évapotranspiration étant connues, de déterminer quellessont les quantités supplémentaires éventuellement nécessai¬res pour l'irrigation.

Des réservoirs spécialement conçus, d'une superficie de 4mètres carrés et profonds de 70 centimètres, où certainesplantes peuvent être cultivées dans des conditions normales,ont été récemment installés sur un certain nombre de points,chaque réservoir étant entouré par une large zone-tampondestinée à assurer plus de précision dans les résultats, maisleur nombre n'est pas encore assez considérable pour nousrenseigner sur les différences existant d'une région à l'autre.Entre temps, Thornthwaite et ses collègues sont parvenus àla conclusion que le calcul de l'évapotranspiration potentielle

expériences pratiquées dans tous les puits ou forages, recon¬naître les couches traversées, la qualité et l'abondance desnappes, etc. Une enquête de ce genre doit permettre d'évaluerle volume total des réserves souterraines, de délimiter l'em¬placement et la profondeur d'une source confinée ou del'écoulement d'une source libre, ainsi que la région d'écoule¬ment dans la nappe aquifère.

Sous le Nil -. une rivière

souterraine de 900 km

IL existe sous le Nil une rivière souterraine d'environ-

900 kilomètres de long, allant d'un point situé à 120 kilo-,mètres environ au sud de Louqsor, jusqu'à 100 kilomètres

environ au nord du Caire. Selon Mohammed El Sayed Ayoub,ancien inspecteur général des Services du Contrôle du Nil, lalargeur moyenne de ce fleuve souterrain est de 10 kilomètres,la couche de sable et de limon sur laquelle il coule est situéeà une profondeur qui varie entre 100 et 300 mètres, et levolume des eaux en réserve peut atteindre près de 500 mil¬lions de mètres cubes ; les eaux mettent près de cent ans à

atteindre la tête du Delta. On

prévoit, pour chaque année, l'em-1 ploi de 1.400 millions de mètres

cubes pour le nouveau program¬me d'irrigation, portant sur prèsde 10.000 hectares; un milliard demètres cubes sont absorbés par lavégétation et près de 4 milliards-de mètres cubes s'écoulent dans

le delta, inemployés.

La grande nappe aquifère si¬tuée sous le Nil et le Nil lui-mê¬

me reçoivent leurs eaux de sour¬ces éloignées, mais s'ils étaienttributaires des pluies locales pourles infiltrations et les eaux de

surface, ils seraient à sec sixmois par an.

2 5 % DESTERRES SONT

DÉSERTIQUES

25 % des terres émergéessont désertiques ou semi-désertiques, ce qui repré¬sente 12.800.000 hecta¬

res de terres improductivesqui reçoivent une précipi¬tation d'eau annuelle Infé¬

rieure à 25 centimètres.

La carte ci-contre montre

que de nombreux désertssont riverains d'une mer

ou d'un océan. L'Unesco

consacre actuellement à

ces déserts côtiers (quitotalisent 30.000 km de

côtes) une étude particu¬lière, car ils offriront des

possibilités de transfor¬mation plus immédiates queles autres déserts dès quela distillation de l'eau de

mer sera pratiquementréalisable sur une grandeéchelle. Cette carte a été

établie d'après des docu¬ments spécialement pré¬parés pour l'Unesco parPeveril Meigs, de la Com¬mission de la Zone aride

de l'Union Géographiqueinternationale.

peut être réalisé partout à partir de données ne portant quesur la température de l'atmosphère et la latitude. Ces don¬nées permettent de déterminer les besoins d'une région eneau et de tenir, en quelque sorte, une comptabilité en vued'utiliser au mieux les eaux d'irrigation.

Après avoir parlé brièvement des pluies, en prenant ceterme dans un sens très général, nous pouvons passer toutnaturellement aux pluies envisagées comme distinctes del'évapotranspiration. Une partie des eaux de pluie s'infiltredans le sol et dans les autres couches géologiques et parvientdans le sous-sol où elle s'accumule ou s'écoule lentement vers

la mer, sur des couches qui favorisent cet écoulement. La mé¬thode la plus couramment employée pour déterminer levolume de l'infiltration consiste à examiner les données rela¬

tives à l'utilisation et à la baisse de l'eau des puits, mais ilexiste à présent des isotopes radioactifs permettant d'observerle mouvement de l'eau à travers les couches perméables. LesEtats-Unis possèdent près de 7.000 puits d'observation et 5 %d'entre eux environ sont dotés d'appareils automatiques d'en¬registrement.

L'étude des eaux souterraines exige avant tout la connais¬sance géologique du terrain et si possible les services de géo¬logues qui feront leurs relevés avec ou sans l'aide de la géo¬physique. On pourra enregistrer exactement les résultats des

Je voudrais vous raconter, àcette occasion, l'histoire d'une au¬tre grande région aride qui est

.en train d'être fertilisée et dontla remise en valeur est le fait

d'une organisation régionalecomparable à celle de TennesseeValley Authority. Je veux parlerde la région désertique du Thaldans le Pakistan occidental. Elle

forme une zone triangulaire deprès de 2 millions d'hectares dontla base, située au nord, le longde la chaîne du Sel, à 100 kilo¬mètres environ, et dont la lon¬gueur atteint 280 kilomètres en¬viron jusqu'au sommet de cetriangle, vers le sud, et qui setrouve située dans le Punjab, enrtre l'Indus, le Jhelum et le Chu-nab. Selon la tradition confirmée

par des observations géologiques,l'Indus coulait, jadis, au milieude cette région où il a déposéd'énormes quantités de sable etd'apports de ruissellement avant

que son cours ne se détourne vers l'ouest.

La végétation consiste en courtes broussailles et en herberare que paissent les chameaux. On n'y trouve aucune traced'une occupation humaine antérieure au xiv" siècle, époque àlaquelle l'empereur Sher Shah Sun a fait construire quelquesbassins d'un demi-hectare chacun.

C'est en 1870 qu'on a examiné, pour la première fois, lapossibilité de développer la région du Thal, mais rien n'a étéfait avant 1901, date à laquelle un Colonisation Bill autorisala construction d'un canal dans la région du Shamlat ; maisaucune suite n'y a été donnée avant 1936, la distribution deseaux de l'Indus et de ses grands tributaires étant alors envi¬sagée. Les travaux afférents au projet de mise en valeur duThal ont commencé en 1939, mais ils ont été suspendus àcause de la guerre et, lorsqu'en 1947, la masse des réfugiés,venant de l'Inde, est arrivée au Pakistan, les canaux étaientdéjà ensablés. Quelque 250.000 réfugiés ont été installés dansla région du Thal.

A la fin du mois d'août 1949 a été créé le Thal DevelopmentAuthority, organisme chargé de tout ce qui tou¬che au développement d'une région de près de400.000 hectares, et 300.000 hectares environ ontété confiés à des entreprises privées aidées par laT.D.A.

i ClVJLVlliCIl

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A LA CONQUÊTEDU DÉSERT

(suite)Deux responsables: l'homme, la chèvre

On a jugé indispensable d'équilibrer le développement agri¬cole par la création de villages, de petites villes et d'entre¬prises industrielles, et il existe à présent dans la région desraffineries de sucre, des filatures de coton, une filature delaine, et une fabrique de ciment. Quelque six cent quarantevillages ont été créés, chacun comptant 40 ou 50 maisonspour une superficie totale de 50 hectares environ, chacunentouré de jardins, et disposant d'une réserve boisée de25 hectares à proximité.

Chaque colon a droit à six hectares environ de terressituées à moins de 2 kilomètres de son village et qu'il doittenir en bon état de culture.

Les pouvoirs de la T.D.A. s'étendaient, primitivement, surprès de 750.000 hectares irrigables, mais un plan plus vastea été mis à l'étude en 1953, portant sur une partie des1.500.000 hectares qui ne sont pas susceptibles d'être irriguéspar des canaux. Dans certaines zones, des puits de maçon¬nerie sont utilisés depuis longtemps pour fournir l'eau à depetites propriétés. La nappe aquifère est formée par descouches de sable supportant un plan d'eau abondant situéentre 12 et 18 mètres de profondeur, de sorte qu'on a pu yinstaller des puits tubes. Le succès de ces installations restealéatoire car l'infiltration est importante et l'évaporationconsidérable pendant l'été où la température atteint jusqu'à49", mais on espère que chaque puits pourra permettre d'ir¬riguer 75 hectares environ. Au début de. l'année dernièrel'Australie a fourni les éléments de ces puits tubes à laT.D.A., dans le cadre du plan de Colombo.

Dans les zones arides et semi-arides, où il est indispensableque les réserves d'eaux souterraines se rechargent très sou¬vent, les périodes sans pluie sont de longue durée et ne sontinterrompues que par des précipitations orageuses qui s'écou¬lent très rapidement, chargées ' de quantités stupéfiantesd'apports de ruissellement allant du limon aux blocs derochers. Ces eaux d'orage, on le sait, disparaissent relative¬ment vite, et la question est de savoir comment employer uti¬lement ces ressources souvent considérables en étalant et enralentissant la course des eaux par l'emploi de barrages et deréservoirs, par le choix de sites de filtrage et ainsi de suite.

On demande une

baguette magique

Le corps humain, comme celui des animaux et des plantesrenferme une proportion d'eau si élevée qu'il n'est pasétonnant de voir l'importance de cet élément dans la

vie. J'ai parlé, au début, des rapports qui existent entre"la population et les ressources alimentaires. Il en existe dumême genre entre la population et les ressources en eau.Rien d'étonnant dès lors si l'esprit humain se tourne verscelles de ces ressources qui semblent illimitées, les merset les océans, et souhaite qu'il soit un jour possible detransformer d'immenses quantités d'eau de mer eneau douce. Un homme bien intentionné m'a même

demandé un jour si l'on ne pourrait pas construire,à travers le désert du Négev, un canal allant de laMéditerranée à la mer Morte, et utiliser l'eau de mertransformée en eau douce pour irriguer le désert et pourélever le niveau des eaux de la mer Morte. Eh ! bien, laréponse c'est que, s'il s'agit de produire à bon compte degrandes quantités d'eau douce à partir de l'eau de mer, laréussite n'est pas pour demain. Nous ne tenons pas encorela baguette magique, mais les recherches se poursuivent dansbien des régions, et il est peu douteux qu'un jour viendra oùdans certaines zones arides il sera possible de fournir del'eau de mer transformée en eau douce, à meilleur compte,par exemple, que de l'eau amenée de régions très éloignées.

M. Everett Howe, de l'Université de Californie, a préparépour l'Unesco un excellent résumé sur l'état des recherchessur l'utilisation des eaux salines et M. Sheppard Powell,membre du groupe consultatif du Ministère de l'Intérieurdes Etats-Unis, nous a parlé du Saline Water ConversionProgram américain. Ce programme a été autorisé par leCongrès des Etats-Unis aux termes de la' Public Law 448 etles projets de recherches, financés conformément à la loipar des subventions, donnent déjà des résultats très féconds,en permettant notamment d'évaluer la qualité et le coût deproduction de l'eau douce obtenue à partir des ressourcesd'eaux salines.

J'en arrive maintenant à l'examen de ce qui constitue labase de la production alimentaire à l'échelle des besoinsmondiaux je veux dire le sol. Je ne me propose pas d'en¬trer dans des détails au sujet des sols arides parce que vousconnaissez tous les excellents ouvrages que le D'Kellog a

10

consacrés à ce sujet. Qu'il me suffise de vous rappeler cer¬taines caractéristiques de ces sols, tel que le fait qu'ils necontiennent guère de matières organiques, donc peu d'azote,le fait aussi qu'ils sont généralement alcalins plutôt queacides et peuvent donc présenter, lorsqu'il s'agit d'irrigation-,des problèmes touchant la perméabilité, et enfin qu'ils ren¬ferment parfois des quantités élevées de sels solubles. Endépit de quoi, s'ils sont traités avec des engrais appropriésles rendements des récoltes dans les terrains irrigués peuventêtre extrêmement élevés et des communautés prospères etimportantes peuvent y être créées comme on le voit auxEtats-Unis et en Australie.

Ne pas confondreagriculture et littérature

Il semble peu probable que le climat se soit détériorédepuis que l'homme use ou abuse de la terre pour sa sub¬sistance. Mais les effets de la pluie ont été néanmoins

sérieusement combattus par l'abus que l'homme a fait de lacharrue, de la hache et des troupeaux, et surtout des trou¬peaux de chèvres. Il a transformé ainsi des régions margi¬nales en véritables déserts, et c'est dans ce sens que l'on a pudire que le désert avance. Tout effort pour réaménager lesrégions marginales en vue d'améliorer la production et lesconditions de vie exige nécessairement que toute la couver¬ture végétale existante, naturelle ou cutivée, soit connue,qu'on en étabisse des cartes, ainsi que de l'utilisation dessols, comme d'ailleurs la F.A.O., d'accord avec les auto¬rités nationales, est en train de le faire ou s'y prépare.

La tâche essentielle est de tenter de régénérer la couverturevégétale, et cela sans que la population soit empêchée d'entirer sa subsistance. Pour mener à bien cette tâche, il estindispensable de disposer de parcelles entourées de clôturesou protégées en tout cas contre les troupeaux, afin d'étudierles phénomènes de régénération naturelle qui peuvent s'yproduire et dont les résultats sont souvent surprenants. Cequ'il ne faut absolument pas faire, c'est passer d'unerégion du monde à l'autre et commencer immédiatementà appliquer une méthode quelconque en imaginant qu'elledonnera des résultats.

Il est dangereux de bouleverser la surface des sols, mêmedans une bonne intention, parce qu'on risque l'érosion oula scarification des jeunes plants par l'action des ventschargés de sable qui soufflent pendant la saison chaude. J'aivu la chose se produire au Pakistan, dans le désert de Thal,où nous faisions des expériences sur un certain nombre devégétaux. Il semble indispensable de prévoir des abris quel¬conques-contre ces vents dévastateurs etil faut commencerà en établir autour des plants en nourrice, et dans des par¬celles convenablement aménagées contre les vents les plusfréquents. Les horizons infinis du désert sont passionnantslorsqu'il s'agit de les décrire, mais ne valent rien pour l'agri¬culture.

Le Tripolium hirtum (trèfle)de Turquie émigré en Californie

Pour ma part, je viens d'un pays où il a fallu acclimater'toutes les sortes de végétaux alimentaires imaginablesdestinées à l'homme et aux animaux domestiques, à

l'exception de certaines herbes et de certains arbres commele mulga (qui est un acacia) . Nous avons acclimaté avec suc¬cès toutes les sortes d'arbres fruitiers et de légumes qui pous¬sent partout ailleurs et nous continuons nos recherches pourun grand nombre de graminées et de légumineuses. On enfait autant aux Etats-Unis, où je crois que les essais prati¬qués sur des végétaux venus du monde entier s'élèvent à plusde 65.000. Nous avons obtenu notamment des résultats tout àfait remarquables grâce à l'acclimatation du trèfle souter¬rain ; ils se traduisent par des millions et des millions pourles éleveurs de moutons d'Australie méridionale. Le Phalaristuberosa et le faux seigle (Lolium spp.) dans le sud, leCenshrus spp. dans l'ouest et 1' « Herbe de Rhodes » dans larégion de Queensland en sont d'autres exemples. Aux U.S.A.,

"on utilise comme nous cette luzerne que les Américainsappellent alfalfa, d'un nom se rapprochant davantage dunom arabe qui veut dire « bonne herbe ». J'en parle pourmontrer quel vaste champ offre l'étude des végétaux, notam¬ment des graminées et des légumineuses pouvant être accli¬matées dans les zones arides anciennes. Il reste encore beau¬

coup à faire dans ce domaine, et nous avons étéheureux d'entendre le Dr Whyte nous parler du (Suitetravail effectué actuellement à la F.A.O. sous sa p. n.)direction.

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

I

*

&m

...ET LE DÉSERT

FLEURIRA

Depuis plusieurs années des travaux ont été 'entrepris sur une vaste échelle pour mettre envaleur les terres désolées de la région de Négev,dans le sud d'Israël. Un pipe-line (ci-dessus),traversant le Négev d'un bout à l'autre, est enconstruction. Il amènera l'eau directement du

nord aux terres desséchées du sud. D'autre part

(ci-contre et en bas) des savants de l'InstitutGéologique font une prospection des eauxsouterraines en étudiant notamment la structure

des rocs et des sols. La photo de gauche montreun agronome travaillant au laboratoire de l'Insti¬tut hébraïque de Jérusalem. En 1952 un colloqueréunissait dans cette ville les spécialistesmondiaux sous les auspices de l'Unesco.

(Photos Unesco.)

Il

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LE SOURCIER

MODERNE

La recherche et l'étude des

eaux souterraines sont effec¬

tuées près de Rabat, au Maroc,grâce à la méthode gravimé-trique. Les appareils moder¬nes enregistrent des variationsde gravité et révèlent la struc¬ture du sous-sol (photo degauche). La photo de droitemontre un canal d'irrigationamenant l'eau à des planta¬tions de palmeraies, au Maroc.

(Copyright Rapho, Paris.) (Copyright J. Belin, Maroc

au désert, c'est le nomadisme, et s'il est vrai que le déplace¬ment des troupeaux d'une région de pâturages à l'autre estchose inévitable, il ne s'ensuit pas que les bergers, eux,doivent rester des nomades. Il n'est besoin que de vous rap¬peler combien, dans le nomadisme, l'existence des hommes,des femmes et des enfants diffère de celle des autres habi¬tants des pays secs. Toute modification de leur genre de vieentraîne fatalement pour ces populations nomades une véri¬table réadaptation sociale.

Dans les études qui forment la base indispensable de cesacclimatations, on trouvera ample matière aux recher¬ches sur la sélection et la génétique des espèces qui

semblent pouvoir s'adapter le mieux. Nous avons réussi, parexemple, l'acclimatation de certaines espèces de trèfle, et ilse peut que le Trifolium hirtum, originaire de Turquie etmaintenant acclimaté en Californie produise des écotypes.

Il est indispensable, évidemment, de savoir quels sont lesfacteurs physiologiques qui permettent aux plantes déser¬tiques et semi-désertiques de survivre pendant de longuespériodes avec peu d'eau et dans des conditions d'insolationexcessive, accompagnées de températures diurnes très élevéeset de très basses températures nocturnes.

Le colonel Omar Graz, directeur du Projet de développe¬ment des régions désertiques d'Egypte, insiste, lui aussi, surla nécessité d'une connaissance approfondie des bases écolo¬giques, génétiques et physiologiques permettant la sélectiondes plantes et des animaux les mieux adaptés aux conditionsde la zone aride, *et il a souligné l'importance de la toléranceà la chaleur et de la capacité des animaux à maintenir leurtempérature en dépit de la chaleur ambiante, question surlaquelle il nous reste beaucoup à apprendre.

Quel que soit le travail de recherche accompli dans l'undes domaines que nous avons envisagés ou dans tous cesdomaines, le résultat final qu'on se propose, c'est le bien del'humanité, et c'est pourquoi nous en arrivons à parler del'homme lui-même, de son bien-être et des conditions de son

existence. Un des aspects remarquables de la vie de l'homme

12

0° à 42° : le régimede l'accordéon

MLadell, directeur du Centre de recherches physiologi¬ques des climats chauds de Nigeria, traitant de l'in-

* fluence du milieu dans les régions arides, souligne lesécarts de température auxquels l'homme est soumis dans cesclimats, comme à Basra, par exemple, où la moyenne men¬suelle minimum varie de 0 à 28° C. et la moyenne mensuellemaximum, de 19 à plus de 42° C. Dans ces conditions, lanébulosité est rare et la couverture végétale très clairsemée,de telle sorte que le sol diffuse de la chaleur et que l'airchargé de poussières en diffuse encore plus. Quand les ventss'y ajoutent, le dessèchement du corps humain peut être plusrapide qu'il n'est physiologiquement souhaitable. Ladell parleaussi de 1' « -acclimatisation » à la chaleur, par quoi il entendles modifications physiologiques qui ont pour effet une amé¬lioration du travail à la suite de l'exposition dans un milieuchaud, et il estime que l'homme peut vivre dans des condi¬tions plus dures que celles des régions les plus chaudes dumonde.

Les habitations des pays chauds doivent être bien conçuesfraîches pendant le jour et assurant la nuit une protection

suffisante ; les maisons de pisé aux murs épais et auxétroites fenêtres du Proche-Orient, du Pakistan et de l'Indeen offrent d'excellents exemples.

L'eau est indispensable à la vie, et il semble bien regret¬table que les croyances ou les traditions religieuses empê-

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

B

chent les habitants du désert d'utiliser des réservoirs de fer

galvanisé pour recueillir les eaux de pluie.

Les habitants du désert souffrent souvent des brûlures de

la chaleur, sont souvent atteints de dénutrition, et d'unedéficience de vitamines A qui risque de retarder la cicatrisa¬tion des plaies.

Nous autres, qui vivons dans des conditions confortables,nous avons peine à nous rendre compte de ce que c'est que dese passer de gaz et d'électricité, d'adduction d'eau, de réfri¬gérateur et de radio, d'habiter des locaux non climatisés,d'être privés de bonnes routes et de voitures rapides, etc.Mais des milliers et des milliers de gens vivent, cependant,dans des régions où l'énergie électrique est inconnue,' et quin'ont ni charbon ni pétrole. C'est là qu'il faut penser àexploiter les sources d'énergie que sont les vents et le soleil.

On trouve au Danemark d'excellents générateurs éoliensdont la capacité atteint 70 kW, et deux prototypes de 100 kWfonctionnent actuellement au Royaume-Uni ; on étudie enoutre en ce moment très attentivement la question du réglageautomatique par vents variables, afin d'utiliser au maximumla puissance du vent. Le choix du site est très importantlorsqu'il s'agit d'installer une éolienne.

En .utilisant l'énergie éolienne, soit directement, soit trans¬formée en électricité, pour pomper l'eau des puits ou descanaux, on pourra ne. plus avoir recours au travail des buufsou des buffles, utilisés souvent à cette fin. Les cultures four¬ragères destinées à l'alimentation de ces animaux domes¬tiques pourront être remplacées par des cultures alimen¬taires pour la consommation humaine.

On a déjà employé l'énergie solaire pour cuire les ali¬ments et chauffer l'eau, et l'on a assisté, en novembre der¬nier, à des démonstrations de matériel en action à la Nou¬velle-Delhi (Inde). Reste à réduire le prix de revient de cesappareils pour les mettre à la portée de l'Indien moyen. EnCalifornie, des chauffe-eau ont été installés sur les toits desimmeubles ; ils sont pourvus de réservoirs calorifuges.

Des recherches et des expériences multiples sont actuelle¬ment consacrées à un projet de moteur solaire. Le Dr Abbott,

De nombreuses terres arides

des U.S.A. sont devenues mira¬

culeusement fertiles grâce à

l'application de gigantesques

plans d'irrigation. Les pa/sagessont coupés de lignes droites

et courbes représentant no¬

tamment des canaux d'irriga¬tion et des terrasses aména¬

gées pour combattre l'érosion.

(Photos US/S.)

de la Smithsonian Institution fait, depuis longtemps,de pionnier dans ce domaine.

Vous voyez que je n'ai fait qu'effleurer . quelques-uns desaspects des nombreux domaines de recherches qu'il est indis¬pensable d'explorer pour parvenir aux résultats que noussouhaitons.

Des milliards qui seraientbien employés

Tout travail doit commencer par l'examen du terrain, etdans le cas présent, c'est des terrains qu'il faut dire; ils'agit d'une opération extrêmement complexe qui

"exige un travail d'équipe de la plus haute qualité. Je ne faispas fi de l'effort individuel, et certaines des plus hautescontributions à la connaissance sont l'tuvre des Newton et

des Einstein. Mais il s'agit avant tout de travailler enéquipes, et ces équipes doivent grouper non seulement lesindividus, mais les Universités et les Institutions de recher¬ches, et les peuples enfin, en d'autres termes, les Organisa¬tions des Nations Unies.

Je me dis souvent qu'il est bien dommage que les milliardsemployés à défendre une partie de l'humanité contre l'agres¬sion éventuelle d'une autre partie de l'humanité, ne puissentêtre consacrés à des recherches de ce genre, pour le plusgrand profit de l'humanité. Imaginez, par exemple, que nosjeunes gens appelés sous les drapeaux puissent choisir de seconsacrer pendant un certain temps à l'une des activités dontnous venons de parler. Mais voilà de l'utopie !

13

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95 SAVANTS

auscu Itent es saoiesbl

Une portion importante du territoire des Etats-Unis d'Amé¬rique pays d'une si grande richesse agricole est déser¬tique ou semi-aride. La vaste région qui forme le tiers

occidental du pays et qui s'étend sur près de 3.000 kilomètresdu nord-ouest au sud-est, et sur 1.500 kilomètres à l'est du Paci¬fique, n'est arrosée, si l'on excepte quelques vallées fertiles aunord-ouest, que par les torrents des hautes chaînes montagneu¬ses qui la traversent. Les terres irriguées ont un rendementprodigieux, mais elles ne couvrent qu'une très petite surface.

Les Américains songent actuellement aux moyens d'exploiterles terres non irriguées de cette région. C'est pourquoi les culti¬vateurs et les hommes d'affaires de la vallée du Rio Grande,

dans les Etats du Texas et du Nouveau-Mexique, ont organiséune conférence internationale avec le concours de l'Unesco, del'American Association for the Advancement of Science et de la

National Science Foundation. Cette conférence s'est réunie à

la fin du mois d'avril dernier à l'Université du Nouveau-Mexique,dans la vieille cité d'Albuquerque. Elle a groupé soixante-quatrespécialistes de la zone aride représentant 26 pays et 400 expertsaméricains.

L'élément essentiel du programme était une excursion dedeux jours à laquelle ont pris part 95 experts représentant20 pays de la zone aride. Les participants ont parcouru

mille kilomètres de désert et l'on peut dire que jamais encoreun désert n'avait été ainsi « ausculté ». Un des savants

devait déclarer par la suite : « Nous avons pu échanger desidées dans une atmosphère parfaitement détendue, évoquerpresque tous les problèmes de la zone aride dans la mesure oùils affectent la vie et la prospérité de la population. Nous avonspu aussi nouer de solides amitiés avec des collègues d'autrespays, et jeter en commun les bases d'une cordiale coopérationinternationale. »

Partie de la ville d'Albuquerque, sur le Rio Grande (un mincefilet d'eau qui porte bien mal son nom), l'expédition franchit uncol de montagne pour s'enfoncer dans l'Estancia Valley, régionsans eaux de surface, mais où la présence d'une nappe souter¬raine très profonde (que les pompages ne tarderont pas à épui¬ser), permet de pratiquer la culture en grand des haricots.

Après avoir longé des lacs salés asséchés témoins de l'abon¬dance des précipitations à une époque plus ancienne, elle attei¬gnit, un plateau où des traces de labours et des ruines d'habi¬tations attestent que la région n'a été que récemment conquisepar le désert. A Gran Quivira, les pans de murs qui restent del'église prouvent que les colons espagnols d'il y a trois sièclesn'ont pas su, comme les Indiens autochtones, vivre et prospérersur ces terres pendant des générations.

Plus au sud encore s'étend le désert le plus décharné de tous

le « mal pais » (mauvais pays) formé d'une coulée delave moins de dix fois séculaire, épaisse de 32 m, cou¬

vrant 317 km. carrés. Puis viennent d'incomparables sables

blancs : le désert à l'infini. Le deuxième jour, partie de El Paso,

l'expédition remonta la vallée bien irriguée du Rio Grande, sedirigeant vers le ranch expérimental du State College of NewMexico. Avant de revenir à Albuquerque, les experts purent ins¬pecter le barrage, le lac artificiel et le système d'irrigation deElephant Butte, qui datent de 1915.

Les photographies prises au cours de cette excursion d'étudeset publiées ici sont éloquentes. Les savants n'ont absolumentpas l'air de savants. Ils n'ont presque rien fait rien encorepour améliorer les terres qu'ils parcourent ; mais l'avenir desrégions arides dépend d'eux et de leurs collègues. Sous la direc¬tion du Comité consultatif de recherches sur la zone aride, créé

par l'Unesco, ils pourront, maintenant qu'ils se connaissent bien,faire en sorte qu'une amélioration réalisée en un point quelcon¬que de la zone aride soit rapidement étendue à l'ensemble decette zone.

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Le Courrier. N° 8-9. 1955

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(Photos Unesco.)

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SABLES BLANCS

OCÉAN DE NEIGE

« White Sands » (sables blancs), dans l'Etat américain du Nouveau Mexi¬

que, offre sur 43 km. de long et 700 km2 de surface, d'immenses étendues

de dunes d'une blancheur de neige. C'est le plus grand désert de gypse

du monde. Il y a bien longtemps, des dépôts de gypse provenant des

montagnes environnantes furent entraînés par des cours d'eau dans un

lac qui recouvrait alors la région. Le climat étant devenu aride l'eau de

ce lac s'évapora et le gypse, cristallisé, fut réduit en poudre par le

vent. Les photos I et 2 montrent les savants participant au congrès

d'Albuquerque sur la zone aride, gravissant les dunes comme de jeunes

garçons. Au cours de la même excursion, les experts visitèrent les ruines

des bâtiments religieux de Gran Quivira (photo 3) élevés en .1640 par

une Mission espagnole et abandonnés quinze ans plus tard à cause de la

sécheresse et des attaques des Indiens. On voit ¡ci Albert H. Reid, du

U.S. Forest Service de l'Etat du Colorado, et Pedro Armillas (il porte la

barbe) Professeur d'archéologie à l'Ecole nationale d'anthropologie de

Mexico. La dernière photo (n°'4) représente les savants examinant

« Elephant Butte », vestige d'un ancien volcan. Là est édifié sur le Rio

Grande un barrage de 60 km. de long qui irrigue 320.000 hectares.

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95. SAVANTS

(Suite)

(Photos Unesco.)

VOYAGE AU PAYS

DE LA MORT

Dans l'aride et sauvage vallée du Nouveau-Mexique appelée Jornada

del Muerto, le New Mexico State College of Agriculture poursuit

sur une grande échelle des expériences agricoles. Au cours des vingt

dernières années, plus decent variétés de graminées y ont été étudiées.

Un des dirigeants de ces expériences (K.A. Valentine, qui utilise un haut-

parleur) expose aux savants du congrès d'Albuquerque les résultats

obtenus dans la culture du désert (photo I). Jens Clausen, botaniste de

Californie, prend des notes tandis qu'un autre savant photographie

les champs d'expérience de Jornada (photo 3). Venus d'Ethiopie, du

Mexique, du Pakistan et des U.S.A., plusieurs spécialistes se penchent

sur un « cas » Intéressant (photo 4). Une halte dans le désert (photo 2).

De même, près de Elephant Butte (photo 5), Valliolah Vasiradeh, du

ministère iranien de l'Agriculture, examine une formation volcanique.

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Le Courrier. N° 8-9. 1955

Une énergie prodigieuse...

AUTANT EN

APPORTE

LE VENT

Depuis des siècles, des peuplesnomades mènent dans des déserts

ou des semi-déserts une existence

précaire. Ils errent avec leurs trou¬peaux de moutons, de chèvres et par¬fois de chameaux à la recherche des

lieux que les pluies saisonnières ontrecouverts d'une mince couche de gra¬minées et d'autres végétaux dont leursbêtes puissent se nourrir. Cette végéta¬tion est rapidement consommée, et lesanimaux broutent alors les feuilles des

buissons qui réussissent à vivre dansces plaines sans arbres. Ce mode devie libre et indépendant n'est pas dénuéde risques. Lorsque la pluie vient àmanquer, les animaux, et peut-êtreaussi leurs maîtres, sont condamnés àmourir de faim s'ils ne réussissent pasà gagner assez rapidement des régionsplus humides.

Certes, le nomadisme est un moyend'utiliser les maigres « ressources agri-

P o r E . W . G o I d i n g

coles » du désert ; mais c'est aussi unmoyen sûr d'entretenir le désert. Lavégétation n'a jamais la possibilité dese développer suffisamment pour don¬ner de l'ombre et pour retenir les pluiesirrégulières qui ruissellent rapidementsur une surface dénudée en l'érodant

de façon désastreuse. L'homme lui-même aggrave encore les méfaits de cetexcès de pâturage en coupant les buis¬sons pour faire du feu.

Pour rendre ces terres désertiquescapables d'assurer à leur populationune existence moins précaire, et pourleur permettre ensuite de contribuer ànourrir le reste du monde car les sols

désertiques sont souvent fertiles lors¬qu'on leur fournit suffisamment d'eau

il faudra beaucoup de travail.L'homme peut parfois subsister sanstravailler, mais le travail est indispen¬sable à l'amélioration de son sort. Même

en se donnant beaucoup de peine,l'homme ne peut, sans le secours del'énergie mécanique, améliorer sensible¬ment sa condition. Dans les pays agri¬coles de climat tempéré, la mécanisa¬tion a été la clé du développement ;pour obtenir une productivité élevée, ilfaut des machines qui aident l'hommeà tirer de son effort le parti maximum.Dans les pays insuffisamment dévelop¬pés, la vie est inévitablement plus dureet le concours de l'énergie mécaniqueest encore plus nécessaire, qu'il s'agissede pomper l'eau, de cultiver la terre, demoudre le grain, de préparer les ali¬ments, de s'éclairer, de sechauffer, . de produire ' dufroid, ou d'accomplir biend'autres tâches domestiques

B ET CHEVAUX (VAPEUR). Lapuissance développée par une paire de boeufs ou un chameau en tirant d'un puits quelque 3.000 litrespar heure d'une profondeur de 9 à 12 mètres, ne représente qu'une petite fraction de cheval-vapeur. Une éolienne, même très rudimentaire, peut facile¬ment faire le même travail si elle est actionnée par les vents modérés qui soufflent dans les pays d'Orient plusieurs heures par jour. (Photos E. VV. Golding.)

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Une énergieprodigieuse

(Suite)

et agricoles. D'où tirer cette énergie ?

On peut évidemment l'importer, maiscela entraîne de gros frais. Pour lesbesoins d'une population clairsemée, letransport de l'énergie électrique queproduirait une centrale lointaine a deschances d'être aussi coûteux que letransport de l'huile lourde qui alimen¬terait des centrales locales à moteursDiesel. Peut-être, dans un avenir dontnul ne peut préciser l'éloignement, descentrales nucléaires relativement peti¬tes pourront-elles être expédiées « encolis » pour un prix qui en rende l'em¬ploi rentable ; mais même la plus petited'entre elles sera presque certainementtrop grande pour les besoins d'une col¬lectivité isolée. En tout cas, attendrons-nous de nombreuses années avant d'es¬sayer de mettre en valeur ces régionsoù, très souvent, l'eau indispensable setrouve dans le sol à une assez faibleprofondeur, d'où il suffirait d'un peud'énergie, quelle que soit l'origine, pourla pomper et pour pouvoir ainsi irriguerle désert ?

UNE question vient alors à l'esprit :« Existe-t-il sur place des sourcesd'énergie que l'on pourrait

utiliser, au lieu de chercher à fairevenir cette énergie ailleurs ? » Oui, ilen existe souvent. L'intensité de l'inso¬lation caractérise de nombreuses

régions désertiques ; les rayons solai¬res pourraient être utilisés pour chauf¬fer de l'eau, pour distiller des eauxsalines, pour cuire les aliments et peut-être, ultérieurement, pour produire del'énergie, lorsqu'on sera parvenu àconstruire pour un prix économique desmachines à énergie solaire. Le fait que,dans le désert, le plein soleil fournitune énergie équivalant à un chevalvapeur, environ par mètre carré rendcertainement l'idée séduisante.

Souvent le vent souffle assez fort

pour que l'on puisse produire de l'éner¬gie au moyen d'un genre d'éolienne. Iln'est pas rare qu'un vent de 25 kilo¬mètres à l'heure (souvent davantage)souffle pendant la journée ; un calculfacile montrera qu'à cette vitesse levent a une énergie de 20 chevaux-vapeur pour une surface verticale de8 mètres carrés environ, que pourraientbalayer en tournant les pales d'uneéolienne. Toute cette énergie ne peutêtre captée par la machine ; mais sicelle-ci en extrayait, ne fut-ce qu'undixième, ceci constituerait une quantitéd'énergie extrêmement utile.

Dans les pays d'Orient, on voit fré¬quemment un chameau ou une pairede b occupés à tirer l'eau d'unpuits ; mais la puissance que ces ani¬maux développent lorsqu'ils élèventquelque 3.000 litres par heure d'une pro¬fondeur de 9 à 12 mètres, ne représenteguère qu'une petite fraction de cheval-vapeur. Une éolienne, même très rudi-mentaire, peut facilement faire le mêmetravail si elle est actionnée par lesvents modérés qui soufflent dans cesrégions plusieurs heures par jour. Defait, il existe déjà des régions assezvastes, par exemple'en Afrique du Sud,où l'approvisionnement en eau se faitau moyen d'éoliennes.-

Depuis quelques années, encouragéspar les progrès rapides que l'aérodyna¬mique a faits pendant la guerre, plu¬sieurs pays s'intéressent beaucoup auxpossibilités d'utilisation de l'énergie

'éolienne. Des comités nationaux se sont

constitués à cette fin en Angleterre,en France, au Danemark, en Inde, enIsraël, aux Pays-Bas et en Espagne. On

voit aujourd'hui beaucoup plus loin quele simple pompage de l'eau par deséoliennes, et l'on songe à produire d'im¬portantes quantités d'énergie électriqueau moyen de générateurs actionnés parle vent.

Ces appareils seront probablementassez semblables aux petites éoliennesà deux pales dont on 'se sert pour re¬charger les accumulateurs qui éclairentcertaines maisons de campagne ; maisles dimensions en seront bien plus gran¬des. En Grande-Bretagne et au Dane¬mark, on essaie actuellement desmachines dont la puissance va jusqu'à100 kW ; d'autres ont été conçues enFrance et en Allemagne.

L'énergie du vent est proportionnelleau cube de sa vitesse, de sorte que lors¬que cette vitesse est doublée, l'énergie

du vent devient huit fois plus grande.Il est donc très important de choisiravec beaucoup de soin l'emplacementd'une installation éolienne. Les som¬

mets des collines sont tout désignés, enraison de leur bonne exposition ; même

1 si l'on se propose surtout de pomperde l'eau, il y aura peut-être intérêt àinstaller la machine sur une colline,d'où l'on enverra électriquement à lapompe l'énergie produite, plutôt que del'installer tout près du puits, où lavitesse du vent risque d'être beaucoupplus faible. Toute l'énergie électriquesupplémentaire produite dans le pre¬mier cas pourra être affectée à d'autresusages domestiques ou agricoles.

Dans l'ensemble, les recherches ac¬tuelles s'orientent vers deux principalesséries d'usages, dont l'ordre de gran¬deur diffère. Dans la première série,celle des usages à grande échelle, figu¬rent des générateurs actionnés par levent, qui fournissent directement auxréseaux d'utilisation l'énergie électri-

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que qu'ils produisent. On économiseainsi le combustible qu'il aurait fallubrûler dans des centrales thermo-élec¬

triques pour produire la même quantitéd'électricité.

Partout où il existe des réseaux de

distribution d'énergie électrique suffi¬samment étendus et des vents assez

forts (ou lorsque le coût du combustibleest suffisamment élevé) pour que l'ex¬ploitation de l'énergie éolienne soit ren¬table, ces puissantes machines pour¬raient jouer un rôle important. Mais,dans les régions désertiques à popula¬tion clairsemée, des machines pluspetites, d'une puissance de 10 à 100 kW,ont toutes chances de rendre de plusgrands services. Ces régions ne possè¬dent pas de grand réseau de distributionélectrique ; et l'énergie éolienne devra

équivalent à celui d'une paire deb

Quelques chiffres fixeront les idées :une éolienne de 10 kW, bien conçue etbien située, pourrait fournir annuelle¬ment de 15.000 à 20.000 unités d'énergieélectrique, chacune de ces unités per¬mettant de pomper quelque 20.000 litresd'eau d'une profondeur de 15 mètres.Pour ce qui est du prix de revient,l'énergie éolienne est plus avantageuseque celle des moteurs à explosion (qui,dans une région éloignée, pourrait coû¬ter de 12 à 16 francs par unité, rienque pour le combustible), sauf si lavitesse du vent est très faible. Mais, leplus souvent, ce n'est pas avec l'énergiedes moteurs à explosion que l'énergieéolienne se trouve en concurrence, maisavec la traction animale : un groupe dequatre bmufs, avec deux hommes pour

.

Dans la région de Tripoli, au Liban, une

ingénieuse combinaison dss énergies solaire

et éolienne permet de tirer du sel de la

mer. L'énergie éolienne, fournie par de

simples moulins, élève l'eau salée jusqu'aux

bassins d'évaporation (situés parfois àplusieurs mètres au-dessus du niveau de

la mer). L'énergie solaire complète l'opéra¬

tion en évaporant l'eau de chaque bassin endeux semaines environ. Les moulins moder¬

nes tels ceux représentés dans la colonne

de gauche traduisent les progrès réalisés

par différents pays dans leurs recherches.

(Photos E. W. Golding.)

y être employée seule ou, de préférence,conjuguée à l'énergie solaire, en vue desatisfaire les besoins de la population.Pour utiliser judicieusement ces deuxsources d'énergie, on tiendra compte deleurs caractères propres.

IL existe déjà au moins deux typesde générateurs éoliens d'une dizainede kW ; il est intéressant d'exami-

îer quels avantages deux ou trois deces machines, installées en un lieu fa¬vorable, pourraient apporter à une col¬lectivité de 30 à 40 familles. Ces instal¬

lations pourraient fournir toute l'éner¬gie nécessaire à l'éclairage, aux ventila¬teurs, aux postes de radio et aux petitsappareils ménagers ; elles pourraientpomper toute l'eau nécessaire aux usa¬ges domestiques et actionner, en outre,pour les besoins de l'irrigation, plusieurspompes fournissant chacune un travail

les conduire, puise en une heure moinsde la moitié des 20.000 litres d'eau dont

il vient d'être question. En outre, cesbqufs coûtent cher à acheter ; ils nepeuvent travailler que pendant cinq ousix ans, et chacun consomme annuelle¬ment de 10 à 15 tonnes de fourrage.

Il semble donc évident qu'il faudraitexploiter les ressources locales en éner¬gie éolienne et solaire. Mais cela exigeque trois conditions principales soientremplies. Il faut construire pour unprix suffisamment bas des machinesd'un type approprié. Il faut installerces machines dans des sites favorables,pour en obtenir le rendement maxi¬mum. Enfin, il faut s'organiser de façonà tirer de ce rendement tout le partipossible.

Ni le vent ni le soleil ne permettentde produire de l'énergie de façon con¬tinue et l'accumulation est coûteuse.

Nous devons donc nous arranger pourutiliser cette énergie à mesure qu'elleest produite. Pour cela, il faudra recou

rir à des charges telles que le pompageou le chauffage de l'eau, qui consti¬tuent en elles-mêmes une accumulation

d'énergie, et réduire au minimum l'em¬ploi des batteries d'accumulateurs.

Des constructeurs de plusieurs paysmettent actuellement au point diversesmachines ; mais leurs plans doivent re¬poser sur des données que seule peutfournir l'observation locale. Il est d'ail¬

leurs parfois possible de commencer lamise en . valeur d'une région à l'aided'éoliennes rudimentaires, construitesavec des matériaux disponibles surplace.

Il serait urgent d'avoir sur ces régionsdes renseignements météorologiques ;mais les observations devront être fai¬

tes dans des sites judicieusement choi¬sis et présentées sous une forme appro¬priée. Il importe d'être renseigné surla vitesse des vents au cours d'une an¬

née, sur la durée des périodes calmes,sur les heures de la journée où le vents'élève, sur les tempêtes de sable etautres particularités météorologiqueslocales. Il peut arriver qu'en un siteoù la vitesse moyenne du vent est fai¬ble, il y ait dans la journée quelquesheures où le vent est parfaitement uti¬lisable, les périodes calmes correspon¬dant aux heures de nuit.

UNE question très importante mérited ' être expérimentée pratique¬ment : comment combiner les

différentes ressources énergétiques(éolienne, solaire et animale) de ma¬nière à satisfaire tous les besoins sans

avoir à mettre en réserve de l'énergiedans des accumulateurs sauf peut-être une petite quantité pour l'éclai¬rage ?

De nombreuses possibilités doiventêtre envisagées, par exemple l'accumu¬lation de la chaleur dans des solides

pleins, dans des liquides ou dans cescristaux fondus qui restituent leur cha¬leur latente en se solidifiant à nou¬

veau ; certains travaux agricoles peu¬vent aisément se faire à mesure quel'énergie est produite ; d'ailleurs (sinous osons faire cette suggestion dansun article qui traite des régions déser¬tiques, où la matière végétale est siprécieuse) on disposera parfois de quel¬ques débris inutiles pouvant servir decombustible pour ces petites machinesà vapeur portatives qui viennent d'êtremises au point en Grande-Bretagne.Ces machines pourront fournir la fai¬ble quantité d'énergie nécessaire pourles moments où il n'y a ni vent nisoleil.

Nous dirons en conclusion qu'il existesouvent des ressources en énergie suf¬fisantes pour satisfaire les besoins decollectivités isolées et assurer la mise

en valeur de régions désertiques ousemi-désertiques. On construit actuelle¬ment des machines de modèles appro¬priés ; mais ce qui importe surtout ence moment, c'est de choisir de façonjudicieuse les emplacements de cesmachines, de les installer intelligem¬ment, de prévoir dans le détail la com¬binaison de leurs divers usages.

M. E.H". Golding est chef du Département de¡'electrification rurale et de l'énergie éolienneà l'Association britannique de la Réchercheélectrique, à Londres. C'est lui oui a dirigé lapremière installation à l'énergie éolienne fonc¬tionnant en Grande-Bretagne (dans les îlesOrkney). En 1951, il a accompli en Israël unemission d'assistance technique sous les auspicesde l'Unesco. En 1954, il a accompli une autremission à Haïti pour l'Organisation Météoro¬logique Mondiale, toujours dans le domaine del'énergie éolienne.

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L'homme a domestiqué...

L'ÉNERGIE

SOLAIRE

par Gerald Wendt

IE soleil est la source de toute vie sur la terre. Partout où

il y a de l'eau, les feuilles vertes utilisent l'énergie so-"^ laire pour donner des aliments et du combustible. Le

soleil produit ainsi chaque année des centaines de millions detonnes d'amidon, de sucre, et, moins directement, de graisseset de protéines pour l'alimentation humaine. Chaque année,il fait pousser 10.000 millions de tonnes de bois. Au cours desépoques révolues, il a fourni les nombreux milliards de tonnesde végétation maintenant enfouis sous terre sous forme decharbon. A cause du manque d'eau, ceci ne peut se produiresur les terres arides. Cependant, il est possible d'utiliser lesoleil, cette grande ressource des déserts, sous forme d'énergiecapable de remplacer le carburant, sinon pour produire de lanourriture.

La quantité d'énergie que représente la lumière solaire estcolossale, et nous ne pourrons jamais en utiliser la totalité.La lumière qui tombe chaque jour sur cent mètres carrés desurface plane (un carré de dix mètres de côté, environ la sur-

Photo Bureau d'Information, Gouv. de l'Inde.

face du toit d'une petite maison), est l'équivalent de 558 kilo¬watts-heure d'électricité, à 66 kilogrammes de charbon, ou à54 litres d'essence. Utilisée à un rendement de 5 pour centseulement, la lumière solaire inondant une aussi petite sur¬face fournirait 28 kilowatts-heure ou 38 chevaux vapeurs-heure de travail par jour. Comment résister à la tentation dechercher à utiliser cette énergie ?

On pourra sans doute un jour utiliser le soleil sur unegrande échelle pour faire fonctionner des usines. Ce jour estencore lointain, mais à l'heure actuelle les besoins des zonesarides sont plus modestes : il y faudrait de petites machinesdestinées à pomper l'eau des puits et des courants souter¬rains.

Au cours du colloque sur l'utilisation de l'éner¬gie solaire que l'Unesco a organisé à la Nouvelle-Delhi en octobre 1954, le professeur FarringtonDaniels, de l'Université de Wisconsin (U.S.A.),

(Suite

page 22)

MARMITES

SOLAIRESDans le Moyen-Orient, une « cui¬sinière » solaire efficace et solide

a été conçue et perfectionnée parun Libanais, M. Tarcicl, qui futjusque tout récemment repré¬sentant du Yemen aux Nations

Unies. Son four va être construit

au rythme de 18.000 par an parune firme égyptienne qui le diffu¬sera largement dans le commerce.La photo du haut de la page 21 re¬présente M. Tarcicl et son four solai¬re, dont le foyer, situé au centre duréflecteur courbe, peut supporterdes récipients de cuisine assezvolumineux. Sur les photos du basde la page 21, M. Tarcici montrecomment son four se démonte et se

range facilement dans une valise,et comment une feuille de papier,placée sur le foyer, se consumeimmédiatement. En Inde également(ci-contre) un four solaire simpleest fabriqué sur une large échelle.Il consiste en une plaque métalliqueconcave qui concentre les rayonsdu soleil sur un anneau de fer. On

peut y installer une marmite fonc¬tionnant sous pression dans laquelledes légumes sont cuits parfaitementen moins d'un quart d'heure.

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Le Courrier. N° 8-9. 1955

Photos Wînslow, Université américaine de Beyrouth.

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GRACE AU SOLEIL :

SOUDURE ET VAPEUR

L'Union Soviétique, qui comporte 2.600.000 km carrés deterres arides, a consacré des années de recherches à élaborer

des méthodes pratiques pour capter l'énergie solaire.

L'U.R.S.S. a déjà annoncé qu'elle avait mis au point un appa¬

reil capable de produire de la vapeur grâce à l'énergie solaire.La photo ci-contre en haut montre un de ces réflecteurs,miroir géant de plus de dix mètres de diamètre, qui concentre

les rayons solaires de telle sorte que la chaleur dégagée peut

produire de la vapeur. Ces appareils sont susceptibles defaire fonctionner des fabriques de conserves et des usines

frigorifiques; ils peuvent aussi servir à distiller l'eau de mer.

. Récemment, un appareil utilisant l'énergie solaire a été intro¬

duit dans l'industrie, il produit 33.000 tonnes de vapeur par

an. Les techniciens soviétiques ont montré que les distillateurs

utilisant l'énergie solaire constituent la façon la plus écono¬

mique de purifier l'eau pour les troupeaux des pâturages isolés

du désert. La photo ci-contre en bas montre l'intérieur d'une

installation similaire. La photo de la page 23 représente la

soudure du métal réalisée grâce à l'énergie solaire au Labo¬

ratoire expérimental de Tachkent, dans le Turkestan sovié¬

tique. (Photos Bureau d'Information soviétique).

ENERGIE

SOLAIRE

(Suite)

énonça ainsi le problème: « Contentons-nous de machines solaires qui transfor¬ment en travail utile de un à cinq pourcent seulement des radiations solaires

qui les touchent, mais insistons pourobtenir des machines simples et bonmarché, qui ne nécessitent pas de répa¬rations compliquées. » Une telle machine

ne devrait pas coûter plus cher qu'un cheval, un buffle ou unchameau ; elle devrait durer autant que l'animal et libéreraitau bénéfice de l'homme la portion de sol utilisée jusqu'à pré¬sent pour nourrir cet animal. En Inde, elle permettrait deconsacrer aux engrais les bouses de vaches utilisées à l'heureactuelle comme combustible domestique. Dans toutes lesrégions arides, elle sauverait les buissons arrachés pour fairedu feu; si on les laisse croître, ils fixeront les dunes.

Un temps nuageux n'annihile pas nécessairement l'effica¬cité des machines solaires, affirme le professeur A. E. M.Bleksley, de l'Université de Witwatersand (Afrique du Sud).Le professeur fit à la Nouvelle Delhi une communication surles mesures faites, au cours des quarante dernières années,sur la quantité de radiations solaires à des endroits et sousdes climats différents. Il déclara aux participants du colloque:« Excepté le cas relativement rare d'un ciel complètementcouvert par une couche de nuages noirs, la présence de radia¬tions diffuses sert à compenser largement la perte de radia¬tions directes due soit à des nuages fins ou dispersés, soit auxquantités de poussière qui se trouvent dans l'atmosphère.

(Quoique la lumière solaire contienne beaucoup d'énergie,elle ne peut être utilisée directement, car elle est extrême¬ment diffuse. Nulle part sur la terre, on ne peut utiliser direc¬tement la chaleur solaire pour faire bouillir de l'eau. La plushaute température qui ait été enregistrée (en 1922, à Aziziya,Libye), était de 58 degrés centigrades, alors que l'eau ne boutqu'à partir de 100 degrés. C'est pourquoi il est nécessaire, pourobtenir la température voulue, de capter les rayons solairessur une surface relativement étendue et de les concentrer en

un point donné : c'est ainsi que procèdent les enfants quiallument une feuille de papier avec une lentille. Ce procédé

est efficace,' mais présente une difficulté : il faut modifier laposition de la lentille à mesure que le soleil se déplace.

Quoi qu'il en soit, c'est à partir de ce principe simple quel'Institut national de Physique de la Nouvelle Delhi, en Inde,a mis au point un appareil destiné aux usages domestiques.Il s'agit d'une calotte métallique concave posée sur un pied.Les rayons solaires, réfléchis par la surface polie, se concen¬trent sous un anneau métallique placé au centre de la calotte.Une casserole pleine d'eau ou de riz, placée sur l'anneau,absorbe ainsi les rayons solaires qui frappent une surfaced'environ un mètre carré, et peut être portée à ebullition envingt ou trente minutes. Cette cuisinière solaire va être fabri¬quée en série, et devrait rendre de grands services en permet¬tant d'épargner un combustible déjà rare, notamment dansles vastes régions arides de l'Inde.

Lorsqu'il faut obtenir assez d'énergie pour actionner unepompe, il est .préférable d'employer de longs miroirs cylin¬driques. Un tube de verre plein d'eau placé au foyer de cesmiroirs sert de chaudière. Selon les miroirs employés, il a étépossible d'obtenir sous forme de vapeur une énergie de troisou quatre kilowatts ; cette énergie peut être attelée à unedynamo, et transformée en électricité capable de faire fonc¬tionner un moteur, donc une pompe.

La nuit, la chaleur est mise en sommeil

Au cours du même colloque, le professeur V. A. Baum, chefdu laboratoire héliotechnique de l'Institut énergétiqueG. N. Krzhizhanovsky, de Tachkent, en U.R.S.S., pré¬

senta un remarquable rapport. Il déclara que les savantssoviétiques avaient réalisé des réflecteurs composés d'un mi¬roir parabolique de dix mètres de diamètre, capables de pro¬duire 50 kg de vapeur par heure sous une pression d'environ8 kg par centimètre carré. Ces appareils ont été employéscomme force motrice dans des fabriques de conserves, pourdistiller de l'eau, faire fonctionner des réfrigérateurs, et pourchauffer un laboratoire.

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Des appareils semblables ont été également mis au pointpour transformer l'eau salée en eau douce. Un distillateur dece genre produit actuellement environ 1.100 litres d'eau purepar jour, en ne consommant qu'une livre dé vapeur par litre.C'est le procédé le plus économique qui permette de fournirl'eau nécessaire aux pâturages du désert de Kara Kour. Unseul distillateur a produit en un an 75.000 tonnes d'eau pure,et 12.000 tonnes de glace.

Un des grands inconvénients de l'énergie solaire est sonaction intermittente. Il n'est pas possible de faire briller lesoleil pendant la nuit, ni pendant les jours de forte nébulo¬sité. Si cela ne gêne pas sérieusement le pompage de l'eaud'irrigation, la fabrication de l'électricité destinée à l'éclai¬rage des villages et des maisons, l'une des tâches importantesd'une machine solaire, nécessite évidemment la mise enréserve de l'énergie.

Dans un texte soumis à la Conférence des Nations Unies

sur les emplois pacifiques de l'énergie atomique, le professeurFarrington Daniels a fait, en ce qui concerne le stockage, lespropositions suivantes : la première, et la plus simple, est depomper de l'eau pendant la journée jusqu'à un réservoirélevé, et de la laisser retomber la nuit à travers une turbineactionnant une dynamo. Pendant plusieurs années, une minedu Nouveau Mexique (U.S.A.), a été éclairée jour et nuit parl'électricité produite par une dynamo et une machine solaire.Un miroir parabolique réfléchissait la lumière solaire sur unechaudière. Celle-ci actionnait une machine à vapeur quipompait l'eau jusqu'à un réservoir de 20.000 litres placé àsept mètres au-dessus du sol. On peut penser que si l'énergiesolaire se développait, les communautés les plus favoriséesseraient celles proches d'un plateau assez élevé permettantde construire aisément un réservoir d'énergie hydroélec¬trique. Les mines abandonnées peuvent être également uti¬lisées ; l'eau pompée pendant la journée serait alors dirigéela nuit vers une turbine placée au fond. Les villes côtièrespourraient, de leur côté, utiliser des cloches de plongéecomportant de vastes réservoirs que la pompe viderait pen¬dant la journée.

On peut également envisager l'emploi de batteries d'ac¬cumulateurs; en principe, ce serait même l'idéal. Les batte¬ries au plomb employées dans l'industrie automobile ontatteint un haut degré de perfection ; cependant, elles sontencore trop onéreuses et demandent trop de soins pour êtreemployées communément dans les régions non industrielles.« Mais, déclare le Dr. Daniels, employées avec une machinesolaire les batteries n'ont pas besoin d'être puissantes, ro¬bustes, et de faibles dimensions ; elles n'ont pas à fournir unhaut amperage, n'ont pas à être instantanément et complète¬ment réversibles. Si l'on peut ignorer ces servitudes des batte¬ries au plomb actuellement en usage sur les automobiles, ilest possible de mettre au point de nouvelles combinaisonschimiques et de nouveaux types d'électrodes. En cas d'emploigénéralisé, le coût de telles batteries ne serait pas le dixièmede celui des batteries au plomb actuelles. »

Le soleil tombe dans la trappe

Entre autres emplois de l'énergie solaire, il convient dementionner le chauffage des maisons et des eaux domes¬tiques. Dans beaucoup de régions désertes, la tempéra¬

ture, très élevée durant la journée, est cependant- désagréable¬ment froide la nuit. Il faut alors emmagasiner la chaleursolaire pendant la journée, et la restituer la nuit. Comme iln'est plus indispensable de fabriquer de la vapeur ou d'attein¬dre une haute température, le problème de recueillir l'énergiesolaire est beaucoup plus simple. On emploie en général une« trappe à chaleur », sorte de boîte isolée placée sur le toitet exposée au soleil. La boîte est noire à l'intérieur pourabsorber la chaleur, et couverte d'un verre ou d'une mincefeuille de matière plastique transparente. Par cette ouverture,les rayons pénètrent dans la boîte, où les radiations lumi¬neuses à ondes courtes sont transformées en radiations calo¬

riques à ondes longues qui ne traversent pas leverre ou la matière plastique. L'intérieur de laboite devient ainsi très chaud. L'air chaud qu'ellecontient est alors conduit à un accumulateur

Page 24: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

ENERGIE

SOLAIRE

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CETTE BATTERIE de miroirs solaires donne de la chaleur qui est utilisée pour procurer de l'énergie à des petits moteurs électriques ou à vapeur.Conçue par le Laboratoire national de Physique de la Nouvelle Delhi, elle consiste en un ensemble de miroirs plats (à gauche) qui réfléchissent et concen¬trent les rayons du soleil. Chaque miroir est fixé sur un support indépendant (à droite). Tous les miroirs peuvent être conjugués en un seul groupe grâceà un dispositif automatique, afin de concentrer les rayons dans un seul faisceau. (Photos Bureau d'Information de Presse du Gouvernement de l'Inde).

plein de gravier ou de roche écrasée, qui, une fois chaufféspar l'air, conservent la chaleur. La nuit, un courant d'airfrais traverse l'accumulateur, absorbe la chaleur des graviers,et va chauffer la maison.

Le chauffage de l'eau pour l'usage domestique s'opère de lamême façon : l'eau d'un réservoir étant chauffée par le cou¬rant d'air chaud produit par la « trappe à chaleur » du toit.Par exemple le village russe de Firusa, près d'Asshabad, dis¬pose d'un collecteur de chaleur solaire d'une surface de95 mètres carrés, qui peut produire en une journée 10,5 tonnesd'eau à la température de 50" centigrades.

L'énergie solaire pourra même, dans l'avenir, être utiliséede façon complètement nouvelle. En avril 1954, le laboratoiredes Téléphones Bell annonça la mise au point d'une batteriesolaire capable de transformer la lumière solaire en électri¬cité sans passer par l'intermédiaire de la chaleur. Cet appa¬reil emploie deux minces jetons de silicium très pur encontact l'un avec l'autre. Ce métal ainsi raffiné coûte, àl'heure actuelle, 292.000 francs le kilo. Même quand les jetonssont très minces, une telle batterie coûte très cher ; elle n'estencore utilisée que pour fournir l'énergie électrique aux sta¬tions d'amplification des lignes téléphoniques rurales. Mais

elle est remarquablement efficace. Le courant est d'environ25 milliampères par centimètre carré, ou 2,3 ampères parmètre carré à un voltage de 0,3 volts. Ceci indique un hautrendement dans l'emploi de la lumière solaire, 8 % enmoyenne, jusqu'à 11 % dans certains cas. L'avenir de cetteméthode de production directe d'électricité ne dépend que dela possibilité de produire un silicium très pur à bas prix, cemétal étant bon marché sous sa forme courante.

Il apparaît donc, pour conclure, que l'utilisation de lalumière solaire pour la production de chaleur et d'énergie aété négligée dans le passé, sans doute parce que les recher¬ches se sont poursuivies dans des pays hautement industria¬lisés, où le charbon se trouve en grandes quantités, et où lalumière solaire ne peut guère rivaliser, avec lui.

GERALD WENDT, journaliste et écrivain scientifique américain, a occupé le poste deChef de la Division de l'Enseignement et de la Diffusion de la Science au Départe¬ment des Sciences Exactes et Naturelles de l'Unesco. Ancien professeur de chimie à

l'Université de Chicago, ancien doyen du Pennsylvania State College, il s'est consacrédepuis plusieurs années à l'étude de la science et de ses conséquences sociales.Gerald Wendt était conseiller scientifique de la Radio des Nations Unies à la récente

Conférence atomique de Genève.

TENIR AU FRAIS à l'aide

de l'énergie solaire est main¬tenant une possibilité scien¬tifique grâce à l'appareilproducteur de vapeur expé¬rimenté au Laboratoire na¬

tional de Physique de laNouvelle Delhi, Inde. Lestechniciens Indiens mettent

au point des machines fonc¬tionnant à l'énergie solaire,qui assurent la climatisation,la réfrigération, qui serventde fourneaux et produisentde l'énergie Industrielle àbon marché. (Photo Bureaud'Information de Presse du

Gouvernement de l'Inde).

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Le Courrier. N° 8-9. 1955

LE GEANT DES PYRENEES

fait fondre 50 kg de fer en 1 heurepar Daniel Behrman

Derrière les douves d'une sévère place forte du xvir* siè¬cle située dans le sud de la France, une équipe desavants français a réussi à transformer en une réalité

économique quotidienne ce rêve séculaire : exploiter l'énergiesolaire.

Nous sommes à Mont-Louis, ville des Pyrénées-Orientales

qui se trouve près de lafrontière espagnole, à1.600 mètres d'altitude.

On y utilise l'énergiesolaire pour fabriquernotamment de la zir-

cone produit réfrac-taire employé pour lerevêtement des . fours

à un prix de revientinférieur de 25 % à

celui obtenu par les

procédés classiques àl'électricité.

L' « usine » se compo- .se de deux miroirs

géants qui multiplient20.000 fois l'énergie so¬laire déversée sur la

terre, de façon à pro¬duire une températurede 3.000°C. (le fer fond

à 1.539°C.) à l'entrée

d'un four solaire grand

à peu près comme unpetit tonneau.

C'est là l'auvre

du professeur FélixTrombe, directeur du

' laboratoire d'é n e r g i esolaire de Mont-Louis,

et de Marc Foex, son

adjoint : préfigurationde l'industrie future,

résultat de plus devingt années de recher¬ches sur le traitement

des métaux à haute

température et de neufannées d'expériencessur l'énergie solaire.

Le Courrier de

l'Unesco m'a récemment envoyé comme correspondant àMont-Louis. Je m'attendais à y trouver un décor à la JulesVerne, et je n'ai pas été déçu.

Construite en 1676 par le marquis de Vauban, grand archi¬tecte militaire de Louis XIV, la forteresse de Mont-Louis n'aguère changé depuis. On accède au laboratoire d'énergiesolaire en traversant un fossé sur un pont gardé par degrandes portes de bois garnies de clous, les mêmes qu'il y atrois cents ans.

Un grand homme mince, d'une bonne quarantaine d'an¬nées, chaussé d'espadrilles à semelles de corde, était juché ausommet d'un échafaudage; je lui demandai où je trouveraisM. le professeur Trombe.

Je descends tout de suite, m'a-t-il répondu. Excusez-moi, nous établissons nos plans à mesure que nous pro¬gressons.

Le professeur Trombe m'a mené à son bureau et s'est assisdevant une table couverte de grands vases blancs, dont

Voici le point crucial du four solaire du Laboratoire de Mont-Louis, dans les Pyrénéesfrançaises, où les rayons du soleil (matérialisés ici en projetant de la poudre d'alumi¬nium dans le faisceau lumineux) convergent en produisant une température de 3.000°C.

(Photo Laboratoire d'Energie Solaire de Mont-Louis.)

il se servait indifféremment comme cendriers. Comme j'enmontrais un :

C'est du quartz fondu au four solaire, m'a-t-il indiqué,tout en y jetant une allumette...

Le professeur Trombe et son adjoint m'ont ensuite expliquécomment, en 1946, ils avaient songé à utiliser l'énergie

solaire pour produireles hautes températu¬res nécessaires au trai¬

tement des minéraux.

En employant

l'énergie solaire, a pré¬cisé le professeurTrombe, on peut éviterd'introduire dans les

substances du carbone

ou d'autres impuretés,car l'énergie est pro¬duite indépendammentde toute réaction chi¬

mique.

En outre, le métal¬lurgiste peut ainsi ré¬gler de façon très pré¬cise les conditions de

L'atmosphère intérieurede son four.

Tout a commencé

modestement à l'Obser¬

vatoire de Meudon, prèsde Paris. Le climat de

l'Ile-de-France n'était

certes pas le climatrêvé pour leurs expé¬riences, et ils ne dispo¬saient, comme miroirsparaboliques, que desréflecteurs de projec¬teurs de DCA. Du

moins ont-ils pu cons¬tater qu'ils étaient surla bonne voie.

En 1949, le généralPaul Bergeron, direc¬teur du Comité d'ac¬

tion scientifique de laDéfense Nationale

française, satisfait desexpériences auxquelles il avait assisté, leur a offert un nouvelemplacement à Mont-Louis, en Cerdagne, région particuliè¬rement ensoleillée des Pyrénées.

Il y a maintenant à Mont-Louis vingt chercheurs, etvingt-cinq autres au laboratoire parisien du professeurTrombe. Les travaux sont financés conjointement par laDéfense Nationale Française et surtout par le Centre nationalFrançais de la recherche scientifique.

Nous faisons nos appareils nous-mêmes, m'a dit le pro¬fesseur Trombe. Nous constituons une équipe qui a foi dansl'utilité de ses efforts.

Le professeur Trombe et M. Foex ont trouvé dans ce coinde Cerdagne un « micro-climat » de 750 kilomètres carrés

seulement d'étendue, protégé par les montagnes contre levent du Nord, appelé le carcanet, et contre le vent humidedu Sud-Ouest qui souffle en rafales de l'Atlan¬tique.

Suite

A Mont-Louis, le laboratoire d'énergie solaire ,,peut compter sur deux cents jours de soleil par

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LE GÉANT DES PYRÉNÉES

(Suite)

LA « GRANDE INSTAL¬

LATION » de 75 Kw

est photographiée ici dansson ensemble. A gauche le

miroir parabolique géant(dont un gros plan se trouveen page 68) ; au centre,sous le hangar, le four pro¬

prement dit;- à droite lemiroir plan (orienteur). Lesrayons du soleil sont captéspar l'orienteur, dirigés surlé parabolique qui lui-mêmeles renvoie dans le four.

Ainsi, 50 kg. de fer peuventêtre portés à leur point defusion (1539° C.) en uneheure. (Photo Laboratoired'énergie solaire, Mont-Louis).

an, alors qu'à Meudon, il n'en avait que cinquante. Pourl'énergie solaire, nous a expliqué le professeur Trombe, cesont les régions proches des tropiques du Cancer ou duCapricorne qui sont les régions idéales ; plus près de l'Equa¬teur, l'atmosphère est trop humide.

La première grande difficulté qu'ils orit dû surmonter en1949 était d'ordre financier : Pour fabriquer un miroir para¬bolique de 2 mètres seulement de diamètre, il faut 1 mil¬lion 500.000 francs...; or le miroir parabolique employé actuel¬lement à Mont-Louis a plus de 10 mètres de diamètre !

Le professeur Trombe et M. Foex ont résolu ce problèmeavec un budget modeste... et de riches ressources d'ingénio¬sité. Leur miroir parabolique, le plus grand du monde, secompose seulement de 3.500 petits losanges de verre à vitre.Chacun de ces fragments de verre n'a que 1,5 mm d'épais¬seur et des vis réglables permettent de les gauchir, demanière à donner à l'ensemble une courbure parabolique.

Comme un grand animalaveugle qui adore le soleil

En activité, le four solaire est un instrument étrange àcontempler. Près d'un mur de la forteresse se trouve unmiroir plan de 135 mètres carrés, dont l'orientation est

réglée grâce à un dispositif à coulisse placé derrière.

Ce miroir, composé lui-même de 520 petits miroirs, estdestiné à recevoir les rayons du soleil sous tous les angles,pour les envoyer dans le miroir parabolique fixe installé à25 mètres de là. Celui-ci, à son tour, fait converger les rayonsdans l'orifice du four solaire placé entre les deux miroirs, etdont les dimensions sont sensiblement celles d'un hublot de

petit bateau.

Toutes ces opérations se font automatiquement. Un deséléments du miroir plan envoie l'image du soleil entre descellules photoélectriques. A mesure que le soleil avance,l'image fait de même et les cellules réagissent en comman¬dant les pistons qui modifient l'orientation du miroir plan.

Un des mécaniciens du laboratoire a actionné devant moi

le mécanisme pour me faire voir comment le miroir planpouvait se mouvoir. On aurait dit un grand animal aveugle,se tournant lentement pour adorer le soleil.

Par la plate-forme située entre les deux miroirs, le profes¬seur Trombe m'a mené rapidement dans le petit hangar quiabrite le four. Le temps était couvert, mais je pouvais sen-,tir la chaleur qui émanait du miroir.

Il faut faire attention ici, m'a-t-il dit, un jour cemiroir a brûlé le pardessus d'un visiteur très important.

Le four se trouve dans l'axe du miroir parabolique. Sousl'action d'un bouton de commande, il s'est mis à tournerrapidement. Le professeur Trombe m'a expliqué alors quela force centrifuge projette la matière minérale à traitercontre les parois cylindriques du four et qu'ainsi se formentles « vases » que j'avais vus sur son bureau.

On commence par fabriquer dans le four un produit réfrac-taire, comme la zircone, qui constitue ainsi un creuset oùl'on peut ensuite produire des métaux d'une grande pureté.

La puissance actuelle de la centrale solaire de Mont-Louisest évaluée à 75 .kilowatts (pour obtenir un four électrique depuissance équivalente, il faudrait une dynamo actionnée parun moteur de 100 CV). Le professeur Trombe m'a confiéque des plans étaient en cours de mise en éuvre pour laconstruction d'une centrale solaire de 1.000 kilowatts (équi¬

valant à une génératrice de 1.300 CV).

. On n'a pas encore choisi l'emplacement de cette nouvellecentrale, mais elle comprendra un miroir parabolique de35 mètres sur 50, ayant une superficie de 1.500 mètres carrés.

Grâce à ce nouveau miroir, le professeur Trombe espèrepouvoir obtenir des produits réfractaires à un prix inférieurde moitié à celui de la fabrication au four électrique. D'ail¬leurs, même avec le miroir actuel, l'installation de Mont-Louis serait amortie en cinq ans si elle limitait son activitéà la fabrication de produits réfractaires.

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Le Courrier. N» 8-9. 1955

Naturellement, ce. n'est pas le cas, m'a fait observer leprofesseur Trombe, nous sommes un laboratoire de recher-.ches et non une usine. Mais en exploitant le four commercia¬

lement 30 jours par an seulement, nous fabriquons deuxtonnes de produits réfractaires et comme ils sont d'une trèsgrande pureté, il n'est pas difficile de les vendre.

Que réserve l'avenir ? Selon le professeur Trombe,« l'exploitation de l'énergie solaire sera fonction des besoinsmondiaux et des problèmes que posent les méthodes actuellesde production d'énergie ».

A Mont-Louis, comme ailleurs, on procède à des expé¬riences de chauffage des maisons par le soleil. On s'occupeégalement de produire de la réfrigération avec cette sourced'énergie; ce paradoxe n'est qu'apparent, car il a été maintesfois démontré que l'énergie solaire pouvait remplacer l'élec¬tricité ou le gaz dans l'industrie du froid; aussi n'est-il pasdu tout impossible d'imaginer en plein Sahara une maisonclimatisée grâce au soleil !

A 15 mètres du four,

le Puits des forçats

Le professeur Trombe est convaincu que l'énergie solaireoffre actuellement le moyen le plus économique de pro¬duire les hautes températures nécessaires à certaines

opérations métalliques. La grande difficulté est de transfor¬mer cette énergie en puissance motrice.

Dès que nous essayons d'employer les rayons solairespour chauffer une chaudière, nous nous heurtons à cet incon¬vénient que la machine à vapeur est, de tous les moteurs, celuiqui a le plus faible rendement. Elle ne transforme en énergieque 5 % des calories qu'elle consomme; aussi ne peut-ellerivaliser avec le moteur Diesel quand il s'agit de faire mar¬cher une petite centrale thermique dans des régionsisolées.

Mais le professeur Trombe croit possible d'utiliser la radia¬tion solaire pour actionner des turbo-génératrices d'au moins100 CV. Il déclare à ce sujet :

Je ne pense pas que la production d'énergie après lecoucher du soleil pose de problème. Certains matériaux per¬mettent d'emmagasiner de la chaleur et, dans notre petitfour, nous avons mesuré à minuit une température de

1.000°C. Je ne vois donc pas pourquoi une centrale solaire nepourrait fournir de l'énergie pendant les heures de pointe dela soirée, mais naturellement il faudrait un moteur auxiliaire

pour les jours sans soleil. La rentabilité de l'énergie solairedépend de la possibilité de recourir à d'autres sourcesd'énergie.

Alors que je m'apprêtais à quitter Mont-Louis, le professeurTrombe et M. Foex m'ont montré un autre dispositif pro¬ducteur d'énergie qui a été, lui, nettement supplanté... Amoins de quinze mètres du four à haute température et duplus grand miroir parabolique du monde, une porte s'ouvresur une salle humide, où l'on distingue dans la pénombre uneroue de bois de 5 mètres de haut.

Voici le Puits des forçats, m'a dit le professeur Trombe.Il fonctionnait à la manière d'une cage à écureuil, maisc'était un homme qui était dans la cage et la faisait tourner,pour tirer de l'eau à un puits secret.

LE MIROIR PLAN de 135 mètres

carrés s'oriente automatiquement(grâce à un dispositif à coulisse) defaçon à recevoir les rayons du soleilsous tous les angles. Il se composelui-même de 520 petits miroirs.(Photo Laboratoire d'énergie solaire.)

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(Copyright Schmidc-Nieken.)

RESPIREZ A FOND 1 Le chameau n'est jamais essouflé; il ne i-espire pas la bouche ouverte, même dans le torrlde Sahara et transpire si peu que sa peauparaît toujours complètementsèche. Ici, M. Schmidt-Nielsen utilise un appareil spécial pour mesurer la consommation d'oxygène d'un de ses sujets d'expérience.

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Le Courrier. N° 8-9. 1955

(Copyright Schmidt-Nielsen)

Contrairement à ce que l'on croit généralement, le chameau ne possède deréserve d'eau ni dans son estomac ni dans sa bosse ni dans aucune autre

partie de son corps. S'il fait preuve, en effet, d'une résistance à la soif peucommune, le chameau ne boit que quand il a soif.

(Photo Zôhrer)

LE CHAMEAUfable et réalité

par Bodil et Knut Schmidt-Nielsen

Les aptitudes exceptionnelles du chameau et son aspectétrange suscitent depuis des siècles la curiosité desvoyageurs, des naturalistes et des zoologues. Les légen¬

des et les fables se sont mêlées aux faits d'observation et l'ona raconté des histoires étonnantes où il était difficile de dis¬

tinguer le vrai de l'imaginaire.

Le chameau rend de précieux services dans nombre derégions désertiques, dont il est souvent l'animal domestiquele plus important. Non seulement il est la principale bête desomme, mais il fournit aussi du lait et de la viande; sa peau,une fois tannée, donne un cuir dont on fait des chaussureset des harnais, et sa laine sert à fabriquer des vêtements eides tentes. Malgré les progrès effectués sur le plan technique,il est probable que le chameau conservera encore longtempsla place qu'il occupe actuellement dans l'économie des'régions désertiques. Certaines informations précises sur ceremarquable animal sont donc particulièrement utiles.

Selon la légende, le chameau est capable de traverser ledésert le plus torride sans boire ni manger. Il est certain quele chameau possède à cet égard des aptitudes peu communes,et le succès auprès du grand public des récits d'aventuresdans le désert a éveillé un grand intérêt pour l'endurance decet animal.

On est surpris d'apprendre combien sont rares les connais¬sances scientifiques que l'on possède sur cet animal dontdépend la vie des populations de très vastes régions du globe.Jusqu'à une date toute récente, la science était incapable derépondre à de nombreuses questions aussi courantes que lessuivantes :' Combien de temps le chameau peut-il résister àla soif ? Pourquoi le chameau peut-il se passer d'eau dansdes conditions aussi difficiles ? Le chameau a-t-il dans soncorps une réserve d'eau ? Quel rôle joue sa bosse ?, etc.

Une meilleure connaissance du chameau et de ses fonc¬tions organiques contribuerait pour une grande part à l'éva¬luation des possibilités des terres arides et des programmesde modernisation agricole. Des renseignements plus précissur les particularités qui permettent au chameau de subsisterdans le désert aideraient peut-être également à déterminerles caractéristiques grâce auxquelles d'autres animaux,comme les moutons et les bovins, peuvent supporter un cli¬mat aride. Aussi était-il naturel que l'Unesco, entre autresinstitutions, donne son appui à une expédition au cours delaquelle des chercheurs de la Duke University (U.S.A.) se sontefforcés de répondre à un grand nombre des problèmes nonencore résolus que pose le chameau.

On peut vivre sans boireà condition de manger

Notre équipe comprenait, outre les auteurs de cet article,deux collaborateurs, M. T. R. Houpt, de l'Universitéde Pennsylvanie, et un médecin danois, le Dr S. A. Jar-

num. Nous avons effectué nos recherches en 1953-1954dans le Sahara algérien, en utilisant comme base une stationfrançaise : le Centre de recherches sahariennes. Nostravaux ont été considérablement facilités par l'appui

et par l'aide que nous ont apportés M. Menchikoff , ^^kdirecteur de ce Centre, et les autorités françaiseslocales, représentées à Béni-Abbès par le capitaineLepage.

Knut Schmidt Nielsen et sa femme Bodil forment une équipe de zoologistes

qui collaborent à l'étude de la physiologie des mammifères du désert. KnutNielsen, un Norvégien, a fait ses études à Copenhague sous la directiond'August Krogh, Prix Nobel de physiologie et: de médecine, dont il a épouséla fille. Tous deux sont arrivés aux U.S.A. en 1946 et professent à laDuke University. En 1954, grâce à une subvention de ¡'Unesco, Ils ont poursuivi,au centre de Béni-Abbès, en Algérie, des expériences sur les capacités d'absorp¬tion d'eau et de résistance à la chaleur des chameaux.

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CHAMEAU (suae)

(Copyright Schmidt-Nielsen)

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Si l'on pose la question : « Combien de temps un hommepeut-il vivre sans eau ? », la réponse dépendra des circons¬tances. Dans le désert, en été, il vivra peut-être un jour oudeux; mais dans un climat frais, il pourra résister plus long¬temps, peut-être pendant une semaine. En outre, si cethomme dispose d'aliments aqueux comme le melon, il pourrasubsister pendant plus longtemps encore. Il pourrait mêmese passer complètement d'eau potable, s'il avait une pro¬vision suffisante de fruits juteux tels que pommes, oranges,tomates et melons.

Il en va de même pour le chameau; le temps qu'il peutrester sans boire dépend des conditions extérieures, notam¬ment : quantité de nourriture absorbée et teneur en eaude cette nourriture, charge portée, distance à parcourir, tem¬pérature, enfin race et état physique de l'animal. Il est doncimpossible de dire combien de jours un chameau quelconquepeut rester privé d'eau.

Il existe deux espèces de chameaux : celui à une bosse etcelui à deux bosses. Ceux que nous avons étudiés à Béni-Abbès étaient des chameaux à une bosse, ou dromadaires. Lechameau à deux bosses, ou chameau de Bactriane, vit dansles déserts et les hauts plateaux de l'Asie centrale, tandis quele chameau à une bosse se trouve dans les déserts torridesde l'Arabie et de l'Afrique du Nord.

C'est un ruminant,

non un épargnant

L'observation des chameaux nous a bientôt permis deconstater que ceux que l'on faisait paître l'hivern'étaient pas abreuvés. Le fait n'a rien de surprenant

car s'il pleut, la végétation du désertcontient un volume d'eau considérable.Nous avons examiné un certain nom¬

bre de ces chameaux que l'on amenaità Béni-Abbès pour les livrer à la bou¬cherie. Us étaient restés sans boire

pendant un ou deux mois, et l'on auraitpu penser qu'ils étaient particulière¬ment altérés; mais ce n'était pas lecas. Ils ne manifestaient nul intérêt

pour l'eau qui leur était offerte. Cepen¬dant, les pluies d'hiver sont très irré¬gulières; dans les hivers secs qui em¬pêchent la pousse habituelle de lavégétation nouvelle, il faudrait certai¬nement abreuver les chameaux.

Pour déterminer la quantité d'eaudont cet animal a besoin, il nous fal¬lait donner à quelques chameaux unenourriture sèche, au lieu de leur pâtureordinaire. Nous leur avons donc donnédu foin et des dattes sèches. Les dattesdestinées aux chameaux diffèrent desdattes tendres et sucrées réservées à laconsommation humaine ; elles sontsèches, dures et' moins sucrées. Nousavons appliqué à un chameau ce régimealimentaire sec pendant plusieurs pé¬riodes prolongées, la plus longue étantde seize jours en janvier. A la fin del'expérience, le chameau était assezalteré,- mais son état n'était nullement

inquiétant. 'Nous en avons conclu que le chameau peut aisé¬ment se passer d'eau plus de deux semaines en hiver, mêmes'il est nourri d'aliments secs.

Le chameau continue à consommer de l'eau pendant lespériodes où il est ainsi privé d'eau. Chez lui comme chez tousles mammifères, la formation de l'urine exige de l'eau et larespiration s'accompagne d'une evaporation d'eau par lespoumons.

Cette déperdition régulière d'eau s'est traduite chez notreanimal par une perte de poids correspondant à la quantitéd'eau utilisée. Il a continué à manger et, s'il avait eu de l'eau,il aurait gardé son poids normal. Au bout de seize jours, ilbut une quantité d'eau correspondant à celle qu'il avait dé¬pensée, ce qui lui rendit son poids précédent.

Cette expérience ne nous a pas indiqué le degré de déshy¬dratation auquel l'organisme du chameau est capable derésister. Nous aurions pu la poursuivre pour trouver laréponse à cette question, mais nous avions d'autres problèmesurgents à étudier et nous avons décidé d'attendre l'été. Letaux de déperdition d'eau serait alors beaucoup plus élevé,et l'on obtiendrait en beaucoup moins de temps une gravedéshydratation.

Vers la fin du mois de juin, nous avons laissé sans eaupendant huit jours un chameau pesant 450 kilos. Au termede l'expérience, il avait perdu 100 kilos. Il était alors en assezmauvais état par suite du manque d'eau; lorsqu'on lui donnaà boire, il absorba en dix minutes 103 litres d'eau. Cetteexpérience montre que le chameau peut perdre environ lequart de son poids d'eau, et boire en quelques minutes unequantité d'eau équivalente. Un autre chameau qui avait étésoumis, à la même époque, à une expérience plus poussée,fut laissé sans eau du 5 au 22 juin, soit pendant 17 jours. Vers

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Le Courrier. N5 8-9. 1955

la fin de cette période, les deux animaux étaient en assezmauvais état, et ils avaient perdu leur appétit. Ils parais¬saient maigres et efflanqués. Leur abdomen était creusé etramené contre la colonne vertébrale, leurs muscles étaientcontractés, leurs pattes décharnées semblaient encore pluslongues que d'habitude. Dans cet état, ils auraient été inca¬pables d'effectuer un gros travail ou un long parcours.

Ces deux chameaux avaient été exposés au vent et au soleilbrûlants du désert, mais on ne les avait pas fait travailler.D'après cette expérience, il semble que, dans une marched'été à travers le désert, même les meilleurs chameaux nepourraient pas être laissés sans eau pendant beaucoup plusd'une semaine. Toutefois, les facteurs qui entrent ici en jeusont si nombreux que des recherches approfondies, faitesdans des conditions diverses, seraient nécessaires pour pou¬voir formuler des règles précises.

On peut affirmer, malgré tout, que lesans eau beaucoup plus longtemps queles autres mammifères, y compris'l'homme. Dans des conditions analo¬

gues, il est probable qu'un homme se¬rait très affaibli et dans un état cri¬tique, après une journée de voyagedans le désert et qu'il mourrait de soifau cours de la deuxième journée.

De nombreux voyageurs ont supposéque la résistance du chameau à la soifs'explique par la présence d'une réserved'eau dans son estomac ou dans d'au¬

tres parties de son corps. A l'appui de

hameau peut vivre

*f

15 :.''.. ..V

cette thèse, on cite souvent l'histoirebien connue de l'Arabe qui se trouveprivé d'eau en plein désert et qui,comme ultime ressource, tue son cha¬meau et boit l'eau qu'il trouve dans sonestomac.

Il est facile de comprendre commentl'idée d'une réserve d'eau a pu prendrenaissance. Avant d'entreprendre unlong voyage dans le désert, on abreuve,bien entendu, les chameaux. Si ceux-cin'ont pas bu depuis quelques jours, ilsabsorbent alors de grandes quantitésd'eau; pour l'observateur dénué d'es¬prit critique, il peut sembler qu'ils boivent abondamment enprévision des besoins à venir.

La bosse du chameau :

un mets de choix

Or, nous savons que les chameaux boivent une quantitéd'eau correspondant à celle qu'ils ont perdue pendantla période où ils sont restés sans eau, mais qu'ils r.e

boivent pas plus qu'il n'est nécessaire pour compenser cettedéperdition. Nous n'avons observé aucun chameau boire unequantité d'eau supplémentaire qui pût être considérée commemise en réserve.

La croyance en l'existence d'une réserve d'eau chez le cha¬meau est fort répandue et elle se trouve renforcée par le faitque l'estomac de cet animal a une structure assez particu

lière. Le chameau est un ruminant, et son estomac, commecelui de la vache et du mouton, est divisé en plusieurs par¬ties ou compartiments. La première partie, qui est la plusvolumineuse, est la panse, où s'accumule le fourrage gros¬sièrement mastiqué. Dans les parois de la panse du chameau,il y a certains alvéoles que l'on ne retrouve pas chez lesautres ruminants, fait intéressant que l'on a rattaché à lalégende de la réserve d'eau. Cependant, le volume de cespetits alvéoles, dits « poches à eau », est si faible (5 à 7 litres)qu'ils ne sauraient contenir la réserve d'eau nécessaire pourcouvrir les besoins d'un animal de cette taille.

La panse des chameaux renferme effectivement d'impor¬tantes quantités de liquide, mais cette caractéristique estcommune à tous les ruminants. Toutefois, pour établir avec,certitude que le chameau ne met pas d'eau en réserve, nousavons analysé le liquide contenu dans l'estomac d'une dou¬zaine d'animaux. Il s'agit d'un liquide vert, fétide et nau¬séabond, qui n'a guère de rapports avec l'eau potable.

I

L'analyse chimique révèle qu'il se rapproche beaucoup dessucs digestifs, et que sa teneur en sel l'apparente plutôt ausang qu'à l'eau. En outre, les prétendues « poches à eau »contiennent habituellement des aliments mastiqués, maispeu de liquide. Nous n'avons donc trouvé aucune confirma¬tion scientifique de la légende de la réserve d'eau.

Bien qu'assez peu appétissant, le liquide contenu dans l'es¬tomac du chameau pourrait fort bien être bu en cas d'absoluenécessité. L'histoire de l'Arabe qui, pour sauver sa vie, tueson chameau afin de boire le liquide contenu dans sonestomac, est peut-être exacte, mais on se trompe en suppo¬sant que le liquide est de l'eau mise en réserve.

On a prétendu aussi que la bosse du chameau contient laréserve d'eau de l'animal. Mais cette bosse est

presque exclusivement composée de graisse; elle Suiteconstitue une réserve d'énergie, tout comme la page 32graisse des autres animaux. H est un fait curieux :

31

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IL MAIGRIT de I 00 kg en8 jours

IL BOIT I 00 litres en

10 minutes

CHAMEAU (suite)la graisse de plusieurs animauxvivant dans des climats chaudsse trouve rassemblée en un seul

endroit du corps, au lieu d'êtrerépartie sur l'ensemble de ce¬

lui-ci. Le boeuf zébu a une bosse sur les épaules et, chez lemouton à large queue, la graisse est accumulée sur la queue,d'une taille énorme. Pour les Arabes, la bosse du chameauest un mets de choix, si bien que, lorsque ces animaux sontlivrés à la boucherie, la bosse atteint souvent un prix plusélevé que la viande.

Bien que la bosse ne contienne manifestement pas d'eau,il y a une parcelle de vérité dans la croyance selon laquellele chameau tire de l'eau de sa bosse. Toute combustion de

matières organiques entraîne la formation d'eau. Qui n'aremarqué, lorsqu'on place un pot d'eau froide sur le feu, lacondensation d'eau qui se produit sur l'extérieur du réci¬pient ? Cette eau provient de l'oxydation de l'hydrogène querenferme le combustible. De même,' il se forme de l'eaulorsque la graisse s'oxyde dans l'organisme. Cette oxydationexige de l'oxygène, et l'air inspiré dans les poumons estexpiré, saturé de vapeur d'eau. La quantité d'eau qui se perdainsi dépend de la température et de l'humidité, maisd'ordinaire, chez le chameau, l'eau s'évapore par les poumonspresque aussi rapidement qu'elle se forme. Dans ces condi¬tions, la graisse de la bosse ne représente pas une biengrande réserve d'eau supplémentaire, comme on l'a cru unmoment. Mais chez un autre animal du désert, le rat-kan¬gourou, le cycle de l'eau repose entièrement sur l'eau quirésulte de l'oxydation des aliments.

Le chameau préfère la

fièvre à la transpiration

La plupart des animaux à sang chaud maintiennent leurcorps à une température de 37 à 40° C. Chez l'homme,la température n'augmente pas sous l'effet de

la grande chaleur du désert, bien qu'elle puisse être supé¬rieure à celle de son corps. Tout objet inanimé placé dans lemême milieu s'échaufferait, comme les rochers qui peuventatteindre dans les déserts 60° C. ou davantage. Dans un telmilieu, l'homme combat l'élévation de température par uneévoporation d'eau, qui apparaît à la surface de son corpssous la forme de sueur.

Il existe aussi chez le chameau un mécanisme de thermo¬

régulation, la transpiration empêchant la température ducorps de dépasser un certain point critique. Mais le chameauest capable d'utiliser certaines variations de la températurede son corps pour économiser une partie de l'eau nécessaireau maintien d'une température modérée. Au lieu de mainte¬nir cette température constante à mesure que la tempéra¬ture extérieure augmente, le chameau laisse sa températures'élever lentement jusqu'à un maximum de près de 41° C.Pendant la période où sa température augmente, le chameauperd très peu d'eau, alors qu'un homme devrait transpirercontinuellement pour maintenir la température de son corpsà un niveau moins élevé.

II est évident que le chameau serait dans une situationencore plus favorable si la température de son corps pouvaitêtre plus basse qu'à l'habitude au matin d'une chaude jour¬née. Il lui faudrait alors plus de temps pour atteindre la tem¬pérature critique à partir de laquelle il doit commencer àtranspirer pour éviter toute nouvelle élévation de tempéra¬ture qui entraînerait la mort. C'est précisément ce que faitle chameau : pendant les nuits fraîches, il cède de la chaleur,si bien que, le matin, sa température peut descendrejusqu'à 34° C.

La température du corps du chameau varie donc réguliè¬rement de plus de 6° C. Dans des conditions analogues, lesvariations quotidiennes de température chez l'homme sontd'environ Io C. Les variations de température du chameauconstituent un mécanisme qui règle remarquablement laconsommation de l'eau, ce qui ressort des deux faits sui¬vants : premièrement, cette température ne varie l'hiver quede 2° C. environ; deuxièmement, si on laisse le chameauboire librement, les variations de température seront éga¬lement de l'ordre de 2° C. Les variations beaucoup plusimportantes que l'on constate lorsque le chameau est privéd'eau font partie d'un système physiologique destiné à réduirela dépense d'eau.

Le corps humain contient normalement environ un tiers

d'éléments solides et deux tiers d'eau. Seule une faible frac¬

tion de cette eau peut être perdue sans que se manifestentdes symptômes graves. L'organisme réagit par un impérieuxdésir de boire qui, s'il n'est pas satisfait, se transforme viteen une sensation de malaise, de gêne et d'irritation. Cessymptômes disparaissent rapidement avec l'absorption d'unecertaine quantité d'eau ou de quelque autre boisson.

L'homme qui transpire

trop meurt de fièvre

Si la déshydratation se poursuit et si la déperdition d'eaudépasse 5 % du poids du corps, les symptômes s'aggra¬vent. Des troubles organiques apparaissent, la salive se

raréfie et la bouche se dessèche. La langue colle à la bouche,et l'air pénètre dans les poumons à une température insup-portablement élevée. La voix s'éraille et les erreurs des senss'aggravent. L'homme cesse d'être maître de ses mouve¬ments; son jugement et son moral sont atteints. La phase,dite expressivement de la « bouche pâteuse », intervient lors¬que la perte de poids atteint 6 à 8 %.

Les symptômes d'une déperdition d'eau supérieure à 10 %du poids du corps sont surtout connus par les récits de voya¬geurs qui se sont égarés dans le désert; ces récits sont iné¬vitablement assez imprécis. Le sujet délire; il perd l'ouïeet devient insensible aux chocs et aux blessures; lorsqu'il secoupe, il n'apparaît ni sang ni exsudât dans la coupure. Sila déperdition d'eau atteint 12 %, le sujet ne peut plusavaler; au-delà de ce stade, il est probablement incapablede se rétablir sans aide. Au stade final de la déshydratation,la guérison est impossible : la perte de conscience est le seulsoulagement de l'agonisant.

Si la chaleur n'est pas excessive, la vie pourra peut-être seprolonger jusqu'à ce que la déperdition d'eau atteigne 20 %.Mais dans un désert torride, la mort survient lorsque ladéperdition est de 10 à 12 %. Ce phénomène a été décrit parle physiologiste américain Adolph, sous le nom de « mort parbrusque poussée de température » (explosive heat death),parce que la mort est soudaine et associée à une montéerapide de la température. Cette poussée brutale est dueau fait que le sang s'épaissit et devient plus visqueux àmesure que la déshydratation s'accentue. Le c qui doitfournir un effort accru pour faire circuler ce sang épaissi,se fatigue; la déshydratation s'aggravant il arrive unmoment où le c ne peut plus soutenir cet effort. Lacirculation se ralentit alors; la chaleur produite par le méta¬bolisme n'est plus éliminée; à ce moment, la température ducorps s'élève rapidement et la mort survient bientôt.

Ceci étant, nous avons constaté avec surprise que le cha¬meau peut perdre jusqu'à 30 % de son poids pendant lespériodes de pénurie d'eau, dans un désert torride. La chosesemble plutôt incroyable au physiologiste averti, et il nousa paru intéressant de rechercher les particularités physio¬logiques qui permettent au chameau d'échapper au phéno¬mène de la brusque poussée de température.

Le rat-kangourou transpire

sans faire de température

Si l'on pouvait démontrer qu'en période de déshydratationle chameau conserve son volume de sang, sans déperdi¬tion de l'eau du sang, on prouverait qu'il garde

une circulation normale. Il est possible de mesurer levolume sanguin en injectant dans le sang un colorant nontoxique et en déterminant le taux de dilution de ce colorantune fois qu'il est uniformément réparti dans le sang; cetteméthode est complètement inoffensive. Chez un chameau quiavait perdu 50 litres d'eau (soit 20 % de son poids), on aainsi trouvé que la diminution du volume du sang étaitinférieure à 1 litre. Le reste de l'eau perdue provenait doncdes tissus et des liquides interstitiels. A cet égard, le chameauest beaucoup mieux partagé que les autres mammifères, chezlesquels l'épaississement du sang est la cause principale dela mort par brusque poussée de température.

Bien qu'il ait besoin de moins d'eau que les autres mam¬mifères, le chameau doit boire si sa nourriture n'est pas richeen eau. Il existe toutefois dans les déserts denombreux animaux sauvages qui vivent à une Su,tetelle distance de toute eau libre qu'il faut bien page 63

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Le Courrier. N" 8-9. . 1955

L'Art fleurit en plein

A H A R Apar Jean Gabus

Pris entre ces deux pôles, le désertet l'Islam, l'art saharien ne pour¬rait être et c'est le cas, le plus

souvent sans doute qu'un art d'en¬lumineurs importé d'Orient, ou encoreun art de tapis appliqué au cuir, aubois et au métal, un de ces « arts mi¬neurs », puisque, selon Malraux, « iln'exprime pas l'homme ».

Or, même dans l'enchevêtrementdes décors géométriques, malgré lacontrainte d'une stylisation presqueinhumaine, la présence de l'individusubsiste. Les Sahariens, par l'intermé¬diaire des « Enhaden » touareg, des« Mâlemin » maures, nous racontentleur histoire.

Ils nous parlent des puits, des trou¬peaux, des gazelles, de leur maisonavec son pauvre mobilier, de Dieu, etaussi bien entendu des « Djenoun »,ou encore des « Peuples du Vide », des« Fils du Diable », du mauvais eil, desscorpions et des vipères, de la soif etdu vent de sable.

Ce ne serait qu'un art de la peur,s'il ne nous révélait en même tempsune prise de position positive del'homme en face de l'Univers, l'idéed'une main-mise sur des forces supé¬rieures assez inquiétantes, accessiblesà des rites, à des décors symboliquessemblables à des actes de foi.

Le signe du « bonceil », un tapistissé sur métier

vertical, une da¬

gue exécutée parun bijoutier, au¬tant d'actes de foi,émouvants comme

des prières tracéesdans le sable, écri¬tes en fils de

laine ou gravéesau burin sur le

cuivre ou l'argent.(Copyright parJean Gabus.)

Pris dans ce sens, cet art bouclierest plus près de la conquête que de lasoumission. Le nomade finit par croireà un apprivoisement du vent, des pis¬tes et des puits, à un accord avec lesgazelles, les autruches, les outardes etles pintades. Il se sent libéré d'unepartie de ses craintes, maître du désertet de sa propre route.

Toutefois, cette magie imitatricen'empêche pas l'artisan de se montrerréaliste, voire trivial. Ainsi les deuxnattières Aïcha et Lâila, qui trem¬blaient de froid sur une natte devant

leur tente par un petit matin saha¬rien, réclamaient « un peu de thé brû¬lant pour leur réchauffer les os » àsept heures, « encore juste trois verresde thé avec beaucoup de sucre ! » àonze heures, « parce qu'ellesont mal dans le dos, qu'elles (Suitedoivent retrouver des forces, page 36)

JEAN GABUS, directeur du Musée d'Ethnographie deNeuchâtel (Suisse!, a exécuté, de 1942 à 1953, huitmissions de trois à six mois chacune au Sahara, dela Mauritanie au Fezzan. Ses travaux sur l'Afrique,et notamment le Sahara, font autorité. Jean Gabus afait paraître la première partie (Les Hommes et lesOutils) de son ouvrage « Au Sahara ». Editions dela Baconnière S.A., Boudry-Neuchâtel (Suisse). Lesphotographies de Jean Gabus publiées dans le présentnuméro sont pour la plupart tirées de cet ouvrage.Les deux autres parties de « Au Sahara » LesArts et les Bijoux, et Les Techniques et le Mobiliersont en préparation. Les dessins de Hans Erni sonttirés d'un autre ouvrage de Jean Gabus : « Initiationau désert », Editions Rouge S.A. Lausanne.

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SAHARA (suae)

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Le Courrier. N' 8-9. 1955 '

CROQUIS ET GOUACHES DE HANS ERNI

REPRODUCTION INTERDITE

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SAHARA

(suite) Les poésies brûlantes des Touareg

sinon le pinceau tomberait tout seul deleurs doigts ! », puis toujours du thé,les cinq verres maures, _ cette fois-ci àquinze heures, « parce 'qu'il fait tropchaud ! ».

Mais, de leurs mains de vieilles fem¬mes, des mains fines et sèches, demi-mortes, elles tressaient aux lacets decuir sur les nattes les motifs du « rirede la jeune fille », des « ailes de latourterelles » et elles assuraient :« C'est du bonheur pour la maison ! ».

Quand, dans le campement d'OuldOumer, émir du Trarza, Meïmouna pei¬gnait sur un faro (tapis en peau demouton) des motifs symboliques desti¬nés à maintenir la

prospérité dans la mai¬son du maître, elle neparaissait nullementtransfigurée par lamagie de son art. Ellecrachait, se mouchaitavec les doigts, émet¬tait des plaisanteriesde vieux troupier etsupputait les mètres deguinée bleue, les poi¬gnées de sucre et dethé, les mesures de milqu'elle recevrait pourson ouvrage.

A Oualata, l'une desdernières initiées desdécors muraux Aïe,nous parlait longue¬ment et avec onction

du sens des figures : la« Mère des Hanches »,la « Pierre Sacrée des

Ablutions », les « Lam¬pes de Vie Eternelle ».Mais il suffisait d'un

rien, du passage d'unberger portant une ca¬lebasse de lait, desappels d'un marchandde viande pour luirappeler les réalités dela vie, pour qu'elleajoutât brusquementau milieu des ruines de

cette ville sainte quiest en train de mourir

de faim et de soif :

« Mais il y a d'abordmon ventre! Le remplirchaque jour est plusimportant que de pein¬dre des murs ! » .

Cette trivialité d'exécutante signifiel'empreinte d'une caste, crainte et mé¬prisée, l'accoutumance à un métier desemi-magicien, mais aussi le fait qu'unterme trop précis peut éveiller l'atten¬tion des esprits et attirer ses repré¬sailles. En fait, ces artisans croient à lavaleur prophylactique de leurs sym¬boles, même s'ils ne l'expliquent pas.

Les décors touareg offrent des sym¬boles qui évoluent dans le mêmedomaine que ceux des Maures. Ils sedéfendent contre le mauvaiscroient à la valeur curative et prophy¬lactique du cuivre, de la cornaline, àl'influence maléfique du fer et beau¬coup à tous ces peuples infernaux duNéant, de la Nuit, de la Dune, les KelEsouf, les Kel Ehod, les Kel Ténéré,contre lesquels ils se protègent parl'observation de certains rites, par des

amulettes et par des décors symbo¬liques.

Ils admettent tout cela, mais sans seposer trop de questions. Ce sont les réa¬lités mythiques de la vie quotidienne,les petits rappels' constants des sautesd'humeur du vent, de la terre, des ar¬bres, des objets, contre lesquels il estpossible de lutter en prenant un cer¬tain nombre de précautions aussi sim¬ples que celles de manger, boire et dor¬mir. Us nous révèlent donc à travers

leur art cet état de « symbiose avec lanature » dont nous parle Radcliffe-Brown. Leur religion, y compris sapart de magie, s'intègre à l'existence.

Un poignard de l'Adrar des Iforas

Carte indiquant les itinéraires des missions Gabus de 1942 à 1953 et faisantmention de quelques-unes des localités et tribus dont il est question dans leprésent article. Ce document (copyright) est tiré d'un livre de Jean Gabus.

résume assez bien tous les éléments

dont il faut tenir compte lors del'exécution d'une arme : l'origineétrangère du fer, la valeur magique desmatériaux, la symbolique des décors.C'est en même temps l'histoire d'unefrontière ethnique et linguistique entreles Maures et les Touareg, avec sondualisme culturel.

L'arme, une dague ou « telkenchert »fut achetée à Tin Reïden dans le

Tamesnar à un certain Targui :Babou ag Graba, de la tribu des Ibote-nanten. La lame est, une baïonnettefrançaise à coupe losangique, venduepar quelque tirailleur sénégalais duposte de Kidal.

Le manche est maure par sa formemais, en Mauritanie, on le dirait d'ins¬piration marocaine. Les décors incrus¬tés dans le bois sont issus également

d'une technique des bijoutiers maures :ces petits fils d'argent adroitement fa¬çonnés en « waou » jumelés (un U dontles extrémités s'achèvent en bouclette)

à la pointe d'une aiguille et qui per¬mettent des compositions variées dési¬gnées par le terme hassanya de« nach ». Ici, loin des centres techni¬ques traditionnels, la figure en croixest restée élémentaire. Ces incrusta¬

tions sont les unes en cuivre : « une

protection contre les blessures », les au¬tres en argent : « la bénédiction deDieu ! ».

Sur la garde, nous retrouvons lespetites appliques de cuivre habi¬tuelles protégeant contre l'influence

maléfique du fer. Ellessont gravées de mo¬tifs touareg, dans le 'style des « sourcils dudiable » décorant les

cadenas, avec en plusdeux motifs floraux

d'origine arabe. La fi¬nesse de l'exécution

indique une originemaure.

Une petite croix dansun cercle, placée seuleen avant de la gravureprincipale, défend l'ar¬me et son propriétairecontre le mauvaiscomme elle le fait sur

la garde d'une noble« takouba ».

Une arme aussi

curieuse (à cause de laforme imposée par labaïonnette), la seulede ce genre que nousconnaissons, méritaitd'être signée. Elle lefut par le forgeronHabaîa ag Mohammed.Or, ce personnage ap¬partient au groupemaure des Almoucha-

kares de Mentes et

Tillia, fixé dans le paysdepuis 1887 et actuel¬lement en voie de

« targuisation ». Pourcette raison, Habaîaconnait encore le has¬

sanya à côté du tama-chek et grave doncen caractères arabes,fier de ses origines,son nom dit à la

manière maure, un peu comme ondéploierait l'arbre généalogique de sesancêtres: Badi Habia ben Mokhammed.

Le propriétaire de l'arme voulut l'en¬noblir à son tour, et là, apparaît toutela différence entre les Maures et les

Touareg. Quand on est acompagnéd'une escorte de goumiers maures, ilsparlent en cours de route de leurs an¬cêtres, de Dieu et de leur solde ; lesTouareg composent des vers à l'inten¬tion de leur belle : « Celle aux tempesbleuies, celle aux dents blanches... Jen'ai que la nuit pour accompagner ladouleur de ton absence ! » et ils sont

prêts à faire un écart de deux centskilomètres pour aller les réciter au sondu violon. C'est donc dans l'esprit des« cours d'amour » des « carrousels de

chameaux », des courses éperdues à dosde méhari avec pour seulerécompense une echarpe par- (Suitefumée, que Babou ag Gaba page 40)

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SAHARA (suite)

OUBLIES DE DIEUEn plein cour du Sahara vivent les Touareg,tribu d'origine berbère dont le nom, donné parles Arabes, signifie « Oubliés de Dieu ».Toutefois, les Touareg s'appellent eux-mê¬mes Imshar ou nobles. Montés sur des méha¬

ris (chameaux blancs très rapides), les guer¬riers Touareg peuvent couvrir des distancesincroyables, même pendant la saison la pluschaude. Musulmanes, leurs femmes ne sontcependant pas voilées, mais les hommes lesont généralement, afin de protéger leurvisage contre le soleil et les vents du désert.La photo ci-dessus à droite montre un nobleTargui du Hoggar (Touareg est le pluriel deTargui), celle de gauche, une jeune fille dela même tribu qui porte, peinte sur le visageà l'occasion d'une fête, une croix d'Agadèsornée de triangles verts. Le triangle est unsymbole destiné à écarter le « mauvais iil ».Ci-contre, un Targui brandit un ériarme bou¬clier appelé « arar » fait d'une peau d'oryx(sorte d'antilope). Malgré son poids et sonencombrement, le Targui est très fier de sonbouclier. Il l'utilise non seulement commeune arme, mais comme « brise-vent », et lefixe à la selle de son chameau. Le bouclierest décoré d'une croix de Saint-André et designes symboliques possédant les qualitésmagiques pour éloigner les mauvais esprits.

Photos copyright (1) Jean Gabus. (2) G. Tairraz tirée del'ouvrage « Le Grand Désert », par R. Frison-Roche etG. Tairraz, Editions Arthaud, Paris. (3) Ludwig Zöhrer.

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Niger : Type de grand pendentif du Hoggar Mauritanie : pendentif de bois incrusté d'argent Mauritanie : Croix dite du Trarza

Niger : Croix d'Agadès. Tout ce qui est brillant lutte contre le mauvais iil. Ainsi, les miroirs, le verre etl'éclat des parures. (Toutes les photos de cette double page sont copyright par Jean Gabus.)

Chez les tribus du Niger, les calebasses for¬ment une partie essentielle du mobilier nomade.Elles sont décorées au fer à pyrograver (photo),ou par excision. On peut aussi les peindre.

SAHARA (suite)

dédia son poignard à une femme. Et ilfit inscrire en tifinar : « Je veux (ou

j'aime) Touantine ! ».

Ainsi, par tous ces décors d'objets,de maisons ou d'outils, nous rejoignonsles rites de tissage observés à Salé(Maroc) : « Sois aussi chaud à l'et piquant au goût ! » dit-on en fro-tant les fils de chaîne au piment rouge.« Je t'asperge dans ce monde pour quetu répondes dans l'autre ! » ajoute-t-on, en humectant les fils à l'aide dupeigne. Ce sont encore les rites desliens brûlés : « Donne au tapis la cha¬leur qui séduit ! » puis les ouverturestaillées dans les fils de chaîne avant latombée du métier : la « porte de laVierge », les « fenêtres du Paradis ! »

Sur les tapis berbères du Haouz, les« chichaoua », les tisserands exécutenten fils de laine ce que les Maures pei¬gnent sur leurs « faro » et leurs« Ghlaf » : des tentes, des peignes etdes théières, l'eau en ruisselets si¬nueux, des scorpions, des vipères et lesscolopendres.

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Mauritanie : chevalière en argent de Boutilimit

A Mederdra comme dans tout le Sahara, les

artisans expriment dans le travail des coffresleurs joies et leurs peurs qui, pour le profane,ne sont que cercles, ^triangles et courbes.

A Oualata, en Mauritanie, des potières décorent les murs au doigt à l'aide d'une couleur, faite d'unmélange de terre ocre et de gomme. Le motif placé à droite et à gauche des portes d'entrée représente,au centre, la « Pierre des Ablutions », puis autour « La Chaîne », qui symbolise la protection de lamaison et enfin quatre figures, les « Lampes de vie éternelle », c'est-à-dire des lampes à huile.

La potière kabyle trace elle aussi,sur l'englobe de ses cruches ou de sesjarres, une ligne brisée pour le serpent,des points pour les traces d'une per¬drix, des losanges pour un gâteau demiel et un damier pour symboliser la« djamaâ », assemblée des hommeslibres, la « Landsgemeinde » des mon¬tagnes du Djurdjura et des Hauts-Pla¬teaux.

Les Mozabites tissent la maison, despeignes, des ciseaux, des serpents, desscorpions, l'lil en forme de losange, lechiffre cinq, les doigts.

Nous rejoignons encore les penséeset les gestes des plus pauvres desnomades sahariens, les Nemadi, quandils cherchent à apprivoiser par desmots la barrière dangereuse des dunesvives de l'Aklé et donnent à des lieux

de mort des expressions de tendresse :« Nebket Naada » : la Dune Ronde, sonsable si doux pour la nuit, une robe degazelle ! », « Elmourich » : la Forêt !

Il n'y a guère que trois épineux etquelques touffes d'alfa ! mais ils ajou¬tent avec enthousiasme pour tantd'ombre et de miraculeuse fraîcheur :

« Nos chameaux y seront comme au

puits ! », « Hâz ould el Routh : Ungras pâturage ! » et, il faut des yeuxde chameau affamé ou de poète pourdécouvrir dans ce lieu les quelquesboursouflures hérissées du hâz sous lesable !

N'est-ce pas à des sentiments sem¬blables que nous obéissions quand, en¬fants, nous prenions possession desforêts, des rochers, des cascades, deschamps par la seule magie des mots :le Grand-Fort, les Troglodytes, laGrotte du Chat Sauvage, le Petit Pré,l'Arbre Tabou. Des promeneurs pou¬vaient passer dix fois, cent fois à tra¬vers nos propriétés, ils ne profanaientrien, ne volaient rien, puisqu'ilsn'avaient pas la clef de ces arbres, deces pierres. Ah ! s'ils avaient dit : Pe¬tit-Pré, Chat Sauvage ! ...

Quand l'eau manque, que les cha¬meaux s'écroulent sur cette route dehaute chasse des Nemadi, les femmestracent une croix tréflée sur le sable.C'est « Téréjanna », l'oiseau du Paradisqui intercédera auprès du Prophète enfaveur des chasseurs malheureux.

Et quand une potière de l'Azaouak oudans le Hoggar observe avec inquiétude

la cuisson de ses cruches et de ses mar¬

mites le travail de toute une se¬

maine ! ' s'efforce d'apaiser la viva¬cité des flammes sous des charges deballe de mil, de retenir ses savantséchafaudages de crottes de chameaupar de fines baguettes vertes, elle es¬quisse vite, elle aussi, sur le sable lesigne du « bon ».

Or, tous ces motifs, qui conserventleur sens de magie pure, d'appels, auxdieux ou aux esprits, sur le sable, sontles éléments fondamentaux des décorssahariens.

Et il semble bien que, si l'un des cri¬tères de l'art devait être l'expressiondu drame humain sous ses multiplesformes, les Sahariens nous offrent unart authentique.

De plus, nous savions par le tifinarou les caractères araoes du hassanyaque les artisans sahariens ne remplis¬saient pas seulement des surfacescuir, bois ou métal de décors géo¬métriques par pure tradition artisa¬nale, mais qu'ils en faisaient parfoisdes messages personnels. Ainsi,ce court poème et cette explo- (Suitesion d'orgueil de Khadijettou page 65)

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« Hydroponique » :

CULTURE

SANS TERREpar J. W. E. H. Sholto Douglas

(USIS)

Toutes les grandes villes pourraient produire elles-mêmes les légumes nécessaires à leur popu¬lation en adoptant la « culture sans terre » (hydroponique) science nouvelle qui permet de fairepousser des plantes en se passant totalement de terre. Non seulement les tomates, le riz, lespommes de terre, la laitue, les pois, les haricots verts et bien d'autres légumes ont été cultivés avecsuccès par cette méthode, mais le rendement ainsi obtenu est plusieurs fois supérieur à celui des procédésagricoles classiques de culture avec sol. La photo de droite montre un arboriculteur américain cultivantdes pommes dans de grands pots remplis de sable stérile auquel les éléments nutritifs sont ajoutés enquantités variables. La photo ci-dessus montre comment l'hydroponique est appliquée au Japon.

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DEPUIS l'Essai sur le principe de lapopulation publié par Malthus en1798, l'humanité a été périodi¬

quement mise en garde contre le dan¬ger de famine qui la menace, la popu¬lation du globe augmentant plus viteque la production de denrées alimen¬taires. Heureusement, cette sombreperspective ne s'est pas encore concré¬tisée. Elle appartient encore audomaine du possible, mais les immen¬ses progrès de l'agronomie et la pro¬duction accrue qui en est résultée sem¬blent avoir prévenu un tel désastre, aumoins pour le moment. Cependant, rienne serait plus insensé que de se lais¬ser aller à un optimisme béat. Il sepeut qu'il y ait, dans certaines régions,surabondance de nourriture, mais celan'empêche pas que d'autres soient enproie à la famine. Les trois quarts au

M. Sholto Douglas, agronome britannique, dirigedepuis 1946 les essais de culture sans terre entreprisà l'Institut agricole du Bengale occidental et auxcentres expérimentaux de Darjeeling et de Calcutta. Ilest le promoteur des méthodes hydroponiques em¬ployées dans le Bengale, et l'auteur d'un livre sur lemême sujet.

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

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moins de l'humanité sont sous-alimen-tés. Bref, le problème général du ravi¬taillement est toujours loin d'êtrerésolu, et il risque d'en être ainsi tantqu'on n'appliquera pas en grand desméthodes nouvelles de production dedenrées alimentaires dans les pays oùces denrées manquent le_ plus.

La culture sans terre est, parmi cesnouvelles méthodes, une de celles quisemblent appelées au plus brillant ave¬nir. Bien des gens ignorent encorequ'on peut aujourd'hui cultiver desplantes vivrières en se passant entière¬ment de terre arable. Connue égale¬ment sous le nom d'hydroponiqueterme tiré du grec et signifiant « tra¬vail de l'eau », par opposition à la géo-ponique ou agriculture qui signifie« travail de la terre » cette méthode,qui consiste à faire pousser des plantessans se servir de terre est désormais

entrée dans la pratique courante. Denombreuses installations fonctionnent

avec un grand succès en différents payset dans des conditions climatiquesextrêmement diverses. En rendant la

production de denrées alimentairesindépendante du sol, l'hydroponique

permet à des pays dont la terre n'estpas fertile de produire tout ce qu'ilfaut pour nourrir leur population.

L'hydroponique est l'art et la sciencede faire pousser des plantes sans lesupport d'un sol, en les nourrissant aumoyen de solutions chimiques. Cesplantes peuvent pousser en l'absencede toute matière organique, pourvusimplement qu'on leur fournisse arti¬ficiellement les éléments nutritifs

qu'elles puisent ordinairement dansle sol par leurs racines. Les principesfondamentaux de la culture sans terre

ne sont pas nouveaux : il y a, en effet,près d'un siècle que les chercheurs yont recours pour faire pousser dansleurs laboratoires les plantes qui ser¬vent à leurs expériences de physiologie,mais, il y a quelques années encore,personne n'avait jamais songé à lesadapter ou à les appliquer à la produc¬tion de denrées alimentaires destinées

à la consommation familiale ou à la

vente. Les expériences de culture enmilieu aqueux avaient même pour uni¬que objet de permettre aux agriculteurs'de tirer un meilleur parti de leurs ter¬res. Mais les succès étonnants de cher-

(Copyright International News Photo)

cheurs californiens qui réussirent brus¬quement à obtenir des récoltes sansemployer la moindre parcelle de terre,en faisant pousser ces plantes en pleinair dans des solutions nutritives ou surdes supports inertes imbibés de teliessolutions, donnèrent naissance à unenouvelle méthode de culture.

L'étude de la nutrition des plantesremonte à des milliers d'années, bienavant l'époque d'Aristote. L'histoireancienne relate diverses expériencesentreprises par Théophraste (372-287av. J.-C), et nous possédons plusieursécrits de Dioscoride sur la botanique etles questions connexes, qui datent dupremier siècle après Jésus-Christ.Pourtant, le premier qui ait abordé leproblème d'un point de vue scientifiqueest J. Woodward qui, vers la fin duXVir siècle, procéda en Angleterre àdes expériences sur la culture en milieuaqueux afin de déterminer si les plan¬tes se nourrissaient de l'eau ou des

particules solides du sol.

Handicapés par le man¬que de matériel, les cher¬cheurs d'autrefois ne pou-

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CULTURE SANS

TERRE (Suite) Les petits pois poussent sur le balcon

vaient faire que peu de progrès. Maisla chimie moderne, qui s'est constituéeau cours des . xvir3 et xvnr siècles,

était appelée à révolutionner la recher¬che scientifique. Les expériences de sirHumphrey Davy, inventeur de la lampede sécurité des mineurs, lui permirentde mettre au point une méthode dedécomposition chimique au moyen d'uncourant électrique. Les chimistesdécouvrirent certains constituants

encore inconnus de la matière et

purent désormais fractionner un corpscomposé en ses éléments constitutifs.En 1842, la liste de neuf éléments esti¬més essentiels à la croissance des végé¬taux avait été dressée, et les découver¬tes des savants allemands Sachs etKnop (de 1859 à 1865) aboutirent à lamise au point d'une technique deculture sans sol, en laboratoire. Onconstata qu'en diluant dans l'eau cer¬tains produits chimiques, on obtenaitune solution nutritive capable d'entre¬tenir la vie végétale, si bien que, dès1920, la préparation en laboratoire decultures sur cuves était normalisée, etles méthodes d'expérimentation bienau point.

IL n'en reste pas moins qu'en 1928 onne concevait guère la possibilitéd'obtenir des récoltes sans terre,

tant on mesurait mal l'importance desdécouvertes faites. Cette année-là,Robbins, qui travaillait à la stationexpérimentale du New Jersey, déclaraque l'horticulture dans le sable luiparaissait possible tant sur le plan desrecherches qu'à des fins commerciales.Biekart et Connors, de la même insti¬tution, devaient lui faire écho peuaprès. A l'Université d'Etat de l'Ohio,Laurie publia un compte rendu desessais de culture auxquels il venait deprocéder en serre avec du sable lavé.De nouveaux progrès marquèrent l'an¬née 1929, celle où le professeur W. F.Gericke, de l'Université de Californie,réussit à faire pousser des pieds detomate de 7 m 60 de haut. Même les

critiques les plus incrédules furentimpressionnés. Un nouveau facteurvenait soudain d'apparaître et commen¬çait à faire sentir son influence dansle monde des agriculteurs et des agro¬nomes. Une technique aussi nouvelledevait forcément susciter un très vif

intérêt. La presse américaine la saluacomme l'une des plus sensationnellesinventions du siècle, et, emportée parson enthousiasme, annonça la pro¬chaine disparition de l'agriculture. Pré¬tentions extravagantes que rien, àl'époque, ne pouvait justifier. Heureu¬sement, des chercheurs compétents etdiverses institutions scientifiques conti¬nuèrent d'accorder à l'hydroponiqueune très grande attention.

C'est grâce à la guerre de 1939-1945que l'hydroponique se répandit dansde nombreux pays et'que les agronomesdu monde entier commencèrent à aper¬cevoir les immenses possibilités de laculture sans terre. En 1946, la station

expérimentale du gouvernement duBengale, à Kalimpong (Inde), entrepritde rechercher une technique simple etpratique, susceptible .d'être couram¬ment utilisée. En 1948, elle put annon-cer la mise au point du système ben¬gali d'hydroponique, qui apportait desmodifications notables à tous les sys¬tèmes antérieurs.

Aujourd'hui, l'hydroponique estreconnue comme une branche de

l'agronomie. Ses progrès ont été rapi¬des, et les résultats obtenus depuis cinqans dans divers pays au Bengale etailleurs ont prouvé sa valeur prati¬que et les avantages très nets qu'elleprésente sur la culture normale enpleine terre. Ses deux mérites princi¬paux sont qu'elle donne des rendementsbien supérieurs à ceux de l'agricultureet qu'elle peut se pratiquer en des lieuxoù l'agriculture et l'horticulture ordi¬naires sont impossibles. Ce n'est passeulement une entreprise rentable ; ellepermet aussi aux habitants des villespopuleuses de faire pousser des légu¬mes verts sur leurs appuis de fenêtresou sur le toit de leurs maisons. Les

citadins et les habitants des citésouvrières disposent souvent de balcons,de cours et de trottoirs dont ils ne peu¬vent guère tirer parti. Grâce à l'hydro¬ponique, tous ces recoins peuvent êtreaménagés de façon à produire réguliè¬rement quantité de légumes verts. Les'toits d'usines et les routes désaffectéessont utilisables de la même façon.

La culture sans terre peut être avan¬tageuse, non seulement pour les habi¬tants des villes, mais aussi pour ceuxdes campagnes. Les déserts, les éten¬dues rocheuses et caillouteuses des

montagnes, les régions stériles peuventdevenir productives à peu de frais. Hn'est pas exagéré de dire que, pour letravailleur qui ne possède pas de terre,l'invention de l'hydroponique pourraitavoir des conséquences aussi impor¬tantes que l'abolition de l'esclavage eneut pour les esclaves.

Les produits chimi¬

ques donnent un

meilleur goût.

MAIS ce ne sont pas là les seulsavantages des méthodes nouvel¬les : les plantes cultivées par l'hy¬

droponique poussent plus rapidement,échappent, dans une très large mesure,aux maladies du sol, et donnent trèsrégulièrement des produits d'excellentequalité. En outre, la superficie descultures est très réduite et les mauvai¬

ses herbes pratiquement inconnues ; lanormalisation des méthodes et l'emploide dispositifs automatiques permettentde réduire la main-d' et les prixde revient, et suppriment les travauxmanuels pénibles. Comme de nombreu¬ses plantes peuvent ainsi être cultivéeshors de saison, il en résulte naturelle¬ment une régularisation des récoltes ;de plus, la saleté et les mauvaisesodeurs sont éliminées. Comme les bacssont drainés, il n'y a plus d'eaux sta¬gnantes. D'autre part, l'hydroponiquene modifie nullement le goût des pro¬duits récoltés ; on peut même dire que

les produits cultivés sans terre sontplus savoureux que ceux de l'agricul¬ture ordinaire. Rien d'autre ne diffé¬

rencie, de ce point de vue, la plantenourrie de produits chimiques de cellequi a poussé naturellement, et les ana¬lyses n'ont pu déceler entre ellesaucune différence quant à leur teneuren vitamines. Des produits spéciauxayant une valeur alimentaire particu¬lière par exemple, des tomates àforte teneur en calcium et destinées àl'alimentation des jeunes enfantspeuvent ainsi être obtenus à volonté.

L'ESSOR de la culture sans terre date

du moment où cette méthode,ayant dépassé le stade du labora¬

toire, a été adoptée par des servicesgouvernementaux et des sociétés com¬merciales. La première grande instal¬lation fut celle de la compagnie Pan-American Airways, qui aménagea unhydroponicum au milieu du Pacifique,sur l'île lointaine et désolée de Wake,afin d'approvisionner régulièrementen légumes verts les passagers et leséquipages de ses avions. En 1945, leministère de l'Air britannique entre¬prit des travaux préparatoires deculture sans terre à la base aérienne de

Habbaniyah, dans le désert d'Irak,ainsi que dans l'île aride de Bahrein(golfe Persique), où se trouvent d'im¬portants champs pétrolifères. Jus¬qu'alors, Habbaniyah, importanteescale des lignes de communicationalliées pendant la guerre, devait fairevenir par avion, de Palestine, tous leslégumes nécessaires à la garnison.

L'armée américaine possède un ser¬vice spécial d'hydroponique. Certainesde ces installations dont l'exploita¬tion a le mieux réussi sont . celles desbases militaires, notamment celles dela Guyane britannique, d'Iwoshima etde l'île de l'Ascension. Le commande¬

ment des troupes américaines au Japona commencé avec seize installations dedeux hectares consacrées à la culturemaraîchère ; certaines sociétés pétro¬lières dont les puits sont situés dansdiverses îles arides ou isolées desAntilles (notamment Aruba et Curaçao,au large des côtes du Venezuela) onttrouvé dans la culture sans terre un

moyen très précieux d'assurer de façonrégulière le ravitaillement de leur per¬sonnel en légumes verts. Sur le terri¬toire même des Etats-Unis s'étendentde vastes hydropanicums commerciaux,notamment dans l'Illinois, l'Ohio, laCalifornie, l'Indiana et la Floride. LesNew Yorkais s'adonnent de plus en plusau jardinage sur les gratte-ciel. EnU.R.S.S., en France, au Canada, enUnion Sud-Africaine, en Allemagne, etdans d'autres pays, l'hydroponiqueretient l'attention des agronomes. Lesfleuristes anglais qui cultivent leslets ont en partie abandonné la cultureen pleine terre pour la culture sans sol.Des expériences ont même .montré que les pieds poussant Su;tesur lits de gravier donnaient page 46

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UNE DES PLUS

VASTES SERRES

DU MONDE

Les hydroponicums (établissements où est pratiquée la culture sans terre) sont capables de produire desmillions de tonnes de denrées alimentaires. D'immenses territoires pourraient ainsi devenir productifs, etil serait même possible d'obtenir des récoltes dans les régions arides telles que le Sahara, les déserts d'Arabieou d'Asie centrale, les montagnes rocheuses du Japon et les territoires incultes d'Australie, du Canada et dePatagonie. La photo de gauche montre la « ferme hydroponique » de Tokio, où des légumes sont cultivés dansune immense serre de deux hectares, une des plus vastes du monde. Celle de droite représente un agronomeaméricain expérimentant la culture sans terre du soja à Beltsville, dans l'Etat de Maryland. (Photos USIS.)

L A I T U ES

ET TOMATES

SUR GRAVIER

C'est aux U.S.A. qu'est née et s'est développée plus que dans aucun autre pays la culture sans terre. Parmi lesdifférents procédés utilisés, beaucoup sont inaccessibles au grand public, mais quand le matériel nécessaireest abordable les résultats s'avèrent excellents. Ainsi, une grande partie de la récolte de tomates de Californieest obtenue par la culture sans terre. L'armée et l'aviation américaines utilisent cette méthode outre-mer pourprocurer des légumes frais à leur personnel. La photo de gauche montre des tomates cultivées à Hawaï etqu'examine un aviateur; celle de droite représente des travailleurs agricoles japonais faisant pousser dessalades à la «ferme hydroponique » de l'armée américaine à Iwojima, dans le Pacifique. (Photos USIS.)

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CULTURE

SANS TERRE(Suite)

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en moyenne 10,5 fleurs contre 8,9 pourles pieds cultivés en pleine terre et quel'hydroponique abaissait le prix de re¬vient de 28 %.

Il n'est pas sans intérêt de noter quel'hydroponique se pratique depuisdes siècles, sous une forme pri¬

mitive, au Cachemire. Les visiteurs quiont parcouru ce pays ont pu observer,flottant sur les lacs qui abondent danscette région, de légers radeaux debranchages recouverts de végétauxpourris, sur lesquels les paysans fontpousser diverses plantes : trouvant làen abondance eau et substances nutri¬

tives, ces plantations sont très produc¬tives. Une société commerciale s'estconstituée pour introduire la culturesans terre aux îles Bahama, tandis queles méthodes simplifiées mises au pointau Bengale se répandent rapidementdans l'Asie du Sud, les régions limitro¬phes, l'Afrique orientale et l'Afrique duSud. L'Australie et la Nouvelle-Zélande

portent également un grand intérêt àces techniques nouvelles. En Inde, ontrouve dans les grandes villes des mil¬liers d'hydroponicums qui produisentdes légumes pour une nombreuse popu¬lation.

Personne n'a jamais prétendu quel'hydroponique dût remplacer l'agricul¬ture, mais il est certain qu'on pourraità peu de frais et sans grandes difficul¬tés faire fructifier les terres incultes,les roches, voire les toits et les balconsdes maisons, en fait tout emplacementsuffisamment ensoleillé où l'eau ne

manque pas. Dans les régions relative¬ment froides, les planches pourrontêtre protégées au moyen de cloches enmatière plastique et chauffées artifi¬ciellement pendant l'hiver. Partout oùl'eau est rare, plutôt que de la gaspillercomme on le fait en employant lesméthodes ordinaires d'irrigation quien laissent perdre plus de la moitié parevaporation on en tirera un bienmeilleur parti en la dirigeant sur leshydroponicums. L'hydroponique permetde multiplier les cultures dérobées etde semer bien plus serré qu'avec lesméthodes ordinaires d'horticulture, sibien que certains rendements sontextraordinaires. Il n'est plus nécessaire

DES BACS DE CIMENT remplisde gravier servent de « champmodèle » où l'on plante les semen¬ces. Cette photo a été prise auxinstallations hydroponiques améri¬caines de Chofu. au Japon. (USIS.)

GEOPONIQUE CONTRE HYDROPONIQUE

Ce tableau indique quelques rendements atteints par l'hydroponique avec, en regard, ceuxqu'on obtient par les méthodes classiques de culture en pleine terre (appelées " géoponique ").Bien d'autres plantes sont cultivées avec succès dans les installations hydroponiques : pois, fèves,oignons, choux, avoine, soja, concombres, aubergines, courges ou courgettes, blé, navets, carottes,lin, sorgho, millet, haricots noirs, pois chiches, radis, haricots d'Espagne, piments ou poivrons,luffas, coloquintes, trichosanthe, citrouilles, pyrèthre, canne à sucre.

Produits Meilleur rendement en agriculture Rendement hydroponique

Tomates

Riz

5.4 kg par pied (Etats-Unis)

5 kg par pied (Royaume-Uni)

4.5 par pied (Inde)

Moyenne à l'hectare : de 12,5 à 125 tonnes1.010 kg à l'hectare (Inde)3.360 kg à l'hectare (Italie, Japon)

Pommes déterre 74 tonnes à l'hectare (Californie)

30-37 tonnes à l'hectare (Royaume-Uni) ;22 tonnes à l'hectare (Bengale)

Maïs 2.230 kg de grain à l'hectare (Bengale duNord)

Laitues 10 tonnes à l'hectare (Bengale du Nord)

Betteraves 10 tonnes à l'hectare (Bengale du Nord ;secteurs expérimentaux de Calcutta)

Haricots verts 103 kg par planche de 100 m' (variéténaine, Canadian Wonder, Bengale duNord)

Choux-fleurs De 11,2 à 17 tonnes à l'hectare (Bengale)

Trèfle Jaune De 5,6 à 8,9 tonnes à l'hectare (Bengale)

12,5 kg par pied (variété Sutton's Majestic,Université de Californie)

7,5 kg par pied (variété Stonor's M. P.,Jealott's Hill Research Station, Grande-Bretagne)

10,3 kg par pied (variété Best of All,Hydroponlc Research, Inde)Moyenne à l'hectare : de 375 à 500 tonnes5.600 kg à l'hectare (semé à la volée)10 tonnes à l'hectare (transplanté, Ben¬gale-occidental)

160 tonnes à l'hectare (Dr W. F. Gericke,Californie)

175 tonnes à l'hectare (Station agricolede Kalimpong, Inde)

6.700 kg de grain à l'hectare (Bengale)

24 tonnes à l'hectare (Hydroponlc Re¬search, Inde)

22,5 tonnes à l'hectare (Secteurs expéri¬mentaux de Calcutta)

285 kg par planche de 100 m1 (variéténaine, Canadian Wonder, HydroponicResearch, Inde)

36 tonnes à l'hectare (Bengale)

21 ,3 tonnes à l'hectare (Bengale)

UNE « USINE »

DE CÉLERI à Monte-bello, Californie. Le

céleri pousse dans lesable, nourri par unesolution chimique.Comme dans plu¬sieurs autres Etats des

U.S.A., il s'agit d'un« hydroponicum »commercial. (USIS.)

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de pratiquer l'assolement, et le citadinpeut récolter chez lui tel ou tel légumetout au long de l'année. La ménagèrepeut utiliser toutes sortes de vieux ré¬cipients pour y faire pousser' très rapi¬dement ce dont elle a besoin.

Le Courrier. N° 8-9. 1955

Un comité de recherche du gouver¬nement américain a inscrit laculture sans terre au nombre des

dix techniques dont le développementrevêt le plus d'importance. C'est unfait qu'en permettant aux pays surpeu¬plés qui manquent de terres cultivablesd'accroître dans d'énormes proportionsleur production de denrées alimentaires,l'hydroponique peut, à brève échéance,devenir génératrice de profondes trans¬formations sociales. La population del'Inde, par exemple, augmente de cinqmillions d'unités par an, si bien qu'en1990, le territoire de l'Union indiennecomptera plus de cinq cents millionsd'êtres humains. Il est évidemment im¬

possible d'accroître dans la même me¬sure la superficie des terres cultivées,et la seule façon d'éviter qu'une autrefamine ne dévaste le pays d'ici unegénération est de donner à chaque fa¬mille qui ne possède pas de terre lapossibilité de produire elle-même, à do- .micile, au moyen d'un hydroponicum,les légumes dont elle a besoin. L'acti¬vité déployée par les institutions de re¬cherche du pays et les campagnes pu¬blicitaires qu'elles ont organiséesconstituent un premier pas dans cettedirection. Le Japon surpeuplé fait faceà des problèmes aussi graves : les troisquarts de ce pays sont en effet monta¬gneux et impropres à l'agricultureclassique. Aussi l'hydroponique présen-te-t-elle pour les Japonais un immenseintérêt. L'application en grand destechniques de culture sans terre enAfrique du Nord permettrait la mise envaleur du Sahara, et les rivages méri¬dionaux de la Méditerranée retrouve¬

raient ainsi la prospérité qu'ils ontconnue à l'époque romaine. En Austra¬lie, la mise en valeur du désert central,grâce à l'hydroponique, ouvrirait despossibilités presque illimitées.

Copyrighc STEP-Jean Gugliemi

JAMAIS DE PLUIE MAIS

DES TROMBES D'EAUContrairement à l'opinion généralement répandue, l'eau n'est pas totalement inconnuedans les grands déserts du monde. Mais quand elle tombe, c'est souvent sous la forme debrefs et torrentiels orages. Aucun cours d'eau permanent ne peut exister dans le désertcar les pluies y sont trop irrégulières. (Les fleuves tels que le Nil, qui coulent à travers ledésert, prennent leur source en dehors de la zone désertique). Ça et là, cependant, aumilieu des étendues les plus désolées fleurissent quelques oasis verdoyantes dues géné¬ralement à l'apparition à la surface d'eaux souterraines. La photo ci-dessus a été prise dansune oasis algérienne inondée à la suite d'un orage. Un autre aspect du désert est fourn-par la photo ci-dessous, qui montre dans une oasis l'antique cité syrienne de Palmyre,avec ses palmeraies. Derrière les enclos, les jeunes palmiers sont protégés des vents.

Photo O. M. S.

On croit que l'hydroponique est unetechnique complexe et coûteuse.Rien n'est plus faux tout au

moins si l'on applique les nouvellesméthodes simplifiées mises au pointau Bengale. On peut, en effet, produiredes récoltes à très peu de frais. Dansles pays pauvres, comme l'Inde, raressont ceux qui ont les moyens d'acheterun matériel coûteux. Les promoteurs dela méthode bengali d'hydroponique ontpour devise : « Installation peu coû¬teuse, entretien simple, fonctionnementéconomique. » Applicable, à quelquesvariantes près, dans n'importe quellerégion, elle a donné de bons résultatsdans de nombreux pays. D'ailleurs, lesrecherches se poursuivent et permet-'tront sans doute d'y apporter encoredes perfectionnements.

L'article ci-dessus est une version abrégée d'unelongue étude sur la culture sans terre, publiée sous lasignature de M. Sholto Douglas par la revue scienti¬fique trimestrielle de ¡'Unesco « Impact, Science etSociété » (Vol. VI, n" 1, mars 1955). « Impact » esfvendu au numéro par les agents généraux de l'Unesco(voir liste page 64) au prix de 125 francs ; S 0.50 ;2/6. Le prix de l'abonnement annuel est de 450 francs ;S 7.75; 9/6.

2** ^^3è^

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Equationà trois

inconnues

PLUIE

EAU

SOLEIL

par H.I.S. Thirlaway

Le voyageur qui, parti de Karachi, sur la côte méridionaledu Pakistan occidental, se dirige vers Lahore, dans lePendjab, ou parcourt le plateau du Baloutchistan, est

frappé par l'immensité des terres stériles qui s'étendent,monotones, à perte de vue. Les seules oasis dans ce désertsont les bandes de terres irriguées et cultivées le long descours d'eau ou des canaux et quelques vergers isolés, arroséspar des eaux souterraines ou par des « kare2;es » cescanaux souterrains qu'alimentent de maigres réservoirs creu¬sés au flanc des collines dénudées, à des kilomètres de dis¬tance. Mais les nombreux cultivateurs qui ne disposent nid'une source ni d'un réservoir labourent leur terre, l'engrais¬sent comme ils peuvent, puis attendent de la Providencequ'elle leur envoie la pluie.

Les terres arides et semi-arides du Pakistan occidental

couvrent près de 650.000 km2, dans le Baloutchistan, le Sindet la majeure portion du Pendjab. Les précipitationsannuelles ne dépassent pas 12 cm en moyenne au Balout¬chistan, et 25 cm ailleurs, sauf dans l'extrême nord du paysoù elles atteignent près de 1 m 25.

Pour mettre en valeur les terres arides du Pakistan i et

d'ailleurs i il faut procéder à des recherches scientifiques eten appliquer les conclusions. Parmi les problèmes à étudier,on peut citer les suivants : Comment augmenter la pluvio¬sité ? Ou tirer davantage d'eau du sous-sol ? Commentconserver l'eau disponible et l'utiliser de façon économiquepour la culture ? Comment tirer parti des énormes quantitésd'énergie solaire que reçoivent ces terres ?

Le Service météorologique national participe directementà certaines entreprises qui visent à accroître la productivitéde la région aride du Pakistan occidental. Le météorologuepeut coopérer utilement aux recherches dans des domainesen dehors de sa compétence propre, mais deux problèmes aumoins l'intéressent directement : celui de la pluie artificielleet celui de l'utilisation de l'énergie solaire.

Le Service météorologique du Pakistan a créé à Quetta,avec l'aide technique de l'Unesco, un observatoire de géo¬physique qui est équipé pour des recherches sur la produc¬tion de la pluie artificielle, sur les besoins en eau des plantesdésertiques, sur l'exploitation de l'énergie solaire, et aussi surl'hydrologie de la zone aride, notamment sur les eaux sou¬terraines.

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LES BERGERS

GUIDENT

LES EXPERTS

Mesurer les dimensions d'une goutte de pluie, la propa¬gation d'une onde de choc, l'écoulement de l'eau,

l'énergie solaire ces activités semblent n'avoir guèrede rapports entre elles. Pourtant, à l'Observatoire de

géophysique de Quetta, au Pakistan, un groupe d'expertsde l'Unesco travaille à réunir ces données apparemment

' disparates pour trouver la solution du problème passion¬nant que la nature pose à l'humanité dans les régions

aujourd'hui arides et pauvres en énergie. Leurs recher¬

ches portent par exemple sur la construction d'un bon

prototype de four solaire domestique (photo de gauche),ou sur la mesure de la quantité d'eau nécessaire aux

plantes (photo du milieu). Pour certaines expériencesde géophysique, les bergers de la région (photo dedroite) sont des guides Irremplaçables, et rendent de

grands services dans la prospection des ressources

naturelles. (Photos Schwab, Unesco et Karl Wienart)

Le Service météorologique' se proposait de rechercher s'ilest possible d'augmenter artificiellement la pluviosité dansles régions arides et, dans l'affirmative, si une aussi vasteentreprise serait rentable à long terme.

M. Fournier d'Albe, expert français de l'Unesco depuis prèsde trois ans, coopère avec le Service à l'étude méthodique dece problème. Il a commencé par faire prendre régulièrement,deux fois par semaine, des échantillons d'atmosphère au rasdu sol : à Karachi, Hyderabad, Lahore, Peshavar et Quetta.Ces échantillons furent analysés à l'Observatoire de géophy¬sique de Quetta en vue de déterminer la concentration natu¬relle des particules hygroscopiques dans l'atmosphère duPakistan occidental.

L'homme ne peut espérer influer que sur un seul des fac¬teurs dont dépend la formation des nuages et la pluie. Iln'est pas en son pouvoir de modifier les dimensions d'unnuage ou d'en accroître la teneur en eau ; mais seulementd'augmenter le calibre des gouttes en suspension dans lenuage, lorsque ces gouttes sont trop petites pour tomber sousforme de pluie. On y parvient en « chargeant » le nuage departicules hygroscopiques. Celles-ci forment des gouttes dequatre centièmes de millimètres de diamètre environ qui,absorbant les gouttelettes minuscules en suspension dans lenuage, finissent par devenir assez grosses (un millimètre dediamètre environ) pour tomber en pluie. C'est le principe de« l'ensemencement » des nuages au moyen de particuleshygroscopiques.

Le sel ordinaire : extraordinaire

Encore faut-il déterminer si le nuage manque effective¬ment de particules hygroscopiques de dimensions suffi¬santes. M. Fournier d'Albe, après avoir analysé la teneur

en particules hygroscopiques de l'atmosphère du Pakistanoccidental, a conclu qu'il serait vain d'essayer d'augmenterla pluviosité dans le Sind (province méridionale du Pakistanoccidental), où les noyaux hygroscopiques ne sont que tropabondants et où le manque de pluviosité est dû à la faibleépaisseur de la couche de nuages. Mais il n'en va pas demême dans le Pendjab central et septentrional : là, lesnoyaux hygroscopiques sont insuffisants, et il existe des for

mations de nuages cumuliformes, qui absorbent facilementles substances employées pour provoquer la formation degrosses gouttes.

Deux expériences furent effectuées : l'une à Mardan enjuillet 1953, l'autre dans le Pendjab central pendant la mous¬son de 1954. Les expériences de Mardan ont montré qu'onn'obtient aucun résultat en pulvérisant des solutions de selsur le sol, mais que la méthode qui consiste à ensemencerl'atmosphère à partir du sol au moyen de la substancehygroscopique la plus commune le sel ordinaire -pré¬sente une certaine efficacité. M. Fournier d'Albe et l'équipe dejeunes savants pakistanais qui travaillent sous ses ordres àQuetta ont mis au point une nouvelle méthode qui permetd'ensemencer directement l'atmosphère au moyen de parti¬cules de sel de la grosseur voulue.

Un milliard de particules par seconde

Des calculs précis ont montré que, pour atteindre la basedu nuage, une particule de sel lancée du sol doit peserentre un millième et un centième de microgramme. Il

faut donc, pour obtenir un effet quelconque, réduire les grainsde sel à ces dimensions. En outre, le sel étant hygroscopique,il faut le garder au sec pendant toute la durée de la prépara-ration, jusqu'au moment où il est lancé dans l'atmosphère.C'est pourquoi le broyage du sel fut effectué à Quetta, oùl'humidité de l'atmosphère est très faible à l'époque où eutlieu l'opération. Les moulins à sel ordinaires employés auPakistan convenaient à merveille pour réduire les blocs à desparticules de la grosseur voulue. Le sel moulu fut placé dansdes bidons que l'on boucha hermétiquement.

La technique d'ensemencement mise au point est écono¬mique, efficace et n'exige qu'un matériel de fortune. Le dis¬positif adopté se révéla tout à fait satisfaisant. A l'aide d'unsoufflet de modèle courant auquel est fixé un tamis métal¬lique portant des charbons ardents, on introduit de l'airchaud à haute pression dans le bidon contenant les parti¬cules de ssl. L'air chaud sort du bidon par untuyau d'échappement entraînant les particulesde sel auxquelles il imprime une forme ascen¬sionnelle suffisante pour qu'elles ne soient pas

s paru-

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A 10 ans l'arbre fruitier répondra à la question

EQUATION(suite)

emportées par les tourbillons d'air auras du sol. Les essais ont montré que,grâce à cette méthode, le contenud'un bidon de particules de sel peutêtre projeté dans l'atmosphère en

moins de trois quarts d'heure, ce qui représente, mathéma¬tiquement parlant, la projection de près de mille millions departicules par seconde. Le dispositif complet revient à 75 rou¬pies pakistanaises, soit 8.000 francs environ.

Deux appareils installés, l'un sur le toit de l'Office météo¬rologique de Lahore, l'autre, sur celui de l'école secondaire deJauharabad, dans la région du Thal (à quelque 300 km àl'ouest-nord-ouest de Lahore), ont fonctionné de l'aube aucoucher du soleil, les jours de vent d'est, soit au total pen¬dant 39 jours au cours des deux mois que durèrent les essais.

' La station de Lahore était dirigée par M. A.M.A. Lateef, cellede Jauharabad par M. S. I. Rasool deux jeunes savantsenthousiastes qui avaient travaillé sous les ordres deM. Fournier d'Albe depuis le début de sa mission au Pakistan.

L'augmentation de la pluviosité dans les régions ensemen¬cées permet de croire à l'efficacité de cette méthode. Les sta¬tistiques montrent que la pluviosité dans les régions ense¬mencées a été nettement supérieure à la moyenne des qua¬rante dernières années, dans ces régions et dans les régionsvoisines. L'expérience entière n'a pas coûté plus de5.000 roupies pakistanaises, y compris les traitements du per¬sonnel et les achats de matériel et de fournitures. Cetteméthode ne dépasse donc pas les possibilités locales. De nou¬veaux essais sont prévus en 1955, à la même saison, pourconfirmer les résultats de 1954. On espère ainsi pouvoirmettre au point un programme régulier de production depluie artificielle pour les régions arides du Pendjab.

La profondeur se calcule au chronomètre

La longue vallée qui va de Nastung, dans l'Etat de Kalat,à une cinquantaine de kilomètres plus au sud, comprendune succession de vergers verdoyants séparés par des

espaces stériles. Les vergers autour de Mästung sont arroséspar des sources souterraines profondes ; les champs plus ausud, sont à la merci d'une période de sécheresse.

Au début de février 1955, le service sismologique de l'Obser¬vatoire, sous la direction de M. H.I.S. Thirlaway, expert del'Unesco, s'est transporté avec ses instruments dans cettevallée pour déterminer, avec la coopération de la GeologicalSurvey of Pakistan, l'épaisseur des couches de gravieraquifère.

Cette haute vallée typique, large d'une dizaine de kilomè¬tres, avait été choisie pour servir à cette expérience sur lasuggestion de M. Chleq, de l'Administration dé l'assistancetechnique des Nations Unies, qui dirigeait une entreprise-pilote dans la même région. Les travaux ont été financés parles autorités du Baloutchistan.

L'équipe de l'Observatoire, dirigée par M. MoiduddinAhmed, et celle de la Geological Survey, conduite parM. Mannan Khan, ont travaillé en coopération, sous l'auto¬rité de M. Thirlaway et de M. Chleq, pour explorer ce qui estla ressource la plus précieuse du Pakistan : l'eau.

La méthode employée courante en sismologie estcelle de la réfraction des ondes de choc. On enregistre à unestation centrale, au moyen d'appareils de détection spéciauxplacés à 30 cm de profondeur, les temps de propagation desondes provoquées par une série d'explosions se produisant àdes distances comprises entre 90 m et 1,5 km eviron. Lesondes se propagent à une profondeur qui augmente avec ladistance. Ainsi, lorsque l'explosion a lieu à 300 m, les ondes sepropagent à une quinzaine de mètres de profondeur.

Le temps de propagation varie suivant la nature du sous-sol ; il peut être mesuré en millièmes de seconde, l'explosionétant enregistrée par la rupture d'un fil électrique enrouléautour de la charge de dynamite. La profondeur de la coucheaquifère est calculée d'après les temps de propagation.

Entre 300 et 1.500 mètres de distance, les ondes enregistréesavaient été transmises par une couche rocheuse, située à uneprofondeur de 120 à 180 mètres. La nature du terrain sembleindiquer que cette couche profonde constitue le socle de lavallée ; sur ce socle repose la couche de gravier aquifère quel'on peut exploiter au moyen de puits tubulaires.

Pendant près de quatre semaines, tous les jours, de l'aubeau crépuscule, des explosions ébranlèrent à intervalles régu¬liers le silence séculaire de la vallée. C'était l'hiver, et quel¬ques habitants seulement étaient restés dans les maisons de

torchis groupées sur les bords de la vallée, où des sourcesd'eau potable jaillissent des roches calcaires. Le reste de lapopulation, trop pauvre pour s'acheter des vêtements chauds,avait émigré vers les plaines au climat plus doux. Ceux quirestaient labouraient des champs desséchés, dans l'espoirque les pluies saisonnières de février et de mars feraient ger¬mer la récolte.

Lorsque des puits tubulaires auront été installés pour pom¬per les eaux souterraines dont la présence a été décelée, ildeviendra possible d'irriguer la vallée ; la population s'ac¬croîtra et, pour la première fois, disposera de ressources suf- ,Asantes pour s'habiller chaudement et se chauffer, ce quirendra inutiles les migrations annuelles.

Chaque soir, au coucher du soleil, après avoir fait leursobservations, les sismologues rangeaient leur matériel, allu¬maient leurs lampes et s'installaient sous la tente devant unecollation bien méritée. On n'entendait plus que le bourdon¬nement des groupes générateurs portatifs qui rechargeaientles batteries pour les « sondages » du lendemain.

330 jours de soleil par an

Quatre semaines de recherches, sur toute la longueur dela vallée, ont permis de dessiner avec précision le pro¬fil de la couche souterraine et de déterminer les empla¬

cements des puits tubulaires de façon à obtenir le meilleurrendement. Les sismologues et leurs explosifs ont cédé laplace aux foreurs et à leurs machines. ''

Lorsqu'on a trouvé de l'eau, et installé le dispositif d'irri¬gation, il semblerait que la tâche des savants et des ingé¬nieurs soit finie : il n'y a plus qu'à faire pousser les plantes.Mais, partout dans le monde, dans les régions irriguées, on atendance à gaspiller l'eau. Une matière si précieuse doitêtre économisée jalousement.

Combien faut-il d'eau à un arbre fruitier ? C'est au savant

de répondre. L'Observatoire de Quetta possède cent arbresfruitiers de vingt espèces différentes, soit cinq variétés parespèce. On mesure les quantités d'eau fournies à chaquearbre : certains en reçoivent en abondance, d'autres trèspeu. Chaque jour, on mesure et on compare la pousse etl'état général des arbres. Ceux-ci ont maintenant trois ans.Lorsqu'ils en auront dix, on pourra répondre avec précisionà la question : « Combien faut-il d'eau à un arbre fruitier ? »Ainsi, on pourra ménager et utiliser de façon plus ration¬nelle et plus économique les ressources en eau.

Avant la création de l'Observatoire de géophysique deQuetta, on n'avait jamais mesuré régulièrement au Pakistanla quantité d'énergie que représente le rayonnement solaireà la surface de la terre. La section de physique atmosphé¬rique, créée à Quetta par M. Fournier d'Albe et ses assistantspakistanais, a entrepris de mesurer cette énergie, à l'aide decompteurs normaux. Les observations, commencées en octo¬bre 1952, se poursuivent encore. Elles ont déjà fourni desdonnées d'une valeur incomparable, la moyenne des joursensoleillés étant à Quetta de 330 par an. M. Shafi Ahmed, quis'est spécialisé dans ce domaine, a fait une première analysede ces données. Celles-ci représentent une documentation debase indispensable pour toute tentative sérieuse d'exploiterl'énergie solaire.

On construit son four comme sa maison

MA.M.A. Lateef a mis au point un prototype de foursolaire, à la fois économique et facile à fabriquer.C'est un paraboloide d'argile (on trouve de l'argile

molle au pied des collines qui entourent Quetta) qui est placédans une caisse en bois, revêtue de plaques de fer-blanc poli.Les aliments sont suspendus ou attachés à une barre, defaçon à se trouver au foyer du paraboloide. Ce prototype,légèrement modifié pour répondre aux besoins locaux, seraessayé au cours de l'été. Il existe déjà de bons fours solaires,mais ils coûtent trop cher. Le but est d'arriver à ce que cha¬cun sache fabriquer son four, comme il sait construire samaison.

M. H.I.S. Thirlaway, séismologiste britannique, est membre du Département de Géo¬logie de l'Université de Sydney. Depuis 1951, il travaille au Pakistan avec une équipede savants de l'Unesco qui coopère avec les autorités pakistanaises à la mise envaleur des ressources naturelles du pays, tant au-dessus qu'au-dessous du sol. M. Thir¬laway a pris une grande part à la création de l'Observatoire de Géophysique deQuetta.

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

Une fusée est projetée dans les airs afin d'obtenir la dislocationd'un tourbillon de grêle, l'obligeant à tomber en pluie avantqu'il ne provoque de dégâts. Le schéma indique le processusde l'opération qui tend à la formation, en partant de l'iodured'argent, de myriades de cristaux qui congèlent par leur contactles gouttelettes d'eau en surfusion dans les nuages. (Docu¬ments Centre national de Défense contre la Grêle, Paris).

Un rêve millénaire...

PLUIE

SUR

MESURE

.

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PLUIE SUR

MESURE

(Photo General Electric Co., U.S.A.)

Des expériences sont en cours depuis plusieursannées dans différentes parties du monde pour étu¬

dier la possibilité de provoquer artificiellement deschutes de pluie. Les appareils les plus modernes sont

employés à cet effet, comme le radar (à droite) quipermet d'observer la présence de pluie dans les

nuages ensemencés. Des avions sont transformés en

laboratoires-volants et leur nez (ci-dessus) est

équipé pour mesurer les conditions atmosphériques

au cours des expériences d'ensemencement. La photod'extrême-droite donne une vue d'un cumulus

ensemencé avec de la neige carbonique 13 minutes

après l'opération : le nuage est monté.en flèche de

plus de 1.600 mètres et la pluie tombe de sa base.

En dépit de nombreuses expériences, dont certaines furentspectaculaires, aucune méthode dont l'application per¬mettrait à coup sûr de provoquer de la pluie n'a été

mise au point. Les périodes de sécheresse demeurent iné¬vitables et les zones arides sont toujours arides. Cela veutdire qu'il n'existe présentement aucune méthode dont l'em¬ploi serait, de façon absolument certaine, couronné de suc¬cès. Et, cependant, de nombreuses expériences sont encou¬rageantes. L'Organisation Météorologique Mondiale, dont lesiège est à Genève et qui est l'une des institutions spéciali¬sées des Nations Unies, a estimé les résultats « nonconcluants » ; mais, dans un rapport préliminaire, publié en1953, elle a préconisé « d'entreprendre, dans toutes les régionsoù il existe une possibilité de succès, des expériences nou¬velles, scientifiquement préparées et rigoureusement contrô¬lées ».

Il est bien établi qu'il existe des limites au-delà desquellestout espoir de provoquer de la pluie serait vain. Avant tout,il faut qu'il y ait des nuages, et il n'est pas du pouvoir del'homme d'en fabriquer. Il existe, d'ailleurs, de nombreuxtypes de nuages peu épais et brumeux qui ne peuvent mani¬festement pas donner de pluie, naturellement ou artificielle¬ment. De tels nuages ou encore un ciel clair et brûlantsont malheureusement caractéristiques des déserts, de sorteque c'est là où l'on a le plus besoin de pluie que l'espoir d'enprovoquer est généralement le plus faible.

En second lieu, les expériences qui ont semblé couronnéesde succès ont été faites sur des « cumulus » bourgeonnantset développés en altitude, caractéristiques des orages, et surquelques autres types de nuages qui produisent naturellementde la pluie. Aussi l'effort principal a-t-il consisté à « inci-

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ter » l'eau que renfermaient ces nuages à tomber sur unezone où le besoin de pluie se faisait sentir et où les proprié¬taires acceptaient de payer le prix, au lieu de permettre auxnuages de poursuivre leur route et de répandre leur pluieailleurs. Des nuages orageux ont été également attaqués defaçon à faire tomber l'averse plus tôt qu'il n'eût été normalet pour éviter que les manifestations orageuses n'entraînentdes inondations ou des chutes de grêle.

Ces cas constituent quelques exemples de ce que l'on consi¬dère actuellement comme les conditions les plus promet¬teuses en matière de pluie provoquée. Elles n'ont que peu de.relations avec les zones où il pleut rarement. Le rapport del'Organisation Météorologique Mondiale, basé sur l'étude cri¬tique des résultats obtenus dans cinq zones du globe, ren¬ferme les mots suivants : « Les conditions météorologiquesles plus favorables au déclenchement artificiel des précipi¬tations doivent être recherchées dans les régions et au coursdes saisons où les précipitations naturelles sont les plus pro¬bables. »

Les méthodes employées pour provoquer des chutes depluie sont basées sur deux théories de la formation natu¬relle de la pluie. La première s'applique, en général, auxlatitudes tempérées et aux latitudes élevées du globe. Ici, lephénomène de la formation naturelle de la pluie au seindu nuage débute par l'apparition de cristaux de glace mi¬nuscules dans la partie supérieure froide du nuage quis'étend au-dessus du niveau de congélation. Dans certainesconditions, il peut ne pas exister de cristaux de glace ennombre suffisant, et, en de tels eas, une introduction arti¬ficielle de cristaux de glace dans le nuage peut être unmoyen de provoquer de la pluie. De nombreuses expériences

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

(Photos officielles australiennes.)

de pluie provoquée ont donc visé à produire des cristauxde glace dans des nuages de types choisis.

Une méthode bien connue a consisté à « ensemencer » lesnuages avec une substance très froide, communément appe¬lée carboglace, qui est, en fait, la forme solide ou congeléedu gaz carbonique. Les particules du carboglace tombent entraversant le nuage et laissent derrière elles un sillage d'airtrès froid dans lequel les cristaux se forment spontanément.

Une autre méthode consiste à introduire dans le nuagede minuscules cristaux d'iodure d'argent. Ceux-ci res¬semblent aux cristaux de glace du point de vue de la

forme et de la structure, et, dans certaines conditions, ont uneffet semblable à celui des cristaux de glace. L'iodure d'ar¬gent peut être produit sous forme de fumée par des généra¬teurs au sol ; il peut aussi être emporté par un avion.

La deuxième théorie de la formation naturelle de la pluies'applique, en général, mais non exclusivement, aux régionstropicales, où il arrive très souvent que la partie supérieuredes nuages n'atteint pas la température de congélation. Ici,le processus de formation de la pluie commence lorsque,dans le nuage, quelques-unes des gouttelettes sont tellementplus grosses que toutes les autres qu'elles se meuvent defaçon différente au sein du nuage et, ainsi, entrent en col¬lision avec les plus petites. De cette façon, elles deviennentplus grosses encore et ce jusqu'à ce qu'elles soient de dimen¬sions suffisantes pour sortir du nuage sous la forme depluie. C'est pourquoi des expériences ont été conduites envue d'introduire, dans le nuage, des gouttelettes d'eau beau

coup plus grosses que toutes les gouttelettes constituant cenuage. Cela a été réalisé en répandant dans le nuage, soitde l'eau, soit de très petites particules hygroscopiques (quiabsorbent l'eau), telles que des cristaux de sel, qui, sur-le-champ, forment des gouttelettes d'eau.

Des résultats encourageants ont été obtenus au Pakistan.Dans la province de la frontière nord-ouest, près de la passede Khyber, entre le 25 et le 31 août 1953, des jeeps de l'ar¬mée de l'Air du Pakistan ont répandu une solution de selsur les routes partant de la ville de Mardan. On prévoyaitque le vent transporterait les particules de sel du sol à desmilliers de mètres dans l'atmosphère, où elles provoqueraientla formation de gouttes dans les nuages chargés d'humidité.Des observateurs dispersés rapportèrent que, à la suite decette expérience, une hauteur de pluie de cinq centimètresfut relevée dans la zone située autour de Mardan.

En septembre de la nême année, des essais au cours des¬quels la solution saline fut répandue directement dans lesnuages, sous forme de fines gouttelettes, furent égalementeffectués au Pakistan. Quatre des cinq vols exécutés demeu¬rèrent sans résultat ; mais au cours du cinquième, l'avionlaissa derrière lui une succession d'averses tombant trente

ou quarante minutes après qu'il eut ensemencé chaquenuage.

A en juger d'après ces expériences, et d'autres similaires,l'ensemencement des nuages par avion ne semble pas ren¬table dans une zone aussi étendue que le Pakistanoccidental ; mais l'emploi du sel au sol est trèsprometteur. Ce que les météorologistes du Pakis¬tan espèrent pouvoir réaliser, c'est « tirer » de

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PLUIE SUR MESURE(Suite)

la pluie des nuages qui défilent au-dessus du Pakistan occi¬dental en période de mousson d'été, en utilisant l'actionhygroscopique du sel dans les zones comme le Béloutchistanet la province frontière du nord-ouest, où il n'existe, norma¬lement, que très peu de noyaux hygroscopiques dans l'air.

En 1954, au cours d'une nouvelle série d'expériences, uneméthode différente et peu coûteuse d'ensemencement desnuages fut appliquée au Punjab. (Voir, en page 48, l'articlesur les expériences menées par l'Unesco au Pakistan.)

Dans l'Union sud-africaine, des nuages à une températureinférieure au point de congélation ont été ensemencés avecde la carboglace, et l'observation du nuage au radar montrala formation de gouttes de pluie ; mais aucune mesure dela pluie réellement tombée ne fut effectuée. La preuve futainsi faite que l'ensemencement, avec de la carboglace toutau moins, active effectivement la précipitation de telle sorteque celle-ci se produit plus tôt qu'elle n'aurait lieu autre¬ment. Des expériences ont été faites, aussi, en Afrique orien¬tale britannique pendant la saison des pluies, de janvier àavril 1952, expériences au cours desquelles de l'iodure futtransporté par ballon jusque dans le nuage et dispersé danscelui-ci par l'explosion de petites charges de poudre. Despluviomètres au sol accusèrent une légère augmentation dela quantité de pluie tombée. Des expériences analogues ontété faites en utilisant des particules hygroscopiques. Dansles deux cas, on constata que plus de pluie était tombée àquelque distance sous le vent du point d'ensemencement,mais que, à la verticale de ce point, il y avait une diminutionde la hauteur de pluie recueillie.

En Inde, de la neige carbonique et de l'iodure d'argent ontété tous deux employés pour ensemencer des nuages froids,et des gouttelettes d'eau ont été dispersées dans les nuagesdont la température était supérieure au point de congéla¬tion. Ces expériences furent faites au cours de la moussond'été, alors que la pluie tombe naturellement, de telle sortequ'il fut difficile d'interpréter les résultats.

En Amérique du Sud, de nombreuses expériences ont étéfaites. Au-dessus des sierras de Cordoba et de San Luis,en Argentine, un nuage fut ensemencé à la tempéra¬

ture de C avec de la carboglace, mais il fut impossiblede prouver que cette tentative avait provoqué une chute depluie. De même, des expériences furent faites au Pérou surdes cumulus, mais il fut impossible de dire si la pluie qui entomba était naturelle ou provoquée.

En Australie, des conclusions plus solides furent tiréesd'expériences faites sous la direction de M. E.-G. Bowen, del'Organisation de la Recherche scientifique et industrielle duCommonwealth. En ensemençant un « nuage convenable »,on obtint certainement de la pluie, la quantité variant de1 mm en bordure de la zone touchée par l'averse à 13 mmau centre de cette zone. :

En Amérique du Nord, une expérience, qui eut un grandretentissement, a été tentée par M. Irving Langmuir, dansle Nouveau-Mexique. M. Langmuir utilisa au sol un généra¬teur à iodure d'argent et procéda régulièrement à des ense¬mencements hebdomadaires, employant environ 1 kg d'io-dure d'argent par semaine, pendant une longue période. Ungrand nombre d'autres expériences ont été faites, et uneétude sérieuse des résultats a fait ressortir un accroissementsignificatif de la quantité de pluie (environ 10 % de plus quela normale). Aussi, la tendance est-elle maintenant de re¬chercher un accroissement relativement faible de la quan¬tité de pluie au lieu d'essayer de produire de la pluie là où

. il n'en tombe pas du tout.

Le rapport de l'Organisation Météorologique Mondialecontient une critique défavorable de la plupart des expé¬riences passées : celles-ci ne comportent pas de méthodeconvenable permettant de mesurer avec exactitude la quan¬tité de pluie provoquée et de faire le départ entre cette der¬nière et la pluie naturelle. En conséquence, l'Organisationrecommande, en vue des expériences futures, d'élaborer desméthodes précises de mesure de la pluie tombée. Il convien¬dra spécialement et avant tout de considérer chaque opé¬ration faite sur un nuage comme une expérience scienti¬fique, qui permettrait de comprendre le rôle des facteursessentiels qui concourent à la formation de la pluie et lemécanisme grâce auquel de la pluie peut être provoquée,plutôt que comme une opération pratique visant à fairetomber, séance tenante, de la pluie sur le sol, au-dessousdu nuage.

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LABORATOIRES

VOLANTS

Depuis I 946, des savants australiens

combinent les expériences de labo¬ratoire avec celles menées à bord

d'avions pour étudier la pluie arti¬

ficiellement provoquée. (I) Dans la

carlingue, des spécialistes observent

les indications fournies par leursInstruments sur les gouttelettes d'eau

contenues dans les nuages. Ces indi¬

cations, recueillies sur une bande de

papier roulant, sont transmises par

un autre appareil (2) accroché à uneaile. Un radar installé dans l'avion

(3) est également utilisé pour étudier

le comportement des nuages. D'autre

part une « chambre à nuages », haute

de 4 mètres (6), reconstitue en labo¬ratoire les conditions existant à

l'intérieur des nuages. Une cheminée

de bois permet de créer un appeld'air régulier à l'intérieur de la

chambre vitrée, dans laquelle del'eau est projetée. Les gouttelettes

montent avec l'air qui les aspire, se

heurtant puis se combinant les unes

aux autres. Leur comportement est

enregistré (4) par une camera mobile.

Sur cette image, deux gouttes quin'en font plus qu'une (à gauche)commencent à tomber vers la base

du nuage. La photo (5) montre uncourant de sel destiné à ensemencer

les nuages, et projeté d'un avion.(Photos officielles australiennes.)

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Homme-Oiseau de la tribu Toma,

Guinée française, exécutant la dansedes « faiseurs de pluie ». (CopyrightMusée de l'Homme, Paris.)

e

Masque de cérémonie d'un « faiseur de pluie »aborigène de l'Australie, (Photo Unesco.)

Tlaloc, dieu de la

pluie des Aztè¬ques. Sur les pla¬teaux du Mexiqueon ne pouvait sur¬vivre que si lescercles de ses

yeux, les voluteset les crocs de sa

moustache le vou¬

laient bien. (Copy¬right Musée del'Homme, Paris.)

INVOCATION AUX DIEUX DE L'EAULes terres les plus arides du monde ne vaudraient rien et leurs habi¬tants mourraient de faim si elles n'étaient arrosées par la pluie etfertilisées par l'Irrigation. De tout temps, le besoin de pluie et lapeur de la sécheresse ont placé en haut rang dans la hiérarchiedes croyances et des mythologies les dieux de la pluie e.t les céré¬monies célébrant leur culte. Dans la Rome et la Grèce antiques,Zeus ou Jupiter, brandissant la foudre et le tonnerre, étaient lesdieux de la pluie et de la fertilité. Dans de nombreuses parties dumonde les reptiles, les serpents et les dragons étaient générale¬ment associés à l'idée de pluie et d'eau. Le dragon chinois, parexemple, représentait l'eau sous toutes ses formes : la pluie,source de vie, et les rivières, sans lesquelles la terre serait désolée,aussi bien que la tempête et la mer, et la marée mystérieuse et leflux des eaux. En Inde, et ailleurs à travers l'Asie orientale, le dieu-serpent Naga jouait un rôle similaire. Les Grecs considéraientle chêne comme l'arbre des dieux et en plongeaient une branchedans l'eau pour provoquer la pluie. Les Romains jetaient desimages dans le Tibre et les Teutons aspergaient d'eau une fillenue. Les Druides se rendaient en procession aux puits et. auxsources sacrés pour taper sur la surface de l'eau ou en verser surdes pierres spéciales. Les Hébreux de l'antiquité considéraient lapluie comme une bénédiction accordée par Dieu à ceux qui obéis¬saient à la Loi. Pour les Aztèques, dans le Mexique semi-aride,Tlaloc, le dieu de la pluie, était une des plus hautes divinités.Aujourd'hui, les cérémonies et les danses organisées pour fairetomber la pluie existent encore un peu partout dans le monde.Des « faiseurs de pluie » continuent à projeter de l'eau, à utiliserdes flammes pour ¡miter la foudre, à provoquer des nuages defumée et à employer des tambours, des claquettes et des grelots(probablement pour reproduire le grondement du tonnerre ou lebruit de l'averse). Dans certaines tribus africaines, des cérémoniessemblables durent plusieurs jours et entraînent le sacrifice depoulets, de chèvres et d'autres animaux pour contenter les dieux.

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Le Courrier. N» 8-9. 1955

Les Dagons, tribuduSoudanfrançais,croient que cespersonnages auxbras levés relient

la Terre au Ciel et

assurent ainsi d'a¬

bondantes chutes

de pluie. (Muséede l'Homme, Paris,

copyright Draeger.)

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LE MYTHE

DES

TROPIQUES

Copyright

Il n'y a que les chevaux qui suent;les messieurs transpirent et lesdames sont luisantes. Aussi long¬

temps que l'humanité n'imitera pas lecheval, il ne saurait y avoir de vie pro¬ductive sous les Tropiques. Selon toutesles indications que fournit la science,l'homme est un animal tropical. Lestests physiologiques n'ont jamais puprouver jusqu'ici que le noir soit enrien mieux adapté que le blanc à lavie dans les pays chauds; néanmoins,on voit subsister le mythe qui veut queles Tropiques ne conviennent pas àl'homme blanc et que le séjour à ceslatitudes mine l'énergie physique etmentale de ceux qui sont nés dans leszones tempérées. Au mépris de cettefable, on a pourtant peuplé avec succèsle Queensland et l'on compte dans lesEtats du Sud de l'Amérique bien desrégions prospères qui, en vertu de leurclimat, seraient qualifiées de « tropi¬cales » si elles se trouvaient situéesailleurs.

C'est la paresse humaine qui est àla source de ce mythe. Comme lesautres animaux, l'homme produit de lachaleur; plus il travaille et plus il enproduit. Dans les climats chauds, ils'agit pour le corps de se débarrasserde cette chaleur métabolique. Pour yparvenir, les tissus superficiels s'échauf¬fent jusqu'à ce qu'ils atteignent latempérature interne du corps, et lesang irrigue la peau qui, de ce fait,devient rouge et brûlante. Ainsiéchauffée, la peau irradie de la chaleurvers le milieu plus frais qui l'entoureet l'air frais qui caresse la peau absorbecette chaleur.

La déperdition de chaleur obtenuepar ces deux moyens suffit au début,mais elle s'effectue plus difficilement àmesure que la température s'élève, etquand celle-ci atteint 31 degrés centi¬grades il faut que l'homme soit inactifet nu pour se débarrasser de sa chaleurmétabolique. S'il fait plus chaud, latempérature du corps augmente, et letroisième mécanisme , de refroidisse¬ment, l'évaporation de la sueur, prend

M. LADELL, physiologiste britannique, a consacré plu¬sieurs années de recherches à l'influence du cadre

tropical sur le corps humain. Il est actuellement Direc¬teur du Centre de recherches physiologistes sur le cli¬mat chaud, à Lagos, dans le Nigeria. M. Ladell estégalement « Senior Medical Resea'ch Officer » du Ser¬vice britannique de recherches coloniales.

par

W. S. S: Ladell

de l'importance. Les glandes sudori-pares commencent à fonctionner, àmesure que la sueur s'évapore par lapeau, s'élimine la chaleur dont on nepourrait se débarrasser ni par convec¬tion ni par irradiation.

Tout ce qui empêche la déperditionde chaleur par ces deux moyensréduira donc la température à laquelleentre en jeu le mécanisme de la suda¬tion; par exemple, une circulationinsuffisante de l'air sur la peau ou,bien entendu, le vêtement. De même,lorsque s'accroît la somme totale dechaleur qu'il faut perdre, la sudationdoit commencer plus tôt; cette chaleurexcédentaire peut provenir d'un travailmusculaire (on produit deux fois plusde chaleur en marchant à trois kilomè¬tres-heure qu'en restant paisiblementassis) ; elle peut aussi être . reçue del'extérieur : par exemple, si l'on sta¬tionne au soleil quand la chaleur cau¬sée par la radiation solaire estsupérieure à celle que produit unepromenade à trois kilomètres-heure, cequi arrive.

A condition qu'il s'habille de façonrationnelle, qu'il se tienne à l'abridu soleil dans un endroit aéré,

et qu'il n'accroisse pas en travaillantla production de chaleur, l'homme peutd'ordinaire s'empêcher de suer; maiss'il doit mener sous les Tropiques unevie productive, il lui faut accepter desuer; sur de vastes régions de la terre,si les gens sont mal nourris, c'est (aumoins en partie) parce que, de par sontempérament, l'homme répugne à suer.Cette même paresse d'origine physiolo¬gique conduit à des difficultés écono¬miques, à la saleté, à la maladie, créantainsi un cercle vicieux: car ce sont lasaleté, la maladie et la sous-alimenta¬tion qui tuent, sous les Tropiques, nonpoint le climat.

Les tests prouvent qu'un homme desclimats tempérés réagit mal au travaildans les pays chauds lorsqu'il s'y essaiepour la première fois : la dilatationdes vaisseaux sanguins superficielsattire le sang d'autres régions du corps,ce qui accélère les battements du cet peut provoquer des vomissements oul'évanouissement. La sudation est lon-

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Le Courrier. N" 8-9. 1955

gue à se déclencher, et n'est pointabondante. Mais, avec l'entraînement,le corps compense la dilatation desvaisseaux par un accroissement duvolume sanguin, ce qui fait disparaîtreces inconvénients; bientôt l'homme sueplus vite, et plus libéralement : il est« acclimaté à la chaleur ». Des tests

effectués sur des habitants des Tropi¬ques, tant en Asie qu'en Afrique, ontmontré, chose surprenante, que cesgens réagissent comme les hommesnon encore entraînés des climats tem¬

pérés, plutôt que comme des individus« pleinement acclimatés ».

Il est rare, en effet, que l'indigènedes Tropiques travaille dur à la cha¬leur; il préfère en prendre à son aise,se mouvoir lentement, et faire de fré¬quents petits sommes; il évite de sueret réduit au minimum son activité

agricole, vivant autant que faire sepeut,, comme Adam faisait au Paradis.L'immigrant en pays tropical, parcequ'il travaille et s'amuse énergique-ment, s'acclimate plus complètement;situation paradoxale : il travaille plusfacilement à la chaleur que les natifsdu pays.

Mais il voit autour de lui les autoch¬

tones s'appliquer .à l'indolence, dormiraussi souvent qu'ils le peuvent, éludertout travail physique pénible. L'immi¬grant se dit alors qu'ils sont certaine¬ment mieux placés pour savoir com¬ment il faut vivre; il se met donc, luiaussi, à raccourcir ses heures de travailet à faire tous les après-midi une lon¬gue sieste d'où il se réveille plus abrutique revigoré pour reprendre sa journée.

En suant, l'homme perd de l'eau,qu'il lui faut remplacer. Physio-logiquement, mieux vaut boire;

on sue; mais comme on désapprouvesouvent celui qui boit quand il tra¬vaille, c'est le soir que les hommes ontà combler d'importants déficits en eau.L'eau pure est une boisson bien terne,de sorte qu'on a tendance à combler ledéficit avec des boissons alcoolisées

plus séduisantes; compatriotes et amisse rassemblent pour échanger des nou

velles et des potins; la nostalgie inciteà boire davantage, si bien que, presqueà son insu, une communauté d'immi¬grants se trouve bientôt atteinte d'al¬

coolisme léger mais chronique etcontracte ainsi la « neurasthénie tropi¬cale ». Il se pourrait que les meilleurscolons sous les Tropiques soient lesMusulmans, à qui leur religion inter¬dit l'alcool. Mais il n'est pas besoind'interdire les boissons alcooliques; ilsuffit de reconnaître qu'il est naturel,qu'il est bon de boire de l'eau quandon transpire, et que c'est là un signe,non de faiblesse, mais de bon sens.

Le moyen de mener sous les Tropi¬ques une vie productive est le mêmeque partout ailleurs : fuir la paresse.Une communauté qui vit sous les Tro¬piques doit être prête à travailler aussidur qu'elle ferait dans un climat tem¬péré, et ne pas craindre la chaleur.

Il faut enseigner aux gens des Tro¬piques qu'ils ne sont pas comme lebétail qui, faute de pouvoir suer suffi¬samment, doit se reposer la moitié dujour pour éviter les coups de chaleur,quand ce serait au risque de se laisser,mourir de faim. Les hommes sont nés

avec des glandes sudoripares qui leurpermettent de travailler en sécurité àla chaleur. Il faut avoir accompli legros du labeur journalier avant defaire un somme. Que les communautésétablies dans ces régions deviennentdes sociétés complètement intégrées,où l'isolement et l'ennui ne soient plusle lot de chacun une fois achevé le

labeur quotidien, et où l'immigrant nesoit plus séparé qu'exceptionnellementde sa femme et de sa famille, alors quec'est trop souvent la règle.

Il faut lui fournir des distractions,de façon que l'alcool joue de nouveaudans la vie son rôle normal : qu'au lieud'être pour tous un passe-temps favori,il redevienne un utile lubrifiant social.

Avec une véritable vie de famille, etpour peu qu'on facilite l'accès à laculture, le travailleur intellectuel, luiaussi, peut jouer son rôle. Mais avant,tout, il faut accepter de suer; quandbeaucoup de sueur aura coulé, alors,mais alors seulement, la communautésera capable de s'offrir des fantaisiesluxueuses, comme celle d'améliorer leclimat par la climatisation.

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PARADOXE : UN DÉSERTSATURÉ D'HUMIDITÉ

Texte et photos

par

Gonzalo

de Reparaz

EN PLEINE ZONE

ARIDE, voici une vallée

caractéristique de la côte

sud du Pérou, non loin

d'Arequipa. Un Institutde Recherches sur la

Zone Aride est en cours

d'organisation au Pérou,

avec l'aide de l'Unesco,

dans le but de mobiliser

toutes les ressources.de

la science et de la techni¬

que pour rendre produc¬tifs les 2.500 km de

terres stériles resserrées

entre la côte du Pacifi¬

que et la chaîne des

Andes s'étendant à l'est.

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La région côtière du Pérou, cette longue frange de plus dedeux mille kilomètres enserrée entre la Cordillère desAndes et la mer, est une zone aride unique en son genre.

Des bouleversements tout récents en ont fait ce qu'elle estactuellement, et ces bouleversements continuent. A Lima, lenombre des tremblements de terre est en moyenne de deuxcents par an, mais la plupart de ces séismes ne sont perçuset enregistrés que par les sismographes. Ils prouvent simple¬ment combien la croûte terrestre est encore instable, jeune eten pleine évolution dans ces régions.

Cette étroite bande littorale qui court d'un bout à l'autredu pays est traversée par une quarantaine de cours d'eauqui en font la richesse. Ces cours d'eau ont des caractéris¬tiques communes, au moins dans une bonne partie de la côte;coupant la sierra au fond de vallées et de canons, ils s'épan-dent dans la brève plaine côtière, alimentant des zones bri¬guées plus ou moins vastes.

Vus du haut des airs, ils forment des rubans longs et

Le Courrier. . N" 8-9. 1955

UNE VALLÉE TYPIQUE de la zone aride du Pérou : le rio Ocona. Une de ces rivières côtières dont une partie deseaux abondantes pendant certains mois de l'année se perd dans la mer, mais qui pourraient permettre d'agrandirles riches oasis fluviales de la région. Des travaux sont actuellement entrepris dans ce but. Il y a des siècles, les Indiensamenaient de l'eau dans cette région grâce à des centaines de km de canaux, dont quelques-uns sont encore en usage.

d'eau. Certains sont encore en usage; d'autres sont aban¬donnés, comme les terres qu'ils irriguaient autrefois.

En réalité, cette civilisation n'est pas morte. Jamais leshommes qui cultivent les oasis fluviales de la côte péruviennen'ont cessé de travailler la terre de leurs lointains ancêtres.Aujourd'hui encore, ces oasis constituent l'une des plusgrandes richesses du pays. Il est vrai que la zone côtière ariden'est cultivée que dans une proportion de 3 %, soit en toutun demi-million d'hectares. Mais leur rendement est extraor¬dinaire, l'un des plus élevés du monde. L'exportation des pro¬duits de ces oasis (coton, sucre et riz) a représenté en 1953cinquante et un pour cent des exportations péruviennes.

Le coton est appelé au Pérou « l'or blanc », et chaquehectare de blé donne en moyenne une récolte de plus dequatre tonnes par an dans la province d'Arequipa. Mais lasurface cultivée est insuffisante, il est donc indispensabled'exploiter au maximum la zone côtière en étendant les oasisjusqu'à la limite des possibilités et en tirant parti des régions

semi-arides grâce auxtechniques nouvelles detravail des sols.

Dans le développe¬ment de cette zone

côtière, les ressourcesd'eau souterraine qu'u¬tilisaient autrefois lesIndiens sont d'une im¬

portance primordiale.Dans le Pérou méridio¬

nal, là où il n'y avaitque le sable et le dé¬

sert, les exploitationsagricoles ont surgi com¬me des champignonsces trois dernières an¬

nées. Ce sont les eaux

sous-jacentes qui ontpermis la plantationd'un nombre considé¬

rable d'hectares de co¬

ton. Dans la pampa deLos Castillos, près d'Ica,quatre cents puits ontété forés pendant ladernière décade. Des

études plus approfon¬dies de ces eaux sou¬

terraines sont néces¬

saires afin d'exploiterplus complètement leursressources. C'est pour¬quoi l'Unesco a accordé

une bourse à un ingé¬nieur agronome péru¬vien pour qu'il puissese spécialiser en Indeet en Californie dans la

recherche et l'utilisa¬

tion des eaux souter¬raines.

encaissés, quelquefois bordés de terrains cultivés adossés à

chaque berge, s'élargissant dans la plaine. Mais il n'y a pasque l'eau des rivières. Il y a aussi l'eau souterraine, que lesIndiens ont connue bien avant l'arrivée des Espagnols.

Les archéologues ont trouvé les vestiges d'une civilisationagraire complexe qui a permis le développement d'une hauteculture. Les de ses artistes, de ses ingénieurs hydro¬logues prouvent toute l'étendue des talents des Indiens. C'estgrâce à ces ingénieurs qu'ont été construits, souvent dans lesconditions les plus difficiles, des centaines de kilomètres decanaux qui ont permis d'arroser les terres arides de la côte.Ces canaux allaient chercher de l'eau en pleine Cordillère desAndes, parfois à cent kilomètres et plus; en amont des cours

Le professeur DE REPARAZ, géographe et cartographe portuguais, a consacré denombreuses années à l'étude de la climatologie et de la géographie économique deI Amérique latine et de la péninsule ibérique. Il est le chef de la Mission d'assistancetechnique de l'Unesco au Pérou. Le professeur de Reparaz est l'auteur de nombreuxouvrages sur la géographie, la climatologie et l'économie latino-américaines et ibé¬riques. Il a écrit également des livres sur l'artá l'histoire et la littérature de ces pays.

Mais comment ces eaux peuvent-elles exister sous cesterres arides? Elles proviennent en partie d'infiltrations decours d'eaux descendant des Andes. Mais aussi, et dans uneproportion non négligeable, des brouillards si épais qui carac¬térisent une partie de la côte et qui, condensés, pénètrentsous terre.

La côte péruvienne, en apparence si uniforme, a plusieursclimats très différents. Dans le Nord, l'extrême sécheresseambiante contraste avec l'humidité du sous-sol, ce qui per¬met à une végétation steppique de s'étendre sur de vastesétendues. Plus au Sud, surtout dans la partie centrale de lacôte qui environne Lima, un ciel gris cache le soleil pendantplusieurs mois de l'année : on assiste alors au paradoxe d'unpays sans pluie et très aride dont l'atmosphère est constam¬ment saturée d'humidité.

Plus avant vers le Sud, le tableau change unefois de plus du tout au tout. Là, le soleil règneen maître absolu et la sécheresse de l'air atteint

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Page 62: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

DÉSERT SATURE D'HUMIDITE (suite)

un maximum. La « ville blanche » d'Arequipa, au pied de sestrois volcans éteints et couverts de neige, est la capitale de ce

royaume du soleil.Dans chacune de ces trois régions si différentes, l'homme

lutte dans des conditions très diverses. Dans le Nord, les

, solutions seront sans doute les plus simples, car la dévia¬tion des eaux des rivières voisines de la frontière de l'Equa¬

teur offre de grandes possibilités. Pour arroser l'oasis flu¬viale de Piuria, jusqu'alors toujours à court d'eau, on vientde dévier le Quiroz. Dès la première année, l'acroissement dela production du coton avait couvert les frais de constructiondu canal, fait unique au monde. Plus au Sud, les rios Chan-cay, Santa et d'autres encore offrent également de vastespossibilités.

Au bénéfice du rio San Juan, on a dévié, il y a quelques

années, l'eau de quel¬ques lagunes de la Cor¬dillère, à plus de quatremille mètres, qui sedéversaient auparavantdans le bassin de

l'Amazone. On va faire

de même maintenant

pour le rio lea, travauxd'Hercule qui permet¬tront d'étendre les oa¬

sis et d'accroître la pro¬duction.

200.000 HABITANTS A L'HECTARE

Mais la réalisation de

ce projet est encore in¬suffisante, à l'heure ac¬tuelle, pour les besoinsdu pays. Aussi des plansplus vastes s'ébauchent.Tels par exemple ceuxdes gens d'Arequipa,qui s'attaquent à la so¬lution des problèmesque la nature leur poseavec courage, hardiesseet énergie. Leurs pro¬blèmes sont d'une tout

autre envergure queceux du Nord ou même

du centre. Arequipa,

surpeuplée et où lapression démographi¬que va en augmentantde jour en jour, voit af¬fluer en nombre crois¬

sant les habitants du

haut plateau andin (dela région de Puno auxrives péruviennes dulac Titicaca), lui aussisurpeuplé.

J'ai survolé récem¬

ment les pampas de laJoya, de Sihuas et desMajes, qui constituentl'espoir de la « ville blanche » d'Arequipa et qui s'étendentau nord de celle-ci sur des centaines de milliers d'hectares.

Aujourd'hui solitaires, ces vastes étendues seront parfaite¬ment cultivables le jour où l'on pourra y amener l'eau desrios Sihuas et Majes. Au-delà se trouve l'immense canon duMajes, plus profond que celui du Colorado, puisqu'en certainsendroits il atteint trois mille mètres de profondeur. Ici, aufond de cette gorge sauvage et déserte, coule le cours d'eau"le plus important du sud du Pérou. C'est là qu'il faudra allerchercher l'eau qui arrosera un jour les pampas d'Arequipa

grâce à cent ou deux cents kilomètres de canaux percés àtravers l'une des régions les plus abruptes du monde.

L'aridité de ces régions du Pérou est surtout le fait duCourant de Humboldt, ce courant froid qui longe le littoraldu Sud au Nord. Mais pas exclusivement, car les eaux degrande profondeur, encore plus froides, qui remontent versla surface le long des côtes, y sont aussi pour beaucoup. C'est

à cause de ces deux facteurs, courant superficiel et eaux deprofondeur, que le climat de cette région subtropicale estinfiniment moins chaud qu'il ne devrait l'être normalement.C'est à cause d'eux que la terre est aride.

Aride, mais non désertique, car la plupart des sols de cettezone côtière donnent des récoltes excellentes dès qu'un peud'eau vient éteindre leur soif. Et beaucoup peut être faitpour transformer une bonne partie de cette zone aride enrégion productrice.

Enfin, c'est aussi à ces eaux exceptionnellement froidesqu'est due l'extraordinaire richesse de l'Océan le long dulittoral. Peu de mers offrent le spectacle d'une vie compa¬rable à celle-ci, et les meilleurs témoins de cette abondancesont ces oiseaux à guano qui fourmillent sur le chapeletd'îlots que l'on trouve tout au long de la côte.

Sans la richesse inouïe, mais non inépuisable, de ces eaux,comment satisfaire l'appétit vorace des trente à quarantemillions d'oiseaux (leur nombre varie avec les années), pro¬

ducteurs du précieuxengrais connu sous lenom de guano. La den-

' sité de la population deces îles minuscules est

fantastique, si bienqu'à certains moments,les oiseaux à guano,

guyanes, piqueros etalcatraces ou pélicans,atteignent le chiffrepresque incroyable dedeux cent mille à l'hec¬

tare.

40 MILLIONS D'OISEAUX DE MER s'ébattent sur le rivage des îles dela côte du Pérou. Ce sont de grands producteurs de guano (près de300.000 tonnes par an), engrais indispensable à la prospérité des oasis dela zone aride péruvienne, qui est protégée aujourd'hui par le Gouvernement.Les oiseaux se nourrissent d'anchoveta, d'anchois qui abonde dans ces eaux.

C'est grâce à cetterichesse de l'Océan quetrois cent mille tonnes

de guano ou presque

ont pu- être tirées deces îles ces dernières

. années par la Compa¬gnie Péruvienne deGuano. Or, de nos

jours, comme du tempsdes anciennes civilisa¬

tions indiennes, le gua¬no constitue l'une des

bases de la prospéritédes cultures de la zone

côtière du Pérou, élé¬ment indispensable à lasurvie des oasis.

La production de lafrange côtière du Péroune représente qu'unefraction de ce qu'elle

pourrait être si les tech¬niques modernes de lamise en exploitationdes zones arides étaient

employées.

Nous entrons dans

une ère de planifica¬tion géographique, et

de nombreuses expériences de mise en valeur de vallées ontmontré comment des régions entières ont pu être ainsi trans¬formées. Or, il existe peu d'endroits où cette planificationgéographique puisse espérer de meilleurs résultats que la côtedu Pérou.

Les problèmes à résoudre sont nombreux, et de longuesrecherches seront nécessaires. Des investigations géographi¬ques, climatiques, hydrauliques, des études approfondies dessols et de leurs caractéristiques, des eaux souterraines, del'énergie éolienne, doivent être menées à bien avant d'établirla planification définitive.

Afin de l'aider à franchir la première étape vers la réali¬sation de ces projets, l'Unesco collabore avec le gouvernementdu Pérou dans la création de l'Institut de la Zone Aride, quipermettra de cordonner tous les efforts déployés dans cetterégion du monde pour résoudre les problèmes de la zone aride.

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Page 63: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

LA TERRE A SOIF(Suite de la page 5)

Le Courrier. N" 8-9. 1955

of Science, et s'est joint à elle dans lesréunions internationales relatives auxproblèmes de la zone aride qui ont eulieu à Albuquerque et à Socorro, Nou¬veau Mexique. Cette série de réunionsavait attiré près de cinq cents savantsvenus de vingt-huit pays différents,ainsi qu'un grand nombre de cultiva¬teurs et d'hommes d'affaires habitantles régions arides du Sud-Ouest amé¬ricain.

L'Unesco participera en 1956 à uneréunion mondiale sur l'application de

. l'énergie solaire qui aura lieu à Phoenix(Arizona, Etats-Unis).

D'autres départements de l'Unescotravaillent activement, eux aussi, àéveiller l'intérêt du public sur les pro¬blèmes des régions arides. Le Servicedes Echanges de personnes accorde

les ans un certain nombre debourses qui permettent à des personnesoriginaires de ces pays de se rendre àl'étranger pour s'y former à de nou¬velles techniques et procéder à deséchanges d'informations, et rendrecompte de leurs expériences. Le Dépar¬tement de l'Assistance Technique del'Unesco, pour sa part, répond aux de

mandes d'assistance des Etats mem¬bres pour la mise en huvre de projetsrelatifs au développement de la zonearide : un Institut de Géophysique aété créé au Pakistan et un Institutd'Hydrogéologie en Turquie. Une mis¬sion de l'Unesco est en train de créerau Mexique un Institut de recherchesur la physique atmosphérique etl'hydrologie, en vue de mieux utiliserles pluies et d'en accroître le volume. LePérou a demandé qu'on l'aide à créerun Institut de recherche pour l'étudedes conditions du désert péruvien. Desspécialistes ont été également envoyésa l'Institut des Recherches sur le désertd'Héliopolis (Egypte), pour aider à endévelopper l'activité, et une enquête aété faite en Israël sur l'énergie éolienne.

Les villes sont

de grands déserts

Les habitants des grandes villesignorent ce qui touche au dé¬sert, sans se rendre compte que

leurs villes elles-mêmes ne sont que degrands déserts de pierre où tout ce quise mange s'achète et où l'eau sert

avant tout aux besoins de l'hygiène.Mais sur le quart du globe, les hommesmanquent d'eau, et tous les problèmesdont nous venons de parler sont poureux question de vie ou de mort. Or ilest urgent de les résoudre, et tout ceque peut faire l'Unesco n'est que peude chose en regard de la tâche à ac¬complir.

On est frappé, par exemple, quandon voit que les savants et les habitantsde la zone aride des Etats-Unis réunisà Socorro ont voté plus de trente réso¬lutions pour demander qu'on intensifiela recherche et l'enseignement danschacune des disciplines scientifiquesintéressées. Tous ont souligné la néces¬sité d'appliquer les connaissancesscientifiques déjà acquises à l'améliora¬tion des terres arides et à l'éducationdes populations qui y vivent. Pendantque la recherche se poursuit active¬ment, ce serait déjà beaucoup qued'employer les moyens d'éducation etd'information dont on dispose à encou¬rager les habitants des régions aridesà appliquer à leurs terres et à leurscommunautés le fruit de ce travailscientifique,' et de marcher ainsi à laconquête du désert.

LE CHAMEAU (Suite de la page -32)

supposer qu'ils ne boivent jamais. Par exemple, on rencontreles gazelles du désert loin des points d'eau; elles doiventnécessairement subsister avec l'eau qu'elles trouvent dans lamaigre végétation qu'elles broutent. Les animaux carnivores,tels que le renard du désert, tirent une importante quantité

. d'eau du sang et des liquides intertitiels de leurs proies. Cer¬tains petits rongeurs se nourrissent de matières végétalesriches en sucs et de cactus, mais d'autres animaux extrême¬ment intéressants n'absorbent que des aliments secs.

Parmi ces derniers figurent les gerboises des déserts del'Ancien continent et les rats-kangourous des déserts amé¬ricains. Ces rongeurs se ressemblent assez par leur aspectextérieur et par leurs habitudes bien qu'ils ne soient pasétroitement apparentés. On les capture facilement; lorsqu'ilsvivent en captivité, il est inutile de leur donner à boire. Enfait, ils ne boivent pas, même si on leur offre de l'eau.' Ilspeuvent vivre des mois et des mois en ne mangeant que desmatières végétales et des graines sèches, comme ils le fontdans leur désert natal. Ils ne perdent pas de poids et lateneur en eau de leur organisme ne diminue pas; en d'au¬tres termes, ils n'ont aucune réserve d'eau leur permettantde traverser les périodes de pénurie d'eau.

Ces animaux contiennent autant d'eau que les autresmammifères, soit les deux tiers environ de leur poids. Lors¬qu'ils respirent, ils exhalent de la vapeur d'eau par leurspoumons, et leurs reins utilisent de l'eau pour produire del'urine. Leur organisme perd donc continuellement de l'eau.D'où provient-elle ?

Les expériences auxquelles ces animaux ont été soumisnous ont permis de constater que les gerboises, comme lesrats-kangourous, utilisent presque exclusivement l'eau queforme dans leur organisme l'oxydation des aliments. Cetteeau d'oxydation est produite par le métabolisme de toute vieanimale, et non par quelque phénomène chimique secret;sa quantité dépend uniquement de la composition desaliments. Comme dans un moteur d'automobile, où lacombustion provoque la formation d'eau, la quantité d'eauproduite correspond rigoureusement à la quantité d'hydro¬gène entrant dans, la composition chimique du combustible.Le fait que les rats du désert se contentent de cet appro¬visionnement en eau très limité s'explique par leurs méca¬nismes d'économie de l'eau. Ces animaux ne perdent parevaporation que la moitié de la quantité d'eau que perd unïat ordinaire. Us ne forment que très peu d'urine, maiscelle-ci est extrêmement concentrée. Enfin, la perte d'eau parles excréments est réduite au minimum.

Il est possible d'amener des rats-kangourous à boire enleur donnant des aliments qui provoquent la formation d'unequantité relativement abondante de déchets, sans fournirsuffisamment d'eau pour leur élimination. Tel est le cas desaliments secs riches en protéines : ils produisent dans lemétabolisme une certaine quantité d'urée qui doit être éli¬minée par les reins.

L'eau de mer fait grossir le rat

Nous avons donné à des rats-kangourous des graines'sèches de soja qui renferment 40 % de protéines; ilsbuvaient alors l'eau qui leur était offerte. Cela nous a

conduits à rechercher si les rats-kangourous peuvent boirede l'eau de mer. Les autres animaux ne supportent pas l'eaude mer parce que leur organisme est incapable de faire faceà une augmentation importante de la salinité. En fait, unnaufragé dépourvu d'eau douce qui essaierait de boire del'eau de mer se trouverait dans un état pire que s'il ne buvaitpas du tout.

Nous avons offert aux rats-kangourous de l'eau de meravec les graines de soja, et nous avons constaté que, nonseulement ils gardaient leur poids, mais encore que ce régimeplutôt rigoureux les faisait grossir. Bien entendu, dans ledésert qui est son habitat naturel, le rat-kangourou n'a guèrel'occasion de boire de l'eau de mer; mais l'expériencemontre qu'en buvant une telle eau il peut se porter aussibien que sans eau du tout.

Dans la plupart des pays où la vache est un élémentimportant de la production agricole, des centres de recher¬ches et des stations et fermes d'essais étudient les problèmesprésentant une importance scientifique et économique. Iln'en va pas de même pour le chameau, bien que, pour desmillions de gens répandus sur d'immenses régions, cet animalsoit d'une importance capitale tant comme bête de sommeque comme producteur de viande, de lait, de cuir et de laine,

On nous a souvent demandé quelle était la valeur pratiquede nos recherches sur les animaux du désert. Bien que notreprincipal objectif soit d'enrichir les connaissances scienti¬fiques fondamentales dans un domaine passionnant, oncomprendra sans peine que ces connaissances sont indispen¬sables à l'étude des problèmes pratiques que pose, par exem¬ple, la mise en valeur rationnelle des ressources agricoles desrégions arides.

(Cet article est copyright et ne doitpas être reproduit sans autorisation

préalable.)

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Nos lecteurs nous écrivent

De Jay Gluck, Orient Digests, Tokio(Japon).

Je suis un fidèle lecteur du « Cour¬rier ». Aussi ai-je été quelque peucontrarié quand vous avez adopté unformat plus réduit. Mais les extra¬ordinaires progrès réalisés par votrerevue, tant pour la qualité que pourl'intérêt des articles, ont dissipémon désappointement. Maintenant,je ne voudrais plus vous voir reveniren arrière. Votre numéro sur les Iles

du Pacifique était particulièrementremarquable. Comme il m'aurait étéutile au collège, quand j'étudiaisl'anthropologie !

De Forman Brown, TurnaboutTheatre, Los Angeles.

J'ai été à la fois très intéressé et

un peu consterné par votre numérode juin sur les marionnettes. Laconsternation était occasionnée parvotre affirmation que « il n'y a pasde théâtres publics permanents demarionnettes aux U.S.A. ». La trou¬

pe des « Marionnettistes de Yale »,qui comprenait Harry Burnett, Ri¬chard Brandon et moi-même, a étécréée en 1927, et nous avons consa¬cré notre vie à l'art des marion¬

nettes. Nous avons installé le OlveraStreet Theatre à Los Angeles en1929, où nous avons joué pendantdeux bonnes années.

En 1933, au Puppet Show deNew York, nous avons joué six mois,le 10 juillet 1941, nous avons crééle présent théâtre et nous en som¬mes à notre quinzième année consé¬cutive de représentations. Celle de cesoir est la 4.163*. Nous avons produit

au cours de ces quinze ans huitspectacles musicaux complets ali¬gnant de 20 à 60 marionnettes, et,comme ces spectacles . sont conçusstrictement pour des audiencesd'adultes, nous n'en sommes pas peufiers. Nous avons déjà joué devantun demi-million de spectateurs,dans un théâtre contenant 172places.

De Daniel Taine, Cambrai (Nord).

Je vous saurais gré de m'indiquerun moyen pour me procurer le li¬vre : « Albert Einstein, philosopher-scientist », publié aux Etats-Unisen l'honneur de M. Einstein et pourses soixante-dix ans.

NOTE DE LA REDACTION : Cet ouvrage,

ainsi que tout autre de nature scientifique,éducative ou culturelle, peut être obtenu ense procurant en monnaie locale des Bonsde livres Unesco. En France, on peut s'a¬dresser à la Direction des Bibliothèquesde France, Service des Bons Unesco, 61, ruede Richelieu, Paris (2e). Le sustéme desBons de livres Unesco fonctionne actuel¬lement dans 33 peys. Pour obtenir tousdétails, écrire au Service des Bons delivres , Unesco, Í9, avenue Kléber, ParisW').

De R. Galletti, Enghien-les-Bains(France).

Bravo pour votre formule du nu¬méro spécial mensuel. Ceci nousrepose tellement de cet éparpille-ment des hebdomadaires bariolésvoués au culte des fantoches de la

politique et de l'écran !...

De M. Giloteaiix, secrétaire de Lille-Espéranto, Roubaix (France).

La lecture du N° 6 de votre revue

(L'Etranger) m'a inspiré les quel¬ques lignes suivantes, qui pourraientintéresser vos lecteurs en ce sensqu'elles complètent sur un pointparticulier votre article.

Dans un congrès internationald'espéranto, tel que celui de Bologne(Italie), il se passe une chose quicomplète parfaitement le thème dé¬veloppé dans votre numéro : « Ona l'impression qu'il n'y a plusd'étrangers ! » En effet, les quelque2.000 délégués de trente pays, quiparticipent habituellement à cescongrès annuels, utilisent unique¬ment la langue espéranto dans leursexposés ou dans leurs conversationsamicales. Il m'est arrivé très souvent

de discuter ainsi avec un congres¬siste, sans pouvoir reconnaître son

...en toute franchise.

pays d'origine ou même d'appren¬dre qu'il s'agissait d'un... Français !

Dans ce sens, j'approuve l'idéeque vous avez eue de faire paraîtreune série de photos « d'étrangers »qui, en réalité, étaient tous Britan¬niques.

Ayant eu l'occasion de voyagerdans dix pays d'Europe, j'ai ainsiété « supposé » successivement :Suédois, Anglais, Allemand, et, plusrarement, ' Français ! La notiond'étranger tend à perdre de sa va¬leur et c'est tant mieux pour lesjeunes qui voyagent de plus en pluset réussissent à modifier ou même

à oublier leurs stéréotypes erronés.

De C.-M. Cather, Torquay (Angle¬terre).

...Moi aussi, j'aimerais beaucoupvoir « le Courrier de l'Unesco » im¬

primé en espéranto...

De Hennyin Wong, Djl. Prof. Dr.Latumeten 1/15, Djakarta (Indoné¬sie).

L'autre jour, me trouvant dansune librairie, je suis tombé sur vo¬tre revue. D'abord, je fus attiré parsa séduisante et belle couverture.En l'ouvrant, je fus impressionnépar les titres et les articles...

J'ai beaucoup aimé les articles,comme par exemple celui sur « Lafaim de la terre au sommet des An¬

des », le « Polygone de la Séche¬resse du Brésil », « Don Quichottede la Radio », « L'art des Mochi¬cas ». J'ai beaucoup aimé égalementles photos, qui sont particulièrementbonnes. Votre revue tient un justemilieu et garde son unité.

J'aimerais correspondre avec des« amis de plume » dans différentspays étrangers, et j'espère que « leCourrier de l'Unesco » m'aideradans ce sens. Je suis de nationalitéindonésienne et désirerais corres¬pondre en anglais. Mes goûts meportent vers les timbres-poste, lescartes postales, la lecture et lessports.

LISTE DES AGENTS GÉNÉRAUX DE. L'UNESCOL'édition française du «Courrier» est en ventechez les agents généraux de ¡'Unesco dont voicila liste. Pour les autres distributeurs, voir teséditions anglaise et espagnole du « Courrier ».

Algérie : Noël Schumann, Editions del'Empire, 28, rue Michelet, Alger.

Allemagne : Unesco Vertrieb für Deutsch¬land, R. Oldenbourg, Rosenheimesstrasse145, Munich.

Antilles françaises : J. Bocage, Librairie,rue Lavoir, Fort-de-France (Martinique).

Belgique : Librairie Encyclopédique, 7, ruedu Luxembourg, Bruxelles IV. (Fr. B. 60)et M. Louis de Lannoy, 15, rue deTilleul, Genval.

Cambodge : Librairie Albert Portail, 14,Avenue Boulloche, Phnom-Penh.

Canada : Periodica, Inc. 5112, avenuePapineau, Montréal 34.

Congo Belge : Librairie de Lannoy, 15rue de Tilleul, Genval, Belgique.

Chypre : M. E. Constantinides, P.O.B. 473,Nicosia.

Egypte : La Renaissance d'Egypte, 9, rueAdly-Pasha, Le Caire.

France : Vente en gros : Division des VentesUnesco, 19, av. Kléber. Paris- 16e. Venteau aetail: C.C.P. Paris 1 2598-48 LibrairieUnesco.

Grèce : H. Kauffmann, 28, rue du Stade,Athènes.

Haïti : Librairie « A la Caravelle », 36, rueRoux, Port-au-Prince.

Hongrie : « Kultura », P.O. Box 1 49, Buda¬pest 62.

Iran : Commission nationale iranienne pourl'Unesco, Avenue du Musée, Téhéran.

Israël : Blumstein's Bookstores Ltd., P.O.Box 5154, 35, Allenby Road, Tel-Aviv.

' Italie : G.C. Sansoni, via Gino Capponî 26,Casella postale 552, Florence.

Laos : (Voir Vietnam).Liban : Librairie Universelle, Avenue des

Français, Beyrouth.

Luxembourg : Librairie Paul Brück, 33,Grande-Rue, Luxembourg.

Portugal ; Publicaçoes Europa-AméricaLtda, Rua das Flores, 45, Lisbonne. (30$0Q)

Suisse alémanique : Europa Verlag,' 5Rämistrasse, Zurich. Suisse romande:Librairie Antoine Dousse, anciennement

Librairie de l'Université, Case Postale 72Fribourg. Librairie Barbián et Saladin, I 0rue Romont, Fribourg, et Librairie Payotplace Molard, Genève. (Fr. suisses 3 90).

Syrie : Librairie Universelle, Damas.Tchécoslovaquie : Artia, Ltd., 30 ve

Smeckach, Prague 2Tunisie : Victor Boukhors, 4, rue Nocard,

Tunis.

Turquie : Librairie Hachette, 469, IstiklalCaddesi, Beyoglu, Istanbul.

Vietnam : Librairie Nouvelle A. Portail,B.P 283, Saigon.

Yougoslavie : Jugoslovenska Knjiga, Tera-zije 27/1 I, Belgrade

Changement d'adresse î nous avertir

en ¡oignant ta dernière bande.

Pour Vont autre pays, renseignements64

l'Unesco, 19, avenue Kléber, Paris.

Page 65: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

Dans cette natte de Mauritanie, on retrouve Peau par un chemin zigzagant. La matière premiere estfaite de tiges de graminées, d'alfa, soutenues très souvent par de fins lacets de cuir qui sont peintsaprès le tressage. (Ces quatre photos sont copyright par l'auteur de l'article, Jean Gabus.)

Outils utilisés pour travailler une calebasse :un poinçon et un couteau avec de Pecoree

tamaris découpée en fines lanières

Quant au palanquin du Hoggar, dont voici undétail, il est incrusté d'argent et comporte des

appliques de cuivre très décoratives.

Les Mozabites prennent leur propre maison comme sujet pour décorer leurs tissages. Voici, de gaucheà droite et de bas en haut : la petite table, les bougies dans le chandelier, les peignes, le scorpion,le doigt ou « doigt de Tunis », la clé. Les sujets se répètent dans la moitié droite de la natte.

Le Courrier. N" 8-9. 1955

SAHARA is««*)

cordonnière à Méderdra (Maurita¬nie) sur son sac à riz, au ciur deses ornements :

Tous les hommes de mauvais rang vont[te convoiter l

A ceux-là, je ne répondrai même pas.

Car l'homme de bien n'oserait te[demander I

Un sac à effets du Tamesnar (Toua¬reg), cousu à très petits points, exciséde soleils, de lézards, d'étoiles et des« sourcils du diable » était tout entier

un message d'amour. Il se lisait et ilvoulait dire :

Que les astres t'accompagnent et gui-[dent ta rouïe I

Que la sagesse des anciens soit en toi !

Que les Peuples du Vide s'éloignent de[ton chemin 1

Un texte très court avouait cette ten¬dresse inquiète sur une frange :

Celle nommée Takduahi salue beaucoup[Mertar.

Le Bon Dieu seul sait comment il laut

regarder les yeux de Mertar !

Un même amour s'exprimait en tifi-nar sur la garde d'un poignard deI'Adrar des Iforas :

J'aime Touantine.

D'autres signaient une « tassoufra »ou un coussin comme un peintre satoile ;

Ceci est de moi, Amadi t

Mais nous échappions mieux encoreà cette sorte de hantise des surfaces

géométriques, à l'austérité de ces lignes,quand Fathimatou nous expliquait :« Voici des fleurs, je les ai vues sur lesrideaux du commandant !... Voici Lim-

guenfé, la servante. Tu vois, elle est àgenoux et file de la laine! »

De cette écriture de l'art nomade

nous ne connaissions pas tousles signes, nous traduisions mal, nousdisions : « Voici des triangles, voici descercles, voci d'autres courbes ! »

Or, ces triangles tout juste recon-naissables parce qu'ils sont plus petitsque les autres ! sont les fleurs descretonnes des grands magasins et cescourbes, ces spirales opulentes et jume¬lées se nomment : Limguenfé ! La ser¬vante s'y reconnaissait. Elle touchaitdélicatement le motif, son « portrait »,ignorait les autres et disait avec or¬gueil : « C'est moi ! »

Malraux répondait à cette question :

« Qu'est-ce que l'art ? », par cette pru¬dente formule : « Ce par .quoi lesformes deviennent style. »

Nous pourrions peut-être ajouter àcette définition ces peurs et ces joiesque les artisans sahariens traduisentdiscrètement par des scorpions ou desvipères, par des étoiles ou des soleils,par cette foi même naïve en leurart 'qu'ils avouent dans leurs messagesécrits ou par leur signature et noussentirons des contacts étroits, j'allaisécrire entre des artistes de leur monae

et du nôtre, mais simplement entre aeshommes.

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Page 66: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

Latitudes et Longitudes...Jl KADUCTIONS: L'Unesco

s'occupe de faire traduire dansles langues de grande diffusiondes ouvres d'écrivains contem¬porains rédigées dans des lan¬gues peu répandues ou difficile¬ment accessibles. Cessont choisies par le Secrétariatsur une liste établie et présen¬tée par le Pen Club internatio¬nal après consultation des cen¬tres locaux du Pen Club. En1954, le choix a porté sur leslittératures orientales. Les ou¬vrages retenus ont été les sui¬vants : Kikyo, d'Osaragi Jiro(Japon); Yukiguni, de Kawabata Yasunari (Japon); et 11 yavait une fois, de Diamalzadeh(Iran). En 1955 et 1956, le PenClub présentera des ouvragesécrits' dans des langues euro¬péennes de faible diffusion.

+ PROTECTION DESBIENS CULTURELS :L'Egypte a ratifié le 17 aoûtla Convention pour la Pro¬tection des Biens Culturelsen cas de conflit armé. C'estle premier pays à ratifiercette Convention adoptée le14 mai 1954. à La Haye, aucours d'une conférence inter¬gouvernementale convoquéepar l'Unesco et qui entreraen vigueur lorsqu'elle auraété ratifiée par cinq Etats.

La convention établit unevéritable « croix rouge » cul¬turelle qui assurera aux .u¬vres d'art et aux édifices his¬toriques des garanties analo¬gues à celles qu'en accordeuniversellement aux hôpi¬taux, aux ambulances et aupersonnel médical en tempsde guerre.

1^ O N G R E S MONDIALDES BIBLIOTHECAIRES : Le

plus grand, et, dans tous lessens du terme, le plus importantcongrès de bibliothécaires et dedocumentalistes qui se soit ja¬mais déroulé se tient à Bruxel¬les du 11 au 18 septembre, sousle patronage du Gouvernementbelge et de l'Unesco. Le thèmedu congrès est « Les tâches etles responsabilités des bibliothè¬ques et des centres de documen¬tation dans la vie moderne. »

Il n'est plus question de voirdans le bibliothécaire un vieil¬

lard studieux, penché sur devieux manuscrits dans une piè¬ce mal éclairée. Le bibliothé¬caire moderne est en effet sou¬

vent de ceux qui montrent lemieux la route de l'avenir. Laconnaissance contenue dans les

livres et les périodiques ouvreles portes du développementscientifique, social, économiqueet intellectuel de demain. Tout

ce qui se dit, s'écrit ou se faitaujourd'hui, sitôt enregistré, setrouve préservé à l'usage desgénérations à venir par les bi¬bliothécaires et les documenta¬listes.

DISQUES C.I.M. : LeConseil International de la

Musique va publier prochai¬nement, avec le concours del'Unesco. deux nouvelles sé¬

ries de disques de longue du¬rée : une s Anthologie inter

nationale de la Musiquecontemporaine enregistrée »et une « Collection univer¬

selle de Musique populaireenregistrée. » L'Anthologieest consacrée à des composi¬teurs de trente pays dont lesiuvres n'ont pas été encoreenregistrées ou sont mal re¬présentées dans les catalo¬gues existants.

Quant à la nouvelle éditionde disques de musique popu¬laire, les chants et les dansesy seront classés, non parpays ou par groupes ethni-

construction des régions dévas¬tées. On espère ainsi réduiresensiblement à l'avenir les dom¬mages causés aux biens et auxpersonnes par les tremblementsde terre qui se produisent enTurquie environ une fois par an.

* VOYAGES D'ETUDE :Quinze horticulteurs ontquitté Bâle le 28 août pourun voyage d'étude de dousejours- en Allemagne et auDanemark. Ce voyage s'ef¬fectue dans le cadre du pro-

AOUT 1955 N" 2

Chroniquede l'Unesco

«CHRONIQUE DEL/UNESCO»L'Unesco a remplacé son

« Bulletin trimestriel » parune « Chronique » qui paraîtchaque mois en anglais, enfrançais et en espagnol. Cepériodique, dont le premiernuméro a été publié enjuil.let dernier, reflète le plusfidèlement possible l'actionde l'Organisation, qu'ellese situe sur le plan interna¬tional, à l'échelon régionalou dans le cadre des Etats

Membres. Outre deux arti¬

cles documentés sur l'un des

aspects les plus importantsdu programme en cours etun compte rendu des publi¬cations récentes de l'Unesco,

chaque numéro présente unevue d'ensemble sur les déci-

sions prises récemment, l'étatd'avancement des travaux, les résultats obtenus. Prix de l'abonnementannuel (12 numéros): 500 fr. ; S 1.75; 10/6. Le numéro: 50 fr. ;$ 0.20; 1/-. On s'abonne auprès des agents généraux de l'Unesco

voir liste en page 64.

BULLETIN, MENSUEL

ques, mais en fonction deleur rôle dans la vie quoti¬dienne. Les deux collectionsseront éditées par la firmefrançaise Ducretet-Thomsonet ses compagnies associéesdu groupe Decca-London-Te-lefunken. La souscriptiondonne droit à une réductionde 20 % sur les prix prati¬qués dans chaque pays pourles disques de longue duréesi l'on s'adresse au ConseilInternational de la Musique,Maison de l'Unesco, 19, ave¬nue Kléber, Paris (16').

R REMBLEMENTS D ETERRE : Le professeur Taka-hiro Haghvara, de l'Universitéde Tokio, vient de mener à bienla mission d'Assistance Techni¬que entreprise par l'Unesco à lademande du Gouvernement turc,en juillet 1951. Ces quatres an¬nées furent consacrées à la créa¬tion d'un Institut de Sismologieà Istanbul et de trois stations

d'observation entièrement équi¬pées, dont l'une à Istanbul mê¬me. Sur la base des travaux en¬

trepris par la mission, des archi¬tectes et des ingénieurs turcsprocèdent actuellement à desétudes sur la résistance des ma¬tériaux aux tremblements de

terre et sur les plans de re-

gramme de voyages d'étudeorganisé pour les travail¬leurs européens par l'Unesco.Cette année,' les voyagesd'étude de l'Unesco permet¬tent à 1 200 travailleurs eu¬

ropéens de toutes professions,répartis en 68 groupes, ap¬partenant à 17 pays, de serendre à l'étranger. Depuis1952, 3270 ouvriers et ouvriè¬res ont pu bénéficier ainsides voyages d'étude del'Unesco.

ET EINTURES D'AJANTA :Un archéologue - photographe,M. David L. De Harport, vientd'achever le relevé photographi¬que intégral des fresquesd'Ajanta. Après la parution d'unalbum en couleurs, publié par laNew-York Graphie Society, encollaboration avec l'Unesco, etcontenant 32 reproductions decertaines peintures de l'illustresanctuaire, l'Unesco et les auto¬rités indiennes ont décidé de

faire procéder à un travail pluscomplet, d'ordre scientifique, quipermettrait de constituer de vé¬ritables archives photographi¬ques d'Ajanta. M. De Harporta rapporté d'Ajanta plus demille documents, dont l'Unescoprévoit notamment l'utilisationpour une exposition circulante.

-A- PERSONNES DEPLA¬CEES. Un rideau de chiffresmasque souvent au monde lesvrais problèmes des réfugiés.Il y avait vingt-deux millionsde réfugiés à la fin de ladeuxième guerre mondiale,puis vingt-neuf millions en1952. Un groupe de sociolo¬gues a tiré de cette masseamorphe de réfugiés et depersonnes déplacées l'imageréelle d'hommes et de fem¬mes qui sont parvenus àprendre racine dans une nou¬velle vie. Les résultats del'enquête à laquelle ces- sa¬vants se sont livrés font l'ob¬jet d'une nouvelle publica¬tion de l'Unesco intitulée :« Personnes déplacées ».

4jE CONGRES SCIENTI¬FIQUE ARABE, qui vient de seréunir au Caire, avait placé àson ordre du jour la révisionet l'extension de la terminolo¬gie scientifique en langue arabe.Une étude préparatoire avaitdéjà été entreprise par le Conseilnational égyptien de la Recher¬che. A la demande du Gouver¬nement égyptien, un expert del'Unesco a suivi les travaux du

Congrès et séjournera trois moisen Egypte au titre de conseiller.

* « POUR MIEUX COM¬PRENDRE LES AUTRESPEUPLES » est une nou¬

velle brochure publiée parl'Unesco. Elle offre un bilandes réalisations de l'Unesco

depuis 1947 dans le domainedes contacts entre les peuplesdes différents pays. C'estl'histoire du Service des

Echanges de Personnes del'Organisation, aspect du pro¬gramme consacré aux échan¬ges d'étudiants et de mem¬bres du personnel enseignant,et aux études à l'étranger(aujourd'hui, cent mille per¬sonnes font des études dansdes pays étrangers). Les acti¬vités entreprises par l'Unescoen vue de faciliter ces échan¬ges internationaux com¬prennent la mise à jourd'informations concernant lesbourses, les voyages d'étudesà l'étranger, les facilités devoyage et les postes ouvertsaux étrangers dans les diverssystèmes d'enseignement. Cesinformations sont mises gra¬tuitement à la portée dupublic grâce à diverses publi¬cations de l'Unesco dont la

plus connue, dans ce do¬maine, s'intitule « Etudes àl'Etranger ». L'Unesco elle-même a offert près de millebourses au cours des huit

dernières années.

A LA NOUVELLE DELHI

le Gouvernement indien a déci¬dé de construire un immeubleréservé aux conférences natio¬nales et internationales. Sa

construction aura pris fin avantla session de la conférence gé¬nérale de l'Unesco qui doit s'youvrir en novembre 1956. Cet

immeuble aura trois étages etmille personnes pourront pren¬dre place dans la salle de con¬férences.

66

Page 67: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

A NOS LECTEURS

Il y a près de deux ans, le Courrier de l'Unesco

a abandonné son ancien format allongé pouradopter le format actuel de magazine. Depuislors, la Rédaction n'a épargné aucun effortpour améliorer la présentation et le contenu

des numéros successifs. De nouvelles chroniqueset rubriques ont été ajoutées, le nombre de pagesa été augmenté et un papier de meilleure qualitéest maintenant utilisé, tant pour la couvertureen couleur que pour les pages intérieures. Detoutes les parties du monde, nos lecteurs nous

ont exprimé leur satisfaction.

Quoique le Courrier de l'Unesco soit unepublication sans but lucratif, le montant actuel

de l'abonnement (300 fr. fr. ou 6/- par an) ne

couvre même plus le prix de l'impression et lesfrais d'envoi. Une augmentation du prix del'abonnement est donc devenue nécessaire. Tou¬

tefois, afin de permettre au Courrier de l'Unescode toucher un nombre aussi grand que possiblede lecteurs, cette augmentation a été réduiteau minimum.

A partir du Ier janvier 1956 le nouveauprix sera de 400 fr. fr., 8/- ou S2.00 par an,

ou l'équivalent en monnaie nationale. Le prixdu numéro sera de 40 fr. fr., 9d.' ou 20 cents.

La souscription et le renouvellement d'abon¬nements seront acceptés aux prix actuels àcondition d'être postés au plus tard le 3 I dé¬cembre 1955.

Dans le prochain numéro :

LES NATIONS UNIES

UN BILAN SINCÈRE

L'âge atomique et les Nations Unies sont nés tous deux en 1945,

il y a dix ans.

Pour bien des gens et notamment pour la jeune génération essayer

aujourd'hui de saisir la portée de ces événements, c'est comme pénétrer

dans un cinéma où le grand film est commencé depuis une heure :

on ne comprend pas toujours très bien le comment et le pourquoi deschoses.

Un père explique à sa fille, âgée de 15 ans, « le début du film » et l'aide à

comprendre où en est et où va l'O.N.U. après dix années d'existence.

Un savant envisage d'une façon réaliste l'avenir de l'atome vu sous l'angleinternational.

Page 68: À la conquête du désert; The UNESCO Courier: a window open on ...

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