8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!%...

8
carte blanche Pierre Mercklé Sociologue, Ecole normale supérieure de Lyon et Centre Max-Weber (blog : Pierremerckle.fr) (PHOTO : DR) Le carnyx gaulois sonne de nouveau Des acousticiens ont testé la sonorité de la copie d’une trompe de guerre antique trouvée en Corrèze en 2004. Décoiffant. PAGE 3 Femme scientifique de l’année Pionnière des thérapies géniques, notamment pour les « enfants-bulle », Marina Cavazzana-Calvo est lauréate du prix Irène-Joliot-Curie 2012. PAGE7 L e rituel est presque inchangé depuis trois décen- nies : à l’approche de l’hiver, les associations de lutte contre l’exclusion cherchent à attirer l’atten- tion de l’opinion et des pouvoirs publics sur la situa- tion de plus en plus difficile des exclus, travailleurs pau- vres ou chômeurs de longue durée, mal logés ou sans domicile. Ainsi, le rapport annuel du Secours catholi- que, rendu public le 8 novembre, constate une augmen- tation du nombre de personnes ayant reçu l’aide de l’as- sociation au cours de la décennie écoulée, et pointe des transformations inquiétantes de la grande pauvreté, qui touche de plus en plus de femmes et d’enfants. La pauvreté et l’exclusion ont-elles réellement aug- menté ? Comme pour les inégalités (voir le billet du samedi 9 juin), la question est compliquée : la notion d’exclusion est tellement protéiforme et controversée qu’elle est presque impossible à définir ; quant à la pau- vreté, faut-il la mesurer « relativement », en considé- rant comme pauvres ceux qui vivent avec moins de la moitié du revenu médian ? Ou faut-il compter ceux qui ont des difficultés à accéder à certaines ressources fon- damentales (nourriture, habillement, logement) ? Dans le premier cas, la pauvreté a augmenté au cours des dix dernières années, mais dans le second elle a diminué… Cela dit, même difficiles à définir et à mesurer précisé- ment, l’exclusion et la pauvreté n’en correspondent pas moins à des situations et des difficultés bien réelles, et, pour les connaître et les comprendre, il faut faire des enquêtes. Mieux encore : il faut refaire des enquêtes. C’est à cette entreprise rare que se sont attelés deux sociologues français, Jean-François Laé et Numa Murard. En 1985, ils avaient publié dans L’Argent des pauvres le récit de leur enquête dans une cité populaire d’El- beuf, en Normandie. Elle visait à démonter les ressorts d’une pauvreté qu’on s’attachait alors à décrire comme résiduelle, un reliquat de misère hérité du passé, que la prochaine reprise de la croissance allait effacer. Contre l’image misérabiliste véhiculée par les associations, ils décrivaient une expérience de la condition ouvrière qui restait vivace et continuait de produire du collectif, malgré les effets de la pauvreté sur l’organisation du temps, la consommation et la sociabilité. Trente ans plus tard, Laé et Murard sont retournés sur leur « terrain », ils ont refait l’enquête et viennent d’en publier le résultat dans Deux générations dans la débine. Le constat est sans appel. Malgré le revenu mini- mum, les allocations, le travail des associations, la scola- risation massive, l’optimisme des années 1980 a été démenti : non seulement la pauvreté est toujours là, mais aujourd’hui elle atomise les pauvres. C’est en partie le résultat de ce que les deux sociolo- gues appellent la « machine à laver les pauvres » : tous les dix ans, la mobilité résidentielle des pauvres est for- cée par les politiques du logement, qui détruisent les cités, déplacent les familles, dispersent les voisinages. L’affiliation à la classe ouvrière a volé en éclats, et ceux qui s’en sortent un peu mieux stigmatisent les fautes morales supposées de ceux qui ne s’en sortent pas parce qu’ils ne « savent pas se priver ». La pauvreté a peut-être reculé « en moyenne », mais la stigmatisa- tion de la pauvreté a très probablement progressé : l’enquête qui nous l’apprend n’est pas inédite – mais c’est ce qui en fait tout l’intérêt. p Deux générations de pauvres « The Drill », installation de l’artiste monténégrine Marina Abramovic, réalisée en 2009 à Manchester. MARCO ANELLI Quelle réforme pour la recherche ? Financement, pilotage, évaluation, place des universités… Les Assises nationales de l’enseignement supérieur et de la recherche, les 26 et 27 novembre, doivent aider le gouvernement à redessiner un paysage scientifique aujourd’hui embrouillé. PAGES 4-5 Ouvrir l’éthique au plus grand nombre Jean Claude Ameisen, nouveau président du Comité consultatif national d’éthique, souhaite y associer davantage la société civile. PAGE 2 Cahier du « Monde » N˚ 21103 daté Samedi 24 novembre 2012 - Ne peut être vendu séparément

Transcript of 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!%...

Page 1: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

c a r t e b l an ch e

PierreMerckléSociologue,

Ecole normale supérieurede Lyon et CentreMax-Weber

(blog: Pierremerckle.fr)(PHOTO: DR)

Le carnyx gaulois sonnedenouveauDesacousticiens ont testé

la sonorité de la copie d’une trompedeguerre antique trouvée enCorrèzeen2004.Décoiffant. PAGE 3

Femmescientifique de l’annéePionnière des thérapies géniques,notamment pour les «enfants-bulle»,Marina Cavazzana-Calvo est lauréateduprix Irène-Joliot-Curie 2012. PAGE 7

L e rituel est presque inchangédepuis troisdécen-nies: à l’approchede l’hiver, les associationsdelutte contre l’exclusion cherchent à attirer l’atten-

tionde l’opinionet despouvoirspublics sur la situa-tiondeplus enplusdifficile des exclus, travailleurspau-vres ou chômeursde longuedurée,mal logés ou sansdomicile.Ainsi, le rapport annuel du Secours catholi-que, rendupublic le 8novembre, constateuneaugmen-tationdunombredepersonnesayant reçu l’aidede l’as-sociationau coursde la décennie écoulée, et pointedestransformations inquiétantesde la grandepauvreté,qui touchedeplus enplusde femmeset d’enfants.

La pauvreté et l’exclusionont-elles réellementaug-menté? Commepour les inégalités (voir le billet dusamedi9juin), la question est compliquée: la notiond’exclusionest tellementprotéiformeet controverséequ’elle est presque impossible à définir; quant à la pau-vreté, faut-il lamesurer «relativement», en considé-rant commepauvres ceuxqui vivent avecmoinsde lamoitiédu revenumédian?Ou faut-il compter ceuxquiontdesdifficultés à accéder à certaines ressources fon-

damentales (nourriture, habillement, logement)?Dansle premier cas, la pauvretéa augmenté au cours desdixdernièresannées,mais dans le secondelle a diminué…

Celadit,mêmedifficilesàdéfinir et àmesurerprécisé-ment, l’exclusionet lapauvretén’encorrespondentpasmoinsàdes situationsetdesdifficultésbienréelles, et,pour les connaître et les comprendre, il faut fairedesenquêtes.Mieuxencore: il faut refairedesenquêtes.C’est à cetteentreprise rarequese sontattelésdeuxsociologues français, Jean-FrançoisLaé etNumaMurard.

En 1985, ils avaientpublié dans L’Argentdes pauvresle récit de leur enquêtedansune cité populaire d’El-beuf, enNormandie. Elle visait à démonter les ressortsd’unepauvreté qu’on s’attachait alors à décrire commerésiduelle, un reliquat demisèrehérité dupassé, que laprochaine reprisede la croissanceallait effacer. Contrel’imagemisérabilistevéhiculéepar les associations, ilsdécrivaientune expériencede la conditionouvrièrequi restait vivace et continuait deproduire du collectif,malgré les effets de la pauvreté sur l’organisationdutemps, la consommationet la sociabilité.

Trente ansplus tard, Laé etMurard sont retournéssur leur «terrain», ils ont refait l’enquête et viennentd’enpublier le résultatdansDeuxgénérationsdans ladébine.Le constat est sans appel.Malgré le revenumini-mum, les allocations, le travail des associations, la scola-risationmassive, l’optimismedes années 1980aétédémenti: non seulement la pauvreté est toujours là,mais aujourd’hui elle atomise les pauvres.

C’est en partie le résultat de ce que les deux sociolo-gues appellent la «machine à laver les pauvres» : tousles dix ans, lamobilité résidentielle des pauvres est for-cée par les politiques du logement, qui détruisent lescités, déplacent les familles, dispersent les voisinages.L’affiliation à la classe ouvrière a volé en éclats, etceuxqui s’en sortent un peumieux stigmatisent lesfautesmorales supposées de ceuxqui ne s’en sortentpas parce qu’ils ne «savent pas se priver». La pauvretéa peut-être reculé «enmoyenne»,mais la stigmatisa-tion de la pauvreté a très probablement progressé:l’enquête qui nous l’apprendn’est pas inédite –maisc’est ce qui en fait tout l’intérêt. p

Deuxgénérationsdepauvres

«TheDrill», installationde l’artistemonténégrineMarinaAbramovic, réalisée en 2009 àManchester. MARCO ANELLI

Quelleréformepourlarecherche?Financement, pilotage, évaluation, placedesuniversités… LesAssises nationales de l’enseignement supérieur etde la recherche,

les 26et 27novembre, doivent aider le gouvernement à redessiner unpaysage scientifique aujourd’hui embrouillé.PAGES 4-5

Ouvrir l’éthique au plus grandnombre JeanClaudeAmeisen, nouveauprésident du Comité consultatifnational d’éthique, souhaite y associerdavantage la société civile. PAGE 2

Cahier du «Monde »N˚ 21103 daté Samedi 24novembre 2012 - Nepeut être vendu séparément

Page 2: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

Propos recueillis parFlorence Rosier

Médecin et chercheur,professeur d’immu-nologie et directeurdu Centre d’étudesdu vivant à l’univer-sité Paris-Diderot,

mais aussi homme de radio, Jean ClaudeAmeisenestlenouveauprésidentduComi-té consultatif national d’éthique pour lessciencesde la vie et de la santé (CCNE).

Le CCNE fêtera ses 30 ans auprintemps.Comment entendez-vous inscrire sonrôle dans la société?

Le CCNE est le premier Comité consulta-tif national d’éthique créé au monde.Depuis 1983, il a eu, dansnotrepays et danslemonde,un rôlede toutpremierplan. J’at-tache une grande importance à samissiond’animation d’une réflexion éthique dansla société. Les avancées scientifiques et lesquestions éthiques qu’elles soulèvent sontsouvent traitées par les médias dans uncontexte d’urgence. Le rôle du CCNE est deprendre du recul, de dégager les enjeux,d’explorer et de présenter les différentesoptions qui permettront aux citoyens des’approprier la réflexion et de s’exprimer àpartird’un«choixlibreetinformé».Unpro-cessusaucœurde ladémarcheéthiquebio-médicale,etessentielà laviedémocratique.

La démarche éthiquepeut-elle se fonderexclusivement sur l’expertise biologi-que etmédicale?

Non. Le CCNE est indépendant et trans-disciplinaire:quandlerespectdelaperson-

neestenjeu, l’expertisebiologiqueetmédi-cale est indispensablemais n’est pas suffi-sante. Le CCNE est composé de 40mem-bres: desmédecinset desbiologistes,maisaussi des philosophes, des anthropolo-gues, des sociologues, des juristes, des per-sonnes venant de différents horizons, ycomprisquatremembreschoisispour leurappartenance aux grandes familles spiri-tuelles et religieuses.

Amesure que notre réflexion collectives’élabore,elledépasse lespointsdevue ini-tiaux de chaque participant. C’est unedémarche qui demande de l’humilité etimplique que chacun reconnaisse qu’il abesoin de l’autre. On considère trop sou-vent que des avis d’experts suffisent pourdécider des grands choix de notre pays. LeCCNEestunexemple intéressantquipour-rait être étendu à d’autres domaines : lesenjeuxdesnanotechnologies,desOGM,dunucléaire, du réchauffement climatique,des choix économiques…

Comment faire entrer davantage laréflexion éthique dans la société civile?

Il y a sûrement un travail pédagogiqueimportant à faire pour que les démarchesscientifique et éthique deviennent descomposantes à part entière de notreculture. Le CCNE peut tenter de rendre sesavis non pas plus simples, mais parfoisplus clairs. Non pas en effaçant la com-plexité, mais en clarifiant les dimensionsessentielles de cette complexité. Et il y al’animation de la réflexion publique, quiest essentielle. En 2009, durant les «étatsgénérauxde la bioéthique», des panels decitoyens tirés au sort ont réfléchi ensem-ble et émis des avis et recommandationsd’un très grand intérêt…

Je crois qu’il n’y a pas de forme idéaled’animation de la réflexion publique. Ilfautcroiserdifférentesapproches.Etlesins-crire plus souvent dans une dimensioninternationale. En France, nous débattonstrop souvent sur les questions éthiquescommesi nous étions seuls aumonde. Fai-reparticiperdescomitésd’éthiqued’autrespays,notammenteuropéens,nousaideraitàmieuxélaborernosréflexions.Etàmieuxcomprendreenquoietpourquoinouspou-vons souvent faire, à partir des mêmesquestionséthiques, des choixdifférents.

Le CCNE pourrait-il être plus réactif?En 2007, le CCNE a élaboré et publié un

avissur les testsgénétiquespour leregrou-pement familial (avis n˚100) en une jour-née. Mais la problématique était relative-mentsimple.Unegrande réactivitéestuti-le dans certains cas, mais je pense que làn’est pas le rôle essentiel du comité. Enfer-mer leCCNEdansunrôlede lanceurd’aler-teouderéponsed’urgenceserait luiôtercequi fait l’originalité de sa mission: faire«unpasdecôté»,réaliseruneanalyseorigi-naleet approfondie.Nousvivonsdansuneculture de l’instantané, nous manquons

souvent de recul. La plupart des avis duCCNE ont demandé plusieurs mois deréflexion,parfois des années.

A six reprises entre1984 et 2001, leCCNEa recommandéun régimed’autori-sation encadrée des recherches sur l’em-bryon et les cellules souches embryon-naires – sans avoir été suivi par le légis-lateur. N’est-ce pas perturbant?

Lors des états généraux de 2009, lepaneldecitoyensavaitfait lamêmerecom-mandation. Le CCNEest une autorité indé-pendante consultative. Il ne peut, ni nedoit, se substituer auxchoixdu législateuret de la société. Le rôle principal du CCNEme semble être de faire ressortir la com-plexité des problèmes, leurs enjeux, lescontradictions éventuelles, et de clarifieraumieux les possibilités de choix. C’est ladémarche que nous avons suivie en 2010dansnotre réflexion sur les recherches surl’embryon(avisn˚112). Il est souventarrivéque le législateur traduise très rapidementdes recommandationsduCCNEdans la loi.Même alors, l’existence d’une réflexionpublique qui permette à la société de biencomprendre et de participer à ces choixdemeure importante.

Vous avez dit vouloir ouvrir le CCNE àdes économistes.Quel serait leurapport?

Ils nous aideraient dans nos réflexionssur trois points très importants. D’unepart, à mieux prendre en compte les fac-teurs socio-économiques et environne-mentaux qui ont une influence sur l’espé-rance de vie et la santé, comme l’amontrél’OMS – et les moyens d’y remédier.D’autre part, à mieux apprécier la dimen-sionéconomiquedeschoixdepolitiquedesanté, avec les risques d’exclusion oud’abandonqu’ilssontsusceptiblesd’indui-re. Enfin, ils nous aideraient à analyser leseffetsdespolitiqueséconomiquesnationa-les et internationales sur la santé.

Les réflexions éthiques, dites-vous, ten-dent à se focaliser sur le tout début etsur la toute fin de la vie, ce qui peutconduire à négliger un peu «le reste».Quel est pour vous ce «reste»?

Notreexistence, latramedenos jours.Lavie de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte,de lapersonneâgée.Dansnotrepays,deuxmillionsd’enfantsviventaujourd’huisousle seuil de la pauvreté, les enfants atteintsdehandicap sont trop souvent privés d’unaccès à l’éducation, les personnes adulteset âgées privées d’accès aux soins, les per-sonnes atteintes de maladies psychiatri-ques graves, abandonnées dans la rue ouenfermées en prison. Dans le monde, desmillionsd’enfants et de personnes adultesmeurent chaque année de maladie et defaim, alors que nous avons les moyens delessauver.«Qu’est-cequidevraitnousteniréveillé la nuit?, demandait récemment lePrix Nobel d’économie Amartya Sen. Lestragédies que nous pouvons prévenir, et lesinjusticesquenouspouvonsréparer.»Dansnotrepays. Et dans lemonde.p

SCIENCE&TECHNO a c t u a l i t é

«Fairepartagerlesquestionséthiques»Entretienavecl’immunologiste

JeanClaudeAmeisen,nouveauprésidentduComitéconsultatifnationald’éthique

«Il y aun travail pédagogiqueà faire pour que les démarches

scientifique et éthiquedeviennent des composantes

àpart entière denotre culture»

Pascale Santi

LesFrançaisnese fontpassuffisam-mentvacciner,notammentcontrelagrippe.Telestleconstatdel’Insti-tutdeveillesanitaire(InVS)dansla

premièregrandesynthèsesurlesujet,pré-sentée mardi 20novembre. Pourtantconsidéréscommeprioritaires, lesprofes-sionnels de santé, médecins, infirmiers,sages-femmes, aides-soignants, ne sontpas exemplaires.

En effet, si leur couverture pour les vac-cins obligatoires (BCG, diphtérie, tétanos,poliomyélite, hépatite B) semble satisfai-sante (plus de 90%), les taux sont plus fai-bles pour les vaccins recommandés quesont les rappelscontre la coqueluche(11%),la grippe (25%, contre 54% chez les plusde65anset31,9%chezles20-64ansàrisques),la varicelle (29%) ou encore la rougeole(50%), selon Jean-Paul Guthmann, coordi-

nateur du programme d’évaluation et desuivide la couverturevaccinalede l’InVS.

Ils’appuiesurl’enquêteréaliséeparl’ins-titut auprès d’unéchantillon représentatifde 1127personnes dans 35établissements,fin 2009. Les infirmiers et aides-soignantssontplusréticentsquelessages-femmesetmédecins, les couvertures vaccinalescontre lagrippeet la coquelucheétant tou-tefois plus élevées dans les secteurs depédiatrie-maternité.

Recommandations particulièresLes personnels soignants font l’objet de

recommandationsparticulièresquivisentd’une part à les protéger demaladies aux-quellesilssontexposés,enévitantlatrans-missiondemaladesàsoignantsetentresoi-gnants, et, d’autre part, à réduire la trans-mission de ces maladies à leurs patients,notammentlesplusfragiles.Onparlealorsde vaccination «altruiste» visant à préve-nirune infectionnosocomiale.

«De nombreux cas groupés de coquelu-che nosocomiale se produisent chaqueannée en France, aussi bien chez l’adulteque chez l’enfant», indique le rapport del’InVS. La transmission de la coqueluche àun bébé peut avoir des conséquences gra-ves. Même chose pour le virus grippal :«Des épidémies de grippe nosocomiale seproduisentchaqueannéedanslesétablisse-mentsaccueillantdespersonnesâgées,pro-voquant des centaines de cas (et des dizai-nesdedécès) chez les résidents.»

Dans ce contexte, comment expliquerces freins? La crainte des effets secondai-res des vaccins a remplacé la peur desmaladies, souligne le professeur PierreBégué,membrede l’Académiedemédeci-ne,quidénonceunclimatgénéraldesuspi-cioncontrelesvaccins.«L’échecde lacam-pagne de vaccination contre la grip-peA(H1N1)aentraînéunrefluxdelavolon-tévaccinaleàl’égarddelagrippesaisonniè-re, et probablement de la vaccination en

général»,analyselesociologueMichelSet-bon, du CNRS et de l’Ecole des hautes étu-des en santépublique.

«Ils pensent souvent être à jour»Plusgénéralement,«il yaun fossé entre

l’analyse sur une situation faite par desexperts,quiappellentà lavaccination, et lafaçondont les individus–ycompris lespro-fessionnels de santé – la reçoivent, dans laperceptiondurisque»,expliqueM.Setbon.

Comme la majorité de la populationadulte, rares sont les personnels de santéqui savent où ils en sont de leur vaccina-tion. «Ils pensent souvent à tort être à jourdesvaccinationsrecommandées,noteJean-Paul Guthmann, et en général connaissentmalcesvaccinations,perçoiventsouventlesmaladies contre lesquelles elles protègentcomme des maladies peu graves ou béni-gnes,neconsidérantqu’ellessontspécifique-ment justifiées chez les soignants que dansunpeuplusdelamoitiédescasseulement.»

Certains estiment que la question del’obligation légale de certaines vaccina-tions se pose pour les personnels soi-gnants. «C’est une question sur laquelleles autorités de santé se penchent. Il y ades pour et des contre, ce n’est pas tran-ché», explique FrançoiseWeber, directri-ce générale de l’InVS.

«A titre personnel, je ne suis pas unchaudpartisandes obligations vaccinales,mais la question mérite d’être posée enmilieu professionnel, indique le profes-seur Daniel Floret, président du Comitétechniquedesvaccinations(CTV).Onpour-raitrendrelevaccincontre larougeoleobli-gatoire en situation d’épidémie. L’obliga-tion vaccinale devrait pouvoir être procla-mée d’unemanière plus souple lorsque lescirconstancesl’exigent.»Enattendant,deshôpitaux suisses et certains services fran-çais obligent les personnes non vaccinéesà travailler avecunmasquependant l’épi-démie saisonnièrede grippe.p

Vaccination: lessoignantsnemontrentpas l’exempleUnquartdespersonnelsdesantés’estvaccinécontrelagrippe,11%ontfait lesrappelscontrelacoqueluche

Jean ClaudeAmeisen,àParis,

en février2012.BALTEL/SIPA

2 0123Samedi 24 novembre 2012

Page 3: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

31%C’est le tauxde surdiagnostics résultantdudépistagedes cancersdu seinauxEtats-Unis, selonune étudepubliée le22novembredans leNewEngland Jour-nal ofMedicine. ArchieBleyer et GilbertWelchestimentqu’entre1976 et 2008, ledépistageparmammographiea induit1,3millionde surdiagnostics (cancersquine se seraient pasmanifestés clini-quement). Le dépistagen’a,«aumieux,qu’uneffetmineur sur lamortalité descancers du sein», concluent-ils.Outre-Atlantique, lesmammographies sonteffectuées tous les ans à partir de40ans. Ces conditions sont très différen-tes de la stratégie française, soulignentdes spécialistes, pour qui les résultatsaméricainsnepeuventpas être extrapo-lés ànotrepays.

a c t u a l i t é SCIENCE&TECHNO

Arthurde Pas

Non, tu ne chante-ras pas ! La voixd’Assurancetou-rix est certaine-ment son princi-pal atout pour fai-

re fuir sangliers, villageois, Nor-mandsouRomains…Mais,parmilesinstruments qu’il affectionne, onpeut aussi relever la présence d’uncarnyx, cette longue trompe à têted’animal utilisée par les Celtesdurant les trois derniers sièclesavant Jésus-Christ.

Iln’estdoncpassurprenantqu’unamateur de sensations musicalesfortes comme notre barde appréciel’objet : l’historien grec Polybe(206-126av. J.-C.), impressionné parla clameur des chants et des carnyxde l’arméegauloise,nota, aveceffroisans doute, que « les lieux voisinsrésonnantdeconcertsemblaienteux-mêmespousser des cris».

Quelétait le sondece fameuxins-trument,utilisépourrendrefous les

Romains ou pour interpeller Touta-tis ? Telle est la question que s’estposéeChristopheManiquet,archéo-logue à l’Institut national de recher-ches archéologiques préventives(Inrap),aprèsavoirdécouvertlespré-cieuxdébris de sept carnyx.

Dansune petite fosse de 30cmdeprofondeur,plusde cinqcentpiècesde fer et de bronze déposées enoffrande aux divinités ont en effetété déterrées en 2004, sur le site deTintignac en Corrèze. «Ces objetsavaient été volontairement détério-rés, pour qu’ils ne puissent plus êtreréutilisés par de simples mortels»,raconteChristopheManiquet.

Près de quarante pièces ont étéidentifiéescommedesfragmentsdecarnyx.Undes instruments, longde1,80m et doté d’une tête de sanglierstylisée, a pu être en grande partiereconstitué.Unepremièredansl’his-toire de l’archéologie : «Quelquesmorceauxde carnyxavaientdéjàétédécouverts, souventauXIXe siècle, enAngleterre, en Ecosse, en Allemagne,en Italie… Mais le contexte était malidentifié. Et jamaisonn’avait retrou-véautantd’instrumentsà la fois», seréjouitChristopheManiquet.

Le carnyx appartient à la familledes instruments à vent. Sous-famille des cuivres, qui se définitpar la présence d’une embouchure.Sous-sous-familledes cuivresnatu-rels, sans pistons. Sa forme coniquele rend proche des cuivres douxcomme le cor, au son plus feutréque les cuivres cylindriques com-me la trompette.

Malheureusement, l’instrumentmis en pièces par les pieux Gaulois

est injouable. ChristopheManiqueta donc d’abord fait appel à un arti-san pour fabriquer un carnyx demêmedimensionenlaiton.Puisl’ar-chéologue s’est associé aux acousti-ciens du Laboratoire d’acoustiquede l’université du Maine-CNRS,situé auMans et dirigé par le cher-cheur Joël Gilbert, spécialiste descuivres,pouruneanalyseapprofon-die du spécimen.

Principal objet de l’étude, présen-tée lorsd’uneconférenceréunissantluthiers et chercheurs au Mans, les12 et 13 novembre: les fréquences derésonance, qui déterminent la sériede notes jouables. Si l’instrumentest bien conçu, elles se rapprochentd’une série harmonique: à partir dela note fondamentale, le musicienpeut en produire aisément d’autres(octaves,quinteset tiercesessentiel-lement), enmodulant lapressiondeson souffle et la tension de seslèvres.

Lecarnyxaunefondamentaleplu-tôt grave, étant donné sa longueur.Or,leschercheursdécouvrentquelesfréquences de résonance obtenuesavec la copie de l’instrument sontéloignées d’une série harmonique.JoëlGilbertetsescollèguess’interro-gent alors, puis ont un déclic :«Lecarnyxn’estpasunins-trument primitif, et ilétait réputé poursa puissance.Nous avonsdonc émis l’hy-pothèse que cet-te copie n’étaitsûrementpascom-plète.»

Une supposition queChristophe Maniquetjuge plausible : une incer-titude demeure concer-nant la connexion entrel’embouchure et le tube.Les acousticiens repren-nent alors leurs recherchesen simulant, grâce à unmodèle de calcul, l’ajoutd’une pièce sur un carnyxvirtuel, cette fois. Avecdeux longueurs testées :10 cm et 20 cm. Le son del’instrument est abaissé etl’harmonicité des résonan-cesmodifiée.

Les simulations ont mon-tré qu’un optimum étaitatteintavec lapiècede 10cm,ce qui pourrait en plus cor-respondre à un objet ducatalogue archéologiquede Tintignac. ChristopheManiquetprojettedoncde réaliser un deuxiè-meprototypedel’ins-trument en inté-grant notammentles 10 cm man-quants.

«Ce carnyx seraainsi plus facile àjouer et plus puis-sant», garantit lechercheur JoëlGilbert,confiantdans ses calculs.Qu’on bâillon-ne donc Assu-rancetourix, larelèveestassu-rée.p

DesavatarsauchevetdupatientDesorganesnumériquespermettentdesimulerdesacteschirurgicauxetd’optimiserlestraitements

r e c t i f i c a t i f

BachelièreLeportrait consacréàMarionMontaignepublié dans le supplément«Science&techno» du 17novembre indiquait parerreurque la dessinatricede bandedessinéen’avait pas le baccalauréat. Lacitation correcte était : «Je n’aimêmepasle bacS [série scientifique]»,MarionMontaigneétant titulaire d’unbacES(série économiqueet sociale).

MédecineDes électrodes dans la rétinepour lire en brailleUnaveugle a été capablede lire desmotsenbraille directementprojetés sur sarétinepar l’intermédiaired’un réseaud’électrodes. Ceprocédé, dérivéd’uneneuroprothèseappeléeArgus II, a étémisaupoint par une équipefranco-américaine.Argus II est destiné àdonnerdes repères visuels à des aveugles

grâce àune caméra fixée sur des lunettes,qui transmet le signal vidéo àunordinateurportable capablede lesimplifierpour le transmettre à son tour,parun implantoculaire, à un réseaud’électrodesqui stimule la rétinedupatient.Les chercheursont eu l’idée de faire liredirectementdes lettres et desmots enbraille à unpatient déjà équipéde cetteprothèse comptant60électrodes, dont6ont servi à formerdes lettres enbraille.Projetées sur sa rétinependantunedemi-seconde, celles-ci étaientidentifiées correctementdans 89%descas. Cette acuité restait de 70% lorsquedesmots de quatre lettres successivesétaientprojetés. Pour les chercheurs,cette expérienceprouvequ’une telleprothèsepeutpermettre de lire le braille.A ce jour, cinquantepersonnes ont étéappareillées avecArgus II.> Lauritzenet al., in «Frontiers inNeu-roscience» du22novembre

AstronomieUne découverte «historique»de Curiosity surMars?La rumeur d’une découverte importantedu rovermartien Curiosity bruit sur lesréseaux: JohnGrotzinger, le responsablescientifiqueprincipal de lamission,aurait en effet laissé entendre à unjournaliste de la radio publiqueaméricaine (NPR) que l’un desinstruments scientifiques du robot avaittrouvé des éléments excitants dans unéchantillonde sol. «Ces données sont denature à entrer dans les livres d’histoire.Cela semble vraiment prometteur»,aurait-il lâché, sans vouloir en dire plus àson interlocuteur. Il faudra encoreplusieurs semaines, selonM.Grotzinger,pour analyser ces résultats et être sûr deleur portée. L’explorationmartienneincite à la prudence: dans un premiertemps, Curiosity avait semblémesurerduméthane, indice possible d’activitébiologique,mais il a ensuite étéconfirméque ce gaz était d’origineterrestre, arrivé avec l’engin…

Fac-similéd’un carnyx

tel qu’utilisé parles Celtes durantles trois dernierssiècles avantJ.-C.

PATRICK ERNAUX/INRAP

Retrouverlesond’unetrompegauloise

m u s i c o l o g i e |Uneéquiped’acousticiensaanalysélasonoritéducarnyx,quisemait l’effroidansl’Antiquité

Sandrine Cabut

Strasbourg

Optimiser la pose d’un pacema-kerenréalisantd’abord l’inter-vention sur un cœur virtuel,exacte réplique de celui du

patient. Enlever une tumeur hépatiquepar chirurgie robotisée, guidée par unsystème de réalité augmentée, qui rendle foie transparent et permet de visuali-ser les vaisseaux situés sous cet organe.Modéliser lacroissancedecellules tumo-rales chez un malade pour prédire plusfinement l’évolution de son cancer…

Longtemps héros de science-fiction,le patient numérique devient une réali-té, comme en témoignent de nombreuxprogrammes présentés en démonstra-tion mercredi 21 novembre, à Stras-bourg, lors d’une rencontre entre l’Inria(Institut national de recherche en infor-matique et en automatique) et l’indus-trie, sur le thèmede la simulationnumé-rique pour la santé.

Ces innovationspromettentdesmuta-tions dans la pratique de lamédecine, dela chirurgie et de la recherche – pour laconception de médicaments par exem-ple. Même la formation des profession-nels de santé bascule vers le numérique,avec le développement de mannequinsbardés d’électronique et de logiciels dejeux sérieux (serious games). Ces outilspermettent, en toute sécurité et avec ungrand réalisme, d’apprendre à maîtriserdes gestes techniques, à bien réagir à desscénarios d’urgence et à travailler enéquipe…Avecunenouvellephilosophie:« Jamais la première fois sur le patient»,insiste le professeur Jean-Claude Granry(CHUd’Angers), rapporteur pour la Hau-

te Autorité de santé sur ce sujet.«La simulationet lamodélisation sont

maintenantpartout enmédecine, confir-meNicholasAyache,directeurde recher-che à l’Inria. Au départ, cela a consisté ànaviguer dans des organes figés, rigides.Depuisquelquesannées, onmodélisenonseulement la géométrie d’un organemais aussi ses caractéristiques physi-ques, biologiques et même physiologi-ques. Et le travail se fait à toutes les échel-les, du micro au macroscopique, ce quipermet de décrire le vivant dans toute sacomplexité.»

Optimiser la pose de pacemakersDe plus, ces organes numériques

(cœur, poumons, cerveau…) ne sont plusseulement génériques, mais personnali-sables pour répondre à la situation clini-que de patients donnés.

Depuis une dizaine d’années, plu-sieurs équipes de l’Inria planchent ainsisurdesprogrammesdemodélisationcar-diaque. Ainsi du projetMACS, qui repro-duit l’activité électromécanique ducœur.Devantunécranoùdéfilentdebel-les imagesen3Dd’uncœur,dont les cavi-tés se contractentet changentde couleurau rythme de sa dépolarisation électri-que, Dominique Chapelle (Saclay) expli-que les futures applications : «Actuelle-ment, les stimulateurs cardiaques sontinefficacesdans30%descas. Cecœurper-sonnaliséviseàoptimiser laposedepace-makers en déterminant les meilleursemplacements pour poser les électro-des», souligne-t-il, en précisant que laprédictibilité du modèle a été vérifiée –rétrospectivement – chez trois patients.

Aquelquespasde là, uneautre équipede l’Inriaprésenteunprojet complémen-

tairedecathétérisationcardiaquenumé-rique. «L’objectif est de mieux préparerces interventions, en répétant virtuelle-ment les gestes de cathétérisation [unesonde est introduite par l’artère fémora-le puis poussée jusqu’au cœur] et en étu-diant ses effets sur le cœur», détaille ledémonstrateur. Ces pompes cardiaquesnumériques seront adaptées à chaquepatient, avec ses données d’imagerie –en IRM principalement – et de pressioncardiaque.

«Petite révolution»Pour l’heure, la plupart des program-

mes sont encore dans les laboratoires,mais certains sont déjà accessibles. Ain-si, indiqueNicholasAyache,une start-upcalifornienne,Heartflow,vientd’obtenirl’agrémentde laFoodandDrugAdminis-tration pour un système qui calcule lapression dans les artères coronaires – lesvaisseauxnourriciersducœur–de façontotalement atraumatique à partir del’imageriecardiaqueetde la tensionarté-rielle. «C’est une petite révolution», esti-me le chercheur.

A l’Institut hospitalo-universitaire(IHU) de Strasbourg, ces technologies dufutur se conjuguent déjà au présentdans les blocs opératoires. Pour la pre-mière fois, l’équipe de Jacques Mares-caux, directeur général de l’IHU et prési-dent de l’Ircad (Institut de recherchecontre les cancers digestifs), a pratiquécet été une intervention de cyberchirur-gie avec un robot guidé par réalité aug-mentée. Les images en 3D du foie de lapatiente, acquises avant l’intervention,ont été fusionnées en temps réel avec lesimages fournies par la caméra pendantl’opération. La tumeur hépatique a étéretirée avec succès.p

t é l é s c o p e

Un instrument, longde 1,80met dotéd’une tête

de sanglier stylisée,a puêtre engrandepartie

reconstitué

En juillet2012, l’équipede JacquesMarescauxa fusionnédes imagesde réalitévirtuelleavec celles de la caméra introduitedans le corpsd’unepatiente.

IRCAD

Grille d’électrodes implantéedans la rétine d’un aveugle

pour lui permettre de lire. SECOND SIGHT

30123Samedi 24 novembre 2012

Page 4: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

42,7

C’est lenombrede personnesemployéesdans la recherche

milliards d’eurosde dépenseintérieure en 2009,soit 2,26%duPIB

David Larousserieet Isabelle Rey-Lefebvre

Le monde de la recherche vaencore bouger. De nouvellesréformes s’annoncent avec latenue, les 26 et 27novembre àParis, des Assises nationalesde l’enseignement supérieur

etde la recherche.Cette initiative fait suiteà sept années de profonds changementsdans le paysage, après des états générauxobtenussous lapressionde lacommunau-té scientifique, en 2004, et qui ont donnélieu à plusieurs lois, souvent contestées,en 2005 et en 2007.

Les voix qui demandaient avant toutediscussion des moratoires sur les derniè-res décisionsduprécédent gouvernementn’ont pas été entendues. Les marges demanœuvre budgétaires sont étroites. Sibien que ces assises, initiative du sommetplutôt quede la base, ont surtoutmobiliséles institutions, et guère les chercheurseux-mêmes. Des questions majeures res-tent posées, auxquelles deux projets deloi, sur l’université et sur la recherche,devraient tenter de répondre début 2013.

Peut-onsimplifierlemille-feuillefrançais?

Le mot qui est revenu le plus lors desauditions ou dans les contributions quiont précédé les assises est « simplifica-tion». «Depuis 2005, beaucoup de nouvel-les structures sont apparues, conduisant àunmille-feuille institutionnel, qualifié plu-tôt de “mikado” par certains. Mais person-ne ne veut enlever son étage !», témoigneRémy Mosseri, directeur de rechercheCNRSetmembreducomitédepilotagedesassises. Cette complexité vaut tant pour lagestion administrative des personnelsquepour larecherchedefinancements, leschercheurspouvantfrapperàunemultitu-de de guichets, de celui de leur«employeur» jusqu’à ceux d’instanceseuropéennes, en passant par des appelsd’offrespublics, lancéspardes fondations,desrégions…«Unmoissurdouzeestconsa-cré à écrire des projets. Ça pompe notreénergie de chercheur», indique BrunoAndreotti,professeurenphysiquedel’uni-versité Paris-VII au laboratoire de physi-que et mécanique des milieux hétérogè-nes de l’ESPCI ParisTech.

Le drame est que ces innovations admi-nistratives ont souvent été lancées dansun souci de simplification pour accroîtrela visibilité des établissements français, àl’international notamment. Or, la lecturedevient de plus en plus compliquée avecdesstructuresqui se recouvrent.«Lesgensne savent même plus dans quoi ils sont»,ironise Georges Debrégeas, physicien del’université Pierre-et-Marie-Curie.

Ainsi,àParis, lesdeuxprincipales initia-tives d’excellence (IDEX) – des regroupe-ments d’établissements – portent toutesles deux le nom de Sorbonne (Sorbonne-université et Sorbonne Paris-Cité). La troi-sième,Paris-Scienceset Lettres, n’aqu’uneseule université et quatre grandes écoles,quand les autres n’en ont pas vraiment,actant ainsi une vieille fracture française.En mathématiques, les laboratoires deParis-VI et Paris-VII se trouvent dans deuxIDEXdifférentes,maiscertainssontréunisdans la Fondation sciences mathémati-ques de Paris, une fondation de coopéra-tion scientifiquedans le jargon.

«En Ile-de-France, les découpages enmégauniversités nient des collaborationsréelles et forcent d’autres équipes à se réu-nir dans des montages fictifs. Les réformesvisent à passer d’un système de recherchefondésur lacoopération,où lesorganismescomme le CNRS assuraient une cohésionnationale, à une organisation où des blocsuniversitairesmis en concurrence s’affron-

tent pour récupérer des moyens finan-ciers», regrette BrunoAndreotti.

Quelleplacepourl’universitédanslarecherche?

Laloirelativeauxlibertésetresponsabili-tésdesuniversités (LRU)de2007,diteaussid’autonomiedesuniversités,n’estpas sansconséquence sur le fonctionnement deslaboratoires,cesderniersétantsouventins-talléssurdescampusuniversitairesencotu-telle avecdesorganismesde recherche.

D’abord, il y a la situation des financeset de l’emploi. En héritant de la gestionsalariale de leurs personnels, les universi-tés ont dû mécaniquement recruter pources nouvelles fonctions, sans recevoirpour autant demoyens supplémentaires.«AParis-VII, pour le départementdephysi-que, ce redéploiement nous a fait perdre15postes d’enseignant-chercheur sur150»,estime BrunoAndreotti. 14 présidents ontmême récemment demandé auministèrede reprendre cette activité (Le Monde du16novembre).

Ensuite, l’activitéde rechercheestdeve-nue une manière de fierté des plus gran-des universités, notamment avec la publi-cité faite aux classements mondiaux, quiprennent en compte souvent plus larechercheque l’enseignement, et dans les-quels les établissements français brillentpeu. «Que l’université reprenne la mainsurdes laboratoiresnenousposepasdepro-blème», estime un directeur du CNRS. «Sil’universitéprend le relais, on coule !»,pen-se au contraire un biologiste. Les différen-cesculturelleset lesécartsdemoyensravi-vent de vieilles querelles.

En outre, les régions, ayant en chargel’enseignement supérieur, ont de plus enplusleurmotàdiresur lapolitiqueuniver-sitaire. Il sera alors logique que cette der-nière s’adapte aux spécificités locales, fai-sant craindre un «pilotage» de la recher-

che qui heurte la sacro-sainte liberté duchercheur.«L’undesbutsavouésdes réfor-mesencoursestdefaireapparaîtredesuni-versités d’élite à forte composante recher-che et d’autres dites de proximité, surtoutchargées de l’enseignement», estimeBrunoAndreotti.

Lefinancementparprojetest-il lapanacée?

Les laboratoires, traditionnellementfinancés par des moyens apportés par lesorganismesderechercheet lesuniversités,voient de plus en plus leurs ressourcesvenir de réponses à des appels d’offres surprojet. L’Agence nationale de la recherche(ANR)oul’Europe,maisaussi lesinvestisse-ments d’avenir, incarnent ce nouveaumodèle. Selon l’Associationnationalede larecherche et de la technologie (ANRT), laquote-part des financements par projetdans la recherche publique est passée de4,4% en 2007 à 20,5% en 2011. «Les créditsde base demon institut sont passés de 80%dubudgetà20%!», constateleneurobiolo-gisteYehezkel Ben-Ari.

Le ministère de l’enseignement supé-rieuretde la recherche,dans lebudget2013,aanticipélacritiqueetadécidédediminuerde 70millions d’euros le budget de l’ANR,qui est d’environ686millions d’euros, afinde le reverser auxorganismesde recherche(mais l’essentiel est absorbé par des cotisa-tions retraite). La course aux financementsacependantfaitdesheureux.«80%dubud-getdemonétablissementestsurprojets.Nosmoyens ont été considérablement augmen-tés, et nous pouvons faire ce que nos prédé-cesseursontrêvédefaire:recrutements,nou-veaux enseignements, expériences… Noussoutenonslacomparaisonaveclesmeilleursdu monde», s’enthousiasme un directeurdedépartement,quireconnaîtdes«frustra-tions» chez ceux qui n’ont pas été choisisdans les appelsd’offres.

«La situation est un peu ubuesque, carellecréedelapénuried’uncôtéetdelaquasi-gabegie quand l’argent coule à flots sur unlabo», critique Georges Debrégeas. Celaaugmente aussi la charge administrative,mêmesil’ANRassure,danssacontributionauxassises, avoir divisé par deux «le nom-brede rapportsd’activitéexigé». Beaucoupappellentdeleursvœuxunesituationplusraisonnable, avec environ 50% de créditsderechercheassuréspar les tutelles,etnonpar des appels d’offres. L’ANR proposequant à elle d’augmenter la part des som-mesobtenuesallantnonàl’équipegagnan-temais à son établissement.

«A l’origine, les états généraux avaientsouhaité des appels à projet pour aider lesjeunes sur des projets innovants. Mais c’estdevenu tout autre chose», regrette Yehez-kel Ben-Ari. Une autre critique des politi-ques d’appels à projet concerne d’ailleursleur trop faible capacité à favoriser l’inno-vation et l’originalité, en fixantpar avancelesdirectionsàcreuser.Al’écoutedecescri-tiques, leconseild’administrationdel’ANRa, le 14novembre, décidé d’augmentersignificativement la part des appels à pro-jets «blancs», sans thème imposé.

Commentévaluerlarecherche?

Lecomitédepilotagen’apaseudumal àidentifier dans sa note de synthèse «l’éva-luation commeun sujetmajeur depréoccu-pations». C’est évidemmentmoins le prin-cipe que les modalités qui posent problè-me. Notamment l’agence nouvelle créée àcet effet en 2007, l’Agence d’évaluation dela recherche et de l’enseignement supé-rieur (Aeres). Certains, dont l’Académie dessciences,demandentmêmesasuppressionau profit des instances nationales existan-tes (CNRS, Inserm, universités). Les raisonsdesgriefssontnombreuses.«Ilyaplusieursmanières d’évaluer. L’une permettant l’ac-

4e

6e

RechercheSixquestionspouruneréforme

LesAssisesnationalesdel’enseignementsupérieuretdelarecherche, les26et27novembreàParis,doiventouvrirdespistesderéforme,alorsquelesystèmeactuelsouffred’unetropgrandecomplexité

484000

234200

p o l i t i q u e

rangmondial enpartdepublications scientifiques

rangmondial dansle systèmeeuropéen

desbrevets (8erangmondialdans le systèmeaméricain)

SCIENCE&TECHNO é v é n e m e n t

SOURCE : MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ET DE LA RECHERCHE

Les chiffresde la recherche

enFrance

C’est lenombre totalde chercheursen France;

ils sont 100700dans le publicet 133300dans les entreprises

La France enmilieu de peloton dans la compétition internationale

Nombredech

erch

eurs

pour100

0em

plois

Dépenses intérieures brutes de R & D, en % du PIB

a Recherche et développement dans les pays de l'OCDE et les pays nonmembres, 2009 (dernières données disponibles)

* 2007 ** 2008

Finlande

0 0,5

5

10

15

1 1,5 2 2,5 3 3,5 4

Volume de R & D en 2000enmilliardsde dollars

BRIICSBRIICS

Amérique du NordAmérique du Nord

UE 27UE 27

Autres membres de l’OCDEAutres membres de l’OCDE

1001 10

ChineAfriquedu Sud**Mexique* Chili**

Slovaquie

Grèce*Pologne

Turquie

Hongrie

Russie

Espagne

Estonie

Suisse**

Allemagne

Etats-Unis

Islande**Danemark

Japon

SuèdeNorvège

Nouvelle-Zélande

Portugal

FranceCanada

Australie**Belgique

Slovénie

Irlande

Roy.-Uni

Lux.

Autriche

Hongrie

Rép. tchèqueItalie

Corée

SOURCE : OCDE

4 0123Samedi 24 novembre 2012

Page 5: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

«Unmoded’évaluationabsurde»

Yehezkel Ben-Ari est directeur derecherche à l’Inserm, ainsi que fon-dateur et directeur honoraire del’Institut de neurobiologie de laMéditerranée àMarseille.

«L’évaluation telle que conduiteactuellementpar l’Aeres est absur-de.D’abord, il faut des experts indis-cutables, et l’Agencen’a pas tou-jourspudémontrerque les siensl’étaient. Ensuite, l’Aeres a la préten-tiond’évaluer toutes les équipes,unités et organismesde recherchedans tous les domaines, ce qui estsans équivalent ailleurs. Dansmonunité précédente, à Paris, l’évalua-

tionparune commission Insermavait pris presquedeux jours. C’està peuprès le tempsqu’il faut àunemissionAerespour évaluer l’ensem-bledes équipesde l’universitédeMarseille.

Deplus, onnepeut pas séparerl’évaluationdes laboratoiresde cel-le de ses personnels, chercheurs,techniciens, ingénieurs…Or, l’In-sermou leCNRS continuent à recru-ter les chercheurs et techniciens et àgérer les carrières sans évaluer l’acti-vité du laboratoirepour lequel elleprend les décisionsdepromotion,demobilité, de recrutement. Celan’a pas de sens: onpeut avoir des

situationsoù l’Insermrecruteunchercheurpourune équipemalnotéepar l’Aeres! Pour bien évaluerun laboratoire, il faut connaître seschercheurs. Je suis d’autantpluslibrepour critiquerquemon insti-tut a toujours reçuune bonne éva-luationde l’Aeres.

En Allemagne, la situation estdifférente, avec des comités adhocpour telle ou telle évaluation,maispasd’organisationde ce typequiévalue tous les laboratoires. Il estvrai quenos universitéspeuventavoir besoind’un regard extérieurponctuellementet pour certainsdomaines.

Deplus, les régionsne veulentpas apparaître comme la cinquièmerouedu carrossedans la sélectiondes équipes à financer, enprenantles “derniers” sur des listes nationa-les. Alors ellesmettent sur pied leurpropre évaluation! Conclusion:tropd’évaluationcomme tropd’ad-ministration tuent la rechercheetl’innovation.Changer tout le systè-meen fonctiondes préférencesactuellesdes universités est à ce sta-deune erreurmajeure.»p

Proposrecueillis parD.L.

> Sur Lemonde. fr Lire aussi le témoi-gnage du géologue Luc Aquilina

compagnement des laboratoires avec descomités permanents, du suivi, évitant lescomparaisons et les notations. L’autre, à lamanière de l’Aeres, qui sert plutôt d’outil degestion administrative, avec des comitéschangeants pour chaque évaluation, et quidonnedesnotes», critiqueChristopheBlon-del, du syndicat SNCS. Lanotationdes labo-ratoires sert ensuite souvent comme critè-rede sélectionsdans les appelsd’offres.

Lecomitédepilotagenoteaussiqueplu-sieurspersonnesontcritiqué ladisjonctionentre l’évaluation des personnels et celledes structures les hébergeant. En cinq ans,quelque250établissementsderechercheetplus de 3000unités de recherche ont étéévaluésaumoinsunefoispar l’Aeresdotée,en 2010, de 15millions d’euros. Mais, tantpour les évalués que pour les évaluateurs,cela a alourdi la bureaucratie. L’Académiedes sciences, dans sa contributionauxassi-ses,sefaitmêmel’échod’évaluateursétran-gers qui «refusent désormais de participerparce qu’ils ne perçoivent plus l’intérêt del’évaluation telle qu’elle est actuellementpratiquée, ou parce que la présence qui leurestdemandéeest excessive».

Aquoiserventlesmilliardsducrédit impôtrecherche?

Le crédit d’impôt recherche (CIR) aura,en 2012, coûté 5,3milliards d’euros à l’Etat,soit trois fois plus qu’en 2007, car la réfor-me de 2008 a considérablement élargi cetavantage fiscal accordé aux entreprises.Son coût devrait se stabiliser à cette hau-teur dans les années à venir. L’Etat prendainsi en chargequasiment20%desdépen-ses de recherche et développement (R&D)du privé, dont lemontant global était éva-lué à 26milliards d’euros en 2009, tandisqu’il consacre 16 autres milliards d’eurosau financementde la recherchepublique.

Aveccecréditd’impôt, lesentrepriseséli-gibles se font rembourser 30% de leursinvestissements de R&D, et jusqu’à 60% siellesengagentde jeunesdocteursoucoopè-rent avec des laboratoires publics. C’est cequi s’est heureusement produit, puisque,comme l’indique le rapport du sénateur(PS)Michel Berson, paru le 18juillet 2012, lenombred’entreprisesayantrecrutécescher-cheurs a doublé, passant de 439 en 2007 à886 en 2010, année où elles étaient 2583 àavoir fait appel à des laboratoires publics,contre 1376 en 2007. Malgré cette progres-sion, le CIRprofite peuà la recherchepubli-que, car ces partenariats atteignent à peine5%desdépenses.

Le CIR suscite des débats passionnés,d’abord parce qu’il coûte beaucoup plus

que les 2,8milliards d’euros annoncés parle gouvernement Fillon en 2008. Ensuite,son impact sur la croissance de l’activité,en France, et sa capacité d’innovation, aumomentoùlepayssubitunedésindustria-lisation accélérée, sont contestés. Les étu-dessur l’efficacitééconomiqueduCIRsontrares, et le rapport Berson en cite une, dejanvier2009, émanant de la Directiongénérale du Trésor, qui laisse espérer uneaugmentation du PIB de 0,3 à 0,6pointd’iciquinzeans;etuneseconde,denovem-bre2011, du ministère de l’enseignementsupérieuretdelarecherche,quiévaluel’ef-fetdelevierduCIRà1,31(1euroinvestisusci-te 1,31euro dedépenseenR&D).

«En 2009, en pleine crise, les entreprisesont augmenté leurs investissements derecherche grâce au CIR. La France est, avecla Corée du Sud, le seul pays à les avoiraccrus, plaide Franck Debauge, directeurd’AciesConsultingetanimateurdel’Obser-vatoire du CIR. Quant à la fraude possible,les entreprises concernées sont très contrô-lées, tant par le fisc que par des experts duministèrede la recherche.»

Laprécaritéest-elleunefatalité?

C’est une vraie bombe à retardementque l’anciennemajorité a laissée à ses suc-cesseurs : le mode de financement de larecherchepar appels à projet, attribuésparl’Agence nationale pour la recherche, a faitexploser laprécaritédeschercheurs.Car leslaboratoires sont amenés à recourir à descontractuelsdont laduréedes contratscor-

respond à celle des financements. L’accélé-ration a été considérable entre2006 et2012. Le collectif Sauvons la recherche esti-me à 50000 les effectifs concernés, qu’ilssoientchercheurs,enseignants,administra-tifs, ingénieurs ou techniciens, contrac-tuels, vacataires ou titulaires de contrat àduréedéterminée.

Selon Pierre Girard, du SGEN-CFDTrecherche, «le CNRS compte 26000 titulai-res et 9500contractuels, dont seuls 47 ontrécemmentobtenuunCDIgrâceà la loiSau-vadet du 12mars 2012 sur la résorptionde laprécarité dans la fonction publique, loi dontle financement n’a malheureusement pasété prévu dans le budget 2012. Nous consta-tons que les difficultés les plus aiguës tou-chent les personnels qualifiés, des catégoriesAetA+,enparticulierlesingénieursdeslabo-ratoires». La Cour des comptes constatedans son référé d’août2012 qu’à l’Inserm«les effectifs en contrat à durée déterminéont été multipliés par 4 entre2005 et 2010,passant de 497personnes à 1925 fin 2010».Leur proportion dans le personnel a bondide12%en2005à28%en2011.Avec lesvaca-taires, c’est 42% du personnel qui travailleavecunstatutprécaire.Leministèreestimeque 8400universitaires et 1 400 cher-cheurs des organismes sont régularisables,ce qui devrait être fait sur quatre ans ; et ilcherche à réduire le recours à des contrac-tuels, en limitant à un seul le contrat ANRpar chef de projet et par an, et en imposantque pas plus de 30% du travail soit réalisépardes agentsnon titulaires: «Cesmesuressont bonnes, mais pas faciles à contrôler»,soulignePierreGirard.p

«Beaucoupdetempsàchercherde l’argent»

é v é n e m e n t SCIENCE&TECHNO

«Laprécaritétouchelamoitiédemescollègues»

Arnaud Jacquel, 34ans, est post-doctorantspécialisé enonco-hématologie,notammentdes leu-cémies, auCentreméditerranéendemédecinemoléculaire,àNice.Il décroche régulièrementdesfinancements,notammentde laLiguenationalecontre le cancer.

«J’ai bien l’intentiondemejoindreàmes collèguesdu col-lectif des jeunes chercheurs desAlpes-Maritimespourmanifes-ter àNice le 26novembrecontrela précarité. La coupe est plei-ne. Je ne comptepasmes heu-res,monmétiermepassionne,mais quand, le 28mars, j’ai reçuun appel de la direction del’Insermm’annonçantqu’il nesouhaitait pas renouvelermoncontrat à compterdu 1eravril, j’aiété stupéfait!Moncontrat d’unanexpirait, certes,mais le finan-cementque j’ai personnelle-mentdécrochéauprèsde laLiguenationale contre le cancerpourmonprojet sur la leucémiemyélomonocytairechroniquecourt, lui, sur deuxans.

La raisondemonévictionestmonancienneté, qui allaitdépas-ser six ans, ce qui aurait obligél’Insermàmebasculer encontrat àdurée indéterminée. Jetravaillepour l’Insermdepuis2006. Lespremièresannées,j’étaispayé sous formede libéra-lité, unpeu commesi je tra-vaillais “aunoir”, sans aucundroit social, ni Sécurité sociale,ni chômage, ni congés. Le

1er juillet 2007, les organismesderechercheontmis fin au systè-mede la libéralité contraignantles associationsà leur verser lesfondseny incluant les cotisa-tions sociales, pour salarier leurscollaborateursenCDD. Cela aétéunprogrès,mais ces CDDàrépétitionm’obligent à solliciterla cautiondemesparents quandjeveuxemprunter.

Une solutiona été trouvée enmarsdernier, pour que je puisserester: je suis désormais salariénonplus de l’Inserm,mais del’université, qui partage le labo-ratoire avec lui.Mais cela resteprovisoire, jusqu’au31mars2013: avec la loi Sauva-det demars2012, censée résor-ber la précarité, je ne peuxplustravaillerpour aucunorganis-mepublic, sauf à être embau-ché. Je suis loin d’être le seul àsubir cetteprécarité: douze col-lègues, soit lamoitié de l’équipe,sont dans le même cas, carl’Insermest très concernéparcesdélestagesde contractuels.

L’argent de l’Agencenationa-le de la recherche et de contribu-teurs comme la Ligue a donnéun souffle nouveauà nosrecherches,mais aujourd’huionnous jette…Monprojet ris-que de s’arrêter. Notre forma-tion et notre travail sont recon-nuspartout dans lemonde,sauf ici ! Je pourrais postuler enAustralie, enGrande-Bretagneou aux Etats-Unis!» p

Proposrecueillis par I.R.-L.

Le professeurThomasBourge-rondirige l’unité génétiquehumaine et fonctions cognitives(Institut Pasteur, CNRS). Depuisdix ans, cette équipepionnièreadécouvert plusieurs gènes asso-ciés à l’autisme.

«En tant que chercheurs engénétiquede l’autisme,nousavonsbesoind’outils perfor-mantsde séquençagepour res-ter dans la course internationa-le, et cela coûte très cher. Nosbudgetsde fonctionnementsontmodestes: environ15000eurospar ande l’universi-té Paris-Diderot, autant duCNRS, et 65000eurosde l’Insti-tut Pasteur. Pour avoir de l’ar-gent, il faut desprojets. Nouspassonsdonc beaucoupdetempsà chercherde l’argent et àremplir des dossiers.

Unesourcenesuffit pasàfinancerunprojet, et lesorganis-mesdemandentbeaucoupparrapportà cequ’ilsdonnent. Biensûr, il estnécessaired’êtreéva-lué,mais, avec certains finan-ceurs, c’estparfois totalementdisproportionné:unepublica-tiondoit êtreunoutildecommu-nication,pasunbut ensoi. Lors-que l’ondéposeunprojet à l’Eu-rope, celaprenddes semainesde

travail, et il fautdemander l’aided’uneentrepriseextérieurepourlemettreenœuvre! Lesdossierssont souventplus simplespourlesdemandesàdes fondations;certainessaventnous faireconfiance,nous laisserplusdeliberté. J’ai de la chance: enjuin2012, j’ai obtenude la Fonda-tionBettencourt-Schueller1mil-liond’euros sur troisans, ce quimepermetde financerdeuxingénieursenbio-informatiqueetunpsychologue.

Le systèmepousseà travaillersurdesprojets tropdéfinis, etcréedeseffetsdemode, alorsqu’uncertainnombrededécou-vertes importantes sont faiteshorsdece cadre. En2003, lors-quenousavonsmisenévidencelespremièresmutationsasso-ciéesà l’autisme, sur lesgènesdesneuroligines, c’était suruncoindepaillasse, avec seulementtroispersonnesau laboratoire!Pouréviterd’avoir àmultiplierlesdemandesde financement,l’EuropeanResearchCouncil acréédesboursesconséquentes,d’unmontantde 1 à 2millionsd’eurossur cinqans. C’est l’idéal,maiselles sontévidemment trèsdifficilesàdécrocher.»p

Proposrecueillis parSandrineCabut

Un « écosystème » national très complexe

SOURCE : MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Un chercheur est sans cesse évalué :- par ses pairs, pour la publicationd'un article ;- par son employeur,pour sa carrière ;- par une agence nationale, pourson équipe, son organismeou son université.

TutellesOrganismes de recherche

(CNRS, CEA, Inserm,universités...)

* IDEX : initiative d'excellence ; PRES : pôle de recherche et d'enseignement supérieur ;RTRA : réseau thématique de recherche avancée

laboratoirepropre...

MétastructurePôles de compétitivité(réunions thématiques

d'entreprises, universités,organismes...)

Alliances (rapprochementthématique d'organismes

de recherche)PRES, IDEX, RTRA*

... oumixte

Unemultitude de structures emboîtées

Une évaluationpermanente

25,9milliards d'euros(budget public total en 2013)

686

million

s(en20

13)

50,5milliards

(pou

r20

07-20

13)

Empru

nt

de22

milliards

26,3milliards

(2009)

Les sources de financement

don

t12%

pou

rla

Fran

ce

Les sixmissions des chercheurs

L'enseignement

Les tutelles(CNRS, CEA,Inserm,

universités)

L'Agencenationale

de la recherche(ANR) L'Europe

Lesinvestissements

d'avenir Les fondations Les entreprises

Divers(régions,brevets...)

La valorisation(brevets...)

L'expertise

La recherche

L'administrationde la recherche

La diffusion au public

50123Samedi 24 novembre 2012

Page 6: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

i n v e n t i o n s i n s o l i t e s

Audébut d’Indiana Jones et leroyaumedu crânede cristal(2008), le quatrièmevolet de lasagade l’archéologue-aventurier,

le héros interprétéparHarrisonFord a àpeine échappéà un commandod’affreuxSoviétiques infiltrés au cœur des Etats-Unis qu’il doit affronter bienpire.Mêmesitout semble idylliquedans la petite villeaméricaine typiquedes années 1950où ilvientd’arriver, il y a unos: il s’agit d’unevil-le factice dont les habitants sont desman-

nequinsqui vont subir le souffle et le feud’unessai nucléaire. Indiana Jones s’ensort en se réfugiantdansun réfrigérateurdoublédeplombet les spectateurs sedisentque c’est n’importequoi, que Ste-venSpielbergnousprendpour des cré-tins et que LaDernière Croisade (1989)aurait vraiment dû être la dernière. Parcequepersonne,même (et surtout) dansunfrigo, ne peut survivre à cela.

Pas si vite. Voici qu’arriventmaindanslamain l’histoire et la science improba-ble. Pournous rappeler que ladite villefactice a réellement existé: construitedans leNevadaoù les Etats-Unis ont faitexploserdes centainesde bombes atomi-ques, elle était surnommée la «Ville de lasurvie». Et ony amenédes expériencesétonnantes lors de l’explosionqui l’a engrandepartie détruite, le 5mai 1955. Cer-tes, onn’a pas fourréd’archéologuedansunappareil d’électroménager,mais onanotammentmis surpied leprojet32.5qui, par certains aspects, valide la scène.

Décrit dansun rapport d’unequinzai-nedepages publié en 1956, ce projet32.5avait pour but de tester la résistancedesaliments congelés àune explosionnucléaire.Avec l’aimableparticipationdel’industrie agroalimentaire, les auteursde cette expérience se sontdonc procuréplusieursdizainesde caisses d’alimentscongelés: de la tourte aupoulet, du filetde cabillaud, des frites, du concentrédejusd’orange, des petits pois et des fraises.Entouréede glace, unepartiede ces provi-

sions a été enterréedansdes tranchéespeuprofondes, à respectivement 387met838mde l’endroit où la bombede 29kilo-tonnes (deux fois la puissancede la bom-bed’Hiroshima) allait exploser.Uneautrepartie a étémise au frais dans lecongélateurd’unedesmaisonsde laVillede la survie, à 1,4kmdupoint zéro.

Et boum… Il a fallu attendredeux joursetdemi avantdepouvoir déterrer lespro-visions lesplusprochesdu lieude l’explo-sion. Les filetsde cabillaudétaient lesplusradioactifs,devant les petitspois. Les frai-sesn’avaient rien. Le rapportnoteconsciencieusementque la consomma-tiondes aliments irradiés«doit si possibleêtre évitéependant les deuxpremièressemaines, sauf en cas denécessitéurgen-te». Une analyseamontréque les qualitésnutritivesn’avaientpas été diminuées, sil’onexcepteunebaissede la teneur envitamineB9des frites congelées…Desvolontairesont aussi certifié qu’auniveaudugoût, de la texture et de l’appa-rence il n’y avait aucunedifférencenota-ble avec les aliments témoins.Miam.

Quant auxprovisions enferméesdansle congélateur, elles neprésentaientaucun signede radioactivité. Si l’onpeutassimiler Indiana Jones, nourri au bongraind’Amérique, à de la tourte aupou-let, force est d’admettre qu’il a bienpu,dansun réfrigérateur, protéger sa vieillecarcassed’une explosionnucléaire. Celadit,même la science improbablen’apaspu cautionner le reste du film.p

Prenezplusieurscentainesde jeu-nes, desdizainesdechercheursdetoutes lesdisciplines, et laissez-lesdébattrependantunweek-endsur

des sujets chauds,dunucléaireà la faimdans lemondeenpassantpar lesmilieuxmarins.Voilà la recettedesRencontresCNRS Jeunes scienceset citoyensauxquel-les j’ai récemmentparticipé.

J’avaisunecertaineappréhension, car jenevoyaispasbienquelallait êtremonrôle.Heureusement, les choses se sont rapide-

mentmises enplacegrâceàun«speeddating»,une rencontredecinqàdixminu-tesavecunpetit groupede jeunes.

J’ai lu récemmentdans leblogd’unpro-fesseuraméricainqu’il apprendà ses élè-ves l’artdu«barbershop talk»,uneprésen-tationdeses activitésenquelquesminutespour legrandpublic. Il s’agitd’expliquercequ’onfait avecdesmots simples, sanstableauni équations,mais en touchantl’imaginairedeson interlocuteur.Commeaucundemesprofesseursnepratiquait cetart, j’ai été et je resteunautodidacte.

La fraîcheurdes jeunesacompensémeslacunesen lamatière, et j’ai pu raconteràunauditoireattentif les aventuresdesneu-trinoset lesmystèresde l’Univers.Dans lapréparationet ledéroulementde ces ren-contres, il faut souligner le rôledesprofes-seursdusecondaireet desassociations, tel-lesqueScienceouverte,qui contribuentàfairedécouvrir la scienceaux jeunes– sou-vent issusdesbanlieues–par le biaisdesoutienscolaireouencoredeconférences.

L’atelierauquel jeparticipaisétaitplutôtconceptuel: «Peut-onparlerdesciencesexactes?» Si j’admire laprécisionde certai-nesmesuresenphysique fondamentale,j’ai fait remarquerque lamesurequine cor-respondpasauxprédictionsestpluspré-cieusequ’unedizainedeconfirmationsexpérimentales.Làoù l’expériencecontre-dit la théorie, il y ade laplacepouruneconnaissancequi avance.

Mais quel est le rapport entre cequ’onnomme les sciences exactes et les sciences

humaines, par exemple l’anthropologie?Sur ce point, nous avons eudumal à éta-blir une synthèse solide, et pour cause.Pourpouvoir faire le tourde la question, ilaurait fallu bienplus d’un après-midi.Onaurait dûnotammentdiscuter de la théo-rie du chaos et de lamécaniquequanti-que, qui nous obligent à relativiser l’exac-titudedenos théories, et surtout à nepasles sortir de leur contexte.

Je remercie les organisateursde l’ate-lier,NatachaGondran (ENSMSaint-Etien-ne) etNicolasBuclet (UPMFGrenoble),pour cemomentd’échange. C’était pourmoiunpurplaisir quedemepencher surdesproblèmesqui dépassentde loinmonhorizonquotidien. Tout commed’enten-dreun économiste critiquer les faussesprétentionsd’une économiequi se vou-drait une science exacte. Certains écono-mistes refuseraientmêmedeprendre encompte les faits quand ils ne sontpas enaccordavec leurmodèle.

Undesdébatsde ladernière journéepor-tait suruneexpériencede tweet réaliséelorsd’unatelier.Amagrandesurprise, lasalle s’est révéléeplutôt«tweeto-scepti-que». Eneffet, pour fairepasserune infor-mationscientifique,unblogmesembleplusadaptéque 140caractères.Mais c’étaittrès sympathiqued’endébattredansuneatmosphèrequelquepeusurvoltée, oùrésonnaient les«ola»et les cornesdebru-me.Si seulementonpouvait introduireunpeudecette ambianceenflamméedanscertainesconférencesscientifiques! p

«Speeddating»avecdejeunescitoyens

IMPROBAB LO LOG I E

PierreBarthélémyJournaliste et blogueur

(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Mathématiques«Tangente» a 25 ansTangente, lemagazinede la culturemathématiqueédité par leséditionsPole (qui imaginent«Affaire de logique» pour lesupplément«Science&techno»),fête ses 25ans. L’occasionde troisjours d’animationsà Paris.Vendredi 23novembre, oncélébrera les livres avec laparticipationdemembres del’Ouvroirde littératurepotentielle– une associationcréée en 1960parRaymondQueneauet lemathématicienFrançoisLeLionnais – et la remise duprixTangente2012. La journéedu24novembre tournera autourdesartsmathématiques, et ledimanche25 aura pour thème lesjeux, avec des ateliers touspublics.> De23 au25novembre,mairiedu5e, Paris.> Infinimath.com

Exposition«Le temps des Romains»Ladécouverte récente d’un cadransolaireportatif d’époque romaine,lors de fouilles archéologiquesàAmiens, a conduit lemuséedePicardie à organiserune expositionsur la façondont les Romainspercevaient etmesuraient letemps. Six «montres» antiquesysontprésentées. Le dernier numérode la revueDossiers d’archéologieest entièrement consacréà cepassionnant sujet.> Jusqu’au24mars,muséedePicardie,Amiens.Tél. : 03-22-97-14-00>Dossiers d’archéologieno354,98p., 9,50¤.

IndianaJones1,bombeatomique0

Sandrine Cabut

En médecine comme ailleurs, il fautparfois une patience d’ange et uneobstination sans faille pour fairereconnaîtresesidéesetsesdécouver-

tes, aussi brillantes soient-elles. DenisLeBihan, médecin et physicien, a dû ainsibatailler pendant plus de dix ans pour faireaccepteret connaîtreson invention, l’IRMdediffusion,quiapropulsélesexamensdeneu-roimageriedansunenouvelledimension.

Dès 1985, raconte le chercheur dans sonouvrage Le Cerveau de cristal, il présente lestoutes premières images de «diffusion del’eaudans le cerveauhumain» àdes congrèsinternationaux.Mais l’accueil de la commu-nauté scientifique a été plutôt réservé. Cer-tainsrestaientsceptiques,«niantlapossibili-té que des images IRM puissent être réelle-mentsensiblesàdesdéplacementsmoléculai-res microscopiques», se souvient le docteurLeBihan, aujourd’hui directeur de Neuro-Spin, plate-formedu Commissariat à l’éner-gie atomiqueconsacrée à l’étudedu cerveaupar IRMàtrèshautchampmagnétique.

«D’autres, poursuit-il, trouvaient laméthode trop complexe […], si bien que, pourmetaquiner,certainsd’entreeuxn’hésitèrentpas à arborer des tee-shirts où était imprimé,sur le devant: “Diffusion, perfusion…” et der-rière: “… Confusion”.»Mais son «insistancedeBretontêtu»afiniparpayer.«L’IRMdedif-fusionestdevenueuneméthodeincontourna-bleenradiologieet figuresurquasimenttouslesscannersIRMinstallésdanslemonde.Goo-gle Scholar, le Google des chercheurs, cite320000référencessur le sujet»,souligne-t-il.

Ellepermetnotammentdevisualiser trèsprécocement une ischémie cérébrale lorsd’unaccidentvasculairecérébral.Surtout,enmettant pour la première fois en images lecâblagecérébral,jusque-làinaccessible,elleaouvert une voie de recherche inédite dansdes maladies neuropsychiatriques commela schizophrénie. Deux vastes programmesde recherche sont d’ailleurs en cours auxEtats-UnisetenEurope,souligne l’auteurduCerveaude cristal,pour réaliser des atlas desconnexionscérébralesouconnectome.

«Neuroarchéologie»L’IRM de diffusion est aussi utilisée pour

évaluer la maturation cérébrale chez lesbébés, et même «pour faire de la “neuroar-chéologie”, fouiller notre cerveau afin deretrouver comment il a évolué au cours denotre vie». On peut ainsi, raconte le cher-cheur, reconstituer les traces d’apprentissa-ge de pianistes professionnels, l’organisa-tion des fibres de la substance blanche dansdes structures comme le corps calleux étantdirectementliéeaunombred’heuresdepra-tiquedel’instrumentavantl’âgedeonzeans.

Spécialiste mondial indiscutable desIRM cérébrales, Denis LeBihan distille avecpassion les applications, présentes et àvenir, de ces examens. Et certaines sont sai-sissantes, comme la « reprogrammationcérébrale en temps réel», qui fait de l’IRMune possible thérapeutique. Grâce à unentraînementen imageur IRM,despatientsavecdesdouleurschroniques,enéchecthé-rapeutique,ontpuapprendreà contrôler leressentideleurdouleur,enmodulantl’acti-vité d’une zone précise de leur cerveau,explique le chercheur. Une étude similaireaétéconduiteavecdesdépressifs.«Làenco-re, écrit-il, le résultat fut remarquable, cer-tainspatients sortant complètementde leurdépression après l’examen IRM, et ne pre-nantplus aucunemédication.»

Richeeniconographieetenanecdotes,LeCerveau de cristal est – en tout cas parmoments – facile à lire et captivant, maishélas pas toujours limpide. Les passionnésdu cerveau rétifs à la physique regretterontla (trop) grande part accordée aux explica-tions techniques et scientifiques, surtoutdans la première partie de l’ouvrage, quipeut décourager la lecture. p

Le Cerveau de cristal. Ce que nous révèlela neuroimagerie, de Denis LeBihan (OdileJacob, 220p., 25,90 ¤)

L E S COU L I S S E SD E L A PA I L L A S S E

MarcoZitoPhysicien des particules,

Commissariat à l’énergie atomiqueet aux énergies alternatives

(PHOTO: MARC CHAUMEIL)

Lesvertigesdel’imagerieducerveau

L’IRM,quipermetdevoirle cerveauenactionavecuneprécisionstupéfiante,devientunoutil thérapeutique

Agenda

SCIENCE&TECHNO r e n d e z - v o u s

Vie quotidienne«Petit traité de bizarrologie»et «Ce qu’Einstein n’a jamaisdit à son tailleur»LeséditionsMarabout rééditent enformatdepochedeuxouvragesvisantàéclairer le lecteur sur«lesmystèresdela viequotidienne». Le premier, signépar l’ex-magicienbritanniqueetpsychologueà l’universitéduHertfordshire,RichardWiseman,s’attaqueà tout cequi enchantenosexistences: la chance, la superstition,la séduction, les blagues…pourendévoiler les ressorts et les fonctionspsychologiqueset sociales.OnycroiseMilgrametMalinowski,mais aussiunclownsur ledivandeFreud.Le second livre est signépar lechimisteaméricainRobertWolke,professeurémérite à l’universitédePittsburgh,qui tintpendantdenombreusesannéesunechroniqueculinaireauWashingtonPost. C’estsansdoute cehobbyqui l’amèneàplaiderpour la supérioritédu systèmemétriquesur les cups, gallonset autresoncesdu systèmed’unitéaméricain.Ouà s’interroger sur la capacitéd’unaimantà souleverdes épinards. Lesbullesde champagne, l’eauchaudequigèleplus viteque l’eau froide, lespneusqu’il faut gonflern’ontpasnonplusde secretspour lui.> RichardWiseman (Marabout,260p., 8,99¤).> RobertWolke (Marabout, 290p.,8,99¤).

L E L I V R E

Livraison

6 0123Samedi 24 novembre 2012

Page 7: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

r e n d e z - v o u s SCIENCE&TECHNO

MarinaCavazzana-Calvo,pionnièredesthérapiesgéniques

p o r t r a i t | Lapédiatre,quiaouvert lavoieàdestraitementsinédits,notammentpourles«bébés-bulle»,vientd’êtreélue«femmescientifiquedel’année» z o o l o g i e

a f f a i r e d e l o g i q u e

Florence Rosier

Ce 23novembre, elle reçoitle prixIrène-Joliot-Curie de la «femmescientifique de l’année». Il ferad’elle un emblèmede l’ascensionardue–maishardie–desfemmesaux plus hauts sommets de la

recherche et de lamédecine. Ce prix honore unepionnière audacieuse. Avec passion, MarinaCavazzana-Calvo a su développer des biothéra-pies innovantespour traiterdesmaladiesgénéti-ques de l’enfant et de l’adulte. «Innovantes» esticiuneuphémisme.C’est en 1990que lapédiatrese lance dans l’aventure des biothérapies avecl’équipeInsermd’AlainFischeretSalimaHacein-Bey-Abina, à l’hôpital Necker à Paris. Le trio estloinde sedouterquedix ansplus tard, cette épo-pée les conduira à la première démonstrationdel’efficacitéd’unethérapiegéniquechezl’homme.

Le 28avril 2000, la revue Science se fait l’échode cette première mondiale : la correction dudéfaut génétique de deux «bébés-bulle ».Atteints d’une maladie immunitaire rare, leDICS-X (déficit immunitaire combiné sévère liéà l’X), ces garçonsavaientunpronostic très som-bre sans traitement. Ils ont été guérispar l’intro-ductiond’un«gène-médicament»danslescellu-lesprécurseursdeleurmoelleosseuse.Cettepre-mière victoire sera suivie de lamise au point debiothérapiespourd’autresmaladiesgénétiques.

Longue, élégante et souriante, la chercheusenéeen 1959dans la cité desDoges incarneunartdevivre italien.«Venise, c’est pourmoi l’inspira-tion, là où jeme ressource», confie-t-elle avec unaccent chantant. Sous cette apparente douceurse devine un caractère bien trempé. Elle-mêmese revendique «rebelle, protestataire, ingéra-ble».«C’estunefortepersonnalité,parfoisérupti-ve, s’amuseAlain Fischer, aujourd’hui directeurde l’institut desmaladies génétiques Imagine àNecker. Mais c’est grâce à cette déterminationque les choses se font.»

« La médecine a d’abord été pour moi unmoyen d’assurer une priorité : mon autonomieprofessionnelle, économiqueet familiale», racon-tecettefilled’uncheminotitalienetd’uneinstitu-tricepassionnée.Sonparcoursmédicalcommen-ce à l’université de Padoue, près de Venise. En1985, voulant développer les greffes de moelleosseuse pour traiter des leucémies de l’enfant,elle suit un stage dans le service d’Eliane Gluck-man, à l’hôpital Saint-Louis (Paris). Elle y rencon-tre Fabien Calvo, aujourd’hui directeur de larecherchede l’Institutnationalducancer.

Puis elle découvre les travaux d’Alain Fischersur lapréventiondes rejetsdegreffe et le rejointàNecker.«Alainm’ademandéde faireune thèse

de science. Après uneannée dedifficultés que j’aicrues insurmontables, j’y ai pris goût», se sou-vient-elle.EllecréeraàNecker ledépartementdebiothérapies. «Marina a saisi ce projet à bras-le-corps et assuré son développement, raconteAlain Fischer. Elle intervient à toutes les étapes,depuislesrecherchesd’amontjusqu’auxprotoco-les d’essais cliniques. Un minutieux travail detransfert, qui resteméconnu.»

«Marina est le moteur de l’équipe, renchéritIsabelle André-Schmutz, qui travaille depuisdouzeansdanssonéquipeInserm.Elleasansces-sedenouvelles idées, rienne l’arrête !Pourpropo-serauxpatientsdenouvelles thérapeutiques,ellenepensepasauxcontraintestechniquesoumaté-rielles. A nous derrière d’y réfléchir ! Nous pou-vonscomptersurleréseaumondialtrès fortqu’el-le a bâti. La contrepartie de cet enthousiasme,c’est son impatience et sa grande exigence.»

Après avoir affronté la notoriété soudainequis’estabattuesur l’équipeen2000,MarinaCavaz-zana-Calvoavoueavoirdûprendre troismoisdecongé sabbatique, «un souffle», l’été suivant.RéfugiéeauMassachusettsInstituteofTechnolo-gy à Boston, elle rencontre Philippe Leboulch,expertenthérapiesinnovantes.AvecluietElianeGluckman, elle développera une thérapie géni-

que de la bêta-thalassémie, maladie héréditairedusang.Lerésultatchezunpremierpatientaétépubliédans la revueNatureen septembre2010.

En2002, la sagadesbébés-bulle s’étaitassom-brie d’une grave complication: une leucémie,qui affectera quatre des dix enfants traités pourDICS-X. «Cette épreuve nous a montré l’impor-tance d’une équipe soudée et de nos relations deconfiance avec les familles, raconte-t-elle. Avecacharnement, nous avons cherché l’explicationscientifique, puis élaboré de nouveaux protoco-les de thérapie génique plus sûrs.» Suspendu enoctobre2002, l’essai a repris fin 2010 avec unnouveauprotocole.

En mars2011, la pédiatre a cosigné un mani-feste contre la sous-représentativité des fem-mes dans les hôpitaux français. «Il y a un reculde la présence des femmes aux postes stratégi-ques de l’hôpital, de l’enseignement et de larecherche,déplore-t-elle.Enpériodedecrise éco-nomique,cesontellesquipayent leplus lourdtri-but.»Sondiagnostic :«Dansle systèmefrançais,les hommes se cooptent entre eux.» Ses remè-des : «Il faudrait plus de femmes aux instancesstratégiques de l’hôpital.» Et mettre en prati-que, comme elle le fait, un système d’accompa-gnement entre femmes.p

HervéMorin

Le concept de «balle» a-t-il lemêmesens pour un enfant de 3 ans et pourun chien qui a appris à rapporter ce«référentiel bondissant»? Ces derniè-

res années, les publications scientifiquestémoignantdes capacités linguistiquesinsoupçonnéesde Canis familiaris se sontmultipliées: Rico, un border collie qui a fait la«une» des journauxparce qu’il était capablede rapporter à la demande 200objets, aouvert la voie.Mais depuis, Chaser, un chiende lamême race, amis la barre plus hautencore en accumulant un vocabulaire de1000mots. Qui plus est, Chaser peut associerunmot – « jouet» – à une catégorie d’objets,comme le ferait un enfant (ouunperroquet,tel le célèbre Alex, sujet d’une expériencescientifiquede 1976 à samort, en 2007).

Mais sur quels indices le chien se fonde-t-ilpour effectuer ces généralisations? C’est laquestion à laquelle Emile van der Zee et sescollègues de l’université de Lincoln, auRoyaume-Uni, tentent de répondre dans ledernier numéro de la revue PLoSOne. Ilsdécrivent une expérience conduite avecGable, un border collie de 5 ans doté de54mots de vocabulaire. L’idée était d’associerun objet nouveau (en formede U) à unmotinédit («Dax») et, une fois cet apprentissageeffectué, à voir s’il rapporterait des objets de

lamême forme, de lamême texture, ou de lamême taille quand on lui dirait de chercher«Dax» dans un échantillon divers.

Résultat? Contrairement auxhumains, cen’est pas la formede l’objet qui servait de cri-tère de généralisation àGable,mais la tailleet, à plus long terme, la texture. Est-ce parceque, chezHomosapiens, la vision est le sensle plus sollicité dans l’apprentissagedes rela-tionsmots-objets, alors que, chez le chien, cetapprentissagepasse par l’action de rapporter,dans laquelle la prise de l’objet dans la gueulevalorise l’appréciationde la taille et de la tex-ture? Il faudra prolonger les recherches pourle savoir, reconnaissent les chercheurs.p

Pourlechien,lesmotsetlesformesneseconfondentpas

LA VOIXESTLIBRE

J6c8LKI83K6¾J6

MATHIEU VIDARD

LA TÊTE AU CARRÉ

DU LUNDI AU VENDREDI DE 14H À 15H

Avec chaque vendredi

la chronique de la rédaction du cahier

DONNEZ VOS

OREILLES

À LA SCIENCE

Gable, un border collie âgé de 5ans.SALLY SMITH

«Marina est lemoteurde l’équipe, elle a sans cesse

denouvelles idées»IsabelleAndré-Schmutz

chercheuseà l’Inserm

MarinaCavazzana-Calvo,lauréatedu prixIrène-Joliot-Curie

2012.PATRICKMESSINA

POUR «LE MONDE»

70123Samedi 24 novembre 2012

Page 8: 8(C . $,%55% /7#1/4% 01,/ 5+ /%)!%/)!% (data.over-blog-kiwi.com/0/05/56/60/201211/ob_0d6615d4cb31ad144… · 2*9%&< ,;0\d_sfjxop

8 0123Samedi 24 novembre 2012

Jusqu’où l’hommerepoussera-t-il

ses limites ?Voyager dans l’espace lointain ?

Des prothèses commandéespar le cerveau ?

Des cellules souchespour régénérer les tissus ?

Et bien d’autres questionsabordées dans ce numéro

NUMÉRO EXCEPTIONNELactuellement chez votre marchand de journaux

www.pourlascience.fr

David Larousserie

Laperformancetechniqueréali-séeparune équipede l’InstitutLangevin (CNRS-ESPCI Paris-Tech), àParis, c’estunpeucom-

me faire passer un chameau par lechasd’une aiguille. Autrementdit, ceschercheurs ont réussi à guider desondesà leurguisedansdescanauxdixà quarante fois plus petits que la lon-gueurd’onde (unedistancecaractéris-tique de ces ondes), comme ils l’expli-quentdans la revueNature Physics, enligne le 18novembre.

Entre leurs mains, et dans les nou-veaux matériaux qu’ils ont dévelop-pés, le son ou des micro-ondes pren-nent des virages serrés à 90 degrés ou

se trouventpiégés et concentrésenunpoint. Les faisceaux peuvent aussi seséparer en deux ou ralentir.

Depuis les années 2000, plusieurséquipes savent réaliser de tellesprouessesdans ledomainedela lumiè-re grâce à des cristaux photoniques,des blocs de verre oude plastique per-cés de petits trous disposés périodi-quement. Au milieu de ce «gruyère»,la lumière subit de multiples interfé-rences dont le résultat est finalementd’interdire lepassagedecertainescou-leurs. Piégé entre deux matériaux de

cetype, lechemindela lumièreestain-si contraint.

«Réalisable en principe, cette idéen’estpasadaptéeauxondesplusgran-des, comme les micro-ondes de taillecentimétriqueou le son,de taillequasi-ment métrique, car il faudrait desblocs de plusieurs mètres d’épais-seur», explique Geoffroy Lerosey,chercheur au CNRS et principalauteur de cette étude avec FabriceLemoult. Il a donc opté pour un autretype de matériau, développé peuaprès les cristaux photoniques etdevenu célèbre car il sert, unique-ment dans les laboratoires pour l’ins-tant, de cape d’invisibilité en mas-quant des objets au regard. Ces méta-matériaux sont constitués d’atomesartificiels, c’est-à-dire des éléments(résonateur électrique, magnétique,acoustique…) susceptibles de réagirfortement à une fréquence donnée.

A l’institut Langevin, les cher-cheurs ont ainsi construit un assem-blagede400 fils de cuivrede40 centi-mètres de long pour le contrôle desmicro-ondes.Etunréseaude80canet-tes de soda (vides et ouvertes) dans lecas de l’acoustique. Dans la configura-tion initiale de ces dispositifs, certai-nes longueurs d’onde sont interdites.Mais si quelques éléments sontmodi-fiés, comme une succession de fils decuivrepluscourtsoudescanettesrem-plies de quelques centilitres d’eau,alors il est possible de guider, piégerou séparer les ondes.

«L’explication est bien différente decelledescristauxphotoniques.Les inter-férencesmultiples n’en sont pas la cau-seprincipale.Cesontlesrésonancesloca-les qui sont responsables. Nous avionssoumis cette idée il y a un an, mais elleavait été refusée faute de preuves. Alorsnousavonsfaitcesexpériencesdémons-tratives, qui confirment notre théorie»,expliqueGeoffroy Lerosey.

«Je suis très impressionnéparce tra-vail, car les effets mesurés et la théoriesont nouveaux. Je serais étonné quecela ne donne pas lieu à des applica-tions», estimeJohnPage,de l’universi-té du Manitoba, au Canada. Ces nou-veauxmatériauxpermettentd’envisa-ger des dispositifs bien plus compactsque les systèmes classiques. En parti-culier, cela pourrait aider au contrôledes ondes radar ou pour une gammetrès à la mode actuellement, les téra-hertz (d’environ0,1millimètrede lon-

gueur d’onde). Ces ondes «voient» àtravers les vêtements, servent à l’ana-lyse de composés chimiques, maispourraient aussi porter des messagestrès rapidementpour les communica-tions sur puces électroniques.

L’équipe française envisaged’ailleursdefabriquerunpremierpro-totype de composant dans cette gam-me. Elle voudrait également étudierl’effet du désordre dans ces métama-tériaux sur la propagation desondes.p

SCIENCE&TECHNO

Cesmétamatériauxpourraient aider au contrôle

desondes radar oupourunegamme très à lamodeactuellement, les térahertz

Descanettesdesodapourguider le sonDenouveauxmatériauxpromettentdemanipulerunelargegammed’ondesàl’aidededispositifscompacts

Une batterie naturelle qui met la puce à l’oreille

SOURCES : MERCIER ET AL., NATURE BIOTECHNOLOGYINFOGRAPHIE LE MONDE

L’un des rêves de l’électronique médicale est de puiserdans le corps humain l’électricité nécessaire auxsystèmes implantables. Une équipe américaine vient defaire un pas dans ce sens en prouvant qu’il est possibled’alimenter une puce électronique grâce à une batterienaturelle présente dans l’oreille interne desmammifères : dans la cochlée, deux compartimentsmontrent en effet une importante différencede potentiel électrique, due à une concentration inégaleen ions potassium (chargés positivement).Ce différentiel électrique – à la base de toute batterie –est activement maintenu par l’organisme,car il permet aux cellules sensorielles de traduire lessons en impulsions nerveuses. Patrick Mercier (MIT)

La pile biologiqueLa cochlée comprend deux compartiments neprésentant pas la même concentration en ionspotassium, ce qui crée une différence de potentielélectrique. L’implantation d’électrodessuffisamment fines pour éviter toute fuite entre euxpermet de récupérer un courant électrique.

La micropuceTestée sur un cochon d’Inde, elle est disposée surune carte à circuit imprimée suffisamment petitepour être implantable dans la cavité mastoïdehumaine. L’antenne qui l’accompagne sert à chargerbrièvement le dispositif par radiofréquence, pour ledémarrer, puis à transmettre l’information sur l’étatde la batterie biologique.

Conduit auditif

Tympan

Antenne

Micropuce

Micropuce

Electrodes

Electrodes

Marteau

Oreilleexterne

Oreillemoyenne

Oreilleinterne

Enclume

Etrier Vestibule

Fenêtre ronde

Cochlée

Trompe

d’Eustache

Coupe de la cochlée

11 mm

~ 500 µm

9 mm

Neurones auditifs

Strie vasculaire

Périlymphe

Endolymphe

Cavité

du tympanMicropuce

et ses collègues ont eu l’idée de le mettre à profit enalimentant une micropuce grâce à des électrodesde verre implantées dans la cochlée d’un cochon d’Inde.Comme ils l’expliquent dans Nature Biotechnologydu 11 novembre, la puce a pu extraire 1,12 nanowattpendant plus de cinq heures, ce qui lui a permisd’émettre régulièrement un message radio indiquantl’état dudit potentiel électrique.La spécialiste de l’audition Christine Petit(Institut Pasteur) salue « une vraie innovation ».« Ce n’est pas un produit achevé, note-t-elle, maison pourrait imaginer coupler à cette batterie vasculairedes capteurs, voire des pompes pour délivrerdes médicaments. »