76391636-Les-cahiers-de-l-homme-esprit-n°3

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LES CJ.\rIIERS tES CJ.\t-I' ERS DE l't-IO/'l\I'I\E-ESPRII B.P. 42 06240 - BEAUSOLEIL PUBLICATION TRIMESTRIELLE DE Rédacteur en chef Robert AMADOU Réalisation Claude BOUMENDll rI ESP Rrr Gilbert TAPPA Directeur de la publication - Imprimeur - Gérant Marc CURTI 5, avenue Général de Gaulle - Beausoleil ABONNEMENTS Ce numéro Frs.: 18.00 France Frs.: 36.00 4 numéros Etranger Frs.: 40.00 Les chèques bancaires ou C.C.P, doivent être libellés au nom des : CAHIERS DE L'HOMME-ESPRIT C.C.P.: Marsel'lle 1168 19 Compte bancaire: B.P.A.M. (Banque Populaire des Alpes Méridionalesl 08.01903663. 2 TOUTE CORRESPONDANCE DOIT ETRE ADRESSEE AUX CAHIERS DE L'HOMME·ESPRIT B.P. 42 - 06240 - BEAUSOLEI L Dépositaire à Paris: Aymon de LESTRANGE 19, av. de la Motte-Piquet PARIS Tél.: 105.99.25 Les études paraissant dans la revue n'engagent que la responsabilité de lell rs <lU hl'" ,. Leur reproduction même partielle ne peut être faite qu'avec autorisation et sous ,1I'HIII" de mentionner toutes références utiles. 3 Dépôt légal 4 ème trimestre 1974 1973 \

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  • LES CJ.\rIIERStES CJ.\t-I' ERS DE l't-IO/'l\I'I\E-ESPRII B.P. 42 06240 - BEAUSOLEIL

    PUBLICATION TRIMESTRIELLE DE Rdacteur en chef Robert AMADOU

    Ralisation Claude BOUMENDll L~rI O~I\~I\E"ESP RrrGilbert TAPPA

    Directeur de la publication - Imprimeur - Grant Marc CURTI

    5, avenue Gnral de Gaulle - Beausoleil

    ABONNEMENTS

    Ce numro Frs.: 18.00

    France Frs.: 36.00 4 numros

    Etranger Frs.: 40.00

    Les chques bancaires ou C.C.P, doivent tre libells au nom des : CAHIERS DE L'HOMME-ESPRIT C.C.P.: Marsel'lle n 1168 19 Compte bancaire: B.P.A.M.

    (Banque Populaire des Alpes Mridionalesl

    N 08.01903663. 2

    TOUTE CORRESPONDANCE DOIT ETRE ADRESSEE AUX

    CAHIERS DE L'HOMMEESPRIT

    B.P. 42 - 06240 - BEAUSOLEI L

    Dpositaire Paris: Aymon de LESTRANGE

    19, av. de la Motte-Piquet PARIS Tl.: 105.99.25

    Les tudes paraissant dans la revue n'engagent que la responsabilit de lell rs

  • l

    QUICONQUE VA A LA RECHERCHE DE DIEU

    PAR L' ENTREMISE D'UN AUTRE QUE LU l,

    N'ARRIVE JAMAIS A LUI.

    Cheikh Ahmed El Al/aoui

    SOMMAIRE

    5Pour ou contre Gunon?

    Jean-Pierre LAURANT 7Ren Gunon : une pense de crise

    Jacques MASUI Ren Gunon une apprciation 9

    Andr PREAU 17La disparition de l'esprit

    Georges MICHELSON 27De l'idoltrie

    Yves MILLET 35Gunon a-t-il fait des catholiques ?

    Pierre A. RIFFARD 55D'o Gunon parle-t-il ?

    Jean BAYLOT 61Ren Gunon dans la Franc-Maonnerie

    Daniel GIRAUD 65Fausses sectes et vrais asctes

    Jean-Pierre LAURANT 73Rflexions sur Gunon, l'histoire el l'absolu

    Robert AMADOU 81Esotrisme de Gunon

  • Ren GUENON

    Pour ou contre Gunon?

    Pour ou contre Gunon? Dilemme au cas prsent (de ce cahier, de cette revue, et dans mon cas aussi), dilemme factice. Dilemme impertinent, et donc droutant.

    Affirmons l-contre notre vocation.

    Contre le terrorisme intellectuel que des sectaires exerceraient sous l'gide d'un philosophe singulier par eux-mmes statufi en prophte, et qui n'en peut mais.

    L'sotrisme donne la joie dans la libert, et n'a pas d'autre sens. L'sotrisme fidle, l'anti-savoir. La libert qui est mesure de la vrit. Ou son synonyme. Son critre en tout cas; critre de la fidlit sotrique. Quel discours individuel, profane saurait la doubler en ce rle?

    Ren Gunon n'est pas prophte et le gunonisme n'gale pas la tradition, dont il a d'ailleurs compos une ide trs personnelle.

    Mais, au del des chaplles dont nous n'avons cure, la figure de Ren Gunon captive. Mieux, son uvre compte. Surtout par certains chos, qui tiennent la rsonance des thmes qu'elle interprte, mais o d'abord elle introduit le lecteur avec un talent et une mthode rares.

    A cause de ces thmes et de ces chos, cause de cette interprtation, il importe l'amateur d'sotrisme, de rflchir sur Ren Gunon, l'homme et la pense. Un homme curieux et respectable. Une pense qui vaut d'tre discute, et dpasse.

  • 6

    La vie de Gunon fut rien moins que simple (il faudrait beaucoup d'hypocrisie pour lui en faire grief), et instructive d'autant. Son systme (il faudrait beaucoup d'orgueil ou d'aveuglement pour l'ignorer) manifeste paradoxalement, dans le fond et dans la forme, les traits majeurs de la mentalit propre l'Occident moderne, y compris l'insatisfaction radicale de soi dans la ngation de l'autre, avec ses alibis.

    Mais sa recherche fut typique, sinon exemplaire. Le discours, videmment vrai et banal quand il vitupre et censure son lieu mme, rhabilite aux yeux de beaucoup la mentalit adverse, et anticonceptuelle, dont Gunon a tir des concepts. Ainsi - et c'est alors pour le meilleur - en dfense et illustration du symbolisme.

    Ren Gunon, ft-ce en le prenant parfois a contrario, peut acheminer, au-del du gunonisme, vers la vrit qui rend libre. Mais une condition, qui ne dpend pas de lui: refusons de poser, au dpart, d'autre but que celui-l. Et persvrons.

    On a donc bien le droit (gare au terrorisme) de gunoniser un temps, voire de temps en temps, sans tre gunonien. Ce sera, dans les pages qui suivent, grce au concours d'auteurs qui ont bien le droit, eux (gare au contre-terrorisme), de se dire tels, ou le contraire, ou de refuser le dilemme.

    Du mme propos qui commandait nagure, de rditer le Symbolisme de la croix en format de poche, mane ce cahier: toutes fins utiles, quelques fins que ce soit: de renseignement, d'initiation ou de critique. (1) Ainsi se comporte, devant Ren Gunon entre autres, 1'homme qui se reconnat dsir et esprit, dans son aspiration vers l'universel. Car ces termes, qui ont orient notre revue (2), dterminent l'sotrisme par rfrence, que dis-je? en l'identifiant la libert et la vrit, corrlatives sur le chemin, confondues au terme. La devise a porte gnrale, que Saint-Martin traduisit: Faites place l'esprit.

    Jean-Pierre Laurant a accept de prparer ce cahier. Merci, et place lui.

    R.!\.

    * * *

    I l ,(;,L, ICJ70:l'oll ..diotl "IO-IR'". ,) 1J, !'('''ilori,,1 dll Il'' 1 (II):

    ~

    .Jean-Pierre LAURANT

    Ren Gunon:

    une penSe de crise

    Les Occultistes ont cherch rassurer en assignant comme but au progrs la connaissance totalE' E't librante; l'volution conduisait tout droit l'Esotrisme,

    Gunon a dmont le pige de la facilit pt port la guerre saintt' dans un champ dp manuvrps inlplkctup\lps trop bipn organisps. Son (l'uvn' ('sl 1I1H' amw sYlllhollqLH" PlI( l.randw nos liens in';ri('urs pOUl' qw> 5'OP(\!'(' !C' l'PjoUrlH'I1Wllt, la conversion: un sabre de bois ('n nmplanmPlll du sahn' dl' f('r du Roi Dagobert, pour nous l'emettn' 11'8 id[,('s ;\ l'pndroit. Dans Sl'S buts, elle n'a jamais cess d'tre adupllp pi le titre du Colloque qui lui a t consacr0 en juillet 1973 LI Cerisy-la-Salle: "Ren GU{!l1on et l'adualit de la ppnse traditionnelle" ('st par faitpmcn t lgitime,

    Mais elle est le contraire d'une science, mme traditionnelle; suseeptible de reconstruire un mondp "moral" sur les dcombres du ntre; epux qui s'y sont essayps ont connu bpn d

  • AS!UlqiatioD des Candidats al'&ole Polytechnique . 1 ~1: ".tl~~'cole No:we sUPA '):j05 ~

    I.J -,S/~ .r~.; ~1M,t./~ ~s--~~ ./ " A,"' , ....,,-,:c-;-....... --. . l' ./, .-- .

    t/'Iln-J'- 1 ~-,-

  • HI

    (;\1(;11011 Il '"valL pU dudier certaines ceuvres Ior:dampntales et, de plus, sa connaissance des langues orientales tait limite; nan

    rH' s'est gure tromp{', C'est ce que je voudrais dans les lignes qui suivent, en reconsidrant plusieurs aspects de SDn

    Avant deux remarques: bien qu'i! ne l'ait jamais dit de mill1i(\re ~'xplicite, il ne faisait gure de doul!' pour lui que l'homl sapiens n'a pas chang depuis que l'on nous a accol(~ cette N'est-ce pas Lvi-Strauss qui a proclam que "les hommes ont tou

    aussi bien"? Gunon tait oppos l'volution et il avait raison, Lps olltils de l'intf'lligen('p Sf' sont affin{~s pour aboutir,

    la seienee moderJ)(~ et il la technique; les formes sociales se sont considrablement transrorm{~es pt, de llrodw en proche, les murs, pte, Inutil!' d'insister!

    , d'autre l'on connaiss\' lllipux ks i'('ss()r(s 1 qlH'S dl' l'homnw gr(\('(' la paUlOlogi(' llwllLalc, Il n'y a pas a en dou[pl' m,lis, du 1ll('JlH' ('()IIP, nOlis ,[VOliS abat III l,,,, h;IIT1(\res qul1(~p ", Il n'avait, il ('st vmi, O(:CUIH; aUt'lIIH' ('hail'l' olcl('!I(, ('1 Oll II' savait issu de cercles "occull 1,;L('s", Disons quI' !(' nom1ll!'I', (' '{'Lait se voir immdiatt'l1wnL rang(', p,lrmi ('('S oe('lIlti;;1.l's dont il avait fort heureusenwnt pel'('{' jour les ('ITeurs fre son uvre ('L heaucoup ne s'en privent pas, i\ l'gal de Spengler, Danilevsky, SchubarL, Berdiaev et quelques autres il fait

    de prophte, mais un prophte particulirement sagace et dont les "dcouvertes" ne sont pas prt

  • 12

    En tant qu'orientaliste, Gunon peut donc prter le flanc des critiques. De plus, ses exposs doctrinaux souffrent d'une scheresse qui ne fut pas sans me rappeler la Somme thologique dont je sortais peine lorsque je dcouvris L 'Homme et son Devenir selon le Vdnla. On avait affaire, manifestement, un "rationaliste" mais par bonheur il savait o vous conduire (pour ceux qui avaient compris sa dmarche) !

    On peut toujours relire avec profit son Introduction gnrale l'Etude des Doctrines hindoues qui date de 1921. La perspective dans laquelle elle est crite demeure ilIuminante et elle est de nature orienter les esprits dans la bonne direction : une tradition doit tre vcue. Quand elle ne l'est plus sa raison d'tre disparait : elle devient une connaissance livresque tout juste propre entretenir une rudition satisfaisante pour la pense mais strile pour la vie de l'individu et de la collectivit. C'est le grand drame de notre poque : on ne peut rellement transmettre ouvertement le spns d'une tradition que lorsqu'elle a perdu son pouvoir, de sorte que les "spcialistes" ne se mettent comprendre et exposer les anciens "mystres" (pour ne pas utiliser le terme sotrisme dont on n'abuse que trop! ) que lorsqu'ils sont sur leur dclin et vids de leur substance (3). Ainsi voit-on actuellement de nombreuses facults universitaires, aux Etats-Unis et ailleurs, mettre au programme de leurs cours, des sminaires sur l'hindouisme, le bouddhisme. le taosme, etc. mais il en est comme de la musique et de la danse

    : profanes, au sens exact du mot; on fera de ces enseignements une "philosophie", encombrant encore un peu plus l'esprit! Un espoir cependant : une renaissance (on l'attendait au sicle dernier mais elle ne s'est pas produite) provoquant une cration nouvelle partir des retrouvailles avec les fondements vcus de l'anthropologie traditionnelle.

    Au chapitre seize de son Introduction, cite plus haut, Gunon rvle ce qui allait devenir le point de dpart de sa vritable mission: nous apprendre le sens de l'enseignement traditionnel en opposition avec la dviation intellectuelle qui s'est produite trs tt en Occident. Vinrent ensuite ces livres qui exercrent un ascendant toujours plus grand quoique discret, sur la gnration qui avait vingt ans aprs la premire guerre mondiale: Orient et Occid('nl (192/1), La Crise du Monde moderne (1927) et, plus tard, son magl/Ii ln opus: De Rgne de la Quantit et le Signe des Temps (1945).

    1:1

    ("j'si dans ('('s O'uvrps ainsi qlH' dans SPI' ('niLs Sllr l'initiaLlol1 quI' l' 011 L('ollvP h' Gunon providentiel qui nous il OlIVNt Ics yl'u x 1':11 fait, sur quoi?

    Comme nombre de mes contemporains, j'ai t ('levI' dans la culture grco-latine et chrtienne, ayant pour matres !lem)!'!' 1.' Stagirite et St Thomas d'Aquin. Avec eux et avec Descartps, j'aval:; devant moi des systmes clos et sans faille, ;pondant tout.. Nanmoins, mon me (ce mot un peu oubli aujourd'hui ... ) 1"Lait insatisfaite! Un got intense pour la posie et les arts en g('!ll'ral ne trouvait pas sa nourriture naturelle dans ces constructions remarquables de l'esprit occidental. J'essayais bien de combler Ilioll attente en me penchant sur Art et Scolastique, sur Frontire de la Posie de ce Maritain qui comptait alors beaucoup pour ceux d" mon ge, mais rien n'y fit ... Je me sentais enserr dans un carcan dl' concepts alors que je tendais l'exprience. Celle-ci ne vint qU!' beaucoup plus tard mais entre-temps, je reus le message de Gunon qui dans La Mtaphysique orientale, me disait: "Pour la mtaphysique orientale, l'tre pur n'est pas le premier ni le plus universel des principes, car il est dj une dtermination; il faut donc alIl'r au del de l'tre, et c'est mme l ce qui importe le plus". 1

  • 14

    il rallait une initiation et que la seule gnose, ou connaissance authf'ntique, se transmettait par des mots "sacrs" ou par les symboles, eux-mmes "ne constituant qu'un support, un point d'appui pour s'lever des possibilits de conception qui les dpassent incomparablement". Puis, enfin, cette injonction: "Ce dont il

    ) c'est de connatre ce qui est, et de le connatre d0 t0lIf' qu'on est soi-mme, rellement et effectivement, tout ce que l'on connait".

    *

    *

    Gunon m'apprit comme beaucoup, qu'il existe li]1\' autre manire de connaitre et d'riti'('s dl' Grees, mthodes qui nous ont men la culturell(' dont nous subissons actuellement les

    ,/(' Il(' puis m't"(PIHire sur l'initiation. Il n'est d'ailll'un; q\lt' d" lin' It-s lI/w/'(lIs Sil/' l'II1i1ialm qlH' Gunon fit paratn' ('n 1 !M(i PI la n"lIllinl\ dl' SPS ,nti,'I!'s slIr le sujet: Initiation el Rali:;o(ioll );1"1'/([//'/11' pllhli!' apn-'s s;~ lIlorl. Si 011 p;I.~S('

  • 1

    lb

    , fpligion, sotrisme, etc. en opposition av.. !" I"t' qlll' .1 OSl'ral appplN une gnose libratrice, comportant la l'OIS 111)(' thorie et des pratiques.

    l'l'al iqw's qui IlE' peuvent tre mises en oeuvre sans une il1ltial iOl1 1>1(;alabll'. A cet gard (on ne saurait trop le rpter) tout enS('jgIlP!l1l'11t traditionnel thorique culmine, si les conditions sont l'avorables, dans cette initiation qui est donne par un matre un dis!:iplp. Pour tre bref, elle est une sorte d'influx qui permet il l'l'nst'ignement de se maintenir et de s'panouir dans celui qui a t initi. Il s'agit bien, alors, d'une seconde naissance, celle o clatp notre vritable statut ontologique. Nous y parviendrions sans peine et immdiatement si nous n'avions des caillps sur les y(>ux ... Le rle providentiel de Gunon aura t de nous rappeler le sens et le but de la Tradition considre comme philosophia perennis, au moment o l'humanit(', s\'I1fonee dans les couches les plus sombres de ce qUI' la tradition hindoup nomnlP : Kali yuga, l'W' noir. Puissent les graiJws qu'il il spm(',ps nous rappdpr o gilla Voie!

    NOTES

    1 CLRaymond \bdlio . Lu dl' /"';.w/.l;ri~lIll', Paris, 1()-;":\. ~--!\1an'() 1'"lIi, il [Cill': de jll,;tifit'r l'attillide d" (;11':11011 ..d "'gard (d. Flfules Tmdi/io/lIl"IIl's, \;0 ~I):l~();;, 19: 1) mais ses arglllllt'Ills II(' sout 1'u('n' "ollvan Gillis. :1- La d,so....ulLalioli dt' la Tradilion d01l1 parl(' IL \Iwillo daJ\~ l,Il l''ill dl' /'Esolisn7l' ~i!!lliri,' ";;1 IllOrl ~Ilr l" plan ('xIs[('II[i.1 d ~()n ('Illr['(' ,1.111' ).disl'lIrSIIS; plu!' d.' vil' lIIais dl' la pf'll:;" ... 4.k ,on!!'" ('litre auln's, aux heaux travallx d.. Cillwrt DUl"1l1ld Idlc (Ill(' l'a ('Olllllllllli .."llon il Rral/os ('/1 1 (J69 : f)';h/!;ltf(JIOIl philosophiqul' l'l lrwlitio/lIH'lle. Erano,.J ahrbuclL 1969,\~"olla.

    Andr PRAU

    La disparition de l'esprit

    Considrant notre poque, M.Ren Huyghe a crit: "Ce sick est le XXme. Sa tare, cancer qui le ronge et le condamne, li un nom: le matrialisme born, aveugle, systmatique et tout-puis~ sant" (1). Ce jugement peut sembler excessif: car beaucoup de {)prsonnes, mme chez les incroyants, ne sont pas matrialistes et, dps marxistes, on peut sans doute affirmer qu'ils sont censs l 't'tn' , mais encore leur matrialisme est-il "dialect.ique" ,donc de quelqlw manire tempr. D'ailleurs, si la matire pouvait tre un conc

  • Hl18

    1.s sciPllI'ps les plus avances, les plus glorieuses de leurs succs, liOlI t I('s sepncps "de la matire", ce qui veut dire quantitatives. Or ('(' qui se laisse peser et mesurer, ce sont les corps. La biologie est unI' science pour autant qu'elle applique aux corps vivants les mthodes d'observation, d'exprimentation et de mesure qui ont si bien russi dans l'tude des minraux, des corps morts. La vie ellemme n'est ni mesurable ni observable; elle peut tre seulement induite de ses manifestations. La situation est la mme dans les sciences dites "humaines", c'est--dire les sciences de l'homme, qui sont tournes vers les manifestations les plus extrieures de l'''me'' et de l '''esprit'', non vers ce que ces dehors peuvent recouvrir. Il est toujours vrai que la science s'occupe des phnomnes et non des essences.

    Or, si la science et la technique dominent entirement notre civilisation, c'est videmment en raison de leurs ralisations matrielles, qui ont transform la vie des pays "dvelopps". Mais c'est aussi parce qu'elles donnent des rsultats incontests, suprieurs aux opinions individuelles. Contrastant avec les discussions des thologiens, qui avaient abouti au schisme d'Orient et la Rforme, la science moderne est apparue comme une rgion sre, une sorte de refuge, comme aujourd'hui le matrialisme de la science est accept parce qu'il permet, pense-t-on, de se dsintresser de toute question philosophique. Si ce mme matrialisme est invisible en tant qu'il est constitu par des habitudes mentales, la vie, l'me et l'esprit le sont comme lui. La science quantitative au contraire est trs visible et fait beaucoup parler d'elle. En face de la grande varit des opinions philosophiques et religieuses, elle n'a pas de peine se donner comme la seule recherche srieuse et ses faons de penser comme les seules qui aient fait leurs preuves. Elle ne nie rien et n'a pas besoin de nier quoi que ce soit :ses habitudes mentales, partages par les non-savants, s'en chargent pour elle. Elles font plus que critiquer ou rfuter : elles excluent.

    Insistons sur ce point que la science contemporaine accepte l'intelligence, ou la Raison (2), comme allant de soi, mais qu'elle ne cherche pas savoir ce qu'elle est. Depuis sept sicles il est entendu que la science qui traite de l'intelligence est la logique, il laquelle on a ajout un chapitre de la psychologie touchant le dv('loPlwmnt mPl1lal de l'enfant ou de l'adulte. Or la psychologie, Sci('IH"(' d'ob:wrvatioll, I)('ut traiter tout au plus de la pense, et non (\(' l'illtt'llil!:l'lw,,; pt, la IOl!:iqlll' pst l'(;tudt' dl's

    prises tort pour des lois constitutives. Auta11t

  • *4~"..4;: V.." . C !-fW,J ,.u, ,!"u' u_ 1",,"~iU,h.~..t 'fl.U ~ ~~l~, 'Ul.&o(U Il r tu. ~ ~1.tLtft# f'H' {fOC/: 'l','Jn ,._ '1'1"4 i,; "d

    I./~HUJ trf-/If('tu, ~ &- fl.4 tluf'JUl. ~ 2J ~.fI"I."( /I,u', A cr.' .'(u~1.-1,. lti:&"p, ~ 'td' ~ ~ ~ ItJu

  • 22

    mandent les plus troites: ("est l'Iks ,;clairent pt, pal' une inversion de l'image, c'est ell('s qui sont I('s proches du ct'nire, du lieu o toute limitation disparat.

    Clwz les savants la dl' S0 manifesLt> dans dps trous intellectuels tels quP Il' "hasard" pt la "ncessi', ", ceLte d('rnirp tant cellp de systmps ratot1l1Ph dos, indiffrents les uns aux autres et dtprminant dans Ip !11onl!t' 1111P multitude illimit{,ve La critique de cette situation ilH'om\)('l'ait la philosophil',

    si cellp-ci ne s'tait mise 1'(;(,011' d('s :-,ciplH'PS Pl IH' dWl'chait s(' rapprocher cl 'elles dans son l'spri L ('omnw dans ses 1lI('lhodps. Tant il l'st difficilp d'6chapPN tllW I1wnlalit,(, co!kctivp de q

    Ici 1'psprit, qu'on Il' nomme ou non, n 'psi plus ('om:u COI1l11W l'lment liant dp l'univers, comnw ce Vide apparent

    toutes choses. La Raison, donc la Sciem~p, 11(> connalt quP l'individuel et Il' gnpl'al, la chose ou le conn"pL mais non l'universpl; pt, sans universalitl:, point d'uniti'. Ainsi s'est allalbli peu peu. pt lnalement vanoui, l1otn' sentiment d'une V(;riV' U1W, de l'unit{' I:'t dl' la ('ontilluit(' des choses, qui impos!' il notn' sa loi dl' cohrPlwf'. [p mtionalisnw s'appuie sur l'intdligence sans

    il gl isse vers l'ap

    de l'intl>lligence, c'est--dire qu \'n mnw temps il serait dpass, donc contredit, Pourquoi, il. est vrai. une contradiction devrait-plie trouhler un matrialiste, dont la

    sans arrire-plan ni finalit? En r('alit le mat('rialisnw n'est tabli, il est une solution de facilit, qui permpt de s'aban

    donner ses habitudps et d'esquivpr les problmps les plus difficiceux dont la formulation, si rels qu'ils soient, peut, et parfoi

    meme tre renouvele.

    Nous n'oublions pas l'anti-intellectualsme du XXm(' qll! a (,V, 1I1H' n"acLion ('(JIlLn' la sl"c!wrpss,' dl' la !Wl1s('" rat iOl1lwlh'.

    falll.(' dl' pOllvoir distin~lI('r Raison pt int.plli~('II(T. il n"dllis:lt 1:1 ~W('{lll('" ;'1 1;1 IH'('mii'n- pt ;J('('ordait :lllsi ;111 l'al OII;dISlIlP. dl'\"'llIl

    23

    matrialisme, l 'essen tie! de ce qu'il rclame, savoir qu!' la Raison scientifique puise les possibilitps de l'intelligence. Ainsi n~nr()n,'ait-un sentiment d'insatisfaction sans rien apporter de positif'. Il n'l'Il

    va pas de m('me de certains auteurs plus rcents qui, tels ,Jaspprs, Hpidpgger eL Raymond Ruyer, ont connu la hantise de l'esprit pt ppu peu, malgr tant de courants contraires, se sont tourns vprs lui. Encore moins oublions-nous l'espoir d'une renaissance traditionnelle qu'ont fait natre, il y a un demi-sicle, les premiers livres de Rpn Gunon (3). Mais lE' rayonnement de ces diverses oeuvres est limit eL ne Louche ('ncore au'une faiblp

    *

    '" *

    En attendant, le matrialisme pratique dnonc par M.Rl'n est dl'venu nlus fort que jamais; et i1lw cesse d'tendre son

    ii cps tout-puissants de la mentalit colledive quP son t la prpss(> 1'1, I('s onclPs. \);;ns c('s conditions il va pour ainsi dire dl' soi qUI', dHIlS no!n' 1ll'IlSgalispr les conditions

    dl' vit' Il';1 d(' S('IIS 'IIH' dalls lIIl

  • 11 1

    ;1 24

    ou moins agrable dont il le voit vivre. Il connaL des ingalits beaucoup plus graves que celles impliques dans l'ordre social. Son univers comporte des gouffres, des abmes, il n'est pas rapetiss aux dimensions de la science humaine. Et si le souci de supprimer les injustices apparentes n'est pas antrieur au XVIIIme sicle, si la justice humaine autrefois ne cherchait pas se substituer la Justice divine, si cette confiance dans 1'harmonie finale des choses s'observe dans tous les temps et sur toute la terre, il a fallu une raison trs grave pour justifier une attitude pour nous aussi extraordinaire; et o cette raison peut-elle se trouver, sinon dans la persistance d'un horizon intellectuel trs largi, rpondant aux illuminations sans cesse renouveles des saints et des contem

    (4) ?

    Le contraste est saisissant entre nos contemporains, qui presque tous sont compltement extravertis, et les hommes d'autrefois qui apprciaient et honoraient avant tout le mpris de la mort et la saintet. Les traits de courage t rapports des Romains, par exemple, ou des sont trs significatifs et devraient tre pris davantage en considration : par quels moyens, quels entrainements l'homme une pareille "force d'me" (6)? L'obtention d'une complte matrise de soi exige certainement un long et pnible effort, mais, toutes les traditions nOLIs l'affirment, elle ouvre l'intelligence des rgions auxquelles nous n'avons pas accs. La science quantitative

    comme l'observe M .Ren Huyghe, a suivi "la voie de connaissance la plus facile" m~ pouvait donner les mmes rsultats. Cette voie est la plus facile, au moins ses dbuts, paree qu'elle nous est pour ainsi dire, trace d'avance par les innombrables montages psychiques qui nous permettent, sans ttonnements de percevoir, d'agir et de penser. Et elle demeure une voie facile malgr ses complications parce que ses mthodes trs strictes nous amnent fermer les yeux sur les problmes qu'elles ne peuvent aider rsoudre. En revanche nous nous trouvons l'aise au milieu des choses extrieures qui nous fournissent tout moment tant d'occasions agrables d'agir, de penser et de parler avec tout au plus une petite dpense d'attention. Il est peine besoin d'ajouter qu'aprs plusieurs sides de science quantitative, l'attraction que le monde extrieur exerce naturellement sur nous est deVPl1ue une fascination qu'il n'est pas facile de briser. On l'obs('rvp dans l'Pllvahisspmpl1t de la pens(;(> par la "politiqIW",

  • 26

    Lucifer: Pense au diable.

    Faust promet alors de ne plus diriger son regard vers le Ciel, de ne jamais nommer Dieu ni le prier.

    Lucifer: Fais-le et nous t'en rcompenserons grandement.

    Vers la fin de la mme pice (IV, 1), Mphostophilis (7), au sujet d'une certaine personne "dont la foi est grande" et dont il ne peut "toucher l'me", ajoute qu'il tourmentera son corps, bien que celui-ci soit "de peu de valeur".

    Enfin, la scne suivante, le "bon ange" explique Faust la raison de sa chute: "Tu as aim le monde".

    Faut-il ajouter que "Dieu" est ici la modalit la plus haute de ce que l'on nomme couramment l' "Esprit" et que le "diable" reprsente l'attraction du monde, la fascination qu'il exerce sur nous, vu du ct du sujet, le "dsir" bouddhique? Ces citations, qui seraient autrement ngligeables, cessent de l'tre, nous sem ble-t-il, en tant qu'elles expriment une conviction commune toutes les socits traditionnelles, c'est--dire la quasi-totalit de l'humanit.

    NOTES

    1- 'au ln' Vo" ,Ialls !", Filf,llro.\iO. du 1 Il odobn' I l)7:2. :2 Au s,'IlS d" la Raisoll formelle. logiqll

  • 28

    l'escalier ... le temps d'une pause, d'une bonne pause, une lente remonte, puis des coups timides la porte ... le jeune homme, fort gn, le livre la main, lui disait, dans l'entrebaillement : "Il me semble que vous vous tes tromp d'ouvrage." A quoi mon ami rpondit : "Mais non, mais non, c'est exactement ce qu'il vous faut." Et le jeune homme repartit avec, sous le bras, pour seul viatique spirituel, un roman de la Srie Noire dont le titre tait : Nue sous un manteau de vison.

    Quand ceci me fut cont, il y avait dj plus d'une dizaine d'annes qu'un certain soir j'tais reparti de chez des amis traditionnalistes avec un volume scandaleux sous le bras, scandaleux pour mon esprit technicien: La crise du monde moderne, de Ren Gunon ...

    Trente ans aprs me voil relisant cet ouvrage et me questionnant son propos; entre temps, une une, toutes les uvres de Gunon taient venues fleurir ma fort de livres o nanmoins dominent, encore et toujours, les textes scientifiques. Il m'avait t donn, par ailleurs, de rencontrer entre ces deux temps de lecture et aprs bien des errements, quelques hommes dpositaires d'un authentique savoir-vivre (1). Ces hommes venaient de loin, du Japon, de la Chine, des Indes, d'Afrique ... ils tmoignaient pour leurs cultures, dont il vhiculaient la spiritualit vivante. Quasi tous ces gens-l, pour la plupart procdant d'une voie diffrente de celle que je m'efforai de suivre comme un tcheron, s'ouvrirent moi pour me dire combien grande tait en Occident l'audience rencontre par leurs enseignements, combien plus grande qu'en leurs pays respectifs o ces enseignements taient traditionnellement reus. Je sais, "Nul n'est prophte ...", mais s'agit-il seulement de cela '? L'un d'eux me fit, peu prs, cette remarque: "L'Occident a dj fait sa pubert technologique, de plus en plus nombreuses sont les personnes revenues des fascinations. de la civilisation industrielle, mme parmis les jeunes et surtout parmis les esprits les plus avertis. Alors que dans nos pays s'effectue en ce moment mme une crise telle que, dans la fivre de transformations qu'elle suscite, nos structures traditionnelles, surtout aux yeux de la jeunesse, passent pour primes et nos enseignements spirituels, eux, passent pour d'autan t plus anachroniques. Ainsi s'effectue un jeu d'changes qui ('st aussi un signe des temps : l'Occident "exporte" sa mentalit profatH' av('c SI'S (.(chniques matrielles et "importe" Ips connasSlIlC('S s;[('n"(,8 d, lIs tt'I'hlliqups spiritw'lIps qu'(,UPS impliquPllt;

    "'1

    ('OIllIaISSal)('I'S qUI' l'('sprit lIIodl'111(, (.('11rrain le plus pour l'('cevoir et prserver nos doctrines."

    En rtudiant :'La crise du monde moderne" j'avais cett(' anpcdotp e>t cette> remarque qui me trottaient de par la mmoire quand jp tombais sur CP texte: ""En danger de progrs". Cela paraissait un bon titre pn 1968. C'tait une formule percutante. En 1!n4, c'est une> e>xpression banale. Qui ne doute aujourd'hui que> le progrs soit dangereux ! Pour "accrocher" le lecteur, il faudrait intitulN cet essai: "Nous allons tous prir", "Au bord du goufj'n''', "Demain la fin du monde" ...

    Il y a quatre ans, les prvisionnisLes nous promettaient une re post-industrielle d'abondance et de loisir. Aujourd'hui, ils dn-ssent des plans de survie pour nos enfants. Hier, on se demandait : "Le meilleur est-il assur" '? Aujourd'hui, on dirait plutt: "Le re est-il vitahlp ? ., En changpant dt' dnnie, nt)Us avons de futur. Ce n'l'st pas une ('volution, (:'('st unI'

    On serail hi('11 ('Il Iwill(, d'pxpliqu('r un 1.('1 chall~('nwnl par des donnes obj(eLivps. L'('xplosion d(:mographiqup, lps d'une pollution gnntlis/~(', I('s I:'xcs d'un progrs exclusivement quantitatif, l'puisement progressif des ressources naturelles, tout cela tait connu depuis longtemps. Sans avoir rien dcouvert, sans avoir t surpris, nous nous sommes donn une nouvelle conscience. C'est un phnomne sociopsychologique, et e'est la raison de son extrme rapidit. L'volution des faits suit un cours rgulier. Celle des t~sprits peut connatre une rupture. C'est la conversion. Le monde se convertit au pessimisme.

    Cette attitude serait aussi dangereuse que la prcedente, si elle dbouchait sur un mlange de prophtisme et de fatalisme. Le

    n 'pst pas plus assur que le meilleur. Nous avons simplement compris qlH' la continuation du prsent conduit des futurs indsirablps. Je 11

  • JO

    piration seipntifiqu(' fort bien document et non moins bien rdig, ('si pu bli,; dans III mpmf' collection de "livres dl' poche "o venait aussi d'tre rdit, il n'y a gure, La crise du monde moderne. Un !,pl voisinage serait-il aussi un signe? On se prend regretter la prface de Gunon, que, de nos jours, appellerait une telle rdition. Surtout si l'on compare l'volution du traitement des thmes expos{'s dans Orient et Occident, en 1924, La crise du monde moderne, ('11 U)27, pt Le rgne de la quan lit et les signes des temps, dans la pd'face, en 1945. Ainsi donc, avec un esprit non plus tant polmique qu'autrement critique, je relisais ce livre-ri'quisitoire aux formules absolues. Ce livre auquel j'avais d de connatre, il travers tant de mouvements d'humeur, tant de moments de paix. Et me l't'vc>nait aussi l'esprit, en contrepoint, cet~ note: "Un homme df' g('nip est UI1 homm(' absurde, c'est--dire qu'il pousse un sysU;11)(' il l'abso!u, or !'absolu ('st l'i(k'al d(' la scipnc('. On pst fond noin' quP (pt ahsolll ('xisU'rait si nous connaissions tout (cause uniqu(', ('('sl Di('u) mais ('omnw nous somnH'S loill dt' tout connatl'('ld('ment l'expression d'un effort vers cette ide. 1,(' Chrisl III i1lH'II1P, 1(' Vprhp, nf' s'exprimait-il pas prudemment quand il ('mployail pour rormule initiale: "En vrit{, je vous k' dis ... ", l'II pl 1\011 lu. El .il' m't'bahis toujours, navpment, de trouVI'!' d'IIIS 1(' "('/1/ /'(/J'()/I"';:';(' h' Illoi "inlni" d{.('in. .. ~~t je m\'l1wr

    V(.tll('II'H111l(j111~; qllalldjl' (,ollsl:t1( qw' ((s m(~llws tPrlnp;; ('ss('n!ipls,

  • ;\;.>

    premiers ici aussi, constituent le plus clair u vocabulain' dl'5 l'Il" fants; mots qui nous sont les plus communs, mols appan'mmpnL surdfinis mais effectivement indtnissables ... Et il me semble que la fonction symbolique, dans le cadre des processus discursifs, ne peut se saisir qu' ce niveau du langage o certains mots jouent, la fois, le rle de cadres formels cl d'axes informels dt' pense. Car, au fond, ce qui caractrise, par ailleurs, un symbole, c'est sa fonction d'indfinition : Tout symbole n'est-il pas un type d'indfinition, le modle mme d'une forme dfinie accomplissant une fonction indfinie? Ainsi pourrait-on (Jre qu' l'arbitraire math'malique des signes exprimant les modalits des dmarches hypothLieo-dductives fondant les axiomatiques, rpond l'arbiLraire "mtaphysique" des signes exprimant les moalits des dmarches hypothtieo-inductives fondant les symboliques. L, comme ailleurs, "Il n'y a rien dt' cachi', il n'y a que dps dpgri,s d'avancement"; comme le disait d'autres propos l'Ol1!WX('S, !'rancois Secret.

    Et je mditais, perplpxe, pn rpfpnnant Ct' volume qui, 1rer,te ans aprs, ne me scandalisait plus. J(' m(~ditais sur le rgne des ides comme sur le rgne de la quantit, quand je ne sais quelle malice fit surgir E~n moi, au dtour de la gravit, ce souvenir d'une boutade de G. K. Chesterton: Le fou n'est pas l'homme qui a perdu la raison, c'est l 'homme qui n'a const'rv que celle-ci. Allais-je donc srieusement n'crire un article que raisonnable. Je vous fais juges. Aussi, ne l'ai-je pas crit, par dfrence. Et, pour ceux, qui, ne le regrettant pas, me feront encore grce de quelques lignes, pour eux, je vais me tourner vers l'Orient, pre des contes:

    Au-dessus d'un hameau de montagne, prs d'un torrent s'vasant en vasque, un sage s'tait retir avec son disciple le plus proche. Hlas, mme dans ce village perdu, sa renomme l'avait suivi. Aussi, un de ces jours d'orage conjugal o s'exaspre l'antagonisme des couples, une femme, en dsespoir de cause, se dcida s'engager dans la montagne pour consulter l'hermite. Reue par le disciple, prsente en toute simplicit un vieillard souriant, plus dtendue, elle put exposer avec naturel des dolances que le sage ponctuait dl:' : "Comme vous avez raison ... ", "Comme vous av\'z raison ...". Et elle s'en fut, d'un pied lger. De retour au village, elle exposa le fait son mari. L'homme, qui n'en croyait pas ses oreilles, dcida de gravir son tour le raidillon, sr de son droit, inqui*"' ... ..-~~< >:-:::::::>

  • Mai 19[0. No 1.

    Yves MILLETLA GNOSE

    REVUE MENSUELLE

    CONSACRE A L'TUDE DES SCIENCES SOTRIQUES

    SOMMAIRE

    PaIfUPaIfU Thwrie kabbalistique de la Musique.-Etude sur la Comtede Halley.- F.-Ch.

    ROUXEL , . . . '43BARLET ...,.. 129 CatehseGnostique(suile}.-TPAllL. '45Les H~uts Grades Maonniques. Notes sommaires sur le GnosticismeT PALlNGNIUS 134

    (suite). - MncuRANlls lotI!Discours sur PEsotrisme du troisime Avis. L.A DIRECTION , 52Grade. - Jules DoINEL... IJ6 Errata du no 6 , ',2Remarques sur la Notation mathmati Errata des Phi/QsQph"",el/a 52que (suite etfin).-T PALING':NIUS. ]40

    ~

    ADMINISTRATION 76, rue de Rennes, PARIS (VI-)

    ABONNEMENTS; France (un an) 1) fr. tranger (un an) 6 tr,

    Le numro: 0 fr. GO

    De novem bre-dcembre 1909 janvier 1912, Gunon devenu vque sous le nom de Palingenius dirigea la Gnose, or-gane de l'Eglise gnostique universelle jusqu' sa brouille avec le patriar-che Synsius (Fabre des Essarts). L'influence d'Albert de Pouvourville : Malgioi ell taoisme et Simon en gnose y est sensible. tes ar-licll','; dl' PaUII!(l'T/ius moutrenl la de sa formation, ('erlains, ci IH'/w IIwdi/(;,';, ouf sl'rfli ci la rdacliofl dit 1'1. SOli dl'vI'lIi .. SI'IOII 1.. Vpdalll.;I, Ips I/'S du calcul in l'Ill ill"SIIlIII 1.

    Gunon \\ Il a-t-il fait des catholiques?

    "La rsurrection des morts est ( ... ) interprte comme la rsorption l'tal prim:ipiel non-manifest de ce qui existait il l'tat ma nifest ( ... ). Inutile d'insister sur la radi('ale incompatihilit dl' celle interprtation ( ... ) avec la rvlation ('vanglique ( ... ). Paradoxalement, c'est pourtant W

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    pour n'avoir pas vu le cas se produire, je ne me crois pas autoris en nier l 'occurence. Si j'ai expriment, d'assez prs quelquefois, l'chec de certaines tentatives de pntration gunonienne en milieu catholique, je puis tout au plus en infrer que les russites sont ici vraisemblablement fort l'ares, supposer qu'elles existent. M. Mroz fournit une assez bonne illustration de ce que j'avance.

    On remarquera qu'au point d'arrive, quels qu'aient t les antcdents des uns et des autres, on a toujours affaire des gunoniens catholiques, des catholiques gunoniens, et, qu' ce point d'arrive, le problme de la compatibilit des deux professions doctrinales chez un mme homme et au mme moment se pose en termes identiques, indpendamment de Loutl~ chronologie. Mais pratiquement, les deux dmarches ne sont pas quivalentes, et le second cheminement parat plus ran' plus difficile ? - que le premier.

    Rpondre il la question qll!' pose k titr!' de cet article est chose aise pour moi et tient en rwu d(> mots. On pressent d'ailleurs que la rponse est affirmative. Restent, d'une part, le pourquoi et le comment, d'autre part, l'lucidation du paradoxe voqu par M. Mroz. Pourquoi Gunon a-t-il "fait", plus souvent encore, "refait ", des catholiques? Autrement dit, la suite de quels raisonnements (2) des hommes convertis par Gunon la recherche de l'unique Essentiel se sont-ils tourns vers l'Eglise catholique ? D'autre part, comment ont-ils fait cohabiter la doctrine expose par Gunon avec leur catholicisme ?

    Avant de dvelopper mes rponses, je prciserai encore les limites de mon sujet. Je parlerai seulement de la priode que je connais un peu par exprience directe, celle de l'aprs-guerre. De fait, tudier les consquences d'ordre exotrique que put avoir l 'uvre de Gunon entre les deux guerres n'est pas trs significatif de cette uvre, celle-ci n'tant pas encore complte alors, des points essentiels n'ayant t explicits que peu avant la seconde h'Uprre et d'autres (ncessit de l'exotrisme traditionnel) (3), seu!l'ment aprs elle, peu avant la mort de l'auteur. Depuis 1950, les jPux sont faits. L'uvre publique - j'entends bien ne me proccupN que de' lle-l - est largement diffuse dans son enti(~r, Il ('st loisibl(' :!lIn obs('rvatNlr attentif et convenahlement plac(' dl' por!('.lin jug{,llwnt sur ('('S vingt an11('('s '1. qiH'lqllf'sl d'influl'l}('(' posthu. Ill!', {'Il 1

  • 38

    gunonien le point d - qu'il faut aussi admettre, pour les mmes raisons - n'entraine pas ncessairement la conclusion que j'ai prte notre homme. En effet, il est aussi d'autres exotrismes(en dehors du catholicisme), et Gunon n'a certes jamais dclar toire - bien au contraire (5) - le rattachement la forme traditionnelle la plus rpandue, la plus anciennement implante, dans le pays d'origine du futur suiet de l'initiation.

    Pareille forme semble seulement, pour des raisons de convenance tenant l'hrdit, tout le milicu la "commodit", mieux approprie au sujpL et, en privilgie. Il faut ici penser au rIP que Gunon et aim voir jouer l'Eglise catholique dans le pm('I'ssus de redressement de l'Occident qu'il a cru, un moment, possibk. Mais, toujours dans l'optique gunonin!w, 1(' but SI'('Ol)() s('mb)(' hipll (~tr(', pn-dea de la Dlivranee but pn'miN .,1(' rallcwllC'n/(,lll cl une organisation initiatique. Dans CpU(' !wrsJ)('('livp, 1(' ('hoix dl' 1 obdientit>l, de Loges qui seraient rserves aux S4'llis catholiques (y compris les visiteurs desdites Loges). Pour un 1(,1 homme, il est toujours impossible, dans les circonstances actlH'Il('S, d'tre la fois catholique et membre d'une obdience maonniqUl',

    11 ne peut donc se croire fond, mme s'il prend srieusement en considration la position privilgie du catholicisme en milil'll occickntal, demander son entre en maonnerie, quitte rservl'r, dan.s raLLente cl \II1' probl{'matique r{~conciliation de l'Eglise catho

    et de la Franc-mul:onnerie obdientielle, le cas (lP son exot{'risme. C(, sprait une solution franchement absurdp (8 notons1(' biell, priverait coup ,Ctr le nouveau ma

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    Aussi bien ce cas a-t-il aujourd'hui un intert surtout historique, puisque, principalement depuis une dizaine d'annes,nombre de maons pensent pouvoir se prvaloir d'autres raisons pour dissimuler au commun des prtres leur appartenance l'Ordre. Ceux-l se prvalent des progrs de l'oecumnisme dans l'Eglise et estiment - comme certains vques et certains prtres, du reste que l'argument bien connu des Papes du XVIIlme sicle (partage d'un secret par des catholiques et des non-catholiques) est dsormais caduc, puisque l'Eglise catholique recommande elle-mme -non sans eertaines prcautions- les contacts interconfessionnels. Je n'ai pas, bien entendu, la moindre qualit pour juger de la licit de cette sorte de raisonnement - appuy, encore une fois, par l'accord de certains reprsentants du clerg. Les efforts dploys dans ce sens par M.Mellor sont prsents tous les esprits. Je me permets seulement d(' rappeler qUE' la premire condition laquelle il faudrait satisfaire pour chapper d(' manire indiscutable une excommunication, dans l'tat actuel des choses, serait celle-ci: suppression de l'objet mme de la condamnation, c'est dire renonciation (avec garanties il l'appui) ce partage du secret avec des non-catholiques. Je laisse la rflexion de chacun les consquences que cela lui parat entraner.

    Les gunoniens catholiques non -maons (et ce groupe contient ncessairement les femmes catholiques qui adhrent l'oeuvre de Gunon) ont suivi, eux aussi, le raisonnement en quatre points a, b, c, d, que j'ai schmatis tout l'heure (il me parat difficile d'chapper cette hirarchie des thses gunoniennes si l'on a "digr" l'oeuvre jusqu'au bout et souscrit tout). Seulement les consquences du raisonnement ont t diffrentes.

    Il s'agit fondamentalement d'une interprtation diffrente, dans ses consquences pratiques, de la hirarchie sotrisme-exotrisme. Nous avons vu qu'une certaine interprtation - frquente chez les gunoniens de fraChe date (9) - de la thse de la supriorit de l'sotrisme les conduisait facilement envisager un ordre des dmarches qui, dans les conditions spciales de l'Occident, pouvait mme les conduire, s'ils n'y prenaient garde, une impasse: se faire admettre dans une organisation initiatique et, par I mf'ml" paradoxalemen t, se priver de toute chal1{~(' d 'pn tirN LI n h['IH',f'i('1' spiritul'l, ('n "attI'IHlant," kn "d(~sirant" forh'n1l'111.) que It's conditiolls ('hangl'lJt d, PI'rtllPt!l'llf Ull jOllr il' f(-'lahlisst'lIIl'nL d'lIllt' sil lia Lu Hl !l(II"1llall'.

    41

    Mais d'autres personnes, mieux insplrees peut-trp lh\s 1., dbut de leur recherche, ou les mmes personnes, parvenues apri's un itinraire spirituel plus ou moins compliqu d'autres COlle('ptions quant l'ordre des dmarches effectuer, intervertissent les objets de leur "dsir" spirituel immdiat: ce qui est leur porte, immdiatement, ce qu'ils peuvent possder (et non plus dsirer), ce sont les moyens de grce du catholicisme. L'objet de leur dsir est alors un rattaehement initiatique tout il fait problmatique, dont ils remettent la dcision et les modalits de ralisation entre les mains de la Divine Providence, eonscients que "c'est Pierre -et Pierre seul- que le Christ a donn les clefs du Royaume", conscients que "quiconque souhaite entrer dans la Bergerie ne le peut que par lui, qu'il soit appel ou non, ensuite, la Science du Coeur", conscients qu'une fois puises pour eux toutes les possibilits de l'exotrisme, la Providence pourvoira au reste.

    Quelle que soit la position prcise des gunoniens catholiques l'gard de tous ces problmes difficiles, tous sont redevables Gunon d'une comprhension de leur propre religion qu'il leur et t impossible d'esprer sans la lecture de cette oeuvre irremplaable. Ils ont dcouvert des dimensions du catholicisme que la thologie et l'apologtiqup ordinaires de notre 6poque dans une large mesure, des sicles passs- taient incapables de leur faire mme souponner. C'est cette dette de reconnaissance que je voudrais, bien partiellement et bien maladroitement, essayer d'acquitter dans les lignes qui vont suivre,

    Gunon li arrach -mrite immense et rarement apprci sa juste valeur- l'occultisme sous toutes ses formes, pour: les rendre au catholicisme, nombre d'individualits qui n'taient alles vers ces faux bergers qu'en dsespoir de cause, faute d'avoir compris que leur religion vhicule des symboles profonds, dforms dans l'image'rie occultiste et masqus dans l'enseignement religieux: la Chute, la Rpd('mption, la Rsurrection, la Communion des Saints ... et la ('roix !

    GU{'1101l a solidement arrim ses amarrE~S judaques - et ahrahamiqlll's IIll christianisme dont on faisait surtout professiol1, ('1) (/l'hors dl' itii, de soulif..(l1f'r la rupture av('c sps sources, o l'Of) affichai\. 1111 m("pris . Pl. lHW f..(llOrann' -' to\.al de la Kabhah'.

    (;lI!"IlOIi a lIlollln', CP (jlll" pOl/vall. .. 1. dl'vail. (-'I.n- 1I1l(' civilisa IIOIl "lm"I('1I11C' /11/(').:1"111,', ;dLlIlI. IllflllIlH'1l1 pllls loi Il qUI' !ps t.,'d,'s

  • 82 ;\.nn4. 19N. - Il" I:J RE.VUE El POLITIQUE-ET-LITTRAIRE

    REVUEBLEUE

    FQNDE'EN'1865

    E:l PARAlSSAMT!..ES-FREMIER 6r TFtOISIBME-SAMEDIS-DE.CHAQUE.-MOl& Il

    SOMMAIRE DU 15 M~RS 1924

    La BaIa.rie Incendiaire . . . .... , . . . 181

    ARTHUR CHUQUI!T._ "apol'on ,l Barrim. en 1815... , 184 M..mb""

  • 44

    1I011lll'S d(' bi('11 curieux fidles. Non seulement Hs sont ('11 oppllsi lion av('(' I('s l(~l1dances modernistes apparues surtout au XI Xi'lIw 1'( au XXi~me sicle au sein du catholicisme, non seuleIl 11'11 ( Ils lH' sauraient dialoguer avec des "intgristes" obsds par l'anlilllaonnisme, mais encore ils professent sur le catholicisme un ('('l'Iain nombre d'ides qui sont combattues depuis des sicles. L'iul!npnse majorit, pour ne pas dire la totalit, des crivains, ppllseurs, thologiens, apologtes catholiques disposs faire "un {)(nd de chemin" avec Gunon achoppent, plus ou moins tt, sur quelque chose, et tous, en tout cas, sur l'initiation (telle que l'enl('nd Gunon). Voil pourquoi si peu de ..::atholiques pleinement instruits de leur religion (au sens habituel du terme) et en vivant plpinement au moment de leur rencontre avec Gunon ont finalem('nt entirement adhr son uvre. Nous sommes ici ramens notre point de dpart, mais pour le quitter aussitt et voir succinctement comment, de fait, cohabitent chez les mmes hommes caLholicismp eL enseignenwnl gununien. C'est le "paradoxe" de M. Mruz.

    Allons droit l'esspntiel. Il m'est impossiblp, faute de de rfuter une une les objections qui ont t faites, du ct catholique, aux grands thmes gunoniens : insuffisance d'unE' mtaphysique de l'Etre, "ncessit" de la manifestation, tats multiples de PEtre, prsence du Soi dans l'tre conditionn, possibilit d'une ralisation spirituelle intgrale, doctrine des cycles, suprioriU ci

  • 46

    fixation de la Foi (qui est, de soi, connaissance) un certain niveau irrversible n'est possible, tout le moins, qu'en Purgatoire, celui-ci ne pouvant tre atteint qu'aprs la mort corporelle. Mutatis mutandis, le changement, mme partiel, de la Foi en Vision claire inamissible n'est possible qu'aux Cieux. La pratique de toutes les prescriptions de la religion catholique doit avoir pour effet de maintenir - et, si possible, d'accrotre - la Foi, l'Esprance et la Charit, de telle sorte que l'homme quitte cette vie en tat de Grce, principalement, reste ancr jusqu' son dernier moment surtout son dernier moment - dans cet acte de soumission qui conditionne la fixation du fidle dans un tat d' "lection ", partir duquel il ne peut y avoir que progrs, sans retour en arrire. C'est cela le salut. Le refus volontaire de la soumission place l'tre hors de la Charit. Mais, une fois pose la soumission de principe de la volont cre son Auteur et l'Auteur de la Grce, il faut admettre qu' partir de l, tant donn le dcalage qu'impose la faiblesse humaine entre l'intention et sa ralisation, existe une multitude de degrs, de plus en plus parfaits, de la Charit.

    Si Gunon n'emploie presque jamais le mot de "Charit", et en tout cas jamais lorsqu'il s'agit d'noncer une prcondition de la ralisation par la Connaissance, il est toutefois capital de montrer que ce que ses adversaires appellent son "systme" suppose absolument la chose, et de la manire la plus nette, bien que le mot n'y soit pas.

    Gunon s'en est d'ailleurs expliqu diverses reprises, lorsqu'il a fallu polmiquer contre ses adversaires. La soumission qu'il suppose chez les candidats la ralisation est mme de la sorte la plus leve qu'il soit possible d'imaginer (11). Pour un thomiste, on ne peut prtendre un tat de connaissance non-suprme, aussi lev soit-il, en ne dsirant que cet tat-l, et rien au-del, c'est-dire en n'aimant pas Dieu comme sa rgle transcendante. Or, pour Gunon, cette finalit transcendante est situe au-del mme de l'Etre (auquel Dieu est assimil par saint Thomas). Quoi de moins orgueilleux, quoi de moins goste qu'une doctrine qui compte pour rien toute la manifestation et propose comme but l'anantissement de l'individualit?

    Ups "gunoniens" qui s'imagineraient pouvoir pril.l'lldn il un dl'f..(rt' di'(,prmin(; dl' eonnaissance, [ix':' d'uvlIlIt,l' ('01111114' 1111 hllt. limil.", 1'11 arT(~tallt. l l'ohiC't d(' Ipur disir. fNUiC'lIt. 1111 '"klll t.01lt.

    4 1

    fait illusoire, et prouveraient seulement par l qu'ils ont. 111111 lu Ren Gunon et ne sont pas vritablement gunonienll. On III' 111111 rait se fixer le non-suprme comme but. Gunon dit assez qUI' la prparation thorique est une condition indispensable de la ralisation spirituelle. Or, en parlant de prparation thorique, il vise au premier chef la doctrine traditionnelle dans son intgrit, doctrine qui tient pour rien l'individualit, et laquelle il faut adhrer. D'autre part, Gunon pose en condition pralable cette mme ralisation la pratique d'un exotrisme, notamment le catholicisme, lequel rige prcisment la Charit en nud de toutes les vertus. On peut du reste infrer des propos tenus par Gunon qu'un candidat l'initiation n'a quelque chance de pouvoir commencer en cette vie un processus de ralisation qu' la condition d'avoir puis toutes les ressources de !'exotrisme, notamment, s'il est catholique, condition d'avoir dpass de beaucoup le minimum de Charit requis pour tre "sauv".

    Du point de vue gunonien, on peut envisager les choses de la manire suivante. Le germe d'immortalit (ll1z) tant situ la base de la colonne vertbrale chez l'homme dchu, il doit monter au niveau du cur pour qu'un processus initiatique effectif commencer. Ce sont naturpllpmPllt "'s moymls propres l'exotrisme qui doivent permettre d'ob'nir cetL(' monte jusqu'au cur. On peut admettre que, dans le ehristianisme, l'infusion de la Grce (l'installation de la Charit inchoative) a pour effet immdiat d'entamer ee processus de monte partir de la base de la colonne vertbrale. Mais cette monte peut i'tre suivie d'une redescente durant cette vie, tout au moins tant qu'elle n'a pas atteint If' cur et n'a pas fixe par un rite spcial (initiation). Tout homme qui meurt dans cet tat de monte mme seulement commenante mme si le luz est fort loin d'avoir atteint le eur) acquiert instantanment un tat inamissible de connaissance. Mais le 111z ne peut monter au-del du cur chez un non-initi, Si l'homme, non-initi, meurt dans cette situation (Luz dans le cur), il est assur de conserver jamais cette acquisition, qui sera le point de dpart d(' toute sa destine spirituelle posthume. Si, au contraire, l'homme reoit l'initiation au moment o le Luz sjourne dans son ('wu r, ce rsultat est dsormais acquis dfinitivement pour lui. ds celle vic. La ralisation par la connaissance peut commencer.

    Il ('si de voir d(\s crivains chrtiens, et non des

  • 48

    moindn's qUl'lqul'fois, s'(I('hanwr contre la "gnose" gunonienne (Maritain), l('s "N'celles di{iantes" (Frank-Duquesne), le "mirage d'une . sans pch" (Cuttat), et autres choses du mme genn'. La t!'rminologie gunonienne n'est pas chrtienne. Soit. Est ce une raison, si l'on est de bonne foi, pour lui imputer des ides absurdes et grossirement hrtiques? La Charit tant la prfrence donne Dieu sur toute chose y compris soi-mme, comment peut-on aceuser de manquer de Charit un homme qui aime tellement Dieu qu'il accepte de s'anantir en Lui?

    Mais voici deux points sur lesquels l'enseignement de Gunon diffre de la doctrine catholique commune: 10 ) la vie corporelle n'est pas un obstacle absolu la fixation de l'tre dans un tat de soumission et de connaissance donn, fixation dont la consquence immdiate est la possibilit d'obtenir ultrieurement, mais ds cette vie peut-tre, des taLs inamissiblps d~' connaissance;2) l'application des moyens que l'Eglise catholique' met la disposition de tous ses fidles est incapable, en gnral, de mener ces fidles au-del d'un certain point.

    En ce qui concerne le premier point, on peut faire les remarques suivantes: 10 ) qu'il s'agisse de fixer un tat de connaissance par la mort corporelle naturelle ou par la "mort" initiatique, de toute faon un acte de soumission de la volont en est le prsuppos ncessaire, mais la soumission doit aller beaucoup plus loin dans le deuxime cas; 2) le niveau de Charit ncessaire pour que ce dernier mode de fixation exceptionnelle soit possible est atteint par un nombre infime de chrtiens vivants, si bien que l'enseignement commun peut, sans aucun inconvnient, passer cette possibi lit sous silence (les quelques chrtiens d'lite qui parviennent ce degr "trouvent" toujours l'initiation )j3 ) la mort initiatique, pour symbolique qu'elle soit, n'en est pas moins une "uraie" mort,malgr les apparences, si bien qu'il n'y a, finalement, aucune exception la rgle.

    En ce qui concerne le deuxime point, on peut remarquer 4:('ci : le caractre initiatique de la primitive Eglise, s'appuyant sur l'exotrisme judaque, ne peut pas tre mis en doute (12). Cpl" l'st du n'ste admis par les historiens catholiques du ehrist.iansllH', mais, lorsqu'ils comm{'tent la chosp, ils Il '('11 sa isissPllt pas tOIl 1.4' la /lIlI1.4',p 4'1 IH' v()i('nt pas dans 14's rails 4'11 (I\H'sl jOli, )lollrl.;lIIl l'lairs, 11111' applicatioll 4'xad.!' d!'s l'apport.s (h"l'I"ils pat" (:111'1111111'11

    49

    tre sotrisme et exotrisme religieux.

    Pour eux, gnralement, le petit troupeau des .Juifs COIIVl'ltlN au christianisme (et continuant pratiquer les rites du judasllll'l, disperss aprs 70, sombrant bientt, pour une part, dans l'h4'rt!sil', constitue toute l'Eglise issue du judasme, Eglise trs tt minoritaire en face de celle qui est issue de la gentilit, minorit ne eomprpnant pas et freinant les efforts de saint Paul pour faire du christia. nisme ce qu'il doit tre, une religion mondiale, sans attache autm que symbolique et historique avec le judasme, Le christianisme serait certes, d'aprs eux, sotrique (1.3), en ce sens qu'il va plus loin que le judasme, qu'il en rvle le vrai sens, mais il rend le judasme inutile, nuisible mme. Il n'est l que pour dpasser le judasme et communiquer ce message tous, en dpit de l'enttement des judo-chrtiens. Il ne fut donc "initiatique" (14) (c'est--dire rserv quelques uns seulement) qu'en partie, pour trs peu de temps, en quelque sorte par hasard, de faon toute transitoire, et plus par suite d'une incomprhension d'attards qu'en vertu de la nature des choses l'poque considre.

    Or, en fait, la communication des mystres chrtiens, mme par saint Paul, ne s'est jamais adresse avant les dernires annes du premier sicle des personnes dpourvues d'attaches traditionnelles avec le judasme (mme si ces personnes n'taient pas des circoncis) (15), et, dans certaines rgions, en Orient surtout, le christianisme a gard jusqu'en plein IIIme sicle ce caractre d'initiation (il en a gard le nom) superpose au judasme (plus ou moins complet dans sa forme). Il est important de noter cet aspect institutionnel des choses, qui a dur plus longtemps qu'on ne le croit gnralement et fait partie de l 'histoire du christianisme.

    Mis en prsence du fait que, d'aprs saint Paul, certains enseignements s'adressaient seulement aux "enfants", d'autres, plus lev~s, aux "hommes faits ", que, d'aprs l'Epttre de Barnab, certains chrt'tiens sPldpnwnt accdaient la "gnose des mystres", qu'un pnseignl'nwn1. sl'np(, des Aptres existait certainement tt l'intrieur du chris1.i

  • Cinquime ann~. - N 40 AVRIL 1926 (N ...tt. Siri.)

    VERS L'UNIT

    REVUE INTERNATIONALE DE SYNTHSE SPIRITUELLE

    PffiWSOPHIE - HISTOIRE - POLlnQUE- RELIGIONS - ESnitnQUE - SOCIOLOGIE - MTAPSYCHIQUE

    ORGANE DE LA c DROITE NOUVEllE

    SOMMAIRE

    LA MTAPHYSIQUE ORIENTALE (H).. .. . ......, . Rau! Gumon DE NOUVEAUX CIEUX. UNE NOUVELLE TERRE . The Silent LA DROITE NOUVELLE, AUX "ScIENCES POLfTlQUES" . . . . .. Pierre de Clunis UNE POUTIQUE DE RECONClUATlON CONSERVATRICE.. . .. W. von Heimbwg LEs PROCRS DE L'IDE PANEUROPf:ENNE EN HONGRIE Dr Antoine von

    Rainpredtt, Dpc la DiioIe ""-"'"~NIQUES:

    LooT___ ...."'u..doIaP~' MAISON Owoon.,f&pra""",,,,/oi f&prit _1""",,,,- - La M~!.J",gI. J. rtnJ..

    IEHAN Du"""",, : ~ CIoriqae clet lAtm:o Fraooiooa , La Mo a.. Cil... pot le Dao: do Pia.n.Ioa. Aue.. SAUER...- : Occidat..on.... : La Clti,.. el rEu...,... IlLAN ALvMZ IlE TotaO, CLooeo ~;q",. : A _ u" AttkI< th ProJo- ClIarla Ridtd..

    NOT~S : llibIiot!ropL. - V'R.< LUNln~.

    PARIS GENVE UBRAIRlE: MONCENET

    "VERS L'UNIT" 1. f't:llTE FUSTERIE, 1 -. DEU'EOCH. Il.io.. ~,.. pral _r la S.i>I

  • 52

    faln' dl' la doeLrinp expose par Gunon un enseignement hrtique, Ips gW"IHml'ns catholiques entendent simplement faire le ncessai~ J'I' pOlir St' trouver l'aise dans une religion dans laquelle ils ne sPra('I pas entrs ou rentrs si Gunon ne les y avait pas aids, Mais il ('si certain mes yeux que cette voie d'accs au catholicisme III' IH'ut {'Lre qu'exceptionnelle, Il serait peu raliste d'attendre des miliplix catholiques - et surtout de la hirarchie - qu'ils avalisent Il's lhi'ses de Gunon, notamment tout ce qui touche l'sotrisme, tltwnL dire si la mise dans le domaine public, par Gunon, de connaissances strictement sotriques a prsent plus d'avantages qU!' d'inconvnients, ou l'inverse, c'est l une tout autre affaire, (l, ln l je ne me mlerai pas.

    NOTES

    Il ,., 'agit ici ,rhOUlllI"~ l'lllll'f"('IlH'llt illstruils ('1 plPill"llll'lll ,'oll~"i"lll" dl''; ,"\il-\"II,'e~ .l,. la ... Ii;.rioll 'lU 'ils pro f,,;.,-", fi 1.

    ,) Il.'SI IlI'illl' !."soill d" ,;oLlliglll'r q\I!', l''''mploi d.. ,'(' 11101, j" Il '1'111"1111" "II ,111"1111" fa,:oll IlIillil!li~'T l" r{,I,' l'n'Ill , Il "1 /\), Or'lIl 1'[ (/''''/11''/11 (:2i'lIw l'arli,', l'Ital" Il),

    r, (:"11" 1"'111./1''1111' rail I",ho ,'l"" qll" dil CU"'1I011 au .. h"l'ill'!' \11 dtf/i/ialilin 1'/ '-"llli,llIlioll sl)irill/elll', IlIai~ ('('~ pr()po~ 1'01'1 .i"~II'~ h" l/'oll\"'IIL pn orls juifs, III' Il "'sl l'as l 1111" "ilualiofl voulul'

    :-;"11\"\11': ,,11.> ,',"1 dll" .i la 11I

  • 54

    riser k chrislianisnlP nriFinel. Il k r(,vI'lHliqll(, -a .l1I"l(~ liln'. d'ailkllr:.;- pOlir le chriRlianisrn(~ leI que nons 1(' ('ollllais,;ons maintenant, mai, alors, bien ('n lendu, il n'emploie pas k lIlol dans k sellS h'll('nolliell. L o il a lorI, c'esl quand il sIllIagine que k lIlol avail aus"i i

  • LE VOILE

    D'ISIS

    350 Amllh: - N 126 - Juin 1930

    Ont collabor ce numro:

    ARGOS. - T~ BASILIDS. - JAIlEI CHAtIVET.

    D' E. DELOBBL. - RENi GUNON. - JIUN

    MUQuBS-RIVIIlE. - D' J. H. PIlOBST-

    BIUBlur. - G. TAlIOS. - Dr VUGNEIi.

    Rlh'ACTION RT ADlilluaTRATIOH

    BIBLIOTBEQUE CBACOINAC U. QUAI SAINT-MICRBL, 11

    PARIS (ve)

    Jt:ul/(' 1!J2H el 1930 il rompit avec le catholicisme el revinl al/X mtl'llx ()('nillistes qu'il entrepril d' "purer", Il s'y (~mpl(}y(l dal/s fI' Voih d'Isis al/ql/('I il collafwra d(~ Paris, pl/is du ('l/ire ifll 'il hahi III df' 1 !J:1f} (f .'1(/ II/orl ('/1 jal/vil'r 1YS1 , , . ,

    57

    (rites, dogmes) et par sa mthode (l'intellect). Voil le! pllrmloXI' ou l'originalit de Gunon. Certes, c'est un redresseur de pr('mll'l' plan "des vritables principes" (? ), et un pionnier, mais il ne don ne que l'aspect exotrique de l'sotrisme, que l'aspect intellectuel de la Tradition, que l'aspect possible de l'initiation, que l'aspect significatif du symbolisme.

    Passons maintenant au ct fil de notre "formule double tranchant". Gunon reprocbe justement Descartes ses rductions infmes. Mais on pourrait aussi bien dnoncer les prjugs de Gunon. Ses raisons de penser comme d'autres ont leurs raisons de vivre. Des hypothses qui se veulent vrits, qui pourraient tre conjectures, et qui sont postulats. Citons les trois principales, notre avis.

    La premire ide prconue, c'est le concept de "Tradition". Pourquoi ce terme? est-on renvoy une origine mtaphysique ou bien un commencement historique? etc. Le sujet (cf.I.G.E. D.H.) mriterait, bien sr, une longue analyse. Contentons-nous d'en montrer l'effet le plus norme; la "politique" (cf.A.S.P.T.; G.T.,xVII ... ). Celle-ci se trouve fonde sur le mpris de l'galitarisme; or il ne faut pas confondre, surtout si l'on ne croit pas en la rincarnation, l'ingalit naturelle et culturelle, celle du nain et du gant, celle du primitif et du "consommateur", avec l'ingalit juridique et politique, celle du proscrit et du bourgeois, celle de l'inalphabtis et de l'agrg par exemple. On connaIt la sympathie qui allait de L'Action Franaise notre auteur et rciproquement; L.Daudet fait un loge (15-VII-1924), Gunon rend un hommage (H.D.V.), dans une sorte de toast la hirarchie. Et Gunon a d avoir l'impression de faire oeuvre de Tradition; les synarchistes ont tous coeur de confondre Tradition sotrique et traditions sociales, et lui-mme soutient que la Tradition peut tre exotrique ou sotrique. Telle est "la maladie infantile" du gunonisme ... et de l'occultisme.

    Le second prjug de Gunon veut que ce soit "en Orient que la connaissance intellectuelle pure (puisse) tre obtenue" (O.O.,II,4); il prcise mme que "la tradition hindoue .,. reprprsente la continuation la plus directe de la tradition primordiale" (S.F.S.S.,121). En vitant le Charybde acadmique de l'hdlpnisme il tombe dans le Scylla exotique de l'orientalisme.

    La tl'oi:-;i("l1w hypothse de Gunon est plus difficile dmas

  • 58

    qu('l'. Il insistp sur la distilleLion entre raison et intpllect

    l'(spril. humain). Pourtant, il parle "de la vritable et pure

    1.1I:llit(\

    .,27 ).Il d'un S!pm'l" ou hien la voie de la gnose ("jnna mrga"); en vrit, il ('Il r('st au plan des raisonnements, seulement il admet l'analogie ('11 sus dt' l'induction et de la dduction.

    En lisant Gunon, une question s'impose. Il dnonce, il "redresse", soit! mais en quel nom, quel titre, par quel mandat? qlwl est le lieu du discours b'Unonien? se demanderait le pdant la mode. La question est d'importance, puisque nous saurons comment le lire, qui le lira, s'il faut le lire.

    non, eVldemment. Son message reste trop intellectuel et rudit. Parle-t-il en rudit, alors? pas davantage. Un simple anwteur de concepts clairs. un dbusqw~ur de textes rares n'et pas fond "l'Ordre du Temple rnov"; Gunon condamne lui-mme l'rudition pour l'rudition (LG.E. D.H.); enfin, il ne se contl~nte pas d'une compilation, mme approfundie, ni d'une vulgarisation, mme gniale.

    Parle-t-il en son nom propre? il s'y refuse. Parle-t-il en

    n'tlce cl la Tradition? il le prtend.

    Gunon fournit des lments de rpons" notre ",J\' n'ai pas d'autre mrite que d'avoir exprim de mon mieux qut'Iques ides traditionnelles", crit-il Schuon (E.T.,293,5). "Le 'traditionaliste" n'est et ne peut tre qu'un simple "cherdwur" (R.Q.S.T.,280). De la sorte, il s'en tient moins au "point dl' Vu(' traditionnel" (0.('.,9) qu' son point de vue sur ce qu'il app(')lt' "Tradition".

    Un nouveau paradoxe surgit donc. Il tient la Tradition pour Lill(' fH'rSpective, alors qu'elle est par excellence le "Centre"; inverS('llll'tlL, il tient pour "Centre" des perspectives (le Vdntisme se

    ,!l"llliL ('omme un "darana"). "L'Erreur" de Gunon rside

    ,-011'(' dans cptL(' ide un peu lmentaire que "toute tradition

    la doctrine toute entire", s('s

    1l\l'II1.S 1'1, Sl'S adaptations, ses applications (o.c .,11 0), et quP "Lou

    I"s h's fOfllll's tradilionndl('s r{>gulires sont d('rivps par adap\.

  • Qut. ut Dana Dieu premier lI&I"ft To. UI AICICDIIIS2

    REVUE INTERNATIONALE DES

    Socits Secrtes

    OrIane dt la LIGUE fRAllc.caTHOLIQIIE

    Contn It. Soc"~U. Se~r/ts Maomll'luu ot' Occullt.I.. ou leur. Pi/ial..

    PARTIE OCCULTISTE Parnis",,,,' Ifl 1" de eh"lue mois

    No Il. tOI' Il'vrt~r t932

    SOMMAlfiE

    1. G. M. La Poi,oll' de rOrltlll. . . 2U Il. Raymond D"lAc. - t'lit Il.... .valu J/O/llt 38

    Le S41oRio/lle a ..... Elolo-l'II;'. . 4Q Le mmon. Un d~fI rHultlnl-Iljell, ~2

    Ill. Le Grand. &",11.11" Inl.liulud. ""full.. 0" UI/e ''''l"l- des po1llliona de Il Rtni GII'nol/ . 45

    IV. Le. Ilium/M' de BavUn. TOIll~ Il {Suite).. . . 47

    ~

    ".~............... ..

    lM""...... lU N I&O'I'IOU R1.. Of / .. HKVlI. INl'ltllNA 1'/ONA/,I' lJI':S SOI;lItlS SeCRElES

    _. " ...n 'orl.II., l'A'UH 'YIII'

    ( '1'/1/ l'l'II}!(/!

  • 62

    Il s'agit l, encore une fois, d'une situation particulire la France. Partout ailleurs, dans le monde, sauf peut-tre en Belgique, la Fnmc-Maonnerie tait reste fidles ses engagements originels.

    Cette situation dure encore de nos jours. Mais elle est largement modifie. Une Franc-Maonnerie traditionnelle a t recre en 1913. Elle a rintgr, droits pleins la Franc-Maonnerie Universelle. Mais on observe surtout, sinon dans les formations, du moins dans les esprits, le souhait d'un retour la rgularit rituelle et traditionnelle.

    Que la pense de Ren Gunon ait t proccupe par cette situation maonnique paradoxale est une certitude. Son esprit n'a pu manquer d'tre saisi par la double singularit d'une institution maonnique vide de toute spculation spirituelle et absorbe par les luttes du terre terre quotidien, laquelle ne voulaient porter rforme que les groupuscules papusiens, tiques, divers et sans ray onnement.

    Or la Franc-Maonnerie est prsente dans toute l'uvre gunonienne, sous-jacente ou au premier plan. Mais on comprend qu'elle y soit voque avec une certaine dsesprance, marque parfois de causticit. Sa drobade devant la tche vraie tait trop vidente. Du coup, le sens maonnique de l'uvre de Gunon apparait. Elle est de comprhension, de rappel aux sources, de redressement. Elle s'avre d'une trs grande richesse. Il est impor tant de comprendre comment elle est ne, entre la considration des premiers groupes de 1908 et la frquentation d'une Maonnerie sortie de ses voies. La seule lecture des deux ouvrages dans lesquels ont t runis les minutieux commentaires auxquels Gunon s'est appliqu propos de toutes les publications maonniques et, particulirement, du Symbolisme, est convaincante par la richesse de la pense critique et l'vidente sympathie.

    Mais ce qui est essentiel est de savoir comment l'uvre de Ren Gunon est reue. Certes il est important qu'une Loge porte le titre de l'un de ses livres. Cela n'est pourtant qu'un test de sympathie. Plus clairante est la considration de la recherche active qui se dveloppe, en profondeur, vers les explications gunonien nes, lorsqu'il s'agit, pour une Franc-Maonnerie qui revient en Franc(' il SI'S sources, aprs un relchement sculain', dl' ntrouver ll's jalonrwmt'nts dps strud,urc's primairc's.

    63

    On peut certes situer l'initiation, dans la dynamiqw SpIrItuelle et mentale par d'autres formules. Mme pour ceux qui auront pris ces chemins diffrents les "Aperus sur l'Initiation" dt'meureront d'une qualit doctrinale ingalable. Le commentaire d(!s approches des vrits essentielles par la mditation symbolique et la pratique rituelle est lui aussi trac par l'uvre de Gunon en termes d'exeptionnelle valeur. Mais c'est surtout le concept de tradition primordiale qui est charg nos yeux d'une valeur maonnique la fois fondamentale et didactique.

    Tous les au teurs, depuis les vieux pomes anglais des XIVe et XVe sicle, se sont attachs garnir les vides laisss dans les rares textes par les prescriptions du secret. Tous les chercheurs ont d'instinct interrog les tmoins de la pense voluant du dbut de l're chrtienne la fin du Moyen-Age. Des no-platoniciens, des gnostiques d'Alexandrie, aux Rose-Croix du XVIe sicle, en passant par les Hermtistes, le Pomandres, la Kabbale, il y a toute une richesse dont l't'parpillement apparent, recle, lorsqu'on le scrute, une unit qui svit. Elle est prcisment l'expression de cette cration Une, qui authentifie la Maonnerie spculative qui est ntre, par son centre originel au Roc du Mont Moriah,socle du Saint des Saints. Elle est tmoignage d'unit, de permanence et de transcendance. En matire de sources, de continuit et de filiation, elle donne corps cette conception traditionnelle qui tait jusque l, davantage pressentie que dfinie. Elle exprime une conception intellectuelle et, s'il est permis de l'crire, positive de la Franc-Maonnerie.

    Sans doute dborde-t-elle largement cette dernire. Elle n'porte en effet le premier ancrage traditionnel l'ore mme de la civilisation plantaire de ses premiers balbutiements. La FrancMaonnerie ne se pose le problme que pour ce qu'il est convpnu d'appeler la civilisation occidentale ou judo-chrtienne. Mais ell( pst ds prsent convie un largissement. Nous l'avons bi('n senti en visitant des Loges asiatiques dj trs prospres, mais quelque [)pu entraves sinon dans leurs dveloppements, du moil1s dans leur justification. La dynamique spirituelle ne du TemplE' dl' Salomon doit 8tre plargie pour devenir intelligiblp. Le matriel ri tlH'! pt la varj(;U' sym ho liquE' SI' trouvpnt du mm(' cou p pnri(~h is. Mais ("l'U(' ("onstatation ("on lrnl

  • 64

    dans le sens de l'largissement et, peut-tre, de l'enrichissement mutuel.

    Ce n'est donc plus sur d'anciennes relations entrecoupes de malentendus, ou sur des tentatives d'explications appliques mais parfois quelque peu contraintes que se juge, ds prsent, et se jugera dans l'avenir, le concert spirituel du gunonisme et de la Franc-Maonnerie traditionnelle. C'est sur une ralit vivante et permanente dont l'avenir le plus proche ne peut que consolider les effets.

    L'ORATOIRE DE LA VILLA FATMA AU CAIRE

    (L'EGYPTE NOUVELLE 1952)

    L'unit est ralise, au Caire, entre la vie religieuse et les objectifs spirituels; un article dans les Btudes traditionnelles devait confirmer cette ncessit d'une pratique, d'un exotrisme traditionnel. Rn contrepartie, la question se posede son rattachemenl l'Islam en 1912, Soufi sans lre musulman? Il esi ('ertain que dans l'amhiall('(' ln;... ('u(Jwliqu(' dt' sa Il/mill( ('i dl' sni (II/lis li ('1'//(' (///('11111' "raUl/W' [shI/nil/lu' (('.d(;,.iI'lI,.!') 1/ '('/lli/ jJlI.'1sihll'.

    Daniel GIRAUD

    Fausses sectes et vrais asctes

    "Les cent coles dveloppent leurs systmes l'infini comme s'ils allaient de l'avant sans revenir et ne peuvent jamais rencontrer la vrit",

    Tseu)

    Toute initiation "la Connaissance" en gnral, et lf'ment touLe "rvlation" de techniques yogiques, devant conduirp l'Illumination, prises pn tant que moypn psychothrapique, ne

    tre vritablpment cette Connaissance transcendantale et inteb'1'ale de la "Ralit". Ces "reeettes" ne sont, en fait, que des planches plus ou moins pourries de salut plus ou moins provisoire pt cela dan" le meilleur des eas ...

    Ce sont surtout des procds de suggestion visant fain' sa lucidit l'ventuel "disciple", soit par caleul machiav('soit plus gnralemEmt par naivet ou btise. Il faudrait S(~

    mfier de plus en plus de toutes les sectes mystico-spiritualistes SI' mul tiplient et qui distribuent de fausses "Connaissanc('s"

    par persuasion, aux tres faibles et influenables (1). Il s'agit de douter de tout (y compris du doute) et surtout

    dl' (,PLIX qui, dployant leur arsenal d'arguments devant tayer kUI" Sy,;t(~nw, Jm'tpndent dtenir "la Vrit", flammches qu'ils tipn)l('nt pOUl" lumii'rp, tout en se livrant un proslytismt' pxhibitioIl is(('.

    (hl alll":,I 11'1111:111('(' :1 noin' ('Il ('ollsta(ant stl!ll'rf('('lh'I1H'llt dl' /'/SII)

  • 66

    pas, ce qui n'enlve rien au mrite des vritables gurus, guides spirituels, catalyseurs d'nergie rvlant les potentialits internes (et teintes) de l'tre "coup" de la vraie vie, l'harmonie cosmique.

    C'est bien une poque de fin de cycle que la ntre : pour qu'augmente le nombre d'initis d'un groupe, d'une secte, d'une organisation. spirituelle, "l'initiation" est distribue suivant la loi des grands nombres (2) ... Socit de consommation des sicles.

    Aujourd'hui beaucoup parmi ceux que l'on nomme "gurus" ont l'assurance de faux yogis et dbarquent en Occident, car en Orient ils sont vents ... L'intoxication rapporte. Plus magiciens que mages, ils sont prcheurs propagandistes, PDG de vastes puisqu'arrivs un certain "point" de ralisation, ils peuvent, parat-il, se livrer n'importe quelle besogne. Tous les sont bons et leur "Connaissance" s'abouche avec l'exploitation, l'agressivit, la suffisance, la propagande dans le vaste parcage d'une socit en dcomposition.

    La "Sagesse" ne semble pourtant pas rsider dans les dihers d'affaire, le confort moderne et la roublardise. Ces faux-mahatmas ne tiendraient souvent pas quelques mois dans une cabane isole, dans le froid et la faim... Et c'est l o l'on retrouve la peur de la solitude qui est aussi peur de la mort. Au-del des gymnastiques fakiriques il existe des techniques respiratoires rvlatrices dans la mesure o elles s'accompagnent d'une vision mtaphysique, gnostique, de la vie.

    Mais la eonfusion dps valpurs E'st un des "signes des temps", parpillement qui gan~ le faible et [ait braire les moutons.

    Lorsque le centre d'intrt devient ide de la marotte en question, il est certain qu'il y a eu l'tre vers la chose dile (3). L'engagement de l'homme pour ou contre les dieux et les dmons est en fait plus exactement reprsentatif d'affrontements intrieurs de l'homme vis--vis de lui-mme. Il n 'y a pas ici de jugements de valeurs tablir. Les divinits ou les monstres que l 'homme a projets hors de lui-mme sont signifi~tifs en tant qu'lans, espoirs et pulsions de toute sorte entre l'tre el son destin.

    CI' qui joint }p passp l'avpnir travNS 1(' pn"s('nl., ("('sI 1(' d('vpnir qui provOqlH' dps ressacs, S(' man('psl.1I11 d,lIls 1(' "karma ", ('j. q\l(' hl' qu'on sme on le rcolte ... mais les semis dpendent aussi de la lunaison! Accepter "son" (? ) karma c'est le dpasser ...

    Le nophyte a t donc fascin par l'image sduisante du faux martre spirituel dont "l'image" correspondait videmment au dsir de ce disciple, image bien sr entretenue par le pseudo-instructeur. Toutes ces fascinations qu'exercent les groupes spirites (4), thosophiques ou autres prsomptueux thistes, sur les curieux et mme sur les chercheurs sincres -d'au-del- datent surtout, pour le monde moderne, des faux Rose-Croix (parfois vrais rosicruciens), des faux mahatmas et autres militants occultes de la fin du sicle dernier par un retour la basse magie (magie noire dans son asnect sataniaue -voir note 3),

    Les esprits "entnbrs" par toutes sortes de fumeuses doctrines se dispersent en demeurant au niveau priphrique de la Connaissance sotrique... et de leur tre. Et cela se poursuivra par des rsurgences confuses de satanisme s'alliant aux vulgarisations primaires des pseudo-recherches sur la tradition hermtique. Et ce n'est pas l'attinlnce vers un "Orient" aujourd'hui fantoche et se meurt dans ses ruines, qui pourra "sauver" cette involution.

    Aprs le Zen (5), le tantrisme (6) est la mode, compltement dnatur par de faux tantrikas, et ce sera bientt au tour du Taosme. Tout se galvaude au rythme irrversible de la multiplication des faux illumins, rythme proportionnel d'ailleurs la surnatalit ...

    Pourtant dans toutes ces divagations s'insrent des points saillants de vrits d'autant plus dangereuses qu'elles sont plus ou moins volontairement dtournes de leur sens profond (7). Ce qui suffit la confusion.

    Tout dpend comment est ressenti l'initiation donne : il a pas forcment "transmission" (8) bonne en elle-mme puis

    a pas de "remde" administrer dans une initiation tra

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    ditionnelle. On ne soigne pas un malade qui restera malade mmp si apparemment il se croit guri - temporairement. Mieux vaudrait encore s'enfoncer dans sa maladi0, agir directement sur le dtonateur du mal de vivre et, en "lucir(~rien", approfondir certains tats.

    Nietzsche, Carteret ele ... sont alls loin dans leur aventure que n'importe quel petit illumin moiti "veill",

    sentiers de la cration sont de toutes sortes). Si certains flanchent en cours dt' routt' c'est que la routE:' avait dl' durs ou qu'un pneu a crev. Dans le gt'nie il manque souvent une certaine mailrise d'autant plus problmatique que la dmarche est surhumaine. L'initiation IW la donne pas du jour au It'nd'main comme une dcoration! Ou alors c'pst le 8atori, qui n'est pas une initiation mais une illumination subitf'.

    De tout temps l'initi (comme Milarepa par exemple) renonait plus ou moins sa vie passe, tanL sur le plan de la forme que sur celui de J'entendement profond La n~vlation dl' la Connaissance (qui ne saurait t'Ln' qu'une mta-physique vcue) faisai eJa ter tous les au tomatism('s passf's pt bou !t'versai t l'px istence quotidienne en la transmutant du mme coup. La "seconde nais ! sance" passait pm l'preuve de la Mort. ('ptt(, Connaissance 'tait aussi un savoir-se-servir (de source intt'rieure) de tous les tats d'tre de l'homme insr dans la trame cosmique o il volue (~)). 1Les "biksus" bouddhistes, les "sannyasin" hindous, rompaient avec 1(' mode de vie profane et mme les manres zen, les "

    ~

    soufis ou les sadhlls, tout pn resLant dans le monde, vivent leur Connaissance et apparaisst'l1t donc "distants" des hommes existant par habitue, dans la Ilwsure ou l't'cart par rapport la majorit - d'une attitude dtonne dans Il' contexte ordinaire et conventionnel des dissipations sociales.

    Alors qu'aujourd'hui la fausse-connaissance est marchandise standardise qll 'on manipule pour les masses, chantillon qw' l'on communique n'importe comment n'importe qui, l'homfil(' modt'nw qui devient soi-disant initi persiste, malgr son ;t('('('ssion la "Connaissance", profiter des autres et d'un ('onfort tout niveau - facile. Ces proccupations troit(~ment

    ('IH:halwmpnts aux manifpstations extt'ril'lll'f's Pl SOllt bien les symptCmws d'utl(' {'poqU(' marxis,lIIt1,

    (101 oil Illldividu ('st toulT{> \'f o 1'I'galitt rail loi SOliS (1 nOIllhn'lIx ;Ilihls.

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    Il y a lieu de se demander pourquoi il faudnul. 1'0111'1111' de'fl cls des tres qui n'en connaissent pas l'usage, dps ('t'("alllt'l'h

    n'ont mme jamais vu de porte -- donc de senut'!' dll 1'1111 1 leur vie! Peut-tre pour hater la dcomposition du mOI)(!P'! Mali'; "ils" n'ont mme pas ce cynisme, qui prcipiterait la fin dc>s temps...

    "L'avoir n'apparat que dans la rgression de l'tre"(Abellio). Ce qui compte c'est que la Connaissance ne se communique pas sur le mode exotrique, car la superstition est l'exotrisme CP qu'est la Tradition l'sotrisme.

    Faudrait-il prciser ce qu'est le vritable asctisme aprs avoir nonc en quelque sorte ce qu'il n'est pas? Il y a tant d'asctismes diffrents mettant en pratique (11) une certaine rup turc des attaches (et cela sans se proccuper de la dcouverte de voirs magiques" (12. Julius Evola rappelle trs justement dans La doctrine de ['veil que, chez les Occidentaux, "l'ascse s'est trouve lie certaines de mortifications de la chair". Cette conception chrtienne de l'ascse par flagellation ne semble gure tre libratrice.

    En fait, dans l'ascse, par la concclltration (de ce qui pars) ('t le dtachement (dp CP qui (!I1C:hainait),l doit y avoir clatement de la toLalit{, dt' l'tre, mais sans que celui-ci, "se force".!1 n'y a pas de bonne mortification ni de bonheur dans la souffrance. Les vrais asctes ne se forcent pas "dE.'Vel1ir" puisqu' "ils sont"! (13) ... Ou alors cela signifierait qu'ils seraient conditionns par un complexe de culpabilit et un esprit de sacrifice fanatique, qui ne conviendrait pas 1

    Tandis que par une endurance naturelle, par le Savoir et la Matrise, l'ascte est Adepte. Et j'irai jusqu' transposer la maxime: "l'on ne peut voir Dieu sans mourir" en ajoutant qu'aprs cett(~ "mort" au monde - l'on ne peut Se voir sans que Dieu IW meurt! H'

    La libert se vit dans une perptuelle remise en question c!(' la parole donne dbouchant sur les racines de l'tre et de la conscience; "L'intuition est une ascse intrieure" (Jean Carteret).

    A la [ois maitre et tout peut tre dtruit,

    pt, la vip dans l'instant prsent est une faon d'exister qui ne "saLis

    rait" pas car ("('st unf' voie inconlortable. L'inscurit est aussi la

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    ils sont en tuant la peur.

    Mais il Y a des

    Tout est y compris ces mots.

    NOTES

    (1) El il Caul alors Sp rappdl('r hl dl-marche contavoir vcu la connaissance, une dactylo ne dactylographiera comme avant, comme si ripn ne s'dait

    (10) 11 va de soi que je ne sous-entends pas une idologie de "droite", l'0adionnaire, encore plus dcrpie et dessehe! (11) Selon l'tymologie grecque l'asete (asktn) est un prati quant (voir le dictionnaire d'tymologie de Cldat). ( 12) Si des charismes se manifestent c'est de facon secondaire et 1 )arallle. ( 1 ;~) En Orient, l'ascte sait rire. La svrit dans

    du sourire.

  • tji!\Jjkit.u.t vt,...,J ~l.r-.o;:..:-l J1J _ ". 'r ;J:;-,::, .. , .-':_,'>':; .;'" ,." ,,',' .~l"~~- ~l ul'..::..~ LJ; ~..:' ",,(,J v- ~k>1 ul l

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    (xcellence, - je ne me plains de rien. L 'JSgypte que j'ai choisie comme patrie ma bien accueilli et n'a jamais cherch m'expulser d ). 11/1 cause d'elles et d'une digne pouse, j'ai estim devoir vous Sou/1/('( (/'(. cette requte cencernant la demande par moi prsente dans li- lm( d'ol>tenir la nationalit gyptienne. (1 V('I1"'(',~ aJfI'('er ... 11/,(' 2.1 NO(l('lIlbr(' 1948, -SiJfIlC>.' AIJl)I~L WAlll~f) l'gllIA.

    :,,1(1111 IHIII (li~III~W. N.IW~H

    \l" (,Y!'I f NOIJIII 1 1 f l'I!.}) ~

    .Jean-Pierre LAURANT

    Rflxions sur Gunon 1

    l'histoire et labsolu

    L'argllmvnlatiol1 hisLoriqup ('st omnipr(l,wnt(l dans l'ceuvrp de Gu'l1on, EII!' s'acc()mpagnl' d'un n,rus (\

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    du c-yclp historique correspond la prise de conscience du "dclin de l'Occident" et du destin mortel des civilisations. Comme Gunon, Spengler affirmait l'universalit et l'impersonnalit de sa pense : "Une pense d'une ncessit historique, pense par consquent, qui ne tombe pas dans une poque, mais qui fait poque, n'est que dans une mesure restreinte la proprit de celui qui choit son droit d'auteur. Elle appartient au temps tout entier, elle agit inconsciemment dans la pense de tous ... " (3) Paralllement le thme du retour aux sources, largement rpandu dans la littrature d'aprs guerre, (l'expression revient trs souvent par exemple dans la bouche du "Gilles" d(' Drieu La Rochelle) trouvait explication et justification dans la tradition primordiale commune tous les peuples l'origine du cycle et laquelle l'homme moderne pouvait encore avoir accs mais par une connaissance d'un autre ordre.

    Rponse l'angoisse de son temps, l'uvre de Gunon reflte aussi une attention constante au monde qui l'entoure tant par sa collaboration diffrentes revues et journaux avant 1930 (4) que par sa revue des revues dans le "Voile d'Isis" et les "Etudes Traditionnelles" de 1932 sa mort en 1950. Il entretint en particulier une polmique violente avec la "Revue Internationale des Socits secrtes" de Mgr Jouin de 1929 1939 et avec Paul Le Cour et la revue "Atlantis". Son livre "Autorit Spirituelle et Pouvoir Temporel" parut aprs la condamnation de l'Action Franaise par le St. Sige et "le Roi du Monde" aprs le compte-rendu de voyage de F. Ossendowski en Mongolie en 1924. A sa frquentation des socits secrtes et des groupes occultistes avant 1914 succda une correspondance volumineuse depuis le Caire de 1930 1950, Gunon eut, en effet, jusqu' trois cents correspondants rguliers, correspondance qui abonde en demandes de renseignements sur les livres nouveaux, la vie intellectuelle ou les ractions et les changements des hommes qu'il avait connus. Surtout, il suivit de trs

    les groupes qui se rclamaient des "doctrines traditionnelles". Son argumentation historique est donc marque la fois par la conviction du lecteur emporter, d'un lecteur qui appartient compl(\tpment au monde culturel occidental mme s'il est convaincu d" son infirmit intellectuelle, et par les conditions qui ont pr('sid(~ il sa formation. L 'pmpreinte de l'poque occultistE' ('st rC'connaissahll ('n pff('t tant sur II' choix d"s sujets que dps ('v(\rH'm('lIls quP (;1I{'1I01l jugl' signill'nt.il's. La ('oncpptioll o('('ultisl

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    mais, videmment, la garantie de l'authenticit traditionnelle de la source ne vient pas de l'histoire elle-mme mais d'une intuition spirituelle directe, Une autre forme d'utilisation de l'histoire est de voir dans les vnements le signe d'un changement du milieu cosmique qui commande en fait le monde matriel : "Nous avons dit prcedemment que, en raison des diffrences qualitatives qui existent entre les diffrentes priodes du temps, par exemple entre les diverses phases d'un cycle tel que notre Manvanlara,., il se produit dans le milieu cosmique en gnral, et plus spcialement dans le milieu terrestre qui nous concerne d'une faon plus directe, des changements dont la science profane, avec son horizon born au seul monde o elle a pris naissance, ne peut se faire aucune ide si bien que, quelque poque qu'elle veuille envisager, elle se reprsenle toujours un monde dont les conditions auraienl t semblables ce qu'elles sont actuellement.':. L'avant propos de "Autorit spirituelle et Pouvoir Temporel" rvle le mme {-Lat d "Nous n'avons pas l 'habitude, dans nos travaux, de nous rfrer l'actualit immdiate, car ce que nous avons constamment en vue ce l;onl les principes, qui sont, pourrait-on dire, d'une actualit parmanente, parce qu'ils sonl en dehors du temps.. :" mais cet sod

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    ment prpar de loin et non pas improvis. Les matrices de la sagesse divine avaient prdispos et form son entit selon une conomie prcise, et sa carrire s'accomplit dans le temps par une corrlation constante entre ses possibilits et les conditions cycliques extrieures. "

    Les rapports de Gunon et de l'histoire ont t rcemment voqus encore dans les Etudes Traditionnelles (12). M. Robert Amadou ayant qualifi Gunon de: "Mtaphysicien trs rigoureux, mais historien sans critique et d'ailleurs historiophobe", M. Denys Roman rpliqua: "A une poque o, sous l'influence de Paul Valry, la lgitimit mme de l'histoire tait conteste par de nombreux esprits, Gunon prenant prtexte de la publication ... (13) dnonait les dangers trs graves de toute mconnaissance de l'histoire de l'histoire qui est une science traditionnelle d'une minente dignit. Mais, en mme temps, Gunon dnonait les graves mfaits de la "falsification de l'Histoire ", 1 'uvre depuis plusieurs sicles, et qui a finalement abouti ce que certains tentent aujourd'hui d'imposer sous le nom tout fait loquent de "quantification de l'histoire" ... Gunon, nullement historiographe "a nonc les conditions d'une vritable "philosophie de l'histoire". Parmi ces conditions, il faut mentionner tout d'abord l'abandon des prjugs volutionnistes, et ensuite la rfrence aux doctrines traditionnelles des cycles cosmiques et de la domination successive des diffrentes castes de l'humanit '" Les historiens actuels sont videmment aux antipodes de telles conceptions, et ne peuvent prendre au srieux un auteur qui ne croit pas au hasard ni aux rvolutions spontanes, qui admet l'existence "d'un courant de satanisme dans l'histoire", qui prtend que les mthodes de l'rudition moderne ont t inventes pour garer ceux qui les utilisent, et qui affirme que toute l'histoire contemporaine est rcrire .,. "

    La dmarche mme de Gunon facilite les interprtations contradictoires par sa substitution du signe, de la concordance, la di'monstration. L'historien ne considre pas qu'une argumentation non objective supporte une pense vraie, que l'on puisse citer valablement un texte de Postel qui n'est pas de lui (14), que l'on S 'appu il' sur 1(' "de Monarchia" de Dante pour montrer la su pi, riori 1,(', d(' l'all!.ori!.i, spirituell(' sur 1(' pouvoir t('mpor('1. InvNs('IlH'llt ("('lui qui adnH'!. la signification dl' l'histoin' dorHl(',(, par e1U"1l01l ("'('I\(I LwilI'IIH'Il( :'t 1'('lls('lllhll' dl' l'argllllH'lll.al.i()II SOIl adlu"'sioll,

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    refusant de soumettre sa documentation la critiqut'.

    L'Histoire est-elle la faille de la cuirasse par o S'('VI\('UI' l'l'Il semble de la mtaphysique gunonienne? La rponse Ill' St' troll VI' pas dans l'uvre de Gunon mais dans l'esprit du lecteur; dH'rdll' t-il la clef d'un savoir universel, la constitution d'un "corpus" !I(' connaissances? La critique historique risque alors de prendn' unI' revanche cruelle. Cherche-t-il dans la vision gunonienne de 1 'histoire un accs une signification symbolique globale, "la nature des choses"? Les pages admirables du : "Rgne de la Quantit..." remplissent ce rle. Mais cela ne peut avoir de sens que rapport l'volution intrieure de celui qui a pris ses livres comme support d'une dmarche initiatique. En conformit d'ailleurs avec celle de Gunon qui rechercha tout