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Ce discours a été expliqué littéralement, traduite en français et annoté par M. Lesage, professeur au lycée Charlemagne. Restitution v. 2 : Gérard Gréco © 2010 – Composition réalisée avec XET E X en utilisant la fonte Minion Pro d’Adobe. – Les textes initiaux ont été numérisés par Ph. Remacle et ses collègues. Voir remacle.org – Correions suggérées par F.H. – Cette création est mise à diosition selon le Contrat Paternité-Pas d’Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 2.0 France dionible en ligne http ://creativecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/ 2.0/fr/ ou par courrier postal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California 94105, USA. . ( ) rue de Vaugirard, 9, près de l’Odéon. LES AUTEURS LATINS PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES avec des sommaires et des notes PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS CICÉRON PLAIDOYER POUR LE POËTE ARCHIAS PARIS -, ° (près de l’École de Médecine) 1854

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Ce discours a été expliqué littéralement, traduite en français etannoté par M. Lesage, professeur au lycée Charlemagne.

Restitution v. 2 : Gérard Gréco © 2010 – Composition réalisée avec XETEX enutilisant la fonte Minion Pro d’Adobe. – Les textes initiaux ont été numériséspar Ph. Remacle et ses collègues. Voir remacle.org – Correions suggéréespar F.H. – Cette création est mise à diosition selon le Contrat Paternité-Pasd’Utilisation Commerciale-Partage des Conditions Initiales à l’Identique 2.0France dionible en ligne http ://creativecommons.org/ licenses/ by-nc-sa/2.0/fr/ ou par courrier postal à Creative Commons, 171 Second Street, Suite300, San Francisco, California 94105, USA.

. ( )rue de Vaugirard, 9, près de l’Odéon.

LES

AUTEURS LATINS ’

PAR DEUX TRADUCTIONS FRANÇAISES

avec des sommaires et des notes

PAR UNE SOCIÉTÉ DE PROFESSEURS

CICÉRONPLAIDOYER POUR LE POËTE ARCHIAS

PARIS

-, ° (près de l’École de Médecine)

1854

AVIS

On a réuni par des traits, dans la traduion juxtalinéaire,les mots français qui traduisent un seul mot latin.

On a imprimé en italiques les mots qu’il était nécessaired’ajouter pour rendre intelligible la traduion littérale, et quin’avaient pas leur équivalent dans le latin.

Enfin, les mots placés entre parenthèses, dans le français,doivent être considérés comme une seconde explication, plusintelligible que la version littérale.

ARGUMENT ANALYTIQUE.

I. Exorde insinuant. — L’orateur, qui dans son enfance a été initiéaux belles-lettres par Archias, doit faire tous ses efforts pour le sauver.

II. Parlant pour un poëte devant des gens instruits, il s’étendra surles avantages des lettres. — Proposition et division : 1° Archias estcitoyen romain ; 2° il mérite de l’être.

III. Narration. — Archias devient citoyen de plusieurs villes d’Ita-lie. À Rome, il est accueilli par les meilleures familles. Lucullus le faitnommer citoyen d’Héraclée.

IV. Confirmation : première partie. — L’autorité de Lucullus et letémoignage des députés d’Héraclée démontrent qu’Archias est citoyende cette ville. L’absence des registres ne prouve rien. Domicilié àRome, il a fait sa déclaration.

V. Archias, citoyen de plusieurs villes, ne peut être privé de sondroit, parce qu’il se contente d’appartenir à Héraclée. Absent à l’épo-que des derniers recensements, il n’a pu y être compris.

VI. Seconde partie. — L’affeion de l’orateur pour Archias estcausée par le charme de sa société. L’étude des lettres fortifie son cœurcontre les orages politiques.

VII. Objeion : Les grands hommes célébrés par les lettres n’y ontpas excellé. — Réponse par le raisonnement et par les faits. Brillantéloge des lettres.

VIII. Talent d’Archias. Les poëtes doivent tout à leur génie ; ils sonteux-mêmes des présents des dieux.

IX. Les Romains rejetteront-ils Archias, qui leur a consacré tousses talents ?

X. La poésie grecque est plus propre que la poésie latine à répandreau loin la gloire du peuple romain. Sans Homère, Achille serait oublié.

XI. Tous les hommes aiment la gloire, qui est la passion desgrandes âmes et le mobile des aions de l’homme.

XII. Péroraison. — Que les juges conservent à Rome un citoyendont le talent a célébré la gloire de la patrie.

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ORATIO

PRO A. L. ARCHIA POETA.

I. 1. Si quid est inme ingenii, judices, quod sentio quamsit exiguum ; aut si qua exercitatio dicendi, in qua menon infitior mediocriter esse versatum ; aut si hujusce reiratio aliqua, ab optimarum artium studiis ac disciplinaprofea, a qua ego nullum confiteor ætatis meæ tempusabhorruisse : earum rerum omnium vel in primis hic A.Licinius fruum ame repetere prope suo jure debet. Namquoad longissime potestmensmea reicereatiumpræ-teriti temporis, et pueritiæ memoriam . . . . . . . . .

I. 1. Juges, si je possède quelque talent, et je senstoute l’exiguïté du mien, si j’ai acquis quelque expé-rience dans l’art de la parole, auquel, je ne le nie pas,je me suis passablement exercé, ou si je dois cettehabileté, toute faible qu’elle est, à l’étude des belles-lettres, qui, j’en conviens, n’ont manqué d’attraitspour moi à aucune époque de ma vie, c’est surtoutLicinius, ici présent, qui a le droit d’en réclamer demoi le fruit. En effet, aussi loin que mon erit peutremonter dans le passé, et se rappeler le souvenir leplus éloigné

PLAIDOYER

POUR LE POËTE ARCHIAS.

I. 1. Judices, si quidingeniiest in me,quod sentioquam sit exiguum ;aut si qua exercitatiodicendi,in qua non infitior,me esse versatummediocriter ;aut si aliqua ratiohujusce rei,profea a studiisac disciplinaartium optimarum,a quaego confiteorabhorruissenullum tempusmeæ ætatis :hic A. Liciniusvel in primisdebet repetere a mejure prope suofruumomnium earum rerum.Nam repetens indeusque quoad mea menspotest reicerelongissime

I. 1. Juges, si quelque genrede talentest en moi,lequel je senscombien il est exigu ;ou si quelque exercicede parler est en moi,dans lequel je ne nie pasmoi avoir été occupémédiocrement ;ou si quelque habileté est en moi,de cette chose,partie (fruit) de la rechercheet de l’étudedes arts très bons,étude de laquellej’avouen’avoir en-horreuren aucun tempsde ma viecet A. Liciniusmême dans les premiers (surtout)doit réclamer de moiavec un droit presque sienle fruitde toutes ces choses.En effet remontant d’icijusque là où mon eritpeut regarder-en-arrièrele plus loin possible

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recordari ultimam, inde usque repetens hunc video mihiprincipem et ad suscipiendam, et ad ingrediendam ratio-nem horum studiorum exstitisse. Quod si hæc vox, hujushortatu præceptisque conformata, nonnullis aliquandosaluti fuit, a quo id accepimus, quo ceteris opitulari, etalios servare possemus, huic profeo ipsi, quantum est si-tum in nobis, et opem, et salutem ferre debemus.

2. Ac, ne quis a nobis hoc ita dici fortemiretur, quod aliaquædam in hoc facultas sit ingenii, neque hæc dicendi ra-tio aut disciplina : ne nos quidem huic uni studio penitusunquamdediti fuimus. Etenimomnes artes quæ ad huma-nitatem pertinent, habent quoddam commune vinculum,et quasi cognatione quadam inter se continentur.

II. 3. Sed, ne cui vestrum mirum esse videatur, me inquæstione legitima, et in judicio publico, quum res agaturapud prætorem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

de mon enfance, je le vois m’introduire, le premier, et meguider dans l’étude des belles-lettres. Si donc cette voiequ’animèrent ses encouragements, que formèrent ses le-çons, a jamais sauvé quelques citoyens, à celui de qui je tiensles moyens de secourir et de sauver les autres, je dois assu-rément, autant qu’il est en moi, procurer et secours et salut.

2. Et pour qu’on ne s’étonne pas de m’entendre parler ences termes d’un homme qui suit une profession autre que lamienne, qui s’est livré à un genre différent de l’art oratoire,je dirai que moi-même je ne me suis jamais livré tout entierexclusivement à l’étude de l’éloquence. En effet, tous les artsqui ont pour but la culture de l’erit sont unis entre eux parun lien commun et par une eèce de parenté étroite.

II. 3. Mais, pour qu’il ne paraisse étonnant à aucun devous, que, dans une question d’état, dans une cause de droitpublic, plaidée devant un préteur

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atium temporis præteriti,et recordarimemoriam ultimampueritiæ,video huncexstitisse mihi principemet ad suscipiendam,et ad ingrediendamrationemhorum studiorum.Quod si hæc vox,conformata hortatupræceptisque hujus,fuit aliquandosaluti nonnullis,debemus ferre profeoet opem, et salutem,quantum est situmin nobis,huic ipsi a quo accepimus id,quo possemusopitulari ceteris,et servare alios.

2. Ac, ne quismiretur fortehoc dici a nobis ita,quod sit in hocquædam facultas ingeniialia,neque hæc ratio dicendiaut disciplinane nos quidem unquamfuimus dediti penitushuic uni studio.Etenim omnes artesquæ pertinentad humanitatem,habent quoddam vinculumcommune,et continentur inter sequasi quadam cognatione.

II. 3. Sed,ne videatur esse mirumcui vestrum,in quæstione legitima,et in judicio publico,

l’eace du temps passé,et se rappelerle souvenir le plus reculéde mon enfance,je vois celui-ciavoir été pour moi un guideet pour entreprendre,et pour aborderle plande ces études.Que si cette voix,formée par l’exhortationet par les leçons de celui-ci,a été quelquefoisà salut à quelques-uns,nous devons porter assurémentet secours, et salut,autant qu’il est situéen nous, [ce moyenà celui même duquel nous avons reçupar lequel nous pourronsporter-secours aux autres (aux uns),et sauver les autres.

2. Et, de peur que quelqu’unne s’étonne par hasardceci être dit par nous ainsi,parce qu’il est (il y a) dans cet hommeune certaine faculté de talentautre que la mienne,et non cette profession de parlerou cet art de la paroleet pas même nous jamaisnous n’avons été livré tout à faità cette seule étude.Car tous les artsqui ont-rapportà la culture-de-l’erit,ont un certain lienqui leur est commun,et se tiennent entre euxcomme par une certaine parenté.

II. 3. Maispour qu’il ne paraisse être étonnantà aucun de vous,dans une question légitime,et dans un jugement public,

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populi romani, leissimum virum, et apud severissimosjudices, tanto conventu hominum ac frequentia, hoc utigenere dicendi, quod non modo a consuetudine judicio-rum, verum etiam a forensi sermone abhorreat, quæso avobis, ut in hac causa mihi detis hanc veniam, accommo-datam huic reo, vobis, quemadmodum ero, non moles-tam ; ut me, pro summo poeta atque eruditissimo hominedicentem, hoc concursu hominum litteratissimorum, hacvestra humanitate, hoc denique prætore exercente judi-cium, patiamini destudiis humanitatis ac litterarumpauloloqui liberius, et in ejusmodi persona, quæ, propter otiumac studium, minime in judiciis periculisque traata est,uti prope novo quodam et inusitato genere dicendi.

4. Quod si mihi a vobis tribui concedique sentiam, per-ficiam profeo, ut hunc A. Licinium non modo non se-gregandum, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

très distingué du peuple romain, devant les juges les plusreeables, en présence d’une assemblée si nombreuse,je parle un langage étranger non-seulement aux usagesdes tribunaux, mais au genre judiciaire ; je vous prie dem’accorder, dans cette cause, une grâce que vous ne pou-vez refuser à la qualité de l’accusé, une grâce qui, je l’eère,n’a rien de pénible pour vous ; c’est que, parlant pour ungrand poëte, pour un homme d’une vaste instruion, danscette assemblée où siègent tant de savants, devant un pré-teur et des juges si éclairés, parlant, dis-je, pour un hommequ’une vie tranquille et studieuse a toujours tenu loin denos périlleux débats, je puisse m’exprimer dans un langagepresque nouveau et inusité dans cette enceinte.

4. Que si j’obtiens de vous cette faveur, je vous ferai voir,j’en ai la confiance, que vous ne devez pas retrancher A. Li-cinius du nombre

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quum res agaturapud prætorempopuli romani,virum leissimum,et apud judicesseverissimos,tanto conventuac frequentia hominum,me utihoc genere dicendi,quod abhorreatnon modoa consuetudinejudiciorum,verum etiama sermone forensi,quæso a vobis,ut in hac causadetis mihi hanc veniam,accommodatam huic reo,non molestam vobis,quemadmodum ero ;ut patiamini me,dicentempro summo poetaatque homine eruditissimohoc concursuhominumlitteratissimorum,hac humanitate vestra,denique hoc prætoreexercente judicium,loqui paulo liberiusde studiis humanitatisac litterarum,et in persona ejusmodi,quæ, propter otiumac studium,est traata minimein judiciis periculisque,uti quodam genere dicendiprope novo et inusitato.

4. Si sentiam quodtribui concediquea vobis mihi,perficiam profeo,ut putetis hunc A. Licinium

puisque l’affaire se traitedevant un préteurdu peuple romain,homme très-choisi,et devant des jugestrès sévères,dans une si grande réunionet une si grande multitude d’hommes,moi me servirde ce genre de parler,qui s’éloignenon-seulementde la coutumedes jugements,mais mêmedu langage du-barreau,je demande de (à) vous,que dans cette causevous donniez à moi cette grâce,appropriée à cet accusé,non à-charge à vous,ainsi que je l’eère ;c’est que vous souffriez moi,parlantpour un très grand poëteet pour un homme très érudit,dans ce concoursd’hommestrès lettrés,avec ce goût qui-vous-est-propre,enfin ce préteurexerçant le jugement,parler un peu glus librementdes études du goûtet des lettres,et pour un personnage de cette sortequi, à cause de sa tranquillitéet de son occupation,n’a été traîné nullementdans les jugements et les dangers,me servir d’un certain genre de parlerpresque nouveau et inusité.

4. Que si je sens ceciêtre donné et accordépar vous à moi,je ferai certainement en sorte,que vous pensiez cet A. Licinius

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quum sit civis, a numero civium, verum etiam, si nonesset, putetis adsciscendum fuisse.

III. Nam ut primum ex pueris excessit Archias, atqueab iis artibus quibus ætas puerilis ad humanitatem infor-mari solet, se ad scribendi studium contulit : primum An-tiochiæ (nam ibi natus est, loco nobili, celebri quondamurbe et copiosa, atque eruditissimis hominibus liberalis-simisque studiis affluenti), celeriter ei antecellere omni-bus ingenii gloria contigit. Post in ceteris Asiæ partibus,cunaque Græcia, sic ejus adventus celebrabantur, ut fa-mam ingenii exeatio hominis, exeationem ipsiusadventus admiratioque superaret.

5. Erat Italia tunc plena græcarum artium ac disciplina-rum ; studiaque hæc et in Latio vehementius tum coleban-tur, quam nunc iisdem in oppidis, et hic Romæ, proptertranquillitatem reipublicæ, . . . . . . . . . . . . . . .

des citoyens, puisqu’il est citoyen : mais que, s’il ne l’était pas,vous devriez lui conférer ce titre.

III. À peine Archias, sorti de l’enfance, eût-il achevé les exer-cices destinés à former cet âge aux belles-lettres, qu’il se livra àla composition. Son premier théâtre fut Antioche, où il naquitde parents distingués ; cette ville jadis opulente, ce rendez-vouscélèbre de l’érudition et des beaux-arts, le vit surpasser tous sesrivaux par la gloire de son génie. Ensuite, dans les autres partiesde l’Asie, et dans toute la Grèce, on parlait de son arrivée avectant d’éloges, que l’attente du personnage surpassait sa réputa-tion de génie, et que l’admiration, à son arrivée, surpassait cequ’on avait attendu de lui.

5. L’Italie était à cette époque remplie d’hommes qui culti-vaient les lettres grecques ; elles étaient alors plus en honneurqu’elles ne le sont aujourd’hui dans les mêmes villes ; et la tran-quillité de la république permettait, à Romemême, de ne pas lesnégliger. Aussi les

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non modonon segreganduma numero civium,quum sit civis,verum etiamfuisse adsciscendum,si non esset.

III. Nam ut Archiasexcessit primum ex pueris,atque ab iis artibusquibus ætas puerilissolet informariad humanitatem,se contulitad studium scribendi,contigit ei primumantecellere celeritergloria ingeniiomnibus Antiochiæ(nam natus est ibi,loco nobili,urbe quondam celebriet copiosa,atque affluentihominibus eruditissimisstudiisque liberalissimis).Post adventus ejuscelebrabantur,in ceteris partibus Asiæ,cunaque Græcia,sic ut exeatio hominissuperaret famam ingeniiadventus ipsiusadmiratioqueexeationem.

5. Italia erat tunc plenaartium ac disciplinarumgræcarum ;hæcque studiacolebantur tumet in Latio vehementius,quam nuncin iisdem oppidis,et hic Romænon neglegebantur,propter tranquillitatemreipublicæ.

non-seulementn’être pas à-séparerdu nombre des citoyens,puisqu’il est citoyen,mais mêmeavoir été à-y-ajouters’il ne l’était pas.

III. Car dès que Archiasfut sorti d’abord des enfants (de l’enfance),et de ces exercicespar lesquels l’âge des-enfantsa-coutume d’être forméà la littérature,il se tranorta (se livra)à l’occupation de composer,il arriva à lui d’abordde surpasser promptementpar la gloire du talenttous à Antioche(car il naquit là,d’un lieu (d’une famille) illustre,dans cette ville autrefois célèbreet riche,et abondanteen hommes très éruditset en occupations très libérales).Ensuite les arrivées de luiétaient célébrées ;dans les autres parties de l’Asie,et dans toute la Grèce,tellement que l’attente de l’hommesurpassait la renommée de son talent,et que l’arrivée de lui-mêmeet l’admiration pour luisurpassait l’attente.

5. L’Italie était alors pleinedes arts et des sciencesgrecques ;et ces étudesétaient cultivées alorsmême dans le Latium plus ardemment,que maintenantdans ces mêmes villes,même ici à Romeelles n’étaient pas négligées,à cause de la tranquillitéde la république.

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non neglegebantur. Itaque hunc et Tarentini, et Rhegini,et Neapolitani civitate ceterisque præmiis donarunt ; etomnes qui aliquid de ingeniis poterant judicare, cogni-tione atque hoitio dignum existimarunt. Hac tanta ce-lebritate famæ quum esset jam absentibus notus, Ro-mam venit, Mario consule et Catulo. Naus est primumconsules eos, quorum alter res ad scribendum maximas,alter quum res gestas, tum etiam studium atque auresadhibere posset. Statim Luculli, quum prætextatus etiamtum Archias esset, eum domum suam receperunt. Sedetiam hoc non solum ingenii ac litterarum, verum etiamnaturæ atque virtutis, ut domus quæ hujus adolescentiæprima fuerit, eadem esset familiarissima seneuti.

6. Erat temporibus illis jucundus Q. Metello illi Numi-dico et ejus Pio filio ; audiebatur a M. Æmilio ; vivebatcum Q. Catulo, et patre, et filio ; a L. Crasso colebatur ;Lucullos vero et . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

habitants de Tarente, de Rhége et de Naples lui accordèrent le titrede citoyen et d’autres privilèges ; et tous ceux qui étaient capablesd’apprécier lemérite, le jugèrent digne de leur hoitalité et de leuramitié. Avec une réputation si brillante, connu de ceux-là mêmequi ne le voyaient pas, il vint à Rome sous le consulat de Marius etde Catulus. Il trouva en eux, dès son arrivée, deux hommes dontl’un pouvait lui fournir une ample matière d’exploits à chanter,l’autre, outre ses hauts faits, un goût sûr et une oreille exercée.Aussitôt les Lucullus reçurent Archias dans leur maison, quoiqu’iln’eût pas encore quitté la prétexte. Et ce qui prouve non-seulementson talent et son mérite littéraire, mais la bonté de son caraère etsa vertu, c’est qu’une maison qui, la première, l’accueillit dans sajeunesse, fut aussi l’asile le plus ordinaire de sa vieillesse.

6. Il était alors chéri du grand Métellus le Numidique, et de sonfils Métellus Pius ; M. Émilius l’écoutait avec plaisir ; il vivait avecles deuxCatulus, père et fils ; il était honoré par L.Crassus ; intime-

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Itaque et Tarentini,et Rhegini, et Neapolitanidonarunt hunc civitateceterisque præmiis ;et omnes qui poterantjudicare aliquidde ingeniis,existimarunt dignumcognitioneatque hoitio.Quum esset notusjam absentibushac celebritate tanta famæ,venit Romam,Mario consule et Catulo.Naus est primumeos consules,quorum alterposset adhibereres maximasad scribendum,alter quum res gestas,tum etiam studiumatque aures.Quum Archias essetetiam tum prætextatus,statim Lucullireceperunt eumsuam domum.Sed etiam hocnon solum ingeniiac litterarum,verum etiam naturæ ;atque virtutis,ut eadem domus,quæ fuerit primaadolescentiæ hujus,esset familiarissimaseneuti.

6. Illis temporibuserat jucundusilli Q. Metello Numidico,et Pio filio ejus ;audiebatur a M. Æmilio ;vivebat cum Q. Catulo,et patre, et filio ;colebatur a L. Crasso ;

Aussi et les Tarentins,et les Rhéginiens, et les Néapolitainsgratifièrent celui-ci du droit-de-citéet d’autres privilèges ;et tous ceux qui pouvaientjuger quelque choseau sujet de ses talents,le jugèrent dignede leur connaissanceet de leur hoitalité.Comme il était connumême des absentspar cette célébrité si grande de renommée,il vint à Rome,Marius étant consul et aussi Catulus.Il y rencontra d’abordces consuls,dont l’autre (l’un)pouvait lui fournirdes aions très grandespour les écrire,l’autre et des choses faites (des exploits)et même du goûtet des oreilles de connaisseur.Quoique Archias fûtencore alors vêtu-de-la-prétexte,aussitôt les Lucullusreçurent luidans leur maison.Mais de plus ceci fut le proprenon-seulement de son talentet de son mérite-littéraire,mais encore de son caraèreet de sa vertu,que la même maison,qui avait été la premièreà accueillir l’adolescence de celui-ci,fût très familière (l’amie)à (de) sa vieillesse.

6. En ces temps-làil était agréableà ce Q. Métellus le Numidique,et à Pius fils de lui ;il était écouté par M. Émilius ;il vivait avec Q. Catulus,et le père, et le fils ;il était honoré par L. Crassus ;

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Drusum, et Oavios, et Catonem, et totamHortensiorumdomum devinam consuetudine quum teneret, afficieba-tur summohonore, quod eumnon solum colebant qui ali-quid percipere atque audire studebant, verum etiam si quiforte simulabant.

Interim satis longe intervallo, quum esset cum L. Lu-cullo in Siciliam profeus, et quum ex ea provincia cumeodem Lucullo decederet, venit Heracleam. Quæ quumesset civitas æquissimo jure ac fœdere, adscribi se in eamcivitatem voluit ; idque, quum ipse per se dignus puta-retur, tum auoritate et gratia Luculli ab Heracleensibusimpetravit.

7. Data est civitas Silvani lege et Carbonis : - ; , , ; , .Quum hic domicilium Romæ multos . . . . . . . . .

ment lié avec les Lucullus, avec Drusus, avec les Oaves, avecCaton, avec toute la maison des Hortensius, il jouissait de laplus grande considération, recherché non-seulement de ceuxqui désiraient l’entendre, mais de ceux qui feignaient ce désir.

Assez longtemps après, parti avec Lucullus pour la Sicile, etayant quitté cette province avec le même Lucullus, il se rendit àHéraclée. Comme cette ville, grâce à notre alliance, jouissait desplus beaux privilèges, il souhaita d’en devenir citoyen. Il obtintfacilement cette faveur, soit par son propremérite, qui l’en faisaitjuger digne, soit par le crédit et la proteion de Lucullus.

7. La loi de Silvanus et de Carbon accorda le droit de citoyen ; , , , , , . Archias, domicilié à

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quum vero teneret Luculloset Drusum, et Oavios,et Catonem,et totam domumHortensiorumdevinam consuetudine,afficiebatur summo honore,quod non solumqui studebant percipereatque audire aliquidcolebant eum,verum etiam si quisimulabant forte.

Interimsatis longe intervallo,quum esset profeuscum L. Luculloin Siciliam,et quum decederetex ea provinciacum eodem Lucullo,venit Heracleam.Quum quæ civitasesset jureac fœdere æquissimo,voluit se adscribiin eam civitatemimpetravitque idab Heracleensibusauoritateet gratia Luculli,tum quum ipseputaretur dignus per se.

7. Civitas est datalege Silvani et Carbonissi quifuissent adscripti,Civitatibus fœderatis ;si habuissentdomiciliumin Italia,tum quum lexferebatur ;et, si essent professiapud prætoremsexaginta diebus.Quum hic haberet

mais comme il tenait les Luculluset Drusus, et les Oaves,et Caton,et toute la maisondes Hortensiusenchaînée par son amitié,il était comblé d’un très grand honneurparce que non-seulementceux qui désiraient apprendreet entendre quelque chosehonoraient lui,mais même si quelques-uns (ceux qui)le feignaient par hasard.

Cependantaprès un assez long intervalle,lorsqu’il fut partiavec L. Luculluspour aller en Sicile,et lorsqu’il sortaitde cette provinceavec le même Lucullus,il vint à Héraclée.Comme cette villeétait d’un droitet d’une alliance très juste,il voulut soi être inscritdans cette cité ;et il obtint celades Héracléenspar le créditet par la faveur de Lucullus,alors que par lui-mêmeil en était jugé digne par lui-même.

7. Le droit-de-cité lui fut donnépar la loi de Silvanus et de Carbon,loi portant : si quelques-unsavaient été inscritsdans les villes fédérées ;s’ils avaient euleur domicileen Italie,alors que la loiétait portée ;et, s’ils l’avaient déclarédevant le préteurdans les soixante jours.Comme celui-ci avait

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jam annos haberet, professus est apud prætorem, Q. Me-tellum, familiarissimum suum.

IV. 8. Si nihil aliud, nisi de civitate ac lege, dicimus, ni-hil dico amplius : causa dia est. Quid enim horum infir-mari, Grati, potest ? Heracleæne esse tum adscriptum ne-gabis ? Adest vir summa auoritate, et religione, et fide,M. Lucullus, qui se non opinari, sed scire ; non audivisse,sed vidisse ; non interfuisse, sed egisse dicit. Adsunt He-racleenses legati, nobilissimi homines : hujus judicii causacum mandatis, et cum publico testimonio venerunt ; quihunc adscriptum Heracleensem dicunt.

Hic tu tabulas desideras Heracleensium publicas ; quasitalico bello, incenso tabulario, interisse scimus omnes. Estridiculum, ad ea quæ habemus, nihil dicere : quærere quæhabere non possumus ; et de hominum memoria tacere,litterarum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Rome depuis plusieurs années, fit sa déclaration chez le préteurQ. Métellus, son ami.

IV. 8. S’il n’est ici question que du droit de cité et de la loi,je n’ai plus rien à dire, la cause est plaidée. Lequel de ces faits,Gratius, peut-on infirmer ? Diras-tu qu’il n’a point été inscrità Héraclée ? Voici un témoin de l’autorité, de la probité la plusreeable, le vertueux M. Lucullus ; il ne dit pas seulement jecrois, mais je sais ; j’ai entendu dire, mais j’ai vu ; j’étais pré-sent, mais j’ai agi en personne. Voici les députés d’Héraclée,les hommes les plus distingués de la ville ; venus exprès pourcette cause, chargés de témoigner au nom de toute la cité, ilsaffirment qu’Archias a été reçu citoyen d’Héraclée.

Tu nous demandes ici les registres de cette ville, qui, nous lesavons tous, ont été brûlés avec les archives pendant la guerred’Italie. Il est ridicule de ne rien répondre aux preuves que nousavons, et d’en demander que nous ne pouvons avoir ; de se tairesur des dépositions orales, et d’exiger des témoignages écrits ;

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domicilium Romæjam multos annos,professus estapud prætorem,Q. Metellum,suum familiarissimum.

IV. 8. Si dicimusnihil aliud,nisi de civitate ac lege,dico nihil amplius :causa est dia.Quid enim horum, Grati,potest infirmari ?negabisneesse adscriptumtum Hercleæ ?Vir summa auoritate,et religione,et fide,M. Lucullus adest,qui dicit senon opinari, sed scire ;non audivisse, sed vidisse ;non interfuisse,sed egisse.Legati Heracleenses,homines nobilissimi,adsunt :veneruntcausa hujus judiciicum mandatis,et cum testimonio publico ;qui dicunt huncadscriptum Heracleensem.

Hic tu desiderastabulas publicasHeracleensium ;quas scimus omnesinterisse bello italico,tabulario incenso.Est ridiculumnihil diceread ea quæ habemus :quærerequæ non possumus habere ;et tacerede memoria hominum,

son domicile à Romedéjà depuis plusieurs années,il fit-sa-déclarationdevant le préteur,Q. Métellus,son ami-intime.

IV. 8. Si nous ne disonsrien autre chose,si ce n’est du droit-de-cité et de la loi,je ne dis rien de plus :la cause est plaidée.Lequel en effet de ces faits, Gratius,peut être infirmé ?nieras-tului avoir été inscritalors à Héraclée ?Un homme d’une très grande autoritéet d’une grande religion,et d’une grande probité,M. Lucullus est-présent,qui dit soinon pas croire, mais savoir ;non avoir entendu dire, mais avoir vu ;non avoir été-présent,mais avoir agi par lui-même.Les députés d’-Héraclée,hommes très distingués,sont-ici-présents :ils sont venuspar le motif de ce jugementavec des instruions,et avec un témoignage public ;ils disent celui-ciavoir été inscrit citoyen d’-Héraclée.

Ici tu demandesles registres publicsdes Héracléens ;lesquels registres nous savons tousavoir péri dans la guerre d’-Italie,le dépôt-des-registres ayant été brûlé.Il est ridiculede ne rien direà ces preuves que nous avons :il est ridicule d’exigercelles que nous ne pouvons avoir ;et de se tairesur le témoignage des hommes,

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memoriam flagitare ; et, quumhabeas amplissimi viri reli-gionem, integerrimi municipii jusjurandum fidemque, ea,quæ depravari nullo modo possunt, repudiare ; tabulas,quas idem dicis solere corrumpi, desiderare.

9. At domicilium Romæ non habuit, is qui, tot annisante civitatem datam, sedem omnium rerum ac fortuna-rum suarum Romæ collocavit ? At non est professus. Imovero iis tabulis professus quæ solæ ex illa professione, col-legioque prætorum obtinent publicarum tabularum auc-toritatem.

V. Nam quum Appii tabulæ negligentius asservatæ di-cerentur, Gabinii, quandiu incolumis fuit, levitas, postdamnationem calamitas, omnem tabularum fidem resi-gnasset, Metellus, homo sanissimus modestissimusqueomnium, tanta diligentia fuit, ut ad L. Lentulum præto-rem et ad judices venerit . . . . . . . . . . . . . . . .

et, tandis que tu as la garantie d’un personnage du plus grandpoids, la foi et le serment d’une ville irréprochable, de rejeter cespreuves, qui ne peuvent être falsifiées en aucune manière, pourréclamer des registres qui, de tonpropre aveu, le sont tous les jours.

9. Mais Archias n’était pas domicilié à Rome, lui qui, tantd’années avant la loi de Silvanus, avait établi à Rome toute sa for-tune et toutes ses eérances ? Mais il n’a pas fait sa déclaration.Au contraire, il l’a faite dans les registres qui, de tous les registresdes préteurs de cette époque, sont seuls regardés comme authen-tiques.

V. En effet, tandis que ceux d’Appius passaient pour être tenusavec trop de négligence ; tandis que la légèreté de Gabinius, tantqu’il fut en place, et son malheur après sa condamnation, avaientenlevé aux siens toute autorité, Métellus, le plus vertueux et le plusscrupuleux de tous les hommes, apporta tant de soin à cette affaire,qu’il vint trouver le préteur L. Lentulus et les juges pour leur direqu’une

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flagitarememoriam litterarum ;et, quum habeasreligionemviri amplissimi,jusjurandum, fidemquemunicipii integerrimi,repudiare ea,quæ possunt depravarinullo modo ;desiderare tabulas,quas idem dicissolere corrumpi.

9. At is non habuitdomicilium Romæ,qui, tot annisante civitatem datam,collocavit Romæsedemomnium suarum rerumac fortunarum ?At non est professus.Imo vero professusiis tabulisquæ solæex illa professione,collegioque prætorum,obtinent auoritatemtabularum publicarum.

V. Namquum tabulæ Appiidicerentur asservatænegligentius,levitas Gabinii,quandiu fuit incolumis,calamitaspost damnationem,resignasset omnem fidemtabularum,Metellus,homo sanissimusmodestissimusqueomnium,fuit tanta diligentia,ut veneritad prætorem L. Lentulumet ad judices,

de demander-instammentle témoignage des lettres ;et, quand tu peux avoirla religion (la garantie)d’un personnage d’un-très grand-poids,le serment et la foid’un municipe très intègre,il est ridicule de rejeter ces preuves,qui ne peuvent être falsifiéesen aucune manière ;de demander des registres,que toi-même tu disavoir-coutume d’être altérés.

9. Mais lui (Archias) n’eut pasde domicile à Rome,lui qui, pendant tant d’annéesavant le droit-de-cité donné,plaça à Romele siègede toutes ses affaireset de tous ses intérêts ?Mais il n’a pas déclaré.Mais bien plus il a fait-sa-déclarationsur ces registresqui seulsd’après cette déclaration,et le collège des préteurs d’alors,obtiennent l’autoritéde registres publics.

V. Carcomme les registres d’Appiusétaient dits être conservésplus négligemment qu’il ne fallait,comme la légèreté de Gabinius,tant qu’il fut conservé,et son malheuraprès sa condamnation,eût enlevé toute la confiancede ses registres,Métellus,l’homme le plus vertueuxet le plus modestede tous,fut d’une si grande exaitudequ’il vintchez le préteur L. Lentuluset chez les juges,

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et unius nominis litura se commotum esse dixerit. Hisigitur tabulis nullam lituram in nomen A. Licinii videtis.

10. Quæ quum ita sint, quid est quod de ejus civitatedubitetis, præsertim quum aliis quoque in civitatibus fue-rit adscriptus ? Etenim, quum mediocribus multis, et autnulla, aut humili aliqua arte præditis gratuito civitatem inGræcia homines impertiebantur, Rheginos credo, aut Lo-crenses, aut Neapolitanos, aut Tarentinos, quod scenicisartificibus largiri solebant, id huic summa ingenii præditogloria, noluisse ? Quid ? quum ceteri, nonmodo post civi-tatem datam, sed etiam post legemPapiam a, aliquomodoin eorum municipiorum tabulas irrepserint, hic, qui neutitur quidem illis, in quibus est scriptus, quod semper seHeracleensem esse voluit, rejicietur ?

11. Census nostros requiris scilicet. Est enim obscu-rum, proximis censoribus, hunc cum clarissimo impera-tore, L. Lucullo, . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

rature qui se trouvait sur un nom lui donnait de l’inquiétude. Or,dans ces registres, il n’y a point de rature sur le nom de Licinius.

10. Après des faits si positifs, quelle raison de douter de son droit,surtout quand on le voit inscrit dans plusieurs autres villes ? En effet,quand un grand nombre d’hommes d’un mérite médiocre, sansprofession ou qui n’en avaient que de peu honorables, obtenaientsans effort dans la grande Grèce le titre de citoyen, puis-je croireque Rhége, Locres, Naples ou Tarente, aient refusé à un poëte d’untalent si élevé et si brillant une faveur qu’elles accordaient à descomédiens ? Quoi ! tandis que les autres, non seulement après la loide Silvanus, mais encore après la loi Papia, se sont glissés, on ne saitcomment, dans les registres de ces villes municipales, Archias, quine fait pas usage du titre qu’il possède dans quelques-unes, parcequ’il a toujours voulu appartenir exclusivement à Héraclée, serarepoussé et privé de son droit ?

11. Mais tu réclames les tables du cens : comme s’il était douteuxque, sous les derniers censeurs, Archias était à l’armée avec l’illustre

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et dixeritse esse commotumlitura unius nominis.Igitur his tabulisvidetis nullam lituramin nomen A. Licinii.

10. Quum quæ sint ita,quid estquod dubitetisde civitate ejus,præsertimquum fuerit adscriptusin aliis civitatibus quoque ?Etenim, quum in Græciahomines impertiebanturcivitatem gratuitomultis mediocribus,et præditisaut nulla arte,aut aliqua humili,credo Rheginos,aut Locrenses,aut Neapolitanos,aut Tarentinosnoluisse largirihuic præditosumma gloria ingenii,id quod solebantartificibus scenicis.Quid ? quum ceteri,non modopost civitatem datam,sed etiampost legem Papiam,irrepserint aliquo modoin tabulaseorum municipiorum,hic rejicietur,qui ne utitur quidem illis,in quibus est scriptus,quod voluit semperse esse Heracleensem ?

10. Scilicetrequiris nostros census.Est enim obscurum,proximis censoribus,hunc fuisse apud exercitum

et leur ditsoi être émude la rature d’un-seul nom.Ainsi sur ces registresvous ne voyez aucune raturesur le nom d’A. Licinius.

11. Puisque ces choses sont ainsiquelle raison existepour que vous doutiezde la qualité-de-citoyen de lui,surtoutpuisqu’il a été inscritdans d’autres villes aussi ?En effet, quand dans la grande Grèceles hommes accordaientle titre-de-citoyen gratuitementà beaucoup d’hommes médiocres,et doués (occupés)ou de nulle profession,ou de quelque profession basse,je crois les habitants de-Rhége,ou ceux de-Locres,ou ceux de-Naples,ou ceux de-Tarenten’avoir pas-voulu accorderà celui-ci douéd’une très grande gloire de talent,ce qu’ils avaient-coutume d’accorderà des artistes scéniques.Quoi ? lorsque les autres,non-seulementaprès le titre-de-citoyen donné,mais encoreaprès la loi Papia,se sont glissés de quelque manièredans les registresde ces municipes,celui-ci sera rejeté,lui qui ne se sert pas même de ceux,sur lesquels il est inscrit,parce qu’il a voulu toujourslui être citoyen d’-Héraclée ?

11. Sans doutetu demandes nos recensements.Il est en effet obscur,sous les derniers censeurs,celui-ci avoir été à l’armée

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apud exercitum fuisse ; superioribus, cum eodem quæs-tore fuisse in Asia ; primis, Julio et Crasso, nullam populipartem esse censam. Sed, quoniam census non jus civita-tis confirmat, ac tantummodo indicat, eum, qui sit cen-sus, ita se jam tum gessisse pro cive : iis temporibus, quætu criminaris, ne ipsius quidem judicio eum in civium ro-manorum jure esse versatum, et testamentum sæpe fecitnostris legibus, et adiit hereditates civium romanorum, etin beneficiis ad ærarium delatus est a L. Lucullo prætoreet consule.

VI. 12. Quære argumenta, si qua potes : nunquam enimhic neque suo, neque amicorum judicio revincetur. Quæ-res a nobis, Grati, cur tantopere hoc homine deleemur.Quia suppeditat nobis, ubi et animus ex hoc forensi stre-pitu reficiatur, et aures convicio defessæ conquiescant. Antu existimas, aut suppetere . . . . . . . . . . . . . . .

Lucullus, qui la commandait ; que, sous les censeurs précédents, ilétait en Asie avec le même Lucullus, questeur ; et que sous Juliuset Crassus, les premiers après son adoption, il ne fut fait aucunrecensement du peuple.Mais, comme le recensement ne prouve pasle droit de citoyen, et qu’il indique seulement que celui qui y a étécompris se comportait alors comme tel ; à ces mêmes époques où tuprétends que, de son propre aveu, Archias ne prenait pas la qualitéde citoyen romain, il a cependant fait plusieurs fois son testamentselon nos lois, il a recueilli des successions de citoyens romains, etLucullus, préteur et consul, l’a porté sur l’état des gratifications dutrésor public.

VI. 12. Cherche des preuves, si tu peux ; car jamais ni sa propreconduite personnelle, ni celle de ses amis à son égard, ne t’en four-niront contre lui. Tu me demanderas peut-être, Gratius, ce qui mefait trouver tant de charmes dans le commerce d’Archias ? C’est qu’iloffre à mon erit un agréable délassement après le tumulte du bar-reau, et un repos pour mes oreilles fatiguées des clameurs de nosdébats judiciaires. Crois-tu que nous puissions être tous les jours

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cum L. Lucullo,imperatore clarissimo ;superioribus,fuisse in Asiacum eodem quæstore ;primis,Julio et Crasso,nullam partem populiesse censam.Sed, quoniam censusnon confirmatjus civitatis,ac indicat tantummodo,eum, qui sit census,gessisse se jam tumita pro cive :iis temporibusquæ tu criminaris,eum ne quidemjudicio ipsiusesse versatum in jurecivium romanorum,et sæpe fecit testamentumnostris legibus,et adiit hereditatescivium romanorum,et est delatus ad ærariumin beneficiisa L. Luculloprætore et consule.

VI. 12. Quære argumenta,si potes qua :hic enim,neque suo judicio,neque amicorum,nunquam revincetur.Quæres a nobis Grati,cur deleemur tantoperehoc homine.Quia suppeditat nobis,et ubi animus reficiaturex hoc strepitu forensi,et aures defessæ convicioconquiescant.An tu existimas,aut quod dicamusquotidie,

avec L. Lucullusgénéral très illustre,sous les précédents censeurs,avoir été en Asieavec le même Lucullus questeur ;sous les premiers censeurs,Julius et Crassus,nulle partie du peuplen’avoir été recensée.Mais, comme le recensementne confirme pasle droit de cité,et indique seulement,celui, qui a été recensé,avoir porté soi déjà alorsainsi pour citoyen :en ces temps,où tu accuses,lui non pas mêmed’après le jugement de lui-mêmen’avoir pas été dans le droitdes citoyens romains,et souvent il a fait son testamentd’après nos lois,et il a abordé des héritagesde citoyens romains,et il a été déféré au trésor-publicpour recevoir des gratificationspar L. Luculluspréteur et consul.

VI. 12. Cherche des preuves,si tu peux en trouver quelques-unes :celui-ci en effet,ni d’après son jugement,ni d’après celui de ses amis,ne sera jamais réfuté.Tu demanderas de (à) nous, Gratius,pourquoi nous sommes charmés si fortde cet homme.Parce qu’il fournit à nous,et où notre erit puisse se refaire,de ce bruit du-forum,et où nos oreilles fatiguées par la clameurpuissent se reposer.Est-ce que tu penses,ou ce que nous devons direchaque-jour

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nobis posse, quod quotidie dicamus, in tanta varietate re-rum, nisi animos nostros dorina excolamus ; aut ferreanimos tantam posse contentionem, nisi eos dorina ea-dem relaxemus ? Ego vero fateor, me his studiis esse de-ditum. Ceteros pudeat, si qui ita se litteris abdiderunt, utnihil possint ex his neque ad communem afferre fruum,neque in adeum lucemque proferre. Me autem quidpudeat, qui tot annos ita vivo, judices, ut ab nullius un-quam me tempore aut commodo aut otium meum abs-traxerit, aut voluptas avocarit, aut denique somnus retar-darit ?

13. Quare quis tandem me reprehendat, aut quis mihijure succenseat, si, quantum ceteris ad suas res obeundas,quantum ad festos dies ludorum celebrandos, quantum adalias voluptates, et ad ipsam requiem animi et corporisconceditur temporum ; quantum alii tribuunt tempestivisconviviis ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

en état de parler sur tant de sujets différents, si nous ne culti-vions notre erit par l’étude des lettres, ou qu’il pût supporterune si grande contention, si cettemême étudenenous procuraitquelque repos ? Pour moi, j’avoue que je me livre avec empres-sement à ces nobles amusements. Que ceux-là en rougissent quise sont enfoncés dans l’étude des lettres de manière à ne procu-rer aucun bien à la société, et à ne produire au jour aucun fruitde leurs travaux. Mais moi, pourquoi en rougirais-je, moi qui,depuis tant d’années, lorsqu’il a été question deme rendre utile,ne me suis jamais laissé détourner par mes intérêts, ni distrairepar le désir de ma tranquillité, ni arrêter par le sommeil ?

13. Qui donc enfin pourrait me blâmer ou se fâcher contremoi, si le temps que les autres consacrent à leurs affaires, auxfêtes et aux jeux, à d’autres plaisirs, et même au repos du corpset de l’erit, que d’autres accordent aux longs repas, enfin aux

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posse suppetere nobis,in tanta varietate rerum,nisi excolamus dorinanostros animos ;aut animos posse ferretantam contentionem,nisi relaxemus eoseadem dorina ?Ego vero fateor,me esse deditumhis studiis.Pudeat ceteros,si qui se abdideruntlitteris ita,ut possint nihil afferreex hisnequead fruum communem,neque proferrein adeum lucemque.Quid autem pudeat me,qui tot annosvivo ita, judices,ut aut meum otiumunquam abstraxerit meab temporeaut commodo nullius,aut voluptas avocarit,aut deniquesomnus retardarit ?

13. Quare quis tandemreprehendat me,aut quis succenseatjure mihi,si egomet sumpsero mihiad recolenda hæc studiatantum temporum,quantum conceditur ceterisad obeundas suas res,quantumad celebrandosdies festos ludorum,quantumad alias voluptates,et ad requiem ipsamanimi et corporis ;quantum alii tribuunt

pouvoir se présenter à nous,dans une si grande variété de choses,si nous ne cultivions par l’étudenos erits ;ou nos erits pouvoir supporterune si grande contention,si nous ne relâchions euxpar cette même étude ?Mais moi j’avoue,moi être adonnéà ces études.Que cela fasse-rougir les autres,si quelques-uns se sont enfoncésdans les lettres tellement,qu’ils ne puissent rien apporterde ces belles-lettresniau fruit commun,ni rien produireà la vue et à la lumière.Mais pourquoi cela ferait-il-rougir moi,qui depuis tant d’annéesvis de telle sorte, juges,que ou mon reposn’a jamais distrait moidu temps (de la cause)ou (ni) des intérêts de personne,ou que le plaisir n’a détourné,ou enfinque le sommeil n’a jamais retardé ?

13. Aussi qui enfinblâmerait moi,ou qui s’irriteraitavec raison contre moi,si moi-même j’aurai pris pour moipour repasser ces étudesautant de temps,qu’il en est accordé aux autrespour accomplir leurs affaires,qu’il leur en est accordépour célébrerles jours de-fête des jeux,qu’il leur en est accordépour les autres plaisirs,et pour le repos mêmede l’erit et du corps ;que d’autres en donnent

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quantum denique aleæ, quantum pilæ, tantum mihi ego-met ad hæc studia recolenda sumpsero ? Atque hoc adeomihi concedendum est magis, quod ex his studiis hæcquoque censetur oratio et facultas ; quæ, quantacumquein me, nunquam amicorum periculis defuit. Quæ si cuilevior videtur, illa quidem certe quæ summa sunt, ex quofonte hauriam, sentio.

14. Nam, nisi multorum præceptis, multisque litterismihi ab adolescentia suasissem, nihil esse in vita magno-pere expetendum, nisi laudem atque honestatem ; in eaautem persequenda omnes cruciatus corporis, omnia per-icula mortis atque exsilii parvi esse ducenda, nunquamme pro salute vestra in tot ac tantas dimicationes atquein hos profligatorum hominum quotidianos impetus ob-jecissem. Sed pleni omnes sunt libri, plenæ sapientiumvoces, plena exemplorum vetustas ; quæ jacerent in tene-bris omnia, nisi litterarum lumen accederet. Quammultas

jeux de hasard et à la paume, je l’emploie à repasser mes étudeslittéraires ? On doit me le pardonner d’autant plus volontiers, que cestravaux rentrent dans les occupations de ma profession ; mes talents,quels qu’ils soient, n’ont jamais fait défaut à mes amis en danger. Sicette étude paraît de peu de valeur aux yeux de certaines personnes,je sais du moins à quelle source je puise l’élévation.

14. En effet, si les leçons des sages, si l’étude approfondie des lettresnem’avaient persuadé dèsma jeunesse que, dans la vie, rien n’est vrai-ment désirable que la gloire et l’honneur, et que, pour les acquérir,tous les tourments, tous les périls, l’exil et la mort même doivent êtrecomptés pour peu de chose, jamais, pour le salut de l’État, je ne meserais exposé à tant de démêlés si redoutables, ni aux attaques jour-nalières des plus mauvais citoyens. Mais tous les livres, mais la voixde tous les sages le redisent sans cesse ; mais toute l’antiquité est rem-plie de grands exemples qui tous, sans la lumière des lettres, seraientensevelis dans les ténèbres. Combien de tableaux des hommes

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tempestivis conviviis ;quantum denique aleæ,quantum pilæ ?Atque hoc est concedendummihi adeo magis,quod hæc oratio quoqueet facultascensetur ex his studiis ;quæ, quantacumque in me,nunquam defuitpericulis amicorum.Quæ si videturlevior cui,sentio quidem certeex quo fonte hauriamilla quæ sunt summa.

14. Nam, nisi suasissemab adolescentia [mihipræceptis multorum,multisque litteris,nihil esse in vitamagnopere expetendum,nisi laudematque honestatem ;omnes autem cruciatuscorporis,omnia periculamortis atque exsiliiesse ducenda parviin persequenda ea,nunquam objecissem mepro vestra salutein dimicationestot ac tentasatque in hos impetusquotidianoshominum profligatorum.Sed omnes libri sunt pleni,voces sapientium plenæ,vetustasplena exemplorum ;quæ omniajacerent in tenebris,nisi lumen litterarumaccederet.Quam multas imaginesvirorum fortissimorum

à de longs repas ;qu’ils en donnent enfin aux jeux-de-hasard,qu’ils en donnent à la balle ?Et ceci est à-accorderà moi d’autant plus,que ce discours mêmeet ce talentest estimé d’après ces études ;talent qui, quel qu’il soit en moi,n’a jamais manquéaux périls de mes amis.Lequel s’il paraîtplus (trop) léger à quelqu’unje sens du moins certainementde quelle source je puiseces choses qui sont excellentes.

14. Car, si je n’avais persuadé à moidepuis mon adolescencepar les leçons de plusieurs,et par beaucoup de lettres (leure),rien n’être dans la vieextrêmement à-désirer,si ce n’est la gloireet l’honneur ;mais tous les tourmentsdu corps,tous les périlsde mort et d’exilêtre à-estimer de peu de valeurpour acquérir eux,jamais je n’eusse exposé moipour votre salutà des démêléssi nombreux et si grandset à ces attaquesde-tous-les-joursd’hommes abattus (corrompus).Mais tous les livres sont pleins,les paroles des sages sont pleines,l’antiquitéest pleine d’exemples ;qui tousseraient-ensevelis dans les ténèbres,si la lumière des lettresne s’y joignait.Que de nombreux portraitsd’hommes très courageux

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nobis imagines non solum ad intuendum, verum etiam adimitandum, fortissimorum virorum expressas, scriptoreset græci et latini reliquerunt ? Quas ego mihi semper inadministranda republica proponens, animum et mentemmeam ipsa cogitatione hominum excellentium conforma-bam.

VII. 15. Quæret quisquam : quid ? illi ipsi summi viriquorum virtutes litteris proditæ sunt, istane dorina,quam tu laudibus effers, eruditi fuerunt ? Difficile est hocde omnibus confirmare ; sed tamen est certum, quid re-ondeam. Ego multos homines excellenti animo ac vir-tute fuisse, et sine dorina, naturæ ipsius habitu propedivino, per seipsos et moderatos et graves exstitisse fa-teor. Etiam illud adjungo, sæpius ad laudem atque vir-tutem naturam sine dorina, quam sine natura valuissedorinam. Atque idem ego contendo, quum ad naturameximiam atque illustrem accesserit ratio quædam confor-matioque dorinæ, tum illud nescio quid præclarum acsingulare solere existere . . . . . . . . . . . . . . . .

les plus courageux les écrivains grecs et romains nous ont laisséspour être l’objet de notre admiration et de notre imitation ! Je lesavais toujours devant les yeux dans l’administration de l’État, et laseule pensée de leur vertu fortifiait mon cœur.

VII. 15. Mais quoi ? dira quelqu’un, ces grands hommes dont leslettres nous ont retracé les vertus, possédaient-ils ces connaissancesque vous nous vantez ? Il est difficile de l’assurer de tous ; cependantje n’hésiterai pas sur la réponse. J’avoue qu’on a vu des hommesd’une âme excellente et d’une vertu supérieure, sans le secours del’art ; qui, par la seule diosition de leur nature presque divine,ont été par eux-mêmes et justes et sages : j’ajoute même que, sansl’étude, un heureux naturel a plus souvent contribué à la gloire et à lavertu que l’étude sans la nature. Je soutiens de plus que, si à un natu-rel excellent viennent se joindre l’étude et l’instruion, cette alliance

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scriptoreset græci et latinireliquerunt nobis expressasnon solum ad intuendum,verum etiamad imitandum ?Quas proponens mihiin administrandarepublica,ego conformabam semperanimum et meam mentemcogitatione ipsahominum excellentium.

VII. 15. Quisquam quæret :quid ? illi summi viri ipsiquorum virtutessunt proditæ litteris,fueruntne eruditiista dorina,quam tu effers laudibus ?Confirmare hoc de omnibusest difficile ;sed tamen quid reondeamest certum.Ego fateormultos hominesfuisse animo excellentiac virtute,et sine dorina,habitu prope divinonaturæ ipsius,exstitisse per seipsosmoderatos et graves.Adjungo etiam illud,naturam sine dorinavaluisse sæpiusad laudem atque virtutem,quam dorinamsine natura.Atque ego idem contendo,quum quædam ratioconformatioque dorinæaccesserit ad naturameximiam atque illustrem,tum illud nescio quidpræclarum ac singularesolere exsistere.

les écrivainset grecs et latinsont laissés à nous représentésnon seulement à contempler,mais mêmeà imiter ?Lesquels proposant à moien administrantl’État,je leur conformais toujoursmon cœur et mon eritpar la pensée mêmede ces hommes distingués.

VII. 15. Quelqu’un me demandera :quoi ! ces grands hommes eux-mêmes,dont les vertusont été célébrées par les lettres,ont-ils été instruitspar cette science,que tu élèves par tes louanges ?Affirmer ceci de tousest difficile ;mais cependant ce que je dois répondreest certain.J’avouebeaucoup d’hommesavoir été doués d’une âme élevéeet d’une vertu élevée,et même sans instruion,par la diosition presque divinede leur nature même,avoir été par eux-mêmeset modérés et graves.J’ajoute même ceci,la nature sans instruionavoir valu plus souventpour acquérir la gloire et la vertu,que l’instruionsans la nature.Et moi le même je prétends,lorsqu’une certaine mesureet perfeion de sciences’est jointe à une naturedistinguée et brillante,alors ce je ne-sais quoid’éclatant et de singulieravoir-coutume d’exister.

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16. Ex hoc esse hunc numero quem patres nostri vi-derunt, divinum hominem, Africanum ; ex hoc C. Læ-lium, L. Furium, moderatissimos homines et continen-tissimos ; ex hoc fortissimum virum et illis temporibusdoissimum, M. Catonem illum senem : qui profeo, sinihil ad percipiendam colendamque virtutem litteris ad-juvarentur, nunquam se ad earum studium contulissent.Quod si non hic tantus fruus ostenderetur, et si ex hisstudiis deleatio sola peteretur, tamen, ut opinor, hancanimi adversionem humanissimam ac liberalissimam ju-dicaretis. Nam ceteræ neque temporum sunt, neque æta-tum omnium, neque locorum ; hæc studia adolescentiamalunt, seneutem obleant, secundas res ornant, adversisperfugium ac solatium præbent ; deleant domi, non im-pediunt foris, pernoant nobiscum, peregrinantur, rusti-cantur.

17. Quod si ipsi hæc neque attingere, neque sensu nos-tro gustare possemus, tamen ea mirari deberemus, etiamquum in aliis videremus.

produit je ne sais quoi d’éclatant et de singulier.16. De ce nombre fut, du temps de nos pères, cet homme divin, Scipion

l’Africain ; de ce nombre, C. Lélius, L. Furius, ces modèles de modération etde sagesse ; de ce nombre, l’homme le plus ferme, le plus savant de son siècle,Caton l’Ancien. Certes, s’ils avaient cru les lettres inutiles pour connaître etpratiquer la vertu, jamais ils ne se fussent appliqués à cette étude. Mais quandon n’aurait pas en vue ce grand avantage, quand on n’y rechercherait que leseul plaisir, vous jugeriez encore, je pense, qu’il n’existe pas de récréation plushonnête ni plus digne d’hommes libres. En effet, les autres délassements nesont ni de tous les instants, ni de tous les âges, ni de tous les lieux : les lettresnourrissent la jeunesse, charment la vieillesse, font l’ornement de la proérité,fournissent dans l’adversité un asile et une consolation ; elles nous récréentdans nos foyers, ne nous embarrassent point au dehors ; elles veillent avecnous ; elles nous suivent en voyage, à la campagne.

17. Quand nous ne pourrions ni atteindre les charmes, ni goûter par nous-mêmes les douceurs des lettres, nous ne devrions pas moins les admirer dansles autres.

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16. Esse ex hoc numerohunc Africanum,hominem divinum,quem videruntnostri patres ;ex hocC. Lælium L. Furium,homines moderatissimoset continentissimos ;ex hoc virum fortissimumet doissimumillis temporibus,M. Catonem illum senem :qui profeo,si adjuvarentur nihillitteris ad percipiendamcolendamque virtutem,nunquam se contulissentad studium earum.Quod si hic tantus fruusnon ostenderetur,et si sola deleatiopeteretur ex his studiis,tamen, ut opinor,judicaretis humanissimam,ac liberalissimamhanc adversionem animi.Nam ceteræ suntneque omnium temporum,neque ætatum,neque locorum ;hæc studiaalunt adolescentiam,obleant seneutem,ornant res secundas,præbent adversisperfugium ac solatium ;deleant domi,non impediunt foris,pernoant, peregrinantur,rusticantur nobiscum.

17. Quod si possemus ipsineque attingere hic,neque gustare nostro sensu,tamen deberemus mirari ea,etiam quum videremusin aliis.

16. Je dis être de ce nombrece Scipion l’Africain,homme divin,lequel ont vunos pères (ancêtres) ;de ce nombreC. Lélius, L. Furius,hommes très modéréset très sages ;de ce nombre un homme très courageuxet le plus savantde ces temps-là,M. Caton ce fameux vieillard :ces hommes assurément,s’ils n’étaient aidés en rienpar les lettres pour connaîtreet pratiquer la vertu,jamais ne se seraient tranortésà l’étude d’elles.Que si ce si grand fruitne se montrait,et si le seul plaisirétait demandé à ces études,cependant, comme je pense,vous jugeriez être la plus douceet la plus libérale des occupationscette occupation de l’erit.En effet les autres ne sontni de tous les temps,ni de tous les âges,ni de tous les lieux ;ces étudesnourrissent l’adolescence,réjouissent la vieillesse,ornent les choses proères,fournissent aux choses contrairesrefuge et consolation ;récréent à la maison,n’embarrassent pas au dehors,passent-la-nuit, voyagent,vont-à-la-campagne avec-nous.

17. Que si nous ne pouvions nous-mêmesni atteindre ces douceurs,ni les goûter par notre sens,cependant nous devrions admirer elles,même quand nous les verrionsdans les autres.

30 .

VIII. Quis nostrum tam animo agresti ac duro, fuit, utRoscii morte nuper non commoveretur ? Qui quum es-set senex mortuus, tamen propter excellentem artem acvenustatem videbatur omnino mori non debuisse. Ergoille corporis motu tantum amorem sibi conciliarat a no-bis omnibus : nos animorum incredibiles motus celerita-temque ingeniorum negligemus ?

18. Quoties ego hunc Archiam vidi, judices (utar enimvestra benignitate, quoniam me in hoc novo genere di-cendi tam diligenter attenditis), quoties ego hunc vidi,quum litteram scripsisset nullam, magnum numerum op-timorum versuum de his ipsis rebus quæ tum agerentur,dicere ex tempore ? quoties revocatum eamdem rem di-cere, commutatis verbis atque sententiis ? Quæ vero ac-curate cogitateque scripsisset, ea sic vidi probari, ut ad ve-terum scriptorum laudem pervenirent. Hunc ego non di-ligam ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

VIII. Qui de nous dernièrement a eu le cœur assez dur, assezcruel pour n’être pas sensible à la mort de Roscius ? Quoiqu’ilsoitmort vieux, il nous semblait qu’il n’aurait jamais dûmourir,tant il excellait dans son art, tant il y déployait de grâce. Il nenous avait charmés que par les attitudes de son corps, et nousnégligerions la vivacité, l’incroyable aivité de l’erit !

18. Combien de fois ai-je vu Archias (car je profiterai, juges,de l’attention que vous voulez bien accorder à ce nouveaugenre de plaidoyer), combien de fois l’ai-je vu improviser ungrand nombre de vers excellents sur les sujets dont nous nousentretenions ? Combien de fois, prié de les répéter, l’ai-je vu ex-primer lesmêmes choses en changeant lesmots et les pensées ?Quant aux sujets qu’il avait étudiés et écrits avec soin, je les aivu comblés d’éloges autant que les chefs-d’œuvre de l’antiquité.

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VIII. Quis nostrumfuit animo tam agrestiac duro,ut nupernon commovereturmorte Roscii ?Qui quum esset mortuussenex,videbatur tamenpropter artem excellentemac venustatem,non debuisse mori omnino.Ergo illesibi conciliarat amorema nobis omnibusmotu corporis tantum :nos negligemusmotus incredibilesanimorumceleritatemqueingeniorum ?

18. Quoties ego vidihunc Archiam, judices(utar enimvestra benignitate,quoniam attenditis metam diligenterin hoc novo genere dicendi),quoties ego vidi hunc,quum scripsissetnullam litteram,dicere ex temporemagnum numerumoptimorum versuumde his rebus ipsisquæ tum agerentur ?quotiesrevocatumdicere eamdem rem,verbis commutatisatque sententiis ?Vidi vero,ea quæ scripsissetaccurate cogitateque,probari sic,ut pervenirent ad laudemveterum scriptorum.

VIII. Qui de nousfut d’un erit si sauvageet si dur,que dernièrementil ne fût pas émude la mort de Roscius ?Qui comme il était mortvieux,paraissait cependantpour son art excellentet sa grâcen’avoir pas dû mourir du tout.Ainsi donc cet aeurs’était concilié l’amourde la part de nous touspar le mouvement du corps seulement :nous négligeronsles mouvements incroyablesdes eritset la céléritédes génies ?

18. Combien de fois ai-je vucet Archias, juges(car j’userai (je profiterai)de votre bienveillance,puisque vous écoutez moisi soigneusementdans ce nouveau genre de parler),combien de fois ai-je vu luiquoi qu’il n’eût écritaucune lettre (aucun ouvrage),dire dès le moment (sur-le-champ)un grand nombred’excellents verssur ces choses mêmesqui alors étaient agitées (en question) ?combien de fois l’ai-je vuinvité-de-nouveauà dire la même chose,la répéter les mots étant changéset les pensées aussi ?Mais j’ai vu,ces vers qu’il avait écritsavec-soin et avec-réflexion,être approuvés tellement,qu’ils parvenaient à la gloiredes anciens écrivains.

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non admirer ? non omni ratione defendendum putem ?Atqui sic a summis hominibus eruditissimisque acce-

pimus, ceterarum rerum studia et dorina et præceptis etarte constare : poetam natura ipsa valere, et mentis viri-bus excitari, et quasi divino quodam iritu inflari. Quaresuo jure noster ille Ennius sanos appellat poetas, quodquasi deorum aliquo dono atquemunere commendati no-bis esse videantur.

19. Sit igitur, judices, sanum apud vos, humanissimoshomines, hoc poetæ nomen, quod nulla unquam barba-ria violavit. Saxa et solitudines voci reondent ; bestiæsæpe immanes canto fleuntur atque consistunt : nos, ins-tituti rebus optimis, non poetarum voce moveamur ? Ho-merum Colophonii civem esse dicunt suum, Chii suumvindicant, Salaminii repetunt, Smyrnæi vero suum esseconfirmant : itaque etiam delubrum . . . . . . . . . .

Et je ne chérirais pas, je n’admirerais pas un tel homme ? je neme croirais pas obligé de le défendre avec tout le zèle dont je suiscapable ?

Les hommes les plus instruits nous ont enseigné que les autrestalents dépendent de l’étude, des préceptes et de l’art, tandis que lepoëte ne doit rien qu’à la nature, qu’il s’élève par la force même deson génie, que c’est comme un souffle divin qui l’inire. Aussi notregrand Ennius a-t-il le droit d’appeler sacrés les poëtes, parce qu’ilsnous sont pour ainsi dire accordés comme un présent par la faveurdes dieux.

19. Juges, ô vous qui avez tant d’amour pour les arts, qu’il soit doncsacré pour vous, ce nomde poëte que jamais ne viola la barbarie elle-même. Les rochers et les solitudes répondent à la voix des poëtes ;souvent les bêtes féroces s’arrêtent, fléchies par leurs accents : etnous, formés par les lettres, nous ne serions pas sensibles à la dou-ceur de leurs chants ? Les habitants de Colophon disent qu’Homèreétait leur concitoyen, ceux de Chio se l’attribuent, ceux de Salaminele réclament, ceux de Smyrne le diutent à tous les autres.

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Non ego diligam hunc ?non admirer ?non putemdefendendumomni ratione ?

Atqui accepimus sicab hominibus summiseruditissimisque,studia ceterarum rerumconstare et dorinaet præceptiset arte :poetam valere natura ipsa,et excitariviribus mentis,et inflari quodam irituquasi divino.Quare jure suonoster Ennius illeappellat poetas sanos,quod videanturesse commendati nobisquasi aliquo donoatque munere deorum.

19. Judices,sit igitur sanumapud vos,homines humanissimos,hoc nomen poetæ,quod nulla barbariaunquam violavit.Saxa et solitudinesreondent voci ;sæpe bestiæ immanesfleuntur cantoatque consistuntinstituti rebus optimis,nos, non moveamurvoce poetarum ?Colophoniidicunt Homerumesse suum civem,Chiivindicant suum,Salaminii repetunt,Smyrnæi veroconfirmant esse suum ;

Je ne chérirais pas lui ?je ne l’admirerais pas ?je ne penserais paslui devant être défendupar tout moyen ?

Or nous avons appris ainsides hommes les plus grandset les plus érudits,les études des autres chosesconsister et dans l’instruionet dans les précepteset dans la méthode :le poëte valoir par la nature même,et s’éleverpar les forces de son intelligence,et être iniré par un certain eritpresque divin.Aussi avec un droit sien (personnel)notre Ennius, ce fameux poëte,appelle les poëtes sacrés,parce qu’ils paraissentêtre recommandés à nouscomme par quelque donet quelque présent des dieux.

19. Juges,qu’il soit donc sacréauprès de vous,hommes très instruits,ce nom de poëte,que nulle barbarien’a jamais violé.Les rochers et les solitudesrépondent à leur voix ;souvent les bêtes férocessont fléchies par leur chantet s’arrêtentformés par les choses les meilleures,nous, nous ne serions pas émuspar la voix des poëtes ?Les Colophoniensdisent Homèreêtre leur citoyen,les habitants de-Chiole revendiquent comme leur,les Salaminiens le réclament,mais les Smyrnéensaffirment lui être leur citoyen :

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ejus in oppido dedicaverunt : permulti alii præterea pu-gnant inter se atque contendunt.

IX. Ergo illi alienum, quia poeta fuit, post mortemetiam expetunt : nos hunc vivum, qui et voluntate et le-gibus noster est, repudiabimus ? Præsertim quum omneolim studium atque omne ingenium contulerit Archias adpopuli romani gloriam laudemque celebrandam ? Nam etcimbricas res adolescens attigit, et ipsi illi C. Mario, quidurior ad hæc studia videbatur, jucundus fuit.

20. Neque enim quisquam est tam aversus a Musis,qui non mandari versibus æternum suorum laborum fa-cile præconium patiatur. emistoclem illum, summumAthenis virum, dixisse aiunt, quum ex eo quæreretur,quod acroama aut cujus vocem libentissime audiret :« Ejus, a quo sua virtus optime prædicaretur. » Itaqueille Marius item eximie L. Plotium dilexit, cujus ingenioputabat ea quæ gesserat posse celebrari.

Aussi lui ont-ils dédié un temple dans leur ville. Plusieurs autrespeuples encore se l’arrachent à l’envi.

IX. Ainsi, ils réclament un étranger, même après sa mort,parce qu’il était poëte. Celui-ci, qui est vivant, qui veut être notreconcitoyen, qui l’est d’après nos lois, le rejetterons-nous, quandil a depuis longtemps consacré tous ses travaux et tous ses talentsà la gloire du peuple romain ? Dans sa jeunesse, il a chantéla guerre des Cimbres ; et Marius lui-même, qui paraissait peusensible au mérite des lettres, l’honora de son estime.

20. En effet ; il n’y a point d’homme assez ennemi des Musesqui ne voie avec plaisir l’éloge de ses travaux éternisé par la poé-sie. émistocle, cet illustre Athénien, à qui l’on demandait unjour quel concert ou quel chant il entendrait le plus volontiers,répondit, dit-on : « La voix qui célébrerait le mieux mes hautsfaits. » Aussi le mêmeMarius chérissait-il singulièrement L. Plo-tius, qu’il croyait capable, par son talent, de chanter ses exploits.

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itaque etiam dedicaveruntdelubrum ejus in oppido ;permulti alii prætereapugnant inter seatque contendunt.

IX. Ergo illiexpetunt alienum,etiam post mortem,quia fuit poeta :nos repudiabimushunc vivum,qui est nosteret voluntate et legibus ?Præsertim quum Archiascontulerit olimomne studiumatque omne ingeniumad celebrandamgloriam laudemquepopuli romani ?Nam adolescens et attigitres cimbricas,et fuit jucundusilli ipsi C. Mario,qui videbatur duriorad hæc studia.

20. Neque enim quisquamtam aversus a Musis, [estqui non patiatur facilepræconium æternumsuorum laborummandari versibus.Aiuntillum emistoclem,summum virum Athenis,quum quæreretur ex eoquod acroama,aut vocem cujusaudiret libentissime,dixisse : « Ejus,a quo sua virtusprædicaretur optime. »Itaque item ille Mariusdilexit eximie L. Plotium,ingenio cujusputabat ea quæ gesseratposse celebrari.

aussi même ils ont dédiéun temple de lui dans leur ville ;beaucoup d’autres en outrecombattent entre euxet s’efforcent de l’avoir.

IX. Ainsi ceux-làdésirent posséder un étranger,même après sa mort,parce qu’il fut poëte :nous, nous repousseronscelui-ci vivant,qui est notre concitoyenet par sa volonté et par nos lois ?Surtout quand Archiasa réuni autrefoistoute son ardeuret tout son talentpour célébrerla gloire et la louangedu peuple romain ?Car jeune et il a touchéles affaires des-Cimbres,et il a été agréableà ce même C. Marius,qui paraissait plus (trop) durpour ces études.

20. Et en effet personne n’estsi détourné (ennemi) des Muses,qu’il ne souffre facilementl’éloge éternelde ses travauxêtre confié aux vers (être chanté).Ils disent (on dit)ce fameux émistocle,très grand homme à Athènes,quand on demandait de (à) luiquel concert,ou la voix de quiil entendrait le plus volontiers,avoir dit : « La voix de celuipar qui sa valeurserait célébrée le mieux. »Aussi de même ce fameux Mariuschérit singulièrement L. Plotius,par le talent duquelil pensait ces aions qu’il avait faitespouvoir être célébrées.

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21. Mithridaticum vero bellum, magnum atque diffi-cile, et in multa varietate terra marique versatum, totumab hoc expressum est : qui libri non modo L. Lucullum,fortissimum et clarissimum virum, verum etiam populiromani nomen illustrant. Populus enim romanus aperuit,Lucullo imperante, Pontum, et regiis quondam opibus etipsa natura regionis vallatum ; populi romani exercitus,eodem duce, nonmaximamanu innumerabiles Armenio-rum copias fudit ; populi romani laus est, urbem amicis-simam Cyzicenorum ejusdem consilio ex omni impeturegio ac totius belli ore ac faucibus ereptam esse, atqueservatam ; nostra semper feretur et prædicabitur, L. Lu-cullo dimicante, cum interfeis ducibus depressa hostiumclassis, et incredibilis apud Tenedum pugna illa navalis :nostra sunt tropæa, nostra monumenta, nostri triumphi.Quare, quorum ingeniis hæc feruntur, ab iis populi ro-mani fama celebratur.

21. La guerre contreMithridate, guerre importante et difficile quise fit sur terre et sur mer avec des succès si variés, a été célébrée toutentière par Archias. Ce poème immortalise non seulement la valeurdu célèbre Lucullus, mais aussi la gloire du peuple romain. En effet,si le peuple romain qui, sous le commandement de Lucullus, a pé-nétré dans le Pont, qu’avaient défendu jusque-là et la puissance deson roi et la nature même du pays ; ce sont les armées du peuple ro-main qui, sous le même général, avec des troupes peu nombreuses,ont mis en déroute les troupes innombrables de l’Arménie ; c’est aupeuple romain qu’appartient la gloire d’avoir, par la prudence dumême Lucullus, sauvé la ville de Cyzique, notre alliée fidèle, de toutela fureur du roi, et de l’avoir préservée des horreurs d’une guerrecruelle ; toujours on redira, toujours on célébrera notre incroyablevioire remportée à Ténédos sous les ordres du même chef, où lesennemis virent leurs généraux tués et leur flotte coulée à fond ce sontnos trophées, nos monuments, nos triomphes. Ainsi, ceux dont legénie les chantent, célèbrent la gloire du peuple romain.

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21. Ab hoc verobellum Mithridaticum,magnum atque difficile,et versatum terra mariquein multa varietate,est expressum totum :qui libri illustrantnon modo L. Lucullum,virum fortissimumet clarissimum,verum etiamnomen populi romani.Populus enim romanus,Lucullo imperante,aperuit Pontum,vallatum quondamet opibus regiiset natura ipsa regionis ;exercitus populi romanifudit, eodem duce,manu non maximacopias innumerabilesArmeniorum ;est laus populi romani,urbem Cyzicenorumamicissimamesse ereptamconsilio ejusdemex omni impetu regioac ore ac faucibustotius belli,atque servatam ;semper feretur nostra,et prædicabiturclassis hostium depressacum ducibus interfeis,L. Lucullo dimicante,et illa pugna navalisincredibilisapud Tenedum :tropæa sunt nostra,monumenta nostra,triumphi nostri.Quare fama populi romanicelebratur ab iisingeniis quorumhæc feruntur.

21. Mais ce fut par luique la guerre de-Mithridateguerre grande et difficile,et roulée (faite) sur terre et sur meren grande variété d’événements,fut traitée tout-entière :ces livres illustrentnon-seulement L. Lucullus,homme très courageuxet très illustre,mais aussile nom du peuple romain.Car le peuple romain,Lucullus commandant,ouvrit le Pont,fortifié jadiset par les forces du-roiet par la nature même du pays ;l’armée du peuple romaina mis-en-fuite, sous le même chef,avec une troupe non très grandeles troupes innombrablesdes Arméniens ;c’est une gloire du peuple romain,la ville des Cyzicénienstrès amie de nousavoir été arrachéepar la prudence du même Lucullusde toute la fureur du-roiet de la bouche et de la gorgede toute la guerre,et avoir été sauvée ;toujours elle sera dite nôtre,et sera célébréela flotte des ennemis coulée-basavec leurs généraux tués,L. Lucullus combattant,et cette bataille navaleincroyableauprès de Ténédos :ces trophées sont les nôtres,ces monuments sont les nôtres.ces triomphes sont les nôtres.Aussi la renommée du peuple romainest célébrée par ceux-làpar les génies desquelsces exploits sont publiés.

38 .

22. Carus fuit Africano superiori noster Ennius : itaqueetiam in sepulcro Scipionum putatur is esse constitutuse marmore. At iis laudibus certe non solum ipsi, qui lau-dantur, sed etiam populi romani nomen ornatur. In cæ-lumhujus proavus Cato tollitur :magnus honos populi ro-mani rebus adjungitur. Omnes denique illi Maximi, Mar-celli, Fulvii, non sine communi omnium nostrum laudedecorantur. Ergo illum qui hæc fecerat, Rudium homi-nem, majores nostri in civitatem receperunt ; nos huncHeracleensem, multis civitatibus expetitum, in hac autemlegibus constitutum, de nostra civitate ejiciemus ?

X. 23. Nam si quis minorem gloriæ fruum putat exgræcis versibus percipi, quam ex latinis, vehementer er-rat : propterea quod græca leguntur in omnibus fere gen-tibus, latina suis finibus, exiguis sane, continentur. Quaresi res eæ quas gessimus, orbis terræ regionibus definiun-tur, cupere debemus, . . . . . . . . . . . . . . . . . .

22. Notre poëte Ennius fut cher au premier Scipion l’Africain :on pense même que c’est sa figure en marbre qu’on voit sur le tom-beau des Scipions. Mais assurément ses vers font autant d’honneurau peuple romain qu’aux héros qu’il a loués. Il élève jusqu’au cielCaton, le bisaïeul de celui qui m’écoute, et il ajoute par là un grandéclat à la gloire du nom romain. En un mot, l’éloge des Maximus,des Marcellus, des Fulvius, nous le partageons tous avec eux. Voilàpourquoi nos aïeux ont donné le titre de citoyen à un homme deRudia ; et nous chasserions de notre cité un citoyen d’Héraclée, re-cherché par plusieurs autres villes, établi dans celle-ci en vertu denos lois ?

X. 23. Ce serait une grande erreur que de penser que la poésiegrecque est moins propre que la poésie latine à répandre la renom-mée des grands hommes : en effet, presque tous les peuples lisentles ouvrages des Grecs, tandis que les livres latins sont circonscritsdans les étroites limites de l’Italie. Si donc nos exploits n’ont d’autresbornes

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22. Noster Ennius fuit ca-superiori Africano : [rusitaque is putatur etiamesse constitutuse marmorein sepulcro Scipionum.At certe non solumipsi, qui laudantur,sed etiamnomen populi romaniornatur iis laudibus.Cato proavus hujustollitur in cælummagnus honos adjungiturrebus populi romani.Deniqueomnes illi Maximi,Marcelli, Fulvii,non decorantursine laude communinostrum omnium.Ergo nostri majoresreceperunt in civitatemhominem Rudium,illum qui fecerat hæcejiciemus nosde nostra civitatehunc Heracleensem,expetitummultis civitatibus,constitutum autem in haclegibus ?

X. 23. Nam si quis putatpercipi ex versibus græcisfruum gloriæ minorem,quam ex latinis,errat vehementerpropterea quodgræca legunturin fere omnibus gentibuslatina continentursuis finibus,exiguis sane.Quare si eæ resquas gessimus,definiuntur regionibusorbis terræ,

22. Notre poëte Ennius fut cher,au premier Scipion l’Africain :aussi il est pensé mêmeavoir été dressé (représenté)en marbresur le sépulcre des Scipions.Mais certainement non-seulementceux-mêmes, qui sont louésmais encorele nom du peuple romainest paré par ces louanges.Caton le bisaïeul de celui-ciest élevé au cielun grand honneur s’ajouteaux exploits du peuple romain.Enfintous ces Maximus,ces Marcellus, ces Fulvius,ne sont pas honoréssans une gloire communede (à) nous tous.Aussi nos ancêtresont reçu dans leur citéun homme de-Rudia,celui qui avait fait ces élogesnous rejetterons-nousde notre cité,ce citoyen d’-Héraclée,recherchépar plusieurs villes,et établi dans celle-cipar les lois ?

X. 23. Car si quelqu’un penseêtre reçu (recueilli) des vers grecsun fruit de gloire moindre,que des vers latins,il se trompe violemmentparce queles ouvragea grecs se lisentchez presque tous les peuples,les ouvrages latins sont renfermésdans leurs limites,étroites certainement.Aussi si ces exploitsque nous avons faits,sont limités par les régionsdu globe de la terre,

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quo manuum nostrarum tela pervenerint, eodem gloriamfamamque penetrare : quod quum ipsis populis, de quo-rum rebus scribitur, hæc ampla sunt, tum iis certe qui devita gloriæ causa dimicant, hoc maximum et periculorumincitamentum est et laborum.

24. Quam multos scriptores rerum suarum magnus illeAlexander secum habuisse dicitur ! Atque is tamen, quumin Sigeo ad Achillis tumulum adstitisset : « O fortunate,inquit, adolescens, qui tuæ virtutis Homerum præconeminveneris ! » Et vere. Nam, nisi Ilias ille exstitisset, idemtumulus, qui corpus ejus contexerat, nomen etiam obruis-set. Quid ? Noster, hic Magnus, qui cum virtute fortunamadæquavit, nonne eophanem Mitylenæum, scriptoremrerum suarum, in concione militum civitate donavit ? Etnostri illi fortes viri, sed rustici ac milites, dulcedine qua-dam gloriæ commoti, . . . . . . . . . . . . . . . . .

que celles du monde, nous devons désirer que notre gloireet notre renommée aillent aussi loin que nos armes. Ce vœu,digne des peuples dont les lettres célèbrent les exploits, peutencore offrir aux guerriers qui exposent leur vie en vue de lagloire, le plus puissant encouragement au milieu des dangerset des combats.

24. Combien d’écrivains Alexandre le Grand n’avait-il pasauprès de sa personne ! Cependant, quand il s’arrêta au tom-beau d’Achille, sur le promontoire de Sigée : « Que tu es heu-reux ! s’écria-t-il, jeune héros, d’avoir trouvé unHomère pourchanter ta valeur ! » Il disait vrai ; car, sans l’Iliade, le mêmetombeau aurait enseveli ses cendres et sa renommée. Et quedirai-je de notre grand Pompée, dont le mérite égale la for-tune ? éophane de Mitylène, qui écrivait ses exploits, n’a-t-il pas reçu de lui, en présence de son armée, le titre de citoyen ?Et nos braves soldats, malgré leur rudesse, comme touchés de

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debemus cupere,gloriam famamquepenetrare eodem,quo telanostrarum manuumpervenerint :quod quum hæcsunt amplapopulis ipsis,de rebus quorum scribitur,tum hoc incitamentumet periculorumet laborumest maximum certeiis qui dimicant de vitacausa gloriæ.

24. Quam multos scrip-suarum rerum [toresille magnus Alexanderdicitur habuisse secum !Atque tamen,quum adstitissetad tumulum Achillisin Sigeo,is inquit« O fortunate adolescens,qui inveneris Homerumpræconem tuæ virtutis ! »Et vere.Nam idem tumulus,qui contexerat corpus ejus,obruisset etiam nomen,nisi ille Ilias exstitisset.Quid ? Hic Magnus,noster,qui adæquavitfortunam cum virtute,nonne donavit civitatein concione militum,eophanem Mitylenæum,scriptorem suarum rerum ?Et nostriilli viri fortes,sed rustici ac milites,commotiquadam dulcedine gloriæ,quasi participes

nous devons désirer,notre gloire et notre renomméepénétrer là-même,où les traitsde nos mainssont parvenus (ont pénétré) :parce que quand ces avantagessont considérablespour les peuples eux-mêmes,sur les aions desquels on écrit,alors cet encouragementau milieu et des dangerset des travauxest très grand certainementà ceux qui combattent pour la viepar le motif de la gloire.

24. Combien d’écrivainsde ses exploitsce grand Alexandreest dit avoir eu avec-lui !Et cependant,lorsqu’il se fut arrêtéau tombeau d’Achillesur le promontoire Sigée,ce héros dit :« Ô fortuné jeune-homme,qui as trouvé un Homèrepour héraut de ta valeur ! »Et il parlait vraiment.Car le même tombeau,qui avait couvert le corps de lui,eût enseveli aussi son nom,si cette célèbre Iliade n’eût pas existé.Quoi ! Ce Pompée surnommé le Grand,notre concitoyen,qui égalale bonheur avec le courage,ne gratifia-t-il pas du droit-de-citédans l’assemblée de ses soldats,éophane de-Mitylène,écrivain de ses exploits ?Et nos concitoyens,ces hommes courageux,mais rustiques et soldats,fortement-ébranléspar une certaine douceur de gloire,comme participant

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quasi participes ejusdem laudis, magno illud clamore ap-probaverunt.

25. Itaque, credo, si civis romanus Archias legibus nonesset, ut ab aliquo imperatore civitate donaretur, perfi-cere non potuit ! Sulla, quum Hianos et Gallos donaret,credo, hunc petentem repudiasset ! Quemnos in concionevidimus, quum ei libellum malus poeta de populo subje-cisset, quod epigramma in eum fecisset tantummodo al-ternis versibus longiusculis, statim ex iis rebus, quas tuncvendebat, jubere ei præmium tribui sub ea conditione, nequid postea scriberet. » Qui sedulitatemmali poetæ duxe-rit aliquo tamen præmio dignam, hujus ingenium et vir-tutem in scribendo et copiam non expetisset ? 26. Quid ?a Q. Metello Pio, familiarissimo suo, qui civitate multosdonavit, neque per se, neque per Lucullos impetravisset ?qui præsertim usque eo de suis rebus scribi cuperet, . .

cette gloire qu’ils semblaient partager avec leur général, nel’ont-ils pas approuvé par leurs bruyantes acclamations ?

25. Sans doute, si Archias n’était pas citoyen par nos lois,il n’aurait pu obtenir ce titre de quelqu’un de nos généraux !Sylla, sans doute, le lui eût refusé, Sylla qui l’accordait aux Es-pagnols et aux Gaulois ! Nous l’avons vu, en pleine assemblée,récompenser un mauvais poëte du peuple qui lui présentait unplacet, pour avoir composé quelques distiques en son honneur,en lui faisant donner à l’instant une portion des objets qu’il ven-dait alors, « à la condition qu’il n’écrirait plus. » Celui qui jugeaà propos de récompenser la bonne volonté d’unméchant poëten’aurait-il pas fait la plus grand cas du génie, de la force et dela fécondité d’Archias ? 26. Archias n’aurait-il pu encore obte-nir le titre de citoyen, ou par lui-même, ou par les Lucullus, oupar Métellus Pius, son ami intime, qui l’a accordé à beaucoupd’autres, qui désirait si ardemment qu’on écrivît ses exploits

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ejusdem laudis,approbaverunt illudmagno clamore.

25. Itaque, credo,si Archias non essetcivis romanus legibusnon potuit perficere,ut donaretur civitateab aliquo imperatore !Sulla, credo, repudiassethunc petentem,quum donaretHianos et Gallos !Nos vidimus quemin concione,quum malus poetade populosubjecisset ei libellum,quod fecissetepigramma in eumtantummodo versibusalternis longiusculis,jubere statimpræmium tribui eiex iis rebus,quas vendebat tunc,sub ea conditione,« ne scriberet quid postea. »Qui duxerit sedulitatemmali poetædignam tamenaliquo præmionon expetissetingenium hujuset virtutem et copiamin scribendo ?26. Quid ? impetravissetneque per se,neque per Lucullos,a Q. Metello Pio,suo familiarissimo,qui donavit multoscivitate ?qui præsertim cuperetscribi de suis rebususque eo ut tamendederet suas aures

de la même gloire,approuvèrent celaavec une grande acclamation.

25. Ainsi, je le crois,si Archias n’était pascitoyen romain par les lois,n’a-t-il pu faire en sorte,qu’il fût gratifié du droit-de-citépar quelque général !Sylla, je le crois, eût repoussécelui-ci la demandant,lorsqu’il en gratifiaitdes Eagnols et des Gaulois !Nous avons vu celui-cidans une assemblée,lorsqu’un mauvais poëtesorti du peupleeût présenté à lui un placet,parce qu’il avait faitune épigramme pour luiseulement en versalternés un-peu-plus-longs (distiques),ordonner aussitôtune récompense être donnée à luide ces objetsqu’il vendait alors,sous cette condition,« qu’il n’écrirait rien par la suite. »Celui qui jugea l’empressementd’un mauvais poëtedigne cependantde quelque récompense,n’aurait-il pas recherchéle talent de celui-ciet sa force et son abondanceen écrivant (de style) ?26. Quoi ? il ne l’eût obtenuni par lui-même,ni par les Lucullus,de Q. Métellus Pius,son ami-intime,qui gratifia plusieursdu titre-de-citoyen ?lui qui surtout désiraitêtre écrit (qu’on écrivît) sur ses exploitsjusqu’à ce point que cependantil livrait ses oreilles

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ut etiam Cordubæ natis poetis, pingue quiddam sonanti-bus atque peregrinum, tamen aures suas dederet.

XI. Neque enim est hoc dissimulandum, quod obscu-rari non potest, sed præ nobis ferendum : trahimur omneslaudis studio, et optimus quisque maxime gloria ducitur.Ipsi illi philosophi etiam illis libellis quos de contemnendagloria scribunt, nomen suum inscribunt : in eo ipso, inquo prædicationem nobilitatemque deiciunt, prædicaride se ac nominari volunt.

27. Decimus quidem Brutus, summus ille vir et impe-rator, Attii, amicissimi sui, carminibus templorum ac mo-numentorum aditus exornavit suorum. Jam vero ille quicum Ætolis, Ennio comite, bellavit, Fulvius, non dubita-vit Martis manubiasMusis consecrare. Quare, in qua urbeimperatores prope armati poetarum nomen et Musarumdelubra coluerunt, in ea non debent togati judices a Mu-sarum honore et a poetarum salute abhorrere.

qu’il prêtait avec plaisir l’oreille à des poëtes natifs de Cordoue, malgréla pesanteur de leurs vers barbares ?

XI. En effet, pourquoi dissimuler ce qui ne peut se cacher, ce qu’ondoit avouer hardiment ? Tous, nous sommes entraînés par l’amour dela gloire, et cet attrait est d’autant plus puissant que l’âme a plus denoblesse. Les philosophes mêmes mettent leur nom aux livres qu’ilscomposent sur le mépris de la gloire : tout en prouvant qu’il fautmépriser la louange et la célébrité, ils s’efforcent de se faire louer etconnaître.

27. Décimus Brutus, grand citoyen et grand général, a fait graver aufrontiice desmonuments et des temples qu’il a élevés des inscriptionsd’Attius, son ami intime. Fulvius, qui se fit accompagner d’Ennius dansla guerre contre les Étoliens, ne balança pas à consacrer aux Muses lesdépouilles de Mars. Aussi, dans une ville où des généraux, pour ainsidire encore revêtus de leurs armes, ont honoré le nom des poëtes et lestemples des Muses, des juges, au sein de la paix, ne doivent pas êtreindifférents pour la gloire des Muses et pour le salut des poëtes.

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etiam poetisnatis Cordubæ,sonantibus quiddampingue atque peregrinum.

XI. Neque enimhoc quod non potestobscurariest dissimulandum,sed ferendum præ nobis :omnes trahimurstudio laudis,et quisque optimusducitur maxime gloria.Illi philosophi ipsietiam illis libellisquos scribuntde gloria contemnenda,inscribunt suum nomen :volunt prædicari de seac nominari in eo ipso,in quo deiciuntprædicationemnobilitatemque.

27. Decimus quidem Bru-ille summus vir [tus,et imperator,exornavit aditustemplorumac suorum monumentorumcarminibus Attii,sui amicissimi.Jam vero ille Fulviusqui bellavitcum Ætolis,Ennio comite,non dubitavitconsecrare Musismanubias Martis.Quare, in ea urbein qua imperatoresprope armaticoluerunt nomen poetarumet delubra Musarum,judices togatinon debent abhorrereab honore Musarumet a salute poetarum.

même aux poëtesnés à Cordoue,faisant-retentir quelque chosede gras et d’étranger.

XI. Et en effetce qui ne peutêtre obscurcin’est pas devant être dissimulé,mais devant être porté devant nous :tous nous sommes entraînéspar l’amour de la louange,et chacun le meilleurest conduit le plus par la gloire.Ces philosophes eux-mêmesmême dans ces livresqu’ils écriventsur la gloire à-mépriser,y inscrivent leur nom :ils veulent qu’il soit parlé d’euxet être nommés en cet ouvrage mêmedans lequel ils méprisentl’élogeet la célébrité.

27. Certainement Décimus Brutus,ce grand hommeet ce grand général,orna les entréesdes templeset de ses monumentsdes vers d’Attius,son ami-intime.Mais déjà ce Fulviusqui a combattuavec (contre) les Étoliens,Ennius étant son compagnon,n’hésita pasà consacrer aux Musesles dépouilles de Mars.C’est pourquoi, dans cette villedans laquelle des générauxpresque encore armésont honoré le nom des poëteset les temples des Muses,des juges revêtus-de-la-togene doivent pas s’éloignerde l’honneur des Museset du salut des poëtes.

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28. Atque, ut id libentius faciatis, jam me vobis, judices,indicabo, et de meo quodam amore gloriæ, nimis acri for-tasse, verumtamen honesto, vobis confitebor. Nam, quasres nos in consulatu nostro vobiscum simul pro salute hu-jus urbis atque imperii et pro vita civium proque universarepublica gessimus, attigit hic versibus atque inchoavit :quibus auditis, quod mihi magna res et jucunda visa est,hunc ad perficiendum hortatus sum. Nullam enim vir-tus aliam mercedem laborum periculorumque desiderat,præter hanc laudis et gloriæ : qua quidem detraa, ju-dices, quid est, quod in hoc tam exiguo vitæ curriculo ettam brevi tantis nos in laboribus exerceamus ?

29. Certe, si nihil animus præsentiret in posterum, etsi, quibus regionibus vitæ atium circumscriptum est,eisdem omnes cogitationes terminaret suas, nec tantis selaboribus frangeret, neque tot curis vigiliisque angeretur,neque toties de vita ipsa . . . . . . . . . . . . . . . .

28. Et, pour que vous vous y portiez avec plus de plaisir, ô juges,je vais vous ouvrir mon cœur, et vous avouer ma passion pour lagloire, trop vive sans doute, mais après tout bien légitime. Ce que,pendant mon consulat, j’ai fait avec votre concours pour le salut decette ville et de cet empire, pour la vie des citoyens et pour l’intérêt detout l’État, Licinius a entrepris de l’écrire en vers : les morceaux quej’en ai entendus m’ont paru si importants et si excellents que je l’aiengagé à finir l’ouvrage ; car la vertu ne désire d’autre récompensede ses travaux et de ses dangers que des éloges et de la gloire. Sansla gloire, juges, quel motif aurions-nous de nous exposer, dans lecours d’une vie si courte et si rapide, à tant de fatigues ?

29. Assurément, si notre âme n’avait aucun pressentiment del’avenir, si le même terme qui borne le cours de nos années bornaitaussi celui de nos pensées, l’homme ne voudrait jamais se livrer àtant de travaux, se tourmenter par tant de soins et de veilles, niexposer

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28. Atque, judices,ut id faciatis libentius,indicabo me vobis jam,et confitebor vobisde quodam amore gloriæmeo,nimis acri fortasse,verumtamen honesto.Nam hic attigit versibusatque inchoavit resquas nos gessimusin nostro consulatusimul vobiscumpro salute hujus urbisatque imperii,et pro vita civiumproque universa republica :quibus auditis,hortatus sum huncad perficiendumquod res visa est mihimagna et jucunda.Virtus enim desideratnullam aliam mercedemlaborum periculorumquepræter hanclaudis et gloriæqua quidem detraa,judices, quid est,quod exerceamus nosin tantis laboribusin hoc curriculo vitætam exiguo et tam brevi ?

29. Certe, si animuspræsentiret nihilin posterum,et si terminaretomnes suas cogitationeseisdem regionibusquibus atium vitæest circumscriptum ;nec se frangerettantis laboribus,neque angereturtot curis vigiliisque,neque dimicaret totiesde vita ipsa.

28. Et, juges,pour que vous le fassiez plus volontiers,je ferai-connaître moi à vous de suiteet je ferai-l’aveu à vousd’un certain amour de la gloiremien (qui m’appartient),trop vif peut-être,mais cependant honorable.Car celui-ci a touché en verset a entrepris de raconter les aionsque nous avons faitesdans notre consulatensemble avec-vouspour le salut de cette villeet de cet empire,et pour la vie des citoyenset pour toute la république :ces vers entendus,j’ai exhorté celui-cià les achever,parce que le sujet a paru à moigrand et agréable.Car la vertu ne désireaucune autre récompensede ses travaux et de ses dangers,excepté (que) cellede la louange et de la gloirelaquelle certes étant ôtée,juges, quel motif existe,que nous exercions nousdans de si grands travauxen cette carrière de la viesi exiguë et si courte ?

29. Certes, si notre âmene pressentait rienpour le temps à-venir,et si elle bornaittoutes ses penséespar les mêmes limitespar lesquelles l’eace de la vieest circonscrit ;et elle ne se briserait paspar tant de fatigues,et ne se tourmenteraitpas par tant de soucis et de veilles,et ne combattrait pas tant de foispour la vie même.

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dimicaret. Nunc insidet quædam in optimo quoque vir-tus, quæ noes et dies animum gloriæ stimulis concitat,atque admonet, non cura vitæ tempore esse dimittendamcommemorationem nominis nostri, sed cura omni poste-ritate adæquandam.

30. An vero tam parvi animi videamur esse omnes quiin republica, atque in his vitæ periculis laboribusque ver-samur, ut, quum usque ad extremum atium nullumtranquillum atque otiosum iritum duxerimus, nobis-cum simul moritura omnia arbitremur ? An, quum sta-tuas et imagines, non animorum simulacra, sed corpo-rum, studiose multi summi homines reliquerint, consi-liorum relinquere ac virtutum nostrarum effigiem nonmulto malle debemus, summis ingeniis expressam et po-litam ? Ego vero omnia quæ gerebam, jam tum in gerendoargere me ac disseminare arbitrabar in orbis terræ me-moriam sempiternam. Hæc vero sive a meo sensu postmortem abfutura . . . . . . . . . . . . . . .

tant de fois sa vie même. Mais dans tous les grands cœurs réside unsentiment généreux qui, jour et nuit, les excite par l’aiguillon de la gloire,et qui nous avertit de ne point laisser périr avec notre vie le souvenir denotre nom,mais de le faire vivre jusque dans la postérité la plus reculée.

30. Nous tous qui, au sein des affaires publiques, passons notre vieentourés de dangers et de pénibles travaux, aurions-nous assez peud’élévation d’erit pour croire qu’après avoir vécu sans pouvoir reirerun seul instant en repos, tout dût périr avec nous ? Quoi ! quand tantde grands hommes se sont empressés pour laisser après eux des statueset des portraits, faibles images de leurs corps et non de leurs âmes, nedevons-nous pas, avec beaucoup plus de raison, désirer de laisser de nospensées et de nos vertus le tableau tracé par le pinceau habile des plusgrands génies ! Pour moi, dans tout ce que j’ai entrepris pour le bien del’État, je pensais, en le faisant, confier une semence immortelle de gloireau souvenir éternel de l’univers. Qu’après ma mort, je sois insensible àcette renommée, ou

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Nunc quædam virtusinsidet in quoque optimoquæ concitat animumstimulis gloriænoes et dies,atque admonetcommemorationemnostri nominis,non esse dimittendamcum tempore vitæ,sed adæquandamcum omni posteritate.

30. Omnes vero quiversamur in republica,atque in his periculislaboribusque vitæ,an videamur esseanimi tam parvi,ut arbitremur omniamoritura simul nobiscum,quum duxerimusnullum iritumtranquillum atque otiosumusque ad extremumatium ?Quum multisummi hominesreliquerint studiosestatuas et imagines,simulacra non animorum,sed corporum,an non debemusmalle multorelinquere effigiemconsiliorumac nostrarum virtutum,expressam et politamsummis ingeniis ?Ego vero arbitrabar,jam tum in gerendo,me argere ac disseminarein memoriam sempiternamorbis terræomnia quæ gerebam.Sive vero hæcest abfutura a meo sensupost mortem,

Maintenant une certaine verturepose dans chacun le meilleur,vertu qui excita l’âmepar les aiguillons de la gloireles nuits et les jours,et l’avertitle souvenirde notre nom,ne pas être à-abandonneravec le temps de la vie,mais à-égaleravec toute la postérité.

30. Mais nous tous quinous agitons dans les affaires de l’État,et dans ces dangerset ces travaux de la vie,paraîtrions-nous êtred’une âme si petite,que nous pensions toutes chosesdevoir mourir ensemble avec nous,quand nous n’aurons tiréaucun souffletranquille et paisiblejusqu’au derniereace ?Quand plusieursgrands hommesont laissé avec-soindes statues et des images,portraits non de leurs âmes,mais de leurs corps,ne devons-nous paspréférer beaucoupde laisser une imagede nos penséeset de nos vertus,faite et poliepar les plus grands génies ?Mais moi je pensais,déjà alors en les faisant,moi répandre et semer-çà-et-làdans le souvenir éterneldu globe de la terretoutes les choses que je faisais.Mais soit que ce souvenirdoive être absent de mon sentimentaprès ma mort,

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est, sive, ut sapientissimi homines putaverunt, ad aliquammei partem pertinebit, nunc quidem certe cogitationequadam eque deleor.

XII. 31. Quare conservate, judices, hominem pudoreeo, quem amicorum videtis comprobari tum dignitate,tum etiam vetustate ; ingenio autem tanto, quantum idconvenit existimari, quod summorum hominum ingeniisexpetitum esse videatis ; causa vero ejusmodi, quæ benefi-cio legis, auoritate municipii, testimonio Luculli, tabulisMetelli comprobetur.

Quæ quum ita sint, petimus a vobis, judices, si qua nonmodohumana, verumetiamdivina in tantis negotiis com-mendatio debet esse, ut eum, qui vos, qui vestros impera-tores, qui populi romani res gestas semper ornavit ; quietiam his recentibus nostris vestrisque domesticis pericu-lis æternum se testimonium laudumdaturum esse profite-tur ; quique est eo numero qui semper apud omnes sanisunt habiti atque dii, sic in vestram accipiatis fidem,

que, suivant l’opinion des hommes les plus sages, quelque partie de moi-même éprouve encore ce sentiment, cette pensée et cet eoir me font dèsaujourd’hui goûter un véritable plaisir.

XII. 31. Conservez-nous donc, juges, conservez-nous un homme dontles vertus lui ont, depuis si longtemps, gagné des amis si distingués ;un poëte doué de tout le talent nécessaire pour être recherché par deshommes d’un talent supérieur, un citoyen dont la cause repose sur lebienfait de la loi, sur l’autorité d’une ville municipale, sur le témoignagede Lucullus, sur les registres de Métellus.

Aussi, juges, si, dans une affaire d’une telle importance, il faut aprèsavoir invoqué le témoignage des hommes, implorer encore la recomman-dation des dieux, je vous prie de faire en sorte qu’un homme qui a tou-jours employé ses talents à louer, vous, vos généraux et les vioires dupeuple romain, qui bientôt immortalisera le souvenir des périls domes-tiques que, récemment encore, j’ai partagés avec vous, qu’un homme dunombre de ceux que tous les peuples ont toujours regardés comme sacrés,soit de votre part l’objet d’une proteion

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sive pertinebitad aliquam partem mei,ut homines sapientissimiputaverunt,nunc quidem certe deleorquadam cogitatione eque.

XII. 31. Quare conservate,judices,hominem eo pudore,quem videtis comprobaritum dignitate amicorum,tum etiam vetustate ;ingenio autem tanto,quantum convenitid existimari,quod videatisesse expetitum ingeniissummorum hominum ;causa vero ejusmodi,quæ comprobeturbeneficio legis,auoritate municipii,testimonio Luculli,tabulis Metelli.

Quæ quum sint ita,petimus a vobis, judices,si qua commendationon modo humana,verum etiam divinadebet essein tantis negotiis,ut accipiatisin vestram fidem eum,qui semper ornavit vos,qui vestros imperatores,qui res gestaspopuli romani ;qui etiam profiteturse esse daturumtestimonium æternumlaudumhis periculis domesticisrecentibusnostris vestrisque ;quique est eo numeroqui semper sunt habitiatque dii sani

soit qu’il atteigneà quelque partie de moi,comme des hommes très sagesl’ont pensé,mais maintenant certes je suis réjouipar une certains pensée et eérance.

XII. 31. C’est pourquoi conservez,juges,un homme d’une telle pudeur (vertu),que vous voyez être approuvésoit par le mérite de ses amis,soit par leur ancienneté ;et d’un génie aussi grand,qu’il convientce génie être estimépour que vous voyezlui avoir été recherché par les géniesdes plus grands hommes ;mais d’une cause de telle sorte,qu’elle soit prouvéepar le bienfait de la loi,par l’autorité d’un municipe,par le témoignage de Lucullus,par les registres de Métellus.

Puisque ces choses sont ainsi,nous demandons à vous, juges,si quelque recommandationnon-seulement humaine,mais même divinedoit existerdans de si grandes affaires,que vous receviezen votre proteion ce poëte,qui toujours a orné (loué) vous,qui a loué vos généraux,qui a loué les exploitsdu peuple romainqui de plus déclaresoi être devant donnerun témoignage éternelde louangesà ces dangers domestiquesrécents (courus récemment)nôtres et vôtres (par nous et par vous) ;et qui est de ce nombre d’hommesqui toujours ont été tenuset appelés sacrés

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ut humanitate vestra levatus potius, quam acerbitate vio-latus esse videatur.

32. Quæ de causa pro mea consuetudine breviter sim-pliciterque dixi, judices, ea confido probata esse omnibus :quæ non fori neque judiciali consuetudine et de hominisingenio et communiter de ipsius studio locutus sum, ea,judices, a vobis ero esse in bonam partem accepta ; abeo qui judicium exercet, certo scio.

éclairée, et qu’il ait plutôt à se louer de votre bonté qu’à se plaindre de votrerigueur excessive.

32. J’ai la confiance, juges, que les simples et courtes preuves que, selonma coutume, j’ai tirées du fond même de la cause, ont été accueilliesfavorablement par vous tous. Quant à ce que,m’éloignant du langage et deshabitudes du barreau, j’ai dit du génie d’Archias et de la poésie en général,j’eère que vous l’avez pris en bonne part : je suis sûr du moins que lemagistrat qui préside à ces débats ne me refusera pas sa bienveillance.

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apud omnes,sic ut videaturesse potius levatusvestra humanitate,quam violatus acerbitate.

32. Judices, confidoea quæ dixide causabreviter simpliciterquepro mea consuetudine,esse probata omnibus :ero ea quæ locutus sumnon consuetudine forineque judicialiet de ingenio hominiset communiterde studio ipsius,esse acceptaa vobis, judices,in bonam partem ;scio certo,ab eo qui exercet judicium.

chez tous les hommes,de sorte qu’il paraisseêtre plutôt soulagépar votre bonté,que violenté par votre dureté.

32. Juges, j’ai-confianceces choses que j’ai ditessur la causebrièvement et simplementselon ma coutume,avoir été approuvées par tous :j’eère celles que j’ai ditesnon selon l’usage du barreauni des-tribunauxet sur le talent de l’homme (d’Archias)et généralementtouchant l’occupation de lui-même,avoir été prisespar vous, juges,en bonne part ;je sais certainement qu’elles le seront,par celui qui exerce le jugement.