40 «La santé sexuelle : quand la biologie se mêle à la ... · la biologie se mêle à la...

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«La santé sexuelle : quand la biologie se mêle à la culture, que faire pour l’optimiser ?» Par Catherine Picard, naturopathe-iridologue santé optimiser la santé sexuelle 40 ••• L a médecine traditionnelle chi- noise définit sept piliers de la santé : savoir manger savoir bouger savoir se reposer savoir faire l'amour être en harmonie avec la nature savoir maîtriser son esprit En Occident, de la théorie des hu- meurs jusque vers les années 1950, la sexualité est considérée comme une perte d'énergie. Hippocrate fondera les directives médicales pour gérer la stagnation et le trop-plein des liquides du corps dont le sperme. Au Moyen Âge, les médecins y ajoute- ront des conseils sur la maîtrise de l'éjaculation. Il existe une idée que la femme est insatiable et que le contact de la féminité dévirilise l'homme. Il existe dès l'Antiquité, une séparation entre les femmes qui génèrent la des- cendance et celle qui donnent du plai- sir. Ovide (43 av JC), dans L’art d’aimer amène la notion de faire la cour. Au XIIe siècle l'idée revient que toutes les femmes deviennent des parte- naires possibles, et faire la cour de- vient un but de la noble vie (courtisans). Les femmes qui assurent la descendance peuvent ainsi se mé- langer aux autres femmes. Elles ne sont plus écartées. Il devient même encore plus excitant de courtiser la femme d’un autre. Les religions font apparaître la notion de sexologie puritaine rejetant le plai- sir comme but et n'autorisant l'acte sexuel qu’à des fins de procréation. Pour le Dr Seved Ribbing, dans son livre L’hygiène sexuelle et ses conséquences morales publié en 1895, la femme idéale était alors «tellement pure de coeur que tout désir sexuel lui était inconnu». Sont consi- dérés alors comme troubles sexuels, tous actes qui empêchent ou entravent la fécondation. La notion de devoir conjugal est alors fortement implan- tée. Cependant, cette idéologie puri- taine côtoie les philosophies du bonheur, en particulier au XVIIIe siècle, où le plaisir devient primordial : le désir est considéré essence de l'homme. À partir de 1850 la médecine, dési- reuse d'établir une science sexuelle, voit ses médecins commencer à élabo- rer des théories. Les travaux de Masters et Johnson sur la physiologie des réactions sexuelles en 1966 ont un retentissement mon- dial. William Howell Masters, gynéco- logue, et Virginia Eschelman Johnson, psychologue, effectuent leurs pre- mières recherches en 1957 en obser- vant des centaines de couples d'individus. Ils étudient la physiologie de la réponse sexuelle et sont les pre- miers à proposer une forme de sexo- thérapie. La notion d'apprentissage sexuel devient alors un point impor- tant de la stratégie thérapeutique en sexologie. Virginia E. Johnson et William H. Masters (©Bettman/CORBIS)

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«La santé sexuelle : quandla biologie se mêle à laculture, que faire pourl’optimiser ?»

Par Catherine Picard, naturopathe-iridologue

santé optimiser la santé sexuelle40

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La médecine traditionnelle chi-noise définit sept piliers de lasanté :

savoir manger savoir bouger savoir se reposer savoir faire l'amour être en harmonie avec la nature savoir maîtriser son esprit

En Occident, de la théorie des hu-meurs jusque vers les années 1950, lasexualité est considérée comme uneperte d'énergie. Hippocrate fondera lesdirectives médicales pour gérer lastagnation et le trop-plein des liquidesdu corps dont le sperme. Au Moyen Âge, les médecins y ajoute-ront des conseils sur la maîtrise del'éjaculation. Il existe une idée que lafemme est insatiable et que le contactde la féminité dévirilise l'homme. Il existe dès l'Antiquité, une séparationentre les femmes qui génèrent la des-cendance et celle qui donnent du plai-sir. Ovide (43 av JC), dans L’art d’aimeramène la notion de faire la cour. Au XIIe siècle l'idée revient que toutes les femmes deviennent des parte-naires possibles, et faire la cour de-vient un but de la noble vie(courtisans). Les femmes qui assurentla descendance peuvent ainsi se mé-langer aux autres femmes. Elles nesont plus écartées. Il devient mêmeencore plus excitant de courtiser lafemme d’un autre.

Les religions font apparaître la notionde sexologie puritaine rejetant le plai-sir comme but et n'autorisant l'actesexuel qu’à des fins de procréation.Pour le Dr Seved Ribbing, dans sonlivre L’hygiène sexuelle et ses conséquencesmorales publié en 1895, la femme idéaleétait alors «tellement pure de coeur que toutdésir sexuel lui était inconnu». Sont consi-dérés alors comme troubles sexuels,tous actes qui empêchent ou entraventla fécondation. La notion de devoirconjugal est alors fortement implan-tée. Cependant, cette idéologie puri-taine côtoie les philosophies dubonheur, en particulier au XVIIIe siècle,où le plaisir devient primordial : ledésir est considéré essence del'homme.

À partir de 1850 la médecine, dési-reuse d'établir une science sexuelle,voit ses médecins commencer à élabo-rer des théories.Les travaux de Masters et Johnson surla physiologie des réactions sexuellesen 1966 ont un retentissement mon-dial. William Howell Masters, gynéco-logue, et Virginia Eschelman Johnson,psychologue, effectuent leurs pre-mières recherches en 1957 en obser-vant des centaines de couplesd'individus. Ils étudient la physiologiede la réponse sexuelle et sont les pre-miers à proposer une forme de sexo-thérapie. La notion d'apprentissagesexuel devient alors un point impor-tant de la stratégie thérapeutique ensexologie.

Virginia E. Johnson et William H. Masters (©Bettman/CORBIS)

Du choc biologique au choc des cul-turesL'évolution des comportementssexuels chez l'animal nous permetd'appréhender les différentes étapesqui ont conduit à l'évolution d'unesexualité au départ innée vers unesexualité beaucoup plus complexe in-tégrant des facteurs cognitifs, environ-nementaux et psycho émotionnels. Au fur et à mesure du développementdu cerveau, les réflexes et comporte-ments instinctifs diminuent et laissentplace à l'apprentissage des jeuxsexuels non liés à la reproduction.Chez le singe, la sexualité permet letissage de liens sociaux et de relationsà l'autre. Le plaisir est offert (épouil-lage). Selon les espèces, il existe diffé-rentes activités sexuelles non liées à lareproduction : la masturbation, acti-vité juvénile sexuelle, activité organegénitale, activité génito- génitale entredeux femelles, activité de groupe, lebaiser.Il existe donc une différence entre re-production et plaisir sexuel qui s'estréalisée avec l'évolution de l'espèce.La répétition des activités sexuelles

entraîne une stimulation et un déve-loppement des circuits neuronauxsexuels. Cette mémorisation dessignes comportementaux est un ap-prentissage. La motivation sexuelleest de plus en plus cognitive. Il estdonc nécessaire d'avoir un systèmed'apprentissage permettant d'activerau niveau cérébral le circuit de la ré-compense amenant au plaisir.Chez l'humain, tout est appris. Il existedes spécialistes du plaisir. La notionde jeu est essentielle pour l'homme.«L'homme a appris à jouer avec toutes sesfonctions pour en tirer un bénéfice : il joue avecl'alimentation, avec la boisson, avec la marche,et de très bonne heure, il a appris à jouer avecses fonctions sexuelles», Dr Pierre Janet,1931.Les premiers apprentissages s'effec-tuent avant six ans : l'homme naîtavant l'achèvement de sa maturationcérébrale et le cerveau poursuit sondéveloppement bien après la nais-sance. Il est nécessaire que l'enfantjoue avec son sexe pour que lesconnexions cérébrales se mettent enplace. Les circuits de l'orgasme nepeuvent s'activer que dans ces condi-

tions.L'adolescent doit connaître son corps.Il doit aussi savoir jouer avec son désir,apprendre à séduire et initier le jeu del'autre. Les apprentissages inadéquatssont essentiellement liés à descroyances, à l'éducation ou à despeurs, des traumatismes sexuels, unedysmorphophobies. Il est importantde se préparer à rencontrer l'autre, dese cultiver sur l'art amoureux : la lec-ture amène de nouveaux logiciels auniveau du cerveau.À l'âge adulte, la répétition de l'actesexuel entraîne une diminution desneuromédiateurs. Il va donc falloirtrouver de nouveaux stimuli, mais ilfaut se méfier des stimuli trop forts quiseraient difficiles à reproduire (film X,etc.) et pourraient entraîner des blo-cages et des complexes.

Notion de Santé SexuelleLa santé sexuelle est définie par l’OMScomme «l’intégration des aspects soma-tiques, effectifs, sociaux, intellectuels de lettressexuées de façon à parvenir à un enrichisse-ment de la personnalité humaine de la com-munication et de l'amour».

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La sexualité est un des piliers fonda-teurs du couple, au même titre quel'intimité intellectuelle spirituelle etsensuelle. Les mécanismes sexuelssont différents du savoir-faire amou-reux. Il existe une différence entrel'homme et la femme, il est très impor-tant de les reconnaître afin d'établir ourétablir un une bonne harmoniesexuelle dans le couple. L'homme est focalisé sur le résultat. Ilgénitalise énormément et croit que s'iln'a pas d'érection, il est en échec etinefficace. Pour l'homme, 95 % de lasexualité est génitale, ce qui est trèsdifférent de la femme chez qui la di-mension psychologique et sensuelleest prépondérante. Il existe égalementune différence de réponse sexuelleentre la femme et l'homme : l'hommea besoin d'une stimulation des zonesérectiles d'une à trois minutes pour at-teindre l'orgasme alors que chez lafemme, le temps moyen de stimula-tion clitoridienne est de 20 minutes.Les préliminaires sont donc très im-portants pour la femme et peuventprésenter un problème de virilité pourl'homme en lien avec son éducation.70 % des hommes ne savent pas cares-ser.Il est important également dans uncouple de trouver des codes de senso-rialité. L'homme est plutôt visuel et

peu auditif alors que la femme estmulti-sensorielle et beaucoup plussensible aux sons, au toucher, auxodeurs.Retrouver une santé sexuelle, c'est ac-cepter de changer son comportement.Il est important que le couple com-prenne la différence qui existe et l'im-portance de l'apprentissage de l'artamoureux. Cette complicité sexuellenaît essentiellement d'une bonnecommunication dans le couple etd’une bonne connaissance anato-mique et physiologique de la sexualitéde chacun.Chez la femme, il existe des variationsphysiologiques qui peuvent impliquerune adaptation du projet sexuel àcette morphologie. Il existe des varia-tions de la position du clitoris de 5 cmenviron, ce dernier pouvant changer deposition selon les postures. Les corpscaverneux peuvent se trouver éloignésdes bords du vagin et ne pas frottercontre la verge. Il existe donc des dif-férences importantes entre lesfemmes. Cette incompréhension pour-rait engendrer des problèmes deconfiance dans la capacité de l'hommeou de la femme à se donner mutuelle-ment du plaisir. Beaucoup de femmes se disent «fri-gides» car leur sexualité n’est pasadaptée à leur physionomie.

La phase d'excitation est une phaseextrêmement importante car elleconditionne le seuil de dopamine né-cessaire à cette dernière, ce seuil étantdifférent chez la femme et chezl'homme. Une préparation sensuellede 10 à 45 minutes est nécessaire à lafemme pour arriver à ce seuil. Durantcette phase, parallèlement à l'activitéhormonale, les ondes cérébrales sontégalement modifiées (voir schéma ci-dessus). Pendant la phase d'excitation sexuelle,les ondes alpha sont radicalement am-plifiées à la fois chez le donneur et lereceveur et d'autant plus si les sensa-tions sont parfaitement orchestrées etsynchrones. Lorsque le plaisir sexuel atteint sonapogée, le cerveau passe en ondethêta et induit un sommeil cérébralbref concomitant de l'onde orgas-mique, proche de l'état d'hypnose oude transe. Les effets combinés de l’orgasme, dela production accrue d’hormones etd'endorphines permettent de compa-rer l'acte sexuel à une véritable médi-tation érotique. Cette dernièreconstatation peut expliquer les nom-breuses publications visant à mettreen évidence la relation qui existe entrela santé sexuelle et l'équilibre santé ausens large.

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Homme et femme enlacés (tableau de Claire Gracq)

•••Bien connaître la sexualité devientla clé de l’art amoureuxLes Grecs de l'Antiquité étaientadeptes de rituels érotiques élaborés,considérés comme des activités spiri-tuelles. Un couple a besoin de varierses stimuli sexuels afin de s’offrir mu-tuellement du plaisir sensuel. Une cé-rémonie sexuelle permettant deprogresser crescendo, graduellementvers des sensations de plus en plus in-tenses, focalisée sur le plaisir, trans-porte le couple vers l'extase ou latranse érotique. L'art amoureuxconsiste en la capacité des amants àfaire monter progressivement la ten-sion sexuelle via des stimulations gé-nitales et extra génitales, alternant lessensations, coordonnant les gestesavec d'autres zones érogènes du corpspendant toute la durée de la séance.Ce voyage long et intense est suscep-tible de provoquer l'effet exaltant desendorphines ainsi que les bénéficesphysiques et émotionnels qui en dé-coulent.La vie trépidante que nous menonsentre travail, famille, activités socialesfont que l'acte amoureux se résumetrès souvent un acte génital trop brefpour atteindre cette plénitudesexuelle. Cette dernière ne peut s'ac-quérir qu’en étant dans l'instant, àl'écoute des réactions de son ou de sapartenaire, et dans la capacité des'abandonner pleinement, ceci néces-sitant une disponibilité psychique in-dispensable à ce lâcher prise. Notreéducation conduit souvent à suppri-mer ,contrôler, cacher des émotions ce

qui est représente un frein importantau lâcher prise nécessaire à l'onde or-gasmique.Un contexte ritualisé peut permettre,telle une méditation, une parenthèsedans le tumulte du quotidien, d'êtrepleinement dans l'ici et maintenant,disponible pour soi, mais égalementpour l'autre. Prévoir une séancesexuelle, c'est préparer le corps et l'es-prit au plaisir, les préparatifs stimulantdéjà l’excitation. Le lieu sera choisi ettransformé en véritable temple éro-tique où toute trace du quotidien seragommée et remplacée par des par-fums, des bougies, des diffuseursd’huiles essentielles aphrodisiaques,une luminosité particulière, des objetsérotiques et jouets sexuels parsemésçà et là. Créer une ambiance propiceau lâcher prise et à l'excitation en sti-mulant tous les sens : la vue, ouïe,l'odorat, le goût. Arrêter le cours dutemps un bref instant en s'accordantun moment d'intimité et une formida-ble rencontre avec l'autre. Prendre letemps d'explorer l'autre, être à l’écoute des signes témoins de son ex-citation de l'évolution de sa montée enpuissance vers l'extase. Cette écouteest particulièrement importante et dé-pend d’une véritable connaissance deces signaux anatomiques qui permet-tent l'adaptation des gestes, durythme, de l’intensité des sensationsafin de favoriser une synchronisation,summum de la complicité sexuelle né-cessaire au chemin conduisant à l'ex-tase.Pourtant, 35,1% des hommes et 39,5%

des femmes ont sollicité un médecinpour des problèmes sexuels. Les affec-tions les plus fréquentes concernentles troubles du désir, 40% chez lafemme ; les troubles de l'érection 19%et de l’éjaculation 37%, chez l'homme.Les difficultés pour atteindre l'or-gasme seraient de 11,4% chez les 18-24 ans et de 13,9 % chez les 60-69 ans.L’éjaculation précoce n'est pas liée àl’âge mais, en revanche, les troublesérectiles augmentent dans la tranche55-59 ans, ainsi que l'absence du désir,nettement augmenté dans les deuxsexes dans cette même tranche d'âge.La majorité des troubles sexuels sontl'expression d'un trouble de la person-nalité préexistant dans l'histoire de viede la personne, nécessitant une priseen charge psychologique appropriée.Cependant, 30% des troubles sexuelstrouvent leur réponse dans une meil-leure connaissance de l'art sexuel avecune résolution spontanée par un ap-prentissage d’une meilleure synchro-nisation sexuelle avec le ou lapartenaire.«La seule anomalie est l’incapacité d’aimer»,Anaïs Nin. n

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Sources :- «Manuel de sexologie», Patrice Lopèset François-Xavier Poudat, Éd. Masson- «La bible du boudoir - Guide du plaisirsans tabou», Betony Vernon., Éd. RobertLaffonLes sites Internet de Catherine Picard : http://www.catherine-picard.comhttp://www.naturo-form.com