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PAR I S

I:. GIRAUD e t 06

, Édi t e u r s1 8

, RUE DROUOT , 1 8

1 8 8 6

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D U M ÊM E A UTEUR

PO ! M ES FANTASQL‘ES . (M onn i er e t C e

,

Pour pa ra i tre pr0ck a z'

zwn z en t

CONTES POUR LES VIEUX EN FANTS . 1 vol.

LE SATYRE . 1 vol.

En pr ép a r a t i o n

LE CIEL, po é: i e s .

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LA LEGEND E DE LA T ERRE

A Augu s te V i tu .

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LA VIE ET L A M ORT

LA LEGEN D E DE LA TERRE

L orsqu e l e Créateur eut ébauché l’espace ,

L e gran d espace morne aux champs ill imi té s ,

I l pri t s ur s on épaule un e lour de besace

Où l ’on oyai t un brui t confus d’astres heur té s .

E t,plon gean t dans le sac s e s mai ns miraculeuses ,

Comme un semeur pensi f,à pas l en ts e t pareil s

Il parcourut l’é the r aux plaines fabuleuses ,

Ensemençan t l e vide énorme de s oleils .

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4 L A V IE E T L A M ORT

I l en j e ta,j e ta , par monceaux fantastiques ,

Par monceaux lumineux,par monceaux eñ

rayan ts ;

Et le s sillons du ciel fumèrent,extatiques

,

Sous le s pas du semeur aux gestes flamboyan ts .

Il en j e ta,j eta , de sa dextre éperdu e ,

L argement , en tous lieux , par grands j e ts b ien rythmés ;

Et les é to iles d’or fuiren t dans l ’étendue

Comme un essaim bruyan t d’ insectes e n fiammé s .

Allez ! allez ! disai t le grand semeur de mondes .

Allez,as tres germez dans le s s tepp es des cieux !

Peuplez les champs d ’azur de v os florai son s blondes,

Al lez,chantants ! allez , vermeil s ! allez , joyeuî !

All ez , sillonn ez l’air comme des nefs de flammes

Naviguez dans le bleu sous les prop ices ven ts

Avec tout ce qu’ i l groui lle en vous de corp s e t d ’

âme s,

Avec vos cargaisons farouches de vivan ts !

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L A VIE E T LA M ORT 5

Allez,b oule de feu

,dans la nui t misérable !

Et fai tes—y la j oi e ! E t fai tes—y le j ou r !

E t lancez j usqu’au fond de l’ i n commen surable

De s j e ts ver tigineux de lumière e t d ’amour !

E t que tou t sur vos flancs brille,exul te

,prospère !

Et que tout soi t conten t,soi t heureux

,soi t béni

,

E t clame A j amai s gloire au Créateur,au Père .

Au Semeur de soleil s qui p eupla l ’infini

E t les astres alors partirent , lourds de vie ,

T ourbill onnant aux p ieds du Créateur serein ,

Comme,en un désert p lat qu e jui lle t torréfie ,

D’

humble s grains de p oussi ère aux pieds d ’

un pèle ri n .

E t tous brillai en t , e t tous chantaient , e t; san s entraves ,

Gravi tan t sur leur axe inébranlable e t sûr ,

Avec leurs milliards de voix fière s e t graves

Poussaient un hosanna monstrueux dans 1’azur .

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6 L A V IE E T L A M ORT

E t tout é ta i t bonheur , j usti ce , beauté , force ;

Et chaque astre entendai t s e s ê tre s radi eux

Couvrir de chan ts d’amour sa maternell e écorce,

Et tous bénir l a vi e,e t tous bénir les ci eux !

Or,quan d”

i l eut vidé sa besace d’é toi les,

Quand de globes j oyeux tout le noir fut j onché,

L e Semeur vi t,au fond du sac

,en tre deux toil e s

,

Un tou t p e ti t morceau de solei l ébréché .

Et , dis trai t , sans savo ir quell e sphère inconnue

Tournoyai t incomplè te en l ’espace vermeil,

L e Créateur , d’un souffl e

,envoya dans la un e

Rouler ce tte parcelle infime de soleil .

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L A V IE ET LA M ORT

Puis,montant tout là—haut

, sur s on trône é carlate ,

Par dessus le broui llard de s mondes qu’ i l j e ta,

Comme un grand roi doré don t l ’œ i l fier s e dilate

En oyan t bruire au loin son peuple , i l é couta .

I l entendi t l ’ immense alleluia de s choses

I l en tendi t de s chœurs de globes florissan ts

En tonner , ép erdus , de s chants d’

apothéos e s

En lui noyant le s pieds de nuages d ’

e n cen s

Il vi t l ’é terni té palp i tante d ’

extas e s ,

I l vi t,dans une intense e t profonde clameur ,

L’

orgu e de l’univers hennir d ’

arden te s phrases

Pour fê ter à j amais l e tri omphal Semeur !

Mais soudain i l pâl i t . De cet te mer astrale

Une plain te montai t sourdemen t vers le s ci eux ,

Montai t,e

n flai t, croissai t , dominant de s on râl e

Toute l’ov ati on du firmament j oyeux .

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L A - V IE E I‘

L A M ORT

C ’ é tai t l ’atome obscur de la sphère ébréché e

C'

é ta i e n t le s ê tres v i l s re s té s sur ce débri s,

P leuran t l’Eto i le - M ère incessammen t cherchée

Et touj ou rs introu v able en ce coin de ciel gri s .

Et la plainte disai t Anathème ! An athème !

Nous sommes le s errants que l e malheur condui t ,

L e doulour eux troupeau des vivan ts au fron t blème

Créé s pour la lumière e t j eté s dans la nui t .

Nous sommes le s bannis,la cohor te exilée

L e s seuls ê tres ayant des larmes dans les yeux

Et,s i l ’ eau de la mer sur ce globe e s t salée

,

C‘

es t p eut- etre des pleurs versé s par nos aïeux .

Anathème ! Anathème au Semeur de lumière !

A Celui que le vaste univers applaudi t !

S ’ i l ne vient pas n ous ren dre à l’Éto i le première ,

Qu ’ il soi t maudi t , par tout maudit , sans fin maudi t !

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L A VIE ET LA M ORT

A lors Di eu se dressa sur son trône écarlate ,

E t,tendre , ému ,

pleurant comme nou s,i l baissa

S e s deux bras lumineux sur l ’ immensi té plate .

Et,de tou te sa voix de tonnerre , i l lança

Parcelle de soleil qui te nommes la Terre

L arves qu i gémissez sur el le Humani té ,

Chantez Je vous fai s don de la Mort salutaire

Qui vous ramènera dans l’As tre de clarté !

E t c’ es t p ourquoi,sup erbe , insensibl e aux désastres ,

L e Poète ,cré é pour les é toil es d

or

Dédaigneux de la terre , a les yeux sur les astres ,

Ve rs lesquel s il prendra bientô t son large essor .

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L A VIE E T L A M ORT

B A R B A R I E

L‘

Homme a dû commencer. Eh bien ! s’ i l commença

S i quelque grand miasme,une nui t, l e lai ssa

Sur la terre,aussi u n qu’un ver s ur un e pomme

,

Si quelque pourri ture en fermentation

Éb aucha tout - à coup,dans la création

,

Cet te larve i nutile e t non prévue un homme ;

13

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1 4 L A VIE E T L A M ORT

Quel espri t ténéb reux,quel démon

,quel bandit

,

Quel pervers a j amais haïssab le e t maudit,

En trou v ant cet te larve,a di t à sa trouvaill e

Animal , ne fais r ien comme les animaux :

Possédant tous les b iens , accable—toi de maux ,

Soi s ab surde mets—toi de s bot te s et travaill e !

Fai s de s énorm i té s co casses rase- toi !

Sors coiffé d'

un gibus comme une tour d ’un toi t !

Fais de la Poli ti que ou fai s de la Science !

Défends—tc i d ’emb rasser tout tendron qui te p lai t ,

Et,pouvant brouter l ’herbe au champ

,comme un mul e t

,

Mange ton foin dans un saladier en faïence !

Soi s le p lus idio t des ê tre s idi ots ;

Gave ta conscience e t prive tes boyaux

Soi s phi lo s0phe ,so is niai s

,soi s mariab le !

Imagine des roi s,des juges ou de s dieux ;

Soi s fourb e,abj ect , mesqui n ,

vil , i gnomini eux ,

Et,pour tout dire enfin

,civi li sé , que diable !

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16 L A V IE E T L A M ORT

Quoi ! l’Homme imagina cela tout seul,vraimen t ?

C ’es t de bon gré qu’ i l p asse impe r turhableme n t

Dans des cerceaux légaux,ainsi qu’un acrobate ‘

?

E t,pouvant vivre l ibre e t dans l’ i n acti on ,

I l endosse ce bât ci v i l i sat ion,

E t s’attache des tas de codes à la patte ?

C ’

es t b ien v ra i . j u s te s cieux ? . Oh ! bête s des massi fs !

)h ! sainte oisi v eté des grands l i ons p ensifs

Étirant au s ole i l leurs de s soup les e t calmes !

Oh ! vi e aven tur euse et fière des pampas,

Où l es ê tres vont seuls e t grave s , —à l en ts pas,

Sous l’ ombre sol ennelle e t mystique des palmes !

Féroci té sublime ! Ego rsme loyal !

T igres insoucieux ouvr an t d ’un cre e royal

Des ventres palp i tants e t gratu i ts de chamelles !

Existe nce de tou t ce qui vi t noblemen t

Et qui , hurlant d’amour s ous le cla ir firmament

,

Féconde sans merci des troupeaux de femelle s

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L A V IE E T L A M ORT 17

Homme s,Homme s ! pourquoi

,nous , tigres mal domp tés ,

Avons -nous ces ins tinc ts e t non ces liberté s ?

Oh ! qui nous a ravi l ’ indépendance al ti ère ?

Bonzes par nous revés Dieux,Bouddhas et

'

V i chn ou s,

Quel crime monstrueux e t sombre exp ions—nous ,

Pour ê tre seuls cap tifs , dans la nature enti ère ?

Ah ! gravi tez,solei ls ! envolez—vous

,oise aux !

A spirez,6 li e n s

,par vos larges naseaux

,

L’air l ibre des déserts sans loi s e t sans muraille s !

V ivez,

fi ers , amoureux ,fauves , indépendants ,

E t j e tez,en longs cri s de gloire

,aux cieux ardents

,

L’hymne de l iberté qui gonfle vos entrai l les !

L’

Homme mesquin vous voi t e t n e vous comprend pas ;

L’

Homme e s t un organisme incomple t i ci—bas ;

L’

Homme n ’es t pas encor mûr pour la Barbari e !…

Mais le Poè te auguste a le spleen devant vous ,E t pousse aussi , dans l

’ombre,en vers ivres e t tous

L e fier rugissemen t de sa sauvagerie

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C HEF D’

OEUVRE D E D I EU

A M adame Edmon d Adam .

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LA V IE E T L A M ORT “

2 1

LE C HE F D’

OEUVRE D E D I EU

Quand i l eut tou t créé ci eux clairs,o iseaux s i ffle u rs

,

Arbres chan tants , soleil s rieurs , dolentes ondes ,

Quand du bout de son doigt,i l eu t brodé les fleurs

,

Et du bout de s on pi ed donné l e branle aux mondes,

D ieu fi t l’Homme e t,voulant lui montrer l’univers

Pri t sa ché tive main dans sa main grandiose“

Pui s l’emme na,par les champs blonds , par les boi s ver ts ,

C omme un grand aïeu l doux menant un enfant rose .

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2 2 LA VIE ET LA M O RT

Or , lHomme vi t soudain , dans le matin j oyeux ,

Des roses au cal i ce é tincelant de gouttes .

Oh ! si chères au cœur ! Oh ! s i chères aux yeux

Qu ’on eût voulu mourir en les emb rassant toutes !

Oh ! comme c ’e s t j oli ! di t—i l, j oignant le s mai ns .

Et,tombant

a genoux,comme un enfant qui n

’o se ,

L’

Homme , pour s’

embaume r le long des noir s chemins ,

M i t ses doigts dans les fleurs e t cue il li t une rose .

Pu i s Dieu l’emm e n a l oin , parmi des monts géants ,

E t lui montra l a neige , à. l eurs p ics fantastiques .

Si blanche ! que l e s yeux se dila taient , b éan ts ,

Comme ivres de lumière e t de splendeu rs myst iques .

Oh ! comme c’ est j ol i ! di t l’Homme radieux .

E t,voyan t s ’

é croule r une grande avalanche ,

Pour s ’

égayer en route e t s e charmer le s yeux ,

I l pri t sur la montagne un peu de neige blanche .

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”4 LA V IE E T L A M ORT

Voulant qu ’ i l fût heu reux , voulan t qu’i l fû t j oyeux

,

Voulant qu ’ i l n ’eut p lus rien à dé sirer au monde ,

Qu’i l ne regre ttâ t p lus le s anges ni les cieux,

M ais qu ’ i l v écût v ibrant dans l’extas e profonde ,

Dieu pri t é toiles, neige e t rose en ses doigts saints ,

E t,rêvant un chef—d ’

œu vre avec cet amalgame ,

Fit de la ro se un front,de la neige deux seins ,

Des é toile s d eux yeux,e t du tout une Femme .

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REVE

A Em i le Gou deau .

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L A V I E E T LA M ORT 2 7

R E V E

Je sens . quoi donc Je sens comme un grand as tre chaud

Un astre quim’

aborde,un astre qu i m

’embrasse .

Et,sous lui

,j e me voi s deven ir large e t hau t

,

Et j’

e n fle comme un frui t qu e l e sol ei l harasse .

Je quoi donc ? Je sens , dans un vas te fri sson .

Qu e j’acquiers len tement de s ampleurs inconnues ;

Et que mon bras énorme enserre l’hori zon ;

E t que mon front vainqueur rayonne dans le s nues .

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28 L A V IE E T L A M ORT

Je quoi donc ? J e sens que mon corp s v éhément

Ab sorhe d ’autres corps en s a géante e n flur e ;

Que la terre de v i ent ma chair,e t

,vaguement

,

Que les arbre s des boi s forment ma chevelure !

Et que j e m ’

as s imi le,en passant des rochers ;

E t que mon cœur s ’

adj o i n t pour veines les riv i eres ;

Et que,plaine infinie où pointen t des clochers

,

Mon derme monstrueux s e fleuri t de bruyères !

E t qu e tous les condors , que tous le s alcyons ,

Dans mon cerveau qui chante,ouvrent leurs ai les gri ses !

E t que mon œi l absorbe au cie l tous les rayons !

E t que mon souffle absorbe en l ’air toute s l es bri ses !

Hosanna ! j e grandis ! l e tonnerre est ma voix ;

L’aurore

,mon espoir ; l

’ou ragan ,mon alarme ;

Et j e me ressouviens que j ’ai fai t autrefois

L e prin temps d ’un sourire e t la mer d’une larme

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LA V IE E T L A M ORT

Hosanna ! j e grandi s ! j e sui s un glob e ardent ;

Ma vie e s t fai te avec de s m i ll iards de vies,

Et,gigantesqu e e t lourd

,j e trône

,en regardant

Tour ner autour de mo i les lunes asservi es !

Hosanna ! j e grandis ! j e grandis ! e t j ’ai fai m !

E t j’

e nglou ti s des vols d’é toi le s minuscules :

Et j e deviens un corps immense , un corps sans fin ,

Un corps dont les sol ei ls forment les molé cules !

Et ma pensée altœre e s t un brasi er de feux ;

Et mon souffle e s t la loi qui fai t tourner les mondes ;

E t de mon fron t augus te , éblouissants cheveux ,

Partent pompeusemen t de s j ets d ’é toiles blondes !

Hosanna ! Hosanna ! j e suis grand e t béni !

Je sens en moi tout naî tre,e t mourir , e t renaî tre !

Je peuple tout l e ciel,j e peuple l’ infini !

Je suis Seul,j e sui s T out , j e sui s Di eu , j e suis l

’Ë tre !

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30 LA V IE ET L A M ORT

Mai s,soudain

,j e quoi ? dans l’ espace houleux

Deux mains de feu,deux mains larges

,plates

,immondes

,

Deux vastes mains pesant de leurs doigts fabuleux

Sur tou tmon co rps ,s ur toutmon c i e l,su r tousmesmondes !

Et j e oh ! Quoi donc ? Que mon ê tre s e fond,

Rapeti sse,décroî t sous le s deux mains de flamme

Et qu’à grands coups de poing ces deux mains —làme font

Rentrer de lourds monceaux d’ astres bri sé s dans l’ âme !

Et j e deviens pe ti t,de plus en plus pe ti t !

Et j e hurle,e t j e sens la paume impi toyabl e

Des mains qui me tri tur e e t qui s ’appe san ti t,

Pé tri ssant dans mon corp s l ’uni v ers effroyable !

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32 L A V IE ET L A M ORT

V a,chante les printemps ! Va

,célèbre le s ci eux

,

Tantô t j oyeux,tantô t plain tif

,tantô t farouche !

Et que l ’homme en oyan t ton verbe harmoni eux

Croie en tendre crouler des astres de ta bouche !

Que ton front resplendis se ain si qu ’un firmamen t !

Que ta paro le embaume ainsi que les verveines !

E t qu’ aux heures d ’amour ton grand cœur véhément

S’

e n flamme des solei ls charriés par te s veines !

Sou v iens —to i qu e tu fu s globe , zéphyr , rayon ,

Tout ce qui lui t,ce qui murmure , ce qui fleu re !

Sois l ’orgue émerveil lé de la Création

Où formidablement tout s ’extas i e ou pleure !

Et chante chante encor ! chante , chan te sans fin !

Chante , ayant de s concerts d ’é toiles dans la tê te !

E t de v iens immorte l,ô mon œuvre di v in

Univers en fermé dans un homme,ô Poète !

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LARM ES P IN

A A . Uz ès .

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L A V IE E T LA M ORT

L ES L A R M E S D U P I N

Quand i l“

e u t déchaîné s e s vents su r le s forêts ,

C omme un pâtre qui lâche un troupeau de gore ts

E t court après,sous sa capote ;

Quand il eut remisé,comme un rossard j aun i

,

Son solei l é cleppé de battre l’ infini

De s e s qùatre f e rs en compote‘

;

3 3

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36 L A V IE ET L A M ORT

O uan d i l eut di t Hiver , lève- to i ; c’ es t ton tour

Dieu se mi t un faux—nez,e t sortant de sa tour

,

De sa grande tour de porphyre ,

Il s'

e n al la sur terre , un bâton à la main ,

Pui s , fatigué , s’

as s i t sur le bord d ’un chemin,

S ous des arbres veufs de zephyre .

Un grand chêne j etai t ses feu i l les par tas b londs .

L ors Dieu lui di t Pourquoi,sous les fro ids aquilons

,

Jonches— tu le sol de feuillages ‘

?

L e chêne répondi t C'

es t que l e sol a fro id

Je le couv re C ’es t bien , fi t Dieu,j e te fais roi

De la forêt,to i qu i soulages .

Plus lo in , D i eu v rt un pin Pin,pour qui gardes—tu

T e s feui l les “? Pour moi seul j e veux rester vêtu,

Quand tout a froid , bruyère , ormoie .

Égoïste , c‘ es t bien fi t Di eu ; tu por teras

!”

ne p laie lo n flanc,pin

,tant que tu v i v ras .

De puis , le p in sa igne e t larmoie .

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I N P I

A Rodo lphe Da r z en s .

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40 L A V IE ET M A M ORT

Vi t des p laines a n en plus finir , chevaucha

Par monts . par vaux ,par l i eux ple ins de chose s sup erbes

Vi t ces cèdres géants qu’on nomme des brins d ’herbes

E t des canaux , e t des tun nel s . e t des ci tés,

Et des ponts au- dessus de gouttes d‘

eau j eté s

E t de s foules où l’u n contre l ’autre on trébuche .

E t des Paris entiers cons trui ts s u r une bûche ,

Pui s,plus lo in . tout a coup ,

en débouchant d ’un v al,

L'ocean l ’ océan dans un p i ed de cheval

O spectacle sublime Et l oin , p lus loin encore ,

Ces monts Himalaya le s cailloux,que dé core

,

Comme un bois de sapins,l a mousse aux rameaux noirs ;

Et,là-dessus , al ti ers , se voyaient des mano i rs

De pucerons,des forts aux lugubres si l ences ,

E t des créneaux par où de s taons montrai ent leurs lan c e s .

E t. tout en bas , é tai ent des quai s , des dock s groui l lants

Pleins de ce s gr ands tonneaux que l‘

on nomme les glands ,

E t , tout à l’horizon

,au pi ed de camomi l les

,

Ces longs chemins de fer qu ’on nomme les chenilles .

L ors , for t s’

extas i a dame Fourmi .

Holà

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L A V IE E T L A M ORT 4 1

Di t—elle a de s vieillards—fourmis qu ’ell e héla

Ce caillou,n ’e st- ce pas

,est b ien le bout dumonde

Et les vieil les fourmis lui dirent,a la ronde

N on , moi j’ai vu plus loin un mont dix fo i s p lu s grand !

Et moi j ’ai v u,le j our dernier , en parcourant

Un bout de planche , un pon t d’un e bien autre taille !

On l e nomme , en patoi s du pays brin”

de paille !

Moi , j’ai vu tant d ’endroi ts

,que mon front en pâl i t !

Moi,j ’ai v u ce géant des bois un pi ssenli t

Moi,ce t aérostat que l ’on nomme une p lume

Moi,j ’ai lu

,de mes yeux lu

,dans un grand volume

En feuill es de persi l , qu’on vi t passer , vers l

’ an

Cinq cent mille,un nuage e t si noir e t s i lent

,

Qu’i l fi t lanuit sur nous , dix ans , ainsi qu’

un dôme

Crapaud é tai t son nom , rapporte un astronome

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42 L A VIE E T L A M ORT

E t le chœur des v i ei llards , alors , se prosterna .

Dieu,que votre œuvre es t grand ! Hosanna ! hosanna

S'

é cri a la fourmi , le cœu r ple in de mystère .

Et . tremblante,e l le mi t ses six genoux

a terre .

O r . à ce tte heure . j eune en fant ou v ri t yeux .

Il vi t I‘

azu r,il v i t le so lei l rad i eux .

L e s gens , le s b ois , le grand chaos des cré atures ;De s être s verts , noirs , roux ,

des être s a s tature s

Géan tes , faisan t p eur au ciel , avec leur s bra s

De s hê tres e t des l i s , des l i ons e t des rats ,

Du grand e t du pe ti t ; de s montagnes al ti ères ,

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L A V IE E T L A M ORT

Ê tres bossus ayant pour veines des rivières ,

Et pou r ongles des rocs , e t p our poil s de s sapins

Il vi t de grands bonnets de neige aux fronts alp ins ;

L e s nuages mou ton s du ciel , a to i son blanche ;

L e s lacs baignoires où de s île s font l a planche ;

E t le s continen ts plats nénuphars monstrueux

E t la mer,cet te bê te aux flo ts tumul tueux

,

Secouant le s vais seaux qui tourmentent sa face

Comme un chien , la vermine obscure qui l’agace ;

Et le s volcans enfin, ce s vieux monts dégoûté s

Qui crachent nui t et j our vers les cieux éhonté s

Comme on crache en passant devant une sentine

Tout ce qu ’i l s ont de l ave amère en leur poi trine !

E t l’Homme , quand il vi t tout ceci . fri ssonna

Dieu,que votre œuvre e st grand Hosanna ! hosanna !

Cria—t—i l.

Et son front s e courba d epou v an te .

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4 4 L A V IE E T L A M ORT

Fourmis ! Hommes ! vivants d ’un j our ! fange mouvante !

Peut—être en ce moment , peut Et pourquoi pas ?

L a Terre , ce gran d être arrondi sous nos pas ,

L a T erre , ce géan t ob èse qui tournoie

E t qu’

a i n S 1 qu ’un tê tard e 1'

1glou t i par une oi e

Quelque autre être plusgrand boira sans doute un j our !

La Oh ! pour l’ i n s e cte habi tant un vautour,

L e vautour n ’es t—i lp as un monde qui gravi te

L a Terre,oiseau don t l ’homme es t l e vi l parasi te ;

L a T erre , qui par fois , qu andnous rongeons tr0p fort ,

T el un bœu f sous la mouche abj ecte qui le mord

Donne a sa peau ce cour t fri sson involontaire

Que nous appelons . nous,un tremblement de terre

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LA V IE E T L A M ORT 4 Ç_\t

L a Terre , ce tt e bê te au derme cultivé

Dont nous nommons volcan un furoncle creve

Cette T erre,pou r qui le s rondes efi”rén é e s

Qu’ el le fai t,depuis mille e t mill e e t mil le années

,

Avec ses sœurs V énus , Mars , Vul cain ,Jupi ter

E t le s as tres- dondons qu i rôdent dans l’

é the r

Autour du Ro i —Soleil , ce protecteur i llustre ,

Son tj eux d’enfants valsan t une heure au tour d ’un lustre :

L a Terre , dis—j e , v i t , en ou v rant se s grands yeux ,

Cent mille autres soleil s trônant au fon d des ci eux ,

Et pui s cent mille encore e t puis cent mille encore !

Menus comme des grains qu ’une pou l e p icore,

Oh ! des sole ils partout ! des so lei ls ! des so leil s

De grands entassement s de grands monde s vermei l s

Se touchant,s’

at tachan t,s e confondant ensemble !

Oh tant,tant de solei ls , v oyez—vous , qu

’on en tremble

E t qu’on ferme le s v eux . e t qu ’on a peur de v oir

Dieu . qui t iens ces troup eaux d ’ as tres sous ton pouvoi r

Que tu doi s ê tre grand ( l i t la T erre oppressé e .

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46 L A V IE ET LA M ORT

Et peut

Oh ! tenez , ôte z-moi la p ensée !

O tez—moi la p ensé e , ou bien j e de v i ens fou !…

Ce s solei ls ce s soleil s v enant on n e sai t d ’

où,

Tous ce s ta s de so leils p euvent n ’être,v ous di s—j e ,

Que des gouttes de lai t,que que lque Ê tre—prodige

Cent mill e fois p lus grand encor , d’un doig t luron

,

Fi t j aill ir par mégarde en pressant un sein rond !

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LA V IE E T LA M ORT

B O H É M I EN N

Dont l ’œ i l a de s clarté s suaves

Et la gorge , de s tons roussâ tre s d’ama ou ?

N’

a imcz =vou s poin t su rtou t leurs 10ques mi r i fiqu e s ,

49

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50 L A V IE E T L A M ORT

J ’en v i s une , un matin de froidure mortelle

E l le é tai t mendiante,el le avai t de s yeux creux

Elle a v ai t hui t, e n neuf, ou dix ans , croyai t—elle

On n ’aime pas comp ter quand on est malheureux .

E l le pleurait . De faim De fro id '2 L a mendiante

N’

é tai t pas cur ieuse e t p eu s’

e n tracassai t .

Et près d ’elle,l a foule allai t

,venai t

,bruyante

,

Sans amertum e au cœur e t sans trouble au gousse t .

O n lui j e ta deux sous . Elle sour i t,heureuse .

Décidément,c ’é tai t de faim Elle ache ta

Un pain tout frai s,tout chaud

,à croûte savoureuse

,

Un pain qu i dans ses doigts engourdi s craqueta .

C ’é tai t au Luxembour g . Toutes le s promenades

Eta i e n t blanches de neige . Au lointain , des buissons ,

V agues pâtés,avaient de vagues cassonades

Dont la b ise en soufflant mâchonnai t des tronce ns .

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L A V IE E T L A M ORT

L’enfant entra

,j oyeuse . Avec ses mains rougeaudes

Elle vou lut casse r sa croûte or,i l advint

Qu ’elle lai ssa tomber deux miet tes toutes chaudes ,

Et qu ’un moineau , puis deux ,puis trois

,puis dix , puis vingt

Puis cent , puis tout le tas des pillards redoutables

Arrivèrent,traînan t de l ’aile

,z ézayan t

,

Ouvrant des yeux navré s et des becs lamentab les

En braillan t des po lar confus de mendiant .

Oh ! l es pauv re ts Cuic cuic — Oyez , le s bonne âme s !

Cui c,cui c nous sommes , nous , l es vic times de s vents !

Nous sommes marié s cuic ! cuic ! e t nous laissâmes

Au md nous ne sa v ons p lus trop combien d ’enfants

Oh ! le s pauvrets Autou r de la bohémienne ,

Ainsi douille ts,frileux ,

i ls marmot taien t en chœur

Je ne sai s qu elle é trange e t plain ti v e an tienne

Qui vous troub lai t l’oreill e e t vous sonnai t au cœur !

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se LA VIE ET L A M ORT

Et l enfant leur donna des miet te s : Vo i là,frères !

Oh ! comme on se j etai t dessus ! Comme on bâfrai t

En allongeant le co l Oh ! l es doux téméraire s

Qui prenaient dans les doigts le pain qu’on leur offrai t !

V oilà . frères C e tai t s i doux si b eau si tendre

A voir ce s nourrissons vous en touran t ainsi

E t pui s c ’es t s i genti l e t c ’e s t si bon d ’en tendre

Quelqu’un même un oiseau— v ous dire Cui c ! ! Merci !

I l en venait d un .p eu partout de s gros , de s frêle s

D e s noirs , des gri s , des roux ,oh ! l es chers dé trousseurs

Certains avaient de s tou s humbl es de tour terelles

D'

autres , des tons cassants e t fi ers de régisseurs

Frou frou frou ! chaque miet te en at tirai t des bandes,

Du Sud . du Nord , d’

Alge r ou de Saint—Pé tcr sbourg

Cuic bonj our ! cuic :holà ! donnez- nous nos préhen de s ,

Nous a v ons droi t au pain qu’ onmange au Lux embour g !

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LA V I E E T L A M ORT 5 3

E t la bohémienne aux j upons écarlates,

Au foulard j aune , aux chairs hâves , aux yeux v i treux ,

Et dont l e froid faisai t saigner le s omoplates

Et dont la faim fai s a i t'

cr i e r l ’estomac creux ,

Je ta,j e ta son pain

,tout son bon pain , par mie ttes

Voilà. mangez,pierro ts que l ’hiver harcela

Mangez,les gueux de l ’air ! mangez

,l es p iqu e—assi e t tes

E t les bohémiens du ciel mangez , v o i là !

Elle les regardai t,émue e t radi euse

,

N ’ayant plus faim plus froid,oh ! non ! certain emen t

Et trè s—fin e,très—drue e t trè s—silencieuse

,

L a blanche neige oua tai t la terre,I€D t€III C II t .

Ell e tombai t tombai t,de l ’espace l ivide

E lle tombai t,tombait

,comme si

,b lancs e t de ux

,

Tous les an ges du c ie l é tai ent morts dans le vide

En j e tant le duve t de leurs ail es sur nous .

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5 5 L A V IE E T L A M ORT

E t soudain les oiseaux partirent . Adi eu , frères ! !

Le pain é tai t fini . L'

enfant j e ta le s yeux

Au loin rien ! enhaut ri en F ro id s,ma ts .gr i s , cinéraires ,

L e s cieux font mal a voir , celà n’es t plus les cieux.

Et la bohémienne,a101s eut de s

Elle vi t , v ag uement , du sole il , de s pains frai s ,

Des ami s , des oi seaux entre de j eunes tiges

Et de nouveaux avril s sur de neu v es

E l le voulut marcher mais s e s j ambes raidies

Flé ch ircn t elle chut . iner te au premier pas .

Et la neige boucha ses orbites

Un moineau v in t , mais i l ne la regarda pas .

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L A V IE ET L A M ORT “

LA VENGEAN C E D E L’

HO M M E

Pouvoir all er là—haut,comme un chasseur farouche

Oh pouvoir braconner au fond de ce ci el l ouche

Comme on braconne au fond d ’un bois

E t , caché sous un as tre ainsi que sous un orme ,

Faire , oh ! faire là-haut quelque battue énorme

De divini tés aux aboi s

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58 LA V IE ET LA M O RT

Pouvoir escalader l’e n tas s eme n t des mondes

En posant mes deux pieds sur les sole i ls immondes ,

Comme sur de s marches d ’égoût

E t , si j e trouvais Dieu dans un fond de crevasse ,

V omir,oh lui vomir mes poumons a la face

Dans un long hoquet de dégoût

E t lui vomi r ma v i e e t s i l fuyai t,l’

i n fâme

Enfourcher qu elque de s de comète de flamme ,

Et galoper éperdument ,

Jusqu ’à ce que ce Dieu se heurtât a quelque as tre,

Ou se broyât l e fron t contre quelque pilastr e

Gigantesque du firmamen t

Dieu ! Dieu ! perfide Dieu ! V oi s— tu ce s mers bavanŒs‘?

Sais—tu pour quoi leurs flo ts héris sé s d’

épo uvan te s

S’

épui s en t en bonds furi eux

Sais- tu pourquoi ce s pics aux béantes en tai lle s

Haussent ob s ti n éme n t le ur s formidable s tailles ,

Comme pour souflle te r l es ci eux

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L A V IE ET L A M O RT 59

Sai s - tu pourquoi l ’é clair balat‘

re le s nuées

Sais—tu pourquo i la trombe aux sinistres nuée s

Cogne contre le ciel,la nui t

Sai s—tu pourquo i l ’on vo i t,dans l ’apre é ther san s bo rn e

S’

e s s ou ffle r , à courir , de s meutes d’astre s mo rn c s

Traquant on ne sai t quo i qu i fui t

Ah ! c ’es t que tout cela ,tout ce la , Dieu féroce

L’

eclair,le flo t

,l e p ic

,l ’as tre

,la trombe atroce ,

Entends—tu,monstre ? oui

,tout cela

Implacable,acharné

,terrible , fou , sauvage ,

Partout,avec furie

,ave c haine , ave c rage ,

T e cherche,ô toi qu ’on nomme Al lah

Oh ! s i no u s te trouvions pour tan t ! horrible j oi e

Oh ! s i ce grand forçat de soleil , qui rougeo ie

Etern e lleme n t dans le s ci eux ,

Et si tous ce s troupeaux râlants de sphères rouges

Sava ie nt o i i s on t , là—haut , les tani ères , le s bouges ,

L e s au tr e s , le s chenils adieux

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60 L A V IE ET L A M ORT

Oh ! sai sir Dieu lui dire : Ah c es t ton tour,san s doute !

Vi ens, pâle humanité , v i ens , grondan te ! viens , toute !

L e j our de la vengeance a lui

Debout ! tou t ce qui gein t ! Debout ! tout ce qui souffre !

Debout ! t ous les volcans au gosier plein de soufre !

Crachez,crachez , crachez sur lui !

Déchi què te—le trombe e t bave sur lui

,vague

E t hache-le , farouche é cla i r z v erme i lle dague !

Et fends—le,pic sinistre épieu !

E t ruez—vous dessus,astres ! e t qu ’on le broi e

E t qu e tout l’univers vienne fai re sa proie

De cette carcasse de Dieu !

Et moi,moi l’Homme ,

alor s ,j e lui di rais : Dieu traî tre !

Ah tu m ’as mis au monde ah tu m ’as donné l ’être '7

Eh b i en ! à ton tour , Jehov a !

Épargnez—le ,sol e ils j ’ai trouvé ma vengeance !

E l le es t terrib le . Oyez D i eu trè s—haut,Providence ,

Néant !… e te fai s homme Va

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J E UX D A N T S

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L A V IE E T L A M ORT

Oh ! l e beau rayon n e t ! Et v os doigts ingénus ,

Avec un mouvement si drô le,ô Dieu ! si drôle

Tapen t le grand mur noir par p e ti ts coups menus

Pour prendre le rayon merveilleux qui le frôle .

Chimères ! 0rayons ! l ’on ne vous saisi t p oint .

Et vous alors,mon fi l s

,navré

,rempli d ’alarmes

,

V ov an t qu’on ne p eu t prendre un rayon dans le poing,

Vous pli s s ez votre bouche e t vous fondez en larmes !

0 mon tout petit fi ls , ne pleurez pas ainsi !

Oh ! non ! Je pleurerai s comme vous,moi

,po è te

M o i qui passe mes j our s a vouloir prendre aussi

L e s ra v e ns de s ole il qui tra v ersent ma tête !

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L A V IE ET LA M ORT 67

L A R O S E

Jadi s sous quel grand roi ? point ne l ’ai re tenu .

En quel siècle ? l ’auteur ne le sai t davan tage,

Vivait , en quelque endroi t qu e j e n’ai p oin t connu

,

Un tendron fort j oli,for t pauvre t e t for t sage .

Son tein t ? Ne sai s . Sans doute un beau teint é clatant .

Son n om? Ne sai s . Sans dou te Albine , Luce ou Flore .

Mai s ce que j e s ai s bien,c’es t qu ’elle embaumai t tant ,

Oh ! tant, qu

à son entour les fleurs n ’

o sa i e n t é clore .

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68 LA V IE ET LA M ORT

Mais ce que j e sai s b ien ,c ’est qu ’elle éblouissai t

E t que,p our la créer , n

’ayant d ’autre amalgame

Dieu dut fondre un soleil dans son large creuse t

E t le couler,splendide

,en un moule de femme .

E t pui s j e sai s encor les choses que voi ci

Qu ’un j our le Ro i passant au milieu d ’une escor te

E ll e le vi t ; l’aima

, qu o i qu’

humble e t pauvre a insi

O n e lui ne l ’aima poin t,las ! e t qu ’elle en es t morte .

O r,longtemps

,très—longtemps aprè s

,sur son tombeau

,

Au milieu de l ’ortie e t de la mandragore,

O n v i t surgir du sol , comme un divin flambeau .

Une fleur qui s emblait fai te avec de l ’aurore

Une fleur merveil leuse a royale couleur

Pleine d ’é cla ts de j oue e t de lueu rs é tranges ;

Une grande,une bel le , une suave fleur

Une fleur qui semblai t une vague chair d ’anges !

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L A V IE ET L A M ORT 69

Et ce tte fleur,

. u n soir,di t aux fleurs d ’

ale n tou r

F leurs,ê tes—vous les fleurs sur le Ro i mort germées ?

Et les fleurs dirent Non ! Et toutes à leur tour

Saluèrent leur sœur aux n uances aimées .

C ’é tai t un soir très—doux où tout s eme rv e i llai t,

Où des insec tes d ’or bourdonnaient sur des menthe

Où la rosée au fond des cal ice s brillai t

Comme des pleurs d ’amour en des yeux clairs d ’

aman te s .

Oh ! la F leur palp i ta sous l e tiède solei l

Avec des gon flemen ts de vieux cœur qui se brise

Puis, s

e n v olan t du sol comme un oiseau vermei l ,

S ’en alla,hale tante e t rouge , dans la bri se .

Elle vola,vola

,sur le s gazons fleuri s .

Elle vi t un li s pâle a corolle neigeuse

L i s,n ’est—ce poin t sur feu le Ro i que tu t

ouv r i s‘

?

— Non ! répondi t l e li s a la fleur voyageuse .

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70 L A V IE ET L A M ORT

Ell e vola sur de s cyprè s,sur des bouleaux

Ell e vi t un œ i lle t a corolle é clatante

Œ i lle t,e s—tu l’œ i lle t sur mon amant é clos ?

Non ! répondi t l’œ i lle t a la fleur palp i tan te .

E l le vo la,touj ours

,infa tigab lement ,

V i t des fleurs de tou t genre e t de toute contré e

Fleurs,avez—vous fleur i su r le Ro i mon amant ?

Et les fleurs diren t Non ! a l a fleur éplorée .

Alors . lasse e t flé tr i e , el le se lai ssa choir .

L’

O cc i de n t é tai t rouge , e t , par vagues cohortes ,

Si lencieusemen t , dans la sp lendeur du soir ,ï ’

e n v olai e n t vers les cieux des âmes de fleurs morte s .

E t la grande Fleur d i t Partez,ô mes parfum s !

Partez,peuplez l ’espace harmonieux d

arôme s !

Métamorphosez—vous,ô mes espri t s défun ts

Fleurs , rede venez fleurs ! a tomes , des a tôme s !

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72 LA V IE E T L A M ORT

Mais l e j our é tai t mort . R ien ne remuai t p lus .

L e ci el morne é tei gnai t s e s rougeurs de cratère

E t la Fleur expiran te aux pé tales p erclus

Ne put j oindre l’Epi n e e t res ta sur la terre .

Alors,superbement

,D ieu qu i , s ilenci eux ,

Allumai t au zéni th le s é toiles serein es ,

Dans un nuage d ’or s e laissa choir des cieux,

E t ramassa la Fleur dans ses mains souveraines .

Puis , la p osant , émue , entre le s dards'

charmé s .

Gravement,d’une vo ix formidable e t très—douce

Comme un long hurlement de simouns e n flammé s

Et comm e une chanson de rui sseaux dans la mousse

Dieu di t : F l eur sainte Fleur , aimante F leur , re v i s !

Rev i s su r ton amant , revi s sur ses épin es !

Greffe - toi sur son ê tre , e t , sous mes yeux ravis ,

Fais éclore ta j o ie en florai son s div ines !

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L A V IE ET L A M ORT 73

Soi s l’ofgu e i l des jardins , la parure des b ois ,

Que , devant toi , le s fleurs pâl i ssent,é clip sées ;

E t que le s amoureux t e prennent dans leurs doigts ,

Quand il s n ’

o s eron t plus se dire leurs pensée s !

Que tous mes pap il lons te fassent des rondeaux !

Que tous mes ross ignols t e consacrent leurs lyres !

Que ce qui brille ou chante au ciel ou sur les eaux

Que mes aub es , q ue mes printemps , que mes z éphv re s ,

Que mon solei l j oyeux,que mon azur aimant

T e fassent en ce monde une incessante fê te,

Et que ta vue,ô F leur , fasse éternellem e n t

Rêver la j eun e fi ll e e t chan ter le poè t e !

I l di t ; e t vers les ci eux ,superbe , i l s

en v ola ,

En cribl an t d ’astres d’or le firmament morose .

E t l’Homme,s’

év e i llan t après cet te nui t la,

Sur l e premier Rosi er , v i t la première Rose .

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LO I D E N A T U R E

A F é lix Ga bor iau .

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LA VIE ET L A M ORT

L O I D E N A T U R E

L’

Homme un j our regarda dans une gout te d ’eau .

Un vague ê tre y vaguai t sur un vague radeau .

Peti t ê tre , comment vis—tu ?

Lu i

J e dévore

Des ê tres plus peti ts e t plus vagues encore .

L’

Homme j e ta le s yeux alors sur un fétu .

Il vi t une fourmi Fourmi , comment vis— tu !

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Îè LA V IE ET L A M ORT

L a fou rmi répondi t En tuant des insectes .

Un frelon v o le tai t prè s des fourmis abj e cte s .

O frelon bourdonnant sur les br in s d ’herbe amis

Commen t v i s—tu di t l’Homme . En tuant des fourmis

Sur un coin p oussi éreux de poutrelle fragile ,

Tri co tai t dextreme n t une araignée agile .

Et toi . comment v i s-tu ? Je mange des frelons .

E t vous,oiseaux du cie l chantant dans l es so irs blonds?

Nous mangeons des frelons ou bien des araignées .

Et vous , bê tes de s boi s de s oiseaux épargnée s ?

Nous mangeons de s oiseaux .

Et vou s , hommes " Au choix,

Nous mangeons de s oi seaux ou des bê te s des boi s .

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80 L A V IE ET LA M ORT

L e monde ce charnier é ternel e t puant

Ou tout s ’

e n tre - dém re e t ne v i t qu’ en tuant ?

Souda in . i l trébuche . Qu ’est—cc ?Un paquet ! çapleure !

t n enfan t ! Un peti t enfant dont la chair fleu re !

Et dont vaguent les yeux,e t dont tremblent le s mains ;

Un tout p eti t enfant laissé sur le s chemins .

Jé s us ! Ab andonner si frêle créatur e !…

L’

Homme considéra ce tte progéni tur e

Et s ongea . l es deux bras croi sé s , le fron t hagard .

Un ra v on de fol i e étoi lai t s on regard .

Un être , un fu tur homme , un rival pour tou t d i re

De s enn emis de l ’homme , hé las ! l ’homme est l e p ire !

Un enfant qui bo i ra,

mangera , j oui ra ,

E t de sa portion,plus tard , diminuera

L e gâteau su r l equel l ’humanité s e rue

Un promeneur, là—bas , déboucha d’une rue .

A s s i s près de l ’enfant . l’

Homme touj ours rêvai t .

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L A V I E ET LA M ORT 8 1

Un enfant de di x mois ou d’

un an ; i l avai t

L e s yeux très doux , le fron t trè s blan c , l e s mains trè s roses

Et parfoi s i l di sai t Ma—man à toute s choses ,

Ou bien montrai t,au ciel

,de son doigt p otel é .

La lun e toute ronde ainsi qu ’un se in gon flé !

L’

Homme,l ’œ i l flamboyant

,regarda it . impassible .

Hola! cria de loin le promeneur paisib le,

Huan t le Fou songeur et lui mon trant l e p oing

Hol ‘a,mons tre ! Comment . vous ne secourez poin t

Vous , homme , cet t e pauvr e et faible créa ttu e ?

Vous n ’

en te n de z donc ri en aux l oi s de la Nature

La Nature ?… oh ! par don ! di t. l’Homme en se l evant .

Et,de son large p ied

,i l écras a l ’en—faut .

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M O RC EA UX DU PARAD I S

A J . P ar lo r s ky

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L A V IE E T LA M ORT

LES M O RC EAUX DU PA RAD I S

Un j our s 1 1 en cro ire un conte de j adis

L e bon Dieu fi t let—haut l ’é cole buissonnière .

Et,j oyeux

,s ’en alla dans son beau paradi s ,

En posant sur le s fleurs s e s ort e i ls de lumière .

I l vi t les boi s sacré s odorants de j asmi n s

I l vi t le s grot te s d’ or chantantes de z éphyr e s .

Il vi t , dans l’

é ther bleu,des vols de blanches mains

T ouchant de toutes parts d ’

harmon i e us és lyres .

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86 L A V IE ET L A M ORT

Il v i t les diamants du gazon luxueux,

Il v i t les frui ts doré s sur chargeant la ramure ,

Il vi t l’ e n tas s eme n t énorme e t fas tueux

De ce qui lui t,et fleur e , e t gazoui l le . e t murmure .

M ais soudai n Dieu frémit . Dans cet enchantement.

De gro ttes et de tours,de lacs e t de feui l lées

,

Pas une âme Saint Pierre errai t seul,tris temen t

,

A v ec son lourd trousseau de v i ei l les clé s rouil lées .

Sain t Pi e rre , bon saint Pierre . où donc sont mes élu s “?

Respec tueusement,l e saint pri t la parole

Vous ne savez donc pas,Seigneur ? Il n ’ en v i cn t plu s !

Dit— il,en chiffonnant son ant i que auréole .

J ’ ai beau parer mon seuil de v os anges chantants,

Et rehaus s er mon huis de s ov e u s e s crép ines,

L e chemin es t tr0p rude et bon pour l ’ancien temps

On ne sai t p lus mon ter par des sentiers d ’

ép in e s .

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L A M O U R

A Ca tu llc M e n dès .

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L A VIE ET L A M O RT 9 1

L’

A M O U R

Dans la groui llante ampleur de l ‘ espace av e u glant .

Dans les clarté s,dans le s splendeurs ,

dans le s cantiques

Novice et blond . j oyeux e t sain ,ry thmique e t l e n t .

L e globe al lai t parmi l es globes exta tiques .

I l tournai t dans l ’azur caressan t e t moelleux ,

I l tournai t,recouvert de j oi e e t d ’

hymén é e s ;

Et les printemps passaien t comme des regards bleu

Dans la ronde dansan te e t folle de s années .

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92 L A V IE E T L A M ORT

Ses monts neigeux faisaient à Dieu des saluts blancs ,

Ses bois offraient au ciel les senteurs de leur flore ,

Ses mers chantaient,son s ol vibrai t

,et , s ur s e s flancs

,

Dernier fils du sol ei l , l’Homme v enai t d ’é clore .

Depuis ce j our v ingt fois,l e globe radi eux

Avait vu reverdir les arbres sur sa croû te ,

L orsque,vierge

,puissan t . l e front droi t sous les ci eux

L’

Homme trouva soudain la Femme sur sa rou te .

C ’é tai t un midi fauve où la biche bramait,

Où la brise semblai t chuchoter des parole s,

Où, sur la plaine ardent e e t rousse qui fumai t ,

Des rayons de soleil v i olaient de‘ s corolle s .

Et l’Homme di t al ors plein de vagues effro is,

Femme , femme , qu a s—tu dans tes regar ds de flamme ?

Oh mo i , lorsque t es v eux me regarden t , j e cro i s

Sen tir tous l es printemp s qu i me réchauffent l’âme !

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L A V I E E T L A M ORT 93

I l serra dans sa main ses doigts éblouissants

F emme,femm e

,qu ’as- tu dans ta chair qui fascine ?

Oh ! moi,lorsque tes doigts m ’

e ffleur e n t,oh ! j e sens

,

Je sens toutes le s fleurs é clore en ma poi trine !

Elle laissa sur lui flotter s e s c he v eux‘

longs

Femme,femme

,qu ’as— tu ‘

? Quand le ven t t ’éche v èle ,

Oh moi,vois—tu

,j e sens

,sous tes grands cheveux blonds ,

Je sens tous le s vol cans s ’ouvrir dans ma cervelle

A lors,i l 1 e tre ign i t dans se s deux bras puissants

F emme,femme qu ’as— tu ‘

? T e s deux seins de lum1 ere

Me font heureux,heureux a ce point que j e sens

Toutes le s mers j aillir en pleur s sous ma paupière !

Et le s fleurs s ’e n trouv rai e n t , e t l e s ol se fendai t ,

E t les oi seaux râlaien t sous les boi s proxénète s,

E t le soleil lub rique et monstrueux ardai t,

Comme un taureau de feu poursu ivant le s planè tes .

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94 LA V IE E T L A M ORT

O toi , toutes mes fleurs , Ô toi , tous mes printemps !

Di t l’Homme , serre-moi dans te s bras , car j’

é clate !

E t j e sens tout a coup , par grands troupeaux chantants ,

Des é toi les j ai l l ir en mon cœur écarlate .

Et la Femm e lu i di t O toi , tou tes mes fleurs ,

0 toi , tous mes printemps , Homme en qu i j e me fie ,

Serre-moi dans te s bras , boi s mon souffle e t mes pleurs ,

Prends,si tu p eux , mon âme ; et , s i tu veux , ma vie !

Et tou s deux , hésitants , éperdus , anxi eux ,

Palpi tan æ de dés ir , envahi s de mys tèr e ,

Regardèrent , là—haut , large et nu dans le s cieux ,

L e solei l tri omphal hale ter sur l a terre .

I l s e tala i t . vainqueur , sur se s lour ds mamelons

I l s ’é tala i t,l’

o ignan t de caresses pâman te s ,

I l s ’é talai t,viril , dardan t de grands j e ts blonds

A travers les poils roux de ses forê ts fumanæ s !

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96 L A V IE ET L A M ORT

Ou bien échanger l’âme , e t par tir auj ourd ’hui,

Aigles j umeaux , vers l’ap re é ther , à tire d

’ai le !

M o i,la Femme . penser par le cerveau de lui ;

Moi,l’

Homme,regarder par les grands yeux bleus d ’elle !

Ou bien grandir,grandir harmonieusemen t ,

Et planer,les deux seuls

,dans l e vide sans borne ,

Pui s , sous le choc divin de no tre embrassemen t ,

Crouler en Spheres d ’or dans l ’ immensi té morne !

Ou b ien encore,ou bien… Non ! nous devenons fous !

Brise,lumi ère ,

odeurs,plantes

,animaux

,t e rre

,

Soleil , 6 bon soleil, ayez p i ti é de nous ,

E t dessillez n os yeux que voil e le M ys tère !

Alors , di vinement , tout tressail li t en eux .

Et , de s flots , des rochers , des pelouses , de s branches ,Ils crur ent v oir soudain

,par grands vol s lumineux

,

Eclore vaguement des mains ti èdes e t blanches .

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L A V IE ET L A M ORT 97

Et ce s mai ns les poussan t tou s deux vers des roseaux ,

I ls partirent,choyés par l es rayons solaires ;

Et sur leurs fronts émus hoquetai en t les oiseaux ,

Et sous leurs p ieds tremblants pleuraient le s source s clai res .

Et d ’autres mains,là.—bas , chassèrent le sol e il ;

E t d ’autres main s,sur l ’herbe

,e ñeu i fl éren t des roses .

Et des voix,s ’élevan t dan s l ’espace verme i l ,

Semblèrent di re à Dieu l’allégr e s s e des chos es .

Et l ’occident rougit . E t , d’un l is

,arriva

Une main qui guida le s lèvres vers l’Aimée ;Et , d

un pied de j asmin , un doigt blanc s’

ele v a

Qui ferma les deux yeux de la F emme alarmée .

E t tout se tut , se tu t , sous les bois , en tous lieux .

Un tronc fi t choir la Femme,un rosier pri t ses

Hosanna ! Puis la Nui t , doucement , dans les cieux ,

T ira son rideau no i r pas sementé d ’étoiles !

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LA -VIE E T L A M O ÀT 101

PA S S A N T

L e ciel é tai t en j oie,on y sentai t des ange s ,

On croyait voir flo tter des coins de paradis ;

O n rencontrai t des fleurs , on oyai t des mésanges ,

Et des chansons d ’ amour montaient des boi s tiédi s .

E t,comme j e passai s j e v i s une chaumine

,

Un champ un bœuf , e t pui s une fille un tendron .

L e to it gris i l e champ : vert ; le bœuf : roux ; lagami n e

Avec deux rav on s bl eus d ’ étoi le dans l e front .

6.

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L A V IE E T L A M ORT

Et le chaume fumai t . Et le champ d ’un ver t tendre

Exhalai t un parfum de roses vers les cieux .

Et,levant son mus eau le bœuf semb lai t m ’

atte n dre .

Et la pas toure ouvrait su r moi s e s deux grands yeux .

Et chaume , champ e t bœu fdi sai en t O to i qui passes .

Viens ! Nous avons la paix pour ton cœur abat tu .

Et , de ses yeux d’

au rore é clairan t le s espaces,

L a vi erge me disai t Moi . j ’ai l ’amour . V iens—tu ?

La paix e t roses !

Ad i eux ,v ou s

, grandsye ux ble u s plein s de v agu e s regre ts !

Je passe , e t , j amais plus , j e ne vous verrai ,chose s !

Je Oh si j ’avai s le temps,j e pleurerai s !

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LA V IE ET LA M ORT

L E R E F U G E D U D I A BL E

Maj es té l e Diable,empereur de la Terre

,

Par la queue en suspens ,

Au hau t d ’un pin songeai t,morose e

t sol i taire ,

En forgean t de s p iquants pour arbustes grimpants

E t de s dards pour s erpents .

Or,i l avai t p ourvu tous les aigles de serres

Et tous les frui ts de vers ,

Inventé le s grêlons,les forbans

,les faussaires

,

L e s tigres , e t, di t—on ,lâché par l’univers

L as le s fai seurs de vers !

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16 L A V IE E T L A M ORT1

Bref,i l ne sa v ai t plus

,ne trouvant rien de p ire

,

Par quoi continuer ,

L o r squ’

i lv i t tout a coup,sur son terre s tre empire ,

Dix mille mi l li ons de mor tels le buer

E t su r lui se ruer

M u r ! au Diable mort ! mort ! hurlai t l a foule affreus e,

Assez de s e s exploi ts !

Et . no ire , elle appro chai t, approchai t , plus nombreuse ,

Bo ndi s s ant de s ravins,e t des monts

,e t des boi s

,

V ers le Diable aux aboi s .

Hum ! ce tte m ation me paraî t ma l condui te !

Pensa— t- i l,a v i son s !

El dérou lant sa queue énorme i l pri t la fui te,

En sautant , en sau tant , de buissons en buissons,

Sous le s arbres grisons .

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L A V IE E T L A M ORT

Il courut, i l couru t sur la terre déserte ,

Il courut , i l chercha

Une montagne hau te e t de ne ige couver t e .

Il en v i t u n e au loin . L es tement , comme un

Dessus il s e per cha .

I l fai t tr0p froid ici nul ne pourra m ’

atte i n dr e

Res tons en ce t endro i t !

Mai s la foule qu ’ en bas le Diable entendai t geindre

S’

approcha, l’ap è ren t , e t , sans crai nte du froid ,

Monta vers lui,tout dro i t .

Hum di t l’Empe re u r noir, le s vilaines manière s

Se voyan t dénicher ,

Il fi t l a cabriole,e n fila des tanières

D ’ours blancs,e t

,défiant s e s suj e ts d ’approcher ,

Entra dans un rocher .

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108 L A V IE ET L A M ORT

L e roc es t b ien trop dm* pou r qu on vien ne m’y prendre

Tâchons de nous tap i r !

M ais,sous le fer de l’Homme . i l vi t le mont se fendr e !

Hum L e Diab l e é teignit un volcan d ’un soup ir ,

Mai s i l dut déguerpir .

Tant d’

as s i du i té chez mon peuple me flat te

Di t- i l en maugréan t .

Et , v oyant lui re au loin la mer tromp euse e t

I l courut pui s,du hau t d ’un p latane géant

,

P longea dans l‘

O céan .

Enfin , j e su i s tranqu i lle e t p eux reprendre b aleine !

L e noir Monarque al la

S’

as s oup i r mol l ement sur un de s de

Mais tout a coup . i l v i t des tube s e t tremb la

De s plongeur: é tai ent là

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S EN SAT IO N D ETE

R e n é M a r tin .

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LA VIE ET L A M ORT 1 13

S E N S A T I O N D’

É T É

De s seins , de s se ins , encor de s se ins , par tout de s seins !

De s s eins ronds,de s seins lourds , d

’énormes seins de femme .

Pendus au haut des corps comme de gros raisins

Don t la pulpe charnue e t savour euse affame

Des seins ! à l ’infini,des seins des seins mouvan ts !

Un grand moutonnement de seins drus qui m ’

e ffare,

Un océan de seins don t l es fl o ts énervan ts

Se bri sen t sur mon to rse ainsi que S i u “

u n phare !

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1 14 L A V IE E T L A M ORT

Des seins ! oh ! j e ne voi s que des se ins,que des seins !

J’

e n voi s partout,j ’en sens par tout , j

’en prends , j ’en ta te

Tout en est le s gazons en semblent des coussins,

Et l’air blond que j e boi s en semble être une pâte .

Et j ’en ai p lein mon cou,mes mari n e s

,mes yeux ;

Et tout ce que j ’entends de chansons sans pareill e s

Me vient,non des oi seaux qu i chanten t dans le s c ieux ,

M ai s de deux sein s rosé s entrant dans mes orei l l es

J e marche dans des seins ! Quand l e sol e i l parai t ,

Je croi s voi r ruisseler sur moi des seins en tranches,

Et j e suis comme un arbre immense qui v errai t

S’

ouvr i r au li eu de fl eurs de grands sein s s ur s e s branches !

T out es t sein II en passe en l ’azur. en l ’air chaud

O n en trouve des bouts dans les fleurs purpurines .

li t tous ces mame lons nuageux son t,là—haut .

De grands seins dé formés . d i eux . sous vos poi trines .

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1 113 L A V I E E T L A M ORT

Et que pour vous , ô seins, dév o t i eu s eme n t

Je dé laisse le s bois,les n ids, les cieux ,

le s roses

S’

é te i esn en t les so lei ls au fond du firmament,

Si bri l len t deux se ins nus devan t mes yeux morose s .

E t soi t hn é mon nom e t soient mes vers maudi ts ,

Et me geigne l e corp s e t me sanglo te l’âme ,

Que j e tombe en enfe r j ’aurai le paradi s

S ’i l me reste deux seins p our mes l è v res de flamme .

Et sèche mon cerveau sous mon crâne en chanté,

Et qu’

à la fin j e meure,inconnu

,pauvre e t b l ème

,

Pourvu que mon front las de rme l ’ é terni té

Entre le s seins bénis d ’une femme qui m ’aime .

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C O M M E N T

A Jos eph B e lon .

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120 L A V IE E T L A M ORT

E t c’ est p ourquo i,tenez

,j e croi s l’appre n dre i ci

F ai te de crépuscule incarnat e t d’

auro re,

Couleur de matin tendr e e t de soir adouci,

Et couleur de couleurs plus fugaces

Sa chair,oh ! oui

,sa chair

,j e la voudrai s ainsi !

1

Comment j e la v ou dra i s ? Je ne sais trop . Dehor s,

Je suis resté parfoi s . l e dos blanchi de lune ,

Pour sentir s ’épan che r len tement sur mon corps

L e baume lén i ti f e t doux de la nuit brune .

E toiles v eux du ciel . ou v erts sur nos tourments !

A stres . v ers qu i n o s bras se dre ssent , extati ques ,Oh ! v ous montrer mon cœur e t s e s dé chirements '

Oh fondr e en pleurs d ’amour sous vo s regardsmys tique s !

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L A V IE ET LA M ORT 12 1

Et c ’es t pourquoi,tenez , j e le dé couvre ici

F ai ts de lune e t de nui t , fai ts de baume e t de flamme

Et s i bons,e t s i doux

,e t s i tendres

,e t si

Mi séricordi eux qu ’ il s me dissoudraient

Ses yeux . oh ! oui , ses yeux , j e le s voudrai s ainsi !

Comment j e la voudrais L e sais—j e bien L e soir,

Oh ! oui , souven t , l e soir , quand des mains inconnues ,

Comme de s mains de pap e élevan t l’o s te n s o i r,

Promènent un solei l de pourpre par les nues

J ’aime entendre des voix de rossignols s i ffleu rs

Me dire— oh ! bonnes voix menteuses qu ’ i l faut croire !

Que mes j ours,autrefoi s tout ténèbre s e t pl eurs

,

Seront dorénavant tout sourires e t gloire !

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122 L A V IE E T L A M ORT

Et c ’es t pourquoi tenez , j e m’en convaincs ici

Faite de chants d oiseaux e t de bri se qui glose ,

E t puis mentant si b i en que mon cœur endurci,

En l ’o v ant,pui sse croire encore a que lque

Sa voix . oh ! oui . sa v o ix , j e la v oudrai s ainsi !

Pui s,ce que j e v oudrai s Tenez rien ! Seulement

Qu ’el le fût be ll e e t grande,e t forte e t que sa gorge

,

Montueuse e t charnue,impé tueusement

Hale tâ t sous mon corps comme un souffle t de forge !

Et qu’en s e s bras vibran ts on m entende hu rle r !

Et que,sentan t surgir des soleil s dans mes mo èlle s ,

Mon ê tre gonfle,gonfle

,et pui s

,las de gonfler

,

Se dissolve en lumière e t s ’écroule en étoi les !

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V E RT IG E

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128 L A V I E E T L A M ORT

M o i,j e t ai ! Moi

,j e t ’ai ! Mai s cela te rr i fie !

Oh ! qu ’on prenne ma part d’azu r e t de clarté ,

Et d’astres , e t de j oi e , e t d’espo ir

,e t de vie !

Oh ! qu ’on me prenne tout enfin puisque j e t ’ai !

Je t ai ! Sachez cela , soleil , zéphyr nuées !

Je t ’ai ! J ’ai le vertige ! Oh ! qui me donnera

Une voix plus pui ssante , ô vent , que tes buées

Plus puissan te que ton simoun, o Sahara ?

Oh ! qui me donnera la voix de vos trompe tte s .

Anges du Jugemen t ? Oh ! qui me donnera

Un souffle plus fougueux qu ’un souffle de tem

Pour faire en tendr e à tout ce qui vit e t vivra,

Pour faire entendre aux di eux ,pour faire entendre auvide ,

Au vide inabordable,au vide inhabi té

,

Ce grand cri q ui s’en va de ma bouche l ivide,

Ce grand cri de triomphe e t de gloire j e t’ai

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L A V I E E T L A M ORT 129

Car j e veux,mon amour

,que tu soi s proclamée

Par delà l e nadir,par de là l e zéni th

,

Par delà l e néant par de là l’ i n n ommée

Etendue où j amai s chant d ’amour n ’

atte ign i t

Car j e veux mon amour , que l’avenir retienne

Ceci : que tu m ’

a imas ; car j e veux ,voi s—tu bien

,

Qu’i l ne reste i ci-bas qu’une gloire la t ienne !

Qu’i l ne reste ici—bas qu’un seul cul te le tien !

Car j e veux , mon amour , j e veux qu’on se souvienne

Que j e fu s plus pre scr i t que nul galérien

E t qu ’

une seule main pressa ma mai n : la tienn e

E t qu’un seul cœur compri t mon tri st e cœur : l e t i en !

Car j e veux,car j e veux t ’ér ige r un grand temple ,

Un grand piédes tal d ’or,un grand socl e immortel

,

Où l’œ i l émerveil lé des siècles te contemple

Comme un moine contemple un Chris t sur son autel .

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130 L A V IE E T L A M ORT

Oh ! j e t’ ér ige ra i , temp le aux fière s murailles !

lb ! j e t ’ér igerai , temp le resplendissant !

Dus s é - j e , pour grani t , y tail ler mes entrailles ,

Du s sé—j e ,pour mortier

,y pé trir tout mon sang !

E t j e te remplirai d é ternel l e harmonie !

Et mes v ers comme un orgue immense y chanteront !

Car j e te lâcherai , farouche et fier génie

Dont j e sens s ’éploye r l es ailes dans mon front !

Oh ! dût ce grand dépar t faire des catastrophes

Dût mon cerveau j ai llir j usqu’aux cieux affolés

Partez,chan ts ! par tez

,vers ! par te z , tou te s mes strophes !

O colombes d ’amour ,allez , all ez , all ez !

Al lez ! essorez—vous enfin de ma cervelle !

Al lez ! moi j’

é clatai s , plein de v o s tri lles fous !

L e génie e s t peut—être un crân e qui s e féle

O colombes d ’amour,allez ! essorez—vous !

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132 L A V IE ET LA M ORT

Femme . oh ! j e tremble ! femme,ob ! j ’ai p eur de la vi e !

Oh ! j e sens sur mon corps,comme sur un fétu

,

Passer un tourb i l lon d ’amour qui s tupéfie ,

Et j e roule,e t j e râle

,e t j e pl eur e v oi s—tu !

Et j e Quoi donc ?… Oh ! d ’un vol d’ aigle avide ,

T’

empor te r par des ciel s aux géan tes ampleurs ,

Bai ser ton pe ti t doigt rayonnant dans le vide ,

E t pu i s me fondre en j oie ou me dissoudre en pleurs !

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S Y L P H I D E

A P au l L a bro u che .

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136 L A V I E ET L A M ORT

Elle a v ai t di x—hui t ans l age des épousées !

Oui L’

an dernier , un soir de j uin ,p lein de chansons

,

Où la brise disai t des choses trè s osées

E l l e p leura beauco up s ous un nid de pinsons .

M ais pourquoi regarder les nids et les fle ure t te s

L orsque l ’on est bossue Ah écoutez pour tant

Sous un acacia tout panaché d ’

a igre tte s

B lanches , e t tou t charmé d’oi seaux

,e t tout chantant .

Et tout prospère . e t don t les branches paternel les

Je taient aux promeneurs qui passai ent au —dessous,

l‘

e l ’ ombre,des parfums

,de s fleurs

,des ri tournel le

,

Comme un viei l lard qu i j ette aux mendiants des sous .

Un j our un j our de j oie , et d’

orgu e i l, et de fête

Un gars lui pri t les mains e t puis la regarda .

Oh c'

es t bien vrai,grands dieux Elle

,l a ch é t i v e t te ,

En t aussi du bonheur , une seconde . O u i - da !

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L A V IE ET L A M O RT 1 37

Tenez,Dieu fi t tr ès bien de l a créer bossue

Comme ce bonheur- là fut doux,fut savoureux

L a j oi e aprè s la j oie es t chose i n ape rcu e

I l fau t beaucoup souffrir pour beaucoup ê tre heureux .

L e gars n ’y pensa plus c ’é tai t un badinage

Qu’ importe E l le en garda le souvenir chéri

Et,chaque j our d ’é té

,fi t un pèlerinage

Sous ce t acacia chantant, j o v e u x , fleu r i .

Oh ! s i chantan t ! partout , v oix d’ oi seaux e t ri s é es !

Oh ! s i j oyeux ! partout , ail erons palp itant !

Oh si fleuri partout,cascades ou fusée s

De fleurs ! Oh s i fleur i,si j oyeux

,s i chan tant

E t l ’arbre lui fi t fê te O u i ! L e s bonnes ramures ,

Voyez—vous,son t le s bras de nos amis défun ts

Bras mé tamorphosés , bras empli s de murmures ,

Et qui,pour nous bénir

,nous j e ttent des parfum s .

8 .

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13% L A V IE ET L A M ORT

Oh l e bon cœur,oh les bons bras

,oh ! la bonne omb re

Qu’

av ai t l’

acac i a ! Ses rameaux chevelus

Jetaient,touj ours j etaien t des fleurs

,des fleurs sans nombre

,

Pui s,se courbant . semb laient esquisser des sal

uts .

E t Sylphide,parfoi s

,en sortai t toute blanche

,

T out ébloui e,avec des pleurs si l encieux

Alors , l’arbre lâchai t se s fleur s

,en avalanche ,

Et quelque blanc pétale essuyai t se s deux yeux .

Oh ! l ’aima—t Et puis,toutes ce s feuille s

,dame

Avaient vu son bonheur ! E t,pour l’e n o rgu e i lli r ,

Ces fleurs,tout comme par des doigts de b e lle dame ,

Par ses doigts de bossue . oui , se lai ssa i ent cueill ir !

Oh ! bon acacia ! Va ! s i tes dards moroses

Sont l’expi ati on d’un péché véniel

Tu renaî tras rosier,rosier sans dards

,tout ro s es !

Car pour toi la bossue a b ien prié l e ciel .

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130 L A V IE E T L A M ORT

Bien E l le regarda cet te chose effroyable

Et , comme si l ’amour de l’arbri sseau b éni

L’avait fai te arbre un peu

,sa face pi toyable

,

Comme l’acac i a . sous les vents a j auni ,

Ou i —da ! L’autre matin

,j our de b ise p erfide

Elle est morte,humb lement , sans regret , sans douleur .

Oh ! ne la plaignez pas : au mois d ’a v ril,Sylphide

Renaîtra,toute droi te

,e t toute bel le fleur

Personne assurémen t n ’a p leuré sur sa bière .

Mais quand le no ir convoi passa sous l ’arbre en deuil ,

L’

acaci a j e ta sa feui ll e la dernière

Comme un grand pl eur muet sur le p eti t cercuei l .

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I I—I L A V IE ET LA M ORT

Quand des cailloux,prenant à mes clairs yeux de flamme

L eur rutilant éclat,se feron t diamants ;

Et quand j e ne sais qui vi endra me peser l’âme

Dans ses balances d ’or,au fond des firmame n ts ;

Quand mon crân e lui—mème ainsi que tous les crân e s ,

Comme une vieill e noix vide sonnera creux

E t quand mes os,mes chairs , mes muscles , mes membranes

Seront un v i l amas de dé tri tus poudreux ;

lors , ou v re ma bière , e t foui l le dans le sable ,

F emme ! E t , j’en suis certain , ta main re trouvera

Entier,saignant encor

,mon cœur impéri ssable !

Et . que ton doig t le touche , i l r epalpi te ra !

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N U AGE

A Cha r le s F u s le r .

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148 L A VIE E T L A M ORT

Or , j e vis s’

av an ce r un nuage trè s lent .

I l al lai t , calm e , ainsi qu’un svel te cygne b lanc

Eployan t dans l’azur sa grande ai le morose .

L’astre bruta l braqua s e s rav on s acérés

Et j e vis vaguement,dans le s cieux effaré s

,

S’

ouv r ir aux flancs du cv gn e une blessure rose .

Et'

le nuage alors sa igna,moru e e t meurtri .

Je crus l’ou i r j eter dans l'

espace un long cri

En voyant s ’

empourpre r ses ai les mi sérab le s

Et,v ers le grand ble s s é

,

'

du fond des cieux béants ,

Semblèrent accourir des vol s con doléan ts

De nuages émus e t de vents secour able s .

O frère , qu’

ave z —vous d irent—i ls , anxieux .

Et les nuages blonds s ’

approchère n t , pieux ,

B e rcan t leur frère augu st e avec des voix rythmiques .

Et les vents attendri s,tout chargés de senteur s ,

V inrent,en murmurant des mots consolateurs ,

O indre la plaie avec leurs s ou ffle s balsamiques .

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LA V IE E T L A M ORT 1 49

Mais lui saignai t touj ours,saignai t

,inconso lé .

Il traversa l’azur d ’un grand vol affolé .

Laissez—moi ! cria— t- i l,laissez—moi

,b onn es bri ses !

T out est vain,j e suis mort ! Et

,dans l e ciel fumant

,

Avec sa flèche au cœur,i l s ’en alla , semant

Des b aillons de chair rouge en les ténèbres gri se s .

Mais tout‘

a coup,là—bas

,énorme

,grave e t roux

,

S’

épan ou i t un globe ainsi qu’un grand œ i l doux

L a Alleluia Firmament,sors des voiles

E t le nuage en pleurs , ne saignan t plus aux cieux ,

L e flanc fermé,l e cœur guéri

,l ’e ssor j oyeux .

é to i l es(IJParti t

,extasié , sous le s j e une

Nuage , comme toi . bien souvent j ’ai saigné .

N uage,comme en toi

,bien souvent a régné

Dans mon cœur douloureux le désesp o ir i n fæ‘un e

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150 L A V IE ET L A M ORT

E t j ’ai maudi t la vie e t j ’ ai hué le s dieux !

L as Et p our que l ’e spoir r efleur i t dans mes yeux ,

O lune ! i l a su ffi d ’un regard bleu de femme !

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LA V IE ET L A M ORT 15

C HAN SO N D E PR IN T EM PS

M o i j’

a i di t aux pommiers : O pommiers b lancs e t roses

Dites—moi donc p ourquo i vous ê tes s i fleuri s

Oh ! pourquoi , maintenant , vous j adis si moroses ,

Avez—vous tant de fleurs au bout de vos bras gri s ?

9 .

Cr.)

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154 L A V IE ET LA M ORT

Etle s pommiers m ’ont di t,e n memon tran tleur s bran cb e s

Ah c ’ est que , vois - tu bien nous sommes très j aloux ;

Nous a v ons v u ta Belle e t s e s menottes blanches

Et nous tâchons d’a v oir des mains comm e ell e,nous .

Moi j ’ai di t aux cieux bleus Ci eux p euplés d’

hi ron delle s ,

Cieux auj ourd’hui si purs , hier si nébuleux ,

Cieux te n dr e s .c i eu xdemai ,ci euxpleins d ’astres e t d ’aile s

Di te s -moi donc pourquoi vous vous fai tes s i bleus

E t les cieux bleus m ’ont di t,dans un de leur s murmures

Ah ! c ’est que . v ois—tu b i e n,homme au destin s i

doux,

Nous a v ons v u ta Belle et se s prunelle s pures

A lors nous tàcb on s d ’é tre aussi bleus qu ’elle s,nous .

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L AM O U R D ES YE UX

A L ou is M a rs o lleau .

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160 L A V IE E T L A M ORT

Or c e tai t la facon dont ce t homme trè s sage

Adorai t ce tte femme i l l’a ima i t par les yeux .

Il ignorai t son nom,sa v oix , sa chair , son âge ;

Ill’ ign orai t , ent ière , afin de l’aimer mieux .

Et , tous les soirs , ainsi v olup tueux ,farouches

,

Haletants de bonheur,a tro i s pas ,

i l s s ’

a ima i e n t

Et des baves d ’amour écumaient dans l eurs b ouches ;

Et de s astres de j oie en leurs âmes germaient .

Ce soir,l ’homme darda ses yeux insatiables .

Il les sen ta i t plus gros,plus virils , plus brûlants ,

Et la femme trembla sous leurs j ets effroyables,

Comme si des soleil s lui traversaient le s flancs .

Pour l i dé ali s er,i l a v ait autour d ’elle

,

A l lumé de l’e n ce n s et des bois de san tal ;

Et son image vague entrai t dans s a prunelle

Comme une v i s ion de rêve oriental .

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L A V IE ET L A M ORT 161

L e s yeux,les larges yeux de l ’homme palp i tèren t

Il sembla s ’

agrand i r , par l’

extas e tendu,

Et véhémentement des bymme s éclatèren t

Sous les v iei l les paroi s de son crâne éperdu

Amour de s v eux,amour seul grand e t seul durable ,

Amour des séraphins sans corps pour s ’approcher

Amour qu ’on t,dans les cieux , la cohorte innombrab le

Des é toi les,s’

a iman t sans j amais se toucher

Oh ! j e te dois , disaient se s yeux fous , des dél ices

M e s transports les plus doux ,mes fri ssons les plus chers

Moi qui n ’ai recue illi qu e larmes e t supplices

Dans l’amour trivial e t primi ti f des chairs !

Ouvre , ouvre—moi te s yeux ,Ô femme , ouv re , te dis—j e

Regard'

on æ n ou s ainsi , longtemps , encor , touj ours ,

Jusqu’à ce que nos yeux,dans un vol de vertige

,

S’

élan ce n t,l ’un vers l’autre

,ains i que de s v au tours .

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162 LA V IE“

ET L A M ORT

Regardons- nous de loin , sans contacts , sans paroles

En sentant l ’ incendie éclore dans nos fronts

Regardons—nous jusqu’à ce que nos tête s fo lle s

Comme deux lourds boul e ts éclatent sur no s troncs !

Oh ! j e sens par mes yeux fuir tout mon ê tre vague

Oh ! j e sens par me s yeux tout s ’ e ngou ffre r en toi ,

Je plane en toi,j e chante en toi

,j ’y vais

,j ’y vague

Comme un grand aigle entré dans un palais de ro i !

M e s ens-tu dans ton cœur ? M e sens—tu sur tes lèvres

Oh ! moi j e te sens toute en mon ê tre j oyeux !

Et j e crois que c’est moi qui tremble dans tes fièvre s ,

Et j e crois que c’ e st toi qui p leures dans mes yeux

Mai s soudain i l frémit . Oubl ian t la consigne .

Apparut un v ale t,qui

,confus , salua .

La Femme regarda ce t ln d ign e !

Bugi t l ’homme . Et,sautant su r elle , i l la tua .

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L A V IE ET L A M ORT 165

D I VAGA T I O N S

Ou i ; nous sommes heureux , trè s heureux te dis—j e l Oui .

Vois le beau soir,l e beau soleil , les b eaux feuillages !

Je divague,ivre d’air , ivre d

’ai se , ébloui ;

E t j e vais dire,ob ! dire un tas d ’

e n fan t i llage s !

Oh ! tes deux seins tout nus ! ob ! ton corp s affamant !

Oh ! comme un loup guettan t u n e brebi s laineuse ,

Me m er sur ta croupe et , s e n su e lleme n t ,

Manger toute ta chair vibrante e t lumin euse !

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166 LA V IE ET L A M O RT

Je sui s heureux ! J ai soif. Oh ! comme au bord d ’un puits ,

Me pencher s ur ta bouche et boire à gorge p le ine !

Dieu,pour cré er les fleur s , pr i t des herbe s , e t puis

I l fi t passer dessus,0 femmes , vo tre hal eine.

Oh ! mais j e sui s heureux,heureux à faire p eur !

Voudr ais—tu point par foi s ê tre mon tagne ? Écoute

Un homme c’ es t p e ti t , c’es t un flacon trompeur

Qui ne peut conten i r du bonheur qu’une goutte !

Moi, j

é clate . Vois—tu ces p eup li ers gri sons

Élàn cé s v ers le ciel e t dont l es feuilles crien t ?

Dirai t—on poin t de s bras qui fon t des oraisons ?

Dirai t—on poin t , amour , que c’es t pour nous qu’ i l s prient?

E t ces éploremen ts des saules sur les eaux ?

Pourquoi vous torde z —vous,ô chevelures grise s ?

Femme,sai s—tu pourquoi sanglo tent les roseaux ,

E t les ondes,e t le s ramures , e t le s brises ?

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168 L A VIE ET L A M ORT

V ive,v ive la j oi e ! Aim ons—nous ! Gorgeons—nous !

T e s l èvres ont bon goût : foin des choses acerbes !

Je di vague,te di s—j e l e t j e tombe a genoux !

Et j e bénis les bois,l es eaux

,les cieux . les he rb e s !

Penses— tu que ce ch êne v v oie ? Ou i . n ’es t— ce poin t ?

B ien . Chêne , tu diras aux fleurs , aux v en ts , aux nues ,

Aux maes tros allé s qui font du contre-poin t

Soir e t matin,parmi tes feu illai sons chenues ,

Aux espri t s de l ’azur aux gueux des grands chemins

Qui pourron t s’ endormir sous ton ombre

,par groupes

,

A ceux dont te s cop eaux pour ron t chauffer l es mains ,

A ceux dont tes rameaux pourron t fouailler les croupes ,

T ouj ours,chêne touj our s , oh ! tu proclameras

M on bonheur écrasant , mon bonheur incroyab le !

Et,touj ours

,chêne al tier

,tu tu diras .

Que vo is—j e ?… Oh ! ne dis rien ! chêne ! chêne effroyable !

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L A V IE ET L A M ORT 169

Oh ! chêne abominé que le démon pela

Vois,vois son b ois hideux sous l ’é corce entamée !

L e s cercueils sont- i ls poin t de ce tte coul eur—là ?

De ce tte couleur- là , vois- tu ,ma bien—aimée

Oh ! ses planches , u n j ou r , te tiendront —e l les point ,

Comme à présen t mes bras di s,dis quoi que tu veuilles?

Horreur ! oh ! bouche—moi l ’oreille avec ton poing

J ’entends des L i ber a qui passent dans ces feuille s !

Oh ! —j e sui s Oh ! si vous le savez

Morts , morts ! est— i l vr aiment des dieux quelque par t , di tes ?

Afin que nous alli ons,troupeau de réprouvés

,

Cracher en rugissant a leurs face s maudi tes !

Quoi ? faire des vivants ? faire des amom e ux ?

Rage ! e t l es a ttacher d’un l ien incassab le ?

E t puis,hideusement

,mettre la mort en tre eux

,

Comme un mur noir a tou t j amais infranchissable ?

10

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170 L A V IE ET LA M ORT

A tout j amais ? a tou t j amai s ? a tou t jamai s ?

Entendez—vous a tou t jamai s , âm e s aimantes !

Q uoi ? ne pas s’

envol er a deux,vers les somme ts

O n ne pas faire,a deux

,épanoui r des menthes

S éparés ? pour touj ours ? Abomi nations !

Séparés oub li é s ?… Non ,non ! j e le proclame

Par mon cœur tr0p gonflé qui se met en b aill ons ,

Et par tout ce qu e j’

ai de cratères dans l ’âme !

Et par ce ciel qu i p eut me broyer si j e mens !

Et par ton pe ti t doigt qu e j e baise,6ma Reine !

Pretres,savants

,docteurs

,trê v e aux raisonn ements !

Car n ul de v ous n ’a vu la véri té sereine .

L a véri té , mortels ? Oyez ! j e v ous la dis

On ressusci te,on vi t dans la j oi e embaumée

,

Dans l’ extas e,touj ours ! Mais

,dans l e paradis ,

Ce n ’es t pas Dieu qu’on voi t .Non ! C ‘ est la Femme aimée .

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L A V IE E T L A M ORT 173

P O U RQ U O I L O N A I M E

L'

n e femme , j adi s , mit au monde u n enfan t .

Ell e le con templa d ’un regard triomphant .

D ’un long regard emp l i d ’

orgu e i l e t de tendre sse ,

Comme on con temp le un fils,qu ’ on soi t femme ou tigresse .

Et l’ e n fan çon grandi t . O chère éclosion !

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17 ’i L A V IE ET L A M ORT

I l ouvri t a son tou r des yeux sans vision ,

Des yeuxvagues,des yeux exqu i s ,de s yeux sans flamme

,

De ces yeux qui vous font de s aur ores dans l’âme !

Et la mère p l eu ra quand el l e vit ces yeux .

Et puis,l ’enfant sour i t . C ’é tait dél icieux !

Et la mère compri t alors,tran sfigu rée ,

Que , S’ i l e st quelque part

,la hau t

,un Empyr ée

,

Un O lympe,un Eden

,un Ciel

,un Paradi s

Ouver t p our les élus e t clos pour les maudi ts ,

Ce n ’es t pas un endroit plein de fleurs e t de fêtes ,

Avec dieux et mar tv r s , apôtre s e t prophète s,

Mais que c’est un séj our le plus beau des séj ours !

Où des enfants vous font des ri set tes,t ouj ours .

Pui s,son fi ls bégaya

,de ce t te voix é trange

Qu i s e souvien t d’avo i r é té la vo ix d ’un ange .

Pui s , vers sa mère e n j oi e , i l t endi t se s bras nus ,

Oh ! des bras hési tants ! Oh ! des bras tout menus !

De s ébauches de bras à mains surnaturelle s ,

De s bras s e souvenant d ’avoir é té des ailes .

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176 L A V IE ET L A M ORT

O r , p lus tard cette femme eut un autre e n fan côn .

Quand on l e lui por ta la mère e u t un fri sson,

E t ses v eux . comme ceux d ’une lionne,ardèren t.

L e s yeux de l’e n fan con ché ti f la regardèrent,

Touj ours vagues,touj ours exqui s e t ressemblant

A des coins de ciel bleu fiché s dans un front blanc .

Oh ! cachez—moi cela ! ! cria la mère fol l e .

E t,te l qu ’un gazouill i s d ’

angele ts qui s’envo le

,

De la bouche tte rose,harmonieusemen t ,

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LA V IE ET L A M ORT

S’

e n v ola le subl ime e t prem i er b éga ime n t .

Oh ! l a mère cria Bouchez—moi les orei l le

E t les mains . à des b outs d ’

al leron s b lancs pare i l l es .

Se tendirent alors v ers la mère aux aboi

Oh ! l a mère couru t se cache r dans les bois

li 7

Profondément , ains i qu’un v i eux fau v e qu ’on traque .

Mai s,de chaqu e bourgeon de tigelle qui craque .

Mais,de chaque ramure en fleu re t te s crevant ,

Ell e croi t vo ir sort i r les mains de son enfant !

Oh ! c ’ est épou v an table

Et lorsque les ni chées .

En tre le s doigt s j oy eux de s v ieux arbres perchée s .

Murmurent dan s l ’azur leur triomphal devis ,

L a mère croit entendre un appel de son fils !

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178 L A V IE ET .LA M ORT

Oh ! ce tt e ob s ess ion hideuse !

Et quand sereine,

Comme un grand manteau d ’or i llustrant un e reine,

L‘ aurore

,opulemm e n t , la cou v re de clar té s ,

Et quand l‘

œi l onctueux des astres veloutés

L a fixe,o ign an t s on front que le ven t doux effleure

D ’ elle ne sai t trop quoi de bon qui fai t qu’on pleure

,

L a mère pousse u n cri,fro ide comme glaçon

,

Et cherche dans l e ci el le s veux de l’e n fan con !

Alors,levan t s e s bras maigris dans la nui t blème

Non,c

e s tplu s fort que moi non . i l faut que j e l ’aime !

Cria— t - elle ,vaincue . Et

,geignant

,é touffan t

,

Elle qui tta l es bois pour ravoir son enfant !

Elle s ’

e n approcha,puis de sa voix amère

Mon fils , mon fi ls fai s—moi du mal ! cria la mère .

Et . tendre,ell e montra comment on s ’y prenait

Flagelle-moi bien for t ave c ce mart ine t

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i 80 L A V IE ET L A M ORT

V a ! lacère mon corps va ! crache ‘a mon visage !

Flage lle -moi l es reins d ’un bras impé tueux !

O mon fil s . sois cruel , so i s v i l , sois monstrueux !

Fai s—toi haï r

Car,si l on aime un être au monde ,

Ce n est p oint qu ’une lo i fatale,affreuse

,immonde .

Vou s at tire e t vous force a l ’aimer,n ’es t—ce pas

Mais b ien parce qu’ en lu i tou t vous charme i ci-bas

O r,d

un ê tre qu i vous tortur e e t qui vous navre ,

N’es t - ce pas que

,l ’œi l sec

,on peut voir le cadav re ?

Ah ! va donc,navre—moi ! va donc

,t orture—moi !

Car j e l e j ure ici , mon fi ls,p ar mon émoi

,

Par mes hoqu e ts , par mes esp oirs , par mes alarmes ,

Par tout ce que mes v eux o n t versé d ’acres larmes.

Par t on frère qui dort en sa bi ère,là—bas

,

Par son trépas qui presque amena mon trépas,

Par v ous , mère s en deui l don t la foule m ’

acclame

S ouffrir du corp s n'

est ri en prè s de souffrir de l ’ame !

E l l e d i t , e t , s’

o ffran t aux crachats de son fils

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L A v ue: ET L A M O RT

Ab ! merci ! s ’

é cr i a la mère aux yeux ravis ,

A présent tu peux vivre ou mourir, que m’ imp orte

Ce fils mourut un j our .

Et la mè re en e s t morte .

l

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L A V IE ET L A M ORT

B A T A I L L E D’

AR B R ES

SYM PHON IE

L a forê t dor t . Tous noirs tous inerte s , tous graves ,

Env e 10ppé s de nui t , leurs gros bras détendus ,

Muets comme des rocs,debout comme des braves

,

Dorment,dorment en paix le s arbres confondus .

185

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186 L A V IE E T LA M ORT

R ien . Ils dorment . Pas s e z !R e spe cte z l eurs l ourds somme s ;lls rêven t aux oiseaux sous leurs feuill e s blo tti s

,

Peut—être aux moucherons de nu i t,p eut—è tre aux hommes:

L e s O ran ds daignen t parfois rê v er au x tout p eti ts .

R ien . Sup erbes,hautains comme de v ieux burgraves

,

Fraternels,s’

embras san t de leurs membres tordus,

Sereinement,tous noirs , tou s iner tes , tous graves ,

Dormen t,dorment en paix les arbres con fo n du e .

M ai s tout à c ou p , entre eux ,huant , l e vent se

Holà le s arbres noirs ! Entre eux,huant

,l e vent

Se lève,e t la tempete éclate , e t , comme un glaive

L’

eclair tail le l es cieux livides e t l es fend .

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183 L A V IE E T L A M ORT

Vli n ! Et tout l e bois gein t . V lan ! Et t outes le s t iges ,

S e sou v enan t d ‘ avoir é té des bras humains,

Portent de l âches coups qu i font ch0ir , o vertiges !

D e grands rameaux palmés qu’ on prendrai t pour des ma in s .

Vli n ! des bras t ombent . Vlan ! des platanes s ’acharn e n t

Sur de maigres bouleaux,sur des acaci as ;

Et l e s troncs mutilés et roux qui s e décharnen t ,

Vli n ! Vlan ! Vli n semblen t tous d ’énormes tibias .

V lan ! Et la forê t tremble,et le s arbres s ’ é crou le n t

Avec des grondements sini stres,e t là—bas

,

L e s tonne rres lo inta ins,ces tambour s de Dieu

,roulent

De s raflaflas vainqu eur s au mil i eu des combats .

Vli n ! Et le vent tordan t les syl v estre s crinières,

Emporte — Vlan ! Vli n ! Vlan ! dans l ’air épouvan té,

Ju squ‘

aux foudres,j usqu ’aux tempêtes meurtri ères

Ju squ’

aux b aillons poudreux du cie l déchique té,

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LA V IE ET LA M ORT

Jusqu ’au zéni th,j usqu’à la lune

,j usqu ’aux as tres

,

Jusqu’au couvercle noir dont Dieu clô t l ’univers ,

L e formidable écho de ce s mornes désas tres

Et le rugi ssement de ce s combattants verts !

Vli n ! Vlan ! Vli n ! V lan ! Mais , comme un aigle aux ailes lasses ,

— Vli n Vlan — l ’apre vent , — Vli n !— par vols diminutifs ,

V lan tombe ; et le s bras noirs s’

affai s s en t— V1in m‘

ollasses

E t le s troncs amputé s Vlan ! s e dressent , plain tifs .

Et la paix,len tement , s e fai t ; Vli n ! le s huées

Cess ent, le s boi s blessés n’ont plus de cri s grognons .

V lan ! Et la lune épanche , à travers le s nuées ,

De s flo ts de baume blanc e t doux sur l e s moignons .

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190 LA V IE ET LA M ORT

Et des préludes lents surgis sent . E t des bri ses

Ri squ ent des bouts de phrase harmonieuse .

Et blon demen t,l

a—haut,aux immensi té s grises

,

S’

épan ou i t un astre ainsi qu’un œil câlin .

Et moi,voyant ce t œ i l brûlant d ’étoile luire

Vov an t les boi s sous lui gu ér i s des maux anciens .

Songeant a ce qu’un œi l de femme peut produire

Songeant a v ous,Hélène , a v ous . Grecs e t Troyens .

Je me sui s demandé ces choses ténébreuses

F emmes mortes,s i le s é toil es sont v os yeux ?

Si c ’ est pour v otre œi llade ,aïeules amou r euses ,

Que s e ba ttent touj our s l es arbres . n os ai eux‘

?

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L A V IE E T L A M ORT 193

C O I N

C’ es t bas—fond d ’

he rbage , un semblant de mer verte ;

Il y nage de lourds taur eaux aux po i trai ls blan cs ,

Dont les con s membraneux fendent l ’onde entr’

ouverte

Du foin dru qui déferle , onduleux , s u r l eurs flancs .

De s buissons,îlots bruns

,émergent ; et des franges

De calices neigeux,t out alentour poussés ,

L eur fon t un rebord blanc d ’

é cume tte s é tranges

Comme un assaut de flots lei —contre courroucés .

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19'i L A V IE E T L A M ORT

Et sous le v ent,un saule eperdu se débrail le

E t prend,dans un e flaqu e ,

un vague bain de p i eds,

Tandi s qu ’un rang d ’

o rme aux , au loin . se tord et brail le

Sur place comme un tas crasseux d ’

e s tr0p i é s

Et tout ce co in . charmé de senteurs , d’

harmon i e s

V ous donne de s regre ts de ne pas ê tre v eau ,

Pour v ivre là,s e n s femme et sans bottes v ernies ,

Avec he rbe a plein v entre e t chants‘

a ple in cer v eau .

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L A VIE ET LA M ORT 197

L E C ΠU R D U PO ! T E

C’

é tai t un soir pesant,lé thargique

,navré .

Au bord du ciel crasseux comme un p lafond de bouge,

L e couchant , par endroits , avai t l’air balafré

M ystéri eusement par un grand sabre rouge .

E t nul gazouillement,e t n u l tressaill ement

L a nature dormait , sans j o ie e t sans lumière ;

L e s boi s mornes semblaient héri sser,gravement

Vers de grands cieuxde plomb ,de grands arbres de pierre .

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198 L A V IE ET L A M ORT

Or,tou t à coup ,

sanglant,tragique

,effarouche

Tombant d’un lourd IlLN Q’

€ a sombre carapace

L e solei l apparut,ainsi qu’un fron t tranché

Qu’un é chafaud géan t lancerai t par l ’espace .

I l apparut , et tout chanta ,tout rayonna °

Et la terre . qui ttant s a torpeur sépulcrale ,

Sembla pous ser v ers l ’astre un immense hosanna

Et se remplir d’

e n ce n s comme une cathédrale .

Et la mer au lo intain blonde ainsi qu e du mie l .

Se haussa vers son disque en vagues chevelue s,

E t chaque arbre sembla lever ses bras au ci el

Comme pour applaudir avec s e s mains feu i l lues

Gloire,gloire au soleil ! Lu i

,grave , ensanglan te

Descendai t,lentement

,dans s a pourpre écarla te

En s’

attardan t là—haut , comme un e Maj esté

Au sein d ’un peup l e heureux qui l’acclame e t la flatte !

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200 L A V IE ET LA M ORT

Et moi voyant mourir ce solei l éc latant ,

Un soir,tandis qu

’au ciel se terminai t son règne,

J e p ensais à ton cœur , Poète , astre chantant ,

Que l ’ on n‘

applaudi t bien , hélas ! que lorsqu’ i l saigne

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L E BO N HEU R

A F ra n co i s C oppée .

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204 LA V IE E T M A M ORT

Que me veux— tu d i tDi e u . Parle, comman de

,expliqu e

L’

Homme darda sur Dieu son grand œi l famé l ique,

Son grand œi l al téré comme un œi l de condor

Ce que j e veux,o Dieu ? ce que j e v eux ? De l ’ o r

De l ’or,dis—j e ! avec l

’or j ’ aurai tout . Bonheur , j o ie

Sont le s reflet s de l ’or tout pui ssant qui rou geoie .

Donne—moi beaucoup d ’ or,de l ’or à l

infini !

Taraude avec ta vrill e un coin de ci el j auni,

Casse quelques soleil s ains i que de s grenades,

E t fais—e n rui sseler sur moi l’ or en cascade s

De l ’or,d i s —j e l de l’ or ! de l ’or seul ! Et v a—t ’en !

C ’es t b ien ! fi t Dieu , j e vai s t’

obé i r a l ’ instant .

Et re tournant au sein des é to i les compacte s

I l fi t tomber,du ciel

,de l ’ or en cataractes .

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LA V IE E T L A M ORT 205

Alors . l’

Homme ébloui tremb la .

Rav on n cme n ts

Comme un poisson j e té hors des flo ts écumant

Et qui voi t,en râ lant au milieu des p ierrailles ,

Gronder au loin la mer qu ’i l fau t à ses entraille s,

Soudainement,avec des fougues d ’

aqu i lo n .

L’homme ép erdu bondi t vers ce tte mer d ’or b lond .

O vous qui sous mes yeux allumez de s aurores,

Flo ts montants,flots v ermei ls

,flots berceurs , flots sonores ,

O r ! di t—i l, oh ! j e vais , en des dél ires fous ,

Entrer en vous,plonger en vous

,nager en vous

Oh ! vous palper,vous mordre Oh ! vous saisir , vous boire !

Oh ! me noyer en v ous e t p erdr e la mémoire

Des j ours de pauvre té

Car vous n e s a v e z pas,

Pièces d ’or s euls s ole i ls vé n éré s i c i—bas ,

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LA V IE E T L A M ORT

Non,vous ne sa v ez pas la soif qu e j

’ai dans l ’âme !

Ah ! vous ne savez pas quelles langues de flamme ,

Quels crocs mortels,quels dards aigus e t douloureux

Passent dans un front pauvre e t dans un gousset creux !

Or nob le,or souverain . a moi ! gu

éri s mes plaies !

V ingt ans la pau v re té m ’a tra îné sur s e s claie s

V i ens p lombe—moi le cœur ! viens ! p lombe—moi le front

Emplis—moi,fai s de moi quelque grand l ingo t rond

Sans pi ti é , sans soucis , sans remords , sans souffrances !

Et v ous,faim , e t vous , maux , e t vous , désesp érances ,

Mordez—moi maintenant s i v ous l’o s e z encor !

Je sui s heur eu x j e sui s iner te j e sui s d’ or !

L orsqu’ i l eut bien baisé l es piles d’or vermei l les,

Et qu ’ i l en eut emp l i se s yeux e t s e s orei lles

Pour n ’

e n ten dre et ne voir que l’ or qui l’e n to ura i t

,

Lors qu'

i l s e fut v autré dans l ’or comme un gore t .

Et qu ’ il eut re chmpté ce n t ro i s s on numéraire ,

E t qu i ! en eut j e te de s sacs , pour se di s traire ,

L’

Homme se re trouva malheureux comme avan t .

A lors , il rega rda l'

o r s tup i de , e n rê vant .

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208 L A V IE ET L A M ORT

Ou i , tu n’es , toi non plus , qu

’une femelle immonde

Que . pou r un monceau d ’or , le premier so t venu

Peut voir,entre ses bras . dépoi traillé e à nu

L’

Homme donc eut la Gloire .

Oh p ossession fol l e

L a Gloire voir , ainsi qu’un aigle qui s ’ en v ole

Maj es tueusement s ur les mont s bleus e t purs,

Son nom calme p laner sur le s si ècles futurs !

Gloire : cie l des vivan ts ; loire solei l de l’

âme ;

Gloire,to i qui nous prends par tes griffes de flamme

,

Superbement,comme un vautour fai td’

u n pous s in ,

Et vas nous faire luire

,é toi le , dans l

e ss a im

Des é toiles sur l ’homme à j amais suspendues ;

G loi re,to i qui

,ruan t sur les sphères fendues ,

Vas,comme un grand coursier farouche e t radieux ,

Hennir un nom vainqu eur à l ’ oreil le des dieux ,

Oh j e comprends,voi s—tu , que l

’on te sacrifie

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L A V IE ET L A M ORT

S e s biens , ses an s ,sa fo i

,son cœur . s o n san g s a vie

Sa part de paradis,s ’i l en es t dans l ’azur

,

Et .…

\‘ i a i s ! un gri llon chan te bien . quoique obs cm”

Et l’Homme glori eux l’

Homme accablé

Un soir Où le s grands boi s s ’

empli s s ai e n t de ramage s ,

De ramages d ’oiseaux ignoré s e t contents

L’

Homme fu t malheureux comme dans l ’ancien temps .

L ors,il res ta béan t e t pe n su

te te bass e .

Puis,levan t ses deux mains tremblan tes v crs l ’espace

,

L’

épouv an te dans l‘

âme,i l di t :

Seigneur ! Se i gneu r !

O h donc dois—j e chercher encore le bonheur

Dans l’Amou r,roucoula dans l ’air une mésange .

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2 10 L A V IE ET L A M ORT

Or vous passiez par là. , vous , plus pure qu’un ange ,

Vous,p lus chas te qu ’un li s

,vous

,plus sain te qu’un Dieu !

Oh ! l e ci el , par erreur , vous fi t nai tre au mili eu

Des gens,comme i l fit naî tre au mili eu des épines

Ce s belles vierges—fleur s qu ’on app elle églantines !

Oh ! vous éti ez si dou ce . ô v i e rge ; vous é ti e z

Si belle,que parfo i s , e nez , quand vous j e tiez

Par mégar de s ur un passant vos yeux de flamme .

C ’est tout le p aradi s qu ’ il s e s en tai t dans l ’âme ;

Et l ’ on aimai t vous voir,comme l ’aube des ci eux !

E t l ’on aurai t voulu,calme

,sil encieux ,

Grave, pé tr i fié dans la paix exta tique ,

Comme un grand sphinx rêvant auprès d’un temple antique

,

Toute l ’é terni té vi vre à cô té de vous

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2 12 L A V IE E T L A M ORT

De suave e t d’

exqu i s dans son cie l embaumé

Ou i,pour faire ton front

,c ’est un matin de mai

,

Et , pour faire tes yeu x,

'

deuX astres qu’ i l dut prendre ! .L°

Pour combien d ’or tout ca . te di s—j e , est- i l à vendre ?

Alors . la V ierge eut peur e t pou sæ deux grands cri s .

Allons ! dépêche— toi ! d i t l’Homme,e t fais ton prix .

I l ouvri t un sac d ’or e t plongea se s mains dures .

Prends ! di t—i l, a v ec ca , l’on a rubans

,guipures

,

Velours,perle s , b ij oux , carrosses , alez ans !

Prends donc ! O n vaut cela lorsque l ’on a sei ze

Ce n ’es t pas assez Bien prends encor cette pi le .

Voici cent p ièces d’or !… Non ?… en voici deuxmille !Non ? en voici dix mille !… Un mill ion , veux—tu

Depuis un mi l lion ca se nomme vertu .

Non ?… c ’es t de la vertu décidément ! Etrange !

Va pour de la vertu ! Dix mi l l ions , cher ange !

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L A V IE ET L A M ORT

Ah ! l ’on persi s te encore en se s rebel l ions

A votre aise ! J ’ai tout le temps . V ingt mil l i ons

N ’est—cê pas que cela fai t l oucher la prunelle

Non ? Soi t ! j e vais hausser d ’un to n la r i tournel le .

Et le couple t vous va paraitre moin s criard

Cent millions ! Deux cents ! Cinq cen ts ! L'

n mil li ard

Hola ne tremblez pas , et ten ez - v ous , que

Un mil l i ard,la Bel le ! un tas d ’or e ffrov able .

Si grand,si grand qu ’on en pourrai t faire une tom”

Un mi lliard un nom royal,ayant autour

,

Comme de grands v assaux dont l ’armure chatoie .

Honneurs . plai sirs , fe s tins , amour , ivresse , j oie !

En milli ard de quoi rendre sain ts des bandi ts

Un milliard de quoi forcer le paradis !

Unmi ll iard de quoi corrompre les é toile s !

Un milliard de qu oi derri ère tou s ce s voi les

Qui cachen t aux mor tel s son trôn e olympien ,

Aller acheter Dieu comme on achète un chien ,

Et le tondre , e t narguer se s foudres v engeresse s ,

Pourvu qu’on songe,aprè s , à. commande r des mes s e s ,

Pour vu qu’ on fasse,mort

,chanter sur son linceul !

Car c ’es t lu i seul,lu i seul , entends— tu bien ? lui seul

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L A \IE ET LA M ORT

En ce monde , en la lune , en la nature ent ière ,

Dans le s mondes finis s ’é croulan t en poussi ère

Dans les mondes futur s german t dans le brouil lard,

Lui seul , l e ro i ; lu i seu l , l e dieu le Mill i ard

A genoux ! le v oici qui se dévoile 6 femme

E t sitôt qu’elle eut lui,la grande Idole infâme

V i t la vierge au front pur tomber a deux genoux .

Oh misère de nous ! ob ! misère de nou s

Oh ! mal édi cti on à l ’or épouvan table !

Oh ! p enser a ceci tout,quelque respectable

Quelque bon,qu elque honnê te e t quelque virginal

Que nous le crov i on s . tout , tout , tout est vénal !

Tout , a de s prix di v er*

Oh j ’ai froid sous le crân e !

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2 16 L A VIE ET L A M ORT“

l)e ce t te fange d‘

or, 6 v ierge pure e t douce !

A lors . l’

Homme s e mi t à genoux s u r la mousse

Pr è s d e l le , e t lui baisa tendrement le s deux ma ins .

De grands pommiers en fleurs p leu rai ent sur le s chemins ,

Inondant les pass ants heureux de larmes blanches .

O fleur o n ids,O flo ts . o zephyre 6 branches .

O toutes les chanson s , O toutes le s clartés

Odore z,gazoui l lez resp lendi ssez

,chantez !

U

Dit l’Homme émer v ei l lé t i tubant dans l’extas e .

V i ens ! v i ens fit- i l. Jamais,sous le c i el qui s ’embras e

,

Jamais . dans le déser t implacab le e t brûlant ,

Jamais ê tre. alté ré,j amais tigre hurlant

dans s o n go s ie r fau v e . une soif plus farouche

Qu e C e l le qu e j au mo i,s u r l e bord de ta bouche

I l s e pe ncha s u r e l le e t but i v re e t pâmé .

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L A V IE ET L A M ORT 2 17

Souffle délicieux,souffle de l ’être a imé

Qui t ’a bu peut mourir sans regre tte r la v i e

Dit l’Homme . Et vous,Seigneur que ma v oix glor i li e

Oh ! quelque l i e amère ,oh ! que lque âcre po i s < .n

Que vous a v ez pu mettre un soir de trahi son

Dans la coupe des j ours où vous nous fai te s bo ire .

N ’ importe ! Gloire à vous Seigneur ! a j amai s gloire

Et,pour touj ours

,béni de s hommes soye z—vous

Pu i squ’

e n compassion , puisqu ’en p itié de nous

Vous lai ssâte s , au fond de ce tte coupe i n fz‘

1me,

C_

e nectar qu ’on appelle u n e ha le ine de femme !

Et l’Homme heureux se mi t a pleurer dans ses mains .

Pui s,comme de s e s doigts plus doux que des j a smins

La Vi erge lui flattai t sa rude chevelure

Fou rouge,ivre un sang b leu marbrant son e n cohu e

L e s yeux hagards , le s trai t s crispé s , l e s bras tremblant s

Croyant sentir germer des as tre s dans ses flancs ,

Croyant ru i sseler d aube e t p eup ler l’é tendue ,

Tel qu’un lion fuyant , sa p ro ie aux dents penn ed ,

l3

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L A V IE ET LA°

M ORT

Il pri t à bras le corp s ce tte vierge,e t s ’ enfui t

En rugissan t de gloire e t d ’

am our dans la nui t !

Il fui t,superbe

,i l fui t

,p lus promp t _ qu e la rafale ;

Il fui t,j e tant aux cieux sa clameur triomphale

,

Montant coteaux ,sautant fossés

,gravi ssant monts

I l fuit,comme si quelque essaim de noirs démons

Prenant la lune au v ol e t s ’en fai san t un cierge ,

Galop aient après lui pour ravir cet te vi erge .

Il vi t une mon tagne âpre e t l’e s calada .

Jé s u s—Chris t , Jupi ter , Allah . V i chn ou

,Bouddha !

Cria—t—i l,tous les dieux tri omphants de l ’espace ,

Oh ! tous ceux qu’on—

vénère a genoux,tê te basse

,

Oh ! tous ceux que l ’on pri e ! oh ! tous ceux que l ’on crain t,

P lace ! ai tes—moi place en votre ciel d ’

a i ra i n !

E t qu ’on s ’é carte ! e t qu’ on s ’incline e t qu ’on m ’

b‘

on ore !

Car c ’es t mo i que béni t ce t univers sonore !

Car c ’es t mo i qui dois faire é clore ces sole ils !

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220 L A V IE ET LA M ORT

L’

Homme touj ou r é treint par des bras n u s e t roses,

L’

Homme sentan t touj ours,s ur se s paupières closes

,

Même bouche app l iquer mêmes baisers brûlan ts ,

L’

Homme posan t touj ours,sur les mêmes seins b lan cs ,

Son même front co urbé par le même d éli ce ,

L’

Homme buvant touj ours , dans le même cal i ce ,

Un vin touj ours'

n ave e t touj ours embaumé ,

L’

Homm e touj our : heureux ,l’

Homm e touj ours aimé ,

Oh ! mil le , mi l le te s plus qu’avant misérable,

L'

Homme sentant encor , comme un chancre incurable ,

L e malheur é ternel lu i ronger le cerveau ,

L’

Homme e ffrav e s e mi t a cri er :

I l me faut…

I l me enten ds- tu,soleil vers qui j e clame ?

I l s e tut , n‘

av an t plus u n seul dé s i r dans l'

âme .

Plus un seul ! Plus un

Oh ! mais c’e st infernal !

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L A V IE ET L A M O R

I l se mi t à gen oux s ou s l e grand c iel banal,

Morne comme un repu que p lus nu l mets n ’

affame

! I l me fau t du nouveau :peux—tu m‘

e n donner . femme

E tla femme -

n o put que le ché rir encor

I l me faut du nouveau : peux— tu m 'en donner . et“?

Et l ’ or affreux n ‘ eu t pas une lueur nou v ell e .

T erre,vieux g lobe usé dont l’ é corce s e fêle ,

Lu ne,v i e i lle lantern e abj ecte qui t ’é te i n s

V ieux soleil pâl is s ant,vieux astre s incertains

,

Tous le s mondes blafards qui geignez dans l’ espace .

Oh ! j e vous en suppl ie ! oh ! dites-moi de grâce ,

Es t— i l chez vous,es t -i l pour l’Homm e . e s t—i l encor

Quelque bonheur qu'on puisse ob te n lr pour de l ’or ?

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LA V IE ET L A M ORT

E t rien ne répondi t du c i el gra v e et pai sib l e .

A lors l’Homme e ffrav an t con n u e v e rs u n e cib l e .

Bondit -su r l’or mai s .s ur l or 7ain . s u r l ’or v il.

Venez Vo ir o morte l s . v enez v oir ! rumt- i l.

Et tel qu ’

un croqu emo rt chargeant des corp s verdâtres

Il chargea n u i tann n e n t s e s mil liards j aunâ tre s

Et , funèbre , il parti t avec e ux v ers la mer .

T iens ! boi s , si tu n’es pas dégoû tô . gou ffre ame r !

Et faisan t aux flo ts bleu s de re v al e e aumôn e=.

Par grands s ac s .par a rands tas .par grands char s l ourds e t j aunes ,Il j e ta . dan s la mer . tout ton or . tou t son or '

T ie ns ! comme il fai t trè s froid . bois me s habi ts enco r ! !

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Ï‘

I'

u L A V IE ET L A M ORT

Huant! tou tes le s douleurs, quand toutes le s misères ,

Comme des éper v i ers,m ’

é tre i n dro n t dans leurs serres

E t quand la Mor t huera dans mon es tomac creux ,

Mon Dieu . pour que j e s o i s heur eux . oh bi en heureux !

Plus h em‘

e ux qu’av ec l’Or , e t l’

Amou r,e t la G loire !

Oh tel lement heureux qu’ on ne l e puis se croire !

O li ! tel lement heureux que j’

e n de v ienne fou

Fa i te s qu e l’on me donne un pe ti t pain d ’un sou !

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JO I E D F SOU FF R I R

A lbe r t

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L A V IE E T L A M ORTl

—l N.;

Ils avaient de grands bras , i ls a v aien t de grands fronts ,

Il s avaien t d ’

e fÏrayan ts bicep s dans leurs ramur es ;

Ils pouvai ent , semblai t—i l, cuei l l ir le s sol eil s ronds ,

L‘

t haut . comme des gueux qui cuei l leraien t des mûres .

I ls avaient des or teil s v annes e t fabuleux ,

Ils a v aien t des troncs noirs si gros , s i p le ins de forces ,

Qu ’i l s paraissaien t pouvoir soutenir les cieux bleu s ,

Si j amais l e s ci eux bl eus s ’

e ffon dra i e n t sur leurs torses .

Ils é taien t grands , forts ,beaux

,redoutables, pui s sants

Ils auraien t pu ,d un ges te . accomp l ir de s dé s as tre s ,

Et,de leurs mille bras noueux et me n acan ts ,

Comme on fouai ll e des chiens aller fouailler des astre s ,

E t s ecouer l e ci el e t fus tiger l es di eux .

Et tou t bouleverser sans clémence e t sans

Des piver ts le s trouaien t de l eurs becs odieux ,

Eux . cependant , don n aien t touj ours dans le soir rose .

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L A V IE ET LA M ORT

Pan,Hasard

,T out

,Force . grand Etre

Cause prem i é re , Corps immense , Es p ri t , Ma ti ère,

O toi que nous sentons peser de toutes parts ,

Epou v an tableme n t , sur no tre vi e entière ,

Grand Maitre appréhendé de s choses,nommé Dieu ,

Grand li tre universel fai t a v e c tous le s ê tre s

Pourquoi ne vi s - j e poin t , ca lme e t droi t , au mi l i eu

De ces peupliers droi ts e t de ces calmes hé tre s ‘

?

Pou rquo i ne suis—j e pas un arbre Oh ! s i v raiment

Tu sens grouill er mon ê tre infime dans ton Etre,

Comme un sol e il en marche , au sein du firmament,

Qu i senti rai ! un ver obscur qu i le p énè tre ;

Ô ÔQ

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2 30 L A V IE ET L A M ORT

Si tu me sai s,s i tu ‘me sens , si tu me vo i s ,

Si tu m ’

as mi s a ssez de souffle dans l e“ven tre

Pour que ta vaste orei ll e e n ‘

frémi s s e parfoi s ,

Et pour que ma clameur désespéré e y rentre ,

Dis p ourquoi suis—j e'un homme -O h pourquoi n ’

ai —j e

L e so lennel dédain qu’on voi t aux branches grises

Pourquoi mon rôle,ô Dieu

,n ’ est— i i p o int , i ci —fbas ,

Sur qu i trombe ou zephyre , averse ou chan t d’oiseaux

Passen t,sans voir bouger d ’

un pas ma lourde tail l e ;

A qui la te rre ; l’

a ir , la lum i èr e ,le s eaux ,

Of‘fren t de s me ts royaux comme u n e v ide ta ille

L e s farouch e s p iverts ou les mo ineaux pa is ible s ;

Où to ut p lu ie,ou s oleil

,ou mor sure , du baiser ,

N’

év e i‘

lle q u’un frisson de feui lle s impassible s ?

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Car j e ne peux pas-voir u n volcan , sans pen ser

O marty res cachés , ô râ l es mécon n rs ,

Tortures de s monts noirs e t désespoirs des chên es !

Esclavage é terne l des mondes . retenus

Par leurs e rb es,ainsi que des chiens par leurs chaînes !

Oh toute la cohue horrible de s sou ffran ts

Tous les navrés , tous le s”

maudi ts,t ous les errants ,

Bêtes , gens , plantes , vers , firmamen ts , i n fuso ires ,

N atrn *

e pète - mêle infi ni ”

de douleurs

Qu i ; meur tr i s par la vi e,aimon s p ourtant la vie

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l A V IE E T L A M ORT

T enez,j e me demande

,amis

,en véri té

,

Cet te chose e ffrayan te et sombre qui me broie

Si l 'an goisse,après tout . n ’es t pas la volupté .

Et s i le smaux soufferts ne fon t pa s seuls la j o i e

S ’ i l s connaissent la vie e t peuvent en parler,

Ceux qui n ’ont j amais eu de mortel les alarme s ?

Si ceux—là sont contents qu ’on n e voi t pas râler,

S i ceux— là son t j ov e ux qu’on n e v oi t pas en larmes

Et si,tordu

,saignant , vibrant mon fauve coeu r

Ne lance pas ces vers au so ir rose e t sonore

Pour demander,là—hâ llt

,l a suprême fa v eur

De saigner,de se tordre e t de vibrer encore !

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L ΠU

prendre une montagne en S e s mains magi strales !

L a pé trir , la broyer , la tail ler en blocs lourd s

Puis la faire reviv re en blanches cathédrale s

Erigean t dans l’azur d’

ex travagan te s tou rs !

De s tours de marbre av ec de foll e s broderies ,

De s tours bravan t le temps de leur fron t exal té ,

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L A V IE ET L A M Or 00

Des to rn *

s lancau t là—haut par leurs flèches fleur i es

L e nom de l ’archi tec te a l ’ immor tali t é !

Homme v a in , homm e aveugle ! A quoi j athédrales,

Mons tres de p ierre assi s sous les clar té s astrales ,

Palai s,manoirs

,forum s

,monuments i n n ombré s

,

Entassements de sab le un j our équi l ibrés,

De quel que dur grani t qu’on ai t fai t leurs mu raille s

Quels que so ient l eu rs auteur s , quelle s que soient leurs tai lle s ,Qu’ i l s soi en t cirque

,donj on

,cathédr ale

,opéra ,

T out croulera,tout s ’

e n ira,tout périra

Tout devi endr a pou s s i ère un jour , vaine pou s s i ère !

Et , fai sant tout renaî tre a sa forme premi ére

La natur e sere ine annulant nos effort s

F era des mon ts nouveaux a v ec le s t emples morts .

I I

Oh ! de ses larges main s bou leverser

Faire un canal d ’un i sthme,un i s thme

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LA V IE ET LA M O RT

I II

O h pre n ch*

e son cœur rouge en ses mains fréné tiques,

O h l e broyer,u n j o u r , sur de s feui l le ts fumants !

En faire un gran d poème aux s trophe s fan tas tiques ,

Au milieu de s v i v a i s des peuples acclaman ts !

li n fa ire u n :. rand p oème un w lo s s al p oème,

Q u e n ul ne p i t t nier . que rien ne pùt ternir

Ecrire,écrire enfin le Che f—d

'

œu vr e suprême

S ur qui s'

e x tas i e ron t le s s i ècles à venir !

Homme vain homme aveugle ! A quoi 0 poème

0 v o ls d ’oi seaux chanteurs partant de nos fron ts blème s ,

O v er s . r v thm ique s ve rs , o vers tant adorés ,

li t v ous au s s i . tous , tous hélas ! vous périrez !

Et l‘

homme un j our rira de no tre sain t dé l ire !

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L A V IE E T L A M ORT

Et l ’homme un j our'

n‘

au ra plus de s yeux pour n ou s li re

li t rien ne sera plus de ce don t nous parlion s

N i chênes,ni roseaux, ni fleurs ni papillons !

Et rien ne sera plus de ce qui fu t au monde ;

Et l ’homme aura pass é comme u n e larve immonde ;

E t le soleil,ce cher soleil qui lu i t li t—bas .

Luira sur des vivants qu’ i l ne connaîtra pas !

Ainsi rêvai t , un soir d’automne

,las de vi v re

Un vieux poè te blanc pen ché s ur u n v i e ux li v re .

T out a coup i l

L a Mort noire é tai t là .

Oh ! non ! oh ! pas encor ! j e v eux a v ant , 1 à.la

L e poè te,j e veux fa ire une œuvr e

Fai s ! lui permi t la Mor t .

Il pâl i t devant

Il

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2 42 LA V IE ET LA M ORT

I l pâli t,i l p leura . Pui s , gagnant la forê t ,

Ayan t cherché longtemps quel p oème il ferai t,

Quel œuvre glorieux , sublime , imp éri s sable ,

Il fi t sur un chemin quelque s pâté s de‘ sab le .

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L A V IE ET LA M ORT

L A N ÉGR I L L O N N E

Pas plus haute que ca tenez . Cinq ou s ix ans .

Une n égri llon n otte à robe bigarrée .

Un bout de femme noire avec des tons lui s ants

De botte b ien ciré e .

Et des yeux donc Des v eux qu ’on allai t vo ir en rond ,

Des yeux dont les passants n‘

aien t a perdre haleine

Deux yeuxtrès—gros,très—blancs

, qui semblaie nt dans s on

Deux ronds d e porcelain e .

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l -

'i li L A \‘ Il'Ï ET L A M ORT

vous av i ez vu remuer ces deux yeux !

vous aviez v u reluire ses queno tte s

elle vous di sai t Un pe ti t sou,messieu rs ?

En tendant se s meno ttes !

Autremen t el le étai t tres heureuse . E ll e avait

Pour chambre ungrand hangar plein de planches coupé e s ;

Elle en chargeai t s e s bras pour dormir , e t rê v ai t

O u e c‘ é tai en t de s poupées .

M a i . un j ou r,de v ant el le , u n e noce arriva .

L‘

épou s e é tai t en blanc , s pl endide e t l angoureuse .

Oh ! la n égr i llon n e tte aussi tô t s e trouva

Très , trè s,trè s malheureuse

O li ! a v o ir robe blanch i oh ! rêve ! qu e l e f1‘

e t

O u pr…ln i l. l:u- cle s s o u s l o u e s t bel l e,on e s t fiè re

,

fai t c li5m er le s v eux de s pauvres gens , on fa i t

Pre s que de la lumière !

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2 48 L A VIE E T L A M ORT

M ais lui ne voulut poin t ; non . non ! I l la lai ssa

Sans lui faire porter robe b lanche,l’

i n fàme !

Seu l ement qu ’on prend femme .

Elle était malheureu s e à mourir , n’

e s t—ce“

pas?

Songez donc ne pouvoir contenter son en v i e

Jamais,j amai s , j amai s ! Res ter . de haut en bas ,

\’ ègre,toute s a v ie !

Mais , une foi s , chez u n por tier de s e s amis,

Elle vit u n défun t qu’ on clouai t dans s a b i ère .

Oh ! c ’étai t impo s ant L e cadav re é tai t nn s

De fort belle manière

M essieurs , di t—e lle aux gens à trav ers :un rideau

Voulez—v ous me cl on er au s si sous une p lanche

—Pourquoi don e,mon enfan t ? M a i s pour faire

Dan s une robe b lanche .

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L A V IE E T L A M ORT ‘

2

O n refusa . T ouj our s ! Alors , tris te , à pas lent s ,

La pauvrette parti t , sans tendre l es meno ttes .

Ah vous ne verrez plus relu ire ses yeux blanc s,

Allez . ni ses quenot tes !

L enfan t,u n j our de gi vre , .e n plein a ir s ’affa i s s a .

I l n ’

e û t fallu pourtant qu’un chi ffon de cre tonne

Pour faire son bonheur : pas plus haute que ca ,

T enez , la négrillonne

Faute de“ robe blanche,elle e s tmorte , oui , messieurs !

Un j our gris,un j our fro id

, u n j o ur p lein de vents aigres .

Mesdames,savez—vous si . là—hau t , dans l es cieux

On veut des âmes nègres ?

Moi,j e le croi s . Car su r son corp s n égr i llon n e t ,

La neige alors tomba , muette . drue e t franche .

M esdames ,v oyez—vous, c

’e s t Di eu qui lui donnai t

Enfin sa robe b lanche .

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L A V IE E T L A M ORT I

OUI

CJO

C O N F ES S I O N

I l é tait vieux,très vieux . I l é tai t blanc , très blanc .

Il avai t un long bras inerte sur le flanc

T e l un arbre chenu porte une branche mor te)

E t,muet

,immobi le

,assis près d

une por te ,

L e chef tremblan t,les p i eds sé chés

,l ’œ i l grave e t du r ,

Depuis quatre . o u cinq ans i l regardai t un mur .

Dehors , confusémen t , bruya i t l’énorme Vie .

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l

uçi

n

L A V IE E T ‘

LA M ORT

Un j our,i l s e sent i t l a p oi tr ine gravie

Doucemen t par des b locs de glace qui mon taien t .

I l eut froid j usqu ’au cœur .

Au loin,l es bois chantai ent ,

ous l arche t des z éphyrs , l eur vague chanson ver te .

< ouda i n,i l tressai ll i t . L a porte é tai t ouverte

Un prê tre en tra , couvert d’un surpli s é cla tan t .

Mon frère . le cie l s’ ouv re au pé cheur repent‘a n t

Et le remords l'

arrache a l'

é te rn e lle flamme .

Pêcheur ,n

av e z —vous ri en qui vous p èse su r l ’âme

L e vieux très blanc,alors

,regarda le curé ,

Pui s,sortant de sa gorge un son invé téré

,

Gravement,d ’une voix é trangère e t farouche

Qu 'i l ne re connut plus lui—même dans sa bouche

E t qu ’avaient oubl ié e eux-memes s e s tympans ,

I l di t

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5256 LA V IE E T L A M O RT

L e pré tre révol té trembla , pui s di t

Ensui te

Ensui te, j ai pé ché souven t par incondui te .

J ’ai travai ll é des j ours qu’ i l fai sai t du solei l ;

É té probe,l oyal ; rêv é d

un appareil

Qui rendrai t tout le m onde heureux sur ce tte terre

A ccompli,là—dessus

,u n œuvre util i taire

Très beau,trè s grand , trè s noble , e t trè s j e ne sais quo i

E t puis,j ’ai

,tour- à—tour

,que vous dirai—j e , moi

É té trè s studieux ,trè s savan t e t très cuis tre ;

E t sauvé mon pays comme un simple ministre !

A lors que j ’aurais pu j ouer au cha t perché

Mon Dieu,pardonnez-moi

,p arce que j ’ai p é ché .

L e prê tre bondi t .

PLUS ?

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L A V IE E T L A M ORT IOç;i

Pui s un crime,un noir cri me

Dont le re mords me hurl e au cœur e t me l'e ppr im

Ah ! j eunesse ! j eunesse A vingt—cinq ou six an

J’

a imai s le j en,l e bal

,le s chiens , l e s a lezans ;

O r,j ’é tai s misérable e t travaillai s pou r vi v re .

A ttendant que la M ort secourable dé l ivre

M on père riche e t v i eux de ce terres tre enfer .

Mon père avai t vraiment une santé de fer .

M ai s j e savais , au fond d’un grenier

,une hache ,

Qui,d 'un seul coup di scret . sans qu

‘un vivant le sache .

Aurai t tranché son col

Mon Die u , pardonnez

L e prêtre se l e v a .

Restez ! res tez encore !

Clama le vieux, j e tant au soir sa v oix sonore ;

pas tranché

que j 'a i pé ché .

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2 58 L A V IE E T L A M ORT

Je n ’ai point te rm i n é, j e m

accu s e a pré sent

Je m ’ace a s e,m accuse .

Un grand rayon,glissant

D ’une hau te fenê tre e ffl eura s on vi sage .

E t,soudain rel evant s a tê te apre e t sauvage

,

L e s yeux ple ins de sole i l haletan t,attendri

,

L e moribond poussa v ers l ’espace un grand cri .

L e soir é tai t trè s rose e t les feui l l e s trè s v erte s !

On sen tai t des parfum s de corolles offertes

Volup tueusement aux pap illons rôdeurs

E t . des champ s,des forê ts ,

des vi llages gron deur s ,

Montait , dans la lumi ère amoureuse e t ra v ie ,

Un vas te e t colossal chan t de glo ire à la v i e

Et l e vieillard sentit deux larmes dans ses v eux .

V ous vous accu s ez donc ?

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A S P I RAT' I O N

A A ugu s te Ba r rau .

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264 L A V IE E T L A M ORT

Où l a nui t soi tmue tte , où pèsent , accablante s ,

L e s heures au vol lourd ; où ne s’entendent plus

L e s orchestrati ons des grenoui ll es dolentes

N i l’on do i emen t sonore e t l ent de s Angelu 5

Où le ciel soi t brutal comme u n toi t de platine ,

Sans astres,sans essors de v autour carnassier ;

Où l a M or t pâle e t froide,immobile , s

ob s ti n e,

Comme un roi noi r dormant sur un trône d'acier .

Et là , plantant mes pi eds dans le rocher au s tère ,

E t , des bras , m'

accro chan t aux'

pi c s , comme un grappin

Honteux d ’avoir é té , j adi s , homme sur terre ,

Doucement , me sentir deven ir un sapin !

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L A R EVU L A V IE

A F e r n an d Van de rheym .

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3268 L A V IE E T L A M ORT

L a Mort s ’

as s i t . Or ca , bel le dame , r epr i t

L e vieillard touj ours grave en son cercuei l de chêne ,

Avant de vous livrer mon corp s e t mon espri t,

Avant d ’aller pourrir dans la fosse prochaine ,

L aissez—moi repasser ma v i e en sou v enir,

E t chercher , dans le tas poussiéreux des années ,

L e s refle ts qui j amais ne de v ron t s e ternir,

L e s fleurs qui ne devr ont j amais être fanées .

J en dois avoir au fond de mes cent ans poudreux ;

J ’eus la Jeun esse . j ’ eus l’Amour , e t j‘

eus la Gloire !

Souvenirs atte n dr i s,souv en i r s amoureux

,

Souvenirs de bonheur chantant dans ma mémoire

A moi Je v eux choi sir l e meilleur de s meilleurs,

L e p lus doux . l e plus cher , le p lus impéri ssab le ,

E t touj our s le garder . que j e renai sse ai lleurs

Arbuste ou vermisseau . sole i l ou grain de sable

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LA V IE ET L A M ORT

E t la Mort accédant aux désirs du vi eillard,

I l ferma len temen t ses yeux ‘a la lumière

E t,comme un astre rouge émergeant du brouil lard

,

Il crut voir son passé se dresser sur s a bi ère !

Tout son passé lointain , tout son passé houleux

Tout son passé grouillan t de choses fantas tiques,

Troué de gouflre s noirs e t charmé de coins bleu s

Bucor re tentissants d ’

explo i ts e t de cantiques !

Tout l’amon ce lleme n t superbe e t magis tra l

De ses cent ans,tantô t espoirs , tan tô t alarmes ,

Mettan t de v an t s e s yeux un flambo i eme n t as tral ,

Comme un large soleil fai t de i o i e e t de larmes

Et,de ce glob e empli de roses et de dards ,

L e vieil lard vi t venir , mollement , sur des nues ,

Comme un vaisseau royal héri ssé d ’

é ten dards,

Une galère d ’or portant cen t femmes nues .

269

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270 L A V IE ET L A M ORT

E t , de cet te galère , 11n chœur len t s é l evai t

Nous sommes,disai t— i l

,v iei l lar d

,te s cen t années .

Et nous v enons renaî tre ensemble . a ton ch vet .

Avant d ’être en l ’oub l i p our touj our s entraînées .

Oh regarde—nous bien Et,te remémoran t

L e s bonheurs terminés e t le s p eines finies,

Rêve,pleur e , sour i s , e t di s—nous en mouran t

L esquelles d'

entre nous furent les p lus bénies .

Et la cohue énorme aussi tô t défila

L es premiers ans , jou fflu s et gras , ans de chimères !

L e s ans roses , qu e ri en de noir ne macula ,

L e s ans p leins de chansons e t de baisers de mère s

O v i s ion sacrée ! sou v enir chéri

O mères à présent par la Mort moissonnées

L e grand v i eil lard n ’eu t pas un ges te . pas u n cri

Et . calme , i l regarda v en ir d ’autres années .

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272 L A V IE ET L A M ORT

Défilère n t alors , tumu l tueusemen t ,

Avec de grands écla ts de fanfares loin ta ines .

Tout le maj es tueux et frêle en tassemen t

Des ans tri omphateurs et des gloires hautaines .

O sain t fri sson de l’Art ! O rythmes effrénés,

O p euples a ttenti fs à notre chant sup erbe ,

E t,comme des l ions farouches

,pros terné s

Sous le p ou v oir magiqu e e t triomphal du V erbe ,

Ah ! c ’es t vous , oui , c’est vous , j

’en at tes te le s cieux,

C ’e st v ous don t la mémoire es t la plus chère à l ’âme

L eur image p assai t ; l’

Homm e,silenci eux,

V i t fuir les ans de gloire auréo lé s de flamme .

E t la galère,alors , 5 e lo ign a , l entement ,

L entemen t,vers l

'

oubli terminal où tou t somb re

L e vi ei llard l a sui vi t du regard,un momen t

,

E t puis il se tourna,l ’œ il sec . vers la M or t sombre

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LA V IE ET LA M ORT 273

Hôtesse,j e cherchais quelque chose de v rai

,

D’

atte n dr i , de loyal , de sincère en ma v i e

Prends—moi j e n ’ai rien vu ! dit l e vie i l lard navré,

Et que tout,comme moi

,meure e t s e pu tréfie

Regar de encor ! lui di t la M ort , prenant sa faux .

Et le vieillard , alors , v i t dan s la barque fière ,

Parmi les sentiments hv pocr i te s e t faux ,

Quelque chose qui mi t un pleur sous sa paupière .

Oh ! oui ! j e me trompais ! di t l’Homme i l luminé .

Oh ! que ce souvenir d ’

un regard ,j e l ’emporte !

Et c ’é tai t un regard de chien abandonné ,

Vu , certain j our de pluie , a. cô té d’une por te .

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LA V IE E T L A M ORT 277

LA M O RT D E L‘

HO M M E

Fauv emen t sur charges de frui ts mûrs et de proies ,

Et por tan tde longs p ieux t ein ts de sang dans leurs mains ,

Par le s bois drus e t verts sans traces e t sans voie s ,

A l lai t un troupeau rude e t barbare d ’

humai n s .

Or c ’é tai t la tribu simple e t patriarcale

De la première Femme et des premiers Enfants

Marchan t,souples e t nus

,vers la grotte amicale ,

Comme une troupe a ll ègre e t j oyeuse de l‘

aons .

16

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L A V IE … E T L A M ORT?

D\O 00

I l s al la i ent,vigour eux . mordant de rouges tranches

Au flanc des ani mau x par eux exterminés ;

Et le soleil passai t sa tê te entre les branches ,

Comme un bon aïeul blanc,pour voir ses dern i ers nés .

Voici la grot te . El le e st profonde,e ll e es t choisi e

A insi qu‘

un bras , l’

e n s e rre un grand fleuve ondu leux

E lle semb l e l ’œi l noir d ’un roc q ui s’

extas i e

Sou s la coupole claire et v aste des cieux bleus .

Et lasse la tri bu sort des forê ts e t ren tre .

Sur le seui l , accroupi , le s deux genoux tremb lants ,

L e front have et chenu retombant sur le ventr e

Grelo t tai t un v i ei llard é tique a cheveux blancs .

Père voici p our toi de la chair neuve et tendre

Mange ! diren t le s Fils déchargeant leur buti n .

Mais l e v i eil lard chenu ne semblai t pas entendre

E t restai t taci turne au milieu du fe stin .

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2 80 L A V IE E T L A M ORT

E t pu i s i l di t , tr è s bas Venez venez de grâce !

Et puis i l di t Serrez-moi fort serr ez—moi bien !

Et pu i s Ouv re te s bras,Femme . q ue j e t’embrasse

Pu i s Merci ! Pu i s : J ’ai froid ! Pui s rien Jamais p lus ri

E t doucement tomba s a lour de tête blanche ;

E t s ‘

affa i s sa s on corp s sur la mousse e t les fleurs

Et doucement tomb a,d ’un arbre

,une a v alanche

De feuillages j aunis comme de large s pleurs .

Parle ! diren t le s F i l s , ta parole es t chérie !

Oh ! v oi s tous agenoux , Père ,nous t

embras s on s !

Parl e lui di t la Femme oh ! parle,j e t

en pri e !

Mais le vent seul parlai t au loin,dans le s buissons .

Voi s-nous diren t le s F i l s,relève Le s paup i è res !

Oh ! t…s yeux sont si doux,e t leur regard si pur !

Voi s—moi cri a la Femme,oh entends nos pri ères ! !

Mai s le ci el seul sur eux épanchai t son azur .

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L A V I E E I‘ L A M ORT î8 1

Parl e,voi s

,marche , vis ! Oh ! recouvre ton âme !

Hoquetèrent le s Fils p leuran t‘

a son cheve t .

0mon Epoux ,revi s ! revi s ! clama la Femme .

Mais l e re s te du monde , hélas ! seul survivai t !

Et tous , tremblan ts , empli s de terreurs inconnue s

Restèren t cloués la , s tup ides s ou s le vent

A regarder le s boi s , e t les fleurs,e t le s nues

,

Qu i br i llai e n t, e t fleura i en t , e t chantaient , comme avant .

Ah ! non ! lan ea la Femme ,ah ! non

,cieux exécrab les

Cela ne se p eut pas,c ’es t faux

,c ’e st insensé !

Et,fun èbre

,arrachant ses cheveux misérable s ,

Ell e se dirigea v ers levie illard glacé .

E l l e le pr i t,a bras le corps

,su r ses sein s vides ;

E l le l’é tr e ign i t apre e t fau v e ,sur ses flancs ,

Fro ttan t ces chairs de marbre avec ses chairs a v ides

E t chauffant ces reins fro i ds avec ses reins brûlants ,

16.

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282 L A V IE E T L A M ORT

Parle,v oi s

,marche

,vis j e le veux ! cria—b el l e .

Souviens—to i des matins voluptueux e t doux

Où nous all ions ainsi,toi pui ssant e t moi

,bel le

Sous le regard des cieux émerveillé s sur nous

Oh ! voi s : comme jadi s , le soir fume et rougeoie !

Vi ens comme tu venai s ‘ Vi ens ; nous retrouverons ,

Dans les mêmes ravins pleins de la même j oi e ,

L e s mêmes pommiers blancs qui n e i 9 e a i e n t sur nos fron ts .

O pommier o ra v ins,6 prin temps . Ô soirs roses !

Nous v oulons v ou s revoir ! i l l e faut,n ’e st—ce pas

M on Dieu,que devi endraient sans nous toutes ces choses

Es t—ce que le sol eil p ourrai t luire là—bas

N on ! Fleuri s sez gazons ! lui s lumière sereine

Xms lHomme marche seul . comme au temps ancien

Ce n ’es t point dans mes bras . al lez ! que j e l e train e ,

Oh ! non Je v ous a s sure , enfan ts i l marche b i en !

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N.

)

00 L A V I E E T L A M ORT

Et , vibrante , elle di t O to i que tout implore !

O toi qu i ti ens l e monde asservi sous ton pi é

Dont un pleur est la mer,don t un rire e s t l ’aur ore

Assi stance ! assistance ! 6 M aître,prends pit ié !

Tu fais naî tre le ver,tu fai s pousser le hê tre ,

Tu fai s fleurir l ’é toile en l ’air extasié

Tu p eux bien,s i tu veux ,

faire re v ivre un être

A ssistance ! assis tance ÔMaitre rends i ti é !

Oh ! si tu ne veux pas que nos cri s t'

ass ou rdi s s e n t,

Que no tre voix te bu e au ciel terr i fie ,

Que les fil s de nos fi l s a j amais t e maudissent ,

Réveille l’Epoux froid ! A ssis tance p iti é !

Et , so lennel lement , a v ant baise la terre ,

Ayant frappé,troi s fo is , l e sol de le r ‘ s fronts lourds

Il s regagnèren t tous la grotte soli taire,

Et vinren t vo ir l’Ai eul I’

Aïeu l dormait touj ours .

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L A V IE ET L A M ORT 2 8 3

E t la Femme pâ l i t alors , e t , sans un râle

T omb a,de tout s on long

,prè s de l’Epoux dorman t .

E t les Fi ls,pour dorm i f comme leur père pâle ,

S’

allongèren t aussi sur le sol , doucement .

Et ri en ne b ougea p lus . E t le sole i l superbe

L eur j e ta tendr ement d ’

é carlate s adieux .

Et puis les fleurs d ’azur s ’

i n cli n èr en t dans l ’herbe ;

Et puis le s astre s d’or j aill iren t dans les ci eux .

Puis s ’

aba i s sa la nuit . Pui s s ’élan ca l ’aurore .

Pui s rui ssel a l e j our sur le s roses s omme ts .

Pui s b ourdonna la v i e é clatante e t sonore

Et,près de l’A

'

i eul froid , ri en”

ne bougeai t j amais .

Mais,5 e le van t soudain ,

une voix di t Ecoute !

Ecoute ! répondi t,au loin

,une autre voix .

E t tous les yeux — hors deux — s’

ou v r i re n t sous la voûte ;

E t tous le s corp s hors un bougèren t a la foi s .

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2 86 L A V IE -ET L A M ORT

E t tous semblaient ow r des musiques flottante s,

Et re tenaient l eur souffle en leur s p oumons Charm—

és .

Et les chansons des flots s ’en allai ent,plus chan tantes

,

Et les parfums des fleur s monta i ent,plus par fumés .

Et la F emme e t l e s Fil s écou taient , sur la mousse ;

E t des larmes bril laient dans leur œ i l adouci '

Et ce qu ’ i ls entenda ient étai t une voix douce ,

Une voix douce,e t chère

,e t qui di s ai t ceci

A llez , alle z gaîment dans la clarté qui v ibre !

Lai ssez mon corps de boue au ver froid qui le mord .

Ne p leu rez pas , amis j e sui s heureux e t l ibre ;

\' e pleurez pas , chantez j e sui s heureux e t mort .

Je vous voi s par l azur,j e vous parl e par l ’onde

,

Je vous sui s par la bri se en les cieux éclatants,

Je vous souri s d ‘ en haut par la lumière blonde,

Et j e vous a ime , amis , par le s fleurs du printemps

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L E P A RA D I S

'

A Rodolphe S a ti s .

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2 92 L A V IE ET L A M ORT

Moi , si j e sui s é lu ,j e n ’en fais pas mystère ,

J‘

en voudrai voir passer de s rangs dr us e t j oyeux

S ous mes augustes yeux ;

Passer , passer touj our s a la fi le,a la ronde ,

Tellement,tellement

Que tout mon horizon soi t empli de chair blonde

M’

en touran t , m’

e flleuran t , m’

exaltan t , m’

embauman t

Au fond du firmament !

F i de s concert s sacrés , de s céles tes di c tames !

Sire Di eu , j e l e di s

Vo i r défi ler là—han t des corp s de j eun e s femmes ,

In termi nablement , sous mes yeux agrandis

Voilàmon paradis !

Q i rc Dieu , j’

aime assez b oire des vins de France .

M e ttez—m ’en de cô té .

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L A V IE ET LA M ORT

Combien ? Jugez vous—même . Hélas ! j ’ai l ’assurance

Qu’ il m’ en faudra beaucoup , beaucoup en véri té

Pour une é terni té !

Sire Di eu ,j e boirai s , fau te de vin ,

des choses

Oh ! des choses , là hau t

Je boirais,l e matin , votre aurore aux flots roses

Et j e boirais , l e soir, votre soleil rouge aud ,

Ainsi qu’un gregb i en chaud !

Et vo tre clair de lune ainsi qu’

u n lai t d ’

ân e s s e !…

SireD i eu , j e le di s

Boire,boire gaîment ; boire , boire sans cesse ;

Trinquer avec des saints aux ven tres rebondis

Voi là mon paradi s

Sire D i e u,j ’aime assez faire de s vers fantas ques .

Or,pour le s copier ,

93

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L A V IE ET LA M ORTI

l)

A.\

V ous me trierez là—haut,sans broui l lards

,sans bourrasques

,

Que lques—uns de vos ciels a l ’éclat printanier

J ’en ferai mon pap ier .

Trempant ma plume alors dans le s nui ts vi ole t tes ,

J ’é crirai de grands vers

Ponctué s de sole il s , virgulés de comètes ,

Guillemetés ave c de s arcs—e u—ci el divers

Par la tempête offerts .

Et j ’ irai , le s chantant au fond d e s voûtes bleues !

Sire Dieu , j e l e di s

F aire d ’énormes vers , l ongs de cen t m i lle l ieu es ,Qui seraient seulemen t par la lune appla irdi s

Vo i là mon paradi s i

Sire D ieu . Quoi ? B ien des choses encore !

J ’aimerai s rire , hélas !

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L’

E N F E R

A Geo rges d’

Espa r bès .

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300 L A V IE E T LA M ORT

Et , quoiqu e ce vivan t fût meur tri par la vi e ,-Et quoiqu ’

i l eût parfo i s pleuré ,parfo is souffert

,

Quoiqu e l’adv ers i té , touj our s inassouvie ,

L’

eû t tenu pantelan t sous s e s 0 r ifle s de fer ,

Ce t homme alor s sourit aux fleuran te s ramu res

E t leva vers le ciel des bras approbateurs,

Comme pour embrasser de s nids e t des murmures

Applaudir de s rayons e t baiser des senteurs .

Et,comme i l é tai t là. , l e s yeux pleins de lumi ères ,

L e front p lein d’

ho san n as , l e cœur plein de sanglots,

Émerveillé de vivre e t fondan t en prière s

Pour le s ci eux ,pour le s ni ds ,pour lœ champs ,pour les flo ts,

L‘

Homme heureux e t vibran t comme un e énorme lyre

Devant tan t de beautés e t tan t d e maj esté s ,

Vi t venir,sous l e b oi s empli d ’un sourd dé l ire ,

Une femme , b eauté suprême de s beauté s !

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LA V IE E T L A M ORT 301

Un e femme très j eune , e t très douce , e t très bl onde ,

Et s i belle qu e l’

Homme ébloui ne vi t plus

L e tragiqu e soleil d isparaî tre dans l ’onde ,

T el qu ’

un frui t d ’or qu’

aurai en t happ é le s flots goulus .

Ah ! dégringole , va , soleil terne et morose !

Et plonge dans la nuit ton vi eux front de carmin

Elle avai t un fron t tendre , elle ava i t un fron t ro se

Qui s emb lai t épanche r de l ’aurore en chemin !

Chevelures d’azur de s vagues murmurantes ,

Tordez—vous sans rép i t,tordez—vous sous le ci el

S a chevelure avai t de s tresse s odorante s

Qu1 semb laient exhaler du printemps e t du miel !

V ive Di eu ! V ive Dieu ! crial’

Homme . Et , très pâle ,

En voyan t l e regard don t elle l’é clai ra ,

Plus tremblant qu’un larron consterné qu’ on empale ,

I l s e mi t à genoux devant elle . et pleura

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302 L A V IE ET L A M ORT

Pleura pleura longtemps ; pleura , pleura , s tupide ;

Sans rien dire,sans ri en penser . pleura sans fin !

Oh ! la vie est absurde , i llogique , insipide

Triste,on pleure; j oyeux , on pleure E t c ’est divin !

Or l e s oir s ’ empli s sai t d etoiles palpi tan tes .

Et,comme c ’é tai t l’heure où l es anges de s cieux

Consolent le s mortels prosternés sous leurs tentes .

Elle e ssuya se s pl eurs en lu i baisan t le s yeux .

L’

Aurore ! Éveill ez-vous , 6 choses s omme i llan te s !

L’

Au rore ! Évei llez—vous , 6 couples fraternel s !

L’

Au rore ! Et l es forê ts , blème s e t tre s sai llan te s,

É tiren t leurs bras noirs vers le s c i eux solennels .

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304 LA V I E E T L A M ORT

L a Mort,di s—tu ? L a Mor t Que nous veux- tu L a vie !

Oh ! l’

Homme pri t l a F emme en ses bras , sans savoir ,

Et,dans la plaine en fleurs

,lumineuse e t ravie ,

S’

e n fu i t pour échapp er au grand sp ec tre tout noir .

Je ne veux pas mourir ! implore —t- i l,non

,grâce !

J ’aime,j e sui s heureux

,j e ne veux pas mourir !

Mais l e grand sp ec tre noir l e p our sui t , l e b arr asse

Et l’Homme épouvanté s e reme t à courir .

I l s ’élance , i l s’

e s s ou ffle,i l ga10pe

,il dévore

L e s boi s roux , l es monts noirs , l e spré s v er ts ,l es champs blonds ;

I l galop e,i l ga10p e , ép erdu , dans l’aurore ,

E t le spectre , touj ours , lui galop e aux talons .

I l s ’enfonce en des trous,i l gravi t de s monts chauves

Et touj our s , sur le s monts ,'

e t touj ours,dan s le s trous

,

L a Mort noire le traque en fai sant de s bonds fauves,

Dévoran t le s champs blonds , le s prés verts , l e s boi s roux !

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LA V IE E T L A M ORT

Elle cour t , elle approche , elle es t la ! L ors , l ivide ,

L’

Homme pend à son cou ses tremblantes amours,

E t , l evant s e s deux bras convulsé s dans le vide

Au secours , Dieu du cie l clame—t—i l. Au secours

Que veux- tu ? lui di t Dieu de sa voix débonnaire .

Un cheval pour m ’

e n fu i r répond l’Homme en tremblan t,

L e voici ! Dieu repart dans un brui t de tonnerre ,

E t, du hau tde s cieux bleus , tombe un grand cheval blanc .

Ah ! victoire ! sauvé s ! chante l’Homme extatique .

Et,pressan t sur son cœur s on far deau bien—aimé ,

I l enfourche d ’un bond le cheval fantas tique

Et s ’élance en hurlan t dans l ’espace enflammé !

Hop ! là,hop ! Et , terrible , emporté , gigantesque ,

L e cheval fai t tinter , comme un chant de marteaux ,

La mesure a tro i s temps d’un galop ti tanesque

É clatan t tout à coup a travers le s coteaux .

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306 L A V IE E T L A M ORT

Hop ! là , b ep ! Et les monts , le s p lateaux ,le s vallées

Tou rbillonnent , s‘ en vont

,de plus for t en plus for t °

L e s poumons haillonneux , le s paupi ère s b rûlées ,

L’

Homme tou rne la tè te e t touj ou rs v oi t la Mort .

Oh l a Mort ! oh ! t ouj ours la Mort noire qu i vole ,

Et le sui t , e t l e traque , et l’

attrape , e t l e prend !

Au secours , Dieu du ciel ! clame- t— i i , la voix folle .

Et la F emme l’é tre i n t dans ses bras en pleuran t .

Que veux- tu ? M’

e n v oler ! Eh b i en vole ! Et deux

Soudain poussen t au de s flamboyant du cheval,

Qui s e dresse ; é clabousse un mon t no i r d’

é ti n ce lle s,

Et s ’envole en l ’azur d ’un essor triomphal .

Il s ’él ève i l s ’él ève au—dessus de s vil lages ,

Et de s champs . e t de s prés , e t des bois qu’un vent tord ;

Il s’ élève,i l s ’él ève

,i l at tein t l es nuages

L’

Homme tourne la tè te e t touj ours voi t la Mort .

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308 L A V I E ET L A M ORT

An athème Ah ! qu e tou t se di sl oque e t trépasse

Rugi t l’Homme aux abois . Puis,râlant

,hale tan t

Si q uelqu’un peut domp ter cet te Mort dans l ’espace ,

Qu’ i l se montre fai t- il . Me voic i di t Satan .

Prends-nous donc !Etn ’

impor te à quel prix , fai s—nous vivre

Vous vivrez di t Satan dont l ’œ i l flambe d ’e s poir.

Et,fai sant éclat er un henni ssement ivre ,

Tout‘

a coup , des ci eux bleus , tomb e un grand cheval no i r .

— Gloire à toi Glo ire à to i cri e alors l’Homme auDiable .

I l enfourche la bête aux crins longs et mo i rés ,

Qui s e lance à grands b onds dans l ’ab ime effroyab le

En ruan t au milieu des soleils effarés .

Oh vertige stupeurs vi sions sans pareille s

Mill iards d 'as tres clairs s ’en fuyan t , tout d’un trai t ,

Dans l e vent de la course,e t s i fflan t aux oreille s ,

Comme un vol de cailloux qu’un enfan t j et terai t

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L A V IE ET LA M ORT 309

Oh vertige ! Et toujours , on s’

e ngou ffre . on s’

e ngouñre

On arrive en du vide , en du noir, en du froid ,

Où l a bê te , plongean t ses gros yeux pleins de soufre ,

S’

é chev èle , et henni t , e t se cabre d’

efi‘

ro i

En du vide,en du noir , en du froid , où ,

l ivide,

L’

Homme plus rien n’ entend . rien ne sent , ri en ne voit .

Emporté dans du froid , dans du noir , dans du v ide .

A chaque heur e plus vide , e t p lus noir , e t plus froid

Et,touj ours

,l ’on s e ngouñ

re e t l'

on fui t , et l’ on p longe

— T out a coup ,dan s le v i de .u n grand bru i t ,u n grand feu .

Tout le noir se déchire,e t l

on voit , comme en songe ,

Un grand globe doré surgir , calme , en l’air bleu !

Une Terre ! une Terre à la nôtre pareil le

Et le fier cheval noir , d’un grand saut de ti tan

,

Je t te abas , inondé s de lumière v ermei ll e ,

L’

Homme e t la Femme en pleurs criant :Glo ire aSatan

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3 10 L A V I E ET L A M ORT

vien t . (l’ est le Ro i de la Terre nouvell e !

Ma T erre est comme cell e où vous viviez avant,

L eur di t—i l, seu l ement . l a mienne e s t é ternelle

E t quiconque y parvient pour touj our s e st vi van t !

Pour prix de tes b ienfai ts , Maj esté triomphante ,

Fi t l’Homme , que veux—tu Vivez ! di t Lucifer .

Et l‘Homm e alors blèmi t e t hurla d’

épouv an te

Car i l compri t enfin qu e la V i e e s t l'

Enf er .

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L A V IE E T L A M ORT 3 13

LA M O RT D E LA TERRE

(D'

A PRÊS REVE)

C ’é tai t dans l ’avenir , trè s tard très loin , sans doute .

O r j ’ouis une voix qui traversa la voûte

Du ciel rouge e t glaça le vieux globe é tonné

Sus à l’Homme ! sus , sus ! Arbre s , l’heure a sonné !

E t soudain— comme un lourd révei l de preux an tique sDérouillant dans l ’azur leurs membres fantastiques

18

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3 14 L A V IE E T LA M O RT

E t détachan t du s ol leur s gros or teil s mouvants ,

Tous le s arbres des boi s s ’év e i llère n t , vivants .

Puis , qui t tant l es forê ts aux en trail l es ouver te s ,

Par grands troupeaux feui llu s , par grande s hordes vertes ,

Efirayan ts , effrénés , brutaux ,calami teux

,

Ils allèrent , traquan t l es hommes devant

Au secour s

Vains app els

Grâce !

Vaines suppliques .

E t tout a coup les bras , le s grands bras faméliques ,

L e s grands bras tor tueux‘

des chênes colossaux

S’

abâtte n t e t l e s an gjailli t ; e t , par monceaux ,

Pargran dsmon ce auxrâlan ts ,pargran dsmon ceauxhorribles

Tombent de s corp s humains troué s comme des cri bles .

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3 16 L A V IE E T L A M ORT

Oh l’

Homme fu i t , fui t , fui t , sur le s plaines

Soudain . comme un cordon de géan tes v igie s,

Apparaî t un long rang demonts graves e t bleus .

Monts qui touchez le ci el de vos pics fabuleux ,

S’

écr i ère n t alors le s p euplades tremblantes ,

Sauvez—nous,sauvez- nous de la fureur des plantes

Mais les monts dirent tous . comme un chœur forcené

" N

nu s , à l'

Homme su s , su s O monts , l’heure a s onné !

I I

E t , s ombres emplis s ant l ’air muet de paniq ues ,

L e s fiers monts,l es hauts monts

, le sgran dsmonts ti tan i qu es

Révei l qu i s tupéfie e t donne le fri ssonS ’

ébran lère n t a v ec fracas à l ’horizon .

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L A V IE E T LA M ORT 3 17

Ayez pi tié de nous , Dieux bons , Dieux secourab les

Mai s les monts sourds,armés d ’aiguilles innombrable s

,

Tumultueusement , par bonds prodigieux ,

Se ruèrent,pointant leurs pics comme de s pieux .

Hop E t leurs longs sap ins ouvrirent des en trai l l e s .

Hop hop E t leurs rocs noirs,bran lebas de p ierraill es

,

S’

é croulère n t , couvran t des royaumes entiers .

Hop ! b ep ! hop Pu i s sen tant , eux , le s grands monts al ti er

Au répugnant contact des p euples délétères ,

Monter de s blocs de soufre en leurs larges cratères ,

Ils firen t trèv e , e t tous désarmés , tous décu s ,

Dédaignant frapper l’Homme,i l s crachèrent dessus .

Oh ! l’

Homme fui t , fui t , fuit , loin de s laves

Soudain,fai san t chan ter ses vagues indolen tes ,

Apparut la mer bleue , au loin , l’immense mer .

O mer,miroir de Dieu ,

to i dont l e gouffre amer

18 .

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3 18 L A VIE ET LA M ORT

Balan ce allègrement nos nefs vastes e t sûres,

En ce j our où les boi s on t pour nous des morsures

Où le s p ics nous envoient le feu de leurs poumons,

Garde—nous du courroux des plante s e t desmonts !

E t tous le s survivants vers la mer s ’ élan cère n t .

Mais,sur l ’océan plat, des vagues s e dr essèrent ,

E t leur grande vo ix di t,dans le cie l consterné

à l’Homme ! sus ! su s ! O flo ts,l ’heure a sonné !

Et , hideuse . emplissant le s grève s d é pouvantes

La mer bleue ébranla se s colonnes mouvantes .

Grâce, flo ts Oh ! p i ti é ! Qu

allon s—nous devenir

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320 L A V IE E T L A M ORT

Où voguen t n os ballons . ains i que des gal ère s !

Oh ! par pi ti é , cieux bleus , en ce j our de col ère s ,

Des plantes,e t de s monts . et de s flot s , sauvez—nous !

E t les homme s ’é tant pro s te rn é sa gen oux .

Montèren t en ball on pour part i r vers la nue .

Mais l e ciel se voila d‘

une nui t inconnue

E t la t empête alors cria , souffle effréné

Su s à l‘Homme s u s ! O cieux . l‘heure a sonné !

Et nu age s noirs mons trueux capi taine s ,

Dégainèrent l ’ éclair de leurs lames hau taine .

Glaive s . glaives de feu ,gràce ! épargnez nos fronts !

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L A V IE E T L A M ORT C.O

Mais la tempê te morne embouche s e s clairons

Hol ‘a,tous les engins cruel s e t sanguinaire s !

Hola,trombes ! hol

a,grêlons ! holà

,t onnerre s !

Hola , tou t l’arsenal guerrier du firmament ,

Partez,tombez

,tonnez

,mitrai llez hardiment !

Hop! flamboye z , éclairs ! h0p hop ! brillez , rapi ères

Hop ! b ep ! hop bombardez , céleste s canonnières !

Pans fuman ts de la nui t,croulez su r le s humains !

E t chaque homme , j oignan t ses mi sérabl es mains ,

Pleura

T erre bénie,ô Terre que j

embras s e .

O mère de ma mère , 6mère de ma race ,

Sauve- nous,sauve—nous , en ce j our odieux ,

Des plante s e t de s monts . des vagues et de s cieux

Il s creusèrent des puit s e t fuirent dans la T erre .

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L A V IE ET L A M ORT

Mai s alors , oh ! alors , une voix de mystère .

Une voix qu i glacai t , une vo ix qui râlai t ,

Une voix formidabl e e t vaste,qui s emb lai t

,

Dans les ci eux solenn el s empuanti s de soufre ,

L’

an athème e tfi av an t d ’un vi eux glob e qu i souffre

Clama

T erm i n e humaine , opprobre de ma peau ,

Pui s que mes bois fondan t sur toi comme un troupeau ,

Puisque mesmonts auxpi cs tranchants comme de s lame s

Pui squ e toutes mes eaux ,pui sque toutes mes flammes

Vainement ont voulu de toi me dé li vrer ,

As tres,feux immortel s qui vene z m ’éclairer .

Voy ez tous , voy ez tous

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T ABLE DES M AT IERES

L a L ÉGEND E D E LA T ERRE .

B ARBARIE .

LEC HEF— D’

OEUVRE DE D IEU .

REvE.

L ES L ARME S D U PIN .

INF IN I .

B OHÉM IENNE .

L A VENGEANC E D E L 'HOMME .

JEUX D’

EN FAN T .Q

.

L A R O SE .

L O I DE NATURE .

L e s M O RCEAUX D U PARAD I S .

EN ’PAS SANT.

LE REF UGE DU D IABLE…

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TABLE DES M AT I ! RES

S EN SATION D ’ETE.

COMMENT .

VERTIGE

SYLPHIDE .

L'

IM )IORTAL ITE DU COEUR

L E NUAGE .

CHAN S ON D E PRINTEM PS .

L’AMOUR DES YEUX .

D IVAGA'

I‘

ION S .

POURQUO I L ’

ON AIM E.

B ATAILLE D ’A RBRE S

C O IN .

L E C OEUR DU PO ! TE.

L E B ONHEUR .

L A JO IE DE S OUFF RIR

L’

OEUVRE.

L A N EGRIL L ON NE.

C ONF ESSION .

ASPIR AT ION .

LAREv UE DE LA VIE.

L A M O RT D E L ‘HOMME .

L E PAR AD I S .

L’

ENFER .

L A M ORT DE LA TERRE .

Par i s . Imp. F . D ij on , 34 , Pele tie r