4° Exercices point de vue 01

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TEXTES POUR ETUDIER LES POINTS DE VUE NARRATIFS

TEXTE 1 Se passionnant pour la question sociale, Victor Hugo s'est inspir de l'histoire vridique de Claude Gueux pour crire, dans un livre consacr cet homme, un rquisitoire contre la peine de mort. Il y a sept ou huit ans, un homme nomm Claude Gueux, pauvre ouvrier, vivait Paris. Il avait avec lui une fille qui tait sa matresse, et un enfant de cette fille. Je dis les choses comme elles sont, laissant le lecteur ramasser les moralits mesure que les faits les sment sur leur chemin. L'ouvrier tait capable, habile, intelligent, fort mal trait par l'ducation, fort bien trait par la nature, ne sachant pas lire et sachant penser. Un hiver, l'ouvrage manqua. Pas de feu, ni de pain dans le galetas. L'homme, la fille et l'enfant eurent froid et faim. L'homme vola. Je ne sais ce qu'il vola, je ne sais o il vola. Ce que je sais, c'est que de ce vol il rsulta trois jours de pain et de feu pour la femme et pour l'enfant, et cinq ans de prison pour l'homme. L'homme fut envoy faire son temps la maison centrale de Clairvaux. Clairvaux, abbaye dont on a fait une bastille, cellule dont on a fait un cabanon, autel dont on a fait un pilori. Quand nous parlons de progrs, c'est ainsi que certaines gens le comprennent et l'excutent. Voil la chose qu'ils mettent sous notre mot. Poursuivons : Arriv l, on le mit dans un cachot pour la nuit et dans un atelier pour le jour. Ce n'est pas l'atelier que je blme. Claude Gueux, honnte ouvrier nagure, voleur dsormais, tait une figure digne et grave. Il avait le front haut, dj rid, quoique jeune encore, quelques cheveux gris perdus dans les touffes noires, l'il doux et fort puissamment enfonc sous une arcade sourcilire bien modele, les narines ouvertes, le menton avanc, la lvre ddaigneuse. C'tait une belle tte. On va voir ce que la socit en a fait. Victor Hugo, Claude Gueux, 1834.

TEXTE 2 Les lignes suivantes constituent le dbut du roman. Je suis n le 15 mai 18..., dans une ville du Languedoc, o l'on trouve, comme dans toutes les villes du Midi, beaucoup de soleil, pas mal de poussire, un couvent de carmlites et deux ou trois monuments romains. Mon pre, M. Eyssette, qui faisait cette poque le commerce des foulards, avait, aux portes de la ville, une grande fabrique dans un pan de laquelle il s'tait taill une habitation commode, tout ombrage de platanes et spare des ateliers par un vaste jardin. C'est l que je suis venu au monde et que j'ai pass les premires, les seules bonnes annes de ma vie. Aussi ma mmoire reconnaissante a-t-elle gard du jardin, de la fabrique et des platanes un imprissable souvenir, et lorsqu' la ruine de mes parents il m'a fallu me sparer de ces choses, je les ai positivement regrettes comme des tres. Je dois dire, pour commencer, que ma naissance ne porta pas bonheur la maison Eyssette. La vieille Annou, notre cuisinire, m'a souvent cont depuis comme quoi mon pre, en voyage ce moment, reut en mme temps la nouvelle de mon apparition dans le monde et celle de la disparition d'un de ses clients de Marseille, qui lui emportait plus de quarante mille francs ; si bien que M. Eyssette, heureux et dsol du mme coup, se demandait, comme l'autre, s'il devait pleurer pour la disparition du client de Marseille, ou rire pour l'heureuse arrive du petit Daniel... Alphonse Chose, 1868. Daudet, Le Petit

Comprhension : Citez les personnages voqus dans ces deux extraits. Quels sont les plus importants ? Auteur, narrateur, personnage : 1. Qui est l'auteur de chacun de ces textes ? Cherchez au CDI ou sur

Internet un rsum de la vie de chacun deux et au moins deux titres d'uvres rdiges par ces crivains. 2. Quels pronoms personnels chacun des narrateurs utilise-t-il pour mener son rcit ? votre avis, dans quelle intention fait-il ce choix ? 3. D'aprs le titre, quel est le personnage principal de ces extraits de nouvelle ou de roman ? Comment chacun se prnomme-t-il ? 4. Le deuxime texte est un roman autobiographique : qui est alors le petit Daniel (1. 19), selon vous ? Fonction du narrateur : 5. Relisez les lignes 11 15 du texte 1. Comment qualifieriez-vous ces propos ? S'agit-il d'un passage de rcit ? Trouvez un exemple quivalent dans le texte 2. 6. Dans le texte 1, relevez le champ lexical de l'emprisonnement (1. 10 15). Que veut montrer Victor Hugo ? 7. Comment qualifier la tonalit de chacun de ces deux textes : enthousiaste, critique, nostalgique. argumentatif ? 8. Quelle image, positive ou ngative, chaque narrateur donne-t-il de son personnage ?

TEXTE 3 Le narrateur est dans sa chambre, la nuit. Il pluche des documents administratifs. Je m'carquillais les yeux dchiffrer les souscriptions, quand je crus entendre ou plutt sentir un frlement derrire moi. Je n'y pris point garde, pensant qu'un courant d'air avait fait remuer quelque toffe. Mais, au bout d'une minute, un autre mouvement, presque indistinct, me fit passer sur la peau un singulier petit frisson

dsagrable. C'tait tellement bte d'tre mu, mme peine, que je ne voulus pas me retourner, par pudeur pour moi-mme. Je venais alors de dcouvrir la seconde des liasses qu'il me fallait ; et je trouvais justement la troisime, quand un grand et pnible soupir, pouss contre mon paule, me fit faire un bond de fou deux mtres de l. Dans mon lan, je m'tais retourn, la main sur la poigne de mon sabre, et certes, si je ne l'avais pas senti mon ct, je me serais enfui comme un lche. Une grande femme vtue de blanc me regardait, debout derrire le fauteuil o j'tais assis une seconde plus tt. Une telle secousse me courut dans les membres que je faillis m'abattre la renverse ! Oh ! Personne ne peut comprendre, moins de les avoir ressenties, ces pouvantables et stupides terreurs. L'me se fond ; on ne sent plus son cur ; le corps entier devient mou comme une ponge ; on dirait que tout l'intrieur s'croule. Je ne crois pas aux fantmes ; eh bien ! J'ai dfailli sous la hideuse peur des morts et j'ai souffert, oh ! souffert en quelques instants plus qu'en tout le reste de ma vie, dans l'angoisse irrsistible des pouvantes surnaturelles. Si elle n'avait pas parl, je serais mort peut-tre ! Mais elle parla ; elle parla d'une voix douce et douloureuse qui faisait vibrer les nerfs. Je n'oserais pas dire que je redevins matre de moi et que je retrouvai ma raison. Non. J'tais perdu ne plus savoir ce que je faisais ; mais cette espce de fiert intime que j'ai en moi, un peu d'orgueil de mtier aussi, me faisaient garder, presque malgr moi, une contenance honorable. Je posais pour moi et pour elle sans doute, pour elle, quelle qu'elle ft, femme ou spectre. Je me suis rendu compte de tout cela plus tard, car je vous assure que, dans l'instant de l'apparition, je ne songeais rien. J'avais peur. Elle dit : Oh ! Monsieur, vous pouvez me rendre un grand service ! Je voulus rpondre, mais il me fut impossible de prononcer un mot. Un bruit vague sortit de ma gorge. Elle reprit: Voulez-vous ? Vous pouvez me sauver, me gurir. Je souffre affreusement. Je souffre, oh ! Je souffre ! Et elle s'assit doucement dans mon fauteuil. Elle me regardait. Voulez-vous ? Je fis: Oui ! de la tte, ayant encore la voix paralyse. Alors elle me tendit un peigne en caille et elle murmura : Peignez-moi, oh! peignez-moi ; cela me gurira ; il faut qu'on me peigne. Regardez ma tte... Comme je souffre ; et mes cheveux, comme ils me font mal ! Ses cheveux dnous, trs longs, trs noirs, me semblait-il,

pendaient par-dessus le dossier du fauteuil et touchaient la terre. Pourquoi ai-je fait ceci ? Pourquoi ai-je reu en frissonnant ce peigne, et pourquoi ai-je pris dans mes mains ses longs cheveux qui me donnrent la peau une sensation de froid atroce comme si j'eusse mani des serpents ? Je n'en sais rien. Guy de Maupassant, Apparition , 1883. Comprhension : Croyez-vous l'histoire raconte par le narrateur ? Pourquoi ? 1. Qui est le narrateur ? Qui est le personnage principal ? Pour rpondre, tudiez les pronoms personnels utiliss. 2. Quels sont les temps employs dans ce rcit ? Justifiez leur emploi. 3. numrez les signes qui annoncent l'apparition. Qu'est-ce qui en fait le mystre et l'tranget ? 4. Que demande l'apparition, et sur quel ton ? Observez notamment les types de phrases employs. 5. Qu'est-ce qui rend cette apparition mouvante, bien qu'elle soit effrayante ? 6. Quelles sont les diffrentes sensations du narrateur (1. 5 20) ? Quel sentiment prouve-t-il tout au long de cette scne ? Relevez les synonymes de ce sentiment employs dans le texte, et commentez leur progression. 7. Observez la ponctuation des lignes 13 20, puis relevez les interjections employes. Quels indices ces indications fournissent-elles sur l'tat d'esprit du personnage ? 8. la ligne 31, comment le narrateur ragit-il aux demandes de l'apparition ? Comment sa peur se manifeste-t-elle ? 9. Relisez les lignes 35 44. Le narrateur obit-il la demande de l'apparition ? Montrez qu'il ne matrise pas la situation et qu'il agit presque malgr lui.

10. Quels sont les temps employs dans les quatre dernires lignes ? quel moment le narrateur se pose-t-il ces questions ? 11. Quelle explication donnez-vous l'vnement racont ici ? Synthse : D'aprs vous, le texte aurait-il t aussi effrayant si le narrateur avait employ la troisime personne du singulier, au lieu de la premire ? EXPRESSION ECRITE : Imaginez la suite de ce rcit. Mthode : a) Je conserve le mme systme de rcit : premire personne et temps du pass. b) Je tiens compte de l'atmosphre dcrite : les vnements que j'voque doivent tre tranges ou inquitants. LECON : Dans un rcit la premire personne, le narrateur est gnralement un personnage de l'histoire. Il fait part de ses expriences, de ses sentiments et de ses sensations, comme hros ou comme narrateur-tmoin. Cela donne au rcit une vraisemblance qui permet au lecteur de mieux adhrer l'histoire. Lemploi de la premire personne joue un rle particulirement important dans les rcits fantastiques, parce qu'elle contribue brouiller les frontires entre rve et ralit. Le lecteur ne bnficie donc d'aucune explication rationnelle pour comprendre les phnomnes surnaturels auxquels il assiste.

TEXTE 4

Avant son dpart pour l'Amrique, Johan Suter se rend dans un petit village. Ces paisibles campagnards blois furent tout coup mis en moi par l'arrive d'un tranger. Mme en plein jour, un tranger est quelque chose de rare dans ce petit village de Rnenberg ; mais que dire d'un tranger qui s'amne une heure indue, le soir, si tard, juste avant le coucher du soleil ? Le chien noir resta la patte en l'air et les vieilles femmes 1aissrent choir leur ouvrage. [...] Quant au groupe des buveurs, Au Sauvage , ils avaient cess de boire et observaient l'tranger par en-dessous. Celui-ci s'tait arrt la premire maison du pays et avait demand qu'on veuille bien lui indiquer l'habitation du syndic de la commune. Le vieux Buser, qui il s'adressait, lui tourna le dos et, tirant son petit-fils Hans par l'oreille, lui dit de conduire l'tranger chez le syndic. Puis il se remit bourrer sa pipe, tout en suivant du coin de l'il l'tranger qui s'loignait longues enjambes derrire l'enfant trottinant. On vit l'tranger pntrer chez le syndic. Les villageois avaient eu le temps de le dtailler au passage. C'tait un homme grand, maigre, au visage prmaturment fltri. D'tranges cheveux d'un jaune filasse sortaient de dessous un chapeau boucle d'argent. Ses souliers taient clouts. Il avait une grosse pine la main. Et les commentaires d'aller bon train. Ces trangers, ils ne saluent personne , disait Buhri, l'aubergiste, les deux mains croises sur son norme bedaine. Moi, je vous dis qu'il vient de la ville , disait le vieux Siebenhaar qui autrefois avait t soldat en France ; et il se mit conter une fois de plus les choses curieuses et les gens extravagants qu'il avait vus chez les Welches. Les jeunes filles avaient surtout remarqu la coupe raide de la redingote et le faux col hautes pointes qui sciait le bas des oreilles ; elles potinaient voix basse, rougissantes, mues. Les gars, eux, faisaient un groupe menaant auprs de la fontaine ; ils attendaient les vnements, prts intervenir. Bientt, on vit l'tranger rapparatre sur le seuil. Il semblait trs las et avait son chapeau la main. Il s'pongea le front avec un de ces grands foulards jaunes que l'on tisse en Alsace. Du coup, le bambin qui l'attendait sur le perron se leva, raide. L'tranger lui tapota les joues, puis il lui donna un thaler, foula de ses longues

enjambes la place du village, cracha dans la fontaine en passant. Tout le village le contemplait maintenant. Les buveurs taient debout. Mais l'tranger ne leur jeta mme pas un regard, il regrimpa dans la carriole qui l'avait amen et disparut bientt en prenant la route plante de sorbiers qui mne au chef-lieu du canton. Cette brusque apparition et ce dpart prcipit bouleversaient ces paisibles villageois. L'enfant s'tait mis pleurer. La pice d'argent que l'tranger lui avait donne circulait de main en main. Des discussions s'levaient. L'aubergiste tait parmi les plus violents. Il tait outr que l'tranger n'ait mme point daign s'arrter un moment chez lui pour vider un cruchon. Il parlait de faire sonner le tocsin pour prvenir les villages circonvoisins et d'organiser une chasse l'homme. Le bruit se rpandit bientt que l'tranger se rclamait de la commune, qu'il venait demander un certificat d'origine et un passeport pour entreprendre un long voyage l'tranger, qu'il n'avait pas pu faire preuve de sa bourgeoisie et que le syndic, qui ne le connaissait pas et qui ne l'avait jamais vu, lui avait refus et certificat et passeport. Tout le monde loua fort la prudence du syndic. Blaise Cendrars, L'Or, 1925. Comprhension : Quelles sont les principales tapes de l'histoire raconte ici ? Le point de vue : 1. quelle personne le rcit est-il fait ? 2. Relevez tous les lments permettant de dterminer le cadre spatio-temporel. O et quand cette scne se droule-t-elle ? 3. Selon vous, qui raconte la scne ? Le narrateur est-il un personnage de l'histoire ? Larrive de ltranger : 4. Relevez tous les dtails qui soulignent le caractre inhabituel d'une

telle visite. 5. Comment les villageois ragissent-ils ? Comment qualifieriez-vous l'attitude du groupe ? 6. Par quel terme le visiteur est-il dsign tout au long du texte ? votre avis, que signifie une telle insistance ? 7. Quel tait le but de la visite de l'tranger ? Pourquoi crache-t-il dans la fontaine en partant ? Les interventions du narrateur : 8. De quoi les villageois ont-ils peur ? Relevez les termes appartenant au champ lexical de la rumeur. En quoi peut-on parler de mdisance de leur part ? 9. Qu'apprend-on finalement sur le visiteur ? 10. En quoi la dernire phrase est-elle ironique ? Que dnonce implicitement le narrateur en dcrivant ces paisibles campagnards (l. 1) ? Synthse : Quels sentiments expliquent l'accueil rserv l'tranger par les villageois ? EXPRESSION ECRITE : Le syndic explique son collgue du village voisin ce qui vient de se passer : il veut le mettre en garde contre ltranger. Imaginez son rcit. Mthode : a) Je conserve la narration la 3me personne, et je rapporte les paroles prononces au discours indirect (Il expliqua que... Le maire ajouta que...). b) Je tiens compte des caractristiques des personnages (mentalits, comportements) et du cadre spatio-temporel de l'histoire.

c) Je n'oublie pas d'inclure dans la narration des commentaires sur l'attitude ou les propos du maire. LECON Dans un rcit la 3me personne, le narrateur est extrieur lhistoire. Il peut choisir de rester neutre ou, au contraire, dintervenir dans son rcit, en faisant des commentaires implicites ou explicites. Le roman est une uvre de fiction : les personnages sont, en gnral, invents. Cependant, le rcit permet au narrateur dexprimer les ides ou les jugements de lauteur.

TEXTE 5 Le texte suivant est le dbut de la nouvelle. Il y avait Montmartre, au troisime tage du 75 bis de la rue d'Orchampt, un excellent homme nomm Dutilleul qui possdait le don singulier de passer travers les murs sans en tre incommod. Il portait un binocle, une petite barbiche noire, et il tait employ de troisime classe au ministre de l'Enregistrement. En hiver, il se rendait son bureau par l'autobus et, la belle saison, il faisait le trajet pied, sous son chapeau melon. Dutilleul venait d'entrer dans sa quarante-troisime anne lorsqu'il eut la rvlation de son pouvoir. Un soir, une courte panne d'lectricit l'ayant surpris dans le vestibule de son petit appartement de clibataire, il ttonna un moment dans les tnbres et, le courant revenu, se trouva sur le palier du troisime tage. Comme sa porte d'entre tait ferme cl de l'intrieur, l'incident lui donna rflchir et, malgr les remontrances de sa raison, il se dcida rentrer chez lui comme il en tait sorti, en passant travers la muraille. Cette trange facult, qui semblait ne rpondre aucune de ses aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu et, le lendemain samedi, profitant de la semaine anglaise, il alla trouver un mdecin du

quartier pour lui exposer son cas. Le docteur put se convaincre qu'il disait vrai et, aprs examen, dcouvrit la cause du mal dans un durcissement hlicodal de la paroi strangulaire du corps thyrode. Il prescrivit le surmenage intensif et, raison de deux cachets par an, l'absorption de poudre de pirette ttravalente, mlange de farine de riz et d'hormone de centaure. Ayant absorb le premier cachet, Dutilleul rangea le mdicament dans un tiroir et n'y pensa plus. Quant au surmenage intensif, son activit de fonctionnaire tait rgle par des usages ne s'accommodant d'aucun excs, et ses heures de loisir, consacres la lecture du journal et sa collection de timbres, ne l'obligeaient pas non plus une dpense draisonnable d'nergie. Au bout d'un an, il avait donc gard intacte la facult de passer travers les murs, mais il ne l'utilisait jamais, sinon par inadvertance, tant peu curieux d'aventures et rtif aux entranements de l'imagination. L'ide ne lui venait mme pas de rentrer chez lui autrement que par la porte et aprs l'avoir dment ouverte en faisant jouer la serrure. Peut-tre et-il vieilli dans la paix de ses habitudes sans avoir la tentation de mettre ses dons l'preuve, si un vnement extraordinaire n'tait venu soudain bouleverser son existence. Marcel Aym, Le Passe-muraille, 1943. Comprhension : Quel vnement extraordinaire arrive un jour au personnage ? Lillusion romanesque : 1. Qui est l'auteur de ce texte ? Le narrateur fait-il partie de l'histoire ? Justifiez votre rponse. 2. Relevez tous les indices permettant de situer le cadre de l'histoire. Quel est l'effet produit par ces indications ? 3. Quel est le personnage principal de cette histoire ? Quels dtails montrent que c'est une personne apparemment ordinaire ? 4. Comment Dutilleul ragit-il lorsqu'il prend conscience de son don singulier ?

5. Un tel personnage correspond-il l'ide que l'on se fait d'un hros ? Pourquoi ? Le point de vue omniscient : 6. Relevez des exemples du texte montrant que le narrateur connat : a) les habitudes de Dutilleul ; b) ses penses ; c) ses passe-temps. 7. Quels dtails indiquent que le narrateur connat aussi les autres personnages et la suite de cette histoire ? 8. Quel regard le narrateur porte-t-il sur le personnage ? Relevez un ou deux commentaires ironiques justifiant votre rponse. Synthse : D'aprs vos rponses aux questions 1 8, pouvez-vous dfinir le point de vue omniscient ? Aidez-vous en recherchant l'tymologie du mot omniscient dans le dictionnaire. EXPRESION ECRITE : Vous racontez la consultation de Dutilleul chez son mdecin, et imaginez le diagnostic de ce dernier. Mthode : a) J'adopte le point de vue omniscient : je connais donc les penses des personnages. b) J'introduis dans le rcit des commentaires ou des explications concernant les actions des personnages. c) Si je rapporte directement l'change entre le mdecin et son patient, je respecte la prsentation du dialogue.

LECON Dans un rcit la troisime personne, le narrateur peut adopter un point de vue omniscient. Il montre alors un savoir illimit sur la vie et les penses des personnages, comme sur les vnements rapports, passs et futurs. Cette position lui permet aussi de faire des commentaires, implicites ou explicites, sur l'histoire qu'il raconte. Dans ce type de narration, le lecteur en sait plus que les personnages qui, eux, ont une vision trs partielle de l'action. Le lecteur est en possession d'informations qui lui permettent d'avoir une vision d'ensemble de l'action, et donc de savoir tout ce qui se passe au mme moment et des endroits diffrents.

TEXTE 6 Martine est en train de prparer un vol l'arrach avec deux amis. Pendant tout le temps du djeuner avec sa mre, Martine n'a presque pas pens au rendez-vous. Quand elle y pensait, a l'tonnait de s'apercevoir que a lui tait gal. Ce n'tait srement pas pareil pour Titi. Elle, a faisait des jours et des jours qu'elle ruminait toute cette histoire, elle en avait srement parl pendant qu'elle mangeait son sandwich sur un banc, ct de son copain. D'ailleurs c'est lui qui a parl la premire fois de prter son vlomoteur Martine, parce qu'elle n'en avait pas. Mais lui, on ne peut pas savoir ce qu'il pense de tout cela. Il a de petits yeux troits o on ne lit absolument rien, mme quand il est furieux ou qu'il s'ennuie. Pourtant, quand elle est arrive dans la rue de la Libert, prs de la place, Martine a senti son cur tout d'un coup qui paniquait. C'est drle, un cur qui a peur, a fait boum, boum, boum , trs fort au centre du corps, et on a tout de suite les jambes molles, comme si on allait tomber. Pourquoi a-t-elle peur ? Elle ne sait pas trs bien, sa tte est froide, et ses penses sont indiffrentes, mme un peu ennuyes ; mais c'est comme si l'intrieur de son corps il y avait quelqu'un d'autre qui s'affolait. En tout cas, elle serre les lvres et elle respire doucement, pour que les autres ne voient pas ce qui se passe en elle. Pourtant, la rue de la Libert est calme, il n'y a pas grand

monde qui passe. Les pigeons marchent au soleil, sur le bord du trottoir et dans le ruisseau, en faisant bouger mcaniquement leurs ttes. Mais c'est comme si, de toutes parts, tait venu un vide intense, angoissant, strident l'intrieur des oreilles, un vide qui suspendait une menace en haut des immeubles de sept tages, aux balcons, derrire chaque fentre, ou bien l'intrieur de chaque voiture arrte. Martine reste immobile, elle sent le froid du vide en elle, jusqu' son cur, et un peu de sueur mouille ses paumes. Titi et le garon la regardent, les yeux plisss cause de la lumire du soleil. Ils lui parlent, et elle ne les entend pas. Elle doit tre trs ple, les yeux fixes, et ses lvres tremblent. Puis d'un seul coup cela s'en va, et c'est elle maintenant qui parle, la voix un peu rauque, sans savoir trs bien ce qu'elle dit. Bon. Alors, on y va ? On y va maintenant ? J.-M. G. Le Clzio, La Ronde , in La Ronde et autres faits divers, 1982. Comprhension : quel moment la scne se droule-t-elle ? Que doit-il se passer juste aprs ? La cration dune atmosphre : 1. Que savons-nous des personnages prsents ? Dans le premier paragraphe, relevez toutes les informations les concernant. 2. Le narrateur est-il un personnage de l'histoire ? Quel lment vous a permis de rpondre ? 3. Quelle impression le lecteur prouve-t-il : suspense, motion, malaise... ? Les ractions de Martine : 4. Pourquoi Martine est-elle tonne de n'avoir presque pas pens au rendez-vous ? En quoi se sent-elle diffrente de ses amis ? 5. Dans le premier paragraphe, successivement en tte ? quelles ides lui viennent

6. Dans le deuxime paragraphe, quelles manifestations physiques montrent qu'elle n'est pourtant pas si indiffrente ? 7. la fin du deuxime paragraphe, comment sa peur se traduit-elle ? tudiez notamment le contraste entre le calme de la rue et l'agitation intrieure du personnage. Le point de vue interne : 8. Qu'est-ce qui montre que la narration suit le cours des penses de Martine ? Quelle remarque faites-vous sur les temps employs ? 9. Ce n'tait srement pas pareil pour Titi (1. 3). Quel personnage formule cette pense ? Retrouvez un autre exemple de rflexion intrieure. Synthse : Quels effets le point de vue interne et le temps employ partir de la ligne 10 produisent-ils sur le lecteur ? EXPRESSION ECRITE : Relisez la dernire phrase du premier paragraphe (1. 7 9). Faites le rcit de l'arrive de Martine au rendez-vous, selon le point de vue du copain de Titi. Mthode : a) Je commence le rcit par : Pendant tout le temps du djeuner, il a pens (il n'a pas pens) au rendez-vous... b) Je conserve les temps employs dans le texte: prsent, pass compos et imparfait. c) Je dcris l'arrive de Martine en imaginant la scne travers les yeux du garon. d) Comme je suis dans la peau du garon, je fais part aussi de ce qu'il

pense et de ce qu'il ressent. LECON Le narrateur peut choisir de raconter l'histoire travers le regard d'un personnage : il adopte alors le point de vue interne. Parfois, une mme histoire est raconte travers plusieurs points de vue internes successifs. Dans ce type de narration, le lecteur en sait autant que le personnage. Il voit, entend, ressent comme lui : il connat donc le personnage de l'intrieur. Ce procd de narration facilite l'identification du lecteur avec le personnage. LECON La nouvelle La nouvelle est un genre narratif qui se distingue du roman par sa brivet. Elle doit son nom l'italien novella qui signifie fait rcent . Apparu ds le XIIIe sicle, ce genre se dveloppe surtout partir du XVIe sicle. Il s'agit d'abord d'anecdotes divertissantes, dans lesquelles apparaissent peu peu des analyses psychologiques ou des rflexions morales, comme dans les romans. Caractristiques de la nouvelle : la nouvelle met peu de personnages en scne ; l'histoire est rapide, et la fin souvent surprenante. Le cadre spatio-temporel contribue la vraisemblance du rcit, de mme que les pripties vcues par les personnages. Diffrentes sortes de nouvelles: ce genre s'est dvelopp sous des formes varies : - des nouvelles fantastiques, l'atmosphre trange et inquitante ; - des nouvelles policires, qui mettent en place des nigmes et racontent comment elles sont rsolues ; - des nouvelles de science-fiction, dont le cadre spatio-temporel est

un monde imaginaire et futuriste ; - des nouvelles d'horreur et d'pouvante, destines effrayer le lecteur ; - des nouvelles ralistes, peignant des milieux sociaux rels. Qui raconte ? Le rcit la premire personne : dans un rcit la premire personne, le narrateur est un personnage de l'histoire. Les vnements sont prsents travers lui ; le lecteur participe ses motions, ses sentiments, et peut s'identifier sa situation. Ce mode de narration renforce la crdibilit de l'histoire, cense avoir t rellement vcue. Le rcit la troisime personne : dans un rcit la troisime personne, le narrateur prend davantage de distance avec le sujet racont. Le point de vue narratif : Dans les textes narratifs, le narrateur peut adopter diffrents points de vue pour crire son rcit. 1 Le point de vue omniscient : le narrateur a une connaissance illimite des personnages et des vnements rapports. Il connat les penses et les sentiments les plus intimes de ces personnages. Il sait ce qui s'est pass avant l'histoire et ce qui se passera aprs. Ce mode de narration lui permet d'introduire des commentaires dans le rcit, de faon explicite ou implicite. 2 Le point de vue interne : le narrateur raconte ce qui se passe travers le regard d'un personnage. Le lecteur est au cur mme de ses penses, il peroit sa subjectivit. Ce mode de narration permet une plus forte implication du lecteur dans l'histoire. 3. l'crivain peut faire alterner les points de vue dans la narration, pour donner de la vivacit au rcit et ne pas lasser le lecteur.