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ILCEA Revue de l’Institut des langues et cultures d'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie 35 | 2019 Intermédialités dans les arts et la littérature de l'Espagne (XX e et XXI e siècles) Laurent Gallardo et Jean-François Carcelen (dir.) Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ilcea/6022 DOI : 10.4000/ilcea.6022 ISSN : 2101-0609 Éditeur UGA Éditions/Université Grenoble Alpes Édition imprimée ISBN : 978-2-37747-083-9 ISSN : 1639-6073 Référence électronique Laurent Gallardo et Jean-François Carcelen (dir.), ILCEA, 35 | 2019, « Intermédialités dans les arts et la littérature de l'Espagne (XX e et XXI e siècles) » [En ligne], mis en ligne le 27 mars 2019, consulté le 01 juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/ilcea/6022 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ilcea.6022 Ce document a été généré automatiquement le 1 juin 2020. © ILCEA

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ILCEARevue de l’Institut des langues et culturesd'Europe, Amérique, Afrique, Asie et Australie 

35 | 2019Intermédialités dans les arts et la littérature del'Espagne (XXe et XXIe siècles)Laurent Gallardo et Jean-François Carcelen (dir.)

Édition électroniqueURL : http://journals.openedition.org/ilcea/6022DOI : 10.4000/ilcea.6022ISSN : 2101-0609

ÉditeurUGA Éditions/Université Grenoble Alpes

Édition impriméeISBN : 978-2-37747-083-9ISSN : 1639-6073

Référence électroniqueLaurent Gallardo et Jean-François Carcelen (dir.), ILCEA, 35 | 2019, « Intermédialités dans les arts et lalittérature de l'Espagne (XXe et XXIe siècles) » [En ligne], mis en ligne le 27 mars 2019, consulté le 01juin 2020. URL : http://journals.openedition.org/ilcea/6022 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ilcea.6022

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SOMMAIRE

La littérature espagnole à l’épreuve de l’intermédialité (XXe-XXIe siècles)Jean-François Carcelen et Laurent Gallardo

Intermedialidad y vanguardismo en el teatro de Ramón Gómez de la SernaEmmanuel Le Vagueresse

Daniela Astor y la caja negra, de Marta Sanz : rencontre entre la fiction narrative et ledocumentaire audiovisuelMyriam Roche

La écfrasis auto/docuficcional en Tu rostro mañana de Javier MaríasMihai Iacob

La narrativa expandida de Jorge Carrión y Agustín Fernández Mallo: prácticas intermedialesen la época postdigitalRoxana Ilasca

La composition des livres, des projets intermédiaux pour José Ruiz-CastilloDolores Thion Soriano-Mollá

Contar la música de un Pájaro negro: realidad y ficción en un poema en prosa de FélixGrandeFrancisco Javier Escobar

El cante flamenco como acto (corp)oral y experiencia visual:preámbulo a una intersemiótica e iconología del canteOlivia Pierrugues

La emisora primordial: Entrevista a Agustín Fernández Mallo y Eloy Fernández PortaAlice Pantel

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La littérature espagnole à l’épreuvede l’intermédialité (XXe-XXIe siècles)Literatura española e intermedialidad (siglos XX-XXI)

Spanish Literature and Intermediality (20th/21st centuries)

Jean-François Carcelen et Laurent Gallardo

1 Ouverte sur le champ du dehors, la littérature explore en permanence ses propres

frontières. Traversée par des dynamiques d’échanges (intertextuelles,intersémiotiques, intermédiales, etc.), elle ne cesse de se déterritorialiser au gré d’unediscontinuité chronique lui permettant de se régénérer sans cesse. On remarque à cetégard que sa capacité d’ouverture connaît aujourd’hui des modalités nouvelles,directement issues de la remise en cause de l’étanchéité des frontières génériques etsémiotiques ainsi que de l’omniprésence de l’image et du document sous toutes sesformes dans le livre (peinture, photo, cinéma, télévision, musique, etc.).

2 Dans les productions littéraires espagnoles actuelles, ces interactions avec d’autres

codes se sont élargies à tout ce que la culture numérique, en particulier internet et lesréseaux sociaux, a pu apporter. Le texte devient un univers en expansion, ouvert à tousles possibles, doté d’une capacité d’ingestion et de digestion totale. L’intertextualités’affine et joue sur les frontières de la reproduction et du plagiat, sous l’influence sansdoute de la banalisation du copier-coller, mais surtout de toutes les expériencesartistiques basées sur l’emprunt ou le recyclage, en particulier l’appropriationnisme, cecourant artistique des années 1960-1970 dont certains jeunes écrivains espagnols seréclament ouvertement. Le tissu citationnel n’est pas sans rappeler également lesampling dans une culture plus musicale et plus actuelle, ou encore l’activité d’uncollectionneur de citations qui offrirait au lecteur un échantillonnage de sa collection.Ces jeunes auteurs se comportent tout autant en interprètes qu’en créateurs. Leurrépertoire s’est élargi à toute une gamme de discours : cinéma et télévision, bien sûr,mais aussi jeux vidéo (de plus en plus scénarisés, narrativisés, et par là susceptiblesd’intégrer le catalogue des références empruntables), bande dessinée, manga, musique,tags, second life, etc. Les paratextes sont à cet égard des vecteurs premiers de ce nouveautype d’intertextualité ou d’interdiscursivité.

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3 Fragmentation, hybridité, concurrence des régimes factuel et fictionnel du récit avec

une présence, chez certains auteurs, du discours scientifique et, plus largement,affranchissement de toute contrainte structurelle ou stylistique sont quelques-unes descaractéristiques de cette écriture. Ces textes, que l’on hésite à appeler romans,s’inscrivent dans une dynamique visant à dépasser le cadre traditionnel de la fiction. Ilsseraient les manifestations d’une poétique post-fictionnelle où la diégèse est absorbéepar une combinatoire complexe d’éléments hétérogènes. Les histoires, tout comme lespersonnages, se démultiplient, s’entrecroisent, se télescopent. L’exacerbation d’unepoétique du fragment dans une dynamique réticulaire a pour conséquence undétournement de l’énonciation classique du récit. La mise en concurrence desénonciateurs, l’absence de narrateur couvrant l’ensemble du texte nous contraignent àaller au-delà de la narratologie pour saisir ces écritures, à envisager la construction duroman comme montage (au sens cinématographique du terme) et à chercher l’unitéprofonde du récit dans une instance de régie qui se dérobe sans cesse. On assiste nonseulement à une remise en question du processus de création mais aussi de l’ordre delecture et, en dernière instance, de l’objet-livre lui-même, qui apparaît de plus en pluscomme un élément parmi d’autres, certes encore central, essentiel et souvent sacralisé,mais désormais inscrit dans un agencement créatif dont les limites spatiales ettemporelles s’avèrent poreuses et extensibles.

4 Ce sont ces problématiques intermédiales que les différents contributeurs de ce volume

ont voulu affronter. Depuis des perspectives différentes et nouvelles, ils questionnent lalittérature espagnole des XXe et XXIe siècles. En montrant comment l’intermédialité

œuvre dans les textes de Ramón Gómez de la Serna dès la première moitié du XXe siècle,

ou encore comment, à la même époque, les enjeux du paratexte sont déjà au cœur de laréflexion éditoriale, Emmanuel Le Vagueresse et Dolorès Thion montrentrespectivement que ces nouvelles approches ouvrent la voie à des relectures trèspertinentes d’une littérature que l’on pensait exhaustivement étudiée. Myriam Rocheanalyse, quant à elle, cet espace-frontière entre écriture factuelle et écriturefictionnelle sur lequel joue avec virtuosité Marta Sanz à partir d’une hybridationmédiatique novatrice non dénuée d’une vision du monde très politique. L’image,insérée en tant qu’illustration dans ses romans par Javier Marías, finit par devenirstructurante dans l’interprétation des textes, comme le montre Mihai Iacob dans sonarticle. Elle est aussi au centre de ce que Roxana Ilasca appelle l’hybridationmédiatique, conçue comme une technique essentielle dans l’esthétique postnumérique.

5 Si les différentes transactions intermédiales opérant dans le vaste champ de la

littérature sont particulièrement prégnantes dans le roman, elles sont aussi au cœurmême de la poésie qui est, elle aussi, le lieu privilégié de l’hybridité. FranciscoEscobar Borrego montre ainsi comment chez Félix Grande, poète-musicien etmusicologue, la poésie entre en contact naturel avec la musique et poétise l’œuvremusicale du guitariste flamenco Paco de Lucía. Les interactions complexes sont aussi aucentre de la réflexion d’Olivia Pierrugues dont l’approche du cante flamenco se veutinterdisciplinaire afin de rendre compte au mieux de ce phénomène intersémiotique detransmission orale où convergent langue, voix et geste, langages verbal, paraverbal etnon-verbal. Enfin, l’entretien qu’Alice Pantel a réalisé avec deux acteurs majeurs de ceque l’on appelle la « littérature mutante », Agustín Fernández Mallo et EloyFernández Porta, aborde les enjeux propres à la réception de l’œuvre lorsque celle-ciest traversée par la complexité intermédiale.

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6 Toutes ces réflexions montrent que la littérature est, à bien des égards, un territoire

aux frontières mouvantes et labiles, soumis aux aléas des tendances et des courants, unespace malléable et perméable traversé par une mutation perpétuelle qui oblige lecritique à questionner sans cesse quelques-uns de ses fondements les plus solides :récit, texte, auteur, narration, voix poétique, image, etc. Le champ d’interactions quis’ouvre ainsi à l’analyse est une immensité complexe. Puisse ce numéro de la revueILCEA contribuer à en saisir les enjeux et les multiples applications dans le domaine desarts et de la littérature de l’Espagne contemporaine.

AUTEURS

JEAN-FRANÇOIS CARCELEN

ILCEA4/CERHIS – Université Grenoble Alpes

LAURENT GALLARDO

ILCEA4/CERHIS – Université Grenoble Alpes

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Intermedialidad y vanguardismo enel teatro de Ramón Gómez de laSernaIntermédialité et avant-gardisme dans le théâtre de Ramón Gómez de la Serna

Intermediality and Vanguardism in Ramón Gómez de la Serna’s Theater

Emmanuel Le Vagueresse

1 Pretendemos en este artículo reflexionar sobre los rasgos de intermedialidad en la

producción dramática del escritor vanguardista —hasta cierto punto, lo veremos—Ramón Gómez de la Serna (Madrid, 1888 - Buenos Aires, 1963), acorde a la definiciónque de la intermedialidad se da comúnmente1. Los estudios y aun las merasobservaciones sobre este aspecto de la creación ramoniana son en efecto casi nulas,salvo valiosas excepciones que citaremos en nuestro estudio. Veremos hasta qué puntola obra dramática de Ramón estuvo o no imbuida de esta intermedialidad, y de quémodo eso añadió o no vanguardismo a dicha obra.

2 O sea, si fue o no un elemento vanguardista, pero también quizá de aproximación a un

supuesto público popular2. Y todo eso para «recuperarlo» recuperando otros mediosartísticos a fin de alcanzar dicho público y no «espantarlo», en una época en que «ni losbailes rusos de Diaghilev ni la labor de Jacques Copeau, base del movimiento renovadordel teatro europeo [tenían] gran repercusión en España»3 (García de la Concha, 2001:537).

3 Bien se saben ya dos cosas importantes sobre la obra dramática de «Ramón», como lo

llamaremos de aquí en adelante, a la manera de su época: la primera es que estas obrasdramáticas se dividen en dos períodos distintos, una que corre entre 1911 y 1913 eincluye danzas y pantomimas, es decir la prehistoria estética, literaria e ideológica deljoven Ramón a veces autoapodado Tristán, la de su revista Prometeo que las publicótodas4; y otra, que corre entre 1929 y 1935, la del fracaso de Los medios seres (1929) —única obra dramática de Ramón representada realmente en su vida, salvo tentativasabortadas—, la de Escaleras (1935) y del proyecto con Salvador Bacarisse de la óperaCharlot (1932)5. En el intervalo, Ramón no publica nada en el ámbito teatral. Pero, por lo

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que concierne al último teatro de Ramón, la intermedialidad casi no está representada—excepto, por supuesto, como acabamos de decirlo, en la malograda ópera Charlot—, yes la razón por la cual nos focalizaremos sobre su primer teatro6.

4 El segundo punto que se conoce pero que hay que señalar aquí es que el carácter

«vanguardista» de estas obras más específicamente teatrales está aún por determinar,constituyendo un asunto polémico sobre el que los académicos discrepan, pero quetrataremos de aclarar, precisamente, recurriendo a este aspecto específico de lapresencia y del valor de la intermedialidad en dichas obras.

5 Para sintetizar sobre esta cuestión general que mencionamos, diremos sin embargo que

el primer período fue un esbozo de vanguardismo, sobre todo en lo que toca al aspectoplástico de las numerosas didascalias, y a la libertad respecto de las convenciones delteatro, pero que dichas obras, no necesariamente escritas por el joven Ramón para serrepresentadas, se inscriben mayoritariamente dentro del modernismo o simbolismo, esosí tardío, mas aún en boga a principios de los años 10 en ciertos ámbitos literarios yartísticos, y por otro lado con ribetes anarquistas, si pensamos en su a veces confuso«mensaje» ideológico (Martínez Expósito, 1994: 192)7.

6 Un «contenido» que no comentaremos aquí por haber sido estudiado ya muchas veces.

Y añadiremos que en su segundo período, el de Los medios seres y Escaleras, obras yacitadas supra, Ramón muestra un savoir faire a fin de cuentas algo rutinario y unvanguardismo de salón de poco alcance… y ya casi caduco, pues, en aquella época. En

Los medios seres, por ejemplo, se nota sobre todo su idea de pintar y vestir a lospersonajes una mitad de blanco, otra mitad de negro, idea a la vez cubista, por cierto,pero también del simbolismo más rancio.

7 Digamos también que es verdad que el teatro ramoniano se ve mucho más logrado en su

vida que en sus piezas. Y la «fiesta cubista», para él, era esencialmente el circo al queacudía, y especialmente los números de payasos, en los que percibía él esa fiesta, másque en los escenarios de teatro. Su vida misma era circo y teatro8, lo que es a fin decuentas la mayor intermedialiad posible.

8 Notaremos por fin que todo lo que dice Ramón en su teatro —piezas liminares o

«cuerpo» del texto— o todo lo que pone en práctica, lo dice también en su literatura másteórica de la misma época, referida sobre todo, pero no sistemáticamente, a su prosa, ycuya coherencia con su teatro también los lectores interesados en estos cotejos podráncomprobar, por ejemplo, en El concepto de la nueva literatura (1908) o en Palabras en la

rueca (1913)9.

9 En estos dos libros, Ramón aboga por la inyección de lo orgánico en el lenguaje, siendo

las palabras para él algo inorgánico, mientras el baile —o el teatro— es algo sumamenteorgánico: la escritura de la pantomima y de los movimientos en el escenario de un teatroserá pues el mejor modo de renovar el lenguaje, «[siendo] [l]os hilos de seda, oro y plata[…] los adjetivos que dibujan las figuras o diseño del tapiz» (Herrero Vecino, 1999a:142).

10 El teatro de juventud o primer teatro de Ramón que vamos ahora a estudiar consta de

obras muy dispares10, excepto en su doble calidad de novedad y experimentaciónescénica por una parte, y de espíritu libertario y escénico por otra. Además son obrasen su mayoría cortas.

11 Los rasgos de intermedialidad los constituye esencialmente la inclusión de algún baile o

pantomima, y/o de didascalias largas que insisten sobre este tipo de movimientos

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«plásticos» con una escritura ya de por sí plástica que estudiaremos. Pero diremostambién unas palabras de la relación que establecen estas piezas con la fotografía o elcine, al final de nuestro estudio.

12 La obra dramática de esta primera época teatral ramoniana que más utiliza la

pantomima en un sentido estricto es Cuento de Calleja (1909) 11 y, en cierta acotación,podemos citar también la anterior Beatriz (1909). En efecto, en esta obra de por sí másbien modernista, surge en la escena V del Acto Único de Cuento de Calleja unapantomima anunciada explícitamente así, y que se extiende a lo largo de dos páginas(Ramón Gómez de la Serna, 1996a, pp. 102-103). Se trata de presentar al niño Raimundo,de visita en casa de una joven amiga, que encuentra, una vez solo, unas joyas en el cofreque contiene los recuerdos de una niña muerta, la hermana mayor de su amiguita, altiempo que la madre de las dos niñas, la «viva» y la «muerta», lo está espiando.

13 Esta pantomima que está minuciosa y gráficamente descrita por el autor no participa,

según nosotros, de un vanguardismo absoluto, sino mucho más de una tradiciónmodernista y simbólica a lo Strindberg o Ibsen, de moda en la época, que confiere, esverdad, plasticidad a la escena, pero que hace sobre todo de nosotros, público, unosmirones, unos espías cual la madre de la chica; de ahí a ver una abismaciónvanguardista de la noción de espectáculo teatral, hay una distancia que no salvaremos,quedándonos en el plano de lo gráfico y plástico de esta escena modernista12, tanto máscuanto que no existe ninguna nota del autor respecto a la música que habría queescuchar en esta escena. Para Elisa Fernández Cambria (1987: 216-217), se trata másbien de un «uso casi onírico de la música, que cre[a] un ambiente acorde con el ánimodel personaje».

14 Ramón escribe a este respecto en su «Depuración preliminar» a El teatro en soledad

(1912)13, el cual abarca también momentos de pantomima, que «[la literatura] [e]s laconsunción de uno mismo y su horario, pintoresca de ceremonial, de totalidad y depantomima… Etcétera (sic)…» (Gómez de la Serna, 1995: 380)14. Lo que significaría, conla idea de «totalidad», que se trata de abarcar todas las artes, aunque Ramón, comoocurre muchas veces con él, no lleva siempre a cabo su proyecto en toda su amplitud.

15 Hay otros momentos en otras de estas obras en las que, sin que las denomine así el

propio autor en sus acotaciones, didascalias y otros textos —i.e. prólogos, advertenciasfinales o apéndices y demás notas, que suelen ser abundantísimas en la producciónramoniana—, se pueden percibir unos como atisbos de pantomima, primero en ladescripción de gestos o movimientos que deben hacer los personajes, luego en lasindicaciones gráficas de dichas acotaciones, y por fin en el respeto repetido al silencio—y pausa, gesto detenido y/o descompuesto— requerido en dichos momentos.

16 A propósito del silencio, podemos citar varios ejemplos, como en La corona de hierro

(1911), obra en la que se presencian idas y vueltas, efectuadas en silencio, a lo largo delescenario:

Pausa. El Rey sigue buscando las tres dimensiones de la figura [del retrato] y, comoquien va con cuidado siguiendo las vueltas a una persona, él va de un lado a otrocomo al encuentro del perfil y de la nuca, que sólo los malos reflejos […] evitan quehalle, y que al contrariarle le vuelven al centro de nuevo […]. Hay una larga pausaen que silenciosamente el Rey se mueve como reacio a no creer en el perfil […]15.(Gómez de la Serna, 1996b: 649)

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17 En Desolación (1909), se puede ver también: «Pausa en que dos viejos permanecen

abismados en su desconcertación» (Gómez de la Serna, 1996b: 376) o, aún más plástico ypantomímico:

Pausa. Silencio. Doña Teresa se pone un dedo en los labios. […] Dory sigue con lacabeza entre los brazos, sobre la mesa, en la actitud de una Magdalena. Pausa.Silencio. De pronto suena el picaporte de la puerta […]16. (Gómez de la Serna, 1996b:748)

18 En Beatriz (1909), asistimos a todo un festival pantomímico en la línea de la historia de

Salomé con Jokanaán/Juan el Bautista, historia que esta pieza imita a veces, desde lasalusiones a la música en el Prólogo, aunque de un modo sinestésico: «¿Qué luz es ésta?¡Cuánta! ¿Y esta maravilla tan leve, tan suave y tan musicalina?», o: «cuando todomaestoso, en pleno si bemol de fragancia se dio entero» (Gómez de la Serna, 1995:191-192)17, hasta las didascalias de la pieza misma: «Todos meditan replegados sobre símismos. Silencio. Y en el silencio una pantomima. Beatriz se desclava de los cabellos lalarga aguja que los prende y hace ademán de clavársela» (Gómez de la Serna, 1995:204)18.

19 Esto corrobora lo que dijimos antes sobre los silencios, las pausas y las pantomimas «no

declaradas» así expresamente en las acotaciones —excepto en Beatriz— que coloreantodo el teatro ramoniano del período19. Además, para cierto crítico, se nota la «frescaplasticidad de ese procedimiento greguerizante según el cual [unos] cabellos “hanrecobrado esa gracia repentina que lucen las fuentes taponadas el día de su apertura”»(Martínez Expósito, 1994: 201). Lo que, de paso, hace aparecer en esta reflexión las artesplásticas en su imitación, presencia sobre la cual no insistiremos por sobrepasar elmarco de nuestro breve estudio.

20 Todo esto hace en efecto hincapié no sólo en el aspecto visual, más aún que musical,

sino en el aspecto de espectáculo simbolista a lo Wilde o Maeterlinck y, sobre todo, deesbozo de espectáculo total protovanguardista, puesto que la plasticidad de una escenatal puede situarse a medio camino entre modernismo y vanguardismo. En El drama del

palacio deshabitado (1909), tenemos incluso un personaje denominado «El silencioso»,cuyos cascabeles aun «son unos cascabeles que no suenan» (Gómez de la Serna, 1995:235)20.

21 En cuanto al personaje de Sara, muy fantasmal —y bien es verdad que en la pieza

resulta ser un auténtico fantasma, como otros muchos personajes de esta obra—, formaparte de estos personajes muy silenciosos… lo mismo que esta pieza, salvo lasacotaciones, muy desarrolladas, y ella actúa de un modo casi únicamente pantomímico:«Aparece Sara, en la actitud sonambulesca de todos, ingrávida, el pelo empolvado yartificialmente blanco, peinado en una gran trenza turbante» (Gómez de la Serna, 1995:238), y anuncia a las mujeres de la serie de pantomimas ramonianas tituladasprecisamente así. Son, además, unas femmes fatales en su inmensa mayoría21.

22 Hacia el final de este drama, presenciamos un verdadero e impresivo corro al ralentí de

los fantasmas de la casa:

Váse [el bufón]. Al poco rato vuelve con don Pedrín, Sara, El silencioso, El bastardo ydos daguerrotipos. Se cogen todos de la mano en un amplio ruedo y comienzan adar vueltas muy lentamente. (Gómez de la Serna, 1995: 244-245)

23 Mientras tanto, el personaje de Leticia, que no tiene pocas similitudes con el de Sara en

su esencia pantomímica, tararea un aire, en una escena entre baile y pantomima. Es unaescena en la que un solo personaje, ella, «canta» o canturrea, lo que produce en el

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contexto un efecto entre burlesco y lúgubre, y, para lo que nos interesa aquí, entreplástico y musical.

24 Lo mismo pasa con Los sonámbulos epónimos de la pieza (1911), incapaces de expresarse

normalmente sino «con movimientos fibrilares en todo el rostro» (Gómez de la Serna,1995: 261), pieza en la que las pantomimas son un buen (re)medio para expresarse, yaque gestos y miradas compensan el no hablar: «Silencio./Por la puerta del fondo llegauna sombra, que entra en la oscuridad con una decisión como de quien encuentra elsalón con su gran araña encendida […]» (Gómez de la Serna, 1995: 263-264)22. Secompara además a algún personaje, aquí de nombre La vieja pintada, con un títere,«haciendo una brusca inclinación de marioneta» (Gómez de la Serna, 1995: 264)23, comosuele hacerlo Valle-Inclán en sus piezas.

25 Aquí no queremos sin embargo ir hasta hablar de metateatro, sino, más sencillamente,

hacer hincapié en la pantomima ramoniana llevada a su grado máximo de«fantochización» de los personajes de teatro, que se puede relacionar tanto con elsimbolismo como, más acertadamente aquí, con el expresionismo, eso sí másvanguardista, por supuesto. Como lo dice Carmen Herrero Vecino: «[Los personajes] seerigen en símbolos, definidos por un gesto o una prenda, y a veces se comportan comomarionetas, lo que les acerca al expresionismo» (Herrero Vecino, 1999b: 256)24.

26 Desde el punto de vista «fónico», nos puede interesar también aquí el que, como en

varias películas de Jean-Luc Godard —pero con medio siglo de antelación—, se crea casidel principio al final de la pieza una especie de cacofonía asumida con este coro desonámbulos, después del corro, lo que expresa muy bien Alfredo Martínez Expósitocuando escribe: «La impresión polifónica que el coro de sonámbulos llega a sugerir seacerca, en una actituda plenamente cubista, a lo cacofónico» (Martínez Expósito, 1994:231), lo que es plenamente vanguardista e intermedialista, puesto que aquí,aparentemente, Ramón hace… cubismo sonoro.

27 En El lunático (1912) y su antifaz fatal, presenciamos asimismo una fuente casi

inagotable de pantomimas que no se anuncian explícitamente, o de gestospantomímicos. Bastará probarlo con dos ejemplos precisos: «La boca es idiota y clara,gelatinosa y fría, ya sin la sonrisa, la humanidad apretada y el mimo vivo de losantifaces» (Gómez de la Serna, 1995: 468)25, primero, y una especie de pantomima-baileen silencio entre la joven mística y… el antifaz, donde una vez más imperan tanto losgestos como la mirada:

Se levanta [la joven mística], se acerca al busto, lo mira con llaneza e inmutabilidad,como esparciendo su mirada en un azul de cielo […]. Se detiene, le quita el antifazcon torpeza y precipitación, y desimpresionada de pronto con la ingenuidad llenade luna llena26. (Gómez de la Serna, 1995: 460)

28 En la obra La utopía II (1911), que muy poco tiene que ver con una pieza homónima

anterior de Ramón que data de 1909, se pueden leer del mismo modo numerosasescenas con pausas y silencios, y hay también una alusión a la música con el personajede El de la flauta, cuya obsesión es creer que nadie se le oye tocar. La pieza acaba con elsonido de la flauta, pero ya es tarde, para él, según parece: «De pronto, cuando ya cae eltelón lentamente, se escucha la fluidez de una flauta lejana e inconsolable en eldecrescendo de la sinfonía en do menor de Beethoven» (Gómez de la Serna, 1995: 468). Sepuede notar que no hay nada vanguardista en este uso de la música de Beethoven, y lomismo pasa con una alusión poco vanguardista a la ópera Faust de Charles Gounod,de 1859, o al «baile de las máscaras de la Ópera» en El lúnatico, siendo la ópera, el baile y

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la música en general un pretexto ramoniano para «greguerizar»27, aunque la funciónsinestésica de la música se pueda subrayar también, en el mismo orden de ideasintermedialista traducido por esta invención de la greguería. En realidad, en el caso deeste final de La utopía II, se hace hincapié en el papel central del silencio en la economíageneral de la obra, que parece más importante que estas notas de música en elescenario28.

29 En El laberinto (1910), en unas didascalias sobre la voz, el autor se permite dar

orientaciones visuales a esta voz de un personaje, en un equivalente didascálico de lasinestesia que, como acabamos de señalarlo, sería otro tipo de intermedialidad: «Cadanueva palabra suya [del personaje] suena en un sitio distinto y va dibujando caminos,orientaciones raras, zig-zags» (Gómez de la Serna, 1996b: 137). Se trata de unadescripción fónica paradójicamente muy visual y plástica, como en las pantomimasramonianas, lo que hace difícil cualquier clasificación de este «teatro de palabras», sinaun hablar de su representabilidad. Como lo veremos al final de nuestro estudio, sin serverdaderamente «intermedialidad», en el sentido estricto del término, quizá este tipode acotación y su plasmación en el escenario sea la auténtica relación del teatroramoniano con el medio cinematográfico, es decir el aspecto pantomímico típico delcine de la época, muy visual y gráfico, por ser mudo, antes de todo; y aunque se tratetanto, sino más, de un rasgo moderno/modernista como verdaderamente«vanguardista»29.

30 Digamos ahora unas palabras dobre la danza propiamente dicha que Ramón incluye en

su teatro, aparte de las danzas y bailes autónomos, ideados por él, como El garrotín o La

danza de los apaches, por ejemplo (1911). En la obra La casa nueva (1912), másprecisamente en el segundo —y central— de los tres actos de la pieza, aparece un baile,dividido en dos partes, motivado dramatúrgicamente por la inauguración de la casanueva y la reunión de dos grupos sociales opuestos, aunque no se anuncia de ningunamanera en ninguna acotación30. En este baile muy largo para la pieza, se baila perotambién se habla mucho. Parecen ser estos bailes unos valses, y la música nodesempeña un papel esencial, especialmente aquí no vanguardista, ni en su esencia, nien su tratamiento. Es un mero motivo para la aparición de las —muy primeras—greguerías de Ramón31, y para la progresión de la intriga, aunque Gonzalo Sobejano veaen este baile «un alarde de complejidad cercana al arte cinematográfico» (Sobejano,1996: 27).

31 En conclusión a este estudio de la naturaleza y uso de la música por parte de Ramón en

su teatro, podríamos citar lo que escribe Martínez Expósito, cuando compara el teatroramoniano con el teatro (tardo)simbolista francés de la misma época:

[En Ramón] difícilmente encontramos usos conscientes de la sinestesia escénica, eluso simbólico de los objetos y decorados aparece sólo ocasionalmente y, sobre todo,sólo de forma metafórica podríamos hablar en este teatro de lo que Balakian definecomo visualización de la música (sueño de proyección y exteriorización verbal y visualde los ingredientes que constituyen el poder de la música: comunicación irracional,excitación de la imaginación e invitación a la visión subjetiva)32. (Martínez Expósito,1994: 9)

32 Y es verdad que es sobre todo en las pantomimas ramonianas, en Las rosas rojas o en Los

dos espejos (1911), por ejemplo, donde estas sinestesias plástico-musicales, aún al estadode esbozos en su teatro, se despliegan realmente. Como lo dice Herrero Vecino, estosprocedimientos ramonianos se integran de pleno derecho en los proyectosvanguardistas:

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[P]ronto incorporó [Ramón] intuiciones que compartía con diversos movimientosvanguardistas: una nueva forma de mirar que multiplica las perspectivas; creaciónpor encima de imitación; fragmentación de la realidad; anulación del punto de vistaúnico; eliminación de la distancia estética entre obra y público; superposición de losplanos de la realidad […]33. (Herrero Vecino, 1999: 258)

33 Por lo que se refiere ahora a la relación con la fotografía o el cine, no aparece lo que se

llama propiamente dicho «intermedialidad», puesto que Ramón no se planteaba enaquel entonces proyectar extractos de películas en el curso de sus obras. Esta idea latendrá sólo muchos años después, cuando trabaje en su ópera nonata Charlot, en la quesí quiera incluir algún extracto de filme de Charlot34.

34 Pasa en realidad con el cine —y asimismo con la fotografía, aunque era una invención

menos reciente— en su teatro lo mismo que con la música y el baile, excepto en el casode este baile de La casa nueva que estudiamos y otros pocos ejemplos; es decir que estapresencia de otro arte/medio artístico toma el cariz de la evocación sugerente de algoplástico —y, en el caso del cine, nuevo/moderno— en las acotaciones específicamente:«como una de esas fotografías movidas en que hay varios gestos entremezclados» 35

(Gómez de la Serna, 1996b: 282); «… Y otros daguerrotipos […]»36 (Gómez de la Serna,

1995: 225); «[una sorpresa] en su codac [léase «Kodak»] de una cosa que en suinsumisión […] tiene su grandeza» 37 (Gómez de la Serna, 1995: 296), para la fotografía; y,para el cine, de un modo aún más difuso, como vamos a verlo.

35 En efecto, más allá de estas meras referencias a la imagen fotográfica, podríamos

hablar, exactamente como en el caso de la plasticidad de los gestos y mimos estudiadosantes38, de un ambiente cinematográfico en El drama del palacio deshabitado, por ejemplo,y eso porque usa Ramón aquí una especie de ralentí que quiere impactar al receptorcon la «danza» de Leticia evocada supra. Es decir una escena muy visual en la que casino se oyen palabras, como en el cine mudo, pues, con sus gestos entoncesextremadamente marcados y a veces aun impostados de los actores y actrices39. Así quese puede compartir el juicio de Herrero Vecino en cuanto al aspecto cinematográfico deuna obra como El teatro en soledad, pero también en cuanto a muchas de las piezasramonianas de aquel entonces, por toda esta plasticidad, este énfasis gestual y estamimología cinética: «El lector se siente como si asisitiera a la proyección de unapelícula. Se hace uso libre del tiempo y sobre todo del espacio, que se flexibilizan» 40

(Herrero Vecino, 1999: 164).

36 Sin embargo, Jorge Urrutia nos obliga a reflexionar sobre el grado de influencia del cine

en la creación teatral en general en aquella época, cuando escribe:

El cine va a permitir que la parcelación expositiva se desarrolle en el teatro devanguardia. Escenas breves. Frases cortantes. Consideración en planos de distintaangulación […]. […] La vanguardia insist[e] en la vitalidad, el perspectivismo, lafragmentación, la ubicuidad […]. Todo ello lo encontrab[a] [el teatro vanguardista]en el cine pero cabe la duda de si el origen de las nuevas formas dramáticas no estabaya en un teatro contemporáneo de un cine demasiado primitivo como para influir o,incluso, anterior41. (Urrutia, 1992: 50)

37 Por fin, y para concluir sobre el grado, esta vez, de vanguardismo de la intermedialidad

—en el sentido amplio de la palabra— en el (primer) teatro ramoniano, esimprescindible primero pasar por una reflexión más global sobre esta cuestión: en lasvanguardias, pongamos europeas del principio del siglo XX hasta los años 1930, la

recuperación de otros medios, llamados populares la mayoría de las veces, aunquehabría que matizar, no se quiere a priori ni posmoderna, ni excluyente de nadie, aunque

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se pueda utilizar al mismo tiempo para hacer reflexionar sobre la obra de arte«segunda» así (re)presentada.

38 En cuanto a Ramón más precisamente, usa estos medios con parsimonia, y sobre todo

en su primer período, pues, para recuperar él también algo de vitalidad en suscreaciones, unos «orígenes» primitivos y/o populares, autenticidad en una palabra, alpresentar a unos personajes que se mueven como si hubieran vuelto al estado denaturaleza (un poco como hacían Picasso y otros pintores o escultores con el «artnègre» en la misma época), con sensualidad y desahogo, aunque sea sólo mimándolo.Hace como si quisiera atraer a un público al que se le hubiera dejado de ladoestéticamente hablando, proponiéndole ahora, en cambio, algo novador pero conrasgos populares reconocibles por él de inmediato: una plasticidad de pantalla o unadinámica de pantomima. Como lo dice acertadamente Javier Huerta Calvo:

Ofrecen los géneros teatrales menores [como la pantomima, el baile, el sainete, elentremés, el teatro de títeres] un formidable campo de trabajo para examinar condetalle una dialéctica siempre apasionante en la historia del arte entre lo viejo y lonuevo, lo antiguo y lo moderno, la tradición y la vanguardia42. (1992: 286)

39 Ampliando esta observación de nuestro colega investigador, bien podríamos decir que

así es como pasa en el caso de la dramaturgia ramoniana con su recuperación de laintermedialidad y sus referencias, especialmente al cine, en su teatro. Sin embargo, hayque repetir que, más que intermedialidad, a veces, se trata de indicaciones en lasacotaciones que establecen un «tono» y no un proyecto concreto, difícil de plasmar enun escenario. Digamos también, respecto al cine y a la vanguardia, que el cine, en estosjuegos intermedialistas, no es de por sí un elemento vanguardista y que en la época seusaba muchas veces como una manera bastante simple de «amenizar», por suevocación y cualquiera que fuese la forma de esta evocación, un espectáculo. Y tambiénpor ser el cine un medio aún bastante reciente, pues nuevo, atrayente y seductor43.

40 Además, no era el cine más vanguardista (como el de Murnau, Dreyer o Eisenstein) el

que se evocaba en estas piezas, por supuesto, como tampoco era este cine el que seproyectaba y apreciaba más en las pantallas españolas, si hablamos de taquillas… JorgeUrrutia escribe con mucho tino y distanciamiento respecto de un supuesto gradointrínseco de modernidad del medio «cine», en España o en Europa en general, además:

La inquietud, e incluso la tentación fílmica excitó a los dramaturgos, al menos hasta1930, como también excitó a poetas, novelistas o pintores. El cine resultó unaruptura del concepto visual del mundo y propició otro, ni mejor ni peor que losantecedentes, el medieval o el renacentista, por ejemplo, pero acorde con laspreocupaciones filosóficas o artísticas de la época, desde el simbolismo hasta elsuperrealismo44. (1992 : 51)

41 También, en el caso de nuestro escritor como en el de otros vanguardistas en su

inmensa mayoría, hubo y todavía hay, por lo demás, en las vanguardias de aquelperíodo y de cualquier época, una verdadera dificultad en alcanzar al público popular, yen Ramón también45. Pero bien es verdad, por ejemplo, que el teatro de Ramón, con suspantomimas, bailes y gestos enfatizados —que parece acercarse más a algo «popular»en la forma, al mismo tiempo que propone un proyecto moderno, digamos entremodernista y vanguardista, de escenografía en los años 1910—, no tuvo ningún éxito, nide venta, ni de lectura, ni de crítica, y no se representó nunca, aparte de Los medios

seres, muy al final del decenio siguiente; pero fue un fracaso46. Quizá esta mezcla de lopopular con lo vanguardista, en su proyecto mismo, no pueda funcionarintrínsicamente, o no lo pudiera en aquel entonces, aunque constituía y sigue

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constituyendo la base más firme de este tipo de escritura —y creación, globalmente—renovadora47.

42 Excepto la dificultad en hacer reaccionar a un público español, por lo visto,

particularmente reacio a dichas tentativas de renovación teatral48, sean las de unRamón con toques vanguardistas, sean las de otros dramaturgos plenamentevanguardistas, planteamos, pues, por fin, la cuestión de saber si de verdad este teatro«de vanguardia» es algo posible en el sentido de visible y representable, en fin: viablepara un público, sea en aquella época entre tardosimbolismo y protovanguardia49, comode manera más general en cualquier época, incluso la nuestra, con sus nuevas barrerasy sus nuevos límites artísticos… y financieros.

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NOTAS

1. Es decir, la inclusión de varios medios artísticos en una producción artística dada, como:

música, radio, fotografía, cine —o ahora vídeo—, baile, pantomima, aquí en el teatro de Ramón.

Sobre este tema en la época que nos interesa en este artículo, remitimos al importantísimo

estudio coordinado por Mechthild Albert (2005), Vanguardia española e intermedialidad. Artes

escénicas, cine y radio, en el que publicamos una contribución titulada «La intermedialidad en las

danzas y pantomimas de Ramón Gómez de la Serna» (Le Vagueresse, 2005: 117-139), que completa

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de cierto modo este presente artículo, y también el volumen de Actas del XIV Congreso de la

Asociación Alemana de Hispanistas (Rieger, 2003). Ciertos elementos interesantes se pueden leer

también en Harald Wentzlaff-Engebert (1998).

2. «Supuesto», porque bien se sabe que casi no hubo público para el teatro de Ramón Gómez de la

Serna, a lo que se puede añadir que a Ramón no le gustaban particularmente el medio artístico y

el mundo del teatro, como tampoco el público de teatro en general, al que juzgaba demasiado

burgués y «limitado»…

3. Sobre el valor del teatro español en aquellos años y su más o menos importante grado de

renovación, cf. el imprescindible estudio coordinado por Dru Dougherty y María Francisca

Vilches de Frutos, El teatro en España, entre la tradición y la vanguardia (1918-1939) (1992), en el que se

alude también a la problemática de la intermedialidad: «[…] [S]e trata[n] […] [aquí] problemas

derivados de la interrelación de los géneros teatrales, y más concretamente con el cine, la música

y el baile» (introducción de las coordinadoras, p. 14).

4. Excepto la primera, Desolación, que publicó la revista Ateneo en 1909.

5. Estudiado en detalle con otros temas charlotianos en el artículo «Chaplin visto por Ramón

Gómez de la Serna: un libreto de ópera para un protagonista mudo» de Juan Ramón García Ober

(2005: 139-161), motivo por el que no nos detendremos más sobre esta obra, salvo algunas

reflexiones puntuales.

6. Además, nos acercamos ya en estas fechas hacia el final de las auténticas vanguardias

renovadoras y eso se siente en estas dos creaciones ramonianas para el teatro.

7. Cf. Alfredo Martínez Expósito (1994: 192) : «[…] [L]a estética protovanguardista que caracteriza

las producciones más tempranas de Picasso, de Stravinski o de Gómez de la Serna nace como

consecuencia del magma tardo modernista-simbolista-impresionista que ya a la altura de

1908-1910 empieza a ser irreconocible; el joven Ramón bascula entre estos dos modelos, el ya

envejecido que toma fundamentalmente del simbolismo francés y el aún no formado de la

vanguardia».

8. Insisten en este punto los diferentes participantes en la mesa redonda sobre el teatro de

Ramón (Table ronde en el Instituto Cervantes de París, 21.10.1997 sobre Le Théâtre de Ramón Gómez

de la Serna, dirigida por Jean-Luc Paliès, con Florence Delay e Irène Sadowska): «C’était un metteur

en scène de lui-même comme acteur», «Il mettait sa vie en scène», «Il y avait une théâtralisation de sa vie,

de son vécu», vividos como en la pista de un circo, ¿siendo él el payaso de turno? Nos enteramos

en efecto de que para él el circo era como una verdadera afición «teatral», como sus varias

conferencias bajo las carpas de circo, montado en un elefante o un trapecio, lo prueban bastante:

sus conferencias eran sus verdaderas piezas.

9. Ensayo incluido justamente en el libro de pantomimas Tapices (1913).

10. Son unas veinte piezas, según la clasificación posible entre obras teatrales, bailes,

pantomimas, etc., asunto sobre que, de nuevo, los especialistas discrepan y que muestra ya de

antemano la intermedialidad «genérica» de ésas, si se quiere: «[S]i no es teatro será otra cosa:

poema dramatizado, pantomima dialogada, retrato dramático, etc. Pero lo cierto es que la marca

genérica […] pierde gran valor de su efectividad en nuestro caso» (Martínez Expósito, 1994: 268),

y de las que se puede tener una lista y cronología completa en cualquier estudio importante sobre

el arte escénico de Ramón, entre los cuales los que citamos supra al principio de nuestro artículo.

Dejamos de lado los Diálogos triviales (1910) de la misma época, siguiendo así a Ignacio Soldevila

Durante: «Más reflexiones exigiría integrar en dicho corpus [teatral ramoniano] los Diálogos

triviales aparecidos en Prometeo, pues aunque podrían considerarse como pasillos o apropósitos,

no nos consta que Ramón los escribiera con vistas a su representación», «Ramón Gómez de la

Serna entre la tradición y la vanguardia» (Dougherty & Vilches de Frutos, 1992: 71).

11. Citaremos según una de las dos ediciones distintas siguientes, puesto que la edición que

citamos primero a continuación, la de Muñoz-Alonso López y Rubio Jiménez, no recoge todas las

obras de teatro del primer período, y que las obras de cada uno de los dos períodos ramonianos

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están diseminadas en dos (o tres, si se incluyen las pantomimas y danzas) tomos de la edición de

referencia de Ioana Zlotescu. Véanse pues: Ramón Gómez de la Serna, 1995; Ramón Gómez de la

Serna, 1996b. En cuanto a las pantomimas propiamente dichas, el lector interesado las

encontrará en Ramón Gómez de la Serna, 1996a.

12. Como lo dice Muñoz Alonso-López a este respecto: «Cuento de Calleja presenta rasgos de teatro

simbolista, como la recreación del estado de ánimo del protagonista musicalmente realzado en

una pantomima o la evasión hacia un mundo de ensoñación y fantasía» (Muñoz Alonso-López,

1993: 256).

13. Pieza metateatral, varios años antes de Pirandello, que «introduc[e] al público en el propio

lugar de la obra, inaugurando una línea de experimentación teatral vanguardista que alcanzará

su punto máximo en las técnicas del psicodrama y del happening», según A. Martínez Expósito

(1994: 357). Ramón visto como precursor de happenings y performances lo dicen también los

participantes de la Table ronde en París ya evocada supra.

14. «Etcétera…» es de Ramón.

15. No es necesario insistir sobre el aspecto cubista de esta acotación.

16. Sobre el valor del silencio y de las pausas, técnica teatral simbolista por antonomasia, cf. C.

Herrero Vecino (1999b: 176-177), en su corto apartado sobre «Código complementario de los

personajes: Subcódigo paralingüístico, kinésico-proxémico y de aspecto», especialmente el que

surgen estos instantes de silencio y también de gestualidad cuando los personajes sufren

momentos de incertidumbre.

17. Sobre el vanguardismo de dicho uso de la prosodia y del silencio en el teatro, cf. el juicio de

M. F. Vilches de Frutos sobre el teatro de Lorca: «En este entramado simbólico García Lorca

trabajó con códigos acústicos. Como otros autores y directores de escena renovadores, otorgó una

gran importancia al ritmo, a la música y a la prosodia por su extraordinaria capacidad evocadora.

[…] El mismo sentido puede inferirse de la utilización de la voz. A través de sus personajes García

Lorca creó un espectáculo sonoro. La presencia de adjetivos y alocuciones para sugerir estados

[…] y acciones […] revela su atención hacia las capacidades connotativas de la prosodia para la

sugerencia de estados sicológicos y la ampliación de espacios físicos. Se crea así un ritmo preciso,

parecido a una partitura musical con sus pausas» (Vilches de Frutos, 2003: 49-50); juicio que

muestra que ella valora este uso en una dirección muy vanguardista, aunque no se trate aquí de

Ramón ni exactamente de la misma época, sino de un cuarto de siglo más tarde, no lo olvidemos.

Pero esta reflexión, casi paradójicamente, aboga por el lado prevanguardista del teatro

ramoniano y no sólo posmodernista o tardosimbolista.

18. Se puede relacionar esta pantomima con la danza de Salomé en la pieza homónima de Oscar

Wilde (1893), que él escribió directamente en francés para Sarah Bernhardt.

19. Cf. A. Muñoz-Alonso López y J. Rubio Jiménez en su Introducción al Teatro muerto: «El interés

de Ramón por el género de la pantomima queda reflejado en las obras de este tipo que escribió en

esta época y que se recogen en esta edición, pero en algunos dramas especifica, como aquí [en

Beatriz] ese carácter de la acción, lo cual demuestra la atención que Ramón concedía a aspectos

concretos de la representación» (Gómez de la Serna, 1995: 204).

20. El subrayado es de Ramón. En el mismo orden de ideas, en Los unánimes (1911) tenemos un

personaje que se llama «El del gesto genial» (1911: 334); y en El teatro en soledad, tenemos «La de

los guiños» (1911: 368), ambas denominaciones bien inscritas en esta época del teatro renovado

por el simbolismo y el peso otorgado a la gestualidad, a la par que revela cierta pérdida de

identidad vía esta pérdida de nombre/apellido.

21. Cuando no son mujeres (fatales), son: niño, como el Raimundo de Cuento de Calleja o muertos

que bailan en ronda, de ambos sexos, como en este Drama del palacio deshabitado.

22. El subrayado es de Ramón.

23. Se puede relacionar esta expresión con la acotación siguiente, que concierne al personaje de

El extraviado: «[…] [S]us palabras crean como un muñeco con faz de polichinela» (Gómez de la

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Serna, 1995: 279). Es una acotación, además, bastante difícil de plasmar en el escenario tanto para

el escenógrafo como para el mismo actor. Este ejemplo muestra bien las consecuencias sobre la

escasa representación concreta, históricamente hablando, de las obras de teatro de Ramón…

24. Añadiremos a esto la reflexión pertinente de Soldevila Durante: «No essorprendente así, que Ramón construyese a menudo sus personajes con esas rigidecesquebradizas que él calificaba de “polichinelismo”» (Soldevila Durante, 1992: 72); un«polichinelismo» que provendría ab ovo, dice el mismo crítico, de su «teatro de cartón ymadera, juguete de su infancia».

25. El subrayado es nuestro. La «pantomima» es además mucho más extensa que el extracto que

citamos aquí. Las didascalias son largas, otra vez, porque le permiten a Ramón desarrollar su

palabra y los aspectos plásticos que nacen de ella. Sobre el aspecto gráfico de esta pieza en

particular, cf. A. Martínez Expósito (1994: 244).

26. Esta descripción de los movimientos de la joven mística, de la que sólo damos un extracto,

ocupa en realidad una página entera.

27. Es decir hacer greguerías, siendo la greguería un invento de Ramón que asocia, mediante

frases breves e ingeniosas tipo aforismos, el humor, la ironía y la fantasía, estableciendo de paso

unas pasarelas personales, agudas e originales entre seres humanos, animales, vegetales, muertos

o vivos, y cosas, o sea aspectos distintos de la «realidad» no vislumbrados antes, a veces con

melancolía y algún que otro toque superrealista. La primera recopilación de sus greguerías data

de 1917.

28. También se habla de música como mero tema de conversación en los parlamentos de los

personajes, pero en ningún momento se habla ya, sin embargo, de música moderna, tipo jazz, a la

inversa de las alusiones al jazz en los futuros textos «críticos» o novelas de Ramón, como el

célebre «Jazzbandismo» de Ismos (1931), por ejemplo.

29. La paradoja estriba en que «[e]n la bibliografía del dramaturgo no abundan las reflexiones

sobre [los] elementos no verbales: decorados, mobiliario, música, luz, etc.» pero que «sin

embargo, sus acotaciones muestran un esmero singular», según C. Herrero Vecino (1999b: 26,

253). Esto muestra claramente que dicha preocupación no es concreta sino difusa y subjetiva en

Ramón, y que se plasma en la plasticidad de sus didascalias.

30. Es interesante notar lo que escribe al respecto Muñoz-Alonso López: «[…] [E]l autor evita la

excesiva rigidez que se podría derivar de un desarrollo prolongado de este procedimiento [de

oposición de dos grupos sociales distintos] con dos bailes estratégicamente situados que, además

de cumplir la función de acercar los dos grupos de jóvenes […], rompen el esquematismo de la

escena» (Gómez de la Serna, 1995: 86).

31. «[…] ¿No ha sentido usted bailando a gusto que no se concibe nunca haber pasado de la

introducción? No creo haber bailado un vals completo…», dice un personaje (Gómez de la Serna,

1995: 360). Además, incluso cuando Ramón habla de sus obras, hace él sinestesias bailarinescas:

«Con [estos dramas] publicados en ediciones que danzaban en seguida por las calles […]»,

«Advertencia» a Teatro muerto (Gómez de la Serna, 1996b: 507).

32. El primer subrayado es nuestro, ya que queremos insistir sobre el que, aun

inconscientemente, Ramón produce sinestesias intuidas, y el segundo subrayado es de Martínez

Expósito.

33. Aunque habría que matizar la aplicación real de todos estos proyectos ramonianos…

34. Se preveía proyectar algún extracto de un filme de Charlot —acompañado del canto del

personaje femenino de la ópera, Margarita— sobre una sábana tendida, «una muestra magnífica

de la interrelación de las artes —teatro y cine— que Ramón propugnaba», según C. Herrero

Vecino (1999b: 177), en el apartado «Complementación general del código verbal: proyecciones

filmadas» (1999b: 177). Piénsese también en el capítulo de Ramón sobre el «Charlotismo» en el ya

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citado Ismos, y en el estudio completo sobre Ramón y Chaplin en el artículo ya citado supra de

J. R. García Ober.

35. El subrayado es de Ramón.

36. Después del reparto de los personajes de El drama del palacio deshabitado.

37. Se trata del «Prólogo» a La utopía II.

38. Sin ser algo específicamente vanguardista sino meramente moderno.

39. Cf. a este propósito lo que dice Jorge Urrutia, que habla de la aparición revolucionaria de cine

respecto de las artes escénicas como una «filosofía del espectáculo, compartida con el público,

por el que se pasaba […] de un concepto del teatro como representación a un teatro entendido

como presentación. Ello explica la importancia de técnicas escénicas que procuraban la detención

del movimiento […] o el uso de la luz eléctrica para puntuar el espectáculo» (1992: 47).

40. Por eso escribe que «[c]omo gran animador del cinematógrafo, Ramón anunció la convivencia

y colaboración del teatro y cine» (Herrero Vecino, 1999: 253). Ella cita (1999: 28-29) unos juicios a

veces contradictorios o, por lo menos, ambiguos de nuestro autor sobre el cine, posición

ambivalente que bien podría resumir lo que pensaba Ramón de un medio nuevo que consideraba

con precauciones, y que iba a dar en el futuro su novela ácida Cinelandia (1923) sobre el mundo del

cine de Hollywood.

41. El subrayado es nuestro.

42. También «[Existía un] vasto movimiento europeo de vanguardia que recog[ía] tradiciones

antiguas para responder a nuevas necesidades éticas y estéticas» (Lavaud & Lavaud, 1992: 361).

43. «[Las obras de teatro “cinematográficas”] no dan más de sí que otras cintas de comedias

ínfimas que sólo se diferencian de ellas en los subtítulos de pretendida indicación escénica

novedosa» (Urrutia, 1992: 49).

44. El subrayado es nuestro para insistir sobre el grado no necesariamente novador a ultranza de

este medio artístico (Urrutia, 1992: 51). Sobre los escritores españoles de aquella época y su

relación con el cine, cf. también el clásico ensayo de Ramón Gubern (1999), donde abundan las

referencias a Ramón.

45. Podemos incluso proponer la explicación siguiente a este desfase: los vanguardistas

recuperaban elementos populares, sencillamente porque… les gustaban. Así pasó con el cine

popular, las novelas rosas y el erotismo del género chico, o el género policíaco, en la mayoría de

estos casos unos infragéneros que les agradaban mucho a ellos, primero como receptores.

46. El escritor menor y «discípulo», en el humor, de Ramón, Vicente Andrés Álvarez, le convenció

a Ramón para que éste estrenara su pieza, poniéndola en escena. El fracaso, en la premiere el

7 de diciembre de 1920 en el Teatro Alcázar de Madrid, fue rotundo, y los amigos contertulios de

Ramón en el Café Pombo tuvieron muchas dificultades en acallar los abucheos del público. La

obra fue retirada precipitadamente del cartel y Ramón se refugió a París para escapar del

vapuleo.

47. «La multiplicación como procedimiento es cómoda porque sugiere la idea de diversidad:

frente al monismo propone un pluralismo donde elegir, y frente a la unicidad ofrece la

relatividad […]. No es extraño, por ello, que uno de los filones más aprovechados para toda la

vanguardia sea justamente la novedad multiplicativa […]» (Martínez Expósito, 1994: 272).

48. «[…] [E]l teatro de Ramón, con todo el valor plástico de sus ricas acotaciones es difícil de

poner en escena [tanto más cuanto que] más allá de las dificultades técnicas, lo que imposibilita

la puesta en escena del teatro vanguardista en España es la imposición del público» (Martínez

Expósito, 1994: 83).

49. Insistimos en el que no existe discontinuidad entre simbolismo y vanguardia, en el deseo de

establecer una síntesis teatral mediante la intermedialidad y lo popular, sino un continuum: «El

teatro de [Vittorio] Podrecca [creador de marionetas italiano] se dedica […] a la puesta en escena

de un repertorio musical en forma de ballets u óperas [con marionetas]. [Y] [a] partir de 1914, los

futuristas [italianos] conciben diversos espectáculos de vanguardia para los títeres de Podrecca»,

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según J. M. Lavaud y É. Lavaud (1992: 365). El mismo tipo de vínculo/recuperación con el teatro

de marionetas existirá, por supuesto, en España con Lorca y de Falla, Valle-Inclán o Alberti (cf.

sobre el teatro de Alberti y las marionetas, nuestro artículo [Le Vagueresse, 2005: 117-139]).

RESÚMENES

Pretendemos en este artículo reflexionar sobre los rasgos de intermedialidad en la producción

dramática del escritor vanguardista Ramón Gómez de la Serna (Madrid, 1888 – Buenos Aires,

1963), acorde a la definición que de la intermedialidad se da comúnmente, es decir la integración

de diversos medios artísticos (como la música, la radio, la fotografía, el cine, la danza, la

pantomima, etc.) en otra producción artística. Veremos hasta qué punto la obra dramática de

«Ramón» estuvo o no imbuida de esta intermedialidad y de qué modo eso añadió o no

vanguardismo a dicha obra.

Dans cet article, nous souhaiterions réfléchir sur les traits d’intermédialité présents dans la

production dramatique de l’écrivain espagnol d’avant-garde Ramón Gómez de la Serna (Madrid,

1888 – Buenos Aires, 1963), en accord avec la définition de l’intermédialité que l’on utilise

d’ordinaire, à savoir l’inclusion de divers médiums artistiques dans une autre production

artistique, comme la musique, la radio, la photographie, le cinéma, la danse, la pantomime… Nous

verrons jusqu’à quel point l’œuvre dramatique de « Ramón » fut ou non imprégnée de cette

intermédialité, et par quels moyens ce procédé ajouta ou non une touche avant-gardiste à son

œuvre. Ou encore, si ce procédé fut ou non un élément intrinsèquement avant-gardiste, mais

aussi, peut-être, d’approche d’un supposé public populaire.

In this article we would like to think about the features of intermediality present in the dramatic

work of the Spanish avant-garde writer Ramón Gómez de la Serna (Madrid, 1888 – Buenos Aires,

1963), according to the definition of intermediality that is usually used, namely the inclusion of

various artistic mediums in another artistic work, such as: music, radio, photography, cinema,

dance, pantomime… We will see to what extent the dramatic work of “Ramón” was or was not

impregnated with vanguardism, and by what means this process added or not a touch of

vanguardism to his work. Or, whether this process was or not an intrinsically element of

vanguardism, but also, perhaps, approaching a supposed popular public.

ÍNDICE

Mots-clés: intermédialité, avant-gardes, théâtre de Gómez de la Serna

Palabras claves: intermedialidad, vanguardismo, teatro de Gómez de la Serna

Keywords: intermediality, vanguardism, Ramón Gómez de la Serna’s Theater

AUTOR

EMMANUEL LE VAGUERESSE

Université de Reims Champagne-Ardenne

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Daniela Astor y la caja negra, de MartaSanz : rencontre entre la fictionnarrative et le documentaireaudiovisuelDaniela Astor y la Caja Negra, by Marta Sanz: When Narrative Fiction Meets

Audio-Visual Documentary

Myriam Roche

1 Le roman de Marta Sanz, Daniela Astor y la caja negra, paru en 2013 aux éditions

Anagrama, suit les premiers pas dans l’adolescence d’une petite fille de douze ans, quiraconte à la première personne sa vie quotidienne et les évènements qui vont labouleverser dans le contexte de la transition démocratique espagnole. Le texte, d’uneextrême subtilité dans l’expression de la vie intérieure de la jeune protagoniste, faitalterner le récit narratif principal avec ce qui semble être le script d’un documentaireaudiovisuel, proposant ainsi une modalité littéraire d’intermédialité très peu courante,voire inédite à cette échelle. Même si la nature de l’œuvre demeure intégralementtextuelle1, il existe bien une forme d’hybridation médiatique dans la mesure où l’onconstate « la présence au sein d’un artefact donné de formes relevant, au départ, demédias différents » (Besson, 2014) : une simple « coprésence », selon la typologie établiepar le chercheur Rémy Besson, suffisante pour déclencher de très riches effets de senschez les auteurs qui souhaitent l’exploiter.

Le documentaire fictif

2 L’alternance des deux fils narratifs surprend le lecteur dès la page 17, sans aucune

forme de transition apparente, en venant interrompre un récit qui a débuté quelquespages plus tôt. La typographie accompagne le changement par l’utilisation decaractères gras, puis de parenthèses qui encadrent le premier paragraphe de texte sansque cet effet de ponctuation prenne immédiatement sens pour le lecteur. Les premiers

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éléments d’ouverture du documentaire audiovisuel sont un titre mis en évidence parl’italique (« La caja negra »), puis une indication de la nature du genre (« Un documental

»), le nom de l’auteure-réalisatrice, une année en chiffres romains, et enfin unedédicace : autant de procédés de présentation qui peuvent relever aussi bien d’uneœuvre littéraire que d’un film documentaire, ce qui souligne d’entrée la possibilitéd’une parenté entre les deux médias. Le lien avec le récit principal est établi parl’identité de la réalisatrice, « Catalina H. Griñán », un nom que le lecteur peutimmédiatement associer à celui de la jeune narratrice qui a ouvert le roman par cesmots : « Me llamo Catalina Hernández Griñán. Tengo doce años » (Sanz, 2013 : 11). Certainesclés de compréhension du roman sont ainsi révélées : d’une part le décalage temporelentre les deux âges, fondamental dans la confrontation des regards portés sur unepériode et sa culture populaire ; d’autre part l’effacement partiel du nom du père, quele lecteur ne pourra interpréter qu’à la lecture des évènements racontés dans la suitede l’intrigue.

3 Le premier mot pour introduire le générique de début du film, avant même la première

des dix parties du documentaire (la « Caja 1 »), est « Imágenes », comme pour mieuxbaliser le terrain de l’intermédialité : celle-ci passe par une forme particulièred’ekphrasis, à mi-chemin entre le synopsis préparatoire au tournage et la descriptionpure de ce que le (télé)spectateur a devant les yeux lors de son visionnage. L’intérêtporté aux aspects techniques, tout comme l’utilisation du vocabulaire et du style quileur sont associés, appartient a priori à un document de type professionnel, maiscertaines marques de subjectivité, dans le regard ou dans la voix, esquissent l’existenced’une instance narratrice incarnée et impliquée, que la suite de notre analyse essaierade démasquer. La présence de plusieurs médias est soulignée par les descriptions deprocédés cinématographiques qui jalonnent cette introduction : les premières imagessont télévisées, mais d’autres, issues d’internet, apparaissent rapidement ensurimpression ; puis un travelling arrière dévoile l’appareil de télévision, lui-mêmeinstallé sur la scène d’un café-concert ; enfin, c’est par un fondu au noir que se terminel’ouverture du documentaire avant de laisser place à sa première partie. Cette façond’associer deux sources d’image, puis d’inclure leur contenant dans un contextethéâtral, invite à considérer la possibilité d’une mise en abyme intermédiale, àplusieurs dimensions de surcroît puisqu’au-delà de cette configuration structurelle ilexiste des liens thématiques de même nature entre les deux niveaux de récit : ledocumentaire porte sur des actrices célèbres grâce au cinéma ou au petit écran, et pourlesquelles Catalina, la jeune narratrice, éprouve une fascination immense, au point devouloir leur ressembler, de chercher à les imiter, d’interpréter leurs rôles en sedédoublant par l’imaginaire.

4 Le même type d’effet de sens est activé par les titres : celui du roman inclut celui du

documentaire par la mention d’une « caja negra », une boîte noire polysémique qui peutdésigner tout autant l’objet télévision (boîte à images), que l’enregistreur de vol desavions, qui conserve paramètres de voyage et conversations des pilotes. Lerapprochement entre les deux sens est naturel, en lien avec les thèmes du roman, dansla mesure où la télévision est le vecteur d’une certaine forme de mémoire collective etpopulaire. Les productions audiovisuelles, bien que destinées par nature à une diffusionunique et éphémère, sont archivées par des institutions2 et ont même droit aujourd’huià de multiples secondes vies sur internet ; elles constituent de la sorte un fondsdocumentaire de leur époque, comme c’est le cas dans Daniela Astor y la caja negra : tout

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en déroulant son intrigue, le roman dresse en arrière-plan le portrait d’une époquecomplexe, celle de la transition démocratique. Chacune des parties du documentaire estappelée « caja », porte un numéro, et consiste en un fragment relativement autonome,consacré à un élément d’analyse précis : une actrice3, un phénomène culturel, un film.Jusqu’au dernier chapitre, acmé paroxystique de la manipulation et de l’exploitation(ici consenties) de toutes ces femmes, vedettes de bas étage transformées en femmes-objets et livrées en pâture aux téléspectateurs.

5 La « Caja 10 », intitulée « Los platós bárbaros », nous transporte à une époque plus

contemporaine que les précédentes et cible clairement la télévision, ou plutôt unecertaine catégorie de productions audiovisuelles : « Imágenes de un programa del corazón

que una cadena privada emite en horario de máxima audiencia » (Sanz, 2013 : 243). Leprésentateur vedette y met en scène, avec la complicité de l’actrice invitée, une sortede tribunal des temps modernes (« los platós bárbaros parecen salas donde se imparte la

justicia », [Sanz, 2013 : 248]) pour contraindre son interlocutrice à faire la révélationpublique d’une relation homosexuelle passée, sous les applaudissements déchaînés dupublic. Tout semble écrit d’avance, comme dans une pièce de théâtre où les acteursrécitent leurs répliques, et celles-ci sont d’ailleurs introduites selon le codetypographique propre aux versions écrites des œuvres théâtrales : un retour à la lignesuivi d’un espace blanc, puis le nom du personnage en majuscules et deux points pourintroduire le texte. L’analogie est renforcée par la phrase « Comienza el espectáculo »(Sanz, 2013 : 244) placée juste avant le début du dialogue, et vient rappeler la mise enabyme initiale du documentaire : le poste de télévision posé sur une scène de théâtrepopulaire. Autant de signes intermédiaux permettant de souligner, à l’ère du simulacre,le caractère préfabriqué de ce type d’émissions qui reposent entièrement sur l’illusionet la manipulation. Le constat traverse les époques puisqu’il vaut aussi bien pour lereality show des années 2000 que pour les actrices vedettes du destape auxquelless’intéresse le film. Bárbara Rey, invitée de l’émission mise en scène dans ce dernierchapitre du livre, incarne par son propre parcours la façon pathétique dont certainesn’ont fait que passer d’un leurre à l’autre.

6 Le choix d’associer au roman la catégorie du documentaire est tout à fait essentiel dans

le questionnement du rapport entre réalité et fiction, qui imprègne tous les niveaux del’intrigue. Selon la définition du documentariste Didier Mauro, « le documentaire est uncinéma faisant création du réel » (Mauro, 2005 : 28), ce qui implique la notion derestitution directe du réel, associée à une démarche artistique, et lui confère un statutde document, voire de témoignage selon les cas, sur une époque donnée. Le roman,dont la nature est par essence fictionnelle, accueille donc en son sein non seulement unautre média mais aussi une autre modalité de rapport au réel, et devient par là-mêmehybride. Cela lui permet d’apporter un double éclairage sur un phénomène culturel, ledestape, et ses actrices.

7 Le premier point de vue est celui de Catalina à 12 ans : elle admire et fantasme les

égéries de l’époque, qu’elle considère comme des modèles de féminité, reproduit leursattitudes ou leurs paroles, rêve d’une vie d’adulte semblable à celle qu’elle leur imagine.Caractérisée par le manque de discernement ou d’esprit critique, cette attitude estassez typique de l’âge de la protagoniste, à mi-chemin entre l’enfance et la véritableadolescence, en quête de repères pour la construction d’une identité sexuée et sexuelle.Fascinée par des images dans lesquelles elle se projette, elle demeure ignorante de laréalité qui se cache derrière. Alors, comme en contrepoint, le rôle du documentaire est

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non seulement d’informer sur le devenir de ces femmes-objets mais aussi de dévoiler ceque le simulacre dissimule, de proposer une traversée du miroir, ou de l’écran, pourdonner accès au réel. En d’autres termes, le documentaire fait œuvre dedémythification, à destination des lecteurs du roman tout comme des spectateurs desémissions ou des films cités, et les condamne à une certaine forme de trouble ou demalaise.

8 Le processus psychologique est très similaire à l’évolution du personnage de la jeune

Catalina, qui peu à peu abandonne le monde du fantasme (celui de son doubleimaginaire Daniela Astor), pour mieux s’ancrer dans la dure réalité des évènementstragiques qui touchent sa famille ; elle découvre ainsi la lucidité comme un malnécessaire, inévitablement à l’origine d’une forme d’angoisse. Dans l’extrait suivant,cette angoisse est paradoxalement exprimée à l’aide de références cinématographiques,ce qui semble souligner que la réalité et l’imaginaire s’entremêlent encore chez la jeunefille à ce stade de son évolution :

La realidad me pega a la tierra y Daniela Astor se me escapa. Me digo que no importa. Quetengo que verlo todo con los ojos abiertos. Aunque el aire no me llegue a los pulmones y sepaque voy a ver imágenes que no podré olvidar. Como la cabeza de la niña de El exorcista o lasgarras de Lorelei. (Sanz, 2013 : 131)

9 L’épreuve est si difficile que Catalina cherchera encore à lui échapper plus tard, lorsque

sa mère sera emprisonnée pendant de longs mois et que le travail scolaire sera son seulexutoire :

Durante este curso saco las mejores notas de toda mi vida. Pero eso no es bueno. Es malo.Esas notas son una mierda. El síntoma de un dolor. Porque me meto en los libros como en unasepultura. Para que no me llegue la luz. Para olvidar la verdad. (Sanz, 2013 : 215)

10 Fuir la lumière et la vérité : la tentation est grande de détourner le regard, de rester

dans le monde du strass et des paillettes, mais le documentaire vient justement nous enempêcher, nous lecteurs aussi bien que Catalina, future documentariste engagée, quiporte déjà en elle l’adulte qu’elle sera : « Ésta es una historia sobre el adulto que todos los

niños llevamos dentro y también sobre la niña que se ha quedado dentro de mí » (Sanz, 2013 :173).

Points de vue et interactions

11 La proximité du documentaire avec la démarche journalistique, essentiellement dans

son rapport au réel, pourrait laisser croire que les deux points de vue sont semblables,mais il n’en est rien. Les documentaristes assument depuis longtemps un rejet del’objectivité chère à la plupart des journalistes, s’inscrivant ainsi dans une intentionplus artistique que scientifique, et radicalement subjective :

Une analyse prédomine : tout film est explicitement ou implicitement orienté(consciemment ou inconsciemment). Ceci, parce que l’auteur, le réalisateur, sontporteurs d’un vécu, d’une culture, d’une affectivité, de tensions pulsionnelles, d’unregard sur le monde, et que dès lors que l’on tourne une caméra vers une directiondéterminée, ce dispositif est déjà un choix, une orientation. (Mauro, 2005 : 35-36)

12 Ce constat, valable pour toute œuvre cinématographique, amène dans le cas particulier

du documentaire à poser la question de l’engagement : traiter un sujet souventd’actualité avec un point de vue subjectif correspond nécessairement à une prise deposition, qui en théorie pourrait n’être qu’esthétique mais dans les faits prend trèssouvent une dimension éthique voire franchement politique. Dans le roman de Marta

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Sanz, la documentariste, c’est-à-dire Catalina adulte, fait effectivement des choix trèsmarqués dès la conception même de son œuvre, qu’il s’agisse des thèmes mis en avantou de leur organisation. Chacune des parties introduit un sujet d’analyse qui vientillustrer le propos de la réalisatrice sur les femmes, avec une forme de progression quipeut faire sens. La caja 1 s’ouvre ainsi :

(Voz en off sobre foto fija: la cámara se mueve sobre la foto analizada deteniéndose endetalles al hilo del off. Los detalles fotográficos se transforman en dibujos coloreados en elmomento en que la cámara se centra en ellos. La persona se hace personaje y la realidad seconvierte en representación). (Sanz, 2013 : 18)

13 Le documentaire audiovisuel, lui-même intégré dans le roman, invite à l’ekphrasis

d’une photographie, même si le commentaire en voix off est plus analytique quedescriptif : l’intermédialité passe donc par une nouvelle forme de mise en abyme oud’enchâssement, juste après celle de l’introduction, ce qui fait de ce procédé un motifrécurrent du roman, essentiel pour tisser le lien entre les différents médias. La photodécrite est celle de l’actrice Susana Estrada, dont la veste trop échancrée découvrit unsein nu lors d’une cérémonie de remise de prix par le futur maire de Madrid, EnriqueTierno Galván, en février 1978. Ce cliché, repris dans toute la presse nationale et mêmemondiale, est devenu emblématique de l’époque de la Transition et fait partie de lamémoire collective de tous les espagnols. Il fait office de propos liminaire audocumentaire, et permet au spectateur d’entrer de plain-pied à la fois dans la périodeconcernée, en activant ses propres souvenirs, et dans la thématique soulevée, celle dudestape, avec toute son ambiguïté. Le sein de Susana Estrada, symbole de la nouvelleliberté acquise après quarante ans de dictature et étrennée avec une insolente légèreté,est aussi l’étape initiale d’un processus de marchandisation du corps féminin quis’instaure dans un premier temps avec la complicité souriante de ses actrices,ignorantes sans doute des effets pervers déplorables que le phénomène aura sur laperception des femmes, et que le documentaire cherche à mettre en évidence.

14 Utilisée en début de roman, la photo de l’actrice permet aussi d’installer le lien

thématique entre le documentaire et l’intrigue principale, par un jeu de contrastehumoristique qui oppose symboliquement deux femmes : Susana Estrada, l’icônefantasmée d’un univers irréel, et Sonia Griñán, la mère de famille ancrée dans sonquotidien domestique. Dans le chapitre qui suit la caja 1, on découvre ainsi les réactionsde Sonia, affairée dans la cuisine, à la publication de la photo dans la presse : « Qué

guarra, la tía […] ¿No le dará vergüenza? […] Pero ¿cómo puede atreverse una mujer a hacer

estas cosas? » (Sanz, 2013 : 22-23). Paradoxalement, le dévoilement public du corpsféminin censé incarner une forme de libération ne semble pas convaincre lesprincipales intéressées… L’opposition initiale entre ces deux personnages de femmes, apriori interprétable comme un conflit de valeurs entre modernité et conservatisme,s’avère dans la suite du roman bien plus subtile qu’il n’y paraît : les évènements narrésdémontreront à la jeune narratrice et au lecteur que la plus avant-gardiste des deuxn’est pas l’actrice qui montre son sein, mais la mère de famille provinciale de classemoyenne qui osera braver les lois et les tabous de son époque pour affirmer la libertéde son choix : celui d’avorter.

15 Le propos du documentaire fictif se dévoile progressivement au fil des cajas successives,

depuis la photo de Susana Estrada en 1978, image d’une provocation encore maîtrisée,audacieuse, non dépourvue peut-être d’un certain charme, jusqu’à la télévision desannées 2000 où les mêmes figures devenues pathétiques se donnent en spectacle pourprolonger autant que possible leur existence médiatique, au risque d’y perdre leur

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propre dignité. Les nombreuses actrices évoquées le sont essentiellement par ladéchéance survenue après une période de gloire éphémère, ce qui donne même lieu àune énumération macabre qui occupe une page entière du roman : « la colección de

muertes prematuras y destinos rotos que pueblan las páginas de un voluminoso cronicón

amarillo » (Sanz, 2013 : 114). La liste n’est pas seulement écrite, sous la forme d’uneseule phrase interminable, mais aussi lue à voix haute par la voix off, et surtoutsoulignée par une succession d’images « vertiginosas y psicodélicas » (Sanz, 2013 : 113) quirenforce par un procédé visuel l’effet d’étourdissement produit par la successionlancinante des noms d’actrices. Dans quel but ? Forcer les (télé)spectateurs à ouvrir lesyeux sur l’envers du décor, jusqu’à l’écœurement ? Pas seulement.

16 La démarche de la réalisatrice correspond à une forme d’engagement qui ne dit pas

explicitement son nom, qui n’utilise pas la voie pamphlétaire ni politique, mais quiprésente des faits, une réalité, en les accompagnant d’une analyse à plusieursdimensions. La réflexion sur le statut de la femme-objet, de la femme-jouet, est ainsiomniprésente dans le documentaire et débouche sur une interprétation sociologiqueaboutie du phénomène du destape, toujours en lien avec l’image et le regard :

El desnudo se transforma en destape cuando se vacía de sentido y de oportunidad, y sobretodo cuando se enfoca en primer plano la mirada del macho y el movimiento: la represiónsexual, el morderse los labios y sacar los ojos de las órbitas ante la contemplación de uncuerpo de mujer, cada acción inhibida se desata, […]. (138-139)

17 Le droit à la nudité, à l’exhibition, au dévoilement, synonyme d’un certain accès à la

liberté après quarante années de dictature, n’est en fait que prolongation de ladomination masculine et soumission à un autre pouvoir totalitaire, celui du profitéconomique : « Las mujeres disponen libremente de las partes comerciales de su anatomía,

aunque el comercio sea tal vez incompatible con la libertad. El paso que dan hacia delante es casi

siempre irreversible. » (Sanz, 2013 : 188) ; ce dernier extrait prend place dans la caja 8, « Subasta », consacrée à un internaute acheteur compulsif d’anciennes couvertures dumagazine Interviú qui mettent en scène les actrices du destape. Le documentaire ne secontente pas de démythifier les héroïnes de papier glacé qui font rêver Catalina jeunefille, mais porte également un regard acéré sur un phénomène culturel et moral tropvite assimilé à une forme de progrès dans un contexte historique particulier, celui de latransition démocratique.4

18 Daniela Astor y la caja negra met en relation le destape avec une évolution de société

capitale dans la vie des femmes : le droit à l’avortement, qui questionne également,sous une autre forme, le droit à disposer de son propre corps. Le traitement du thèmepasse par le remarquable jeu d’échos, le réseau de sens, la discrète interaction qui setisse tout au long du roman entre les différents médias et niveaux de récits. Lagrossesse de Sonia apparaît de façon progressive dans le principal fil narratif à lapremière personne, à travers le regard de Catalina enfant qui découvre peu à peu lesecret que ses parents lui cachent. Puis la caja 7, « Españolas en París », analyse lareprésentation de l’avortement dans la filmographie de la transition démocratique,avant de faire un point d’information sociologique et juridique sur le sujet. Ledocumentaire audiovisuel fictif, qui porte lui-même sur le cinéma, illustre par l’imageet le commentaire une question de société fictionnalisée dans l’intrigue du roman parle point de vue limité d’une enfant. C’est seulement dans le dernier chapitre du récit àla première personne que la boucle se ferme avec une grande subtilité pour soulignerencore une fois le contraste entre l’image véhiculée par certains médias et la réalité : letexte consiste en une succession de phrases négatives qui nient l’existence réelle de

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tous les clichés misérabilistes et les stéréotypes culpabilisants utilisés par les films del’époque ; un anti-récit de la scène de l’avortement :

Mi madre no abortó en una mesa de cocina con las piernas colgando.La persona que le practicó el aborto no fue una remendadora de virgos ni una santera quellenó la habitación de pestíferos vapores desinfectantes y humo de veguero.[…]A mi madre no la anestesiaron con éter ni perdió la conciencia. […]Mi madre no vio cuchillos con el filo rojo de óxido. Ni trapos. Ni jeringuillas sin hervircargadas de un líquido blancuzco. No la sujetaron con correas a una camilla con las sábanassalpicadas de secreciones de la anterior paciente. […]Nada sucedió así. Mi madre me ha jurado que nada de eso sucedió. (Sanz, 2013 : 237-238)

19 La longue litanie des négations vient déconstruire, phrase après phrase, un discours

monolithique et totalitaire, aux accents de propagande, et permet le rétablissementd’une vérité paradoxale : en 1978, malgré un code pénal qui sanctionne encore lesfemmes et les médecins, il est possible en Espagne d’avoir recours à l’avortement dansdes conditions humaines et sanitaires décentes, en clinique privée, dans laclandestinité, ce qui constitue malgré tout un progrès plus important pour les femmesespagnoles que le destape, un premier pas un peu plus ferme vers la liberté, une petiteavancée obtenue dans la souffrance par des femmes qui ressemblent davantage à SoniaGriñán qu’à Susana Estrada5. La technique narrative utilisée par Marta Sanz estindirecte mais brutale, les descriptions sont crues, sèches, sans artifice. Si la séquenceracontée n’est pas celle qu’a vécue le personnage, elle n’en est pas moins réaliste etsans doute bien réelle, mais à une époque et dans un milieu différents ; elle est aussid’un autre âge, tout comme le procès de Sonia, brièvement raconté dans la suite durécit : le fonctionnement de l’institution judiciaire, encore profondément dominé parles valeurs du franquisme, est un autre révélateur des lenteurs et des paradoxes de latransition démocratique.

Regards et voix

20 Si le documentaire et le récit à la première personne interagissent aussi bien dans

Daniela Astor y la caja negra, c’est en grande partie parce qu’ils sont assumés par la mêmeauteure, malgré les trente-cinq ou quarante ans qui séparent les deux momentsd’énonciation. Entre le point de vue de l’enfant et celui de l’adulte, il existe bienentendu de nombreuses différences qui se justifient notamment par l’une des clés duroman : la perte de l’innocence, symbolisée par la disparition progressive de la figureimaginaire de Daniela Astor. Mais le regard porté sur le monde par Catalina l’année deses douze ans est déjà celui d’une jeune fille avide de comprendre et d’explorer lemonde (des adultes) : sa précocité, sa curiosité, sa détermination à recueillir desinformations, sa capacité de déduction et d’analyse subjective, son sens de lapsychologie humaine, sont autant d’atouts pour une future documentariste, etprennent progressivement le pas sur son goût plus infantile pour l’imaginaire. Ce serad’ailleurs pour elle l’occasion de découvrir que l’accès à la connaissance et à lacompréhension mène à une forme de lucidité qui peut être synonyme de souffrance : « Me enteraré de todo, como siempre antes de tiempo, pero lo haré con mucha discreción. Después

me dolerá el estómago y no podré dormir » (Sanz, 2013 :153). Dans sa trajectoire vers lamaturité, Catalina perdra toutes ses illusions sur le monde des actrices qui la faisaienttant rêver ; au point de devenir, plus tard, une démystificatrice accomplie sur ce mêmesujet.

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21 Il faut en réalité attendre la moitié du roman pour avoir l’assurance que la réalisatrice

du documentaire, pourtant identifiée comme Catalina H. Griñán dès le début de la caja 1page 17, est également son interprète dans le rôle de l’intervieweuse meneused’enquête, ainsi que l’auteure et probable énonciatrice du commentaire oral via la voixoff. Marta Sanz semble différer volontairement cette explicitation en préservantl’anonymat en début de roman, peut-être pour ne pas brouiller la perception que l’on ade l’enfant narratrice, dont le point de vue est dans un premier temps dominant : « Se

oye la voz de la persona que ha ido a entrevistar a Leguna » (Sanz, 2013 : 38), mentionnel’ekphrasis du documentaire dans les portions en caractères gras. C’est seulement page138 que la réalisatrice fait irruption comme par effraction dans son propredocumentaire, à la fin de la caja 6, « Destape » :

Corte: Catalina H. Griñán mira a cámara. Es una mujer de casi cincuenta años que parece unpoco más joven. Menuda. […] Catalina, sin maquillar, mira a cámara y se burla del texto enoff. Lo remeda malintencionadamente: « Una guapísima Patricia Adriani », « Nadiuska haceuna exhibición de lencería », « Valerio Lazarov, verdadero espeleólogo de talentosfemeninos ». Catalina hace una pausa. Se ríe : « ¿Quién está hablando por mi boca? » […]Catalina guiña un ojo a cámara: « Por supuesto esto no pretende ser un mensaje subliminal,sino una clarísima injerencia de autor ». (Sanz, 2013 : 138)

22 Les retouches de texte évoquées correspondent à ce que le lecteur a pu lire quelques

lignes plus haut, elles ont donc déjà été effectuées, et affirment le pouvoir de Catalinaen tant qu’auteure. Dans les trois cas il s’agit d’extraits où la subjectivité del’énonciatrice est évidente, soit par l’emploi d’un adjectif évaluatif à la formesuperlative (« guapísima »), soit par l’utilisation de formulations ironiques (« una

exhibición de lencería », « espeleólogo de talentos fememinos »). Son intervention ex abruptodans le fil du documentaire semble vouloir attirer notre attention sur le procédé,comme pour souligner que l’objectivité est impossible, et sans doute mêmeinopportune ; c’est d’ailleurs d’après Mauro ce qui distingue la démarche documentairede celle du journaliste, à savoir l’opposition entre « la prétention à l’“objectivité” desprogrammes audiovisuels relevant du journalisme » et la « subjectivité assumée, etexplicitée, lisible pour le spectateur » du documentariste (Mauro, 2005 : 19).

23 Pour bien apprécier ces notions lorsqu’elles s’appliquent à un documentaire, il convient

de prendre en compte que celui-ci se compose de matériaux très divers, dont lecontenu n’a pas forcément été écrit par l’auteure en amont de la réalisation,notamment les actions et paroles a priori spontanées des protagonistes, saisies sur levif par les caméras ou les micros. La question de l’énonciation dans le documentaires’avère ainsi particulièrement complexe, jusqu’à s’effacer peut-être derrière le poids dela réalité :

Apparaît donc ici, dans les faits, une forme de réalité-auteur. Celle-ci est forcémentdérangeante, puisqu’elle relève d’une sociologie de cet art et que comme l’analysePierre Bourdieu : « La sociologie et l’art ne font pas bon ménage. Cela tient à l’art etaux artistes qui supportent mal tout ce qui attente à l’idée qu’ils ont d’eux-mêmes :l’univers de l’art est un univers de croyance, croyance dans le don, dans l’unicité ducréateur incréé, et l’irruption du sociologue qui veut comprendre, expliquer, rendreraison, fait scandale » (Bourdieu : 1984)6. Donc, précisément, scandale il y a et, dansle documentaire, la notion d’auteur ne soit surtout pas être « réifiée », car lacréation reste redevable au vécu de personnes qui n’ont souvent aucun rapportavec les industries de programmes audiovisuels, et qui ne retirent généralementaucun dividende ni financier, ni moral, ni de notoriété de l’œuvre qui leur a étéconsacrée. (Mauro, 2005 : 29)

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24 L’hétérogénéité des supports utilisés est très importante dans le documentaire fictif qui

nous intéresse, en particulier grâce aux différents niveaux de mise en abyme : puisqu’ilporte sur le cinéma, il inclut bien évidemment des séquences filmiques, mais aussi desextraits d’archive télévisuels, des images tirées d’internet, et de façon plus classiquedes interviews. L’ordonnancement de cette diversité, du point de vue de l’analyselittéraire, relèverait de ce que l’on appelle la régie narrative, dont la conception serapproche assez de la notion de « réalité-auteur », mais préserve malgré toutl’existence d’un architecte, d’un régisseur, d’un monteur en termes audiovisuels, quidonne et distribue la parole, agence les différents éléments, et assume la responsabilitédu produit final, y compris dans la part de manipulation qu’il peut comporter et quiapparaît très souvent lorsque l’on choisit de mélanger des ingrédients réels etfictionnels. Preuve en est le recours au procédé de la reconstitution7, appelée « dramatización filmada » lorsqu’il s’agit de l’assassinat de Sandra Mozarowsky (Sanz,2013 : 113) ou « simulación » pour la rencontre entre Rafael Reig et Amparo Muñoz(Sanz, 2013 : 80) : les personnes objets du documentaire sont alors remplacées par descomédiens, parfois filmés de loin ou de dos pour mieux faire illusion et limiter l’effet defiction. La complexité du rapport au réel s’accentue encore si l’on considère quecertaines des protagonistes du documentaire, auxquelles la création est redevable selonMauro, sont elles-mêmes des actrices en quête de notoriété, dont la sincérité est àrelativiser tant elles sont prisonnières de leur désir d’exhibition.

25 Le documentaire réalisé par Catalina H. Griñán est intégré de façon subtile et efficace,

via un réseau thématique, à l’intrigue du roman, mais il n’en demeure pas moins uneentité à part entière, au statut indéterminable. Comment interpréter en effet les scènesd’interviews de personnages réels, comme celle du réalisateur Javier Maqua et de sacompagne actrice Gloria Berrocal, qui constitue l’essentiel de la caja 9 ? S’agit-il del’ekphrasis d’un entretien qui aurait vraiment eu lieu8 ? Mais mené par qui, puisqueCatalina est bel et bien, elle, un personnage de fiction ? La liste des référencesélectroniques proposée par Marta Sanz à la fin du roman n’est pas d’un très grandsecours, contrairement à ce que pourrait laisser croire la présentation qu’en faitl’auteure :

Todos los blogs, vídeos y páginas web que se citan en esta novela están ubicados realmenteen algún lugar de la red. Ofrecemos sus direcciones electrónicas por si al lector curioso leapetece visitarlos y porque la Historia y la Ficción no son lo mismo, por mucho que seinterrelacionen. (Sanz, 2013 : 265)

26 Impossible malgré cela de trouver là les références de tous les documents cités ou

évoqués, sauf à considérer que ce manque d’exhaustivité est précisément la clefd’interprétation des différents éléments composant le documentaire : ceux qui ne sontpas listés sont peut-être bien ceux qui sont fictionnels, à l’instar de l’interview de JavierMaqua et Gloria Becorral, ou encore de l’émission de télévision, « un programa del

corazón » (Sanz, 2013 : 243), qui occupe la caja 10 et les vingt dernières pages du roman.

27 Marta Sanz nous offre avec Daniela Astor y la caja negra un formidable portrait de jeune

fille pendant la transition démocratique, mais aussi une analyse acérée du phénomènedu destape et du destin des femmes pendant cette période. La forme hybride du roman,qui fait cohabiter le récit de l’enfant à la première personne avec un documentaireaudiovisuel fictif, crée un pacte de lecture ambigu mais redoutablement efficace, unpeu à la façon de Soldados de Salamina (2001) de Javier Cercas, qui a donné lieu à tant detravaux, de commentaires et de polémiques à propos de cette audacieuse porosité entre

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réalité et fiction. Pour Marta Sanz, la réception de la même stratégie narrative est trèsdifférente, car le mélange des genres ne s’étend pas à l’axiologie ni à l’idéologie, qui sedégage toujours de ses œuvres de manière implicite, fermement mais discrètement,avec une extrême subtilité. Le faux documentaire ne permet pas seulement de poser laproblématique du lien entre réalité et fiction, mais aussi de construire une réflexionquasi performative (le roman fait ce qu’il dit) sur la représentation de la réalité, que cesoit par la photo, la télévision, le cinéma ou internet. Tout cela sans jamais perdre lelien avec l’intrigue romanesque et son magnifique personnage de femme en devenir,dans un roman résolument et intrinsèquement féminin.

BIBLIOGRAPHIE

BESSON Rémy (2014), « Prolégomènes pour une définition de l’intermédialité », en ligne sur le

portail HAL de l’Université Toulouse – Jean Jaurès : <http://hal-univ-tlse2.archives-ouvertes.fr/

hal-01012325 (24 juillet 2018).

FERNÁNDEZ CUESTA Manuel (1997), « Marta Sanz. La libertad y la palabra », en ligne sur Mundo

obrero : <http://www.eurosur.org/mo.old/0498/0498culturamartasanz.htm> (19 juillet 2018).

MAURO Didier (2005), Le documentaire, Paris, France : Dixit.

SANZ Marta (2013), Daniela Astor y la caja negra, Madrid, Espagne : Anagrama.

NOTES

1. Pour une hybridation complète, incluant une dimension matérielle concrète, il faut imaginer la

possibilité d’associer plus intimement les deux médias (texte écrit et vidéo) : on peut l’envisager

aisément pour la lecture numérique, grâce en particulier aux liens hypertextes, mais dans le cas

du support papier traditionnel, le roman devrait être produit et commercialisé en étant

accompagné d’un DVD interactif à découvrir de façon simultanée, ce qui modifierait

considérablement la nature même de l’acte de lecture, et relègue de fait ce type de proposition au

rang de l’expérimentation artistique. Le média écrit ne peut intégrer concrètement le document

audiovisuel que sous la forme de sa transcription écrite préalable à la réalisation (script ou

scénario) ou postérieure à la diffusion (description du document d’un point de vue spectateur).

On touche là, sans doute, aux limites de l’intermédialité pour le texte littéraire, tout du moins

sous sa forme imprimée, qui restreint ses capacités d’accueil aux mots et aux images

reproductibles sur papier. Le champ des hybridations possibles est a priori beaucoup plus large

pour d’autres médias artistiques, comme le théâtre par exemple, qui peut accueillir sans les

dénaturer et sans se trahir des documents de toutes natures : sonores, visuels, voire

plurisensoriels et interactifs.

2. En France, ce rôle de conservation et de sauvegarde du fonds est celui de l’Institut National de

l’Audiovisuel (INA), créé en 1974. En Espagne, de nombreuses archives sont accessibles grâce au

groupe audiovisuel public Radio Televisión Española (RTVE).

3. Susana Estrada, María José Cantudo, Amparo Muñoz ou Bárbara Rey.

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4. La transition démocratique espagnole, longtemps idéalisée dans sa globalité, est aujourd’hui

l’objet d’une analyse beaucoup plus critique portée par les historiens, par les acteurs de l’époque

et par les romanciers. On peut considérer que le texte de Marta Sanz s’inscrit dans le même type

de démarche, en dénonçant les effets pervers d’une libération des mœurs parfois précipitée, mal

digérée, ou récupérée et dévoyée par les protagonistes de la dictature eux-mêmes. Le phénomène

du destape n’est qu’une vitrine de liberté, comme dans une certaine mesure celui de la Movida,

que Marta Sanz analyse ainsi dans une interview accordée à Manuel Fernández Cuesta en 1997

pour Mundo Obrero : « Y aunque Tierno Galván fuera un señor muy respetable en otros aspectos, lo que

hizo en Madrid y en otros lugares con la famosa « Movida » fue recurrir al tema de « Pan y Toros ». Vamos a

liberarnos, hagamos lo que no hemos hecho durante mucho tiempo y salgamos a la calle no a protestar, sino

a reírnos, divertirnos y para demostrarle a todo el mundo lo libres y estupendos que somos. En este sentido

por supuesto que el PSOE tiene mucha responsabilidad al crear un clima de libertad ficticia que además

degradó la cultura. » (http://www.eurosur.org/mo.old/0498/0498culturamartasanz.htm, page

consultée le 19/07/2018). Le règne unanime du divertissement roi, qui joue le rôle de défouloir ou

d’exutoire après les années de dictature national-catholique, occulte la pauvreté de certaines des

manifestations culturelles proposées et la perte de conscience politique qui les accompagne.

5. Ces deux modèles féminins ne sont peut-être pas complètement incompatibles, comme semble

le suggérer la référence à Ana Belén à la fin de la caja 7, consacrée au thème de l’avortement.

L’actrice, l’une des premières à avoir dévoilé sa poitrine sur un écran de cinéma espagnol dans le

film El amor del capitán Brando en 1974, interprétait en 1971 dans Españolas en París une scène

d’avortement contraint, sur une table de cuisine, par deux vieilles femmes sordides aux allures

de sorcières. La fin de la caja 7 souligne, dans son dernier paragraphe, qu’Ana Belén fera partie

quelques années plus tard, en 1979, des 1 300 femmes signataires d’un document public où elles

déclaraient : « Yo he abortado voluntariamente ».

6. La référence utilisée par Didier Mauro est la suivante : BOURDIEU Pierre, « Mais qui a créé les

créateurs ? », P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris : Minuit, 1981, p. 207.

7. La reconstitution est au cœur de ce que l’on appelle le docudrame (docudrama en anglais), qui

consiste à fictionnaliser et dramatiser des évènements réels sous la forme d’un documentaire. À

ne pas confondre avec le docufiction, qui lui est un véritable documentaire utilisant des outils

propres à la fiction.

8. C’est ce que semble suggérer la notice de l’encyclopédie en ligne Wikipedia consacrée à

Gloria Berrocal (https://es.wikipedia.org/wiki/Gloria_Berrocal, page consultée le 19/07/2018),

en indiquant en note : « En una entrevista filmada con Gloria y Maqua, y recogida por Marta Sanz en su

libro Daniela Astor y la caja negra (ver: Referencias); el propio Maqua relata la anécdota ocurrida

durante una de las reuniones de los “Once” con las autoridades y personalidades del último gobierno de

Francisco Franco […] ». Le roman de Marta Sanz est ainsi considéré dans sa globalité comme un

documentaire qui fait foi, et qui dispense même l’auteur de la notice de renvoyer le lecteur vers

ce qui serait la véritable référence de cette interview. Le manque de rigueur dans la citation des

sources, sans compter la confusion entre le personnage du roman et son auteure, ne plaide

évidemment pas en la faveur de Wikipedia quant à sa fiabilité.

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RÉSUMÉS

Le roman de Marta Sanz, Daniela Astor y la caja negra, paru en 2013, propose une forme

d’intermédialité littéraire très originale en faisant alterner le récit avec le script d’un

documentaire audiovisuel fictif dont le lien subtil avec l’intrigue principale génère de profonds

effets de sens. La réalisatrice du documentaire, qui n’est autre que la jeune narratrice parvenue à

l’âge adulte, retrace ainsi le destin pathétique des actrices du destape qui la faisaient tant rêver à

l’âge de douze ans, pendant la transition démocratique espagnole. L’étude des procédés narratifs

mis en œuvre et de leurs effets révèle l’existence d’une stratégie d’hybridation médiatique

novatrice, au service de la démythification des icônes d’une époque charnière, aussi bien pour le

pays que pour la jeune protagoniste.

Marta Sanz’s novel, Daniela Astor y la caja negra, published in 2013, relies on a highly original form

of literary intermediality. The story alternates with the script of a fictional audio-visual

documentary whose relationship with the main plot is the key to meaning. The director of the

documentary, who is in fact none other than the young narrator grown into an adult, relates the

pathetic destiny of the destape actresses whom she used to dream about during the Spanish

democratic transition. The study of the narrative devices used and of their effects reveals the

existence of a new strategy of media hybridization, which serves to debunk the icons of a crucial

era both for the country and for the young protagonist.

INDEX

Keywords : contemporary Spanish novel, Marta Sanz, intermediality, documentary, Spanish

democratic transition, destape

Mots-clés : roman espagnol contemporain, Marta Sanz, intermédialité, documentaire, transition

démocratique espagnole, destape

AUTEUR

MYRIAM ROCHE

LLSETI, Université Savoie Mont Blanc

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La écfrasis auto/docuficcional en Turostro mañana de Javier MaríasL’ekphrasis auto/docufictionnelle dans Tu rostro mañana de Javier Marías

The Auto/docufictional Ekphrasis in Tu Rostro Mañana by Javier Marías

Mihai Iacob

1 El tratamiento de las imágenes en la literatura de Javier Marías se ha estudiado poco

hasta el momento. Aparte de escasos artículos dedicados exclusivamente a este tema,como el de Elide Pittarello (2009) sobre las fotos de Tu rostro mañana, pero conreferencias a todo el ciclo oxoniense de Marías, se pueden encontrar comentariospuntuales acerca de la dimensión icónica (Ródenas, 2009: 71; Champeau, 2012: 267) odeclaraciones sobre la necesidad de estudiarla a fondo (Estudillo, 2009: 130).

2 De todos modos, cualquier trabajo que se proponga analizar los elementos visuales de

un texto literario debería empezar por determinar el estatuto de las imágenes conrespecto a las palabras. Esta cuestión resulta especialmente significativa al tratarse deautoficciones o docuficciones, puesto que estas problematizan por definición, aparte dela relación entre lo factual y lo ficticio, la distinción y la jerarquía entre los planosdiscursivos (textuales, metatextuales y paratextuales).

3 Las imágenes impresas en un libro tienen habitualmente una condición meramente

auxiliar o peritextual, según el término empleado por Genette (1987: 10, 17) para elparatexto que cohabita con el texto. En tal caso, las láminas son ilustraciones que, comolo sugiere el mismo nombre, visualizan, comunican de otra manera el mensaje verbal uofrecen información adicional, para facilitar o encauzar la lectura. Se trata, pues, de unnivel discursivo diferente, añadido y gestionado por el editor, que encarga lasilustraciones a un ilustrador profesional, aunque existen también peritextos elaboradospor los escritores mismos, que proporcionan material fotográfico de sus propiosarchivos (en Roland Barthes par Roland Barthes), o que ilustran sus textos, en su faceta deartistas plásticos, tal como acontece, por ejemplo, en algunas ediciones y manuscritosde la obras de William Blake, García Lorca o Alasdair Gray.

4 Cabe señalar que una ilustración es, por su naturaleza, prescindible, no se menciona en

el texto ilustrado, no constituye uno de sus temas. Mientras que en Tu rostro mañana se

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alude explícitamente a las fotos, cuadros, recortes de prensa, dibujos o carteles que semuestran en las páginas del libro. Es más, incluso se señala cómo Jacques Deza, elnarrador, ha entrado en posesión de estas láminas o en qué circunstancias las ha visto.Por ejemplo, la fotografía enmarcada de Peter Wheeler (trasunto literario de PeterRussel, hispanista de Oxford) llega a ocupar un sitio en el despacho de Deza, porque sela ha entregado Mrs. Berry, el ama de llaves y confidente del profesor británico,después de la muerte de este. De igual modo se narra que el mismo Wheeler le haregalado a Deza las cartulinas que reproducen carteles propagandísticos británicos dela Segunda Guerra Mundial, en contra de la careless talk, para premiar de alguna manerala hazaña del último al salvarlas de las aguas del río.

5 Precisamente la insistencia y el detallismo con los que el narrador refiere su conexión y

la de otros personajes con las imágenes que se enseñan en el libro ponen en tela dejuicio y bajo sospecha —como es práctica habitual en la auto/docuficción— algún queotro caso más difícil de explicar, según los criterios del discurso con pretensiones defactualidad. En una ocasión, Jacques Deza subraya que Wheeler, al regalarle lascartulinas, se queda con un recorte de periódico amarillento, que tenía un valorsentimental para él. No obstante, ese recorte está reproducido en el libro (Marías, 2002:392), igual que los que Wheeler ha regalado al narrador. Por otra parte, el narradorconfiesa que no es escritor y que está lejos de convertirse en uno. Wheeler le felicita, enuna ocasión, por no haberse dejado «tentar por la escritura» (Marías, 2002: 449) y, a suvez, Jacques Deza le dice a Luisa: «todavía no me he idiotizado tanto como paradedicarme a la publicidad o ponerme a escribir novelas como todo el mundo. Aunqueen fin, todo podría andarse, yo ya no descarto ninguna mamarrachada en la vida»(Marías, 2004: 189). Esta actitud negativa hacia la práctica literaria contrasta, sinembargo, con la actividad fabulatoria asumida y, por tanto, cuasinovelística, ejercidapor Jacques Deza a través de sus informes para un sospechoso servicio secretobritánico. De manera que todo se complica y nacen en la mente del lector preguntascomo «Dentro de los parámetros del universo literario de Tu rostro mañana, ¿quién sesupone que ha escrito el libro? ¿Habrá sido el narrador, quien, finalmente, se hadecantado por la escritura memorialística?», «¿Quién ha colocado allí las imágenes,incluso aquellas que no han entrado en posesión del narrador? ¿El autor empírico, surepresentación discursiva más elusiva, el así llamado “autor implícito”, o el narradorconvertido finalmente en escritor?». En un artículo dedicado a Negra espalda del tiempo,Geneviève Champeau (2012: 267) se decanta por el último, puesto que, en primer lugar,«“decir” y “hacer”1 son dos aspectos del acto único de narrar» y, en segundo lugar, lainstancia del «autor implícito», «es, en realidad otra de las funciones de la instancianarrativa y no una imagen del autor de la que puede distinguirse perfectamente». Noobstante, en el discurso autoficcional, las múltiples figuraciones del yo suelen interferiry, por tanto, no «distinguirse perfectamente». Precisamente esta incertidumbrereferencial hace que preguntas como «¿quién ha puesto las fotos en el texto?» nopuedan recibir una respuesta inequívoca. Con todo, al cuestionar implícitamente lapresencia de algunas imágenes dentro de la novela, Javier Marías le propone al lector —también de este modo— el así llamado «pacto ambiguo» del que hablaba ManuelAlberca (2007: 126, 132), provocándole perplejidad y fomentándole la duda entre leer lanovela en clave documental o en clave ficcional.

6 Asimismo, es necesario puntualizar que las láminas impresas en las ediciones de Tu

rostro mañana reciben el mismo tratamiento, en el texto verbal, que las secuenciasicónicas que se mientan y se comentan en la novela, pero no se enseñan en el libro,

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como es el caso de la foto del tío Alfonso muerto y de los vídeos con escenas crueles ocomprometidas (o las dos cosas) que Jacques Deza ve en casa de Tupra. En el fondo, losdos tipos de imágenes pertenecen a dos clases de écfrasis: la écfrasis in praesentia (quesupone la cohabitación entre la representación visual y su comentario o descripciónverbal) y la écfrasis in absentia (que contiene solo el comentario referente a unarepresentación visual que no se muestra). La presencia conjunta de estas dos categoríasecfrásticas establece un canal de comunicación, un continuum, un proceso decontaminación entre lo que se construye estrictamente dentro del texto literario, conpalabras (es decir las écfrasis in absentia), y los objetos que se hallan en la realidad y quese reproducen en el libro, al lado del texto literario propiamente dicho (o sea, lasécfrasis in praesentia). Tanto las imágenes, digamos, reales, extraídas de la realidad ypreexistentes al libro, que se muestran en Tu rostro mañana, como las que no semuestran, pero se mencionan, son generadoras de literatura, constituyen el punto departida de extensas digresiones e incitan al narrador a que relate y reflexione.

7 Por lo tanto, las secuencias icónicas no ofrecen solo apoyo documental o datos

complementarios a lo que se refiere dentro del texto, como ocurre en otrasautoficciones o docuficciones2, sino que forman parte de la misma argamasa de lanovela, pertenecen al «discurso escoltado», y no al «discurso de escolta» (Cornea, 1998:128), son textuales, no peritextuales3. Así que la obra de Javier Marías se tendría queconsiderar una entidad híbrida, intermedial, icónico-verbal y ya se verá a continuaciónsi también una novela ecfrástica.

8 Para el concepto de écfrasis utilizo, básicamente, la definición que, en 1955, propuso (y

consagró) Leo Spitzer. Al comentar el poema de Keats, «Ode on a Grecian Urn», Spitzerdefine la figura retórica en cuestión como: «a reproduction through the medium of words of

sensuously perceptible objets d’art» (apud Hewlett Koelb, 2006: 1), entendiendo por«sensorialmente perceptibles» las piezas artísticas que se perciben visualmente(cuadros, grabados, frisos, esculturas). Sin embargo, me permito realizar dospuntualizaciones y una rectificación con respecto a la definición de Spitzer.

9 El análisis de las écfrasis de Javier Marías resulta más fértil al emplear, aceptando la

sugerencia de Claus Clüver, el término «verbalización» (apud Sager, 2008: 17), en lugarde «reproducción» o «representación verbal», porque, de este modo, se deja constanciade que la écfrasis no es necesariamente un recurso mimético, una mera réplica verbalde una representación visual, sino que puede ser también un comentario, unaexplicación, una glosa (vid. Ródenas, 2009: 71). De hecho, ekfrasein significaba «explicaren detalle», «explicar hasta el final», según el diccionario griego-francés de A. Bailly(1963) y algunos estudiosos de la écfrasis (vid. Vranceanu, 2011: 7).

10 La segunda puntualización con respecto a la definición de Spitzer consiste en

reivindicar (junto a teóricos de la écfrasis como Margaret Persin o Laura Sager) lainclusión, entre los discursos artísticos que pueden ser objeto de la écfrasis, de lasformas no canónicas o menos canónicas del arte visual: la televisión, la fotografía, loscómics o la cinematografía (vid. Sager, 2008: 16). Esta propuesta viene justificada por lanaturaleza diversa de las representaciones que generan comentarios y descripciones enTu rostro mañana.

11 En cuanto a la rectificación, que anunciaba anteriormente, con respecto a la definición

de Leo Spitzer, considero que sería adecuado integrar las écfrasis en la categoría de las«traducciones intersemióticas», según el sintagma de Roman Jakobson (1974: 69). Estosupone adoptar una visión expandida sobre la écfrasis, parecida a la que defiende

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Siglind Bruhn, en Musical Ekphrasis, donde por el antiguo nombre de la figura retóricaen cuestión se entiende «representation in one medium of a real or fictitious text composed in

another medium.» (apud Sager, 2008: 17). Conforme a esta perspectiva, la verbalizaciónno sería la única modalidad ecfrástica, en la novela que nos ocupa. En una ocasión,intentando adivinar la música con la que baila su vecino de enfrente, Jacques Deza ponediscos en su lector de CD, que es una forma de traducir el baile a otro sistema de signos,el musical.

12 Hay una gran diversidad de planteamientos ecfrásticos en la última novela del ciclo

oxoniense, pero, por razones de espacio, se comentarán únicamente tres, que resultande especial relevancia para la docu y la autoficción en general, y para las hipóstasis queestas fórmulas discursivas adquieren en la literatura de Javier Marías. El primer tipo esel de la écfrasis in praesentia correctiva, ya mencionado en este trabajo, el segundo sepodría denominar «literalizante» y el tercero, «autoécfrasis elusiva».

13 Con respecto a la modalidad in praesentia, cabe añadir que, en principio, esta podría

resultar redundante, por lo menos parcialmente, porque la écfrasis ambiciona recrearla imagen, suplantar (o hacer innecesaria) la representación plástica por suverbalización. Sin embargo, según teóricos como James Heffernan (1991: 304), laécfrasis suele ser «a radical critique of representation», precisamente porque tanto laimagen como la palabra, al necesitarse mutuamente, demuestran ser representacionesinsuficientes de la realidad. La consecuencia extrema de esta duda epistemológica, quese intenta contrarrestar por el uso combinado de modalidades de representación yconocimiento (verbales, icónicas, auditivas), es, como afirmaba Brian McHale (2004: 11),la indeterminación ontológica, el debilitamiento del mismo concepto de realidad comoalgo objetivo, firme y sólido. Es lo que parecen sugerir algunas declaraciones delnarrador de Tu rostro mañana:

[…] renegamos de nuestra memoria a veces y acabamos por contarnos inexactasversiones de lo que presenciamos […] sometemos todo a traducciones, las hacemosde nuestros nítidos actos y no siempre son fieles, para que así los actos empiecen aser borrosos, y al final nos entregamos y damos a la interpretación perpetua, hastade lo que nos consta y sabemos a ciencia cierta, y así lo hacemos flotar inestable,impreciso, y nada está nunca fijado ni es definitivo nunca […] (Marías, 2002: 176)

14 De todos modos, la dosis de redundancia es muy reducida en las écfrasis in praesentia de

Javier Marías, que suponen una rectificación del mensaje aparente o inmediato de laimagen. Solo que esta correctio no anula necesariamente una interpretación enbeneficio de otra, sino que compagina dos o varias lecturas equivalentes, sobre todocuando se trata de una écfrasis negociada o debatida entre distintos personajes queproponen explicaciones diferentes para la misma representación. Es el caso de la fotode Jayne Mansfield y Sophia Loren, que, descodificada en primer lugar, por Deza, comoun emblema de la envidia femenina o de la competencia sexual, se convierte, según laglosa de Bertram Tupra, en una representación del miedo obsesivo de algunas personasal desajuste final entre sus vidas y unos esquemas narrativos dignificantes (Marías,2007a: 46). Al tener en cuenta que las fotografías se emplean, en principio, como huellasde lo real o «emanación no metafórica del referente» (Pittarello, 2009: 104), se puedesostener que, cuando cuestiona, negocia o debate el significado fotográfico, la écfrasiscorrectiva e in praesentia pone en tela de juicio la fiabilidad de la fotografía como pruebao documento fehaciente, instituyendo y, al mismo tiempo, socavando tanto ladimensión ficticia como la factual de cualquier representación4. En definitiva, igual que

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algunos recursos verbales de la autoficción, la écfrasis correctiva «llama al referentepara negarlo de inmediato» (Casas, 2012: 34).

15 Al fin y al cabo, este tipo de écfrasis constituye una reproducción en pequeño, una mise

en abyme del mecanismo autosubversivo de la autoficción, que propone siempre unadoble codificación, una doble clave de lectura, al pretender, tal como afirmaba MarieDarrieussecq (2012: 79), «ser creída y no ser creída». Además, en el caso concreto de Tu

rostro mañana y de la narrativa de Javier Marías, en general, la (auto)rectificación, lasfórmulas disyuntivas, la digresión que suspende y margina el hilo narrativo,supuestamente central, y el carácter contradictorio del razonamiento sonparticularidades esenciales y asumidas del así llamado «pensamiento literario» (vid.

Marías, 2009: 114). Asimismo, el narrador se refiere, en Baile y sueño, al discurso deBertram Tupra en los siguientes términos, que, de hecho, resultarían válidos para supropio discurso: «Tenía la habilidad de empalmar sentencias de forma que la segundase desviaba de la primera, la tercera de la segunda […]» (Marías, 2004: 67).

16 Otra clase de écfrasis, muy propia de la autoficción, la docuficción y la literatura

posmoderna en general es la «literalizante» o «realizante». Se trata de un procesoparecido al de «literalización» o «realización de las metáforas», según el sintagmautilizado por Brian McHale (2004: 134), en Postmodernist Fiction: «“realization of

metaphor”: events, objects, situations initially introduced as metaphors, literal only within a

nonexistent and secondary frame of reference, eventually develop into realities within the

fictional world […] “poetics of shifting from language to world”». Lo que acontece es que unamera figura retórica o unas simples e inocuas palabras, en primera instancia, se llegan aconvertir en realidad concreta, tridimensional e inquietante. En la novela de Maríasque estamos analizando hay, por ejemplo, frecuentes referencias metafóricas visualesextraídas del campo semántico de la caballería. Se comentan actitudes y estados deánimo a través del uso analógico de términos como «yelmo», «lanza», «escudo»,«armadura» o «espada». Estos términos funcionan, al mismo tiempo, como metáforas ycomo «écfrasis estereotipadas» (Vranceanu, 2011: 18)5, porque aluden, no a unarepresentación determinada, sino a toda una imaginería caballeresca tópica,convencional. Lo insólito es que, de pronto, la analogía se vueleve realidad, creando uncortocircuito ontológico entre el lenguaje y el mundo. En la que es, quizás, la escenamás impactante de la novela, Bertram Tupra amaga con degollar a un diplómaticoespañol en Londres, sirviéndose de una espada de verdad, un lansquenete, nos aseguraescrupulosamente el narrador, para destacar la concretez del arma blanca. Esta espadaes una «écfrasis literalizante», o, en palabras de Jacques Deza, «lo ficticio acaece»(Marías, 2002: 30). Pero el trasvase entre el el mundo y el discurso no acaba aquí,porque Marías le da otra vuelta de tuerca a la «realización», recorriendo el caminoinverso y poniendo en duda la existencia real de la espada. Después de provocarle unsusto de muerte a De la Garza, esta desaparece como por arte de magia en un incierto«bolsillo-funda» (Marías, 2004: 352) del abrigo de Tupra, que desaparece a su vez.Además, a su relativización ontológica contribuye la ironía mordaz: «¿Qué es lo queaprendiste tan importante —le espeta Deza a Tupra, al referirse más tarde a laactuación de este último—, a ser como El Zorro? ¿D’Artagnan, Gladiator, Conan elBárbaro, Espartaco? ¿El Principe Valiente, los Siete Samuráis, Aragorn, Scaramouche?¿O Darth Vader? ¿Cuál es el modelo?» (Marías, 2004: 389). Además, cuando el mismoDeza quiere asustar a Custardoy, emulando a su amoral jefe británico, renunciafinalmente a la idea de usar una espada, tanto debido a la guasa de Miquelín, el torero

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amigo al que se la había pedido prestada, como por ridículos inconvenientes prácticos:«no tenía un abrigo con una funda a la espalda, ni siquiera una gabardina. Y no estabael tiempo para abrigos» (Marías, 2007a: 445). Al final, el lector se queda con la duda desi, en el mundo de Tu rostro mañana, Tupra ha blandido un espada real o se tratasimplemente de la paranoia del narrador. O, visto desde otra perspectiva, ¿Maríasquiere que leamos el episodio de la espada como un suceso posible, en clave realista,como una metáfora o como una ironía posmoderna? Y la respuesta puede ser múltiple ycontradictoria, igual que la perspectiva autoficticia, docuficticia y, en el fondo,postmoderna, sobre la relación entre una siempre problemática realidad y sus siempreproblemáticas figuraciones.

17 De nuevo, igual que en el caso de la écfrasis correctiva, la écfrasis «literalizante» refleja

un proceso desarrollado también al margen de los planteamientos ecfrásticospropiamente dichos. Tanto en la visión del narrador como en el mismo universo de Tu

rostro mañana, algo existe o llega a existir porque se le nombra o se relata6: aunque Dezareconoce que, a partir de cierto punto, los informes para Tupra sobre las accionesfuturas de las personas acaban en pura fabulación7, sus palabras se cumplen, se venconfirmadas por hechos en el caso del cantante Dick Dearlove. De la misma manera, laexpresión idiomática «torear a alguien» se convierte en acto concreto y real para EmilioMarés, un antiguo compañero de facultad de Juan Deza, al que los nacionales matancomo si de un toro bravo se tratase.

18 Por «autoécfrasis elusiva» entendemos la glosa verbal de la autorepresentación visual

del autor. A primera vista, hablar de autorepresentación visual, en el caso de Tu rostro

mañana, parecería aberrante, ya que no hay ninguna foto del autor entre las que sereproducen en las páginas de su novela. Con todo, resultaría significativa de por sí laausencia de un retrato fotográfico del autor, en una novela donde se proporcionansuficientes datos documentales y autodocumentales, o sospechosos de serlo, sobre laGuerra Civil española, la Segunda Guerra Mundial, la estancia en Londres de JavierMarías, la vida de su mentor de Oxford, Peter Russell (Wheeler, en la novela), o sobrelas experiencias traumáticas de la posguerra, vividas por el padre del novelista, JuliánMarías (Juan Deza, en la novela). La falta de la autoexposición fotográfica sería, en estascircunstancias (igual que la publicación de documentos gráficos que, en principio, elnarrador no posee), un elemento más de la problematización —presente en todo el ciclonovelesco oxoniense, pero sobre todo en Negra espalda del tiempo— de la eficacia decualquier representación, de las fronteras entre lo ficticio y lo factual, y elcuestionamiento típicamente posmoderno de la misma realidad como entidad sólida yestable (vid. Brian McHale, 1987: 10, 16-17).

19 Pese a todo, Javier Marías no es reacio a cualquier forma de autoexposición.

Únicamente que, como ha confesado más de una vez, el escritor rechaza laautobiografía exterior, que recopila fechas, datos y hechos registrables, porconsiderarla un síntoma de vanidad y superficialidad. En «Autobiografía y ficción», unensayo publicado en 1987, Marías afirma que su primera novela, Los dominios del lobo,todavía goza de su aprecio, porque, aunque «no tiene nada de autobiográfico» —en elsentido habitual que se le asigna al término autobiografía— transmite «vivenciasculturales», experiencias «cinematográficas y librescas» igual de «personales eintransferibles» que los hechos exteriores y físicos (Marías, 2009: 69). Esta reticencia delautor hacia la autobiografía fáctica abarca también los rasgos fisionómicos. Comoprueba de ello, en Todas las almas, Javier Marías renuncia incluso a retratar a su

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ambiguo trasunto literario, el narrador: «No hice ninguna descripción física de él ni ledi nombre». Pero, por otra parte, entre este narrador y el autor empírico había,sostiene Marías (2009: 94) en el mismo ensayo, semejanzas «tan grandes que me parecióridículo “camuflarlo”», así que «no rehuí mi propia voz, esto es, mi dicción habitual onatural por escrito, la de —por ejemplo— las cartas que había escrito a mis amigoscuando estaba en Inglaterra».

20 Por consiguiente, la ausencia de la foto del autor en Tu rostro mañana es fruto de una

estrategia comunicativa destinada a fomentar la ambigüedad, asumida por Maríasdesde el principio del ciclo de Oxford. Sin embargo, no se trata, en realidad, de unaausencia total, sino de un tratamiento elusivo y mediado de la autorepresentaciónfotográfica. Aunque en las páginas de los tres tomos de Tu rostro mañana no hay ningúnretrato fotográfico directo de Javier Marías, existen fotografías de parientes y amigos,que se refieren al autor de forma indirecta, como la foto de su tío Alfonso o la de PeterWheeler. Si las fotos, como afirma George Didi-Huberman, «han estado en contacto conlo real, son sus jirones» (apud Pittarello, 2009: 125-126), algunas imágenes impresas enla novela de Marías aluden, por metonimia, al autor empírico, porque están en su casa oen casa de sus familiares, forman parte de sus circunstancias vitales.

21 Aparte de esto, lo mismo que en las otras novelas del ciclo británico (Todas las almas y

Negra espalda del tiempo), entre los personajes que aparecen en las fotos y el narrador —trasunto problemático y, por ende, autoficticio del autor—, se producen suplantacionesde identidad, relacionadas con la inconsistencia ontológica de los seres humanos, con eltrasvase entre las existencias contadas y las empíricas (vid. Marías, 2002: 87-88; 2004:48, 113, 246), pero también con la natural hibridación entre los discursos auto ydocuficcionales: es imposible hablar de la alteridad, sin hablar implícitamente de unomismo8. Se trata, al decir de Geneviève Champeau (2012: 271), de la «búsqueda de unomismo a través de otros personajes». El «contagio referencial», en Todas las almas, entreel narrador y el poeta menor John Gawsworth, observado por Pittarello (2009: 97)resulta equiparable, en Tu rostro mañana, a la con-fusión, por lo menos en cuanto aloficio de hermenéuta de personas, entre Jacques Deza y Peter Wheeler, cuya fotografía(o, mejor dicho, la de su modelo real, Peter Russell) sí se publica en Veneno y sombra y

adiós. De manera que la representación visual de Javier Marías y su comentarioecfrástico se perciben, siempre de manera soterrada, insegura y cuestionable, peropersistente, en las caras de otros personajes y en las glosas de otras fotos.

22 La referencia visual metonímica al autor se relaciona también con la reserva de Javier

Marías hacia las representaciones realistas rudimentarias, expresada en el ensayo«Desde una novela no necesariamente castiza», de 1987 (Marías, 2009: 51-68). Pues lafotografía arrastra consigo la connotación despectiva de superficial duplicado de larealidad. En definitiva, el planteamiento de Tu rostro mañana no es fundamentalmentedistinto del de L’usage de la photo (2005), una autoficción de Annie Ernaux y Marc Marie,

donde «la photo, accusée pour si longtemps d’être trop vulgairement réaliste est utilisée ici pour

envelopper la réalité d’un halo de mystère. Ne pas montrer le corps sur les photos et le remplacer

par ses traces […]» (Vranceanu, 2011: 192).

23 Antes de señalar un aspecto más de la autorepresentación fotográfica de Javier Marías y

de lo que podría denominarse «autoécfrasis», o sea el comentario de sus propiosretratos visuales, habría que discutir un poco sobre los criterios de detección de laautoficción en general. Al tratar de identificar los rasgos de autoficción —manifestadoso no mediante la écfrasis—, de cualquiera de las tres novelas oxonienses de Marías,

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conviene considerar los fuertes lazos que se establecen entre éstas y las proyeccionessemánticas que cada uno de los tres nudos de este tupido entramado literario ejercesobre los demás. Consideramos que, a pesar de que Negra espalda del tiempo sea el libromás autoficticio de los tres9, el que más problematiza la relación entre el yo escrito y elyo empírico, su publicación condiciona la interpretación en clave autoficticia, tanto deTodas las almas, la novela con la que se relaciona explícitamente, como de Tu rostro

mañana, aunque este último texto parece haberse escrito como si Negra espalda del

tiempo no se hubiera publicado nunca. El hecho de que, pese a los desmentidos de Negra

espalda del tiempo, el narrador de Fiebre y lanza, Baile y sueño y Veneno y sombra y adiós

«vuelve» sin más a tener dos niños y una exesposa en Madrid y una examante enOxford, forma parte de una estrategia comunicativa propia de la autoficción, quecontribuye a fomentar la perplejidad del lector. De la misma manera funcionan, talcomo apuntamos con anterioridad en este trabajo, algunas de las imágenes impresas enTu rostro mañana, que, a diferencia de las demás, no se sabe cómo han llegado enposesión del narrador y probable autor del texto.

24 No obstante, debido a las múltiples y significativas analogías, homologías, autocitas,

paráfrasis, reciclajes, trasvases de temas y personajes que los textos del ciclo oxoniensecomparten entre sí y con la literatura de Javier Marías, en general10, resulta lícitobuscar efectos autoficticios incluso en textos o fragmentos textuales sin marcas visiblesde autoficción. Es este el caso del informe que Jacques Deza encuentra sobre sí mismoen los ficheros del servicio secreto británico para el que trabaja. Dentro del marco de launidad literaria o la «autotextualidad» (Logie, 2001: 72) de la obra de Javier Marías,habría que admitir la autoficción por contagio, que supondría detectar rasgosautoficticios después de sopesar, no sólo datos textuales y paratextuales, sino tambiénrelaciones y efectos semánticos intertextuales11, podríamos relacionar ese informeprecisamente con una autoécfrasis que Marías realiza en Miramientos, un libroecfrástico de 1997, constituido por comentarios de retratos fotográficos ajenos, perotambién de algunos propios. Mientras que el primer texto refiere sobre Jacques Dezaque «es como si no se conociera mucho […]. A veces lo veo como a un enigma. Y a vecescreo que él también lo es para sí mismo» (Marías, 2002: 346), en el segundo, tituladosignificativamente «Autorretrato farsante», el escritor afirma sobre uno de sus retratosfotográficos: «en el fondo está abstraído, como si fuera algo enigmático a su pesar (oincluso para sí mismo); un rostro un poco impenetrable, aunque ya ha cumplido treintaaños» (Marías, 2007b: 121). Con lo cual, dentro de la fluidez referencial que caracterizala autoficción, el informe de Fiebre y lanza se puede considerar, además de unacaracterización del narrador Jacques Deza, un autoficticio comentario ecfrástico deJavier Marías sobre su propia foto, publicada en Miramientos.

25 Finalmente, queda por determinar si el membrete de «novela ecfrástica» resultaría

adecuado para una novela como Tu rostro mañana. Según Alexandra Vranceanu (2011:12), «un roman ekphrastique est un texte structuré autour de la description d’une oeuvre d’art,

un texte qu’on ne pourrait pas concevoir en dehors de l’ekphrasis, à qui l’ekphrasis donne la

signification, le sujet, le thème, la structure, parfois même le titre et les personnages. Plusieurs

de ces caractéristiques devraient être trouvées dans un roman pour qu’il puisse être intégré dans

le genre ekphrastique».

26 Aparentemente, hay una diferencia importante entre la novela de Marías y una novela

vertebrada por la écfrasis, como L’usage de la photo, un discurso autoficticio híbrido, enque el relato se estructura alrededor de una serie de fotos que representan escenarios

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domésticos del acto amoroso, después del acto amoroso. De hecho, Domingo Ródenas(2009: 71) afirma en un artículo que Todas las Almas y Tu rostro mañana comparten todauna técnica narrativa, de la que forma parte también el comentario de fotografias, perosolo en tanto que «indicio menor».

27 No obstante, en primer lugar hay que tener en cuenta que, a diferencia de L’usage de la

photo, la novela de Marías contiene, aparte de écfrasis in prasentia, también écfrasis inabsentia: los comentarios referentes a los vídeos de la casa de Tupra, a la foto del tíoAlfonso muerto, a la representación convencional del caballero, las referencias alcómic, los dibujos animados, el cine y las series de televisión, como Los Soprano. Enconsecuencia, el discurso ecfrástico es mucho más importante de lo que parecería si noslimitáramos a contar las imágenes que aparecen impresas en las páginas del libro.

28 En segundo lugar, la écfrasis constituye uno de los principales incentivos de todo el

discurso literario de Javier Marías («pensamiento literario»), que, como afirma elmismo autor en el ensayo «Desde una novela no necesariamente castiza», parte amenudo de una imagen inicial seguida por una glosa amplificada, digresiva y, muchasveces, correctiva y contradictoria, que se confunde con la novela misma:

En el inicio de mis novelas suele haber una imagen, o una frase, o una situaciónaislada que sin embargo necesitan algo que les dé cabida, que las albergue, paracobrar pleno sentido. Y creo que, en efecto, no son pocas las ocasiones en que eledificio entero de una novela no tiene más misión ni más razón de ser que las dearropar y posibilitar una oración, unos párrafos, unas pocas páginas, que por sísolas serían impresentables o gratuitas o inanes o harían sonrojar a su autor, y queen cambio, insertas en una complicada trama y una complicada estructura […]resultan aceptables o necesarias […]. (Marías, 2009: 66-67)

29 La imagen más fértil, la que más discurso literario genera en la novela que nos ocupa es,

tal vez, la mancha de sangre que Deza encuentra en un escalón de la casa de Wheeler. Esverdad que, en principio, no se trata de una representación plástica, sino de un signoindicial —según la conocida clasificación de Peirce—, un signo que ha entrado encontacto con el objeto significado, o sea la enfermedad terminal de Wheeler. Solo que,al convertir un índice en el tema de una explicación tan amplia, ese índice adquiere unestatuto distinto (igual que cualquier representación visual que constituye el objeto deuna écfrasis, con respecto a la explicación ecfrástica). La mancha de sangre es unaentidad, no solo fabricada —como todas— por el autor, sino que, también, cargada porél, a través del narrador, con significados simbólicos que superan su naturalezaprimaria, de mero signo indicial. Se trata de un símbolo ambiguo, de la muerte que seacerca y del crimen oculto, pero también del dolor imborrable producido por ladesaparición de una persona amada. A raíz de ello, la imagen en cuestión se convierteen una representación.

30 Al mismo tiempo, cabría recordar que el narrador y protagonista del libro intenta

adivinar las futuras actitudes y acciones de los personajes, verbalizando, en susinformes escritos u orales, gestos, mímica, inflexiones de la voz, en otras palabras,realizando operaciones ecfrásticas. Con lo cual, la condición de novela ecfrástica de Tu

rostro mañana se puede negociar con argumentos de peso.

31 En conclusión, las imágenes de la trilogía de Javier Marías, tanto las impresas en las

páginas, como las que se evocan, exclusivamente con palabras, dentro del texto,constituyen el objeto de recreaciones y comentarios ecfrásticos, integrados en lamateria literaria propiamente dicha. De aquí que los documentos gráficos reproducidosen Fiebre y lanza, Baile y sueño y Veneno y sombra y adiós no cumplen el papel meramente

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paratextual de las ilustraciones convencionales, sino que constituyen, junto al discursoverbal, una construcción bimedial. Es más, el peso y la importancia de las imágenes,visibles o solo verbalizadas, en la economía novelesca justifican la inclusión de la obrade Javier Marías en la categoría de las novelas ecfrásticas.

32 Asimismo —como se ha podido comprobar en este trabajo—, al cuestionar

sistemáticamente la relación entre el referente y su representación discursiva, lasécfrasis «correctivas», «realizantes» y «elusivas» son casos revelatorios de mise en

abyme, con respecto a las estrategias comunicativas generadoras de ambigüedad yperplejidad, definitorias de la autoficción y la docuficción.

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NOTAS

1. «Hacer» en el sentido de «disponer materiales gráficos en el texto».

2. Roland Barthes par Roland Barthes de Roland Barthes y Las esquinas del aire de Juan Manuel de

Prada son unos ejemplos elocuentes.

3. Genette (1987: 32) contempla también el proceso de textualización del paratexto, la conversión

del discurso de escolta en discurso escoltado, pero el teórico francés se refiere a desviaciones

puntuales y no a una relación sistemática entre los niveles discursivos, como en Tu rostro mañana

y las otras dos novelas del ciclo oxoniense.

4. Geneviève Champeau (2009: 267) ha destacado el uso contradictorio de los documentos gráficos

en Negra espalda del tiempo, con respecto al carácter veraz y ficticio de lo narrado, pero aludiendo

al estatuto contrahecho o auténtico de los documentos en sí mismos, y no a sus explicaciones

ecfrásticas.

5. Vranceanu afirma que la «écfrasis estereotipada» se diferencia de la metáfora propiamente

dicha si el vehículo de la analogía es un tipo de representación artística, que requiere el acceso a

un código distinto. De todos modos, lo que consideramos más importante todavía para la teoría

de la écfrasis es que, en estos casos, la representación visual genérica constituye, no el objeto o la

base de la écfrasis, sino la glosa, la explicación del objeto, constituido por un estado de ánimo.

6. Isle Logie (2009: 171) habla del «carácter “performativo” de la palabra».

7. «[…] y el grupo entero me parecía a su vez ficticio, o dedicado a las ficciones, tal vez eso sea

más exacto». (Marías, 2004: 114)

8. La presentación de la investigación realizada por el biógrafo en docuficciones biográficas como

Las esquinas del aire de Juan Manuel de Prada constituye un inserto autoficticio.

9. José María Pozuelo Yvancos (2010: 16) sostiene incluso que es la única autoficción delciclo, negándoles esta condición a Todas las almas y a Tu rostro mañana, por no ceñirse ala estricta definición de Serge Doubrovsky y a las circunstancias teóricas que la haninspirado.

10. Hay, por ejemplo, lazos entre Tu rostro mañana y novelas como Corazón tan blanco y Mañana en

la batalla piensa en mí.

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11. La misma perspectiva intertextual adopta Domingo Ródenas (2009: 70) cuando afirma: «Que el

protagonista, Jaime Deza, proceda de Todas las almas subraya el hecho de que se trate de una

figuración híbrida entre lo autobiográfico y lo ficticio».

RESÚMENES

El debate teórico y los estudios de caso relacionados con la autoficción y la docuficción literarias

posmodernas se centran normalmente en el artefacto verbal, ignorando a menudo la

contribución de la imagen a la construcción de la referencialidad y de la ficción cuestionables.

Poner de relieve dicha contribución es especialmente necesario en el caso del complejo discurso

autoficticio y docuficticio, verbal e icónico, desarollado por Javier Marías en el «ciclo de Oxford».

De ahí que el presente artículo se ocupa, tanto de las ilustraciones impresas en las primeras

ediciones de los tres tomos de Tu rostro mañana, como de las imágenes estáticas y las secuencias

audiovisuales evocadas en la novela antes mencionada, poniendo en tela de juicio su papel

auxiliar y destacando su condición de componentes imprescindibles del universo novelesco.

El análisis aporta pruebas a favor de la interpretación del conjunto texto/imagen de la trilogía

oxoniense como écfrasis, dentro de la cual se manifiestan diferentes relaciones entre lo verbal y

lo visual: la homología, la complementariedad, la glosa, la negociación o el conflicto. A raíz de

ello, este trabajo propone una tipología de las écfrasis presentes en la novela de Javier Marías (in

praesentia, in absentia, «correctiva», «realizante», «elusiva», «autoécfrasis») y argumenta a favor

de su carácter de «novela ecfrástica», forjada alrededor de y generada por las imágenes.

Asimismo, a un nivel más amplio, los resultados del análisis prueban la existencia de una

sustancial dimensión icónica e icónico-verbal de Tu rostro mañana, en tanto que auto/docuficción.

Le débat théorique et les études de cas en lien avec l’autofiction et la docufiction postmodernes

insistent habituellement sur leur dimension littéraire, oubliant bien souvent le rôle de l’image

dans la construction de la référentialité. Il est pourtant particulièrement intéressant de mettre

en lumière le cas du discours composite, à la fois autofictionnel et docufictionnel, verbal et

iconique, que développe Javier Marías dans le « cycle Oxford » (Todas las almas, Negra espalda del

tiempo, Tu rostro mañana). Nous souhaitons nous intéresser ici aux illustrations présentes dans les

premières éditions des trois tomes de Tu rostro mañana, ainsi qu’aux images et aux séquences

audiovisuelles évoquées dans le roman afin d’insister sur leur rôle prépondérant dans la

construction de l’univers romanesque.

The theoretical debate and the case studies related to postmodern literary autofiction and

docufiction usually focus on the verbal artefact and often ignore the contribution of the image to

build referentiality and fiction. The need to emphasise this contribution becomes particularly

important within the complex discourse, both autofictitious and docufictitious, verbal and iconic,

that Javier Marías develops in his “Oxford Cycle” (Todas las almas, Negra espalda del tiempo, Tu

rostro mañana). This article studies both the printed illustrations included in the first editions of

the three volumes constituting Tu rostro mañana, and the aesthetical images and audiovisual

sequences mentioned in the above-mentioned novel, thus questioning their auxiliary role and

underlining their status as indispensable components of this fictional world.

This study defends the need to interpret as ekphrasis the joint construct created by text and

image in the Oxford trilogy. This phenomenon is based on the various relations between the

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verbal and the visual: homology, complementarity, gloss, negotiation or conflict. Consequently,

the article proposes a typology of different forms of ekphrasis used in Javier Marías’s novel (in

praesentia, in absentia, “corrective”, “realising”, “elusive”, “autoekphrasis”) and shows that it is

an “ekphrastic novel”, built around and generated by images. Furthermore, from a wider point of

view, the results of this analysis prove the existence of an essential iconic and verbal-iconic

dimension of Tu rostro mañana, as auto/docufiction.

ÍNDICE

Mots-clés: autofiction, docufiction, rapports texte-image, ekphrasis, postmodernité

Keywords: autofiction, docufiction, joint construct text/image, ekphrasis, postmodernism

Palabras claves: autoficción, docuficción, conjunto texto/imagen, ecfrásis, posmodernismo

AUTOR

MIHAI IACOB

Université de Bucarest

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La narrativa expandida de JorgeCarrión y Agustín Fernández Mallo:prácticas intermediales en la épocapostdigitalL’expansion narrative dans les œuvres mutantes de Jorge Carrión et Agustín

Fernández Mallo : les pratiques intermédiales à l’époque postnumérique

The Expanded Narrative of Mutant Writers Jorge Carrión and Agustín Fernández

Mallo: Intermedial Practices in the Postdigital Era

Roxana Ilasca

La hibridación o encuentro de dos medios es unmomento de la verdad y de revelación del que

surgen nuevas formas. El paralelismo entre dosmedios nos mantiene en las fronteras de las

formas que nos despiertan de la Narcirso-Narcosis. El encuentro de varios medios es unmomento de libertad, de liberación del trance

ordinario y del entumecimiento de los sentidos.Marshall McLuhan, Comprender los medios de

comunicación

1 A principios del siglo XXI surge, en el ámbito cultural español, un movimiento literario

que algunos denominan «Nocilla», otros «mutante», «pangeico» o «afterpop». Secalifica a los autores asociados a este fenómeno literario —Jorge Carrión, AgustínFernández Mallo, Eloy Fernández Porta, Juan Francisco Ferré, Robert Juan-Cantavella,Vicente Luis Mora, Germán Sierra, etc.— como figuras representativas de una nuevanarrativa. Estos escritores se proponen sentar las bases de una poética a su vez enmutación, al producir obras singulares, que muestran los cambios culturalesproducidos en la época contemporánea. Las nuevas tecnologías y los medios decomunicación más recientes producen unas transformaciones incontestables en el

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proceso de creación. El autor aboga por una obra que se extiende más allá de los límitesdel texto escrito, hacia otras plataformas, lenguajes y medios.

2 En este artículo, me detendré en los textos de dos escritores mutantes, Jorge Carrión y

Agustín Fernández Mallo, para analizar distintas técnicas intermediales en la literaturaespañola actual. Se tratará, pues, de observar el modo en que se construye la obra alintersecarse con otros medios de comunicación y producción cultural, en este periodode expansión e hibridación narrativa que Germán Sierra califica de «postdigital». Laintermedialidad no es, evidentemente, un fenómeno nuevo o reciente; sin embargo, esincuestionable que los medios tienen un papel cada vez más significativo en el procesode creación contemporánea y sobre todo en las obras mutantes que se presentaránaquí. La integración de varios medios como parte constitutiva de una forma literariahíbrida, expandida, pero unitaria, es patente en proyectos narrativos como la trilogía«Nocilla» de Agustín Fernández Mallo o la tetralogía «Las huellas» de Jorge Carrión, queintegran varios lenguajes: la fotografía, el dibujo, el video, la banda sonora, el post deblog, el guion cinematográfico, etc. La obra mutante se sirve de la habitual tensiónentre la palabra y otros modos de expresión artística a fin de cuestionar las formasliterarias hoy en día. El lector —al que Vicente Luis Mora llama «lectoespectador» eneste contexto de hibridación mediática1— debe decidir si está dispuesto a prolongar suexperiencia de lectura, para recorrer el texto en su totalidad:

El lectoespectador tiene que tomar una decisión sobre qué considera legible en lanovela; cada quien debe decidir hasta dónde llega su participación a la hora deseguir los vínculos, acudir a los otros soportes, o considerar como texto las partesvisuales. (Mora, 2012: 114)

3 El porvenir del texto literario es híbrido y las ideas desarrolladas en este trabajo

mostrarán que, en la narrativa mutante, la intermedialidad no supone la preeminenciade un medio sobre otro, sino la iniciación de una dinámica creativa que genera lainteracción entre los distintos medios de difusión y modos de expresión. En vez debuscar a imponerse sobre las demás formas de expresión artística, las estructurasnarrativas híbridas fomentan el diálogo entre las artes y los medios.

4 Calificaré la obra que integra varios lenguajes y soportes mediáticos de «literatura

expandida»2, para designar una práctica de escritura que disemina su contenidonarrativo en lenguajes, soportes y medios diferentes. Dada la proliferación de lasnociones relacionadas con la interacción de los medios —transmedia, cross-media,multimedia remediation, etc.— parece más adecuado optar por este término másamplio —y menos connotado desde el punto de vista teórico— de literatura expandida,para denominar las técnicas de correlación mediática en las obras mutantes.

5 Al practicar la hibridación, es decir la mezcla de escritura literaria y distintos lenguajes

mediáticos, la obra mutante busca crear puentes entre la creación y los dispositivostécnicos actuales. Es patente que el mundo contemporáneo, con sus modos y medios deexpresión e información, se expande a través de los medios que comunican entre sí, secruzan y pasan de un soporte al otro. La integración de tales herramientas en la obranarrativa de estos autores produce un cambio de enfoque: en vez de concentrarse en laposible rivalidad o competencia entre los modos de producción artística, se destacaprecisamente el potencial creativo y expresivo del medio para dar forma a una nuevaestética, más apropiada a la realidad tecnológica del siglo XXI.

6 Así pues, se tratará de exponer, en este artículo, las diferentes estrategias o técnicas

que emplean los mutantes Jorge Carrión y Agustín Fernández Mallo para integrar otros

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lenguajes mediáticos en sus obras. Más particularmente, habrá que observar cómomanipulan ambos autores los elementos visuales en el proceso de creación, en unaépoca en que se ha dado lo que Gottfried Boehl3 llama the iconic turn, es decir el paso delas artes visuales a las imágenes4. En Nocilla Lab, Agustín Fernández Mallo emplea elmedio televisivo para desviar su uso habitual y concederle un valor artístico. Además,el ilustrador Pere Joan transpone el segundo libro de la trilogía «Nocilla» en otrolenguaje, al crear Nocilla Experience. La novela gráfica (2011), que enriquece el textooriginal con esta nueva versión y, al mismo tiempo, pone en tela de juicio las fronterasde la obra narrativa, estrechamente vinculada con su adaptación gráfica. La mismacomplementariedad del texto y la imagen se nota en el relato Los difuntos de JorgeCarrión (2015a), gracias a la colaboración con el dibujante Celsius Pictor. El autor delproyecto «Las huellas» alude también, a través de su reflexión sobre la imagen en elsiglo XXI, a la creación cinematográfica —como se mostrará en la quinta parte de este

estudio— e implícitamente al desarrollo técnico —la máquina— que permite lagrabación de imágenes.

7 El cuestionamiento de la relación entre la creación artística y la máquina

(cinematográfica o literaria) tendrá un impacto sobre la concepción del proceso deescritura, que convierte la herramienta mediática en instrumento narrativo o artístico.Esta mutación del dispositivo técnico en la obra es típica de la literatura postdigital,como se indicará en la segunda sección de este trabajo.

8 Sin embargo, antes de analizar las obras mismas, habrá que detenerse rápidamente en

el fenómeno de hibridación mediática, que se asociará, en el presente artículo, alconcepto de convergencia cultural, acuñado por el especialista de los medios decomunicación Henry Jenkins. El término nos permitirá entender mejor la técnicapostpoética de Agustín Fernández Mallo como proceso de convergencia de variosobjetos mediáticos, del libro al espectáculo spoken work.

1. La intermedialidad postpoética de AgustínFernández Mallo como forma de convergencia cultural

9 En 1965, el artista Dick Higgins califica de intermedia ciertas prácticas que introducen

objetos —o medios— ajenos en la obra de arte. En la misma época, surgen, en el ámbitoliterario conceptos como la intertextualidad y la transtextualidad, que tienen comofundamento el principio de mezcla de lenguajes distintos (Fischer, 2015: 9-10). A pesarde esta base estética, el estudio de la intermedialidad incumbirá finalmente a lasciencias de la comunicación y no a la teoría literaria o a las artes. Actualmente, aprincipios del nuevo siglo, esta práctica ya no puede restringirse a un área u otra,puesto que la correlación de los medios es un fenómeno central de toda produccióncultural.

10 Como ya lo han apuntado los teóricos de los medios, la hibridación mediática es

consecuencia de la convergencia cultural que caracteriza la época contemporánea.Jenkins define esta noción central de la manera siguiente:

Con «convergencia» me refiero al flujo de contenido a través de múltiplesplataformas mediáticas, la cooperación entre múltiples industrias mediáticas y elcomportamiento migratorio de las audiencias mediáticas, dispuestas a ir casi acualquier parte en busca del tipo deseado de experiencias de entretenimiento; lapalabra describe los cambios tecnológicos, industriales, culturales y sociales en

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función de quienes hablen y de aquello a lo que crean estar refiriéndose. (Jenkins,2008 [2006]: 14)

11 El teórico apunta también que no se trata de una convergencia tecnológica material, es

decir una migración hacia un dispositivo único que sería capaz de almacenar todos losmedios y convertir así los otros soportes en objetos inútiles u obsoletos: «Antes bien, laconvergencia representa un cambio cultural, toda vez que se anima a los consumidoresa buscar nueva información y establecer conexiones entre contenidos mediáticosdispersos» (Jenkins, 2008 [2006]: 15). En otras palabras, la convergencia no es elresultado del desarrollo tecnológico, sino de los procesos mentales del lector oconsumidor de productos culturales, cuyo cerebro conecta, en una dinámicaintermedial, las piezas diseminadas en varios soportes. Así pues, para Henry Jenkins, elproceso de convergencia consiste en establecer vínculos entre las experienciasculturales que proporcionan las diferentes herramientas mediáticas. Por tanto, laconvergencia es «a paradigm for thinking about the current moment of media change, one

which is defined through the layering, diversification, and interconnectivity of media» (Jenkins,2011). La convergencia se manifiesta a través de la sinergia de una gran variedad deformas mediáticas que, en vez de sustituirse las unas a las otras, actúan de maneracomplementaria en la mente del individuo (Jenkins, 2007).

12 Al tomar en cuenta el uso y la importancia de las prácticas artísticas en la postpoesía de

Agustín Fernández Mallo, podrían movilizarse los términos «intermedialidad» y«convergencia cultural» para analizar la correlación de la escritura con las artesvisuales en el proyecto «Nocilla». Desde esta perspectiva, tanto el medio metrajedirigido por el autor como su ensayo Postpoesía (Anagrama, 2009), o incluso el proyectospoken word para el cual colabora con el ensayista y crítico cultural Eloy FernándezPorta, completan la lectura de la trilogía, gracias a la interconectividad de todas estaspiezas mediáticas. La película y el ensayo informan sobre el proceso de creación de lanarrativa de Fernández Mallo y apoyan, al mismo tiempo, las observaciones teóricascon ejemplos de práctica postpoética, término que el escritor define como una visiónplural —pluridisciplinaria, plurilingüe, apropiacionista— de la creación literaria. Elautor de la trilogía «Nocilla» construye esas piezas complementarias con el objetivo deexpandir su universo poético más allá de los límites de la palabra o la escritura, haciaotros soportes o dispositivos. Más aún, varios lenguajes se intersecan dentro de lasobras mismas. El ensayo Postpoesía ensambla texto, imagen y fórmulas matemáticas ofísicas y establece, así, conexiones inesperadas entre la postpoesía —la literatura, en unsentido más amplio—, la ciencia y las artes. Las imágenes, que abundan en este trabajoteórico —de la fotografía y la pintura a los gráficos— expanden la lectura hacia lovisual.

13 También en la película, se mezclan las reflexiones teóricas y las secuencias artísticas,

como ejemplos concretos de la práctica postpoética. El video conjuga varios lenguajesmediáticos: grabaciones del propio escritor, entrevistas a artistas y autores, archivos detelevisión, fotos, fragmentos del espectáculo spoken word «Afterpop:Fernández & Fernández», secuencias a las que se les añade una banda sonora y loscomentarios del propio autor. De esta forma, Fernández Mallo llama la atención sobrela tensión entre diferentes modos de expresión artística, entre la teoría y la práctica,entre la escritura y las artes visuales, a través de la técnica intermedial. En la secciónsiguiente, me concentraré en el lenguaje visual en la narrativa de Jorge Carrión y

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Agustín Fernández Mallo para luego poder analizar algunos ejemplos concretos deimágenes en sus obras.

2. Hacia una imagen postdigital: la intermedialidad enel texto literario mutante

14 Aunque no se trata de una técnica innovadora, el uso de la imagen en la obra mutante

pasa por un proceso de actualización. La proliferación del contenido visual en laescritura literaria se explica por el hecho de que, hoy día, la cultura es esencialmentevisual (Mora, 2012: 17). La narrativa ya no se construye con palabras, sino que estextovisual, según apunta el autor de Lectoespectador, es decir que su lectura suponerecorrer tanto el texto impreso como las imágenes que lo acompañan. El propio Moracalifica este formato de «pantpágina», al hablar de este proceso artístico de mutaciónde la página del libro en pantalla, lo que implica una comprensión y percepción de laobra a la vez textual y visual. Se trata de una práctica narrativa que explora lasdistintas posibilidades de interacción entre la escritura y los medios —y, másparticularmente, los formatos icónicos, como la fotografía o el grafismo—. A diferenciade los textos que, en los siglos anteriores, solo experimentaban con la imagen plástica,la pantpágina elabora su propia estructura visual a partir del modelo de los nuevosmedios, que integran casi exclusivamente la pantalla (Mora, 2012: 105-114).

15 Por lo tanto, en el siglo XXI, el texto ya no puede prescindir de la imagen si quiere

(re)presentar —y cuestionar— la realidad de la que surge. No obstante, el hecho derecurrir a esta técnica narrativa no es una mera estrategia de ilustración o traduccióndel texto a otro lenguaje. Lo visual crea más bien una tensión con la escritura, alhacerse eco de la realidad mediática en la que el propio lector se ve sumergido.

16 Serge Bouchardon apunta que esta relación entre los medios fundamenta la tecnología

digital, que aumenta las posibilidades de «intersemiotización», es decir «la façon dont ces

médias font signe et sens entre eux» (Bouchardon, 2014: 52). Para el autor, se trata de unproceso de escritura5 que entabla la transformación o mutación de los mediostradicionales y sobre todo de sus «caractéristiques sémiotiques culturellement héritées»(Bouchardon, 2014: 53). La imagen que se convierte o se traduce en otro lenguajeadquiere nuevos significados, según se verá en las secciones siguientes. Así pues, si paraBouchardon la intersemiotización es un rasgo característico de la literatura digital, hayque subrayar que este proceso no se limita a las creaciones en formato electrónico, sinoque se extiende a las obras impresas, que ponen en tela de juicio «la frontière entre le

visible et le lisible» (Bouchardon, 2014: 53). De la imagen fotográfica o catódica a laimagen digital y, luego, en sentido contrario, de lo digital a lo analógico —o sea al textoimpreso—, el elemento visual se deja impregnar por los medios que le sirven desoporte.

17 En la trilogía «Nocilla» de Agustín Fernández Mallo, la imagen que toma varias

formas —croquis, cómic, reproducción, manipulación digital de fotografías ofotogramas de televisión— desempeña papeles muy diferentes. Si Nocilla Dream

(Candaya, 2006) se cierra con una representación cartográfica de su universonarrativo6, las últimas páginas de Nocilla Lab (2009) son textovisuales, al convertirse encómic. Además, la tercera parte de la trilogía integra varias imágenes —por ejemplo,una serie de fotogramas de programas de televisión, según lo apunta el narrador de la

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novela (Fernández Mallo, 2009: 129)—. Nocilla Experience (2008) adopta, sin embargo,otra técnica: aunque el libro mismo no contiene ninguna representación iconográfica,el texto en su conjunto se somete a un trabajo de traducción visual, a través de laadaptación gráfica de Pere Joan, el autor de Nocilla Experience. La novela gráfica (2011). Enel presente estudio se establecerá una relación entre este trabajo de colaboración entreartistas, cuyo objetivo es la expansión de la experiencia lectora —de hecho, el autor delcómic que cierra la novela Nocilla Lab es también Pere Joan—, y el relato Los difuntos

(2015a), como prueba de la contribución del ilustrador Celsius Pictor al proyecto deJorge Carrión7. Hay que subrayar que, en esas obras, se impone el formato del libroimpreso, pero con ciertas modificaciones o mutaciones, a menudo muy significativas.Se trata de textos que, sin dejar de preferir la escritura o el libro impreso, integranotros medios de expresión artística, al adoptar una estética que denominaré postdigital.

18 Según la mayor parte de los teóricos que han estudiado el fenómeno, lo «postdigital» —

o «post-Internet»— surge a principios de los años 2000. Sin embargo, el artista ArtieVierkant apunta, en su propio estudio del concepto, que no hay que buscar una fecha oun acontecimiento en particular que haya anunciado los comienzos del periodo post-Internet:

It would be antithetical to attempt to pinpoint any discrete moment at which the Post-Internet period begins. Any cultural production which has been influenced by a networkideology falls under the rubric of Post-Internet. The term is therefore not discretely tied to acertain event, though it could be argued that the bulk of the cultural shifts […] come withthe introduction of privately-run commercial Internet service providers and the availabilityof personal computers. (Vierkant, 2010: 1)

19 El artista añade, más adelante, que, en el contexto post-Internet, la obra de arte

consiste tanto en el objeto que se expone en un museo como en las imágenes u otrasrepresentaciones y reproducciones diseminadas en Internet o en diversos soportesanalógicos, copias pirateadas, versiones que se apropian de los demás autores(Vierkant, 2010: 5). A partir de esta observación, hay que apuntar que la obra post-Internet es, en realidad, una construcción intermedial que establece vínculos entredistintos dispositivos o formatos que contribuyen a su difusión. En su recorrido de unaplataforma a otra, la creación postdigital abarca los mismos medios que participan ensu diseminación.

20 Como apunta, a su vez, Florian Cramer, el fenómeno postdigital cobra forma cuando las

nuevas tecnologías o nuevos medios dejan de ser una novedad, es decir en el momentoen que las herramientas digitales se convierten en objetos de uso cotidiano:

“post-digital” phenomena […] exemplify a new functional differentiation of publicationforms after networked electronic devices have become objects of everyday use. Although theterm “post-digital” is prone to misunderstanding and lacks terminological precision, it stillusefully describes a contemporary critical revision of “new media”. (Cramer, 2016: 23)

21 En otras palabras, la estética postdigital surge como posibilidad de superación de cierto

efecto de moda de lo digital, que ha dominado el ámbito artístico estas últimas décadas.Así pues, el concepto busca abandonar la oposición analógico-digital, es decir ladicotomía antiguo-nuevo en lo que concierne las tecnologías y los medioscontemporáneos. La visión postdigital invita, más bien, a aprovecharse de esasrelaciones complejas, de dependencia, entre lo digital y lo analógica en el proceso decreación artística hoy en día (Cramer, 2016: 23). Tal actitud no excluye, sin embargo,cierto distanciamiento —no solo temporal, sino también crítico— al observar y analizarlos medios. La descontextualización del medio, del ámbito de la comunicación e

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información al territorio de las artes, supone también poner en tela de juicio eldispositivo mismo.

22 En vez de buscar cierta «normalización» de la relación entre la creación artística y la

tecnología mediática, la perspectiva postdigital supone la elaboración de una estéticaque trascienda su época, a través de la visión crítica sobre las técnicas no literarias. Enel ámbito español, el escritor Germán Sierra reflexiona, a su vez, sobre el términopostdigital en relación con la literatura contemporánea mutante, al llamar la atenciónsobre la necesidad de desarrollar un discurso crítico en cuanto a los fallos de latecnología:

Cuando empleo el término postdigitalidad no me refiero en absoluto a que el artedigital esté siendo —o vaya a ser— relegado por novedades analógicas o, menostodavía, como algunos pensadores han pretendido, un regreso a la seguridad de «loreal» tras una pasajera fascinación por «lo virtual». Cultura postdigital es, en miopinión, aquella que produce una sociedad que ha asimilado lo digital como partedel mundo «natural» […], de tal modo que lo digital deja de ser el medio supremo delas artes o un objetivo artístico en sí mismo, se hibrida espontáneamente con loanalógico y, a partir de ese momento, hace volar por los aires la dualidad«analógico/digital». (Sierra, 2010: 11)

23 A diferencia de Cramer, que se centra en las artes visuales, Sierra moviliza en su trabajo

sobre la estética postdigital el ejemplo del ámbito musical, a partir de las teorías delartista Kim Cascone, enunciadas a principios del nuevo siglo8. La música postdigital yano se contenta con insertar la tecnología en el proceso de creación, sino que adopta unamirada crítica sobre ella, al incorporar sus fallos técnicos. Esta nueva estética llama laatención sobre el hecho de que los dispositivos técnicos son imperfectos, inexactos, amenudo ineficaces (Sierra, 2010: 11).

24 En otro artículo suyo sobre la literatura postdigital española, Sierra (2012: 24-25) decide

asociar el concepto de fallo (en inglés, failure), que propone Cascone, con el uso del spam

en la postpoesía de Agustín Fernández Mallo. El residuo y el material superfluo sereciclan en el proyecto «Nocilla» y adquieren una función estética al integrarse en eltejido narrativo de la obra postpoética. Se nota el mismo empleo del objeto imperfectoo defectuoso en las grabaciones low tech que el autor añade a su obra9. Las fotos y losvideos son a menudo borrosos o pixelados. Se nota un rechazo constante de la altadefinición o de la tecnología de última generación en su manipulación de la imagen. Enuna época en que la tendencia habitual es la optimización de los dispositivos, losautores que prefieren trabajar con tecnologías obsoletas muestran que la creaciónhíbrida, intermedial, o sea postdigital, no requiere una constante actualización técnica,sino una actualización estética, en la que el uso de la herramienta tecnológica se desvíahacia fines artísticos.

25 En las siguientes secciones se observarán algunos ejemplos concretos de elementos

visuales intermediales que emplean los autores mutantes Jorge Carrión y AgustínFernández Mallo en sus obras.

3. Tele-visión: intermedialidad del texto literario y de laimagen catódica en la obra postdigital

26 En «Motor automático», la segunda parte de Nocilla Lab, el narrador encerrado en la

antigua penitenciaría que sirve ahora de pensión de agroturismo emprende una

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experiencia artística que consiste en tomar fotos de la pantalla de su televisor enmarcha:

Se me ocurrió retomar una práctica que años atrás me había entretenido: hacerlefotos a la tele. En otra época lo hacía con intereses exclusivamente artísticos, peroahora mis intenciones eran otras: fijar en papel todo lo que pudiera parecerse a esacárcel, a esa ignominiosa situación, dar fe de mi historia allí a base de fotografíasextraídas del único lugar en el que en aquellos días existía vida, la pantalla de latele, con la intención de que si algo me pasase alguien pudiera encontrarlo.(Fernández Mallo, 2009: 129)

27 Las fotografías que acompañan el texto llevan comentarios y explicaciones del

narrador. Evidentemente, la tecnología catódica pasa por un proceso de mediación —tanto visual como textual—, puesto que las imágenes son a menudo borrosas. Elnarrador aclara que su apropiación mediática se somete a dos principios: por un lado,se trata, por lo menos en el principio, de una experiencia artística y, por otro lado, sebusca traducir el relato del personaje en su representación visual. El propioprotagonista admite que se puede notar fácilmente una posible analogía entre susituación y las fotos seleccionadas, al llamar la atención sobre ciertos detalles visualesque remiten a su condición de recluso o a la separación de la pareja10.

28 A través del traslado de un leguaje a otro, el narrador llega a la conclusión de que no es

simplemente un (tel)espectador, sino el objeto de estudio de otro, como si se hubieradado cuenta, de repente, de su condición de personaje de ficción que se deja observarpor el ojo escrutador del lectoespectador: «Me di cuenta de que en esa última foto yo yaestaba adherido, colado, en ese otro mundo inverso. Y es que, claramente, mi vidaestaba siendo televisada. Me pregunté cuántos televidentes me estarían viendo»(Fernández Mallo, 2009: 134).

29 La obra postdigital utiliza la imagen para denunciar la posibilidad de que el lector se

convierta en mero espectador de los productos icónicos que invaden su cotidianeidad yle propone al lectoespectador una lectura híbrida que no rechaza esta realidad. Latelevisión como medio consiste en transmisiones sucesivas de imágenes que no sedetienen y no se dejan estudiar o analizar desde un punto de vista crítico. Sin embargo,al trasladarse a otra forma mediática, en el soporte «inmóvil» del objeto-libro, el mediotelevisivo se ve sometido al proceso de intersemiotización del que habla Bouchardon.La fotografía impresa sobre la página del libro se convierte en una imagen congelada, loque le permite al lectoespectador observar detenidamente y, al mismo tiempo, buscarnuevos significados del contenido tanto visual como textual de la obra.

30 Como apunta Bouchardon, los medios digitales desempeñan un papel esencial en este

proceso de construcción textovisual de la obra mutante, al fomentar las posibilidadestécnicas de manipulación de los distintos materiales. Efectivamente, el formatoelectrónico es capaz de codificar todos los medios de la misma forma y mantener, a lavez, «les propriétés sémiotiques de ces différents médias» (Bouchardon, 2014: 227). Dentrode la obra intermedial, hay una influencia mutua de los distintos medios los unos sobrelos otros: «[l]’image se parcourt parfois comme un texte qui articule un système d’indices et le

texte se pare des attributs de l’image en mettant en avant une dimension iconique»(Bouchardon, 2014: 227-228).

31 Si en esta parte se ha estudiado cómo el uso de distintos lenguajes mediáticos —foto y

televisión— en el proyecto «Nocilla» contribuye a la construcción de la figura del

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escritor como artista, en la sección siguiente habrá que observar los proyectoscolaborativos entre escritores y artistas.

4. Pluri-visión: intermedialidad del texto y de lailustración gráfica en la obra postdigital

32 La creación de proyectos intermediales supone a menudo la colaboración entre los

artistas. Para estudiar este fenómeno, me concentraré en las obras mutantes Nocilla

Experience de Agustín Fernández Mallo (2008), con su adaptación gráfica (Joan, 2011), yel relato Los difuntos, un trabajo común del escritor Jorge Carrión y el dibujante CelsiusPictor. Este análisis me permitirá observar el papel de la representación iconográfica enel texto mutante en la época postdigital. En cuanto a la segunda parte de la trilogía«Nocilla», se tratará de analizar, a partir de uno de los micro-capítulos de la obra deFernández Mallo, el vínculo que se establece entre el texto y su traducción visual. Lomismo se hará con Los difuntos, donde se mirarán los dibujos únicamente en relacióncon el relato que éstos acompañan.

33 Tomemos como ejemplo el tercer capítulo de la novela Nocilla Experience:

Sandra hace el vuelo Londres-Palma de Mallorca. Apenas 1 hora en la que el giro dela Tierra se congela. Hojea la revista British Airways News. Reportajes de vinosRibeiro, Rioja, las últimas arquitecturas high-tech en Berlín, ventas por correo deperlas Majorica. Sobre una foto de una playa del Caribe le cae una lágrima, pero nopor culpa de la playa, ni del Caribe, ni de la gravitación que les es propia a laslágrimas. Mira por la ventanilla, lleva los ojos al frente. Ni nubes ni tierra. Constatalo que ya sabía: en los aviones no existe horizonte. (Fernández Mallo, 2008: 11)

34 En la adaptación gráfica de este fragmento, Pere Joan (2011: 8-9) enlaza una serie de

viñetas: primero el vuelo de un avión, luego, dentro del mismo avión, ellectoespectador ve a Sandra hojeando una revista. Siguen varios dibujos sin palabras,que muestran el vino Ribeiro, un edificio high-tech, unas joyas Majorica, una playa y, alfinal, la imagen de la playa en su contexto, el de la revista, sobre la cual cae una gota, osea una lágrima de los ojos de Sandra, que vuelve a aparecer en la última viñeta. Alconstruir esta secuencia, Pere Joan decide citar una sola frase de FernándezMallo —«No por culpa de la playa, ni del Caribe, ni de la gravitación que les es propia alas lágrimas»— antes de mostrar a Sandra mirando por la ventanilla y concluir con lareflexión sobre el horizonte. Cabe destacar que la versión iconográfica de este capítuloes más elíptica, pero que, a pesar de ello, al lectoespectador no le resulta difícilreconstituir el hilo narrativo del texto original. Las frases citadas son más impactantescuando alternan con dibujos sin palabras.

35 No obstante, más allá del trabajo de adaptación, se trata de una lectura personal,

interpretativa que el dibujante hace de la obra de Agustín Fernández Mallo. Cuando enla novela se vuelve a citar la reflexión sobre el horizonte en uno de los capítulossiguientes —que cuenta la historia de la familia Smith en Irak—, Pere Joan (2011: 20)reproduce la imagen de la joven mirando por la ventanilla del avión, salvo que esta vezya no se trata de Sandra, sino de una mujer de origen árabe. El dibujante establece asíun vínculo directo entre dos fragmentos de texto y entre dos personajes, que el escritorno había expresado en su obra, sobre todo si se tiene en cuenta que la madre deMohamed Smith no lleva nombre. Pere Joan nota este detalle y decide interpretarlocomo un posible paralelo entre las historias de estos dos personajes femeninos.

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36 A partir de este análisis, hay que notar que la novela Nocilla Experience y su versión

gráfica constituyen una unidad creativa que ilustra el concepto clave de Vicente LuisMora, al juntar la doble perspectiva que debe adoptar el lectoespectador, a la veztextual y visual —es decir, textovisual— de esta obra expandida. Los dos mediosconvierten la lectura en una experiencia compleja, ya que, en la época postdigital, ellector siempre circula entre la página y la pantalla, entre el texto escrito y larepresentación visual, entre un medio y otro.

37 Los difuntos (Carrión, 2015a) requiere, a su vez, la misma lectura complementaria,

aunque esta vez en el mismo soporte, el del objeto-libro. Las ilustraciones que CelsiusPictor crea para el relato de Jorge Carrión parecen, a primera vista, reproducirvisualmente ciertos detalles del texto. Sin embargo, hay que notar que, a través de lasfiguras iconográficas que acompañan la obra, la lectura se vuelve más compleja —ycompleta—. Si algunas imágenes se concentran en el vínculo entre el ser humano y lamáquina, como la representación del hotel en forma de elefante —el Elephantine Colossus

—, el laboratorio del doctor Dédalo o la Máquina de la memoria, otros dibujos remiten alos diferentes géneros literarios e cinematográficos a los que el autor alude en su relato.El lectoespectador pasa de la historia de atraco (Figura 4; Carrión, 2015a: 53), al western

(Figura 5; Carrión, 2015a: 65) e incluso al teatro de marionetas (Figura 8; Carrión, 2015a:101), que se emplea como técnica de mise en abyme para conocer el desenlace de lahistoria de Dioniso. De hecho, el propio Carrión llama la atención, en un artículodedicado a Los difuntos, sobre la importancia de la intergenericidad en la obra: «EscribíLos difuntos porque necesitamos historias, historias de ciencia-ficción, historias derevueltas populares, historias de naufragios y de atracos a bancos y de títeres y deelectricidad en el Lejano Oeste.» (Carrión, 2015b) En este contexto, las imágenes sonindicios —o sea huellas, para emplear una de las palabras clave de este proyectonarrativo— para el lector.

38 En Los difuntos, la máquina y la literatura son indisociables, puesto que la máquina es el

medio de la literatura (Krzywkowski, 2010) y la literatura es una máquina que produceficciones, como la máquina de narrar de Ricardo Piglia11. En la sección siguiente habráque detenerse en esta relación entre la creación artística y el dispositivo mecánico en elrelato de Jorge Carrión (2015a).

5. Tecno-visión: intermedialidad del texto y de lamáquina. ¿Una revolución tecnológica o estética?

39 La última parte del proyecto «Las huellas» se abre con la imagen del conflicto o la

tensión entre el ser humano y la máquina:

En posición fetal, el Recién Llegado abre los ojos un segundo antes de ser pisoteadopor esa yegua de ancas de acero inoxidable, que no esquiva el obstáculo porque esobligada a seguir en línea recta por su jinete. Sale vapor a presión de sus orificiosnasales. Se vuelven rojas las bombillas incandescentes de sus ojos […]. El dolordetiene el movimiento de las retinas y hace que alargue instintivamente lasextremidades, que se hunden en el lodo que lo circunda. Desaparece la yegua demetal y su joven jinete como un tren por el horizonte del progreso, dejando trasellos el cuerpo triturado de alguien que todavía no es capaz de saber que existe denuevo. (Carrión, 2015a: 15)

40 En este incipit se presenta al protagonista —que acaba de materializarse en el mundo de

los muertos de la ficción—, pisoteado por la construcción mecánica que sirve de medio

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de transporte en el Nueva York ficcional de Los difuntos, a finales del siglo XIX. Hay un

contraste patente entre la fragilidad del cuerpo desnudo y la fuerza de las ancasmetálicas del animal, los ojos cerrados del hombre y la incandescencia de las bombillasrojas de la máquina, el lodo que rodea el cuerpo indefenso del Recién Llegado y elprogreso técnico que parece dominar la metrópolis estadounidense. En estas primeraslíneas de la obra, el ser humano se ve aplastado por el autómata. No obstante, a medidaque el relato avanza, se nota la complejidad de las relaciones entre hombre y máquina.A los recién llegados se les explotan como esclavos para alimentar la caldera del hotelen forma de elefante situado en Coney Island. Al mismo tiempo, el propio protagonistarecurre a un dispositivo mecánico para recuperar sus recuerdos; se trata de la Máquinade la memoria, capaz de reactivar el pasado de los personajes, la historia que vivieronen el mundo de la ficción del que surgen.

41 Prosiguiendo la reflexión sobre la relación entre el texto literario y los medios, Los

difuntos revela otro significado, que vincula el relato con la historia del cine. Cabedestacar que, según el prólogo, el texto es una rescritura de la serie de televisión City of

Machines and Shadows, «el spin-off de The Dead»12 (Carrión, 2015a: 9). Desde el punto devista temporal, la diégesis que se extiende sobre un lapso bastante largo, desde laúltima década del siglo XIX hasta la Primera Guerra Mundial. En otras palabras, según

esta perspectiva diegética, el marco temporal de la serie coincide con los comienzos delcine. Al optar por este periodo, el autor —o, mejor dicho, el creador de la serie— reconstituye no solo los orígenes de los Nuevos, como protagonistas de Los muertos,sino los orígenes mismos del medio cinematográfico.

42 Para justificar esta interpretación textual, habrá que analizar el vínculo que se teje

entre la Máquina de la memoria, cuya invención se le atribuye, en Los difuntos, aThomas Edison (Carrión, 2015a: 86), y el Kinetoscopio de Edison, uno de los dispositivosmás importantes en la evolución técnica hacia la proyección de imágenes fílmicas. Haypues una asociación posible entre esta máquina imaginada por Carrión, capaz dereactivar la memoria de los personajes de ficción, y el mecanismo cinematográfico quegraba sus historias. Desde este punto de vista, las palabras que enuncia Dioniso —al quellaman también Apolo y Nadie— en el momento en que está conectado a la máquina,pueden interpretarse desde esta perspectiva de la historia cultural y artística:

La mía no fue una muerte física, porque no existía como cuerpo. La mía fue lamuerte de un concepto. No fui vida, descubro ahora, fui texto. No tuve rostro,rasgos, fisonomía, sexo, años, huellas dactilares. No tuve límites, porque metradujeron, de modo que vivo en aquel mundo y en este, en aquel como sucesión delecturas, como invasión constante en millones de cerebros, en millones de Troyasengañadas por millones de caballos centauros, medio cuerpo de verdad, mediocuerpo de mentira, y en este como errante cuerpo mío que intenta borrar de sumente lo que hizo, caminando y caminando, moviéndose, como si el viaje constantefuera una forma del olvido, como si cada paso sobre el polvo destrozara unrecuerdo. (Carrión, 2015a: 94)

43 La literatura como máquina creadora de ficción adquiere una forma concreta, material

en esta obra. Como apunta Krzywkowski,

le choix de la machine ne devient une démarche de création qu’à partir du moment où il nes’agit pas de prendre un substitut de la plume ou du stylographe, mais d’essayer d’enintégrer et exploiter les spécificités et les nouvelles possibilités, tant dans le champ del’écriture que dans le processus de création. (Krzywkowski, 2010: 226)

44 En la época postdigital, el vínculo entre la literatura y su forma material, el texto y el

medio es cada vez más fuerte. En el ámbito de la literatura digital, Hayles (2002) califica

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de «tecnotextos» (en inglés, technotexts) las obras en las que se nota el impacto de latecnología en la construcción del texto, puesto que, como apunta la autora, la formafísica o las propiedades materiales del artefacto literario afectan invariablemente susignificado13. La obra postdigital integra técnicas narrativas como el tecnotexto paraponer en tela de juicio la tecnología misma que la produce o que le sirve de medio.

45 De la pantpágina al tecnotexto, la obra literaria mutante muestra pues que la

interacción entre la escritura y los medios es la condición sine qua non del procesocreativo en la época contemporánea.

6. Conclusiones

46 Al interactuar con los medios, la obra mutante se deja transformar y, al mismo tiempo,

también modifica la función mediática de los dispositivos tecnológicos en funciónnarrativa o artística. En otras palabras, la obra mutante surge de este encuentro entrela escritura literaria, las artes y los medios que las diseminan. En la época postdigital, laliteratura expandida elige invertir en su capacidad dialógica con las artes y los medios,al integrar otros lenguajes en su tejido textual.

47 Por consiguiente, en el siglo XXI se produce un cambio de perspectiva sobre la relación

entre el texto y la imagen en particular. El concepto mismo de postdigitalidad indica,por un lado, que el lenguaje binario ha integrado los modos de creación y expresiónartística como herramienta común y, por otro lado, que los autores adoptan unaposición crítica en cuanto a las diferentes funciones de tales dispositivos.

48 Tanto en el proyecto «Nocilla» de Agustín Fernández Mallo como en el relato Los

difuntos de Jorge Carrión, la intersección de dos lenguajes disímiles engendra unproceso de intersemiotización, mediante el cual cada medio adquiere un significadonuevo. En Nocilla Lab, las fotos de la pantalla del televisor intensifican la experiencia deaislamiento y encierro del narrador en la pensión-penitenciaría. A través de estasrepresentaciones iconográficas, hay un enfoque sobre la necesidad de convertir altelespectador, a menudo pasivo frente a superabundancia de imágenes a la que estásometido, en lectoespectador capaz de asumir una visión crítica e interpretar elcontenido textovisual que lo asalta diariamente.

49 También la adaptación gráfica de Nocilla Experience y las ilustraciones de Los difuntos

recalcan el papel hermenéutico de la imagen. Las dos versiones de Nocilla Experience soncomplementarias, puesto que la novela gráfica propone una lectura alternativa deltexto de Agustín Fernández Mallo. Las figuras de Celsius Pictor en el relato de Carrióninvitan, a su vez, a una interpretación —intergenérica— del texto. Así pues, cabedestacar que el trabajo colaborativo entre el escritor y el dibujante suscita, en estasobras mutantes, una doble lectura, del texto y de la imagen, es decir una experienciatextovisual.

50 El relato Los difuntos subraya asimismo que la creación artística mantiene una relación

estrecha con la tecnología. La imagen —fotográfica o fílmica— es un arte que emerge yflorece a través del desarrollo técnico del dispositivo. La máquina —tanto del cine comode la memoria— es un elemento central de este texto que cierra el proyecto «Lashuellas», al servir de soporte técnico para el arte cinematográfico y de herramientanarrativa para el arte literario.

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51 Al situarse en este espacio indefinido entre los medios, la obra postdigital se define por

su tejido intermedial. Las obras narrativas que he analizado en este artículo subrayan laimportancia del vínculo entre la escritura y el dispositivo mediático, como tendenciaineludible en la época contemporánea. Al emplear el lenguaje visual, los escritoresmutantes Jorge Carrión y Agustín Fernández Mallo cuestionan los medios derepresentación actuales e invitan, de esta manera, a volver a pensar qué significaescribir —y cómo hacerlo— hoy en día. Las herramientas tecnológicas forman parte deesos objetos del mundo real que, al emplearse en el proceso de creación, se conviertenen dispositivos de expresión artística. En la poética mutante, el objeto mediático esparte constitutiva de la obra.

52 En el siglo XXI, la escritura intermedial supone desarrollar una dinámica creativa

híbrida, situarse en el territorio indefinido entre distintos medios para poder mediarentre la literatura y el mundo. La narrativa mutante ocupa esta zona fronteriza,borrosa, para poder desarrollar una nueva estética, postdigital, que alimenta supotencial artístico a partir de la tensión entre los medios, entre el texto y la imagen.

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NOTAS

1. El lectoespectador es «cualquier tipo de receptor de manifestaciones artísticas textovisuales

que realiza un ejercicio cotidiano de cibercepción en el que se expanden las posibilidades de flujo

informativo y de sentido entre dichas manifestaciones y la realidad pangeica» (Mora, 2012: 19).

Por «cibercepción», concepto acuñado por Roy Ascott, el autor entiende la adopción de una

«perspectiva sobre el conjunto, a vista de pájaro» (Mora, 2012: 18), es decir una visión unitaria de

la obra diseminada en varias plataformas.

2. Hay que indicar que Alice Pantel (2012) propone una noción similar, la de «novela aumentada»

(roman augmenté) para describir la expansión de la obra más allá de los límites del libro impreso.

De hecho, el propio Agustín Fernández Mallo alude, en su artículo sobre la teoría de la postpoesía

(Fernández Mallo, 2004), al concepto de «poesía expandida», con el fin de identificar la creación

lírica que fomenta la interacción con las nuevas tecnologías. El propio autor se inspira del ámbito

cinematográfico, donde se habla de «cine expandido» para designar las películas que emplean

efectos especiales (o sea la tecnología) u otros medios, como el video, en el proceso de creación

artística. En el prólogo al trabajo de Lev Manovich (2010 [2001]) sobre la relación entre el cine y

los medios digitales, Yann Beauvais aclara que en los años 1970 Gene Youngblood acuña la

expresión «cine expandido» para referirse a la presencia de otros medios en el cine, por ejemplo,

la transmisión en directo o el happening (Manovich, 2010 [2001]: 16).

3. Citado por Vouilloux (2015: 55).

4. No hay que olvidar que, ya en los años 1990, en un artículo que estudia el impacto de la

televisión sobre la concepción de la realidad, el escritor estadounidense David Foster Wallace

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habla de una nueva narrativa, que él llama Image-Fiction. Según apunta el autor, esta práctica

literaria no se contenta con evocar simplemente la televisión, sino que cuestiona el medio y sus

consecuencias tanto sobre la sociedad como sobre la literatura (Foster Wallace, 2014 [1997]: 43).

5. La noción de escritura adquiere aquí, según el estudio de Bouchardon, un significado

puramente técnico: se trata de ficheros que los informáticos escriben en lenguajes diferentes

(Bouchardon, 2014: 53).

6. Como se apunta en la nota que acompaña este mapa, se trata de una adaptación del sistema de

representación «cosmos:n», cuyo autor es Javier Cañada. Para obtener más detalles sobre el

proyecto, se puede consultar su página web: <http://www.terremoto.net>.

7. En cuanto a eso, hay que mencionar también Crónica de viaje (2014), cuya forma singular es el

resultado del trabajo de la editorial Aristas Martínez, y Barcelona. Los vagabundos de la chatarra

(Norma, 2015), que Carrión concibe con el dibujante Sagar Fornies. Se trata de un trabajo híbrido

que presenta el proceso de investigación periodística del autor en forma de cómic.

8. No hay que olvidar que, en el mismo periodo, en el área de las ciencias de la comunicación, Lev

Manovich (2001) estudia lo que llama la estética post-media o informacional. Para el autor, el

post-media supone el uso tanto de los medios tradicionales como de los nuevos medios, como

forma de representación del mundo.

9. Por ejemplo, el proyecto fílmico «Narrar América», disponible en la bitácora del autor, «El

hombre que salió de la tarta» o el proyecto apropiacionista El hacedor (de Borges). Remake

(Alfaguara, 2011), que consiste en un libro, al que se le añaden varios videos en YouTube.

10. Cabe mencionar que una de las fotos que aparecen en esta secuencia visual se emplea también

en otra obra del autor, Limbo, que se publicará cinco años más tarde: «Se trata de una fotografía

proveniente de un spot publicitario, que alguien había hecho a su pantalla de televisor.»

(Fernández Mallo, 2014: 83) La intertextualidad es explícita: la persona que ha hecho la foto es el

protagonista de Nocilla Lab. La imagen adquiere, sin embargo, otro significado, según el contexto

en que se emplea. Si, en Nocilla Lab, la imagen recalca en el aislamiento del personaje, en Limbo, la

misma imagen se introduce en una secuencia fotográfica en la que el número de seres humanos

aumenta de una imagen a otra e ilustra así la evolución desde la solitud a la constitución de una

comunidad (Fernández Mallo, 2014: 85).

11. Se trata de la Máquina de Macedonio, que se describe en su obra La ciudad ausente

(Mondadori, 1992).

12. The Dead es la producción de la cadena Fox que constituye el eje narrativo de la primera parte

del proyecto «Las huellas», la novela Los muertos (Mondadori, 2010).

13. Hayles explica que: «Not all literary works make this move, of course, but even for those that do not,

my claim is that the physical form of the literary artifact always affects what the words (and other semiotic

components) mean. Literary works that strengthen, foreground, and thematize the connections between

themselves as material artifacts and the imaginative realm of verbal/semiotic signifiers they instantiate

open a window on the larger connections that unite literature as a verbal art to its material forms. To name

such works, I propose “technotexts”, a term that connects the technology that produces texts to the texts’

verbal constructions. Technotexts play a special role in transforming literary criticism into a material

practice, for they make vividly clear that the issue at stake is nothing less than a full-bodied understanding

of literature.» (Hayles, 2002: 25-26)

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RESÚMENES

El objetivo de este artículo es analizar, a partir de las obras Los difuntos de Jorge Carrión, Nocilla

Experience y Nocilla Lab de Agustín Fernández Mallo, diferentes prácticas intermediales en la

narrativa mutante a principios del siglo XXI. En este contexto, hay que enfocar los diferentes usos

de la imagen en el texto literario, que pueden variar de la manipulación digital de la fotografía

por el autor a la elaboración de proyectos colaborativos con otros artistas. Los ejemplos literarios

estudiados indican que la hibridación mediática es uno de los ejes de la estética postdigital.

L’objet de cet article est d’étudier, à partir des ouvrages Los difuntos de Jorge Carrión, Nocilla

Experience et Nocilla Lab d’Agustín Fernández Mallo, plusieurs pratiques intermédiales dans les

œuvres narratives mutantes au début du XXIe siècle. Dans ce contexte, une attention particulière

est donnée à la présence de l’image dans le texte littéraire, image qui peut prendre diverses

formes : de la manipulation numérique opérée par l’auteur lui-même sur la photographie à

l’élaboration de projets collaboratifs avec d’autres artistes. Les exemples littéraires analysés ici

montrent que l’hybridation médiatique est une technique essentielle dans l’esthétique

postnumérique.

This article focuses on certain literary works, such as Jorge Carrión’s short-story Los difuntos and

Agustín Fernández Mallo’s novels Nocilla Experience y Nocilla Lab, in order to observe some of the

most significant intermedial practices in the mutant narrative published at the beginning of the

21st century. Within this framework, I will delve in the various uses of the image in the literary

text, from the digital manipulation of photos performed by the author himself, to the creation of

collaborative projects with other artists. The literary samples studied in this article indicate that

media hybridisation is one of the main techniques of postdigital aesthetics.

ÍNDICE

Mots-clés: intermédialité, hybridation médiatique, littérature en expansion, esthétique

postnumérique, Jorge Carrión, Agustín Fernández Mallo

Palabras claves: intermedialidad, hibridación mediática, literatura expandida, estética

postdigital, Jorge Carrión, Agustín Fernández Mallo

Keywords: intermediality, media hybridisation, expanded literature, postdigital aesthetics, Jorge

Carrión, Agustín Fernández Mallo

AUTOR

ROXANA ILASCA

ILCEA4 - Université Grenoble Alpes

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La composition des livres, desprojets intermédiaux pour JoséRuiz-CastilloLa composición de libros, proyectos intermediales para José Ruiz-Castillo

The Composition of Books, Intermedial Projects for José Ruiz-Castillo

Dolores Thion Soriano-Mollá

1 Depuis quelques années, l’intermédialité a fait l’objet d’études centrées sur les

emprunts, la fusion, les relations et les corrélations entre les arts au sein de diversesproductions. Ces opérations donnent lieu à un espace commun — et parfoissimultané — d’inter-influences inter/media. Par le truchement de différents modes deperception (texte, image, objet, audio, vidéo) cet espace intermédial, de naturetextuelle, plastique, analogique ou digitale, est un système de production de sens et dereprésentations de la réalité (Müller, 2000 : 106). Ma proposition, qui porte sur le livre,pourrait alors surprendre de par les limites intermédiales de cet objet et la chronologieannoncée. Ce travail se situe dans le péritexte de l’œuvre littéraire dont le champd’exploration est, en effet, assez restreint, en raison du nombre limité de langagesartistiques participant à la création des ouvrages d’imprimés, bien qu’à l’écriture et auxarts graphiques se soient ajoutées la photographie et la peinture en couleur, grâce auprogrès technique et au développement industriel au début du XXe siècle.

2 Au-delà des limites intermédiales que le livre pourrait a priori présenter avant la

parution du livre électronique, cet objet constitue néanmoins une composanteessentielle de la matérialité de l’écriture. En effet, la nature et l’architecture du livrejouent un rôle non négligeable dans le circuit de communication, de diffusion et deréception des textes ; circuit dans lequel la production des volumes, la création dediscours à des fin publicitaires et la mise en place de différents outils et de stratégies decommunication ont projeté l’art de l’écriture dans l’intermédialité transformationnelle.Aujourd’hui nous limiterons plus particulièrement notre étude aux collections de lamaison d’édition Renacimiento (1909-1916), la première entreprise culturelle fondéepar José Ruiz-Castillo (Thion, 2013 : 41-60).

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1. - Logo d’Editorial Biblioteca Renacimiento. 1909. Archives Arturo Ruiz-Castillo.

3 Orphelin et autodidacte, José Ruiz-Castillo Franco (1875-1945) a intégré dans sa

jeunesse les cercles progressistes de la Gente Nueva et du regénérationnisme engagés dansla modernisation de l’Espagne. Il croit au pouvoir perfectible des Lettres ; il lesconsidère capables d’éduquer, de convaincre et de démocratiser au point qu’elles sontdevenues dans sa trajectoire professionnelle et personnelle une raison d’être. Elles luiont, en effet, permis de prospérer financièrement et de consolider son engagement entant que citoyen. En 1909, sollicité par l’écrivain Gregorio Martínez Sierra, José Ruiz-Castillo participe, en tant qu’associé, à la fondation de la maison d’édition BibliotecaRenacimiento. Cette entreprise s’est constituée en société anonyme, avec un modestecapital de 100.000 pesetas. José Ruiz-Castillo y assure les fonctions d’administrateurassocié et de directeur commercial. Il en sera le gérant jusqu’en 1916.

4 Rappelons que le livre, jusqu’à la fin du XIXe siècle, est un produit de luxe. Avant que la

figure de l’éditeur apparaisse et s’impose en tant que professionnel dans le monde del’édition, les imprimeurs et les libraires travaillent de manière artisanale et assezisolée, étant donné le faible développement des circuits de commercialisation du livre àl’époque, même en Europe. Ces artisans, en marge des pressions du marché et desconcepts de rentabilité, produisent des ouvrages souvent considérés comme des objetsd’art. En général, ce type d’ouvrages ne porte pas de cachet artistique, eu égard à leuréventuelle littéralité ou à la renommée de leur auteur. Ils tirent de leurs composantesmatérielles les éléments de leur singularité. Pour l’essentiel, ces volumes sont embellisde gravures et d’estampes réalisées par des peintres et des dessinateurs de renomméequi illustrent plus au moins le texte. De plus, ils sont reliés au moyen de cuirs raffinésaux gravures travaillées, dorées ou colorées. Ces composantes, qui pouvaient mêmeêtre personnalisées selon les intentions et les goûts de l’acquéreur, font du livre unproduit d’art exclusif, seulement accessible aux élites de la société et, de fait, un signe

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de distinction sociale. Le développement industriel et le progrès technique ont favoriséla démocratisation du livre en diminuant les coûts de production, ce qui s’estimpérativement traduit par l’appauvrissement de sa qualité matérielle et la perte de labeauté plastique. La coprésence des arts graphiques et de la littéralité, qui étaitautrefois l’un des attraits des ouvrages d’art cède la place à de nouveaux espaces decommunication créés par des impressions extrêmement rustiques et très peu soignées.L’édition du livre devient alors à tous points de vue hétéroclite, y compris chez unmême artisan.

5 Ce n’est qu’au cours des premières décennies du XXe siècle que le monde de l’édition

participe au même processus de modernisation que tout autre secteur de l’industrie enEspagne. « Le passage des livres en carton des éditions brochées aux livres à la reliureen toile ou en cuir » devient alors la phrase la plus populaire dans le monde de l’édition.Elle résume, en effet, la profonde transformation de la production et de lacommercialisation des biens de consommation culturels dans toutes ses composantes.Malgré ces avancées, l’édition en Espagne connaît un grand retard par rapport au restede l’Europe. Les causes sont diverses ; parmi les plus significatives, signalons le manquede spécialisation dans le processus de création, de confection et de commercialisationdes livres. L’absence de contrats entre les écrivains et les présupposés « éditeurs », lenon-respect de la loi de propriété intellectuelle et, par conséquent, de la perception desdroits d’auteur, ainsi que l’inexistence d’une législation sur l’industrie de l’éditiontémoignent de la faible représentativité du secteur au sein de la société espagnole d’unpoint de vue humain et professionnel. Par ailleurs, l’improvisation et la négligence despublications donnaient au marché espagnol un caractère anarchique. Il en résulte deslivres aux dimensions difformes présentant des « hérésies typographiques », souventimprimés et reliés avec négligence par des artisans qui ne cherchaient pas à éviter lesgaspillages inutiles. La mauvaise qualité matérielle des ouvrages et leur entassementdans les librairies encouragent les écrivains à l’autoédition. Dans ce contexte, lanouvelle figure de l’éditeur se dessine comme celle du professionnel capable d’assumerla coordination d’un projet collectif.

6 La maison d’édition Renacimiento, et en particulier José Ruiz-Castillo, ont contribué, en

collaboration avec d’autres éditeurs, à professionnaliser le domaine du livre, àconsolider le métier d’éditeur et à moderniser les circuits de distribution du livre, afind’obtenir une reconnaissance industrielle, sociale et politique. Sans douteRenacimiento est-elle un cas singulier dans l’histoire du livre en Espagne puisqu’elle asu combler le vide culturel et commercial existant alors. Elle s’est très rapidementdistinguée dans le panorama espagnol et a acquis une grande renommée. Tout d’abord,grâce à la qualité matérielle et textuelle des volumes savamment élaborés,Renacimiento a rendu à la littérature ses lettres de noblesse d’autrefois. La maisond’édition a su rapprocher les différentes manifestations artistiques participant à laconfection d’un livre et a su instaurer des pratiques intermédiales, réagissant contrel’esthétique réaliste et ses tendances au mimétisme. De ce fait, la plasticité, lasubjectivité et l’émotion recherchées à l’époque, ont aboli les frontières entre lesdifférentes expressions artistiques, y compris dans le cas d’un produit figé tel que lelivre. Les différents acteurs participant à la production d’un volume travaillent enéquipe, stimulant des interactions esthétiques. Les perspectives de chaque participantont réussi, comme nous allons le voir, à combiner savoir technique et rechercheesthétique aux desseins néo-régénérationnistes et à leurs impératifs économiques.

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2. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

7 Dans la recherche d’un certain équilibre et d’une identité, Biblioteca Renacimiento

définit, dès ses premières publications, une charte éditoriale dans le sens moderne duterme. La charte fixe matériellement le stylisme du livre, afin de structurer les fonds,d’organiser des collections cohérentes et surtout de créer un sceau éditorial. Pour José

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Ruiz-Castillo et Gregorio Martínez-Sierra, la confection d’un livre pourrait êtrecomparée à un projet de création au sein duquel chaque composante joue un rôleimportant, un projet architectural définissant l’esprit et la personnalité de la maisond’édition : les matériaux, les dimensions du livre, la maquette, la typographie, lareliure, le choix des couleurs et des graphismes. Pour eux, le livre n’est qu’un espaced’intermédialité ou chaque composante paratextuelle est aussi importante que lemanuscrit auquel le livre donne corps.

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3. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

8 L’équipe de direction de Renacimiento embauche rapidement l’un des dessinateurs les

plus populaires de l’époque, Fernando Marco Pintado, à qui ils confient la directionartistique de l’entreprise, une fonction tout à fait nouvelle dans l’industrie du livreespagnol. S’appuyant sur les techniques modernes de photogravure et de

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photomécanique, Renacimiento lance des collections parfaitement identifiables.Graphismes, typographies, couvertures, dimensions, couleurs, papiers, cartonnages,méthodes de reliure, sont décidés à l’avance et imposés aux nouveaux ouvrages dechaque collection en vue de proposer des beaux livres à des prix abordables. Elle a ainsivite acquis un certain prestige et a été considérée comme une maison d’édition« révolutionnaire », notamment pour la qualité, à tout point de vue, de ses ouvrages. Autravail de création de Fernando Marco s’ajoute la définition de chaque projet encoordination avec chaque auteur (paratextes, encres, types de papier, à l’image deLemerre), de sorte que chaque ouvrage conserve une identité propre, même au sein descollections, tout en respectant le projet de l’écrivain.

9 Texte et paratexte, écriture, typographies, gravures et couvertures trouvent une

certaine harmonie, en essayant de concilier les souhaits des auteurs, invités àparticiper à la conception du livre, et la charte de la maison. Tous les ouvrages ont lesmêmes dimensions. Ils sont tous composés au minimum de 250 pages environ et, audébut, ils sont imprimés avec les mêmes matériaux. À première vue, le stylisme duvolume est le premier signe d’appartenance à la maison d’édition. Les dessins de lettres,les typographies et les maquettes sont des médiateurs essentiels entre le contenant etle contenu et occupent une place fondamentale dans l’organisation de la couverture enfonction des objectifs recherchés. D’ordinaire, Marco prenait connaissance desmanuscrits des écrivains et échangeait avec eux afin de connaître leurs attentes. Lacorrespondance aujourd’hui conservée en témoigne. Citons, à titre d’exemple, la lettreque José Ruiz-Castillo adresse à Miguel de Unamuno : « Dentro de ocho días se terminará la

impresión de su novela. Con este motivo le agradeceré que me diga si tiene algo pensado al

respecto a lo que debe ser la cubierta. A Marco, el dibujante, le gustaría que V. le indicase algo en

este sentido » (Ruiz-Castillo, 1914 : lettre inédite).

10 Si, jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’hétérogénéité des ornements et des polices, aux

dimensions, aux couleurs et aux styles variés se traduisait par des ouvrages chargés quiétaient cependant appréciés et considérés comme modèles de stylisme et de bon goût, ilen sera tout autrement au début du XXe siècle. En effet, le Modernisme, avec sa ferme

volonté de moderniser les arts graphiques, introduit de l’ordre dans le champ visuel.L’agencement des compositions est beaucoup plus rigoureux. Les combinaisons et lesgroupements d’éléments variés d’un même motif dans une composition, des figuresd'un même groupe ou des parties d'une même figure sont parfaitement ordonnés, demême que les draperies, les accessoires et tous les objets faisant partie de lacomposition. On reconnaît parfaitement bien les lignes arrondies, longues et sinueuses,les anagrammes stylisés et les dessins néogothiques destinés à exalter le fantastique,l’irréel, la passion, l’émotion ou la subjectivité. Bien que la complexité formelle soit unede des caractéristiques majeures du Modernisme, même tardif, tel que celui de Marco,dans le domaine du graphisme, la forte cohérence visuelle a toujours été recherchée et,de ce fait, les variations et l’hétérogénéité de styles au sein d’une même compositionont été abandonnées.

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4. - Couvertures de libres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

11 Comme nous pouvons l’apprécier sur ces quelques images, le directeur artistique tend à

privilégier les formes chargées et en mouvement. Si la perception de cet espaceintermédial est analysée de manière traditionnelle, c’est-à-dire en comparant le texteet les motifs censés le représenter, le dessin pourrait sembler excessif par rapport au

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contenu, voire décalé. Or, la comparaison ne relève pas de notre intérêt. Il estimportant cependant de définir les nouvelles pratiques signifiantes, à la croisée descodes esthétiques et des signes employés pour transposer un substrat textuel. Ainsi,l’ornementation chargée de certains livres de Fernando Marco vise à transposerstylistiquement des valeurs esthétiques de l’époque. Il n’utilise pas les éléments de lanature moderniste — végétaux, fruits, animaux,… — pour décrire le texte, mais pourexprimer son univers esthétique, fusionnant ainsi dans sa création l’ensemble desvaleurs partagées avec le premier substrat, l’écriture littéraire. Dans ce travail defusion entre le texte écrit et ses transpositions, l’idée fondamentale que l’écrivainsouhaite véhiculer est mise en discours graphique dans l’espace intermédial de lacouverture, des illustrations, des capitales et de la maquette. L’illustrateur ou legraveur doivent faire penser en images et en graphismes ce que l’écrivain a exprimépar les mots, en en préservant la puissance connotative et dénotative. Cela ne veutpoint dire qu’il existe un rapport de subordination — encore moins un mimétisme —entre ces deux plans de création, même si le discours verbal précède le discoursgraphique. Ce dernier est conçu avec des outils différents dans un processus detransformation et introduit incontestablement de nouvelles perspectives et denouveaux codes. Chez Renacimiento et, plus tard, chez Biblioteca Nueva, l’espaceintermédial est toujours un espace de négociation.

12 Souvent, les écrivains eux-mêmes dessinateurs ou les traducteurs ont des idées précises

que le dessinateur ou l’illustrateur rejette. Pour Juan Ramón Jiménez, les typographiesde Marco sont banales, car trop explicites ; alors qu’Azorín, par exemple, les refuse, lestrouvant illisibles ; d’autres écrivains, moins exigeants, tel qu’Hernández Cata, secontentent de valider les nouvelles codifications proposées par ces créationsintermédiales. Prenons la liberté d’évoquer un cas particulier, sans doute un peu plustardif et qui concerne la Biblioteca Nueva, celui de Ramón Gómez de la Serna, bondessinateur également, qui imposait souvent à Marco les transformations intermédialesqu’il devait réaliser. Dans une première lettre à l’éditeur non datée, le romancier,quelque peu méfiant, questionne son ami au sujet de son roman La Viuda Blanca y Negra :

¿Y Marco? ¿Fabrica ya mi portada? ¿Quiere Ud. que yo le vea y le hable? ¿Quisiera ver elreflejo de mi concepción de La Viuda Blanca y Negra devuelto por los espejos reales?Siempre entusiasta de trabajar en la gran máquina de su casa editora y siempre con muchoafecto para Ud. y los suyos. (Gómez de la Serna, 1909 : lettre inédite)

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5. - Couverture de la maison d’édition Biblioteca Nueva. Bibliothèque personnelle de l’auteur de l’article.

13 Quelques jours plus tard, Ramón insiste auprès de Ruiz-Castillo :

A Marco que haga una viuda blanca y negra de gran encanto sobre sábanas blanca y negrasy con joyas negras (Viuda con sombrero con pena negra y al mismo tiempo con camisa concintas negras). Quizás para dar carácter a lo de Viuda blanca y negra, una letra blanca yotra negra o la mitad de cada letra blanca y con otro mitad negra (Trasládele estasindicaciones). Quiero ir muy deprisa. Avíseme el 24 a la hora que ud. quiera ¿En su casa? ¿Enel café? Con muchos recuerdos a todos - todos - todos - le abraza agradecido y leal. RAMÓN.(Gómez de la Serna, 1909 : lettre inédite)

14 Ces exemples montrent que le romancier était capable de mettre en forme l’idée clef de

son roman selon deux modalités de discours différentes, et ceci en guise de miroir : lesperspectives contrastées, le blanc de Catalina face aux obsessions noires de Rodrigo, quideviendra son amant, visent une nouvelle codification qui transmette les jeux demiroirs, de contrastes et de lumières dominants dans le roman, pour exprimer lespassions érotiques et les angoisses existentielles des personnages. Cette simultanéitédes substrats est un cas particulier d’intermédialité, rarement documenté dans lemonde de l’édition. Malgré la marge de manœuvre que le romancier laisse à la maisond’édition et sa probable complicité avec l’illustrateur, ce dernier donne vie à unnouveau produit artistique dans lequel le personnage est apprivoisé, à l’instar deCristina, la femme romanesque, entourée d’un tourbillon de lettres tout au long duvolume. En dépit de la liberté créatrice dont dispose le dessinateur au sein deRenacimiento, la transformation intermédiale semble en général s’adapter auxmécanismes de fonctionnement de l’entreprise. Ainsi, la variété étant l’un des principesfondateurs de Renacimiento, l’illustrateur se doit de créer des identités facilementrepérables par le biais d’éléments différents, lesquelles doivent susciter chez le lecteurle sentiment d’unité, au sein des collections, mais aussi celui d’une diversité riche,marque de fabrique de l’entreprise. Par ailleurs, l’illustrateur se doit de s’adapter aux

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différents publics visés et aux budgets imposés. La collection Obras de diversos autores enest un bon exemple.

15 Le roman est le genre prédominant dans cette Collection d’ouvrages d’auteurs divers, une

compilation hétérogène constituée dès 1911 des œuvres de 50 auteurs différents, dejeunes écrivains pour la plupart, mais également des auteurs consacrés ou d’unecertaine renommée (Álvarez Quintero, Martínez Sierra, Pardo Bazán, Felipe Trigo,Azorín, Baroja, León, Unamuno, Zamacois, Clarín, Amicis, Bourget, Daudet, Valle Inclán,Jorge Ohnet, Diez Canedo, Curros Enríquez, Rosalía de Castro, Balart, Casero). Ladiversité de l’offre a été la clef du succès de Renacimiento. Elle a pris le risque depublier ou de diffuser des auteurs de diverses périodes chronologiques, mais surtout,des jeunes écrivains aux tendances esthétiques les plus novatrices dans le respect del’hétérogénéité et de la pluralité esthétique dominantes en Europe dans les premièresdécennies du siècle.

6. - Catalogue de ventes de l’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

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7. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

16 Les critères de nouveauté et de vente immédiate à des prix accessibles chez

Renacimiento ont suscité la curiosité de nombreux lecteurs (pas seulement avertis etérudits). Ce système est diamétralement opposé à celui des ouvrages classiques qui negarantissent leurs ventes que sur le long terme. En outre, Renacimiento a réussi àfidéliser des auteurs qui sont, pour nombre d’entre eux, devenus les figures les plusemblématiques de cette période. Quel type de motifs pour une collection aussihétérogène ? La collection rassemble des motifs variés, allant des formes épurées etsimples dans la veine d’autres collections déjà publiées pour certains écrivainsconsacrés (Galdós, Pardo Bazán), à l’illustration traditionnelle qui représentait unescène, un personnage ou un élément du récit romanesque pour les plus jeunes.

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8. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

17 Grâce à ces romanciers devenus rapidement populaires (Trigo, Ricardo León,

Zamacois), Renacimiento a réussi à se forger l’image d’une entreprise moderne etdynamique. Pour eux, la collection propose des volumes de qualité, imprimés sur unléger cartonné broché, finement glacé, et pourvus d’illustrations aux couleursgénéralement variées, tantôt des teintes nuancées visant à imiter certaines textures età créer une psychologie ou une atmosphère volatile, tantôt des couleurs vives et pures,obtenues au moyen des encres plates modernes.

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9. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

18 La femme des archétypes modernistes, mais également néoclassiques et réalistes, est le

sujet principal de ces produits intermédiaux, à l’image des histories naturalistesradicales, décadentistes, modernistes et érotiques, des textes et de l’imaginaire del’illustrateur. Dans d’autres volumes, Renacimiento introduit des photographies,pudiques mais osées pour l’époque, de femmes quelque peu dénudées. Dans cettecollection, l’intermédialité se présente donc sous des formes variées : emprunts,intertextes et créations personnelles des substrats romanesques, qui mériteraient uneétude plus détaillée.

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10. - Catalogue de ventes de l’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteurde l’article.

19 Sous ce label Collection d’ouvrages d’auteurs divers, sont également réunies des œuvres

portant sur la sociologie et la politique, deux domaines que José Ruiz-Castillo souhaitaitdévelopper dans la lignée de ses idées régénérationnistes et de la mission qu’il confèreau livre dans le renouveau de l’Espagne. Le stylisme de ces livres est plus néoclassique,

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souvent linéaire mais pas toujours statique, afin de véhiculer l’idée d’un livre éclairé,qui cherche — voire contient — la vérité sous l’égide de la raison. S’agissant d’essaisplus difficiles à vendre, les couleurs vives sont souvent utilisées, non pas en tant quemétaphores des contenus, mais assurément pour attirer l’attention du futur client enlibrairie. Dans le but de « populariser et de mettre la bonne littérature espagnolecontemporaine à la portée de tout le monde » (Editorial Renacimiento, 1913),Renacimiento crée la collection Biblioteca económica, s’inspirant de la mode anglaise etfrançaise. Elle est constituée d’une sélection de titres présents dans les autres sectionsdu fonds, mais imprimés, dans cette collection, sur un papier de qualité inférieure avecune reliure monochrome brochée.

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11. - Couvertures de livres d’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteur del’article.

20 En 1913, année de plus forte croissance et de plus ample diversification, Renacimiento

lance la Colección de obras maestras de la literatura universal, une collection de luxerecherchant le prestige éditorial à des prix abordables (2, 5 et 3 pesetas). L’objectif decette collection réside essentiellement dans la vulgarisation « poner alcance del público

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todo lo verdaderamente grande que el pensamiento humano ha producido a través de los siglos »(Editorial Renacimiento, 1913). À l’instar des formats, les typographies et les reliures deslivres laissent deviner que la collection recueille le patrimoine canonique occidental.

12. - Catalogue de ventes de l’Editorial Biblioteca Renacimiento. Bibliothèque personnelle de l’auteurde l’article.

21 Il s’agit d’un mélange diachronique qui reprend les grands classiques grecs et latins, les

classiques espagnols, les mystiques du Moyen Age, les penseurs, les romanciers et lespoètes depuis la Renaissance. Elle proposait au public des finitions différentes, enédition cartonnée ou en cuir gravé sur commande. La beauté des ouvrages édités parRenacimiento dans le contexte de l’époque, la qualité d’impression, les couvertures auxcouleurs attrayantes (utilisation de nouvelles techniques photographiques,lithographie et photolithographie) ou les formes épurées attirent rapidement denombreux écrivains, Renacimiento instaurant ainsi un modèle de livre modernesouvent imité et très souvent acheté dans un grand nombre de pays hispanophones.

22 En 1916, malgré la croissance rapide de l’entreprise et la reconnaissance que sa

production a acquise Renacimiento cumule les difficultés financières en raison de laréduction progressive des échanges commerciaux transatlantiques et du blocage desfonds dans les pays membres de l’Union internationale des Républiques américaines.Ses différends avec Gregorio Martínez Sierra, le directeur littéraire, conduisentfinalement José Ruiz-Castillo à fonder sa propre maison d’édition dès la fin de cettemême année, Biblioteca Nueva, au sein de laquelle il poursuit la même politiqueéditoriale et graphique. Les ouvrages qu’il publie conservent, pour l’essentiel, lesmêmes caractéristiques que ceux de Renacimiento. Parmi les nouveautés, il convienttoutefois de souligner le développement de la photographie destinée à personnaliser lesouvrages, notamment les essais. L’espace médial que ces ouvrages proposent entre artde l’écriture et graphismes disparait en faveur de l’auteur et du pacte de

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communication que les paratextes établissent. La réception du texte dépend alors engrande partie de la notoriété publique de l’écrivain et de la mémoire visuelle deslecteurs. Le mouvement Moderniste en Espagne, comme dans de nombreux autres pays,ne survivra pas aux années 1920, sans doute à cause de l’influence de la PremièreGuerre mondiale. Les avant-gardes font alors de nouvelles propositions graphiques plusproches du cubisme. Ces deux tendances, l’une visant le détail décoratif, l’autre lasimplicité géométrique, vont contribuer à la poursuite de cette entreprise derenouveau de l’art graphique, en accord avec la nature des textes imprimés et desnouvelles collections.

23 Comme nous avons tenté de le montrer, le livre est un outil signifiant dont la

corporéité, vue d’ensemble, est source de sens, mais de sens éphémères. Il ne se résumepas à la simple juxtaposition de créations et de composantes matérielles à partir d’untexte interprété par les écrivains, les graphistes, les typographes et les maquettistes,mais il s’intéresse aussi au devenir de chaque composante au sein d’un projet global auximplications humaines, culturelles, technologiques et sociétales. Renacimiento aconfectionné des médias qui ont diffusé, pour reprendre les paroles de Friesen y Hugdans The Mediatic Turn, « [un] produit, transformé et [qui] fait circuler des symboles »(López-Varela, 2011 : 106-108) entre les citoyens. Elle a réussi, en moins de quatre ans, àmoderniser et à professionnaliser l’édition, à démocratiser le livre et à faciliter l’accès àla culture aux citoyens espagnols du début du XXe siècle.

BIBLIOGRAPHIE

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Renacimiento.

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LÓPEZ-VARELA AZCÁRATE Asunción (2011), « Génesis semiótica de la intermedialidad: fundamentos

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RUIZ-CASTILLO José (1909), Lettre inédite à Miguel de Unamuno.

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THION SORIANO-MOLLÁ Dolores (2013), « La Biblioteca Renacimiento y la novela de los años 10 »,

Delrue E. (dir.), Représentations de la réalité en prose et en poésie hispaniques (1906-2012), Paris : Indigo

& Côté-femmes Éditions, 41-60.

RÉSUMÉS

La modernisation et la démocratisation du secteur de l’édition au début du XXe siècle en Espagne

ont stimulé la création de produits livresques qui sont des réels projets intermédiaux. Dans le cas

des maisons d’édition Renacimiento et Biblioteca Nueva, les couvertures, les illustrations, les

graphies sont certains des péritextes issus de projets coopératifs entre différents secteurs

artistiques et techniques.

La modernización y democratizacion del sector editorial en España a principios del siglo XX

favorecieron la creación de productos librescos que son verdaderos proyectos intermediales. En

el caso de las editoriales Renacimiento y Biblioteca Nueva, las cubiertas, las ilustraciones y las

grafías son algunos de los peritextos que nacieron de proyectos en los que cooperaron diferentes

sectores artísticos y técnicos.

Modernization and democratization of the spanish publishing sector at the beginning of the

twenthieth century stimulated the creation of bookish products that are real intermedial

projects. In the case of the publishing houses, Renacimiento and Biblioteca Nueva, covers,

illustrations and written forms are some peritexts emanating from cooperative projects between

different artistic and technical sectors.

INDEX

Palabras claves : sector editorial en España, análisis peritextual, intermedialidad

Keywords : spanish publishing sector, peritextual analysis, intermediality

Mots-clés : secteur de l’édition en Espagne, analyse peritextuelle, intermédialité

AUTEUR

DOLORES THION SORIANO-MOLLÁ

Université de Pau et des Pays de l’Adour

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Contar la música de un Pájaro negro:realidad y ficción en un poema enprosa de Félix GrandeRaconter la musique d’un Oiseau noir : réalité et fiction dans un poème en

prose de Félix Grance

Tell the Music of a Black Bird: Reality and Fiction in a Prose Poem by Félix

Grande

Francisco Javier Escobar

A Pepe de Lucía, por su granado magisterioartístico y legado estético familiar.

Tu colección de discos es tu inventario personal.Representa la música que has vivido, has oído y

has elegido a todo lo largo del vivir. Constituye lahistoria de tu experiencia artística y de tu propia

revelación ante ti mismo. En cierto modo es tucarnet de identidad espiritual.

(Luis Rosales)Miro el disco girar, girar, girar.

(Félix Grande, «Impresión junto a La Inacabada»)

Introducción

1 La forja y nacimiento del disco Fantasía flamenca de Paco de Lucía (1969) alentó al poeta

extremeño Félix Grande (1937-2014)1 a la hora de redactar un temprano texto de elogioconsagrado al músico algecireño, no integrado en el disco de vinilo pero sí recogido ensu Agenda flamenca2. De hecho, desde la década de los setenta, veremos al escritortratando de interpretar, según su concepción estética y de las emociones, al guitarrista,encontrándose además en su entorno afectivo y profesional3. Así lo refleja, por ejemplo,su escucha, aunque con una presencia un tanto discreta, de las variaciones sobre una

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Rumba improvisada4, durante el capítulo «Paco de Lucía» de Rito y geografía del cante

flamenco, emitido por Televisión Española el 21 de mayo de 19735.

2 Ahora bien, tres años después, Grande habrá de llevar a cabo otro texto reivindicador

de la originalidad estética de Paco de Lucía para Almoraima (1976, reed.: 1979), insertoen la parte inferior de la contracubierta como ilustración a un retrato fotográfico delmúsico al cuidado de Ramón Rodríguez y Lamarca, con idea gráfica y diseño integral deM. Castán y J. I. Barea. No obstante, dicho exorno icónico está concebido como unsimbólico espejo entre la imagen y la palabra, al tiempo que está inspirado en elconocido autorretrato de Bartolomé Esteban Murillo de hacia 1670. Tanto es así que elpalimpsesto visual resultante incluye detalles miméticos, a modo de campos de relacióninterdisciplinar e interdiscursiva, como la técnica de trampantojo, en calidad de ilusiónóptica, la posición de la mano derecha de ambos artistas o la mirada de estos creadores,desde la atalaya privilegiada de artífices, a los espectadores atentos que contemplan el«cuadro»6.

Bartolomé Esteban de Murillo, Autorretrato

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Retrato de Paco de Lucía en Almoraima

3 Por lo demás, el texto de Félix Grande, incluido con posterioridad en Agenda flamenca

bajo el título «El ritmo y Paco de Lucía»7, trasluce algunos de los principalesdenominadores temático-estilísticos de los que se va a servir el autor extremeño en estapráctica literaria o mecanismo de difusión propagandística mediante la prosa poética;así, las estructuras rítmicas a modo de repeticiones anafórico-paralelísticas, como unritmo interior salmódico, en las fórmulas «Tal vez de madrugada, a solas y llorando»,con ecos de Federico García Lorca y Luis Rosales, «no se pueden cobrar, no se puedenpagar … saber cuánto no le podremos pagar nunca», «Tal vez … tal vez», «No hablo …No me refiero», «Ritmo es … tiene … hay», como una definición de la esencia intrínsecadel concepto de ritmo, o lo que es lo mismo, como puesta en valor de una de las grandesvirtudes estéticas del músico algecireño. Además, lo expresa revistiendo su prosapoética de un cariz ciertamente telúrico por la ingente fuerza de los elementos de lanaturaleza que ahí se recrean, a la manera del propio García Lorca, Miguel Hernández yCésar Vallejo8, que reflejan la inefable creatividad estética, cercana a un estado deéxtasis místico, en armonía con el trance espiritual (tarab) desde el sufismo9, o de«locura» creativa, en el que la «respiración» de los matices, pulsos y latidos rítmicosdan forma al «vaho de la vida». Asimismo, Grande llega a recordar los estrechos lazosde Paco de Lucía con su enclave natal, Algeciras, y su filiación islámica, con la menciónsimbólica puntual al espacio espiritual de una mezquita pero sobre todo al estandartegaditano de la Almoraima, como referente andalusí; esto es, una pedanía en la comarcadel Campo de Gibraltar y municipio de Castellar de la Frontera, cuya fundación seremonta a tal período histórico, en la que se encontraba una torre de vigía10.

4 De manera análoga, no falta tampoco en dicho texto laudatorio la recurrencia a la

experiencia estética y sucesivos estados emocionales del poeta tras la escucha atenta,como la sorpresa o el júbilo en su madrugada solitaria, en calidad de oyente insomne,que esta le produce en el aquí y ahora de la atención plena («en esa hora»), o sea, comoen la espiritualidad sufí y otras tendencias espirituales conocidas por Grande. Noobstante, en consonancia con la música de Almoraima que analiza, interpreta e incluso

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con la que «conversa», la pátina andalusí se acentúa aún más, si cabe, por el empleo delas texturas tímbricas del laúd árabe, evolución del ud y antecesor de la guitarra, en elprimer corte homónimo a modo de anticipo tanto de algunas resonancias árabes enPaco de Lucía interpreta a Manuel de Falla (1980), para el que nuestro escritor redactará«Don Manuel de Falla y Paco de Lucía»11, como en Sólo quiero caminar (1981), disco en elque se halla el texto dedicado a Ziryab, que habremos de analizar. De hecho, la texturatímbrica y aliento andalusí del laúd tocado por Paco de Lucía12, con paralelos estéticosen la cadencia andaluza, la polirritmia conforme a patrones ternarios y binarios, ohemiolia, y la improvisación en virtud de variaciones, imitando el fraseo melódicomelismático, se reconoce, al igual que en Almoraima, en el arranque de La Tumbona

(bulerías)13; como también se identifica, asimismo, el sonido de una mandolina enConvite (rumba), o sea, una fórmula esta última que retomará, años después, Paco deLucía en su tema Zyryab del disco homónimo (1990), en concreto, el que abre la cara B,con una duración de 6:15 y en el que el laúd árabe se sustituye por la mandolina y otrosinstrumentos complementarios para evocar, una vez más, esa esfera musical andalusí,entre ellos, el piano de Chick Corea14.

5 Por otra parte, desde este concepto estético, Paco de Lucía entroncaba, al tiempo que se

distanciaba, en esta continua tensión entre tradición y evolución, de una visiblemaurofilia estética andalusí identificable sobre todo en los géneros de la danza mora yla zambra15, que habían ensayado, mediante diferentes formalizaciones para la guitarraflamenca, modelos rigurosamente asimilados por él; entre ellos: Niño Ricardo, conGitanería arabesca: danza o temas de inspiración árabe como Almoradí: capricho; Sabicas,con Ensueño árabe (Danza árabe), Noches de Arabia (Danza árabe), Danza mora, Danza árabe o Zambra; y Esteban de Sanlúcar, quien dedicara, por cierto, a Paco de Lucía su Perfil

flamenco (Zapateado)16, con Moro y gitano (Danza mora), Castillo de Xuen (Danza mora) y Orgía

árabe (Danza árabe).

6 Pero, sin duda, esta inclinación por el legado andalusí17 tanto de Grande como de Paco

de Lucía18 alcanzará su máximo esplendor en la figura de Ziryab, a la que dedicaremoslas páginas que siguen. Para ello, la metodología empleada se sustentaráfundamentalmente sobre las bases del comparatismo, ya sea literario o entre las artes,sin desdeñar tampoco la denominada material culture bibliography o material bibliography,con un examen y estudio detenido desde los soportes tipográficos tanto de los libroscomo de los discos, cds y cintas de cassette en calidad de fuentes primarias, con elobjeto de llevar a cabo una mirada atenta a la narratividad simbólica y las emocioneshumanas19, reflejadas y focalizadas en una destacada figura, entre la realidad histórica yla leyenda, con la que Grande compara a Paco de Lucía, esto es: Ziryab o el Pájaro negro,dotado, según las crónicas antiguas, a las que nos referiremos, de una especialsensibilidad, conciencia de belleza y anhelo de trascendencia, a la hora de transmitir lasemociones estéticas20 y alcanzar así el trance espiritual o tarab21. El texto, que vamos aanalizar, se incardina, no obstante, en una práctica literaria cómplice que asumeGrande como presentación, difusión y reivindicación canónica de Paco de Lucía, sobretodo en los discos de vinilo, entre las décadas de los setenta y los noventa, a modo detextos liminares o posliminares. Veámoslo.

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El «canto» del Pájaro negro o el legado andalusí deZiryab: una nueva «afinación vital» para las emocionesestéticas

Aquellos que me conocen bien —quiero decir:aquellos que no ignoran ni uno solo de mis

fracasos— saben que el fracaso más vasto de mivida es el de no haber alcanzado a ser un buen

guitarrista flamenco.(Félix Grande)

7 Como se ha apuntado, para la contracubierta inferior del disco de vinilo Sólo quiero

caminar (1981) de Paco de Lucía, Félix Grande redactó un texto, por cierto algo olvidadoen el estado de la cuestión, habida cuenta de que tanto en el formato o soporte de lacinta como en el ulterior del disco compacto se ha llegado a suprimir. No obstante, elescritor volvió a incluir el mismo texto de Sólo quiero caminar, cuatro años más tarde, enAgenda flamenca22, con una variante redaccional de 1985, dado que añade el título de«Un brindis de Ziryab», después de los epígrafes «Rondeña» (1974), «El ritmo y Paco deLucía» y «Don Manuel de Falla y Paco de Lucía», este último incluido en Paco de Lucía

interpreta a Manuel de Falla (1980). Sea como fuere, lo transcribimos seguidamente,corrigiendo de paso alguna errata aislada, para pasar a su posterior análisis:

Soy el liberto Abu-l-Hasán Alí ibn Nafí, músico de mi señor Abd ar-Rahmán II. Fuidiscípulo del gran Islaq al-Mawsilí, y poco después su maestro. Nací enMesopotamia, mas mi patria fue Al-Andalus, porque en tal tierra incomparable elegíyo vivir y en ella quise ser enterrado. Hace más de un milenio entré a este paraísopor la ciudad de Al-Djezirah al Hadra. Treinta y dos años de juventud impetuosa(¡que Dios sea siempre venerado!) disfrutaba yo entonces. Con mi ímpetu, mimemoria, mi trabajo, mi adoración a Al-Andalus, y también con mi angustia decreador, alcancé fama eterna, como vienen decretando los siglos. Con la memoria yel trabajo, reuní toda la música que había inventado ya el Oriente. Con mi angustia,la transformé, para gloria de Al-Andalus. Fue la angustia quien me guió para que yofundara la primera academia de música en tierras del Mediterráneo, para que yodisciplinara el estudio y la improvisación, para que me inundara con las músicas deeste vasto jardín y lo inundara23 yo con los cantos innumerables que me traje deallá, de lejos; también para que resolviese mejorar el sonido de aquel laúd (¡Dios lobendiga!) con un plectro de pluma de águila y unas cuerdas de tripa de león.A mi genio, que ha sido sancionado por la Fuente de las Edades, algunos músicos decorazón petrificado lo llamaban capricho, aconsejados por el desdén, por laignorancia o por la envidia; pero con cuanta música derramaban mi dolor y mijúbilo, los sabios y los jóvenes alcanzaban el entusiasmo, y a menudo las lágrimas.«¡Desobedece a nuestras sagradas tradiciones!», gritaban algunos marmóreos alherir su quietud contra la esquina de mis invenciones; mas cuando yo besaba conmis pies las calles de mi Córdoba las multitudes giraban la cabeza a mi paso. Tal vezsabían oscuramente que a mí, Zyriab, la tradición me dio raíces, y alas la desazón debesarle su música al futuro. Por eso fui desobediente: ¡mi corazón tenía queobedecerme a mí! El respeto a la tradición y la temeridad, es decir, el agua quedesde siempre corre y la sed que nunca es saciada, forman la masa prodigiosa con laque la Fortuna edifica al artista. No os pediré que me creáis a mí: preguntad a lossiglos.¡Los siglos! Once han pasado ya, con parsimonia incontenible, desde el día en que lamuerte injurió a mi alegría, enlutó mi laúd, dejó viuda a mi casa y apaciguó parasiempre mi angustia. Entré en un sueño inconcebible y sosegado, dulcísimo yhorrendo, del que muy raras veces me despierto. Ello sucede cuando algún músico

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andaluz se goza con la música como yo la gozaba, y la sufre como yo la sufrí. En esasocasiones escucho desde bajo la alfombra maravillosa que conforman los seresvivos, apruebo con un gesto, brindo con un trago de tierra y vuelvo al sueño que notiene nombre, pues la palabra muerte no alcanza a mencionar tanto consuelo y tantodesconsuelo. Ahora, esta noche, en este justo instante, mi corazón dormido ha dadoun brinco al escuchar las músicas de un hombre que parece haberlas construidopara que yo recuerde mi juventud, mi desazón creadora, e incluso aquella Al-Djezirah al Hadra por donde entré en esta región incomparable (¡Diosmisericordioso la colme de frutas y de paz, de música y de miel!). Conmovido por laemoción, ardido por la gratitud, he escuchado esas músicas compuestas por un hijode Algeciras, he apartado la obstrucción de unos siglos, y he gritado en silencio:¡Brindo por ti, paisano, mastico un bocado de tierra en honor a tu corazón! Yo era músico, no poeta, y no puedo expresar la compañía y el calor que mearriman, en esta soledad y en este frío, esas músicas venerables e intrépidas. Yo séque son intrépidas, porque agregan a la gran música andaluza nuevos sonidos y porlo tanto nuevas emociones. También sé que son venerables, porque en ellas veocanas del sonido de Oriente, un sonido que yo traía en mi sangre desde Bagdad, y alque respeté transformándolo. Y ahora, esta noche, en este justo instante, esemuchacho, Paco de Lucía (por ese nombre lo celebra la Fama) con su raro laúd queahora llaman guitarra (¡ah qué sonido impar, Dios sea loado!), está haciendo lomismo que yo hice: venerar las raíces y desobedecer. Yo sé (que no sabrá un muertotan viejo) que los petrificados, aconsejados por el desdén, por la ignorancia o por laenvidia, le arrojarán admoniciones, y que los sabios y los jóvenes lo aclamarán conentusiasmo o llanto. Yo sé que su serenidad se alimenta en la tradición, y tambiénque es la angustia quien le ayuda a mover de su sitio a la música, para que sea másancha, pues que nada jamás concluye —la música tampoco. Yo sé, en fin, que esehombre encuentra júbilo en la música, y también desesperación. Así tiene que ser. Yeso me hace brindar por su fidelidad y por su altanería, por su respeto y arrogancia.Brindo por este músico cuyo amor al origen del camino no le impide sino le incita acaminar. Brindo por un artista.Nada más tengo que decir. He muerto hace más de mil años. Yo fui un genio. SoyZiryab.

8 Según puede comprobarse, de entrada, Félix Grande se decanta por la experimentación

literaria, ubicándose en las fronteras entre los géneros, esto es, en una hibridacióngenológica, dado que se trata de un poema en prosa o prosa poética, es decir, al modode Luis Cernuda y al igual que había ensayado previamente en Puedo escribir los versos

más tristes esta noche (1971), de visibles resonancias nerudianas. Asimismo, se hacepatente su construcción genérico-estructural sobre un relato breve o microrrelato,como los reconocibles en dos lecturas predilectas de Grande: Las mil y una noches, en lavoz de Scherezade, obra de ambientación oriental e impregnada de filosofía sufí24, yespecialmente La casa de Asterión de Jorge Luis Borges, en el que la biografía o el génerode la vida, entre la realidad y ficción, tan grato a Grande, se pone de manifiesto desde elpunto cero de la historia con fórmulas o estilemas como «soy» en el aquí y «ahora». Asílo evidencia, de hecho, el narrador autodiegético, quien nos adentra además, enprimera persona, en su progresivo itinerario vital, desde su patria y origen, al exilio ynueva residencia, o sea, a modo de viaje interior y exterior25, en diálogo simbólico conel mensaje literario de los tangos de Triana homónimos26 realizados por los hermanosPaco y Pepe de Lucía que otorgan carta de naturaleza al disco: Yo sólo quiero caminar.Igualmente, el personaje histórico-literario de Ziryab, entre la realidad y la leyenda,viene a entroncar con el empleo por parte de Grande de heterónimos como su HoracioMartín en las Rubáiyátas de Horacio Martín (1978)27, con impronta estética de JulioCortázar28 y Antonio Machado, este último por Abel Martín, si bien también a Fernando

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Pessoa29. Sin embargo, no faltan tampoco otros ecos como en la iunctura «raíces y alas»,procedente del aforismo de Juan Ramón Jiménez para Diario de un poeta recién casado

(Hacia el mar), fechado en Madrid el 17 de enero de 1916 («Raíces y alas. Pero que lasalas arraiguen / y las raíces vuelen.»)30, que tendrá su huella, con el tiempo, en el discohomónimo de Carmen Linares (2008), con prólogo de Félix Grande31.

9 Es más, nuestro escritor plasma y expresa, como había apuntado en Almoraima y

continuará haciendo en otros textos dedicados a Paco de Lucía como «Una gotera» o eltexto de presentación de Siroco (1987)32, las distintas emociones y contrapuestos estadosde ánimo, que van desde la angustia, durante el proceso de creación y vital, hasta ladesesperación y el júbilo. Para ello, la música de Paco de Lucía, heredero de la estéticaandalusí de Ziryab, llega a constituir un alivio y desahogo terapéutico, además de unsólido vehículo para la creación gracias a la experiencia estética, escucha atenta yacuidad. Incluso, en esta híbrida armonización de música y literatura, Grande sepropone enfatizar la continua renovación y frescura del agua simbólica, a modo derevitalizadora fuente de vida33, tanto de Ziryab como de Paco de Lucía, frente a la añejade la tradición34. Asimismo, trata de otorgar un palmario ritmo interior a su prosamediante repeticiones ecoicas y estructuras anafórico-paralelísticas; por ejemplo, apropósito del hinc et nunc: «Ahora, esta noche, en este justo instante», «brindo» o «Yo sé… Yo sé», entroncando para ello con la herencia de la espiritualidad universal,especialmente sufí, pero también budista, o sea, en consonancia con la atención plena35.

10 Ahora bien, para su prosificación lírica de Zyriab, Félix Grande ha optado por la

consulta de una documentación previa, de manera que se ha servido de fuentes y otrosintertextos suyos, recogidos en Memoria del flamenco y Agenda flamenca, en los que veníaesbozando el andamiaje narrativo-conceptual presente en este texto. En cuanto a lasfuentes primarias, cabe decir que no se vale directamente de las que han transmitidolas directrices esenciales sobre la vida y obra de Ziryab, contemporáneo, por cierto, deal-Kindi, cuya notación musical fonética sobre los modos griegos conoció el Pájaro negro

y que se ha conservado en el Tratado relativo al conocimiento interior de melodías, hoycustodiado en el Museo Británico36. Estas son la crónica Muqtabis del historiador IbnHayyan (siglo XI) o manuscrito de Fes, y la de Al-Maqqarí, fallecido en El Cairo en 1641,

que ha contado con las glosas y notas del erudito Pascual de Gayangos y Arce. Ambas abuen seguro deben parte de su contenido matriz y medular a la que se conoce comoprimera biografía de Ziryab por Abu-Hasan Aslam ben Abd al-Aziz, redactada en el sigloXI y que no se ha localizado hasta la fecha.

11 En otras palabras, Grande accede a la aretalogía o hechos virtuosos que perfilan su

retrato literario de Ziryab, fundamentalmente una etopeya, por otras fuentesindirectas. Así, destacamos, en primer lugar, a Georges Hilaire y su Initiation «flamenca»

(1954), al abordar las analogías y divergencias entre el laúd árabe y la guitarra para laprotohistoria del flamenco37; o Cedar Viglietti, en su Origen e historia de la guitarra (1973),cuando subraya la influencia de la música andalusí, en tiempos de Abderramán II, parala futura forja del flamenco. Especialmente enfatiza este autor la posible adición de unaquinta cuerda doble al laúd por parte de Ziryab hacia el año 830, con implicacionesespirituales neoplatónicas vinculadas al alma, dato que Grande aduce pero con reservay cautela en una proyección de la nota Mi agudo, primera cuerda, orden o prima de laguitarra38. En cualquier caso, son directrices conceptuales todas ellas que, en realidad,habían sido abordadas por Grande en su Pregón de apertura de la III Bienal de Arte

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Flamenco «Ciudad de Sevilla», leído en los Jardines de la Torre de Don Fadrique, deSevilla, el 12 de septiembre de 1984.

12 Sea como fuere, otras fuentes de Grande, extraídas de su ensayo previo «Ziryab: “Pájaro

negro”», en Memoria del flamenco39, son Emilio García Gómez y su Prólogo a Poemas

arábigoandaluces (1940) y Évariste Lévi-Provençal, La civilización árabe en España (1969, 3ªed.), especialmente este último cuando reflexiona sobre la música en tiempos deAbderramán II, la condición de Ziryab tanto de liberto como de discípulo de Isahaq al-Mawsilí, en la corte de Bagdad, y los celos que originó en su maestro por su desmedidotalento. No falta tampoco, en fin, el apunte a la creación de una academia o centro deenseñanza musical, la primera que gozó de auténtica relevancia en Al-Andalus, ademásde su renovación organológica del laúd, tan presente en Almoraima y Sólo quiero caminar,ni su peregrino y azaroso exilio de la corte en Bagdad y posterior desembarco enAlgeciras. No obstante, procede Grande en una construcción iniciática del héroe, lo quele permite hacer un guiño al origen natal de Paco de Lucía como laus urbis natalis, y, porende, establecer la identificación, al margen de épocas histórico-culturales, entre losdos músicos, tan distantes en el tiempo pero tan cercanos en cuanto a su revolucionariaconcepción estética de la música40.

13 Incluso, en su consciente voluntad y afán de documentación histórica, Grande se sirve

de la Historia de los musulmanes de España hasta la conquista de los Almorávides (1920) deReinhart Pieter Anne Dozy, según se infiere en un pasaje en el que se pondera, de paso,la formación humanística integral de Ziryab41. Es más, tampoco carece de interés, en loque hace a su documentación previa y voluntad de acercar la estética de Ziryab a la dePaco de Lucía42, la consulta de Andalucía, su comunismo y su cante jondo (1933) por loshermanos Carlos y Pedro Caba, en fragmentos puntuales en los que Grande, en calidadde crítico literario contrapuntístico, trata de restar o atenuar la expresión hiperbólica,por lo general, de su modelo43.

14 Pero no acaban aquí las fuentes empleadas por Grande a la hora de adentrarse en la

fascinante figura de Ziryab y su legado andalusí, dado que demuestra, en este prurito deerudición, que ha consultado igualmente de Julián Ribera y Tarragó La enseñanza entre

los musulmanes españoles (1893), o sea, un discurso leído en la Universidad de Zaragozaen la apertura del Curso Académico 1893-1894 y editado en la Imprenta de Calixto Ariñocon el objeto de respaldar su idea conceptual de la fundación de una escuela por partede Ziryab para la música andalusí y su capacidad de renovación estética44. Por último,Grande, atento a la realidad palpitante sobre la cultura andalusí en tiemposcontemporáneos, se vale, en fin, de un reportaje periodístico, publicado en El País el 24de julio de 1977, circunscrito a una autoridad en la música y en la gestión cultural de laaltura de Salah Al-Madi en aras de ponderar las valiosas aportaciones de Ziryab a lamúsica andaluza, incluyendo, al igual que en los textos comentados, aspectosorganológicos, técnicos, de enseñanza educativa y genéricos, así por ejemplo, la nuba, opoema arábigoandaluz cantado en cuatro movimientos y en alusión a cada hora del díay de la noche, la wasla o el fasil, bases remotas y prístinas de la suite o la sinfonía, o loque es lo mismo, como trató de llevar a cabo Grande con Paco de Lucía en su paratextopara Sólo quiero caminar45.

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Análisis de resultados y perspectivas abiertas deinvestigación

15 A la vista de los datos expuestos, cabe poner de relieve, en calidad de principales

aportaciones del presente artículo respecto al estado de la cuestión, la identificación deun nutrido elenco de fuentes en el poema en prosa de Félix Grande dedicado a Ziryab,Pájaro negro. Lo redactó el escritor extremeño como presentación contextual yconceptual, en las fronteras entre la realidad y la ficción, de Sólo quiero caminar de Pacode Lucía, en una producción adscrita a la industria cultural y la sociedad de consumoque viene a arrancar con una reescritura literario-musical de los conocidos tangos de laNiña de los Peines, en la cálida y expresiva voz interpretativa de Pepe de Lucía. Entreestas fuentes destacan fundamentalmente las histórico-literarias, citadas en Memoria del

flamenco y Agenda flamenca, aunque dejando al margen Grande las crónicas árabesprincipales que han difundido los pilares esenciales de la vida y obra de Ziryab. En estesentido sobresalen modelos de la calidad de Georges Hilaire, Cedar Viglietti, EmilioGarcía Gómez, Évariste Lévi-Provençal, Reinhart Pieter Anne Dozy, los hermanos Carlosy Pedro Caba, Julián Ribera y Tarragó, así como Salah Al-Madi.

16 Por lo demás, la elección genérica del poema en prosa o prosa poética por parte de

Grande, implementada ya en Puedo escribir los versos más tristes esta noche, en homenaje aNeruda, viene a dialogar con la tradición cernudiana. En cualquier caso, no faltantampoco en el texto circunscrito a Ziryab las huellas, a propósito del género biográfico,de otras fuentes preñadas de narratividad simbólica, es el caso de Las mil y una noches yLa casa de Asterión de Borges, así como del estilema «raíces y alas», reescrito al trasluzde Juan Ramón Jiménez en Diario de un poeta recién casado (Hacia el mar), y heterónimosen la línea conceptual de Rubáiyátas de Horacio Martín, con resonancias de Cortázar,Pessoa y Antonio Machado. No menos interés poseen, según se ha demostrado en estaspáginas, la transmisión y las cuestiones textuales, con enmiendas ope ingenii incluidas,que atañen al poema en prosa sobre Ziryab hasta el punto de contar con un estadioredaccional posterior integrado en Agenda flamenca que atesora, a modo de añadido, eltítulo «Un brindis de Ziryab».

17 Del mismo modo, otro texto de Grande afín y concomitante al circunscrito a Ziryab, si

se atiende a los conscientes mecanismos de canonización ensayados al hilo de Fantasía

flamenca de Paco de Lucía a propósito de los tecnicismos musicales, la experienciaestético-vivencial y la «afinación vital» de los estados emocionales, queda integrado enlos estilemas de sabor andalusí de Almoraima, con un estadio redaccional ulterior, «Elritmo y Paco de Lucía», en Agenda flamenca. De hecho, entra en diálogo interdiscursivo einterdisciplinar tanto con los granados ecos de García Lorca, Rosales, Miguel Hernándezy César Vallejo, modelos medulares de Grande, como con un retrato fotográfico de Pacode Lucía, inspirado en el autorretrato de madurez de Murillo, en calidad de fuentepictórica.

18 Sea como fuere, la recuperación cultural islámica y de sus géneros poético-musicales,

según procede Grande a propósito de Ziryab y Paco de Lucía, entronca con unamaurofilia andalusí reconocible en la caracterización genérica de la danza mora y lazambra, de notorio predicamento en modelos guitarrísticos del músico de Algecirasescuchados con plena atención y deleite por Grande: Niño Ricardo, Sabicas y Esteban deSanlúcar. Al tiempo, este recobro intercultural llevó al escritor a redactar Las Rubáiyátas

de Horacio Martín (1978), cuyo título y paratextos transportan al lector a Oriente y en

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buena medida a la estética andalusí; o sea, como trató de hacer Paco de Lucía, a modode paulatino crescendo o clímax ascendente gradual, en sus discos Almoraima, Sólo quiero

caminar y Zyryab, bajo el andamiaje conceptual y asesoramiento histórico-literario de suamigo poeta. No obstante, las Rubai o estrofa poética persa de cuatro versosendecasílabos, que remiten a las Rubaiyat difundidas por Omar Khayyam46, brindanbreves sentencias, centradas en el aquí y el ahora, al igual que en el texto consagrado aZiryab para Sólo quiero caminar y otros dedicados por Grande al músico gaditano47, portanto en armonía con la filosofía espiritual sufí, que recrean, entre otros temas, elanhelo de trascendencia del alma, la fugacidad de la vida corpórea, el sencillo deleite enlos placeres cotidianos de la comida y la bebida, por ejemplo el pan o el vino, con susrespectivas implicaciones simbólicas, o el amor pleno, pero sin renunciar, en cambio, ala conciencia del dolor y el sufrimiento ocasionado por la pérdida, en cuanto aseparación física.

19 Por ello, no es de extrañar que Khayyam, junto a García Lorca, dos poetas admirados

por Grande, tengan cabida, en esta misma estela de orientalismo estético entre lapoesía y la música con raigambre andalusí, en el décimo disco de Camarón de la Isla, osea La leyenda del tiempo (1979)48, si bien con la guitarra de Tomatito, hecho al que cabeañadir que Camarón y Paco de Lucía habrían de ser objeto, con el tiempo, de un libro deGrande, Paco de Lucía y Camarón de la Isla (1998b), ilustrado por David González, Zaafra.En este libro, no obstante, se recogen, especialmente en la sección «Una guitarraquebrantada», las principales directrices conceptuales, con frecuencia desde la estéticaandalusí, que aquí nos han ocupado tales como el análisis técnico de varios temas deAlmoraima, Sólo quiero caminar y Siroco, con cierta pátina sonora andalusí, a propósito delglissando, la scordattura en los tangos de La Cañada, la minera Callejón del muro o losfandangos de Huelva Montiño49, además de la reiterada mención de las emocionesestéticas50, entre ellas la tristeza51, la rabia52 o la ansiedad53.

20 En fin, seguramente por este sutil maridaje entre música y emociones por parte de

Grande y Paco de Lucía, en este mismo período, habrían de colaborar juntos en Poema de

amor, con textos del escritor en un proyecto discográfico, la voz de José Luis Gómez y lamúsica de Paco de Lucía. Es más, años después, el músico algecireño, como sigilosoamigo cómplice y compañero tácito en este viaje interior a las emociones estéticas yhumanas, habría de dedicarle un rendido homenaje al poeta en «La persona más leal yhonesta»54, a buen seguro con impregnación ecoica de la música andalusí, en sumemoria afectiva, de esta influencia recíproca a propósito de Ziryab y tratando ambosde contar, o cantar, la música del Pájaro negro, porque, según nos recordaba el propioescritor en Memoria del flamenco, «Largo es el vuelo de aquel Pájaro negro», como lo fuetambién el de Paco de Lucía.

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ANEXOS

Apéndice: Posliminar de Félix Grande para Paco deLucía, Almoraima (Madrid, Philips, 1976; reed.: 1979)

Desde hace años, cada nueva creación de Paco de Lucía nos produce sorpresa. Parecieraque en cada nueva etapa llega hasta sus fronteras —y en su creación siguienteadvertimos que esas fronteras se desplazan, que quizá este genio de la guitarra ya notiene fronteras. Tal vez nuestra sucesiva sorpresa no nace únicamente en nuestrosucesivo deslumbramiento, sino también en la desconfianza: es que no estamosacostumbrados a asistir al desarrollo de la genialidad. Al fin tendremos que asumirlo,con gratitud, con júbilo: Paco de Lucía es uno de esos pocos seres herederos y a la vezinventores de un lenguaje; uno de esos imprescindibles locos cuyo respeto a las raíces ycuya libertad son por igual tempestuosos, y que por ello alcanzan el privilegio y lacondena de ir abriendo caminos, acumulando desde la fragua de su nombre nuevometal y más calor a ese vasto y anónimo metal calenturiento que llamamos la música.Cuánto le cuesta a Paco de Lucía el prodigioso regalo que nos hace, es algo que nosabremos nunca. La soledad, incluso la desesperación que hay siempre bajo la laboriosahumildad de un artista, no se pueden cobrar, no se pueden pagar. Tal vez llorando asolas con su música en medio de la madrugada, tal vez creando en nosotros mismos esetremendo ritmo al que llamamos lágrimas, tal vez así podamos bajar hasta el barrancomineral en que nace su música, ese barranco donde están los seísmos de la necesidad deser y del que emerge su bárbara guitarra como volando de oro, como danzando enhierro, como olorosa a azufre, como brillando de mercurio, como quemándose encarbón. ¿De qué modo nombrar toda esa enfebrecida operación en que consiste

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convertir ese magma profundo del ser cósmico en un lenguaje comunicativo, en unlenguaje cósmico y a la vez organizado? Quizá pueda llamarse ritmo.

En el origen de la vida se encuentra, inmemorial, el ritmo. Todo alcanza su sermediante el ritmo. Ritmo tiene el lenguaje para ser expresión. La danza es ritmo y esritmo el cuerpo humano. Con ritmo se suceden las mareas. Ritmo es el pulso, el latidodel corazón. Ritmo es lo que contienen las obras más memorables de las generaciones:una mezquita, un acueducto, un mito, una estatua, una fábula, un poema. La rueda:puro ritmo. Un ritmo estricto habita en las hembras embarazadas. Ritmo hay en eltrigal, el olivar, la viña; ritmo en la fruta y en el agua. Ritmo tienen las fases de la Luna,las órbitas de los planetas, el majestuoso devenir de los astros. Y cuando la materiaalcanza su más ardiente ritmo, sucede el acontecimiento de la belleza humana. Lo quehace que los desafiantes esfuerzos de los hombres quebranten la dictadura de los añoses un vaivén paciente y sabio, lujurioso y creador: el ritmo.

Lo más recóndito, y a la vez lo más evidente, en esta nueva etapa de la música de Pacode Lucía, es ese gran secreto: el ritmo. No hablo de una estrategia de la medida y delcompás, sino de un acto de respiración. No me refiero a la suma de su compás y suinvención55 —tan exactos, tan incesantes—, sino al vaho de la vida. Desde lo másprofundo del flamenco —su ritmo viejo e inmortal— estas creaciones de Paco de Lucíasuben con viejo y duradero sol, con vieja y duradera agua, sorprendentes limones,lentas horas, espesas sombras, fogonazos de luz y geometría; avanzan con heridasremotas, con remotas pomadas: como un incomparable, monumental acto de amor. Lahistoria del flamenco sabrá muy bien cuánto habrá de deber a la organizada locura deeste terremoto sereno que es la música de Paco de Lucía. Nosotros ya empezamos asaber cuánto no le podremos pagar nunca. Tal vez de madrugada, a solas y llorando. Lahistoria del flamenco, esa terrible madrugada vieja, no dejará de agradecer a Paco deLucía la venerable juventud de su música. En nuestra madrugada personal, en esa horaen que somos más limpios, más ancianos y repentinamente vivos, escucharemos estevaho de la vida que sube desde seis andaluzas tensiones y, poco a poco, iremosredescubriendo en nuestro corazón una sangre solemne, un alimento casi religioso: lavisita del ritmo. La noche antigua donde todo renace.

NOTAS

1. Para la variada y rica producción del escritor, entre la literatura y la música, con un estado de

la cuestión, veáse: Grande (2010), con prólogo de Á. L. Prieto de Paula. Por lo demás, quiero

manifestar mi agradecimiento a Paco de Lucía y Félix Grande por sus indicaciones vivenciales y

documentales al servicio de este artículo. Su aportación, más allá de una indeleble experiencia

estética y personal con ambos creadores, me ha facilitado perfilar los planteamientos

epistemológicos implementados durante la investigación.

2. Grande (1985: 79-85). El texto de Grande (1970), esto es, «Integrados apocalípticos (En defensa

de la guitarra flamenca). Paco de Lucía: herencia y fundación», parte del andamiaje conceptual de

Umberto Eco. En cuanto a la obra del semiólogo italiano, nos referimos, claro está, a Apocalípticos

e integrados ante la cultura de masas (1968).

3. Escobar (2018).

4. Que habrá de auspiciar, como se sabe, la famosa composición Entre dos aguas.

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5. Bajo la dirección de Mario Gómez y con guión tanto de Pedro Turbica como de José María

Velázquez-Gaztelu, amigo cabal al que agradezco siempre su valioso testimonio y aportación

documental.

6. Se trata, en efecto, de un notorio ejemplo de la pervivencia, implementación y aplicabilidad de

la estética conceptual de Murillo, auspiciada ya por Hegel en sus Lecciones de estética, en el

imaginario moderno, la industria cultural contemporánea y la sociedad de consumo efímera, con

frecuencia, entre realidad y ficción, mitemas, estilemas, memorabilia y hasta topicalización. Sobre

este particular resulta de visible interés el Proyecto de investigación Aplicación Murillo.

Materialismo, Charitas, Populismo, Espacio Santa Clara, Hospital de la Caridad, Hospital de los

Venerables, CICUS y Sala Atín Aya, Sevilla, del 6 de diciembre de 2018 al 3 de marzo de 2019;

accesible en: <https://cicus.us.es/exposicion-%C2%B7-aplicacion-murillo-materialismo-charitas-

populismo__trashed-2-2/> (30 enero 2019); para el catálogo: Rancière et al. (en prensa).

7. Grande (1985: 101-104). Puede leerse de forma integral en el Apéndice.

8. Sobre la pervivencia, reescritura y palimpsesto de estos modelos a efectos de emociones

estéticas y humanas en Grande: Escobar (2018).

9. Para estas implicaciones simbólico-espirituales y musicales del sufismo al trasluz del

comparatismo entre las religiones, con autores tan señeros como Yalal ad-Din Muhammad Rumi

(1207-1273), Izutsu (1997), Ernst (1999), Sánchez Sandoval (2004) y especialmente Alubudi (2005).

En cuanto a la impronta cultural sufí en Andalucía: Austin & Lluys (1971), así como Ibn 'Arabi,

Muhyi-l-Din (1990).

10. Sobre el alegre y afectivo paisaje arábigo-andaluz de Almoraima para el estado emocional de

Paco de Lucía en su niñez, con notas sobre el paso de Ziryab por Algeciras (motivo que

volveremos a retomar): «El músico de la Isla verde (Paco de Lucía, el “Niño de la Portuguesa”)»,

en Grande (1976: 645-648), con prólogo de José Manuel Caballero Bonald; las páginas 645-660

están, de hecho, dedicadas al análisis, desde la interpretación de las emociones estéticas, de

Almoraima y otras obras destacadas del músico algecireño; véase también: Escobar (2018). En

cuanto a la poética de lo hondo en Caballero Bonald, gran amigo de Grande: Chataigné (2017).

11. Recogido con posterioridad en su Agenda flamenca (Grande, 1985: 104-107); véase también:

«“¡Don Manuel, que nos vamos!”. Falla. Granada. 1922. El “Concurso de Cante Jondo”», Memoria

del flamenco (Grande, 1976: 466-516). Por cierto que Paco de Lucía ha confesado, en ocasiones, la

importancia de la escucha de Manuel de Falla como antídoto terapéutico contra determinados

momentos y difíciles períodos de malestar emocional. No obstante, se trata de uno de los modelos

esenciales en su poética musical, según me comentó en varias ocasiones durante mis entrevistas

cualitativas y semidirigidas.

12. Si bien resulta evidente por la propia ejecución y actitud ante el instrumento, lo recuerda

Grande, comparando, por ello, a Paco de Lucía con Ziryab: «Y de pronto, en las bulerías de

Almoraima cesa la guitarra y suena un remoto laúd: sabemos que lo toca Paco, pero parece venir

desde muy lejos, desde Persia o el Pakistán o desde el siglo IX (¡como si tocara Ziryab!)»; cf. «El

músico de la Isla verde (Paco de Lucía, el “Niño de la Portuguesa”)», en Memoria del flamenco

(Grande, 1976: 658).

13. Con pervivencia tímbrica ulterior, por ejemplo, en el laúd de Juan Carmona para Agüita clara

(bulerías) de Rafael Riqueni, Mi tiempo (1990).

14. Todavía podemos comprobar tal deuda respecto a Ziryab en el encuentro entre el flamenco y

la música andalusí en Tierra de nadie de Segundo Falcón y Suhail Ensemble para la Bienal de

Flamenco de Sevilla en el marco de las Jornadas Flamenco como arte mudéjar, bajo la dirección de R.

Valencia (28-30 de abril de 2016), habida cuenta de que, entre otras cosas, el primer tema se titula

precisamente Ziryab (laúd).

15. Prisma conceptual respaldado y enriquecido, además, por otros músicos y teóricos, aunque

desde diferentes ópticas y metodologías, de la altura de Romero Jiménez, con La otra historia del

flamenco (la tradición semítico musical andaluza), de 1996; para otros datos sobre este pianista, con el

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que tuve la fortuna de conversar y de intercambiar experiencias musicales desde que lo conocí en

La Carbonería de Sevilla: Trancoso González (2011).

16. Paco de Lucía, por su parte, interpretó de Esteban de Sanlúcar su Panadero (Panadero

flamenco) y Mantilla de Feria (Danza); véase sobre este último compositor: Gloria y memoria a

Esteban de Sanlúcar. 25 Aniversario de su fallecimiento (2012).

17. Especialmente por su música y poesía de aliento trascendente y espiritual.

18. Hermanados, además, por un imaginario cultural afín y compartido, como tuve la ocasión de

comprobar durante mis entrevistas semidirigidas a ambos artistas.

19. Escobar (2018).

20. Como sucede también en la música hindú con las distintas expresiones estéticas de las

emociones o sentimientos (rasa), en concierto con dos categorías principales, como sabía Grande,

según tuve la ocasión de comprobar: el swara, en cuanto a iluminación y continua evolución

espiritual del ser humano, con implicaciones además en la escala indostánica y sus unidades

individuales de expresión melódica; y el raga o concepto melódico, sustentado sobre un conjunto

coherente y articulado de notas, destinado a una respuesta emocional. De hecho, se concibe la

experiencia sensorial y emocional de la belleza interior por parte del músico, cuyas respuestas

desde la creatividad artística conllevan, al tiempo, el equilibrio del alma, la mente y el cuerpo,

como un vehículo coherente y cohesionado para lograr la progresiva transformación personal y

la plenitud espiritual; véase: Raja (2005); también pueden consultarse, para la inevitable tensión

entre el canon ortodoxo de la tradición y la paulatina evolución conforme a los tiempos actuales,

o sea como sucede en el flamenco, los monográficos del Journal of the Indian Musicological Society,

desde 1970 hasta la fecha. Por lo demás, en Memoria del flamenco (Grande, 1976: 40-56), el escritor

extremeño incluye, a propósito de la protohistoria del flamenco, la música hindú y las raíces

culturales de Al-Andalus, el epígrafe «De la remota India a Alcalá de Guadaíra».

21. Con profundas y simbólicas implicaciones espirituales, por añadidura, e incluso como paisaje

emocional del alma desde la música sufí, como analizaremos más adelante. Véanse: Cruces (2003)

y Chaachoo (2011), para la labor de Ziryab en la forja de la música andalusí y sus estados

emocionales sobre el maqam o sistema improvisatorio de modos melódicos, en los que el hijaz y el

kurd (este último con correspondencia en el dórico griego y el modo de Mi frigio) están en

consonancia con la música andaluza, además de la polimetría en virtud de estructuras armónico-

métricas ternarias y binarias, y otros elementos musicales, como bien sabía Grande. Asimismo,

para Ziryab y su aportación al legado andalusí, aunque desde una caracterización genérica

próxima a la novelística, si bien documentada y redactada en la década de los ochenta, al igual

que el texto de Grande que vamos a analizar: Greus (1987), cuyas páginas 23-26, 33-34, 38-41,

68-72, 126-127 y 174-175, entre otras, presentan puntos de contacto temático-narrativo con el

texto del autor extremeño en cuestión, por la formación y exilio del músico, su paso por

Algeciras, el recibimiento en la Corte cordobesa, su revolución musical y organológica con

conciencia de belleza e implicaciones emocionales y terapéuticas, hasta el empleo del relato

autodiegético en ocasiones; también del mismo autor (2006).

22. Grande (1986: 107-109).

23. Corregimos ope ingenii la errata del impreso: indundara.

24. De ahí que se justifique la presencia de la imagen «alfombra maravillosa» en el texto.

25. Con un guiño incluso a la revivificación o transmigración del alma de Ziryab, con resonancias

platónicas por la reminiscencia y la metempsícosis, según revela el hecho de que viaje en el

tiempo desde el pasado de Al-Andalus hasta el presente no sólo de la escritura de Grande sino

también de la música de Paco de Lucía, con el que el escritor trata de proyectar su identidad de

genio en una vida pasada; así lo dejan ver fragmentos, sustentados sobre el eje de la

atemporalidad a modo de reflejo de la inmortalidad del alma, como cuando Ziryab señala: «Nada

más tengo que decir. He muerto hace más de mil años. Yo fui un genio. Soy Ziryab». Para la

vigencia actual de esta tradición filosófica, con la que estaba familiarizado Grande, circunscrita a

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