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    Ethique

    et

    signifiance

    DE

    LVINAS

    UNPERSONNALISMEDE

    CONTEXTUALIT

    Cettecontribution proposed'aborder laquestionduprocs

    de

    signifiance encorrlation avec la notionde

    souci

    de

    l'autre, parti-

    culirement dveloppepar

    Emmanuel Lvinas.

    Il va s'agir

    ici

    de

    mesurer ceque

    la thorie lvinassienne

    du

    langage

    fait surgir

    de

    neuf et de regarder les

    interrogations

    qu'elle suscite. Dans le

    deuxime

    mouvement de

    cette

    rflexion,

    nous

    proposerons une

    approche critique

    s'appuyant

    sur

    la

    ncessit

    de

    pensercette

    pro-

    blmatique

    sous

    l'angle

    d'une dialogique

    transcendantale

    (Fr.

    Jacques),mais

    aussi de

    prendreen compte

    de

    faon radicale

    la

    cor-

    rlationentre lecontexte et latemporalit.L ide

    consiste

    mon-

    trer que le contexte

    ne se rduit pas

    ce

    qui

    permet le

    sens;

    il

    construitgalement

    l'identit

    d'unepersonne.

    Chacun,

    d'unecer-

    taine

    faon, intriorise les divers contextes de communication

    danslesquels

    il

    s'esttrouv

    au

    cours

    de

    son

    existence.

    Cela

    contri-

    bue

    constituer

    sonidentit.Pour le m eilleur

    et

    pour

    le

    pire.

    Les

    incidencesde

    cedplacement

    sur leplan

    d'uneproccupation de

    laparoled'autruinesemblentpas

    ngligeables.

    I.- Lvinas,

    signifiance et

    rapport

    l autre

    1 Quand le bonjour prcde le cogito

    Emmanuel Lvinasopreune

    rupture avec

    une tradition

    philo-

    sophique quiinterprtetouterelation

    l'autre

    sous

    le

    registre

    du

    sav oir. Ildveloppe

    l'importance

    dela relation

    autruiet

    plus

    pr-

    cisment de

    l'thique

    comme

    philosophie

    premire.

    Ce

    n'est

    pas

    larelation de l'homme aumonde qui setient au

    commencement,

    mais la

    relation

    avec l'autre homme. L'tonnement,

    dont on dit

    qu'il estl'originemme de laphilosophie,n'estpas que lemonde

    soit,maisquautrui

    soit

    en facedu

    moi

    1

    . Ils'agitdonc

    de renver-

    serl'ide

    selon laquelle l'ontologie serait laphilosophiepremire.

    De toute vidence, ici, le bonjourprcde

    le

    cogito.Autrement

    1 G . B A I L H A C H E L e su je tch e z E m m a n u e lL v inas ,Paris,P .U.F,,1994, p. 156,

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    THIQUE

    ET SIG NIP IANCE 47

    dit,

    contrairement

    Descartes, il ne

    s'agit

    pas

    de

    repartir de la

    conscience, car

    celle-ci

    sevoit toujours

    prcdepar

    la relation

    interlocutive.

    Commententendre

    la

    rupture

    avec

    le

    primat

    de

    l'ontologie?

    Le

    traitfondamental

    del'treest la

    proccupation

    de

    son tre

    mme.

    Ainsi, trs concrtement, les

    plantes,

    les animaux et l'ensemble

    des vivants

    s'accrochent

    leur existence. Pour chacun, c'est

    la

    luttepour la vie.

    Or,

    dansl'humain,apparat la

    possibilitd'une

    absurditontologique. Le

    souci

    d'autrui peut

    l'emporter

    sur le

    souci de

    soi.D'ol'intrtduphilosophe

    pour

    lelangage, car il

    s'adresse

    autrui,

    comme

    si

    on

    ne

    pouvait

    pas

    penser

    sans

    se

    sou-

    cier dj

    d'autrui. D'oreset d j

    ma

    penseestdansun

    dire.

    Au

    plusprofond

    de

    la pense s'articule le 'pour-1'autre',

    autrement

    dit, la bont,l'amourd'autruiplusspirituel que la

    science

    2

    .

    De

    faon

    plus

    prcise,

    le

    rapport l'autre

    n'estpasrductibleaurap-

    portdel'homme

    la

    chose.

    Pour sa dmonstration,Lvinas reprend la

    distinction

    entre le

    Je-Tu

    et

    le

    Je-Cela

    de Buber.

    S elon

    ce

    philosophe,

    en

    effet, le

    Moi

    n'est

    pas une substance

    mais

    une relation. U existeuniquement

    commeunJe

    s'intressant

    unTuou saisissantun

    Cela

    (enten-

    dons iciunobjet,une

    chose).

    Ledomaine du Celaconcide avec

    ce que leJe saisit

    dans

    une exprience objective

    et pratique.

    Ainsi, je peux

    percevoir

    quelque chose,

    avoir la

    sensation

    de

    quelque chose,

    me

    reprsenter ou penser quelque chose. Tout

    cela

    et

    tout

    ce

    qui

    lui

    ressemble

    fondent

    ensemble

    le

    domaine du

    Cela

    3

    . Mais

    la

    relation qu'instaure le langage

    ne

    se limite

    pas

    celle

    qui

    lie

    un

    sujetetun ob je t

    (registredu

    Je/Cela)

    4

    .

    Le langagenepeutengloberautrui:

    autrui,dont

    nousutilisonsen

    ce

    moment

    le mme concept, n'est pas invoqu comme concept,

    mais

    commepersonne.

    Dans la

    parofe,

    nousne

    pensons pas

    seule-

    ment

    l'interlocuteur, nous

    parlons avec lui,

    nous lui

    disons le

    concept

    mme

    que

    nous

    pouvons

    avoir

    de luicomme

    interlocuteur

    en gnral

    5

    .

    Incontestablement, lelangageinstaureunerelation qui

    n'esten

    aucune

    faon

    rductible au

    rapport

    sujet-objet.

    L'autre

    interpell

    n'estaucunementunreprsent,

    un

    donn,unparticulier offert

    2. E. LVINAS, L e s i m p r v u s d e l h i s t o ire , Montpellier, Fa ta

    Morgana, 1994 ,

    p.201.

    3.

    ID.,

    Noms

    propre s ,

    Montpellier,

    F a ta Morgana,

    1976,

    p. 28. Cf. M . BUBER,

    Ic h undDu,1923 (Je e t

    Tu ,

    Paris, Aubier, 1969) .

    4 . L. WENZLER, Postface

    l'dition

    a l lemande

    du T e m p s e t l Autre, dans

    C a h i e r

    d e l Herne. Emmanuel L v i n a s , dit. C. CHALIER

    et M . ABENSOUR,

    Paris,

    L'Herne,

    1991,

    p .

    161-162.

    5 .E.

    LVINAS,

    E n t r e - n o u s . E s s a i s

    s u r

    le p e n s e r -a - l a u t re , P aris,

    Grasset,

    1991,

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    4 8

    F .

    POCH

    la

    gnralisation.

    Lelangage

    instaure

    la

    rvlationdel'Autre

    6

    .Et

    cederniernepeutpastre

    compris

    dans la catgoriedel'tre.

    En face de l autre, l acte de comprendre et de saisir dans la lumi-

    rede

    l'tre

    apparat comme

    un

    acte

    deviolence.

    La

    comprhension

    quisesaisitde l'autre

    sous

    lemode

    ontologique

    qui

    n'enrpond

    pas sous

    mode thique estviolence

    son gard,

    parce

    qu'elleeffa-

    ce

    prcisment

    l'altritdel'autre,se

    l'assujettit

    et l'extrme

    parce

    qu'elletue l'autre.

    Maisen

    mme

    temps,

    cette violencedoitchouer

    face

    autrui.

    La violence du pouvoir

    et du comprendre

    heu rte dans

    autrui

    sur

    une

    limite absolue:

    ce

    qui

    prcisment

    faitl'autre

    comme

    tel chappe

    aupouvoir

    du

    sujetautonome

    7

    .

    Aussi, contre

    la violence

    de la comprhension, l'autre,

    selon

    le

    philosophe,opposeunersistance. Rsistancequinedoitpastre

    entendue comme

    violence mais

    qui tient plutt, au contraire,

    l'absencedeprotectiondel'autre.L'autre

    dans

    sa fragilit

    s'expri-

    me: tune

    tueras pas.Cette

    demande

    a

    la

    valeur

    d'un

    comman-

    dement.

    Larsistance

    la violence est

    une

    rsistance

    thique

    8

    .

    Or

    et

    c'est

    l

    que

    nous

    rejoignons

    le

    sujet

    de

    cette

    prsente

    contri-

    bution

    ,

    au sein

    de

    cettersistancethique, en dehorsde toute

    violence, s'exprimeune signification

    quin'mane

    pas de l'inten-

    tionnalit donatricede

    sens

    d'un

    suje tconnaissant,

    mais

    quivient

    plutt

    de

    l'autre.

    Ilnous

    f a u t

    mettre en relief ici ledpassement

    de

    la phnom-

    nologiehusserlienne

    9

    tellequ'onse la reprsentegnralement.

    En

    effet,

    chez

    le

    philosophe

    allemand,

    le

    sens

    est

    produit

    par

    un

    sujet.

    La

    subjectivit

    intentionnelle

    de la conscience se

    pose

    au com-

    mencement.Lorsque

    j e

    parle,

    j e

    suis l'initiative du sens.

    Con-

    crtement, onpeut

    penserau

    schmade

    communication

    metteur-

    rcepteur. L'unproduitdusenset l'envoie

    l'autre.La

    parole

    se

    dplace d'unpoint

    un autre,

    l'image du liquide dans l'exp-

    6 .

    E.

    LVINAS,

    Totalit

    e t

    Infini.

    E s s a i

    s u r

    l extriorit.

    La

    Haye,

    Martinus

    Nijhof f ,1971,p.70. Lvinas rejointainsiMauriceBlanchot,

    selon

    quiparler

    quelqu'un, c'est accepter de ne pas

    l'introduire

    dans le systme des choses

    savoir

    ou destres

    connatre,

    c'est

    lereconnatre inconnu

    etl'accueillir

    tran-

    ger,

    sans

    l'obliger

    rompre

    avec

    sa

    diffrence (M . BLANCHOT, L entretien

    infini,

    Paris, Gallimard,

    1969,p. 187).

    7.L.W ENZLER ,

    Postface... (cit s u p ra ,n. 4 ),p.161-162.

    8.Ibid.

    9 .

    Introducteur

    de

    la

    phnomnologie

    en

    F rance

    et

    cela

    mme

    avant

    Sa rtre ,

    E.

    LVINASsouligne en 1931 la vise dece mouvement:

    Phnomnologie

    signi-

    fie science des phnomnes.

    Tout cequi

    se

    donne,

    se montre, se dvoile

    notre

    regard,

    est

    phnomne.

    Mais alorstout est

    phnomne

    etchaquescience phno-

    mnologie Nullement.

    Ce

    qui

    se

    donne

    la conscience

    ne

    mrite le

    nomde

    phnomne

    que si on

    le

    saisit travers

    le rle

    qu'il j oue et

    la

    fonction

    qu'il

    exercedans la v ie

    individuelle

    et

    effective dont il estl'objet.Sans cela c'est

    une abstraction... La phnomnologie est conduite par

    la

    conviction que la

    significationphilosophique et

    dernire duphnomne

    est

    atteinte

    quandon

    le

    replacedans

    la

    v ie

    consciente,

    dans

    l'individuel

    et

    l'invisible

    de

    notre

    existence

    concrte(Lesim rvus...[cit s u ra ,n.2], .

    9 5 -9 6 ).

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    THIQUE

    ET SIG NIFIANCE 49

    rience

    des vases communiquants.

    Or cette

    prtention

    de

    la

    conscience

    se

    posercommeconstituante

    court

    le risquederame-

    ner l'altrit d'autrui

    et

    celle de

    toute

    ralit

    au sujet.

    En

    bref,

    d'enfermer

    l'Autre

    dans

    le

    Mme

    10

    .

    Inversement,

    ce

    que

    met

    en

    relief Lvinas, c'est un sens qui

    mane

    de l'autre". Nous avons a f fa i re

    alors

    un renversement

    radical.

    Ce

    sens

    12

    ,dans

    lequel

    l'autre

    s'exprime lui-mme

    et dans

    lequel il

    s'oppose

    vritablementcomme

    rsistance

    thique tout

    dsir

    desaisie,s'appelle le Visage.

    Ce

    Visagedel'autremeparle

    et

    exigede ma

    part

    unerponse'

    3

    .Necroyonspasqu'aveccette

    ide

    nous

    sortions

    du

    langage,

    registre

    de

    l'entendre,

    pour

    le

    registre

    du visible. LeVisage,

    chez

    Lvinas,

    ne

    renvoiepas

    une ralit

    plastique, un donn

    empirique, mais doit

    s'entendre comme un

    parler...Il signifie

    de

    parlui-mme.

    Ainsi,le

    Visage

    me

    parle, ilm'invoqueet

    mmemecon-voque.

    Et

    ce vocare, cet appel,

    m'invite

    une

    rponse'

    4

    .

    Rpondre

    autrui, rpondre d'autrui, incontestablement

    le

    l an g ag e

    se pose

    vritablement

    comme

    le

    lieu

    de

    l'thique.

    La

    relation

    qu'il instau-

    re

    est donc

    de

    l'ordre

    de

    l'interpellation.

    Cet autre

    qui j e

    m'adressereste

    dans

    sonhtrognitds

    lors que

    j e

    l'interpelle,

    mme

    sic'est pour

    lui

    dire que jenepuis

    lui parler,

    ou que

    je

    le

    classecommemalade, oubienpire,que

    j e

    luiannonce sa condam-

    nation

    mort.

    Paradoxalement, en

    mme

    temps

    qu'il se

    trouve

    violent,voirebless,ilest

    respec t .

    10. Cette

    approche

    de Husserl peut tre

    aujourd'hui

    n u a n c e g rce la

    connaisance

    de certains cri ts . Ainsi, dans une lettre adresse

    au

    philosophe

    polonais

    RomanIngarden,

    date

    du26mai

    1 9 2 9 ,

    Husserl

    a f f i r m equ'iln'est p a s

    satisfai t

    de

    la

    rdaction de

    son Introduction

    la phnomnologie.

    Ce

    texte

    f it

    l'objet

    de confrences

    prononces quelques

    mois auparavant en France (

    la

    Sorbonne),

    et

    que

    l'on connat sous le titre, traduit par

    L v i n a s

    lui-mme, de

    Mditations cartsiennes. Or ce sur quoi

    Husserl

    n'est pa s sa t isfai t concerne

    justement

    ce

    problme

    de

    l in te rsubjec t iv i t .

    Il semble

    alors

    possible que

    la

    critiqueselon

    laquelle,

    chez

    Husserl, la relation

    autrui

    ne

    seraitpas

    indispen-

    sable

    au su je t transcendantal appe l l e

    quelques nuances. Cf. J.-L.

    PETIT,

    Solipsisme e t intersubjectivit.

    Quinze

    l e o n s s u r Husserl e t

    Wittgenstein,Paris,

    Cerf,

    1996.

    11.

    E. LVINAS,

    Entre-nous...

    (cit

    supra,

    n. 5 ),

    p.

    44.

    12.Il

    n'est

    pas faci le

    de

    c lasser

    la

    terminologie

    de Lvinas. Cela dit,

    on peut

    noter

    qu'il d i s t ingue parfois la signification

    du

    sens.La signification est

    cultu-

    relle, contingente,

    relative.

    Lt

    le

    sens

    sera i t

    plutt

    orient

    vers

    la

    t r a n s c e n d a n c e .

    Autrement

    dit

    versl'absoludel'altrit.Nefaut-ilpas...distinguer,d'unepart,

    les significations, d a n s

    leur

    p l u r a l i s m e

    culturelet,

    d'autrepart,

    le

    sens, orienta-

    tion

    et unit de l'tre, vnement primordial

    o

    viennent

    se p l a c e r

    toutes

    les

    autresdmarchesde la pense

    et toute

    la

    vie

    historique

    d e l t re?

    (E .

    LVINAS,

    Humanisme d e l autre

    homme,

    Montpellier,Fata

    Morgana,

    1972,p.39).

    13. L. W N Z L E R , L e

    temps

    comme

    proximit de

    l'absent.

    Diachronie de

    l'thique et

    diachronie

    de

    la

    sensibi l i t, d a n s

    Cahier

    d e l Herne. Emmanuel

    Lvinas(cit

    supra,

    n.

    4 ) ,

    p.

    161-162.

    14.

    Cf.Fr. POCH,Dumal

    radical

    au

    respect

    d e

    l autre.

    P e n s e r

    avecArendtet

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    5/14

    5 0

    F .POCH

    Lorsque

    j'invoque

    une personne, jene l enferme pas sous une

    catgorie, dansun essaid'analyse,de conceptualisation (le Begrif f

    al lemanddonne entendre

    encoreune

    notion

    d'emprise...), mais

    je

    m'adresse

    elle.

    L'Autre

    n'est

    pas

    un

    objet ,

    il

    sort

    de

    mon

    emprise

    et, grce au langage,

    fait

    l'exprience

    de

    la

    justice, quel'on

    doit

    entendre

    ici

    comme cetabord de facedans le discours

    15

    .

    Ceuxqui

    essaient

    de maintenir

    un

    change de

    paroles

    avec

    des

    personnes

    devenues

    particulirement

    agressives,

    cause

    du

    senti-

    mentde rejet,

    d'exclusion

    par

    exemple,

    dans desquartiers dfa-

    voriss,

    des banlieues ,

    mesurent au

    quotidien l'importance de

    cette

    parole.

    La

    violence

    qui

    s'exprimeverbalement

    est

    celle

    qui

    commence

    entrer

    dans

    le

    registre

    de

    la

    raison.De par

    ce

    fait,

    elle

    amorce,

    d'unecertaine

    faon,

    un

    processusde

    sortie

    de la violence.

    LeDire et le

    it

    Lvinas

    opre

    une

    distinction

    entre

    leDit,

    situ

    dans le

    registre

    de

    l'information,

    du

    savoir,

    et

    le

    Dire

    qui

    exprime,

    pour

    sa

    part,

    le

    faitde ne

    pas

    simplement

    rester

    contempler

    le

    V isage,ma is de

    lui

    rpondre.

    Car,encoreune fois, ce

    n'est

    pasl'ordre de la connais-

    sancequiimporte ici, mais l'interlocution

    16

    . Le

    fait

    que

    la

    parole

    ncessite toujours un

    autre,

    une pluralit

    17

    .

    Le Dire prcde les

    signesverbaux.Antrieur

    aux systmeslinguistiques et aux

    cha-

    toiements smantiques avant-propos des langues , il

    est

    proximit

    de

    l'un

    l'autre,

    engagement

    de

    l'approche,

    l'un-pour-

    'autre,

    la

    signifiance

    mme de

    la

    signification

    8

    .

    En

    d'autres

    termes,

    comme

    Dit,

    le langage parle

    de quelque

    chose etexprime la relation de celuiquipane la ralit

    dont il

    parle, exprimant

    ce qu'il

    en

    est.

    Comme on parle

    pour dire

    quelque chose, viser

    unobjet"

    quelconque,

    le

    dialogue

    lui-mme

    apparatcommeune modalitduJe-Cea.Cequi ferait

    penser

    le

    rapport

    avec

    autrui

    dans

    le

    registre

    de

    la

    vrit

    et

    de

    l'objectivit.

    On

    se situerait,

    au

    fond, sur le plan du connatre. Dialoguer

    consisteraituniquement viser ensemble une vrit.

    M ais Lvinas

    propose d'entendrele

    langage

    commeunDire.On

    peut en effet, s'interroger: le

    langage

    serait-il fondu dans le

    Dit

    sanss'en diffrencier?Justement,

    non. Il

    s'agitplutt de penser la

    singularit

    de

    ce

    Dire.

    Certes,

    le

    langage

    dit

    ceci

    ou

    cela,

    il

    pose

    15.E.

    LVINAS,

    Totalit...

    (cit s u p ra ,n.

    6 ),

    p.

    4 3.

    16.Cf. ID., thique e t Infini,Pans,

    Fayard,

    1982,p.39 .

    17.Cf. ID.,

    Total i t . . . (cit s u p ra ,n.

    6 ),

    p.

    4 5 .

    18. ID., Au-del d e

    l e s s e n c e , dans

    Revue d e Mtaphysique e t d e Morale,

    Juillet 1970,

    n

    3,repris

    dans

    L i n t ri g u e

    d e

    l infini,

    textes

    de Lvinasprsents

    par M.-A.LESCOUR R ET,Paris,Flammarion,1994,p.139.

    19 .

    J'emploie

    ce

    terme

    au

    sens

    large

    du

    terme,

    c'est--direun

    obje t

    de

    conver-

    sation ou

    un

    objet de discussion...

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    6/14

    THIQUE

    ET SIG NIP IANCE 51

    uneralit,mais il dit en mmetemps toi, ils'adresse

    l'autre.

    LeDiredit Toi

    souvent sansmmeque le termene soitpro-

    nonc

    tout

    simplement

    cause

    de

    sa

    naturedediscours

    direct

    qu'il

    est

    ouauquel,

    en fin

    de

    compte,

    il

    a ppart ient

    20

    .

    Le

    Dire sesitueavant ledploiement dessignes, avantmme

    le

    systme

    des

    renvois,qui constitue une

    culture.

    Il estplusprcis-

    mentresponsabilitdel'un

    l'garddel'autre.Ondoit

    entendre

    leDire comme

    l'actepar

    lequel le sujet cessed'tre ce qu'il est,

    cesse

    de

    persvrerdans

    son tre,

    pourreprendre

    le

    clbrecona-

    tusde Spinoza

    21

    ,

    afind'exposer

    son tre

    mme.

    Et

    cette

    exposition

    desoi

    est

    uneprise

    de

    risque, un arrachement

    soi.

    Jem

    arrache

    moi-mme,

    mon

    tre-l,

    enme

    mettant

    en

    j eu

    en

    m'exposant

    l'autre, en

    medcouvrant

    commeon sedcouvre en ngligeant

    lesdfenses,

    en

    quittant l'abri,

    en

    s'exposant l outrage

    22

    .

    Enfin,

    autruine

    peuttre

    thmatis, car il peut

    toujoursporter

    secours

    sa parole,

    assistersondit par

    son

    dire,

    ddiresondit parun nou-

    veaudire.

    C'est

    donc

    bien lediscours oral

    qui

    est la

    plnitude

    du

    discours.Il

    n'y

    a

    pasde

    signification

    sansl'Autre

    quidit

    le

    monde,

    c'est--dire

    qui

    thmatis

    ce

    monde

    par

    son entendement

    et

    son

    langage,

    et

    le lieu

    de

    la signification

    estbien

    le langage...

    Sans la

    parole

    le

    monde

    est

    insens

    23

    .

    Nouscommenons mieux

    entendre

    cequ'ilen estde la

    philo-

    sophielvinassienne de

    la signifiance.

    Cettepense

    s'oppose

    la

    fois

    au

    structuralisme

    et une

    philosophie

    heideggrienne

    du

    lan-

    gage

    24

    .Expliquons-nous.

    Le

    structuralisme

    rduit

    la

    signification

    au

    registre du

    dit.

    Plus

    prcisment,ilneprend en compteque le rapport

    des

    signesentre

    eux,

    l'intrieur

    du

    systme.Cette dmarche

    vacue

    alors,celui

    quiparle,l'interlocuteur et

    la

    ralit

    laquelle

    renvoie

    le

    langage.

    Cela

    implique,

    pour lemoins,

    la non-prise

    en comptede la rela-

    tion

    diafogale

    instaure

    par

    le

    langage.

    Pour

    Heidegger,

    le sujet

    est

    absorb

    par

    l'tre (Greisch).

    L'homme

    est

    le

    berger

    de

    l'tre.

    Ce

    qui

    importe

    l'auteur

    de

    la

    Lettre s u rl humanisme, cen'estpas 1nomme,

    mais

    l'Etre.

    Et la

    librationdulangage des liens

    de la grammaire, en vued'une

    arti-

    20.

    E.

    LVINAS,

    Hors

    Sujet,

    Montpellier,

    FataMorgana,

    1987,p.49-50.

    21.

    Spinoza

    identifie

    l'essencede

    l'humainpar

    cettepuissance

    d'trecommune

    et

    fondamentalecheztout

    individu,etqui

    consiste

    persvrer dansson

    tre.

    Cet

    effort

    (conatus)

    vers

    l'autoconservation

    est

    une

    dimension

    essentiellede

    la

    nature

    deschoses.Or, sinous

    prenons

    comme

    chose

    l'esprit

    del'homme,

    nous

    voyons

    qu'iltendde

    faonconsciente

    durer

    indfiniment.Et

    d'autre

    pan,

    il n'accepte

    pas l'ide

    de

    la

    destruction

    du corps dont

    il

    est l'ide. Cf. SPINOZA, L thique.

    Deuxime partie,proposition

    VI,

    Paris,Gallimard,

    1 9 5 4 ,

    p.156.

    22. F R . AUBAY, LeDirecomme dhiscence de la

    subjectivit,

    dans

    Emmanuel

    Lvinas.

    L thique

    comme

    ph i l o s o ph i e

    premire.Actes

    du Colloque

    de

    Cerisy-la-

    Salle,dit. J. GREISCHetJ. ROLLAND,

    Paris,

    Cerf,1993,p.4 13.

    23.G. BAILHACHE, L e s u j e t . . . (cit s u p r a ,n.1),p. 86 .

    24 .

    C f.

    J.

    G R EISCH,

    L g e

    hermneutique

    d e

    la

    raison,

    Paris,

    Cerf,

    1985 ,

    p.

    2 5 3-25 4 .

    Ces quelques pagessont par t iculirementclairantes.

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    7/14

    52 F.POCH

    culation plusoriginelle

    deslments, estrserve la pense et

    la posie

    25

    .

    En

    opposition

    l'un

    et l'autre,Lvinas

    tient

    la responsabilit

    comme

    fondement

    mme

    de

    la

    signifiance.

    C'est

    la

    sincrit

    du

    dire, j amais

    galepar le

    dit,qui

    fait

    signevers la signifiance elle-

    mme,autrement

    dit, elle

    instaure la 'donationdesigne'

    antrieur

    toutedonationde

    sens

    26

    .

    Enfin, la dmarchedeLvinasconsistegalement marquerune

    distance notoire

    l'gard

    des

    sciences

    humaines. Car selon lui,

    non

    seulement

    le

    marxisme,

    mais

    toute

    sociologie

    et

    toutepsy-

    chanalyse,

    tmoignentd'un

    langage

    o

    le

    principal

    ne

    rside

    pas

    dans

    ce

    que

    les

    mots nous enseignent, mais dans

    ce qu'ils nous

    cachent

    27

    . Le philosophe ragit vivement en a f f i rmant , qu'au

    bout du

    compte,

    personne n'coute ce que vous dites; tout le

    monde souponne derrirevosparoles du non-dit, uncondition-

    nement, une

    idologie

    28

    .

    Le danger est de toujours chercher ce

    qu'il

    y a

    derrire.

    Le

    sociologue cherche les lois

    sociales

    aux-

    quelles

    obissent

    les

    clins

    d'il

    et

    les

    sourires

    d'autrui;

    le

    philo-

    logueoul'historiencontestent chacun jusqu au pouvoirmme

    d'tre

    l'auteur

    deson

    discours.

    Ce

    n'est

    pas uniquement la

    paro-

    leque dmolissent l'histoire

    ou

    la psychanalyse,mais aussi le je .

    Lapsychanalysejetteunesuspicion fonciresur le tmoignage le

    plusirrcusable

    de la conscience de soi

    29

    .

    Je

    rsiste

    pour

    ma

    part

    une

    tellecritique.

    Car,

    aucontraire,les

    sciences

    humainespeuvent

    contribuer

    mieux

    comprendre

    et

    mieux

    entendre

    l'autre

    30

    .

    De

    plus,

    on

    pourraitd'ailleurs

    se

    demander

    si

    le concept produit

    toujours, ncessairement,

    une

    rduction

    au

    Mme.

    Cela

    dit,

    Lvinas

    nous aide

    nepas

    tomberdans

    lepan-smiologisme

    de

    25 . M. HEIDEGGER, Lettre

    s u r

    l humanisme, 1946, reprise dans ( Q u e s t i o n s

    I I I ,

    Paris,

    Gallimard,1966,p.75.

    26 .J. GREISCH

    marque, pour

    sa part, u n e distance vis--vis

    de

    la position

    de

    Lvinas.

    Selon

    lui, en effet ,

    l'accusation

    contreHeideggerpourrait tonner,dans la

    mesureo

    la

    pense heideggerienne

    du langage

    cherche

    prcisment

    s'orientersur

    unDit

    antrieur

    toute

    communication,

    la voix mmedel'tre

    voix

    du silence

    (Gelant d e r

    Stille)

    ,Dit

    essentiel

    ( S a g e )o le langage

    se

    par le

    lui-mme seul

    seul.Il

    est

    indniable

    quecette

    approche

    ouvre uneproblmatique

    du

    dire

    etdu

    ne

    pas dire

    Le

    dire

    pensant suprme

    consiste

    ne

    pas

    simplement

    passser sous

    silence

    ce

    quidoitvritablementtredit,

    mais

    ledired'unefaontellequec'estditdans le

    non-dire: ledirede la pense

    est

    un

    taire...

    C'est cedire-l

    qui

    correspond

    galement

    l'essence

    la

    plus profonde

    du

    langage,

    qui a

    son

    origine

    dans

    le silence

    (L ge

    hermneutique...

    [cit

    s u p ra ,

    n.

    24] ,

    p.253-254).

    27.E.

    LVINAS,Difficile

    Libert,

    Paris,

    Albin

    Michel,

    1963,1976,

    p.

    266.

    28. ID., Du

    s a c r

    ausaint,Paris,Minuit,1977,p.

    108.

    29.Cf.

    ID.,Entre-nous...

    (citsupra,

    n.

    5),

    p.

    34.

    30.

    Cf.

    Fr. P O C H ,

    La

    linguistique,

    une c o l e four

    la

    rencontre

    d e l Autre.

    Regardet

    ouverture

    philosophiques

    s u r

    l e s s c i e n c e s

    du langage,

    dans

    Philologie,

    n6,1995,Senda(Japon),

    p.

    19-37.

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    8/14

    THIQUEET SIG NIF IANCE 5 3

    certaines

    thories

    3

    ', ou

    dans

    une saisie totalisante

    de

    l'homme,

    ncessairement

    ngatr ice

    deson

    irrductible

    altnt.

    3

    Parole e tcitoyennet

    Nous

    avons

    voquprcdemment l'importance

    de l'autre,

    du

    Visage ,

    commelieude la

    signifiance.Mais

    onnedoitpasoublier

    galement le tiers, le

    sans-visage,

    celuique j ene rencontre

    pas

    dans ma vie quotidienne et qui

    pourtant

    me

    regarde.

    Avec

    Lvinas, la paroledploiegalement

    une

    dimensionsociale.

    Chacun

    est

    appel

    devenir

    un

    citoyen

    de

    la

    parole

    32

    .

    En

    effet ,

    laparolepersonnelle, la parolepropre, celle

    qui

    s'exprimeenson

    nom,ose exercer

    sa

    libert sans se

    rfugier

    derrireune autorit

    reconnue

    par

    des

    institutions

    ou bien

    des h a b i t u de s mentales,

    pour

    s'adresser

    l'autre comme

    tel. Lapertinencede

    la

    paroleper-

    sonnelle

    nedpend

    pas

    de

    l'adaptation du

    discours

    aux

    conditions

    conventionnelles du succs

    ou

    de

    l'chec

    d'une

    intervention

    verbale.

    La

    parole

    propre

    se

    s i tue

    au-del

    du domaine

    des

    signifi-

    cations

    objectivement

    tablies.

    Elle

    se pose comme

    l'expression

    mmedu su je tcomme force de

    rupture

    et

    comme

    ouverture

    un

    sens

    quel'onneprvoyait

    pas.

    Cetteforcederupturemiseen relief

    par

    Lvinas

    dans

    la

    parole

    propre sesitue

    sur

    un autre registre quecelui

    des

    relationspr ives.

    Onpeut, la limite,supposerqu'unesocit

    totalitaire

    admette

    la

    possibilit

    de

    la

    relation interpersonnelle,

    condition

    que

    celle-

    ci

    ne

    secompromette

    pas

    dans la

    v ie publique

    etqu'elle

    soit

    tout

    moment contrlablepar

    l'tat.

    Mais

    ledfi

    lanc

    par

    la 'libertde

    parole'concerne l'entrede la parolepersonnellenon seulement

    dansl'existence prive

    mais

    dans la

    v ie

    publique.

    Unesocit

    dans

    laquelle les institutions confisquent

    le

    discours reconnu comme

    pertinent etlgitime estun

    mondesans

    parole

    33

    .

    Dans

    une soci-

    t

    tente par

    le

    totalitarisme,

    tout

    est

    prsum

    pouvoir

    tre

    dit

    par

    les institutions qui se font entendre

    travers

    leurs porte-parole

    officiels

    34

    .Alors, la parole

    propre

    qui se

    risquedans

    l'espacesocial

    devient unevritable

    parole citoyenne.

    31.Afindenuancerl'apparente radica l i t

    du

    proposde Lvinas,

    on

    peut lire

    la

    contributionparticulirementintressante de

    P.-L. ASSOUN, Le

    su je t

    et

    l'Autre

    chez Lvinaset L a c a n ,dansRue Descartes.7.

    Logiques

    d e l thique,di t .P.-J.

    LABARRIRE

    etJ.R OGOZ INSKI,

    Paris,

    AlbinMichel, 1 9 9 3 ,p. 123-145 .

    32.

    Cf.

    Fr. POCH,

    L homme

    et s on langage. Introduction la

    linguistique,

    Lyon, ChroniqueS ociale,1993.

    33.

    P .

    HAYAT,EmmanuelLvinas,thique

    et

    socit,Paris, K i m ,

    1995,p.

    44-

    45.

    34

    E

    L V I N A S Difficile

    l ibert

    cit

    par

    P .

    H A Y A T

    dans E m m a n u el

    L vinas .

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    9/14

    5 4 F .

    POCH

    4 Signifiance e tcritique du

    dialogue

    socratique

    Revenonsmaintenant l'ide qui

    consiste

    penser la signifian-

    ce

    partir de l'autre.Etnotonsque

    cette position

    n'est pas sans

    incidences

    concrtes.

    Nous

    mesurons,

    en

    effet,

    l'enjeu

    d'une

    telle

    approche,notamment

    pour

    une

    philosophie

    du dialogue.Jepense

    principalement la possibilit qu'elle offre de dpasser une d-

    marche

    de

    dialogue

    inscrite dans le sens de la maeutique socra-

    tique. Dmarche quiconsiste

    faire

    sortir de soi une

    vrit dj

    contenue

    l'intrieur

    de soi.Car dans le dialogue telquenous

    le

    trouvons chez

    le

    philosophe

    grec,

    le sujet

    n'a rien

    recevoir

    d'autrui,

    sinon

    ce

    qui

    est

    dj

    en

    lui.

    Comme

    si

    depuis

    toujours

    chacun

    possdait

    cequi

    lui

    vient

    dudehors.L'autre

    serduit

    alors

    un

    simple

    rvlateur

    35

    .

    Or

    Emmanuel Lvinas

    se

    situe bien autrement. Selon luil'es-

    sence

    de la

    parole

    se

    tient dans

    la

    rponse qu'ellesuscite.

    La

    paro-

    le est vraielorsqu'elleprocde de larelation

    Je-Tu

    etquand elle

    accomplit la rciprocitde larelation en suscitant la rponse et

    en

    instaurant

    la

    personne

    singulire

    seule

    capable de

    donner

    rpon-

    se

    36

    .Ainsi, la relation

    privilgie

    du Je avec l'autretient

    dans le

    face

    face de

    la conversation, oupeut-treplus prcisment du

    dialogue.

    Car dans

    cet

    change

    verbal,

    thique

    de

    part en part,

    j'accueille

    ce

    quivient

    moide l'autrepluttquejeneprojettesur

    l'autrecequi

    existe

    dj

    en

    moi

    soit

    comme besoin,

    soit comme

    ide,

    soit comme fantasme.

    L'interaction

    verbale

    est dfinie

    ainsi

    comme

    un

    vritable

    enseignement

    quinous

    donne

    un

    sens

    de

    l'ex-

    trieur etquiparconsquentn'est

    aucunement

    rductible

    une

    maeutique

    37

    .

    La prioritdonne l'autre,dans

    sa

    radicale

    extrio-

    rit,

    altrit,ouvre deshorizonsbeaucoup

    plus

    fconds.

    II.-

    Vers

    un

    personnalisme

    d e

    contextualit

    1 Approche

    dialogique

    de lasignifiance

    Essayonsmaintenant

    de

    prendreune

    certaine distance

    critique

    par rapport

    la philosophie de la signifiance propose

    par

    Emmanuel Lvinas. Je rsiste,

    pour ma

    part,

    une

    formule qui,

    insistantsur

    l'asymtrie

    dans

    le

    rapport

    l'autre,

    ne

    met

    pas

    assez

    la

    rciprocit interlocutive au cur

    mme de

    la production

    de

    parole.

    La philosophie de la

    signifiance

    dveloppe ic i

    mrite

    35 .

    ID., Total i t . ..

    (cit su p ra ,

    n.

    6 ),p. 14 .

    36 .

    ID.,

    Noms Propres, Mon tpellier,

    F a ta Morgana, 1976,p.

    34 .

    37.

    R.

    KEARNEY,

    Postmodernisme

    et

    imagination

    thique, dans

    Emmanuel

    L v i n a s . . . (cit

    s up ra ,

    n.

    22),

    p.35 9.

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    10/14

    THIQUE

    ET S IG NIF IANCE 5 5

    d'tre retravaille dans le sens

    de la

    dialogique transcendantale

    inaugure

    parlephilosophede

    la

    communicationFrancis Jacques.

    L'ide

    consiste

    pousser

    plus

    fond la

    notionde

    structure

    dialo-

    gale

    de

    la

    parole.

    Reprenons, cet

    gard,troisdimensions

    de la

    thorie

    gnrale

    des signes

    dveloppe

    par

    Morns.Cephilosopheamricain,n au

    dbut

    du

    sicle (1901),

    distingue

    l'intrieur de la smio

    tique,

    l'tude syntactique, qui

    s'intresse la

    relation des signes

    entre

    eux, l'tude

    smantique,

    qui concerne la

    faon

    dont le signe

    dsigne, et

    enfin,

    la pragmatique qui se proccupe du rapport

    entre

    les

    signes

    et

    ceux

    qui

    les

    interprtent.

    Repartant de

    ces

    trois

    distinctions, Fr.Jacques repense

    nouveauxfrais

    une

    thoriede la

    signifiancequi

    prend

    sesdistances avec

    Husserl

    d'une

    part

    et avec

    Lvinas de l'autre

    38

    . Des catgories prcdemment exposes, il

    retire troistermes leur

    correspondant

    respectivement: diffrence,

    rfrence,

    interlocution. L'articulation

    de ces trois

    dimensions

    forme la signifiance.

    a La

    dimension

    syntactique oul ordre

    de

    ladiffrence

    Ellepense l'articulation entre

    les

    diffrents signes.Ellecorres-

    pond

    au fond

    l'approche structurale qui vacue la

    chose

    vers

    laquellerenvoie le

    langage

    (rfrent),celuiqui

    parle

    (sujet) et

    celui

    avec

    quil'on

    parle(interlocuteur).

    Onprivilgie ici

    la

    fois

    l'arti-

    culation

    entre

    le

    signifiant

    et

    le

    signifi

    (qui

    forme

    le

    signe)

    et en

    mmetemps

    les

    rapportsentre les d if frents

    signes

    l'intrieurdu

    systme.

    Exemple. Ds lors que l'on connat le franais,

    on

    peut com-

    prendre

    aisment,sanssavoirqui

    parle

    etdans quel

    contexte,

    cette

    phrase:

    Le

    chapeau

    de Paul est pluspetit

    que

    celui

    de

    Pierre.

    Ellepossde doncunesignificationparce quel'organisationdes

    mots entre

    eux

    (ou

    signes)

    respecte

    une

    certaine

    rgle

    propre

    au

    systme

    de la langue f ran aise.Alors

    que

    la phrase:

    Pierre

    petit

    le

    estplus

    chapeauqueceluide

    Paul

    n'estpas

    comprhensible.

    b. La dimensionsmantiqueoul ordre d e la rfrence

    Elleconcernela dimensionsmantique,au sensdes

    smanticiens

    amricains,

    c'est--dire

    l'ouverture

    du

    mot

    (signe)

    autre

    chose

    que lui-mme. Ici,

    signifier

    consiste ncessairement utiliserun

    signe

    pour

    renvoyer unsens propos

    d'uneralit

    (chose,v-

    nement...).

    On

    parle

    alors

    du

    rapport

    entre lesenset la rfrence.

    38 .

    Cf.

    Fr.

    JACQUES,

    D i f f re n c e e t

    su b j e c t i v i t . A n t hr o p o l o g i e

    d unpoint

    d e

    vue

    relationnel,

    P ar is ,

    Aubier

    Montaigne,

    1982,

    ainsi

    que De l a ,

    s i g n i fi a n c e ,

    dans

    Von.aoUat f nr .

    A -/ 0IQO-7 1

    1 70

    110

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    11/14

    5 6 F.

    POCH

    Exemple.Je

    puisdire le papeoul'vquedeRome, il

    s'agit

    de sens diffrents qui renvoient

    une seule

    et mme rfrence:

    Jean-PaulII.

    c

    Ladimensionpragmatique

    ou

    l ordre de

    l interlocution

    Elle

    marque l'ide

    f o n da m e n t a l e selon laquelle l'tre

    humain

    signifie

    toujours

    avec

    quelqu'un.

    Intervient,

    alors,

    la

    notion

    fconde

    de

    co-signifiance. Nous sommes ensemble producteurs

    du

    sens de la parole

    que nous changeons.

    On parle

    alors

    des

    conditions

    dialogiques

    la

    parole.

    En

    d'autres

    termes, chacun

    connat le contexte verbal et

    non

    verbal

    de

    la communication

    39

    .

    Cette

    connaissance

    prend en compte: la propre identit de celui

    qui parle;

    l'identit

    du

    partenaire;

    les

    nonciations dj

    faites;

    tout

    l'arrire-pland'informationprsumcommun.

    Defaonfondamentale,

    on

    peutdire

    que

    chaquepersonnequi

    s'exprime ne dtermine pas la forme de ses

    noncs

    en

    tenant

    compte

    de

    la

    seule

    information

    qu'elle

    cherche

    communiquer

    ou

    obtenir. Elle repart de conjectures, d'ides qu'elle

    se

    fait des

    croyances

    et des

    connaissancesquedtientsonpartenaire.

    Cette

    approchen'estd'ailleurspastrangre Lvinas,mais elle

    radicalise te propos: j eneparlepas

    l'autre j e

    parle aveclui. La

    relationprcde l'acte

    de

    parole.

    La

    notionde co-signifiance ou

    d'initiative smantique partage

    inaugure par Francis Jacques,

    implique

    une

    co-responsabilit

    du

    sens

    dansune

    articulation

    de

    la

    diffrence,

    la

    rfrence

    et l'interlocution.

    Nous

    sommes

    produc-

    teurs, moi avec l'autre,duprocsdesignifiance.

    La corrlation

    contexte

    e ttemporalit

    Mais le

    problmen'est

    paspour

    autant rgl, ca r

    il

    manque la

    dialogique

    transcendantale

    une

    philosophie

    de

    la

    temporalit.

    On

    ne

    peut,

    en effet ,rduire le suje tparlant un

    simple

    e go

    commu-

    nicans. Les

    pragmaticiens

    issus de la philosophie analytique

    avaientpour

    leurpart, d j ,

    oubli

    cettedimension.Une

    philoso-

    phie

    de

    la signifiance

    articule

    une thorie

    de

    la temporalit

    semblepourtantncessaire.Prenons

    un

    exemple.

    Une

    dame

    d'un

    certain ge

    est la mred'une

    f e m m e quirside

    dans

    unpays

    tranger.

    Cette

    j eune

    f e m m e est

    rapatrie pour

    une

    opration chirurgicale

    importante. Suite

    l'opration, le mari

    rest l'trangertlphone:Mercide

    l'hberger

    chezvous.

    C'est normal,

    rpond

    la mre,

    on

    n'abandonnepas ses

    enfants.

    Cetterponse

    ne semble pas

    poserdeproblme en terme

    de

    signi-

    39.

    Fr.

    JACQUES

    Duhaques

    r e h e r h e s l o g i q u e s

    s u r le

    d ialogue

    Paris

    P.U.F.

    1979. .139.

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    12/14

    THIQUE

    ET

    SIGNIFIANCE

    5 7

    fication.

    Or,

    lelendemain, ce t tedames'explique: Jelui a i

    dit

    cela,

    car, il y a unequinzaine d'annes,

    il

    nous

    avait

    reproch

    d'avoir

    abandonnnotre

    fille. Cette

    illustration permet

    de comprendre

    que

    le

    sens

    d'une

    parole

    ne

    peut

    parfois

    se

    dployer

    dans

    toute

    sa

    densit qu'en rapport avec le temps

    40

    .

    Au

    niveau d'une

    prise

    en

    compte

    dela

    temporalit,nonseulement les

    rflexionssur

    la

    nar-

    ration

    mesemblent

    fondamentales,mais

    galement

    lesabondantes

    recherches

    enpsychanalyse.

    Il devient alors primordial de s'interroger sur la mfiance de

    Lvinas vis--vis des

    sciences

    humaines. Lorsque l'on coute

    l'autre,

    le

    dsir

    de

    comprendre

    n'est-il

    pas

    souvent

    ncessaire

    a f in

    demieux

    le

    respecter?Defaontrsconcrte,dans

    l'accompagne-

    mentdepersonnes

    en

    finde vie,ou dans la proximit

    avec

    desper-

    sonnesmalades,voireendtressesociale,

    fa

    comprhensiondece

    qui

    se

    dit,parfois

    mme l'insu du sujet,

    ne

    devient-elle

    pas

    un

    outil fondamental

    pour

    une plus

    grande

    prise en compte

    des

    attentesdel'autre?

    Nous

    mesurons

    ici

    que

    la

    thorie

    de

    la

    s ignif iance

    s'articule

    unephilosophiedu

    su je t

    parlant.Proposons alors deparlerd'un

    suje t

    de

    contextualit.

    Ds

    lors que quelqu'un

    parle, il se

    trouve

    en

    situation.

    Aussi le sens,danssonpaisseur,

    sa richesse, sa

    densit,

    se

    dploie

    partir

    d'uncontexte

    4

    '.Toutefois la contextualit

    ne

    se

    rduit pas

    au

    contexte, elle intgre galement l'histoire du su je t

    parlant comme tre inscrit

    dans

    la temporalit en corrlation

    avec

    le

    contexte

    ,

    la

    langue

    comme structuration

    smiotiqueet

    enfin

    l'inconscient.Je classe ces trois dimensions sous le

    registre

    dusub-contexte.

    Dans ce

    sens

    il s'agitdedployer la

    rflexion

    dePaulRicursur

    l'identit.

    Cedernier, comme chacun

    sait,

    articule

    l'idem

    etl'ipsi-

    tavec

    l'identit

    narrative.

    La

    premire secaractrise par la mme-

    t et la secondeprend pourparadigme

    la

    f idlit. Le

    philosophe

    souligne

    cet

    effet

    qu'une

    chose

    est

    la

    persvration

    du

    caractre

    et

    uneautreest la persvrancede la f idl i t la parole

    donne

    42

    .

    Enfin,

    le

    troisime

    typed'identitpermet,par lesrcitsque le sujet

    4 0 .Je classe cetyped'exemple,

    comme

    celui

    voqu

    plus h a u t ,dans

    la

    catgo-

    rie des actes

    de

    langage temporels. Cf. cet

    gard,

    Fr. POCH, Sujet,parole e t

    exclusion.Une

    philosophie

    d u

    sujet

    parlant,Paris,

    L'Harmattan,

    1996.

    4 1.

    Prcisons

    que

    ce

    t e r m e

    ne

    se

    confond

    pas

    avec

    le

    co - tex te

    (BarHillel),

    a u t r e m e n t d i t,

    l'environnement l inguis t iquepour

    parlercomme

    les

    s t r u c t u r a -

    listes

    amricains

    mais

    doit se

    comprendre

    comme ce q u i

    prs ide au

    sens.

    E. LVINAS cet effet a f f i rme que saisir par

    inventa ire

    tous

    tes contextes

    du

    langage

    et

    des

    positions o

    p e u v e n t

    se trouver

    les

    in te r locuteurs , estuneentre-

    prise

    insense [Humanisme... [cit

    supra. ,

    n.

    12],

    p.

    20) .

    Celadit,

    il

    me

    semble

    que sansprtendre

    l'exhaustivit,

    une cer ta ine

    typologie

    es t possible.D'autre

    part,

    cen'estsansdoute pas t an t la

    possibilit

    de c lasser

    les

    d ivers contextesqui

    est

    importante ic iquede

    les

    pensercommeunedimension

    de

    l'identit

    du

    su je t ,

    comme

    nous

    allons

    le

    voirun peu

    plus

    loin.

    4 2. P . R IC U R ,Soi-mmecommeunautre,P a r is ,

    Seuil ,

    1990,p. 148 .

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    13/14

    5 8 F.

    POCH

    entend

    ou

    ralise,

    de

    faire

    ensorte

    qu'il

    n'y

    a it

    pasd'unctl'iden-

    tit

    abstraite du mme,

    et

    de l'autre l'exprience

    quotidienne

    du

    changement,de la mutation,

    ma is

    bien

    l'interprtation des deux

    4 3

    .

    Proposons

    de

    complter

    cette trilogie

    par

    la

    notion d'identit

    de

    contextualit. Je reprends, cet gard,une

    illustration

    analyse

    prcdemment

    44

    ,

    afin de montrer le caractreconcret d'une

    telle

    dmarche.

    La

    scne

    sepasse la fin

    des

    annestrente.

    Franoise,

    une

    petite

    fille

    juive,

    parle

    leyiddishcommesesparents.Mais

    pro-

    gressivementelle

    a appris le

    franais;dans la

    rue,

    tout

    simplement

    aucontact av ec lesmarchands

    et

    lesenfantsdesonge.

    Unjour

    la

    guerre commence.

    Franoise

    va

    devoir

    se

    sparer

    de

    sa

    mre,

    puis

    de son pre

    qui

    sera dport

    du

    camp deBeaune-la-Rolande

    Auschwitz enaot 1 9 4 2 .

    Dans

    la tourmenteexterminatriceo

    il

    fallait

    se

    mfier de tout,de tous jusque de son ombre

    soi,

    j a i

    perdu

    le

    yiddish,ma

    langue

    m aterneUe, enl'oubliantillicosous le

    rgime

    de

    V ichy ,

    enjanvier 1943...

    Je

    nepensais nine

    rvaismme

    plus

    enyiddish,

    mais

    ducoup

    j e

    ne

    pouvaisplus pleurer.

    Le

    temps

    passe.

    Et,

    un

    jour,

    Franoise

    retrouve

    sa

    mre.

    Mais

    malheureusement ellenepeutplus

    lui

    parler.Son

    yiddish

    est en

    exil... Plusieurs semaines d'efforts, avec une

    inscription

    des

    cours d'hbreu n'y font rien.Et

    pourtant,

    un

    soir,

    alors

    que

    la

    mre

    de Franoisefredonneunechansontraditionnelle

    et

    cherche

    tout coupsesmots,la petite

    fille poursuit

    sa place.Et

    les

    larmes

    reviennentalorsqu'ellestaientretenues depuisvingt

    et

    unmois...

    Cette

    histoire

    clairemonpropos.

    La

    langue reste

    constitutive

    de

    l'identit

    du sujet,

    mais

    pas

    elle

    seule.

    Cette

    petite

    fille,

    qui

    depuis exerce

    le mtier

    delinguiste

    s'tait

    oublieelle-mme, elle

    avait

    vacu

    ce

    qui constituait

    son

    identit. Et

    pourtant cette

    langue contenantenquelquesorte seslarmes

    , lui

    revient

    un

    jour. Comment?

    Le

    retour de sa mre ne suffitpas.

    Les

    cours

    d'hbreu non

    plus.

    Mais

    alors

    quoi?

    Une

    simple

    chanson.Ce

    qui

    la

    fait

    retrouver

    son identit,c

    est

    la

    langueprofre paruntre

    cher

    (sa mre)etrenvoyant

    une

    forme

    devie.End'autrestermes,

    il

    s'agit

    du

    re-surgissement

    d'uneparole

    voquantun

    contexte,

    un

    monde, une

    inscriptiondans la

    temporalit.

    Voi l ceque

    j'essaiedepenser enparlantdecette

    dimension

    de

    l'identit.Lecontextene se

    rduit

    unedimension pistmolo-

    giquedont onpeut risquer

    une typologie,

    il

    se

    pense

    galement

    comme

    une

    dimension

    ontologique.

    Diverscontextesde

    commu-

    nication accompagnent

    unsujet

    humain aucours

    de

    son

    existence

    et

    lui collentvritablement la peau.Unedernireillustration ce

    propos. Une personne racontait, un

    jour,

    que l'estrade

    et

    le

    tableau

    avaientfonctionndurant

    toute sa scolaritcomme

    le lieu

    du non-savoir.

    Or, devenue

    enseignante,

    cette personne

    remar-

    43.

    J. G R E I S C H Penser l erci t ,dans Esprit,a 212,1986,

    p.

    155.

  • 7/24/2019 348-thique+et+signifiance.+De+Lvinas++un+personnalisme+de+contextualit

    14/14

    THIQUEET SIG NIF IANCE 5 9

    quait

    que

    lorsquedans

    certains

    cours elle se trouvait

    place

    dans

    unmmecontexte

    sa parole

    en tait

    affecte.

    Apprhender

    la

    question

    de la signifiance

    en

    prenant

    en

    compte

    une

    nouvelle

    philosophie

    du

    suje t

    parlant

    renvoie

    ncessairement

    uneautreposture

    thique. Emmanuel

    Lvinas

    nous

    invite pen-

    serque l'autren'est

    pas

    tant

    connatrequ'

    reconnatre.

    Mais il

    me

    semble,

    la lumire de ce

    qui

    prcde,

    qu'il

    ne

    f audrai t

    pas

    oprer

    une

    dichotomie entre lesdeux.Apprendre,nonseulement

    couter l'autremais

    l'entendre

    45

    ,peut

    ouvrir

    unplus grand

    respect.

    B i e n

    sr,ilne

    s'agit

    pas

    d'entendre

    le

    sens

    qui

    se

    dit

    pa rfois

    l'insu

    du sujet ,

    avec l objectif

    d'enfermer

    autrui

    dans descat-

    gories

    conceptuelles.

    Cela bar rera i t sa

    singularit, son altrit.

    La

    vise consiste plutt

    mieux

    faire face

    l'enjeu

    thique

    qui se

    manifestepar leprocs

    de signifiance.

    F-49008

    Angers

    Cedex

    01

    Fred

    POCH

    3, placeAndr

    Leroy-B .P .

    808

    Facult de

    thologie

    Univ.

    Catholique del'Ouest

    Sommaire.

    Un premier

    mouvement

    de cette contribution

    consiste

    porterson attentionsur

    le

    procs

    de

    s ignifiance en

    l'articulant

    avec

    la

    notion

    de

    souci

    del'autre

    mise

    en

    relief pa rLvinas.Undeuximemouvement

    pro-

    pose une

    certaine

    distance

    critique

    en

    reprenant

    ce

    questionnement

    partir

    de

    la dialogiquet ranscenda nta le inaugure

    par

    Francis

    Jacques.

    Mais ils'agit

    galement de

    prendre en compte,

    de

    f aon radicale, la

    corrlation entre

    le

    contexte et

    la temporalit

    oublie

    par les

    pragmaticiens. En d'autres

    termes, cette tudemontreque

    le

    contexte

    ne

    se rduitpas cequipermet

    le

    sens:

    il

    contribue construire

    l'identit

    d'une personne. Chaque tre

    humainintriorise les

    d i ffrents

    contextesdecommunication

    d a n s

    lesquels

    il

    s'esttrouv au

    cours

    de sa vie.

    Les

    incidencesthiquesde cepersonnalis-

    me

    de

    contextualit,

    ne

    sont

    pa s

    ngligeables.

    Summary. Th

    A. f irstfocuses hisattention on

    th

    process

    of

    signifi-

    cance,

    ar t iculat ing itwith

    th

    concept of care

    for

    th

    other

    emphasized by

    Lvinas.

    He then proposes certain rservations, re th inking this problem

    from

    th

    dialogique

    t r anscendanta le

    ini t iated

    by

    Francis Jacques. At th

    same

    time,hehas

    to

    t ake

    into

    account,in a radical way,

    th

    corelationbet-

    weencontext

    and temporahty

    (a temporahty

    forgot ten

    by

    th

    p ragmat i -

    cians).

    In

    other

    words,

    this

    study

    shows

    that

    th

    context

    is

    not

    confined

    to

    whatallows

    th

    meaning;

    it

    contributesto

    building thidentity of a person.

    Everyhuman being

    intriorises

    th

    various

    contexts of communication in

    which

    hehasfound himself inthcourse

    of

    h is existence.

    Th

    ethical

    inci-

    dences

    of

    that

    personnalism of

    contextuahty

    a re

    not

    insigmficant .