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21 3.2 L’analyse d’ADN et la génomique Maintenant que l’on dispose de techniques de préparation d’échantillons homogènes d’ADN contenant un grand nombre de segments identiques d’un génome donné, on peut commencer à poser des questions de grande portée. Supposons que l’on ait cloné un segment d’ADN ayant un gène humain intéressant. - Celui-ci varie-t-il d’une personne à l’autre ? - Certains de ses allèles sont-ils liés à une maladie héréditaire ? - Où et quand est-il exprimé dans l’organisme ? - Quel est son emplacement dans le génome ? On peut également aborder la question sous l’angle de l’évolution et tenter de savoir comment le gène varie d’une espèce à l’autre. Pour apporter des réponses complètes à ces questions, il faut connaître toute la séquence nucléotidique du gène et de ses équivalents chez des individus de la même espèce ou d’espèces différentes. Il faut aussi connaître les séquences nucléotidiques de génomes entiers pour pouvoir étudier des ensembles complets de gènes et leurs interactions (une démarche appelée génomique). En outre, l’ADN cloné peut être analysé par des méthodes plus indirectes permettant d’obtenir rapidement des informations utiles à des fins de comparaison. La plupart de ces méthodes, ainsi que le séquençage de l’ADN, peuvent s’appuyer sur une technique appelée électrophorèse sur gel. Cette technique, présentée à la figure 14, consiste à séparer des macromolécules (que ce soient des acides nucléiques ou des protéines) en fonction de leur taille, de leur charge électrique et d’autres propriétés physiques. La séparation des molécules linéaires comme l’ADN se fait surtout Figure 14 : Electrophorèse sur gel de macromolécules

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3.2 L’analyse d’ADN et la génomique

Maintenant que l’on dispose de techniques de préparation d’échantillons homogènes d’ADN contenant un grand nombre de segments identiques d’un génome donné, on peut commencer à poser des questions de grande portée. Supposons que l’on ait cloné un segment d’ADN ayant un gène humain intéressant.

- Celui-ci varie-t-il d’une personne à l’autre ?

- Certains de ses allèles sont-ils liés à une maladie héréditaire ?

- Où et quand est-il exprimé dans l’organisme ?

- Quel est son emplacement dans le génome ?

On peut également aborder la question sous l’angle de l’évolution et tenter de savoir comment le gène varie d’une espèce à l’autre.

Pour apporter des réponses complètes à ces questions, il faut connaître toute la séquence nucléotidique du gène et de ses équivalents chez des individus de la même espèce ou d’espèces différentes. Il faut aussi connaître les séquences nucléotidiques de génomes entiers pour pouvoir étudier des ensembles complets de gènes et leurs interactions (une démarche appelée génomique). En outre, l’ADN cloné peut être analysé par des méthodes plus indirectes permettant d’obtenir rapidement des informations utiles à des fins de comparaison. La plupart de ces méthodes, ainsi que le séquençage de l’ADN, peuvent s’appuyer sur une technique appelée électrophorèse sur gel. Cette technique, présentée à la figure 14, consiste à séparer des macromolécules (que ce soient des acides nucléiques ou des protéines) en fonction de leur taille, de leur charge électrique et d’autres propriétés physiques. La séparation des molécules linéaires comme l’ADN se fait surtout

Figure 14 : Electrophorèse sur gel de macromolécules

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en fonction de leur taille. L’électrophorèse sur gel produit, à partir d’un mélange d’ADN, des bandes contenant des molécules de la même longueur.

3.2.1 Analyse des fragments de restriction et détection des variations dans l’ADN des

sites de restriction

L’analyse des fragments de restriction permet de détecter indirectement certaines différences relatives aux séquences nucléotidiques des molécules d’ADN. Il s’agit de trier des fragments d’ADN selon leur taille en recourant à l’électrophorèse sur gel. Les fragments résultent du découpage d’une longue molécule d’ADN à l’aide d’une enzyme de restriction. Un simple examen visuel des motifs de bandes colorées apparaissant sur le gel peut fournir des informations scientifiques utiles. Lorsque le mélange de fragments de restriction issus d’une molécule d’ADN est soumis à l’électrophorèse, il produit un motif de bandes caractéristique de la molécule de départ et de l’enzyme de restriction employée. Il est même possible d’identifier les molécules d’ADN relativement petites provenant de plasmides et de virus grâce aux motifs formés par leurs fragments de restriction. (Les molécules d’ADN plus longues, comme celles des chromosomes d’eucaryotes, produisent trop de fragments pour que les bandes soient distinctes.) Etant donné que l’ADN peut être extrait des gels de sorte à rester intact, cette procédure permet de préparer des échantillons purs de fragments individuels.

Recourons à l’analyse de fragments de restriction pour comparer deux molécules d’ADN représentant, par exemple, deux allèles différents d’un gène. Nous commençons par scinder chaque échantillon d’ADN à l’aide d’une même enzyme de restriction. Comme les séquences d’ADN de ces allèles présentent de légères différences, les sites de restriction peuvent diverger. Par conséquent, la séparation par électrophorèse des fragments de restriction provenant des deux allèles risque de ne pas produire les mêmes motifs de bandes. La figure 15 montre comment l’analyse des fragments de restriction par électrophorèse permet de distinguer deux allèles d’un gène dont les séquences ne diffèrent que par un seul site de restriction.

Figure 15 : Reconnaissance de l’ADN provenant d’allèles différents à partir des motifs formés par les fragments de restriction

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A la figure 15, les matériaux de départ sont des échantillons de gènes clonés et purifiés. Cependant, en combinant l’électrophorèse sur gel et l’hybridation des acides nucléiques, il est possible d’effectuer le même genre de comparaison sans effectuer préalablement de clonage génique. On peut même partir de l’ADN de tout le génome. Bien que l’électrophorèse produise trop de bandes pour qu’on soit capable de les reconnaître individuellement, on peut effectuer l’hybridation des acides nucléiques à l’aide d’une sonde spécifique en vue d’étiqueter des bandes discontinues provenant du gène recherché.

Le principe est le même dans le cas de l’hybridation des acides nucléiques représentée à la figure 5 : une sonde nucléique monocaténaire radioactive s’associe de façon sélective, par des liaisons hydrogènes, avec une séquence d’ADN complémentaire ciblée. Celle-ci est ensuite détectée par autoradiographie. Ici, cependant, on se sert d’une sonde conjointement avec une autre technique, appelée buvardage de Southern. La figure 16 résume l’ensemble de la procédure et montre comment on peut s’en servir pour comparer des échantillons d’ADN provenant de trois individus. Cette méthode va plus que loin que celle qui est illustrée à la figure 5 : non seulement elle permet de savoir si une séquence particulière est présente dans un échantillon d’ADN, mais elle permet également d’identifier les fragments de restriction contenant la séquence en question.

Figure 16 : Analyse des fragments de restriction par la technique de buvardage de Southern.

Le buvardage de Southern s’est avéré précieux dans le cas de l’étude de l’ADN non codant, qui constitue la majeure partie du génome des Animaux et des Végétaux. Existe-t-il, entre les séquences d’ADN non codant, des différences analogues à celles que l’on remarque entre les allèles des gènes ? En étudiant l’ADN non codant à l’aide de procédures semblables à celle qui est décrite à la figure 15, des chercheurs ont eu la surprise de constater de nombreuses différences entre les motifs de bandes obtenus. Les séquences d’ADN des chromosomes homologues présentent des variantes qui se reflètent parfois dans les motifs formés par les fragments de restriction. Dans tous les génomes, y compris dans le génome humain, les variations de ce type, appelées polymorphismes de taille des fragments de restriction ou PTFR, sont très abondants. Elles sont analogues à celles qui existent dans les

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séquences codantes ; elles peuvent aussi servir de marqueur génétique d’un certain emplacement (locus) du génome. Dans une population donnée, un marqueur PTFR particulier présente souvent de nombreuses variantes. (Le mot polymorphisme vient du grec polus, « nombreux », et morphè, « forme ».)

Les polymorphismes de taille des fragments de restriction sont détectés et analysés à l’aide de la technique du buvardage de Southern. La figure 16 pourrait tout aussi bien illustrer la détection d’un PTFR dans un ADN non codant que la détection d’une différence entre les séquences codantes de deux allèles. Etant donné la sensibilité de l’hybridation de l’ADN, l’opération peut se faire à partir du génome entier. (On extrait généralement les échantillons d’ADN humain des leucocytes.)

Les résultats de la procédure illustrée à la figure 16 montrent que les individus I et II portent la même version du marqueur (PTFR ou gène) ; celle de l’individu III est différente.

Comme les marqueurs PTFR sont transmis selon le modèle mendélien, ils permettent de dessiner des cartes génétiques. La fréquence de transmission simultanée de deux marqueurs PTFR (ou d’un PTFR et d’un alllèle) est une mesure de la proximité de deux loci sur un chromosome. Grâce à la découverte des PTFR, le nombre de marqueurs rendant possible la cartographie du génome humain s’est énormément accru. Les généticiens ne sont plus contraints de se limiter aux variantes génétiques donnant lieu à des différences génotypiques évidentes (maladies génétiques) ou à des différences au niveau des protéines.

3.2.2 Cartographie de génomes entiers

Dès 1980, le biologiste moléculaire David Botstein et ses collaborateurs ont émis l’idée que les variations de l’ADN se reflétant au niveau du polymorphisme de taille des fragments de restriction pouvaient servir de point de départ pour l’établissement d’une cartographie extrêmement détaillée de l’ensemble du génome humain. Depuis, les chercheurs ont employé les marqueurs de ce type pour cartographier le génome de plusieurs autres organismes. On connaît déjà les moindres détails de la cartographie de l’ADN de certains d’entre eux, soit l’ensemble de leur séquence nucléotidique. Chemin faisant, les chercheurs ont fait appel aux outils et aux techniques suivantes : enzymes de restriction, clonage génique, électrophorèse sur gel, sondes marquées...

Le projet de recherche le plus ambitieux rendu possible par les biotechnologies est le programme Génome Humain, officiellement lancé en 1990. Il vise à cartographier tout le génome humain et à déterminer l’ensemble de la séquence nucléotidique de chacun des chromosomes (les 22 autosomes et les chromosomes sexuels X et Y). Ce projet a été mis sur pied par un consortium internationale publiquement financé et regroupant 20 équipes de chercheurs employés par des universités et des instituts de recherche. Il a suivi trois étapes centrées sur une étude de plus en plus approfondie de l’ADN :

1) la cartographie génétique (marqueurs génétiques),

2) la cartographie physique (distances entre les marqueurs exprimées en nucléotides)

3) le séquençage de l’ADN.

Le projet prévoit aussi de cartographier le génome d’autres espèces importantes pour la recherche biologique : il s’agit notamment :

- E.Coli et d’autres procaryotes

- Saccharomyces cerevisiae (une levure)

- Caenorhabditis elegans (un Nématode ou Ver rond)

- Drosophila melanogaster (la Mouche du vinaigre)

- Mus musculus (la Souris commune)

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Ces génomes sont très intéressants en eux-mêmes, ils nous fourniront également des renseignements précieux sur la biologie en général. De plus, les premiers travaux effectués sur eux ont facilité l’élaboration de stratégies, de méthodes et de nouvelles techniques en vue de décoder le génome humain, qui est beaucoup plus vaste. Les outils technologiques mis au service de cette tâche monumentale résultent en grande partie des progrès accomplis dans le domaine de la cybernétique, et sont des applications de l’électronique et de l’informatique.

1.1.1.3 Séquençage de l’ADN

La meilleure cartographie imaginable d’un génome est sa séquence nucléotidique complète. Comme nous l’avons déjà dit – et cet aspect est essentiel -, c’est la technologie du clonage des fragments d’ADN qui a rendu possible le séquençage de très longues molécules d’ADN et de génomes. Un séquenceur permet de déterminer la séquence nucléotidique d’un fragment d’ADN relativement court à partir d’une préparation purifiée d’un grand nombre de copies de ce fragment. La technique habituelle de séquençage décrite à la figure 17 combine le marquage de l’ADN, la synthèse d’ADN à partir des nucléotides particuliers situés à la fin des chaînes et une électrophorèse sur gel à haute résolution. Toutefois, même lorsqu’il est automatisé, le séquençage des 3,2 milliards de paires de nucléotides d’un jeu haploïde de chromosomes humains représente une tâche monumentale. Parmi les événements qui ont eu un impact décisif sur le programme Génome humain figurent la mise au point d’une technique de séquençage plus rapide et le perfectionnement des programmes informatiques d’analyse et d’assemblage des séquences partielles.

Figure 17 : Séquençage de l’ADN par la méthode Sanger

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La figure 18a résume cette approche hiérarchisée, constituée de trois étapes, qui permet de séquencer le génome. Dans la pratique, ces trois étapes se recoupent, ce que ce schéma simplifié ne montre pas ; elles ont constitué la stratégie globale du consortium public de recherche.

1.1.1.4 Autres stratégies de séquençage d’un génome entier

En 1992, encouragé par les progrès dans le domaine des séquenceurs et de l’informatique, le biologiste moléculaire J.Craig Venter a proposé une autre stratégie de séquençage de génomes entiers. Son idée était essentiellement de sauter les étapes de la cartographie génétique et de la cartographie physique, et de passer directement au séquençage de fragments d’ADN pris au hasard. Ensuite, de puissants programmes informatiques regrouperaient les courtes séquences, très nombreuses, ainsi produites et se recouvrant partiellement de sorte à former une seule séquence continue (figure 18b). Malgré le scepticisme de beaucoup de ses collègues, Venter a quitté le consortium public pour poursuivre son idée. Les mérites de son approche ont été démontrés en 1995, du moins en ce qui concerne les génomes de procaryotes. Cette année-là, Venter et ses collaborateurs ont publié la première séquence complète du génome de la Bactérie Haemophilus influenzae. En 1998, il a créé sa propre société, Celera Genomics, et a promis de déterminer la séquence du génome humain en trois ans. La valeur de son approche en aveugle sur l’ensemble du génome a été confirmée en mars 2000, lors de la publication de la séquence du génome de Drosophila melanogaster, établie en collaboration avec des chercheurs universitaires. Tels que promis, en février 2001, Celera a annoncé avoir séquencé plus de 90% du génome humain (le consortium public a fait en même temps une annonce similaire)

Le consortium public a souligné que la société Celera s’était abondamment servie de ses cartes et de ses séquences, qui sont toutes rendues publiques immédiatement (contrairement à celles de Celera). Il a également affirmé que les fondements établis grâce à l’approche du consortium faciliteraient grandement la phase de finition du projet en question. Venter, pour sa part, souligne l’aspect rentable et économique de ses méthodes, et il est exact que le consortium public en a fait un certain usage. Il est évident que les deux approches sont valables et que la concurrence apparue entre les deux groupes a stimulé les progrès (figure 18, qui résume les deux stratégies).

Figure 18 : Autres stratégies de séquençage d’un génome entier

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A l’été 2001, les génomes d’environ 50 espèces étaient déjà entièrement ou presque entièrement séquencés. Il s’agit surtout de procaryotes (y compris de E. coli), d’un certain nombre d’autres bactéries (dont plusieurs présentent un certain intérêt médical), et d’une dizaine d’Archéobactéries. Le premier eucaryotes dont le génome a été entièrement séquencé est la levure du boulanger, Saccharomyces cerevisiae, et le premier organisme multicellulaire est le Nématode Caenorhabditis elegans, un ver rond rudimentaire. On a aussi entièrement séquencé le génome de l’Arabette des dames, Arabidopsis thalianna, une plante très employée en recherche. Le séquençage du génome humain a été achevé en 2004, grâce au Projet Génome Humain (PGH). Il s'agit, en fait, d'une compilation de données recueillies sur plusieurs individus. Le premier séquençage fait sur un seul individu a été publié en septembre 2007.

A un certain niveau, les séquences en question ne sont que des listes monotones de bases nucléotidiques (une succession interminable de millions de A, de T, de C et de G). A un autre niveau, rendu possible par l’analyse informatique, elles ont déjà mené à certaines découvertes très intéressantes.

3.2.3 Indices fournis par les séquences du génome

La génomique, soit l’étude des génomes à partir de leurs séquences d’ADN, jette une lumière nouvelle sur des questions fondamentales concernant la structure des génomes, la régulation de l’expression génique, la croissance et le développement, et aussi l’évolution. Un des intérêts des biotechnologies, c’est qu’elles permettent d’étudier les gènes directement, sans avoir à déduire un génotype à partir d’un phénotype, comme c’était le cas en génétique classique. Mais cette nouvelle approche pose le problème inverse, celui de la déduction du phénotype à partir du génotype. Comment peut-on reconnaître les gènes et déterminer leur fonction en partant d’une longue séquence d’ADN ?

1.1.1.5 Analyse des séquences d’ADN

Les séquences d’ADN sont rassemblées dans des banques de données informatisées mises à la disposition des chercheurs du monde entier sur Internet. Les scientifiques se servent de programmes informatiques pour les parcourir et rechercher des indices de la présence de gènes codant pour des protéines : signaux de départ et d’arrêt de la transcription et de la traduction (promoteurs par exemple), séquences associées aux sites d’épissage de l’ARN… Ces programmes recherchent également les séquences semblables à celles de gènes connus. (Des milliers de séquences de ce type, appelées étiquettes de séquences exprimées, sont actuellement cataloguées dans des bases de données informatisées.) Elles permettent aux chercheurs de constituer une liste de gènes possibles.

On a été surpris de constater que le génome humain contient très peu de gènes. Jusqu’ici, le résultat le plus surprenant du programme Génome humain est le petit nombre de gènes humains. On estime qu’il y en a environ 20’000-25'000. La proportion de l’ADN constituée de gènes est beaucoup plus faible chez l’Humain que chez les autres organismes étudiés jusqu’ici. Dans le génome humain, l’énorme quantité d’ADN non codant est composée en grande partie d’ADN répétitif et aussi d’introns. Les introns humains ont une longueur inhabituelle ; ils sont généralement une dizaine de fois plus longs que ceux d’une mouche ou d’un ver.

Alors, qu’est-ce qui rend les Humains (et les Vertébrés en général) plus complexe que les Mouches ou les Vers ? Il est certain que, si l’on compare les séquences de notre génome à celles de ces autres organismes, on remarque qu’elles sont plus « productives », parce que leurs transcrits d’ARN sont plus sujets à l’épissage différentiel. En moyenne, un gène humain code probablement pour au moins deux ou trois polypeptides différents grâce à diverses combinaisons d’exons. Chez l’Humain, le nombre total de polypeptides différents serait donc d’environ 90'000, même si l’on ne tient pas compte de la diversité supplémentaire résultant de la maturation des polypeptides après leur traduction.

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De plus, la séquence de l’ADN humain et d’autres données permettent de penser que les polypeptides de notre espèce sont généralement plus complexes que ceux des Invertébrés.

Tableau 1 : Taille du génome et nombre de gènes

Etude et comparaison des gènes. Environ la moitié des gènes humains étaient déjà connus lorsque le programme Génome humain a été lancé ; mais qu’en est-il des autres ? Les scientifiques comparent les séquences de gènes potentiels à celles de gènes connus provenant de divers organismes. Dans certains cas, une séquence nouvellement déterminée correspond, au moins en partie, à celle d’un gène dont on connaît déjà la fonction (qui code, par exemple, pour une protéine kinase.) Cela permet de penser que le gène nouvellement séquencé a la même fonction. Dans d’autres cas, la nouvelle séquence peut être semblable à une autre déjà connue, mais dont on ignore la fonction. Il peut aussi arriver qu’elle soit entièrement inédite. Chez les organismes dont on a séquencé le génome jusqu’ici, on a trouvé beaucoup de séquences entièrement nouvelles de gènes potentiels. Par exemple, environ un tiers des gènes de E. coli était tout à fait inconnu, bien qu’il s’agisse de l’organisme le plus étudié !

En dépit de la très grande complexité du génome humain et des protéines qu’il code, les comparaisons entre les séquences génomiques humaines et non humaines confirment l’existence de liens entre des organismes ayant une parenté même très lointaine. Elles montrent également que les recherches menées sur des organismes simples sont un moyen de mieux comprendre la biologie humaine. La ressemblance entre les gènes d’organismes disparates peut sembler surprenante ; un chercheur a même déclaré qu’il considérait maintenant les Drosophiles comme « de petites personnes avec des ailes ». Certains gènes de Levures, par exemple, ressemblent assez à leurs équivalents dans une cellule humaine pour pouvoir les remplacer. Dans quelques cas, les chercheurs étudient même le gène d’une maladie génétique humaine par l’intermédiaire de son équivalent normal chez une Levure. Les séquences présentes chez les Bactéries révèlent des voies métaboliques insoupçonnées, pouvant avoir des applications industrielles ou médicales. En outre, les comparaisons effectuées entre les séquences complètes de génomes de Bactéries, d’Archéobactéries et d’Eucaryotes confirment que ce sont là les trois domaines fondamentaux du monde vivant.

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1.1.1.6 Etude de l’expression génique

L’étude de l’expression permet non seulement de connaître les gènes individuels et leur évolution, mais aussi de comprendre comment ceux-ci interagissent de façon à créer un organisme et à assurer son fonctionnement. L’existence de réseaux extrêmement complexes d’interactions entre les gènes et leurs produits explique probablement en grande partie pourquoi un si petit nombre de gènes nous suffit. Pendant que certains scientifiques travaillent à séquencer des gènes et à analyser leur structure, d’autres partent des séquences déjà établies pour étudier les modes d’expression génique dans une nouvelle perspective globale. Ils tentent de déterminer quels gènes sont transcrits et dans quelles circonstances. Leur stratégie générale consiste à isoler l’ARNm produit par certaines cellules particulières, à fabriquer une génothèque d’ADNc par transcription inverse à partir de ces matrices, puis à comparer les ADNc en question avec d’autres génothèques d’ADN à l’aide de l’hybridation. Il est ainsi possible de savoir quels gènes sont actifs à divers stades de développement, dans différents tissus ou dans des tissus plus ou moins affectés par la maladie.

C’est les biotechnologies qui rendent possible ce genre d’études sur l’expression des gènes. Quant à l’automation, elle permet d’en effectuer toutes les étapes facilement et à grande échelle. On peut aujourd’hui détecter et mesurer l’expression de milliers de gènes à la fois. Une technique révolutionnaire, présentée à la figure 19, consiste à effectuer des essais sur microréseau à ADN. De minuscules quantités d’un grand nombre de fragments d’ADN monocaténaires représentant différents gènes sont fixés sur une plaque de verre sous forme de réseau dense. (Le réseau est également appelé puce à ADN). Idéalement, ces fragments représentent l’ensemble des gènes d’un organisme ; cela est possible dans le cas d’organismes dont le génome a déjà été entièrement séquencé. Les fragments sont mis en présence de divers échantillons de molécules d’ADNc marquées par un colorant fluorescent, avec lesquelles ils peuvent s’hybrider ou non. L’un des premiers tests effectués par cette technique comparait les gènes exprimés dans les racines et les feuilles d’Arabidopsis thaliana. Ensuite, les chercheurs ont séquencé les gènes plus fortement exprimés dans un type de tissu que dans l’autre. Les résultats se sont avérés conformes à ce qui était prévu. Les gènes codant pour des enzymes

connues de la photosynthèse, par exemple, étaient activés dans les feuilles, mais pas dans les racines.

Figure 19 : Essai d’expression génique sur un microréseau à ADN

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Cette technique devrait permettre de découvrir de nouveaux gènes et de nouvelles interactions entre les gènes, et aussi de mieux connaître le fonctionnement de ceux-ci, ce qui est plus important que de confirmer simplement des prédictions. Par exemple, on effectue des essais sur de microréseaux à ADN pour comparer des tissus cancéreux et non cancéreux. L’étude des différences au niveau de l’expression des gènes pourrait mener à l’élaboration de nouvelles techniques de diagnostic, à la découverte de traitements à ciblage biochimique et à une meilleure compréhension du cancer. En fin de compte, l’information obtenue grâce aux essais sur microréseaux devrait nous donner une meilleure vision globale du domaine et nous faire mieux comprendre comment les gènes interagissent pour former un être vivant.

1.1.1.7 Détermination de la fonction des gènes

Les gènes les plus intéressants découverts au cours du séquençage du génome et des recherches sur l’expression génique sont peut-être ceux dont on ignore complètement les fonctions. Comment les chercheurs s’y prennent-ils pour déterminer leurs fonctions ? Ils neutralisent le gène à l’étude et espèrent que les conséquences qui se manifesteront dans la cellule ou dans l’organisme permettront de mieux comprendre son fonctionnement normal. Une approche puissante à cet égard est la mutagenèse in vitro, une technique permettant de modifier spécifiquement la séquence d’un gène cloné. Les mutations ainsi obtenues risquent d’altérer ou de neutraliser complètement le fonctionnement de la protéine codée par le gène. Par conséquent, lorsque le gène muté est de nouveau inséré dans une cellule, on est en mesure de déterminer la fonction de la protéine normale manquante en examinant le phénotype du mutant. Les chercheurs peuvent même introduire un gène ainsi muté dans les cellules de l’embryon d’un organisme multicellulaire (comme une souris) pour étudier le rôle du gène dans le développement et le fonctionnement de l’ensemble de l’organisme.

Des chercheurs travaillant sur des organismes autres que des mammifères exploitent une technique plus simple et plus rapide de blocage de l’expression de gènes sélectionnés. Cette technique appelée interférence par ARN, consiste à déclencher la dégradation de l’ARN message au moyen de molécule d’ARN bicaténaires artificielles, dont la séquence correspond à celle du gène visé. On ignore dans une large mesure comme l’ARN bicaténaire exerce cet effet dans la cellule. Cependant, il s’agit d’un processus naturel, probablement apparu comme une forme de protection des cellules contre les Virus. Les chercheurs ont réussi à bloquer, dans une certaine mesure, l’expression de gènes dans les cellules de Mammifères. Chez d’autres types d’organismes, comme les Nématodes, l’interférence par ARN avait déjà fait ses preuves.

1.1.1.8 Orientations futures de la génomique

Les succès enregistrés dans le domaine de la cartographie et du séquençage des génomes ont incité les scientifiques à passer à la protéomique : il s’agit de l’étude systématique de jeux complets de protéines (protéomes) codés par un génome. La protéomique pose des difficultés d’un genre nouveau. Comme l’ARN subit un épissage différentiel et que les protéines sont modifiées après avoir été traduites, il est probable que le nombre de protéines présentes chez l’Humain et chez les espèces voisines dépasse de loin celui des gènes. En outre, la collecte de toutes ces substances sera difficile, parce que les protéines produites varient selon le type de cellule et son état. De plus, contrairement à l’ADN, les protéines diffèrent énormément par leur structure, ainsi que par leurs propriétés chimiques et physiques. Cependant, les protéines sont les molécules qui assurent les diverses fonctions cellulaires, et il faut les étudier si l’on veut comprendre le fonctionnement des cellules et des organismes. Les progrès techniques en cours (comme l’invention récente de microréseaux servant à l’étude des interactions entre protéines) mèneront à la création d’outils permettant de relever ce défi.

Grâce à la génomique et à la protéomique, les biologistes ont maintenant une vision de plus en plus globale du monde vivant.

Durant ce siècle, la science portera de plus en plus sur les systèmes biologiques complets, c’est-à-dire qu’elle cherchera à comprendre comment différentes composantes interagissent pour former un tout.

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Les progrès du domaine de la bio-informatique , qui est l’application de l’informatique et des mathématiques à la génétique et aux autres spécialités de la biologie, joueront un rôle essentiel dans le traitement des données innombrables à collecter et analyse.

Nous sommes en voie de comprendre tout le spectre des variations génétiques chez les Humains. L’ADN humain présente relativement peu de variantes, parce que l’histoire de notre espèce est assez courte, comparativement à celle des autres espèces. (Nous descendons probablement d’une petite population qui vivait en Afrique il y a 150'000 à 200'000 ans.) La plus grande partie de notre diversité semble se présenter sous la forme de polymorphismes nucléotidiques, soit de variations du génome ne touchant qu’une seule paire de bases. Vous vous interrogez peut-être sur la relation existant entre les polymorphismes nucléotidiques et les polymorphismes de taille des fragments de restriction (PTFR). Certains PTFR sont des polymorphismes nucléotidiques ; c’est le cas de la différence d’une seule paire de bases illustrée à la figure 15. Mais certains polymorphismes nucléotidiques n’affectent pas les sites de restriction et ils doivent être identifiés par séquençage de l’ADN. En outre, certains PTFR représentent des variations de plusieurs paires de bases.

Dans le génome humain, on trouve en moyenne un polymorphisme nucléotidique sur 1000 paires de bases. Autrement dit, si vous compariez votre ADN à celui de votre voisin de classe (ou avec celui d’une personne vivant à l’autre bout du monde), vous constateriez qu’ils sont identiques à 99.9%.

Les scientifiques ont presque localisé les quelques 3 millions de sites de polymorphismes nucléotidiques du génome humain. Ceux-ci constitueront des marqueurs génétiques utiles pour l’étude de l’évolution de l’espèce humaine, des différences entre les populations et des routes migratoires ayant conduit nos ancêtres de l’Afrique aux autres continents. Ils seront également utiles pour l’identification des gènes causant des maladies et des gènes affectant notre santé de façon plus insidieuse (susceptibilité à certaines maladies, aux drogues, et aux toxines présentes dans l’environnement). Il est probable que la pratique de la médecine au XXIe siècle s’en trouvera transformée. Cependant, les retombées de la recherche sur l’ADN et des technologies connexes ont déjà des répercussions multiples sur nos vies.

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La thérapie génique vise à remplacer un allèle mutant défectueux (gène) par un allèle fonctionnel afin que la cellule cible produise une protéine fonctionnelle ou à surexprimer une protéine dont l'activité aurait un impact thérapeutique. Elle vise aussi à faire produire à une cellule infectée ou cancéreuse, un signal qui conduirait à la mort cellulaire.

Elle est basée sur la construction de vecteurs de transfert permettant l’administration de gènes thérapeutiques aux cellules cibles du patient.

La thérapie génique consiste donc à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d'un individu pour traiter une maladie. L’utilisation à l'origine de la thérapie génique visait surtout à corriger les maladies héréditaires monogéniques, telles l'hémophilie (trouble de la coagulation sanguine) ou les myopathies (maladie neuromusculaire se traduisant par une dégénérescence du tissu musculaire), mais les espoirs suscités par cette nouvelle technique se sont vite répandus aux maladies acquises, telles les cancers ou la maladie de Parkinson. L'essentiel des recherches actuelles portent sur l'élaboration de vecteurs efficaces et sûrs.

Le premier cas de thérapie génique remonte à 1990 aux Etats-Unis, chez une fillette de quatre ans qui souffrait d’une immunodéficience congénitale. Cette maladie est due à une anomalie d’un gène qui code pour l’enzyme adénosine désaminase (ADA). En l’absence de cette enzyme, des produits de dégradation nocifs s’accumulent dans le sang, ce qui entraîne la destruction de cellules importantes du système immunitaire. Toute infection devient alors potentiellement mortelle. Grâce à la thérapie génique, les enfants atteints ont pu être guéris. Toutefois, quelques-uns développèrent par la suite une leucémie, à la suite de quoi les traitements furent stoppés. Cet exemple montre à quel point il est important de peser soigneusement les avantages et les inconvénients avant toute thérapie génique. Depuis lors, les interrelations ont été analysées, et des améliorations ont été apportées au traitement.

En décembre 1999, après des années de recherches et de doutes, est survenu le premier succès probant par l'équipe du professeur Alain Fischer de l’hôpital Necker (Paris). En effet, des "enfants bulles" (vie dans un environnement stérile), c'est-à-dire atteints d'une grave maladie génétique du système immunitaire combinée sévère (DICS) liée au chromosome X (5 cas / 800'000 naissances), ont pu être soignés, par la thérapie génique. Cet essai consistait à prélever des cellules souches de la moelle des patients, d'y introduire un gène fonctionnel en laboratoire, puis de les réinjecter à ces mêmes patients. Ainsi, ces enfants étaient capables de se défendre contre les antigènes extérieurs par l'expression du gène introduit.

Au cours des quinze dernières années, la thérapie génique a connu de nombreuses améliorations. On n’en continue pas moins encore de chercher le taxi génétique idéal. L’un des défis à relever porte sur l’introduction des gènes thérapeutiques dans la cellule somatique. De plus, l’intégration dans le génome ne doit pas retentir sur la fonction d’un autre gène. Il existe aujourd’hui des traitements qui réussissent en faisant appel à des taxis génétiques sans virus. Exemple : le traitement de la gangrène sénile. Dans cette maladie, les vaisseaux sanguins des jambes s’obstruent, ce qui entraîne la nécrose des tissus. Dans le traitement par thérapie génique, on injecte directement dans le muscle un gène synthétisant un facteur de croissance de l’endothélium vasculaire. Des études montrent que, grâce à ce type de thérapie génique, le nombre d’amputations de la jambe qui étaient nécessaires a été divisé par deux. Jusqu’à présent, quelques 6000 personnes ont été traitées à l’échelle mondiale dans le cadre de projets de recherche menés avec des thérapies géniques.

Aujourd’hui, la thérapie génique relève encore et seulement du domaine expérimental. On ne peut pour l'instant que parler de résultats en termes d'essais cliniques. Il y a de nombreux espoirs mis dans cette technique, mais il lui reste encore à faire ses preuves sur le long terme, aussi bien sur le plan technique que sur le plan éthique et législatif.

4 LA THÉRAPIE GÉNIQUE

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La thérapie génique en 4 étapes :

1. Isoler et cloner le gène d'intérêt thérapeutique.

Les connaissances du génome humain permettent de réaliser cette étape sans difficulté.

2. Réaliser un vecteur Il est chargé d'amener le transgène dans le noyau cellulaire. Il est impossible d'introduire efficacement un gène directement dans une cellule humaine. Pour y arriver il faut se servir d'un véhicule, appelé un vecteur. La plupart des vecteurs utilisés sont des virus vu que l'évolution de ces derniers vise justement à atteindre ce but, soit celui de livrer leur matériel génétiquement dans les cellules ciblées. On utilise des virus qui sont transformés : toutes les séquences nécessaires à sa réplication et à sa pathogénicité sont ôtées. On laisse les gènes nécessaires à la formation de l’enveloppe…. Ainsi les vecteurs viraux génétiquement modifiés ne peuvent se reproduire ni infecter le patient.

Comment procède-t-on en laboratoire pour produire des vecteurs viraux s'ils ont perdu la capacité de générer de multiples copies d'eux-mêmes ?

Les chercheurs ont créé des cellules spéciales qui contiennent tous les gènes viraux nécessaires à la production de particules virales vides. Ces cellules sont appelées des cellules d'encapsidation. Une cellule modifiée d'encapsidation exprime donc de façon stable les protéines virales formant la capside, l'enveloppe et la transcriptase inverse. Ces cellules ne produisent donc que des particules virales vides.

Figure 20 : Production de cellules d’encapsidation

L'introduction dans ces cellules d'une construction génétique contenant le génome viral porteur du gène thérapeutique conduit à la formation de particules virales complètes contenant le gène thérapeutique. Cette cellule sera donc capable de fabriquer des quantités de particules virales inoffensives mais contenant le gène thérapeutique.

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Figure 21 : Production de vecteurs viraux par les cellules d’encapsidation

Comment un virus ou un vecteur viral pénètre-t-il dans les cellules ?

a. Pour infecter une cellule, la particule virale se fixe d'abord à la membrane cellulaire. Les gènes viraux sont libérés dans le noyau et, qu'ils soient intégrés ou non au génome cellulaire, ils utilisent la machinerie de réplication de la cellule pour produire de nouvelles particules virales. Ces dernières pourront aller infecter d'autres cellules.

b. Lorsque le virus est modifié pour être utilisé comme vecteur de transfert, les gènes codant pour les protéines virales sont remplacés par le gène d'intérêt thérapeutique. Ce vecteur pénètre dans la cellule de la même façon que le virus naturel. Il permet la synthèse de la protéine d'intérêt thérapeutique, sans production de particules virales.

3. Administrer le vecteur selon un protocole

♣ La thérapie génique « ex vivo » (in vitro) : elle consiste à prélever sur le patient les cellules porteuses de gènes défectueux, à les cultiver, à les multiplier en cultures cellulaires et à les modifier génétiquement avec le vecteur viral porteur du gène d'intérêt thérapeutique, puis à les réintroduire chez le patient. Cette méthode est utilisée en particulier pour les cellules sanguines qui sont faciles à prélever et à réintroduire.

♣ La thérapie génique in situ : le vecteur de transfert est directement injecté au sein du tissu cible.

♣ La thérapie génique « in vivo » ou directe : elle consiste à injecter le vecteur portant le gène d'intérêt thérapeutique directement dans la circulation sanguine, celui-ci devant atteindre spécifiquement les cellules cibles.

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Figure 22 : Les différents protocoles

4. Vérifier l'intensité et la durée de l'expression du gène thérapeutique ainsi que les éventuels

effets secondaires.

Aujourd'hui, l'évolution de la thérapie génique repose essentiellement sur le développement de systèmes de transfert de gènes : ils doivent être sûrs, efficaces, spécifiques à un type cellulaire et capables de fonctionner dans des cellules qui ne se divisent pas en assurant la stabilité de l'expression du gène d'intérêt thérapeutique. De plus, leur production industrielle doit être fiable et rentable.

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4.1 LES VECTEURS

Les vecteurs sont répartis en 2 catégories : 4.1.1 LES VECTEURS VIRAUX

Ce sont des virus transformés : rétrovirus (pour les cellules de la moelle osseuses, en général pour les cellules qui se multiplient), adénovirus (pour les cellules des bronches, des muscles, du cerveau). Le virus doit d'abord être modifié pour qu'il ne provoque aucune infection, pour l'empêcher de se reproduire. On le modifie aussi en introduisant dans son génome le gène humain normal de la maladie que l'on veut traiter.

On utilise les rétrovirus pour la méthode "ex vivo" et les adénovirus pour la méthode "in vivo". Les virus sont particulièrement efficaces pour délivrer leur information génétique (ADN ou ARN) dans des cellules spécifiques. Aujourd’hui, approximativement 2/3 des protocoles cliniques des thérapies géniques utilisent un vecteur d’origine virale.

� Les rétrovirus :

Ce sont des virus dont le matériel génétique est de l'ARN transcrit en ADN par la transcriptase inverse. Le rétrovirus amène le gène thérapeutique à l'intérieur du noyau de la cellule cible lors de la mitose et l'intègre dans le chromosome.

� Les adénovirus :

Virus dont le matériel génétique est de l'ADN double brin. L'adénovirus amène le gène thérapeutique dans le noyau de la cellule cible, qu'elle soit en mitose ou non. Par contre, le gène ne s'intègre pas au chromosome mais reste en position épisomale. Il a donc tendance à disparaître au fil des divisions cellulaires.

L'élaboration d'un adénovirus porteur d'un gène éliminant les cellules tumorales semble prometteuse et des essais cliniques sont actuellement en cours pour essayer de traiter certains cancers.

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Rétrovirus (ARN) Adénovirus (ADNdb)

- Virus enveloppé - Virus nu

- Transduction uniquement dans des Ȼ en mitose (moelle osseuse)

- Transduction dans des Ȼ en mitose ou non (bronches, muscles, cerveau)

- Taille du gène inséré limitée à 8Kb - Taille du gène inséré ≤ 30Kb

- Transcriptase inverse ARN → ADN

- Transcriptase inverse

- L’ADN s’incorpore au chromosome de la

Ȼ hôte → expression prolongée du gène inséré → risque de mutation suite à une mauvaise insertion dans l’ADN (ex : gène suppresseur de tumeur) → cancer.

- L ADN ne s’intègre pas au chromosome mais reste dans le nucléoplasme → expression transitoire du gène (15 jours maximum).

- Faible immunogénicité, sauf réaction avec le complément (protéines de l’enveloppe)

- Forte immunogénicité → administration de doses répétées impossible

- Nombreux essais cliniques in vitro (= ex vivo) Exemple : « bébés bulles »

- Essais in vitro et in vivo

Tableau 2 : comparaison rétrovirus - adénovirus

Trouvez les avantages et les inconvénients pour chaque type de virus.

4.1.2 LES VECTEURS NON-VIRAUX

Il en existe deux classes principales : l’ADN plasmidique (ADN nu) et les vecteurs synthétiques (ADN complexé à des lipides cationiques (positifs) ou ADN condensé par des polymères cationiques et inséré dans des liposomes). Ils sont peu immunogènes, ce qui autorise les administrations répétées, n’ont pas de limite théorique quant à la taille du gène d’intérêt.

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� L'ADN nu (contenant la séquence thérapeutique) est injecté sous forme de plasmide (molécule circulaire) dans le tissu cible. Il est ensuite intégré dans les cellules par des mécanismes encore inconnus.

• Avantages : facilité et faibles coûts de production, de stockage et de contrôle-qualité ; faible immunogénicité, efficacité clinique démontrée pour le traitement d'atrophie des vaisseaux sanguins d'un membre.

• Inconvénients : très courte durée d'expression dans la plupart des tissus, transduction inefficace in vitro et in vivo, difficultés pour en faire un vecteur plus spécifique.

L'ADN nu est un vecteur prometteur pour les patients atteints de problèmes cardiovasculaires car il semble efficace pour transférer le gène promoteur de l'angiogenèse. De plus, il peut avoir un rôle de vaccin en transférant en faible quantité une portion de gène d'un parasite (exemple, Plasmodium falciparum, agent de la malaria). En créant une réaction immunitaire primaire faible, il permet une meilleure protection en cas d'infection réelle.

� Les liposomes : L'ADN est une molécule chargée négativement, d'où l'idée de la complexer avec des molécules chargées positivement (lipides ou autres polymères). On insère le gène thérapeutique compacté dans une sphère formée par une double membrane lipidique, le tout étant chargé positivement. Un liposome est donc une minuscule vésicule creuse de molécule lipidique capable de véhiculer de l’ADN en elle. Ce liposome fusionne avec la membrane cellulaire après liaison aux protéines membranaires négatives et l'ADN est intégré par endocytose en évitant toute dégradation extracellulaire. L'ADN doit ensuite sortir de l'endosome et échapper aux lysosomes pour atteindre le noyau. Pour améliorer leur efficacité, les scientifiques tentent d'intégrer certaines protéines virales dans les surfaces extérieures des liposomes, en particulier les protéines virales qui reconnaissent certaines molécules à la surface de la cellule hôte et s'y lient.

• Avantages :

Facilité de production, contrôle qualité et stockage ; transfection efficace ex vivo ; faible réponse immunitaire, sécurité pour le patient (pas d’effet secondaire).

• Inconvénients : Faible taux d'insertion de l'ADN thérapeutique, transfection inefficace in vivo ; très courte durée d'expression.

4.1.2.1 LES METHODES PHYSIQUES

� L'électroporation : de l'ADN plasmidique est injecté dans le tissu cible (par exemple le muscle de la patte d'une souris) puis on applique 2 plaques d'acier contre la patte qui servent ainsi d'électrodes. On envoie ensuite des impulsions électriques répétées, en essayant de trouver les fréquences et intensité correspondant au meilleur transfert. En effet, cette méthode permet une transduction 100 fois plus efficace qu'une simple injection car elle rend la membrane momentanément poreuse et semble "attirer" l'ADN vers l'intérieur de la cellule.

• Avantages :

Transduction améliorée in vitro dans les cellules de la peau et de tumeurs chez la souris.

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• Inconvénients :

Cellules non viables à l'issue de cette méthode, un seul essai clinique.

Figure 23 : l'électroporation