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A l’issue de son Congrès annuel, l’Union Fédérale des Magistrats, réunie en assemblée générale le 11 mai 1974 au Palais de Justice de Paris, a décidé, sur proposition de son Comité national, la transformation de l’association en Syndicat. Elle a tenu en même temps à définir sa conception du syndicalisme judiciaire ainsi que les grandes lignes de l’action qu’elle entendu poursuivre dès mainte- nant sous sa forme actuelle et qu’elle continuera de mener avec un statut syndical à partir de l’automne 1974. S U R L E S Y N D I C A L I S M E J U D I C I A I R E La magistrature constitue un corps de l’Etat déposi- taire d’un pouvoir propre et unique dans l’organisation de la Nation. Le juge dont la fonction est de dire le droit et d’arbi- trer les conflits au nom du Peuple français, ne relève que de sa conscience et de son intime conviction dans l’applica- tion de la loi, tout en exprimant par ses décisions la conscience collective de son époque. Son indépendance à l’égard du pouvoir politique et de tous groupes de pression est garante de la liberté du citoyen et de l’égalité de tous devant la loi. Si la notion de fonction judiciaire dépasse celle de service public, les magistrats ont toutefois des droits maté- riels et moraux à défendre comme tout membre de la fonc- tion publique. Ils ont le droit en tant que tels de se syndiquer mais l’originalité de leur rôle leur impose un syndicalisme spéci- fique. Cette spécificité exclut notamment tout engagement politique et tout rattachement à une centrale syndicale (….). Elle exige en revanche, dans l’intérêt du justiciable, une action immédiate et sans limite à toute atteinte ou menace faite aux libertés individuelles, à l’indépendance de la justice et à sa crédibilité. S U R L A F O R M A T I O N E T L E R E C R U T E - M E N T L’U.F.M. dont l’action est à l’origine de la création de l’Ecole Nationale de la Magistrature, précise que le but principal de l’E.N.M. est la formation des magistrats et non des philosophes, sociologues, ou militants politiques ; cela implique une formation technique solide qui n’exclut pas une réflexion, à condition que celle-ci ne soit pas prétexte à un conditionnement idéologique. L’U.F.M. estime au regard des besoins en magistrats, que l’effectif minimum des promotions doit être de 300 auditeurs (…). La durée du stage bordelais, tout en étant suffisam- ment longue pour garantir une formation théorique et l’ou- verture sur le monde extérieur, dot néanmoins être plus courte que celle des stages juridictionnels, lesquels assurent l’essentiel de la formation. Les stages extérieurs doivent être diversifiés, une plus large initiative étant alors laissée à l’auditeur (….). S U R L I N D E P E N D A N C E D E S M A G I S - T R A T S E T L E S G A R A N T I E S D E C A R R I E R E Les libertés publiques, l’autorité et la crédibilité de la Justice reposent essentiellement sur l’indépendance des magistrats. Celle-ci suppose des garanties destinées à éliminer toute possibilité d’intervention arbitraire sur le déroule- ment de leur carrière. L’U.F.M. réclame en particulier : - une gestion de l’ensemble du corps judiciaire par le Conseil supérieur de la magistrature doté d’attributions délibératives (…) ; - une réforme profonde de la composition du Conseil supérieur de la magistrature qui comprendrait pour moitié des magistrats élus par leurs pairs et d’autre part des mem- bres désignés par le Président de la République et par le Parlement en raison de leur compétence et de l’intérêt qu’ils attachent à l’œuvre de Justice (…). S U R L E M I N I S T E R E P U B L I C L’U.F.M. dénonce les attaques constantes dont les magistrats du Parquet sont l’objet. Elle affirme que ceux-ci sont des magistrats à part entière : défenseurs des victimes, défenseurs de la société et de la chose publique, ils sont aussi les garants des libertés individuelles. L’U.F.M. reconnaît leur dépendance à une néces- saire hiérarchie ; mais elle entend faire respecter leur droit parfois méconnu à la liberté de parole. En conséquence, l’U.F.M. exige que les magistrats du Parquet soient soumis au même régime statutaire que leurs collègues du siège. S U R L E S C O N D I T I O N S D E T R A V A I L L’Union Fédérale des Magistrats : - observe que la population de la France et notam- ment celle de certains districts ne cesse de croître (indice 100 en 1960 – coefficient 127 en 1975) ; - constate une augmentation parallèle du nombre d’af- faires portées devant les juridictions civiles, pénales et devant les tribunaux d’instance, augmentation due, pour partie, à d’importantes réformes qui nécessitent un accroissement des effectifs (magistrats et surtout secrétaires-greffiers), une amélioration des moyens de travail et une modernisation des méthodes de travail (…). Quoiqu’il en soit, l’U.F.M. estime que ces mesures devraient obligatoirement s’accompagner dans certaines régions d’indemnités spéciales et d’avantages de carrière. L’U.F.M. pense que d’autres améliorations devraient être envisagées dans le fonctionnement des services judi- ciaires, par exemple : - recyclage des magistrats et fonctionnaires (un mois maximum) en cas de nomination à des fonctions diffé- rentes ; - jumelage institutionnel d’arrondissement à arrondis- sement voisin pour les juges d’instruction, les magistrats du ministère public et les secrétaires-greffiers ; - versement de l’indemnité de fonction au bénéfice du magistrat d’une juridiction provisoirement chargé d’un poste dont le titulaire ne peut assurer le service (…). Les dites améliorations s’accompagnant de garanties de protection indispensables des magistrats et fonction- naires contre les critiques systématiques dont ils sont l’objet. L’U.F.M. propose également des modifications des conditions et méthodes de travail : - aménagement des Palais de Justice : salles d’enquête et de réception, Palais mieux conçus pour l’exercice nor- mal des fonctions judiciaires (salles d’audience, bureaux pour magistrats, locaux mieux aménagés pour les fonction- naires), bibliothèque ; - matériel : machines à écrire, à reproduire, magnéto- phone, appareils téléphoniques ; - simplification et normalisation des imprimés, des cita- tions ; - indemnités particulières pour « travaux de recherche » ; - adaptation des structures (informatique…) aux finali- tés du Droit moderne. En résumé, l’U.F.M. réaffirme que notre Justice actuelle n’est pas en mesure de traiter, avec une efficacité suffisante et dans l’intérêt des justiciables les affaires qui lui sont soumises et qu’elle est mal adaptée aux besoins néces- sités par l’accroissement de ses tâches. S U R L E S G R A N D E S O P T I O N S D E L A J U S T I C E C I V I L E (…) Elle considère que les magistrats professionnels ne sauraient être tenus à l’écart du contentieux de la vie économique et sociale. Aussi est-elle d’avis que progressivement suivant des modalités concertées avec toutes les autorités, organismes et personnes intéressées, les juridictions commerciales et prud’homales doivent être présidées par des magistrats professionnels assistés du concours irremplaçable d’hommes de métier particulièrement compétents (…). S U R L A R E F O R M E D U D R O I T P E N A L L’Union Fédérale des Magistrats : - demande une révision profonde de la législation pénale (révision du Code Pénal, rédaction d’un code annexe des contraventions) - estime que toute réforme fondamentale du Droit pénal suppose : a) une nouvelle classification des infractions et des pénalités compte tenu de l’état social actuel b) la redistribution des compétences à l’inté- rieur de l’organisation judiciaire pénale, correctionnalisa- tion de certains crimes, contraventionnalisation de délits mineurs) ; c) la modification de certaines procédures pénales, examen par le Tribunal Correctionnel du mandat de dépôt en cas de flagrant délit ; modalités de l’expertise ; simplification de la procédure criminelle) (….) 13 le nouveau pouvoir judiciaire - n° 386 - octobre 2009 LE MANIFESTE DE L’UFM

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A l’issue de son Congrès annuel, l’Union Fédéraledes Magistrats, réunie en assemblée générale le 11 mai1974 au Palais de Justice de Paris, a décidé, sur propositionde son Comité national, la transformation de l’associationen Syndicat. Elle a tenu en même temps à définir saconception du syndicalisme judiciaire ainsi que les grandeslignes de l’action qu’elle entendu poursuivre dès mainte-nant sous sa forme actuelle et qu’elle continuera de meneravec un statut syndical à partir de l’automne 1974.

SUR LE SYNDICALISME JUDICIAIRE

La magistrature constitue un corps de l’Etat déposi-taire d’un pouvoir propre et unique dans l’organisation dela Nation.

Le juge dont la fonction est de dire le droit et d’arbi-trer les conflits au nom du Peuple français, ne relève quede sa conscience et de son intime conviction dans l’applica-tion de la loi, tout en exprimant par ses décisions laconscience collective de son époque.

Son indépendance à l’égard du pouvoir politique etde tous groupes de pression est garante de la liberté ducitoyen et de l’égalité de tous devant la loi.

Si la notion de fonction judiciaire dépasse celle deservice public, les magistrats ont toutefois des droits maté-riels et moraux à défendre comme tout membre de la fonc-tion publique.

Ils ont le droit en tant que tels de se syndiquer maisl’originalité de leur rôle leur impose un syndicalisme spéci-fique. Cette spécificité exclut notamment tout engagementpolitique et tout rattachement à une centrale syndicale (….).

Elle exige en revanche, dans l’intérêt du justiciable,une action immédiate et sans limite à toute atteinte oumenace faite aux libertés individuelles, à l’indépendance dela justice et à sa crédibilité.

SUR LA FORMATION ET LE RECRUTE-MENT

L’U.F.M. dont l’action est à l’origine de la création del’Ecole Nationale de la Magistrature, précise que le butprincipal de l’E.N.M. est la formation des magistrats et nondes philosophes, sociologues, ou militants politiques ; celaimplique une formation technique solide qui n’exclut pasune réflexion, à condition que celle-ci ne soit pas prétexte àun conditionnement idéologique.

L’U.F.M. estime au regard des besoins en magistrats,que l’effectif minimum des promotions doit être de 300auditeurs (…).

La durée du stage bordelais, tout en étant suffisam-ment longue pour garantir une formation théorique et l’ou-verture sur le monde extérieur, dot néanmoins être pluscourte que celle des stages juridictionnels, lesquels assurentl’essentiel de la formation.

Les stages extérieurs doivent être diversifiés, une pluslarge initiative étant alors laissée à l’auditeur (….).

SUR L’INDEPENDANCE DES MAGIS-TRATS ET LES GARANTIES DE CARRIERE

Les libertés publiques, l’autorité et la crédibilité de laJustice reposent essentiellement sur l’indépendance desmagistrats.

Celle-ci suppose des garanties destinées à éliminertoute possibilité d’intervention arbitraire sur le déroule-ment de leur carrière.

L’U.F.M. réclame en particulier :- une gestion de l’ensemble du corps judiciaire par le

Conseil supérieur de la magistrature doté d’attributionsdélibératives (…) ;

- une réforme profonde de la composition du Conseil

supérieur de la magistrature qui comprendrait pour moitiédes magistrats élus par leurs pairs et d’autre part des mem-bres désignés par le Président de la République et par leParlement en raison de leur compétence et de l’intérêtqu’ils attachent à l’œuvre de Justice (…).

SUR LE MINISTERE PUBLIC

L’U.F.M. dénonce les attaques constantes dont lesmagistrats du Parquet sont l’objet.

Elle affirme que ceux-ci sont des magistrats à partentière : défenseurs des victimes, défenseurs de la sociétéet de la chose publique, ils sont aussi les garants des libertésindividuelles.

L’U.F.M. reconnaît leur dépendance à une néces-saire hiérarchie ; mais elle entend faire respecter leur droitparfois méconnu à la liberté de parole.

En conséquence, l’U.F.M. exige que les magistrats duParquet soient soumis au même régime statutaire que leurscollègues du siège.

SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL

L’Union Fédérale des Magistrats :- observe que la population de la France et notam-

ment celle de certains districts ne cesse de croître (indice100 en 1960 – coefficient 127 en 1975) ;

- constate une augmentation parallèle du nombre d’af-faires portées devant les juridictions civiles, pénales et devantles tribunaux d’instance, augmentation due, pour partie, àd’importantes réformes qui nécessitent un accroissementdes effectifs (magistrats et surtout secrétaires-greffiers), uneamélioration des moyens de travail et une modernisation desméthodes de travail (…).

Quoiqu’il en soit, l’U.F.M. estime que ces mesuresdevraient obligatoirement s’accompagner dans certainesrégions d’indemnités spéciales et d’avantages de carrière.

L’U.F.M. pense que d’autres améliorations devraientêtre envisagées dans le fonctionnement des services judi-ciaires, par exemple :

- recyclage des magistrats et fonctionnaires (un moismaximum) en cas de nomination à des fonctions diffé-rentes ;

- jumelage institutionnel d’arrondissement à arrondis-sement voisin pour les juges d’instruction, les magistrats duministère public et les secrétaires-greffiers ;

- versement de l’indemnité de fonction au bénéficedu magistrat d’une juridiction provisoirement chargé d’unposte dont le titulaire ne peut assurer le service (…).

Les dites améliorations s’accompagnant de garantiesde protection indispensables des magistrats et fonction-naires contre les critiques systématiques dont ils sont l’objet.

L’U.F.M. propose également des modifications desconditions et méthodes de travail :

- aménagement des Palais de Justice : salles d’enquêteet de réception, Palais mieux conçus pour l’exercice nor-mal des fonctions judiciaires (salles d’audience, bureauxpour magistrats, locaux mieux aménagés pour les fonction-naires), bibliothèque ;

- matériel : machines à écrire, à reproduire, magnéto-phone, appareils téléphoniques ;

- simplification et normalisation des imprimés, des cita-tions ;

- indemnités particulières pour « travaux derecherche » ;

- adaptation des structures (informatique…) aux finali-tés du Droit moderne.

En résumé, l’U.F.M. réaffirme que notre Justiceactuelle n’est pas en mesure de traiter, avec une efficacitésuffisante et dans l’intérêt des justiciables les affaires qui luisont soumises et qu’elle est mal adaptée aux besoins néces-

sités par l’accroissement de ses tâches.

SUR LES GRANDES OPTIONS DE LAJUSTICE CIVILE

(…) Elle considère que les magistrats professionnelsne sauraient être tenus à l’écart du contentieux de la vieéconomique et sociale.

Aussi est-elle d’avis que progressivement suivant desmodalités concertées avec toutes les autorités, organismeset personnes intéressées, les juridictions commerciales etprud’homales doivent être présidées par des magistratsprofessionnels assistés du concours irremplaçabled’hommes de métier particulièrement compétents (…).

SUR LA REFORME DU DROIT PENAL

L’Union Fédérale des Magistrats : - demande une révision profonde de la législation

pénale (révision du Code Pénal, rédaction d’un codeannexe des contraventions)

- estime que toute réforme fondamentale du Droitpénal suppose :

a) une nouvelle classification des infractionset des pénalités compte tenu de l’état social actuel

b) la redistribution des compétences à l’inté-rieur de l’organisation judiciaire pénale, correctionnalisa-tion de certains crimes, contraventionnalisation de délitsmineurs) ;

c) la modification de certaines procédurespénales, examen par le Tribunal Correctionnel du mandatde dépôt en cas de flagrant délit ; modalités de l’expertise ;simplification de la procédure criminelle) (….)

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LE MANIFESTE DE L’UFM

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NPJ n° 282, janvier 1978

EDITO DE ANDRÉ BRAUNSCHWEIG - NPJ N° 282, JANVIER 1978

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NPJ n° 285, décembre 1978janvier 1979

ÉDITO DE JEAN-MARIE DESJARDINS - NPJ N° 285, DÉCEMBRE 1978 - JANVIER 1979

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LES MOYENS D’ACTION SYNDICALE - NPJ N° 276, JUILLET 1976

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LES MOYENS D’ACTION SYNDICALE - NPJ N° 276, JUILLET 1976

NPJ n° 276, juillet 1976

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UN ANCIEN PRÉSIDENT TÉMOIGNE

Un ancien président témoigne

Claude PERNOLLET, Président d’HonneurPrésident de l’USM de 1992 à 1998Mon entrée dans la magistrature àcoïncidé avec mon adhésion à l’USM.Il me semblait que les magistratsdevaient se regrouper pour réfléchirensemble et se défendre et monengagement a été immédiat etconcret.

Entré au conseil national en 1984,j’ai été sollicité quelques annéesplus tard pour assurer la présidencede notre syndicat en 1992 ; je l’aiacceptée, conscient de la respon-sabilité que cela représentait.

Qu’en était-il de notre vie interne et del’actualité de ces moments passés ?

I ) LA VIE DE L’USM

La vie d’une organisation a son his-toire qui se situe dans l’Histoire :c’est ainsi que l’USM a vécu unegrave crise en 1981 avec la créationde l’APM, au moment de l’arrivée dela gauche au pouvoir qui constituaitun changement politique importantdans la Vème République, puis elle avécu la cohabitation qui a modifié etrendu plus complexes les rapportsque nous pouvions avoir avec l’exé-cutif, chancellerie et Elysée.

Je me dis que c’est en regardant enarrière que l’on peut voir le cheminparcouru, alors accompagnez-moipour ce regard des riches heuresdes années 1992 à 1996.

Nos ministres s’appelaient à

l’époque Michel VAUZELLE (1992-93), Pierre MEHAIGNERIE (1993-95) et Jacques TOUBON (1995-97).

Temps forts de la vie syndicale, noscongrès de province étaient déjàparfaitement organisés, par Jean-François KRIEGK pour celui deToulouse en 1992, par FrançoiseGAMBACHIDZE en 1994 àBordeaux et Jacqueline FAGLIN etVéronique IMBERT, pour celui deMarseille en 1996.

En 1993 disparaissaient deux per-sonnalités de notre organisation :Pierre BEZIO, procureur généralprès la Cour de cassation et JeanRELIQUET (président de l’UFMde1952 à 1968), puis le 2 septem-bre 1994 nous perdions AndréBRAUNSCHWEIG, ancien prési-dent de la chambre criminelle,figure de la magistrature et l’un despères fondateurs de l’USM.

C’était le temps du syndicalismed’autrefois : une équipe de directionrestreinte de six membres avecValéry TURCEY, seul titulaire d’unplein temps syndical, Jean-NoëlBASTELICA, Nicolas BLOT, MichelLERNOUT et Pâquerette GIRARDqui devait par la suite être élue pré-sidente de l’Union Internationaledes Magistrats.

Le traitement de texte faisait alorsson apparition ; on parlait des pro-diges d’Internet mais nous enétions encore à diffuser l’informa-tion syndicale tous les deux moisgrâce à un “FLASH-INFO” ronéo-typé puis reprocopié par nos soinsen 1 000 exemplaires et néanmoinstrès attendu dans toutes les UR.

La médiatisation, comme Internet,se développait et mettait en causenos modes traditionnels de fonction-nement ; la puce électronique com-mençait à contaminer l’hermine.

Valéry TURCEY a ainsi assuré, lepremier, la présence médiatiquepermanente de notre syndicat.

Une époque où des colloquesétaient organisés avec les avocatsde la CNA et les greffiers de l’USAJ :en 1993 sur “L’écrit judiciaire”, en1996 sur le thème de “Vers unedéprofessionnalisation de la justice”.Autre temps !

Ces années de vie militante ont étériches en effet : la grande réforme

J. TOUBON et C. PERNOLLET congrès deMarseille 1996

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UN ANCIEN PRÉSIDENT TÉMOIGNE

du CSM, les réformes statutaires, etles différents combats.

II ) LA GRANDE REFORMEDU CONSEIL SUPERIEURDE LA MAGISTRATURE

C’est un combat réellement histo-rique de l’USM qui aboutissait enfin,ou presque, par la réforme constitu-tionnelle du 19 juillet 1993 suivie dela loi organique du 5 février 1994.

Principale revendication de l’organi-sation majoritaire de magistratsdepuis sa création, cette réformeétait un grand pas en avant.

Elle était de nature à assurer uneindépendance certaine de l’autoritéjudiciaire vis à vis du pouvoir exécu-tif, à travers les nominations en par-ticulier, que la constitution de 1958n’assurait pas.

Le Conseil Supérieur de laMagistrature voyait ses membresmagistrats désormais élus, sa com-pétence en matière de propositionsétendue aux présidents de juridic-tions, ses avis devenir conformespour le siège.

L’unité de la magistrature devenaitune réalité : le CSM, certes divisé endeux formations distinctes, devenaitégalement compétent pour connaî-tre des nominations des magistratsdu parquet, se substituant ainsi à laCommission consultative du parquetaux pouvoirs restreints mise enplace quelques mois plus tôt.

Il lui appartenait aussi d’élaborer unseul rapport annuel d’activité.

Elle n’en restait pas moins uneréforme inachevée puisque le CSMn’avait aucun droit de regard sur lanomination des procureurs géné-raux, les avis émis pour les magis-trats du parquet étaient seulement“simples”, enfin le fait syndical étaitnié puisque les candidatures nepouvaient être qu’individuelles.Nous avions cependant échappéau pire puisque le Sénat avaitmême voté le principe du choixdes membres-magistrats du CSMpar tirage au sort afin d’éviter lamainmise syndicale comme lecraignait l’APM !

Le Syndicat de la Magistrature boy-cottait les premières élections. JeanTROTEL, Alain MOMBEL, Jean-Yves MC KEE, Marine BOU-LOUQUE, ainsi que DominiqueBARELLA, figuraient parmi les plusillustres de nos élus au mois de mai1994 (9 USM sur 12 élus).

La période actuelle nous fait cruelle-ment sentir l’immense retour enarrière que notre pays a décidéd’opérer aujourd’hui concernant cetteinstitution constitutionnelle qui servait

de modèle à de nombreux pays.Nous ne servirons plus d’exemple àl’avenir.

III ) LES AVANCEES STATU-TAIRES

Des dispositions ont été prisesdurant cette période en faveur ducorps judiciaire s’agissant de la pro-cédure de la transparence, du pro-tocole et du repyramidage.

Créée par Robert BADINTER en1982, la transparence des projets demouvements et des candidaturesavait vu son existence remise encause au non du “secret de la vie pri-vée”en 1992 et supprimée en 1994.

Elle était rétablie en juillet 1995 aprèsune forte mobilisation de l’USM avec,notamment, la diffusion d’une pétitionnationale à notre initiative.

Le décret sur le protocole du 21septembre 1995 rétablissait heu-reusement la place de l’institutionjudiciaire au sein des institutions dela République alors que sa rétrogra-dation antérieure, résultant dudécret du 13 septembre 1989, avaitété l’objet d’un rejet du recours del’USM devant le Conseil d’Etat du20 mars 1992 faute d’erreur mani-feste d’appréciation.

Un premier repyramidage dénommérestructuration du corps judiciaire(1990-1995), supprimait la liste d’ap-titude et les deux groupes au sein du IIème grade, puis permettait de fairepasser de 1991 à 1993 le nombre demagistrats du deuxième grade globa-lement de 70% à 58% du corps de la

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magistrature et le premier grade de30% à 42 % environs, la HH repré-sentant toujours 5 % du corps.Ces proportions sont aujourd’huiinversées.

Un plan quinquennal pour la justicejamais achevé était voté en 1994ainsi que la création des conseillersde cour d’appel du IIème grade, deconseillers en service extraordinaireet enfin des assistants de justice.

IV ) LES AFFAIRES SONTLES AFFAIRES

La lutte contre la corruption était unimpératif, malgré l’appel à la “trèsgrande prudence” lancé par le procu-reur général de PARIS au cours d’uneaudience solennelle de rentrée.

Par prémonition, le NouveauPouvoir Judiciaire consacrait dansson numéro de décembre 1993deux articles au statut du parquet :“Le ministère public est-il à la dis-crétion du gouvernement?” et “ Lesprocureurs généraux ne sont pasdes préfets de justice”. Fallait-ildonc tant en en douter que cela ?

L’affaire SCHULLER-MARECHALqui permettait d’orchestrer la désta-bilisation de notre collègue EricHALPHEN « dont les dossiers d’ins-truction visaient en particulier lapassation des marchés publics dela mairie de PARIS » défrayait lachronique sur fonds d’écoutes télé-phoniques illégales.

Le même procureur général dePARIS préconisait le dessaisisse-ment de notre collègue, mais fort heu-reusement la chambre de l’instruction

saisie dénonçait cette manipulation.Le Président de la RépubliqueFrançois MITTERRAND, fait raris-sime, saisissait pour avis le ConseilSupérieur de la Magistrature le 30janvier 1995. Les membres du CSMprocédaient à une enquête appro-fondie et concluaient sans ambagesque le juge d’instruction était bienune victime dans cette affaire.

L’Etat ne sortait pas grandi de cetteaffaire qui impliquait le ministre del’intérieur.

Tout au long de cette affaire la direc-tion de l’USM s’est très fortementmobilisée. Dès les premiers tempsde cette affaire je dénonçais, dansun débat sur LCI m’opposant àDidier SCHULLER, cette manoeuvrede déstabilisation de notre collègue.

Puis venait l’affaire de l’apparte-ment parisien d’Alain JUPPE,dépendant du domaine privé de laville de PARIS, qui causait un grandémoi dans le pays ; elle se concluaitpar un habile classement souscondition du procureur de PARIS,critiqué pourtant tant par la majoritéque par l’opposition.

Ce qui constituait sans doute lesigne d’une bonne décision.

L’USM lors de son congrès deMARSEILLE de 1996 soutenait offi-ciellement “l’appel de GENEVE”lancé par sept magistrats euro-péens spécialisés dans la luttecontre la corruption dont RenaudVAN RUYMBEKE pour la France.

Le NPJ consacrait d’ailleurs sonnuméro d’octobre 1996 à la lutteanti-corruption.

Déjà et toujours l’instruction et le pénal :à la réforme de l’instruction du 4janvier 1993, succédait le report deson entrée en vigueur faute demoyens durant l’été suivant, puis laréforme de la réforme quelquesannées plus tard.

C’est à cette occasion qu’étaitinventée en particulier l’informationde jour au tribunal comme de nuit audomicile du magistrat du parquet detous les placements en garde à vue.Le prurit législatif en matière de pro-cédure ne devait pas cesser depuis.

Dans les mêmes années le nou-veau code pénal, fruit d’une longuerefonte, voyait le jour le 16 décem-bre 1992. Nous étions loin alorsd’un texte de circonstance.

Ainsi le processus de réforme per-manente était bien en marche.

Grandi et instruit par cette expé-rience à la tête de l’USM je repre-nais complètement mon activitéjuridictionnelle.

Après quelques péripéties leflambeau de la présidence devaitêtre repris par mon successeurValéry TURCEY.

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LE TEMPS DU MÉGAPHONE

Les moments forts de mon mandatde président de l’USM, que l’équipedu NPJ a bien voulu me demanderd’évoquer ici, sont indissociables deceux que j’ai connus commeSecrétaire général, sous laPrésidence de Claude Pernollet.

On me permettra donc de commen-cer le « flash-back » avant monélection à la présidence de l’USM,et même avant celle de Claude.

I - LE BOUILLONNEMENT

L’aventure a commencé avec lebouillonnement du début desannées 1990, marqué à la fois parune effervescence syndicale desprofessions judiciaires, et par l’ef-fervescence politique provoquéepar le début de ce que la presseallait appeler «la révolte des juges».

Le plan qui débute mon film inté-rieur est une vue aérienne du Palaisde justice de Paris, cerné par lesmanifestants comme, disons, NotreDame de Paris dans le roman de

Victor Hugo. La scène se déroule le30 novembre 1990.

Au moment où la Cour de cassationcélébrait son bicentenaire, et oùFrançois Mitterrand y prononçaitpour l’occasion un discours fusti-geant « les corporatismes irrespon-sables » (déjà !), une grandemanifestation intersyndicale sedéroulait autour et à l’intérieur dupalais de justice de Paris : syndicatsde magistrats, d’avocats, de fonc-tionnaires de justice, d’éducateurset surveillants de l’administrationpénitentiaire, protestaient tousensemble contre la faiblesse dubudget de la Justice (à l’époque,1,5 % du budget de l’État).

Sous l’œil gourmand des caméras,manifestants et forces de sécuritése trouvaient confrontés, parfoisviolemment – Claude Pernollet yreçut un coup de matraque-.

La revendication budgétaire se dou-blait d’une revendication d’indépen-dance, illustrée par l’épiloguejudiciaire de l’affaire « carrefour dudéveloppement », les débuts de l’af-faire Urba – que le pouvoir del’époque fit tout pour étouffer – et lesdéplorables effets de la loi d’amnis-tie du 15 janvier 1990, qui ne fut plusconnue que sous le nom d’ «auto-amnistie» – alors pourtant que lesparlementaires s’en étaient exclus.Thierry Jean-Pierre puis Renaud VanRuymbecke, les magistrats instruc-teurs successivement chargés de

l’affaire Urba, (bureau d’études impli-qué dans le financement occulte duparti socialiste alors au pouvoirdepuis une dizaine d’années), durentfaire face à des mises en cause dontla brutalité contribua à développerchez de nombreux magistrats – dontj’étais – un sentiment de révolte.

La majorité politique, appuyée parune partie de la presse et un chœurde ténors du Barreau, dénonçait acor et à cri l’irresponsabilité desjuges, et réclamait (déjà !) la sup-pression des juges d’instruction, àlaquelle une commission présidéepar Mme Delmas-Marty fut chargéede réfléchir.

Toute ressemblance avec la situa-tion présente n’est nullement fortuite : les mêmes causes produi-sent les mêmes effets.

L’USM ayant choisi de soutenirThierry Jean-Pierre se trouva aussi-tôt cataloguéede « syndicat de droite » par le partiau pouvoir, tout comme elle se trou-vera classéede « syndicat de gauche » par uneautre majorité, lorsqu’elle apporterason soutien à Éric Halphen enquê-tant sur les marches publics d’Île deFrance, et victime de l’extravagantemanipulation connue sous le nom d’ « affaire Schuller-Marechal ».

Thierry Jean-Pierre, Renaud VanRuymbecke, Bernard Beffy, EvaJoly, Laurence Vichnievsky, Eric

Le temps du mégaphone

Valéry TURCEY, Président d’Honneur

Président de l’USM de 1998 à 2002

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22 le nouveau pouvoir judic ia ire - n° 386 - octobre 2009

LE TEMPS DU MÉGAPHONE

Halphen, Philippe Courroye : autantde collègues que nous avons publi-quement défendus contre lesattaques dont ils faisaient l’objet :communiqués de soutien, tribuneset articles publiés dans la presse,participation á des débats télévi-sés… En acceptant de défendreses convictions sous le feu des pro-jecteurs, l’USM est aussitôt deve-nue un interlocuteur incontournablepour les pouvoirs publics. Car cequi n est pas « vu à la télé » ou « ludans les journaux » n’intéresse pasles responsables politiques. Trentesecondes au journal de 20 heuresou trois lignes dans la presse sontplus efficaces que trois mois denégociations : voici ce que nousavons découvert, avec satisfaction,mais aussi avec un certain effare-ment, tant cette constatation faitréfléchir sur le fonctionnement de ladémocratie médiatisée.

En entrant dans l’ère de la commu-nication, par la force des chosesplus que par goût, nous sommesentrés dans la cour des grands.Nous avons réussi à concurrencer,puis à distancer le Syndicat de laMagistrature sur ce terrain, ce quin’était pas un exercice facile. Quantà la troisième composante du syndi-calisme judiciaire de l’époque,l’APM, qui représentait à peu près15 pour cent des voix aux électionsprofessionnelles, elle a fini par dis-paraître dans la honte d’un jeu de

mots antisémite, et les membres deson équipe dirigeante ont connu,depuis, des parcours très divers.

Bref, sur fond d’affaires politico-finan-cières et de réformes permanentesde la procédure pénale, portée parune vague médiatique favorable àl’indépendance de la justice qui ad’ailleurs eu son équivalent en Italieet en Espagne, l’USM a effectuésans heurts une révolution culturelle.

Parallèlement, l’étreinte du pouvoirExécutif sur la justice se relâchait. Laréforme constitutionnelle du CSM,entrée en vigueur en 1994, a eu pourdouble effet d’étendre la compé-tence du Conseil aux magistrats duparquet, et d’ôter au président de laRépublique le pouvoir de désignertous ses membres. Des magistratsélus allaient donc faire leur entrée auConseil supérieur, malgré les criaille-ries de l’extrême-droite judiciaire, etles réticences d’une bonne partie dumonde politique.

Il est juste de rappeler la part prisepar le Garde des Sceaux PierreMéhaignerie dans l’entrée envigueur de cette réforme décisive.

II - LA CONSOLIDATION

Il va sans dire - mais toujours mieuxen l’écrivant - que sans le soutien detous les membres du bureau, et enparticulier des deux Secrétairesgénéraux hors du commun quefurent Christiane Berkani, puisDominique Barella, ma tâche n’au-rait pas pu être menée à bien.

Fidèle à sa ligne de conduite(défense des intérêts moraux etmatériels de la magistrature, de la

séparation des pouvoirs et de l’indé-pendance de la justice), l’USM acontinué à se faire le porte-parolede tous nos collègues. Elle s’estsystématiquement heurtée, plus oumoins rudement, à tous les Gardesdes Sceaux, quelle que soit leurcouleur politique. Cependant,comme la négociation avec l’USMétait devenue un exercice obligépour tous les ministres de la Justiceet que nous nous étions dotés d’uneforce de frappe médiatique nonnégligeable, nous n’avons jamais eule sentiment d’être sous-estimés.L’un de nos plus précieux atouts aété la division de l’Exécutif : leretour de la cohabitation gauche-droite d’abord, droite-gaucheensuite (1993-1995, puis 1997-2002) a permis à l’USM et au CSMde conquérir, pour le pouvoirJudiciaire, un espace de libertéqu’un Exécutif «monocolore» leuraurait de toute évidence refusé.

Ah, les charmes de la cohabitation !Dans tous les cas de figure, nousétions toujours certains de trouverune oreille attentive à l’Élysée ou àMatignon, d’être écoutés par la moi-tié du personnel politique, et relayéspar la moitié de la Presse.

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