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Projet Equallité De la discrimination à la diversité [ Europe ] Élevage laitier Une approche collective des conditions d’emploi [ Emploi ] Travail & C hangement Le mensuel de l’Anact et des Associations régionales du réseau Anact n°284 Janvier 2003 5,34 Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail réseau [ ] Une prévention conjointe Une prévention conjointe Risques technologiques et risques professionnels Risques technologiques et risques professionnels

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Projet Equallité

De ladiscrimination à la diversité

[ Europe ]

Élevage laitier

Une approchecollective des conditionsd’emploi

[ Emploi ]

Travail&ChangementLe mensuel de l’Anact et des Associations régionales du réseau Anact

n° 284Janvier 20035,34 €

A g e n c e N a t i o n a l e p o u r l ’ A m é l i o r a t i o n d e s C o n d i t i o n s d e Tr a v a i lrése

au

[ ]

Une préventionconjointeUne préventionconjointe

Risques technologiques et risques professionnelsRisques technologiques et risques professionnels

2 Travail & Changement© Anact Janvier 2003

Pour une approche intégrée des risquesPar Henri Rouilleault, directeur général de l’Anact

Travail &Changement

rése

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Directeur de la

publication : Henri Rouilleault

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Dépôt légal : 4e trimestre 2002

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paritaire : 1002 B 01166

ISSN : 1251-9200

Prix : 5,34 € le numéro (+1,52 €

de frais de port en cas d’envoi)

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Mettre le travail au cœur du changement

Travail & Changement

Une publication de

l’Agence Nationale pour

l’Amélioration des

Conditions de Travail.

4, quai des Etroits,

69321 Lyon Cedex 05.

Tél. : 04 72 56 13 13.

Directeur général :

Henri Rouilleault

[ E d i t o r i a l ]

N ous vivons de plus en plus dans ce que le sociologue allemand Ulrich Beck

appelle “une société du risque”, où coexistent risques professionnels,

risques environnementaux, sanitaires et risques pour l’emploi, et où l’inégalité de

la répartition des risques est aussi importante que celle de la répartition des

richesses.

On le sait, les accidents industriels et technologiques sont aussi des accidents du

travail. Au-delà des catastrophes de Seveso, Bhopal ou Tchernobyl, l’actualité est

là pour nous le rappeler. L’explosion de l’usine AZF à Toulouse le 21 septembre

2001 a fait des victimes, à la fois parmi les salariés du groupe Total-Fina-Elf, parmi

ceux d’entreprises sous-traitantes présents sur le site,

et au sein des populations environnantes.

Dans ce contexte, nous sommes confrontés à un triple

défi de décloisonnement. D’abord de la prévention des

risques technologiques et des risques professionnels.

Ensuite des approches techniques, médicales et orga-

nisationnelles des risques. Enfin, des acteurs internes

et externes compétents respectivement sur le travail, la

santé et l’environnement.

En matière de prévention des risques professionnels, le réseau Anact développe

une approche centrée sur l’organisation du travail et les conditions d’exposition

aux risques, complétant ainsi l’action des médecins du travail et des préventeurs

techniques. Et ce, en appui aux acteurs de l’entreprise. Car il n’y a pas de bonne

politique de prévention des risques, qu’ils soient professionnels ou industriels,

sans engagement fort des directions sur ce domaine qui est de leur responsabili-

té. Il n’y a pas non plus de bonne politique de prévention sans le dialogue au sein

du CHSCT, avec les représentants du personnel, favorisant la mobilisation de l’ex-

pertise des salariés sur leur travail et la coopération des différents acteurs

concernés.

Au-delà de son rôle en matière de risques professionnels, le réseau Anact est

ainsi prêt à s’investir davantage sur les risques technologiques à partir de l’exper-

tise sur le travail et son organisation. ■ (Voir dossier page 7)

Le mensuel de l’Anact

et des Associations

régionales du réseau Anact

[

[

Les accidents

industriels et technolo-

giques sont aussi des

accidents du travail.

[ S o m m a i r e ]

[ A g i r d a n s l e s e n t r e p r i s e s ] [ D o s s i e r ] [ E c h a n g e r l e s i d é e s ]

© Anact3 Travail & ChangementJanvier 2003

7. Risques technologiques et risques professionnels

Une préventionconjointe

8. Prévention des risques

Miser sur les sciences sociales autant que sur la techniqueL’humain étant au cœur du système productif,

l’incertitude, et même l’erreur, sont inévitable-

ment là. Comment gérer celle-ci et éviter celle-

là ? Ni les sciences “techniques”, ni les sciences

sociales n’apportent de réponse définitive. Plai-

doyer pour une pluridisciplinarité des approches.

11. Risques technologiques et risques professionnels

Décloisonner les approches et les acteursLa compétence du réseau Anact porte sur la prévention des risques

professionnels, et non directement sur les risques industriels et techno-

logiques. Pourtant, ces deux types de risques coexistent et appellent les

organismes préventeurs à surmonter clivages et cloisonnements.

12. Sûreté

Le crépuscule du “facteur humain”Michel Llory est directeur de l’Institut du Travail

humain. Il livre ici sa réflexion sur une approche

plus organisationnelle de la sûreté et sur l’importance de la prise en

compte du facteur humain.

14. EDF

Contradictions sur la place del’homme dans le nucléaireIndustrie à risques, le nucléaire donne tradi-

tionnellement priorité à une maîtrise technique sans faille sur la prise

en compte du facteur humain. Mais on observe une distance de plus en

plus grande entre l’usine réelle et son concept sur le papier.

17. Risques industriels et à effets différés

Intégrer la dimension humaineLe 18 novembre dernier, le Conseil économique

et social et le ministère des Affaires sociales, du

travail et de la solidarité ont proposé une journée

de réflexion sur les nouveaux défis qui attendent

les CHSCT. Extraits de l’intervention de Charles

Fiterman, rapporteur au Conseil économique et social sur les risques

industriels et technologiques.

18. Partenaires sociaux

La sûreté est l’affaire de tousLa santé des salariés et des riverains, l’économie régionale et la survie

des entreprises dépendent des politiques de sûreté mises en œuvre.

Mais les acteurs n’ont pas le même regard sur la situation et les priori-

tés d’action.

19. Union des industries chimiques

“Responsabiliser tous les acteurs de l’entreprise”Le 4 juillet 2002, l’Union des industries chimiques a signé un nouvel

accord relatif à l’amélioration des conditions de travail et au manage-

ment de la sécurité. Interview de son directeur général, Jean Pelin.

4. Emploi

Élevage laitier

Une approche collective des conditions d’emploiPour anticiper les problèmes de

recrutement de main-d’œuvre et

mettre en place des organisations

adaptées dans les exploitations

agricoles, éleveurs et syndicats

professionnels des Pyrénées

Atlantiques ont fait appel à un

regard extérieur, celui de l’Aract Aquitaine. La série de diagnostics réa-

lisée à l’échelle d’un territoire a permis à la profession de se doter

d’outils nouveaux qui élargissent l’horizon des solutions possibles.

20. Compte rendu

Projet Équallité

De la discrimination à la diversitéLe projet européen Équallité vise à croiser deux problématiques : celle

de la place des seniors et de la situation des femmes au travail. Conduit

sur trois ans, il donnera lieu à des colloques et séminaires.

22. Note de lecture

Entreprise

Le réseau, maillon fort de l’organisationLes auteurs de l’ouvrage La Chaîne et le réseau, se

sont immergés pendant plusieurs mois au cœur du

processus de production du site sochalien de Peugeot.

© Anact© Anact 4Travail & Changement Janvier 2003

[ A g i r d a n s l e s e n t r e p r i s e s ]

mique (GIE) élevage Aquitai-ne, une démarche liant organi-sation du travail et emploi est

lancée avec une première phased’analyse réalisée par l’AractAquitaine. Le comité de pilota-

ge constitué pour lancer l’étudeest composé du GIE ÉlevageA q u i t a i n e , d ’ A g r i m a i n -d’œuvre, de la FDCuma 64, dela Chambre d’Agriculture 64,de l’Association régionaleemploi formation en agricultu-re et de l’Aract.D a n s l e c a d r e d e c e t t eapproche collective qui portesur 18 exploitations d’un terri-toire, six diagnostics sont réali-sés : une première série concer-ne des exploitations familialeset une deuxième des structuresqui emploient de la main-d’œuvre (emploi individuel etgroupement d’employeurs).Les diagnostics appréhendentle travail des éleveurs et dessalariés à partir d’entretiens etd’observations, notammentpendant la traite et les travauxde semis. Ils recueillent lespoints de vue, celui des salariésétant rarement pris en comptepar les professionnels du sec-teur. Ils analysent les modesd’organisation en place et lesmodes de structuration de lamain-d’œuvre et repèrent pluslargement les conditions d’em-plois, les diff icultés et lesenjeux autour de ces questions.

De la main-d’œuvrefamiliale à l’emploiPremier constat : la forte hété-rogénéité des modes de structu-ration de la main-d’œuvre.Structures classiques de l’éle-vage, les exploitations fami-liales reposent sur un mode tra-ditionnel de travail collectif.Deux d’entre elles sont compo-sées du fils, qui est chef d’ex-ploitation, du père et de lamère. Dans l’une, les parentssont toujours en activité, alorsque dans l’autre ils sont à laretraite depuis deux ans etcontinuent à travailler sur l’ex-ploitation quasiment à plein-temps. D’où une souplesse defonctionnement fantastiquepuisque pendant les périodes

➜ ] Élevage laitier

Emploi

Pour anticiper les problèmes de recrutement de main-d’œuvre et

mettre en place des organisations adaptées dans les exploitations

agricoles, éleveurs et syndicats professionnels des Pyrénées Atlan-

tiques ont fait appel à un regard extérieur, celui de l’Aract Aquitaine.

La série de diagnostics réalisée à l’échelle d’un territoire a permis à

la profession de se doter d’outils nouveaux qui élargissent l’horizon

des solutions possibles.

D epuis le milieu des annéesquatre-vingt-dix, Agri-

main-d’œuvre, associationdépartementale pour la gestionde la main-d’œuvre et la pro-motion de l’emploi en agricul-ture, et la Fédération départe-menta le des coopéra t ivesd’utilisation de matériel agrico-le (FDCuma) des PyrénéesAtlantiques travaillent avec leséleveurs sur la gestion du tempset l’organisation du travail.Leurs constats recoupent lespréoccupations des représen-tants professionnels de l’éleva-ge sur l’évolution des exploita-tions. Peu de jeunes candidats,compte tenu des contraintesliées à la traite et aux condi-tions de travail. La professionest confrontée à la disparitiond’exploitations quand leurs pro-priétaires partent à la retraite,ou face à de réelles difficultésdes exploitants, quand ils nepeuvent plus s’appuyer sur dela main-d’œuvre familiale.En 2000, à la demande dugroupement d’intérêt écono-

Une approche collective des conditions d’emploi

Les professionnels de l’éle-vage trouvent peu de jeunescandidats compte tenu descontraintes liées à la traiteet aux conditions de travail. H

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© Anact5 Travail & ChangementJanvier 2003 © Anact

[ A g i r d a n s l e s e n t r e p r i s e s ]

de forte activité, la mère aide àla traite, sort le troupeau, s’oc-cupe des veaux. Il existe unepolyvalence importante, mêmesi chacun privilégie certainesactivités. Au fil du temps, lesmembres de la famille ontconstruit une compétence col-lective qui leur permet de s’or-ganiser dans la journée pourgérer l’ensemble des tâches,sans forcément que tout celasoit véritablement déf ini. Letravail se structure sur un moded’organisation qui n’est pasformalisé et qui fonctionnebien jusqu’au moment où sepose la question du départ desparents. L’exploitant se deman-de alors : “Comment vais-jem’organ i se r, p rendre descongés, dégager du temps ?”

L’un d’eux parle même d’arrê-ter l’élevage s’il ne trouve pasde solution.

Prévoir les coups dursD’autres exploitants ont choiside s’associer dans le cadred’un groupement d’employeur.Ils ont donc fait un véritablecheminement pour embaucherdes salariés. Leurs besoins sontalors souvent d’une autre natu-re. En effet, plus de la moitiéd’entre eux emploient un sala-rié pour les remplacements deleurs congés ou pour une cour-te durée, de 50 à 300 heuresannuelles. Leur objectif est dedégager du temps, de faire faceaux coups durs (accident ,maladie) et surtout d’anticiperla d i spar i t ion de la main-

d’œuvre familiale (parents,enfants…), à laquelle ils onttoujours recours. On retrouvedes modes d’organisa t ionproches de ceux des structuresfamiliales, dans laquelle onintègre le salarié. Le travail decelui-ci n’est pas toujours biendé f in i , i l a ccompagne unmembre de la famille à la trai-te, aide une autre personne àd’autres travaux. Il est perçu defaçon ambiguë par l’exploitantqui souhaite que le salarié soitspécialisé dans la traite, maisaussi très polyvalent et surtoutqu’il soit autonome quand il estseul et exécutant quand il tra-vaille avec la famille. Pour cesstructures qui emploient lesalarié peu de temps, le cadredu GE est très intéressant car le

salarié acquiert de l’expériencechez les autres tout au long del’année. Ceci lui permet d’êtreplus autonome, notammentdans la gestion du troupeaulors des remplacements.Une autre partie des exploitantsest dans une situation différen-te, parfois nouvelle. Ils sontseuls sur l ’exploi ta t ion etemploient un salarié à tempspartiel pour faire face à la char-ge de travail. Le GE est unesolution intéressante mais lanature et le profil de l’emploimis à disposition doivent cor-respondre encore plus précisé-m e n t a u x b e s o i n s , c e q u ie n g e n d r e d e s d i f f i c u l t é spropres. Souvent le tempsd’emploi d’un salarié n’est passuff isant compte tenu de la

Joseph SaulueEleveur, président du GE

de Ledeuix (64)

Avant de travailler avecl’Aract Aquitaine, nous

ne voyions le travail de l’ergo-nome que dans la cabine dutracteur ou dans la salle detraite. Depuis, nous avons réa-lisé que l’ergonomie aborde demanière globale la place de lamain-d’œuvre dans l’entrepri-se : communication entreemployeurs et salariés,

meilleure compréhension dufonctionnement de la personnepar rapport au travail, etc.Elle pose un nouveau regardsur les salariés, le travail etson environnement au traversde notions avant tout qualita-tives. Dans le domaine duvocabulaire, pour qualifier unsalarié, nous utilisions destermes quotidiens, comme“vaillant, sérieux, rapide…”Maintenant nous découvronsdes critères qui définissentmieux la notion d’autonomie :exécuter seul une tâche com-plexe, être capable de déciderde l’opportunité de débuter untravail, mettre en œuvre lematériel nécessaire, évaluer letemps nécessaire, rendrecompte… Nous avons aban-donné la notion de simple exé-cutant. De plus, le constat faitpar l’Aract que notre métiern’est pas spécialement péniblepar rapport à d’autres nous adécomplexés. En revanche,nous n’avions pas consciencedu problème de l’isolement du

salarié : dans notre cas, nousavons deux salariés qui ne serencontrent pratiquementjamais face à sept employeurs.Le diagnostic de l’Aract nous aégalement amené à revoir leprofil des candidats à l’em-bauche alors que le vivier desrecrutements se tarit et que despersonnes, aux parcours trèsvariés, qui recherchent unemploi durable, se tournentvers nous. Parmi ces candi-dats, nous rencontrons beau-coup de femmes. Jusqu’alorsnous recherchions un jeunehomme, de formation agricole,désirant perfectionner sescompétences pour devenir chefd’exploitation. Le diagnosticde l’Aract nous a encouragés àétudier des profils nouveaux etnotamment des candidaturesféminines. En embauchant unesalariée, en juin dernier, nousavons découvert que très peude tâches ne lui convenaientpas et qu’elle présentait beau-coup de qualités : ponctualité,un naturel plus critique (quand

elle pose une question, elleattend une réponse cohérente),une finition du travail de qua-lité et de propreté et unerecherche de l’autonomie (ellepréfère un programme à lajournée et gérer son temps àune liste de tâches bout àbout).Enfin, concernant la fidélisa-tion des salariés, cette expé-rience nous a fait redécouvrirnotre métier, non plus unique-ment sous l’angle techniquemais aussi sous l’aspect com-munication entre les personneset relation entre l’opérateur etson travail, avec une approchequalitative. Ouvrier agricoleest bien un métier, pas seule-ment un boulot de jeunes dansl’attente de jours meilleurs. Lafidélisation passe donc par larecherche de moyens de parti-cipation à la vie de l’entrepri-se. Nous devons aussi coor-donner nos façons de passerles consignes aux salariéspour que celles-ci soient mieuxcomprises.

Point de vue

DR

© Anact© Anact 6Travail & Changement Janvier 2003

véritables déterminants de l’ef-ficacité de ces structures.Si, en la matière, ces GE n’ontrien à envier au secteur indus-triel, en revanche le salariéagricole peut se trouver isolédans ces formes d’emploi. Seulface à plusieurs employeurs, iln’est pas intégré en permanen-ce dans un même collectif detravail. Les questions de statutet de garanties sociales ne sontpas toujours posées commeelles peuvent l’être dans desentreprises classiques. Pour despersonnes qui ne viennent pasdu monde agricole, cela peutêtre un frein important. Aujour-d’hui, la représentation dessalariés dans le monde agricoleprend tout son intérêt et lesacteurs professionnels et insti-tutionnels essaient d’avancersur ce terrain.

Rendre le métierattractifFace à ces constats, plusieurspistes de réflexion s’ouvrent.Lors de la réunion du comitéde pi lotage, les différentsacteurs professionnels ontconsidéré qu’une des premièresétapes consistait à mieux défi-nir le métier d’éleveur pourdégager les besoins en termesd’emplois ou d’autres formesde structuration (regroupe-ment…). La déf inition d’unréférentiel du métier est envisa-gée. L’accompagnement desexploitants lors de la créationdes GE et dans les mois quisuivent est vraiment primordialpour aider ces employeurs àpasser d’un mode traditionnelde gestion de la main-d’œuvreà une véritable approche del’emploi. Enfin, au regard desconstats dégagés, il faut mettreplus en avant les attraits de cesmétiers aux yeux des salariés,m a i s a u s s i p o u r s u iv r e l aréflexion sur les conditionsd’emploi et de travail. ■

Catherine Brun (Aract Aquitaine)

[ A g i r d a n s l e s e n t r e p r i s e s ]

Emploi

charge de travail, l’exploitantest très attentif au coût écono-mique du salariat et parfois desproblèmes d’organisation sur-viennent. Ces exploitations ontdes salariés totalement auto-nomes à la traite. En revanchel e n ive a u d e p o ly va l e n c edemandé pour les autres tâchesest souvent trop important. Cephénomène est amplifié par lefait que le salarié répond auxsollicitations de l’ensemble desexploitants du GE qui ont sou-vent des besoins différents enmatière de compétences (acti-vité de traite, conduite du trac-teur, maintenance…) Jusqu’oùaller ? La définition du niveaude polyvalence recherché doitêtre élaboré collectivement parles employeurs du GE.

Un mode de régulationLa première fonction du GE estbien de répondre à des besoinsindividuels en termes d’emploiqui peuvent être différentsquantitativement et qualitative-ment. Néanmoins, il existe dansces groupements des besoinsrelativement homogènes auniveau des tâches à effectuer.L’intérêt du groupement se situeaussi dans l’approche collectivede l’emploi. Cette forme d’ap-prentissage à l’emploi permetde réguler ensemble certainesquestions et de rompre l’isole-ment des exploitants. Le GEreprésente un mode de régula-tion important pour gérer lesévolut ions constantes desexploitations. Il garde une sou-plesse puisqu’il permet d’ajus-ter la main-d’œuvre pour l’ex-ploitant tout en maintenant lesemplois dans le GE. Il préfigu-re parfois un passage vers l’em-ploi individuel.Plusieurs acteurs ont participéau processus de création desG E ( A g r i m a i n - d ’ œ u v r e ,Cuma, syndicat laitier…). Leurrôle est capital. Dans chaquegroupement, le président joue

un rôle pilier dans la gestion etl’organisation. Il est importantqu’il soit l’interface avec lessalariés sur l’ensemble desquestions collectives. “Agri-

main-d’œuvre accompagne lesexploitations agricoles dans lagestion du recrutement et enparticulier sur les aspects del’emploi partagé pour les grou-pements d’employeurs”, préci-se Jean-Michel Grassin, direc-teur d’Agri main-d’œuvre.Deux constats peuvent êtrefaits sur les conditions de tra-vail : la pénibilité physique estrelativement faible, les exploi-tants des GE sont attentifs auxconditions de travail par soucide fidélisation et de pérennisa-tion de l’emploi salarié. Eneffet, les salariés eux-mêmesconsidèrent l’activité commepeu pénible. Il reste encorequelques opérations physiquesmais avec la mécanisation etl’amélioration des salles detraite, la pénibilité a bien dimi-nué. De plus l ’act ivi té estdiversifiée. On ne fait pas lesmêmes gestes toute la journée.Il y a un niveau d’autonomieintéressant. Ce qui participe àla dégradation des conditionsde travail, c’est plutôt la poly-valence demandée trop impor-tante et le coût d’adaptation dusalarié à chaque structure. Maisil faut aussi intégrer dans laréf lexion les quest ions detemps de travail, de rémunéra-tion, de participation à la vie del’exploitation. Cela permet deconsidérer les conditions d’em-ploi et de travail comme de

Une trop grande polyvalence

participe à la dégradation

des conditions de travail.

[

[

En juin 2002, la filièrebovins lait a lancé un

Projet d’amélioration de quali-té de vie en élevage laitier(Paqvel) né d’une réflexionvisant à limiter les astreintessur les exploitations, associéeau travail de l’Aract. Avant finjanvier 2003, 15 réunions desensibilisation rassemblerontentre 300 et 400 éleveurs desLandes et des Pyrénées Atlan-tiques. Ensuite, des techniciensspécialement formés par l’Ins-titut de l’élevage se rendrontsur les exploitations pour éta-blir avec l’agriculteur, un dia-gnostic sur les problèmes d’as-treinte et l’organisation dutravail. Parallèlement, le comi-té technique du projet, auquelparticipe l’Aract, rédigera desfiches solutions – une vingtai-ne sont en cours –, réperto-riant des actions déjà mises enœuvre par des éleveurs aqui-tains. L’Aract donnera une lec-ture critique de l’ensemble deces outils et pourra intervenirplus particulièrement sur cer-taines initiatives ayant trait àla main-d’œuvre. Enfin, le GIEfait actuellement le tour despartenaires, européens, régio-naux, locaux, professionnelspour trouver des financementsaux solutions qui seront rete-nues.

Point de vue

Lionel ChaumontAnimateur du GIE élevage

Aquitaine

DR

© Anact7 Travail & ChangementJanvier 2003

[ D o s s i e r ]

Risques technologiques

et risques professionnels

➜ ]11Décloisonner les approches et les acteurs■ par Henri Rouilleault

Le risque industriel existe. Inutile de lenier. Toutes les études le prouvent,

même si elles divergent dans le fait d’yintégrer ou non la notion de probabilité. Enadmettant cette évidence, les décideursse placent en situation de prévenir le dan-ger lié à l’exercice d’une activité indus-trielle, qu’il soit d’ordre nucléaire, chi-mique ou biologique. Les solutions nesont pas seulement techniques mais aussisociales (voir p. 8 à 10), tant il est vrai quele facteur humain pèse de tout son poidsdans la prévention des risques (voir p. 12-13). Ainsi les entreprises doivent-elles

avoir une approche multidimensionnellequi combine la sécurisation des matérielset des installations, l’analyse médicaledes situations de travail et une organisa-tion adaptée, susceptible de faire face auxaléas de tous ordres (voir p. 11). Plusieursréflexions sont en cours sur ce sujet, dansle secteur du nucléaire (voir p. 14 à 16) ausein du gouvernement ou au Conseil éco-nomique et social (voir p. 17 et 18), tandisque l’Union des industries chimiques estallée plus loin encore en signant en juilletdernier, avec les organisations syndicales,un accord sur la sécurité (voir p. 19).

Dossier coordonné par Michel Berthet(Anact, département Santé et travail) etBenoît Grandjacques (Anact, départe-ment Compétences, travail et emploi).

➜ ] 8Miser sur les sciencessociales autant que sur la technique■ par Benoît Grandjacques

➜ ] 12Le crépuscule du facteur humain■ par Michel Llory

➜ ]14Contradictions sur la place de l’hommedans le nucléaire■ par Benoît Richard

et Michel Berthet

➜ ]17Intégrer la dimensionhumaine■ par Charles Fiterman

➜ ]18La sûreté est l’affaire de tous■ par Benoît Grandjacques

et Michel Berthet

➜ ]19Responsabiliser tous lesacteurs de l’entreprise■ propos recueillis

par Béatrice Sarazin

Une préventionconjointe

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© Anact 8Travail & Changement Janvier 2003

N ucléaire, chimique, biologique : troisfamilles de produits présentent des

risques industriels et technologiques signi-ficatifs. Certains produits et sous-produitsque les industriels doivent transformer,transporter ou stocker ont des propriétésintrinsèques qui sont une menace pourl’opérateur et l’environnement. Toxiques,radioactifs ou explosifs, ils présentent undanger par leur existence même et pourtant,aujourd’hui, il ne serait pas réaliste de s’enpasser totalement.La prévention des risques, qu’ils soientindustriels ou professionnels, s’appuie surles notions de danger, de risque et d’acci-dent. Sous certaines conditions, le dangermenace l’intégrité physique des personneset de l’environnement. L’accident est la réa-lisation de la menace, du danger. Mais, heu-reusement, il ne peut pas se produire sitoutes ces conditions ne sont pas rassem-blées. Plus on rassemble de conditions, pluson prend de risques.

La prévention est le résultatd’un compromisAinsi, le concept de risque recouvre à lafois l’idée de danger intrinsèque et lesconditions concrètes qui sont rassembléespour se mettre en danger. Mais en fait, lors-qu’on étudie un risque en particulier, il y atoujours un grand nombre de facteurs et onne les maîtrise jamais tous. Certains peu-vent survenir de façon méconnue ou aléa-toire. C’est pourquoi la notion de risquecomporte aussi une idée de probabilité.Selon Hubert Currien*, “certains ont affir-mé qu’en travaillant bien, on arrivera au

risque zéro. Ça n’existe pas et il est irres-ponsable de le prêcher”. Le lien entre pro-babilité et risque est d’ailleurs probléma-tique : peut-on compter sur “la chance”pour éviter un accident ? “Non”, disent lespréventeurs. “C’est inévitable”, répondentles praticiens. Alors qu’aujourd’hui la loifrançaise refuse le concept de probabilitédans les études de danger, dans d’autrespays d’Europe les dossiers comportent unaspect statistique.La prévention des risques consiste à éviteren permanence la conjonction des facteursde risques qui transformerait probablementle danger en accident. Prévenir, ce n’est passeulement prévoir, bien que l’évaluationdes risques en soit une étape indispensable.Prévenir c’est agir, mais malheureusement,la prévention est un problème sans “solu-tion”, au sens de l’éradication. Dès lors, sil’accident ne survient pas, c’est grâce à descompromis, trouvés au cas par cas et mis àjour en permanence, pour en réduire la pro-babilité et les effets.C’est là notre hypothèse. La sûreté est lerésultat du travail quotidien de femmes et

d’hommes. Travail de conception pour ima-giner et en réaliser des installations aussisûres que possibles malgré un dédale decontraintes et d’embûches. Travail de ges-tion, pour redistribuer clairement les tâcheset les responsabilités, créer des modes opé-ratoires et des procédures éprouvés. Travaild’exploitation pour tenir compte des expé-riences vécues, inventer des solutions sûresà une multitude de petits imprévus qu’uneusine complexe crée chaque jour. Travaild’ajustement aussi afin d’exploiter l’expé-rience dans la conception et l’organisation.Dès lors, la prévention est bien le résultatde compromis. Mais comment s’élaborent-ils ? Comment se passe la connivence entreles différents acteurs, scientifiques, produc-teurs, gestionnaires, préventeurs, pouvoirspublics, populations soumises au risque ?Laissons à d’autres articles de ce dossierl’angle très important de la responsabilitédes décideurs (voir encadré p. 10) pouraborder celui de la pluridisciplinarité. Pour-quoi n’a-t-elle pas encore atteint le niveausouhaité malgré les accidents dramatiquesqui ont eu lieu dans le monde, à Tcherno-byl, ou à Mexico ? Que faire pour dévelop-per la pluridisciplinarité dans le domaine dela prévention?

Réduire ou gérerl’incertitude?Très schématiquement, deux écoles seconfrontent et doivent se compléter.Les sciences de l’ingénieur visent à réduirel’incertitude par une conception saine duprocess et des équipements utilisés. Lespoints les plus sensibles sont sécurisés àl’aide d’équipements coûteux, contrôlés. Letout est surveillé à l’aide d’automatismesqui assistent l’opérateur dans sa tâche deconduite et de surveillance.Pour cette école, les contraintes sont lescoûts, les limites des connaissances scienti-fiques et, bien sûr, le facteur humain, le plusdifficile à gérer car impossible à mettre enéquation. Le moindre incident est un échec,

➜ ] Prévention des risques

La prévention des risques industriels et technologiques est revenuedans l’actualité en septembre 2001, relançant le mythe du “risquezéro”. Mais l’humain étant au cœur du système productif, l’incerti-tude, et même l’erreur, sont inévitablement là. Comment gérer celle-ci et éviter celle-là? Ni les sciences “techniques”, ni les sciencessociales n’apportent de réponse définitive. Plaidoyer pour une pluri-disciplinarité des approches.

Miser sur les sciences socialesautant que sur la technique

[ D o s s i e r ]

Prévenir c’est agir,

mais la prévention

est un problème sans “solution”,

au sens de l’éradication.

[[

© Anact9 Travail & ChangementJanvier 2003

l’idéal serait de réduire à zéro l’incertitude.La tentation est grande de nier le risque àpartir de l’affirmation “tout est prévu”.Mais peut-on tout prévoir dans ces installa-tions ? On arrive à oublier des pans entiersde l’activité et plusieurs catastrophes n’ontpas pour origine la production de produitsdangereux, mais leur stockage. L’explosionà AZF s’est produite dans un bâtiment destockage qui ne figurait pas dans l’étude dedanger.Les sciences humaines et sociales aff ir-ment, elles, qu’il y a une part irréductibled’incertitude dans le travail. Il y aura tou-jours des améliorations, des changements,des expérimentations dans les procédés. Ilest normal qu’une équipe d’exploitationcherche à réduire les coûts. De nouveauxsalariés devront se former. Compte tenu dela complexité atteinte, les équipements peu-vent tomber en panne. En fait, une usine estrarement en fonctionnement normal, maisen fonctionnement nominal , tolérantquelques défauts mineurs.Pour cette école, il faut gérer l’incertitude,c’est-à-dire donner des moyens aux opéra-

teurs et aux équipes pour qu’ils puissentagir même en situation imprévue. Ainsi,l’homme et l’équipe deviennent des fac-teurs de f iabilité. Dès lors, correctementexploité, tout dysfonctionnement mineurpeut être formateur, source d’innovation.Pour cela, il faut du temps.

Il n’empêche que l’homme fait des erreurs,s’habitue aux dangers. Le Barpi, organismepublic qui publie une base de données desaccidents industriels et technologiques,estime par exemple qu’en 2001, les anoma-lies d’organisation et les défaillanceshumaines sont impliquées dans respective-ment 42 et 28 % des cas dans l’industrie

chimique, 24 et 35 % des cas dans lesindustries alimentaires. Les défaillancesmatérielles sont plus fréquentes, maisn’ont-elles pas elles-mêmes pour origineune cause organisationnelle ou humaine infine ?Ces deux écoles entrent en conflit lors-qu’elles sont soumises aux contraintes detemps, de résultats économiques ou de prisede responsabilité. Réduire l’incertitude oula gérer ? Contraindre l’opérateur par desprocédures strictes ou lui laisser des margesde manœuvre ? Automatiser la surveillanceà distance ou développer les rondes ? L’opé-rateur est-il un acteur de la sécurité ou uncomposant faillible? Il n’y a pas de réponseunique à ces questions. Le lieu de débat estaussi discuté. Est-ce le CHSCT ou lebureau d’études ? Les opérateurs et leursreprésentants apportent un savoir-faire, pasforcément un savoir. L’ingénieur a parfoisdu mal à en tenir compte.Les ingénieurs analysent les process enfonctions et organes, en services et enpostes. Les sciences humaines et sociales seconcentrent sur l’individu et les collectifs.

[ D o s s i e r ]

Il est normal

qu’une équipe d’exploitation

cherche à réduire les coûts.

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“Il faut gérer l’incertitude, c’est-à-diredonner des moyens aux opérateurs etaux équipes pour qu’ils puissent agirmême en situation imprévue.”

EDIT

ING

© Anact 10Travail & Changement Janvier 2003

[ D o s s i e r ]

Ce n’est pas équivalent car le lien qui reliel’individu et le poste ou le collectif etl’équipe n’est pas univoque. Le préventeurne peut ignorer ces différences.

Jouer la pluridisciplinaritéLes statistiques soulignent la stagnation dunombre d’accidents du travail. Les spécia-listes l’expliquent par l’atteinte d’une limitede la technologie. Certes, il reste des progrès à faire, commeen témoigne la miniaturisation récente deprocédés qui permet de réduire la quantitéd’encours et de stockage de produits dange-

reux. Mais il faut désormais coupler lesprogrès technologiques avec les progrès enorganisation. Ce couplage est seul garant del’efficacité des démarches de prévention.C’est bien dans la complémentarité pluri-discipl inaire qu’i l y a des marges de progression.Comment les exploiter au mieux ? Unconsensus semble se dégager sur les pistesà explorer par une approche pluridiscipli-naire. Ce sont l’identification et l’exploita-tion des signaux faibles qui précèdent sou-vent les accidents , les condi t ions desous-traitance et l’harmonisation d’obliga-

tions légales telles que le document uniqueexigé par le code du travail et l’étude de danger imposé par le code de l’environ-nement.C’est cet enjeu de coopération entre plu-sieurs disciplines que le réseau Anactcherche à approfondir en lien avec d’autrespréventeurs. ■

Benoît Grandjacques (Anact, département Compétences, travail et emploi)

* Hubert Currien est président de l’Académie des sciences.

Ancien ministre de la Recherche, il s’est exprimé lors du col-

loque “Maîtrise des risques industriels, pour une chimie sûre et

durable”.

Le principe de précaution bouscule la responsabilité des décideurs

Dixième principe du sommet de Rioen 1992, évoqué dans le traité deMaastricht, le principe de précautionest inscrit dans la loi du 2 février1995. En vertu de ce principe, “l’ab-sence de certitude compte tenu desconnaissances scientifiques et tech-niques ne doit pas retarder l’adoptionde mesures [pour limiter] les risquesde dommages graves et irréversiblesà l’environnement […]”.Auparavant, il y avait le principe deréparation : le dégât était considérécomme réparé lorsque le prix en étaitpayé. Avec ce nouveau principe, lemot irréversible introduit l’idée d’unerupture irréparable, impardonnable.Dès lors, le risque n’est plus accep-table. La sanction n’est plus seule-ment financière, elle est pénale.Deuxième changement apporté parce texte, l’absence de certitude. Leprincipe de réparation continue às’appliquer au domaine du certain,tandis que le principe de précautionprévaut dans le domaine de l’incerti-tude “compte tenu des connais-sances scientifiques et techniques”.Que recouvre l’incertitude? D’abord larelation de causalité. L’état desconnaissances scientifiques ne per-met pas toujours de prouver que ledommage constaté découle de lacause évoquée. Ensuite, la nature et

la réalité même du dommage. Parexemple, on estime que tel fait pourracauser des dommages à moyenterme, mais la science ne peut pas ledémontrer. Ce principe exige un exer-cice actif du doute, il change le rap-port de la société à la science. Il impo-se de considérer l’hypothèse du pireet induit une obligation de résultat.Troisième changement, la temporalitédans le droit. Depuis 1789, on jugeen fonction des connaissances et deslois telles qu’elles étaient au moment

des faits reprochés, c’est-à-dire aumoment des décisions. La faute étaitétablie si une décision était prise pournuire ou était contraire aux connais-sances certaines à l’instant de ladécision. C’est le principe de non-rétroactivité du droit. Mais il est cou-rant de décider sur ce qu’on ne saitpas encore. Lors du jugement, l’état des connais-sances n’est plus le même. La fautepeut maintenant être reconnue alorsque les risques n’étaient au départque soupçonnables et non démon-trables. L’insuffisance de résultats oule dommage imprévu devientcondamnable.Ainsi, le principe de précaution renfor-ce la responsabilité des décideurs entermes de sanctions pénales, d’obli-gations de résultats et de suivi desdécisions. Pour éviter de renforcersimultanément les mécanismes dedéfense qui pourraient introduire del’opacité, il faudrait compléter ce prin-cipe par une éthique de la responsa-bilité, fondée sur la transparence etl’information.

MC

Pour en savoir plus

Encyclopedia universalis, “Risquestechnologiques”.

© Anact

La compétence du réseau Anact porte sur la prévention des risquesprofessionnels, et non directement sur les risques industriels ettechnologiques. Pourtant, les récents événements le montrent, cesdeux types de risques coexistent et appellent les différents orga-nismes préventeurs à surmonter clivages et cloisonnements.

Décloisonner les approches et les acteurs

➜ ] Risques technologiques et risques professionnels

sur toute la chaîne d’activité, production,maintenance, stockage, transports, déchets,ce qui pose la question de la coordinationdes acteurs…La société est pourtant confrontée à la résis-tance à la baisse des accidents du travail, audéveloppement des maladies profession-nelles reconnues, à l’impact de l’éclatementjuridique des collectifs de travail, auxrisques technologiques et industriels.

Les CHSCT, acteursincontournablesLes CHSCT, dont on fête la 20e année, sontégalement un acteur incontournable. Pour-tant, ils n’existent que dans trois quarts desentreprises de plus de 50 salariés et sontsouvent plus démunis que les autres institu-tions représentatives du personnel, moinssouvent heureusement dans l’industrie etplus particulièrement les sites à risques.Cela implique :- un dialogue social vivant, tourné vers l’ac-

tion et pas seulement la revendication, surles dangers potentiels, la fréquence et lagravité des risques ;

- une coopération sur la sécurité entre lesentreprises intervenantes sur un mêmesite ;

- un dialogue social élargi au-delà de l’en-treprise donneuse d’ordre aux salariés dessous-traitants et intérimaires souvent plusexposés ;

- enf in, s’agissant des risques technolo-giques et industriels, de la protection despopulations environnantes, un dialoguesociétal élargi aux élus et associations quiont droit à la transparence des données, àla connaissance des plans d’action…

La détermination des différentes modalitésde ce dialogue élargi revient aux parte-naires sociaux et au législateur, comme, parexemple, au travers du récent accord dansla chimie de juillet 2002 ou du projet de loiBachelot qui sera discuté prochainement auParlement. ■

Henri Rouilleault (directeur général de l’Anact)

plusieurs équipes, de mettre en débat lesmodes opératoires de chacune d’elles. De lamême façon, le développement d’outils estnécessaire : retours d’expérience sur lesincidents industriels, classement de leurgravité…Le lien entre risques professionnels etrisques technologiques et industriels doitinciter à sortir plus que jamais du cloison-nement des approches et du cloisonnementdes acteurs.Cela suppose d’intégrer :- l’approche médicale (le médecin du tra-

vail peut réinvestir dans l’analyse dessituations de travail ses interrogationsbasées sur la plainte des salariés),

- l’approche technique (la connaissance desproduits et des processus, la normalisationrisque par risque)

- l’approche organisationnelle (l’analyse dutravail réel, toujours différent du travailprescrit, fait de gestion d’événements,d’aléas de tous ordres, d’initiative, demarges de manœuvre).

La compétence du réseau Anact porte pré-cisément sur l’approche organisationnelle,mais un des enjeux majeurs de cette ques-tion est justement d’y intégrer les autresapproches.

Un dialogue élargiNous avons coutume de dire qu’il fautdésormais à la fois “faire de la préventionun projet” (allant en boucle de l’évaluationdes risques, au plan de prévention, à la miseen œuvre des actions et à l’évaluation deleurs effets) et “faire de la prévention danstous les projets”, qu’il s’agisse de laconception de nouveaux équipements, oude nouvelles organisations. Il faut le faire

© Anact11 Travail & ChangementJanvier 2003

A lors que la prévention des risques parl’analyse a posteriori des accidents a

longtemps dominé, l’analyse a priori desrisques doit être renforcée. La directiveeuropéenne de 1989, l’accord des parte-naires sociaux de l’automne 2000 et ledécret sur le document unique de novembre2001 incitent à la pluridisciplinarité dansl’évaluation a priori des risques la plusexhaustive possible pour chaque famille desituations de travail.

Mais l’approche par la norme, par lecontrôle, ne suffit pas. Dans les systèmesde plus en plus complexes qui lient leshommes et les machines, l’organisation, lefacteur humain, jouent un rôle essentiel. Lafiabilité des systèmes passe toujours par leshommes et les femmes au t ravai l , enconception comme en exploitation. L’orga-nisation du travail, les conditions d’appren-tissage individuel et collectif, les facteurspsychosociaux jouent un rôle. La formationà la sécurité, c’est d’abord la formation autravail. Les salariés ont à la fois des savoir-faire de précaution et des comportementsde dénis du risque, ce qui débouche surl’intérêt, pour les ateliers travaillant avec

Il faut “faire de la prévention

un projet” et “faire

de la prévention

dans tous les projets”.

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[

© Anact

[ D o s s i e r ]

I l serait présomptueux de vouloir pré-tendre faire un examen de la situation de

la sûreté aujourd’hui dans les centralesnucléaires, sans tomber dans le doubleécueil opposé de la banalité des analyses ouconstats maintes fois répétés de la fiabilitéde celles-ci, ou d’une critique systémati-quement destructrice.Pourtant, c’est bien cet exercice périlleuxqu’il faut tenter, avec l’objectif de verserquelques éléments de réflexion au dossiercomplexe, parfois contradictoire, multifor-me en tout cas, de la sûreté et de la préven-tion des risques majeurs.En d’autres termes, c’est essayer d’apporterun “regard neuf ” à des pratiques de sûreté.Le regard neuf, c’est souvent l’obsessiondes responsables de la prévention desincendies – les pompiers – lorsqu’ils visi-tent des installations exposées à ces risques.C’est tenter d’apporter un regard décalé,des idées novatrices, ou un ensemble depropositions présentées de façon originale,qui permettent de sortir du sentiment, voirede la conviction, que tout est dit, tout estinventé, et qu’il n’y aurait pu qu’à appli-quer.Nous nous contenterons de citer ici deuxaspects qui nous tiennent à cœur.

De l’analyse des erreurs à l’analyse organisationnelleLes “accidents” l’illustrent de façon répétéeet suggestive et même démonstrative : iln’est plus possible de s’en tenir à une ana-lyse locale de l’événement ; l’approche quiconsisterait à n’envisager que les acteursimmédiats de l’er reur, ou des er reurshumaines, qui ont conduit à un “événe-ment” serait l’équivalent de l’analyse par lepetit bout de la lorgnette ; les analystesferaient preuve d’une singulière myopie.

Il paraît donc nécessaire, incontournabled’affronter cette question des “facteurs oudes phénomènes organisationnels”. Maissommes-nous capables de mettre en évi-dence de tels facteurs? Au-delà des métiersproches du process, quels sont les acteursou agents impliqués dans la sûreté, et dontles décisions, les actions, ou l’absence dedécisions, l’absence d’actions, contribuentà la production sociale des incidents ?

Si nous partons de la référence des acci-dents, nous devons admettre sous la multi-plication des preuves, des études de casdétaillées que l’accident organisationnelrésulte, certes, dans l’immédiat d’uneconjonction défavorable d’événementslocaux, tels que défaillances techniques eterreurs humaines, mais celles-ci sont à leurtour favorisées, induites, voire précipitéespar l’ensemble de l’organisation, ou dumoins un ensemble d’instances organisa-tionnelles en interaction (services internes àl’organisation, organismes extérieurs, entre-prises sous-traitantes…).C’est ainsi que nous avons introduit lanotion de réseau organisationnel de “l’acci-dent”. La construction du modèle organisa-tionnel d’un “accident” nécessite de remon-ter dans le temps au cours de la “périoded’incubation”, pour examiner les conditionsqui ont peu à peu – ou de façon discrète,

discontinue – conduit au déclenchement etau déroulement de l’événement ;d’établir des liens organisationnels entreinstances impliquées dans l’événement (le“réseau organisationnel”) et analyser lanature des défaillances entre ces instances.Cela revient à placer l’événement dans uncontexte beaucoup plus large que l’analysecomportementale locale des opérateursproches du processus de travail, qui est lemode d’analyse le plus souvent pratiquédans les entreprises.L’analyse organisationnelle débouche natu-rellement sur la question de ses conditionsconcrètes de réalisation. S’il semble indis-pensable de s’interroger sur les conditionsd’ensemble de production des dysfonction-nements, l’investigation au sein des organi-sations passe par des sujets, des agents(personnel de terrain, experts, managers,qui tous concourent à la sécurité), et par lamédiation de l’analyse du travail. Maisc’est aussi parce que les sujets eux-mêmestendent à replacer le sens de leur travail, deleur action, de leurs décisions, dans uncadre plus large que nous sommes, entreautres, amenés à cette analyse organisation-nelle. C’est en particulier parce que lesopérateurs de terrain et leur encadrementdirect s’interrogent eux-mêmes sur lesconditions organisationnelles de leurs diffi-cultés de travail, des risques éventuels, quenous sommes guidés dans la voie de l’ana-lyse organisationnelle(2).

Un regard neufAprès l’accident de Three Mile Islandnotamment, et dans les années quatre-vingt,la notion de “facteurs humains” commediscipline, ou du moins comme activitéd’analyse, nous avait paru un moyen com-mode et eff icace pour promouvoir parmiles ingénieurs les questions essentielles dela place et de l’action de l’homme dans lessystèmes techniques. La mise en valeur, lareconnaissance de la contribution positivede l’homme à la sûreté, au quotidien, etnotamment des savoir-faire de métier et deprudence, des règles (informelles) des col-lectifs, des conditions mêmes de l’existence

L’analyse organisationnelle débouche

naturellement sur la question de ses

conditions concrètes de réalisation.

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12Travail & Changement Janvier 2003

Michel Llory(1) est directeur de l’Institut du Travail humain. Il a étéégalement ingénieur-chercheur et responsable du départementÉtudes de sûreté et de fiabilité (devenu management des risquesindustriels) d’EDF-recherche et développement. Il livre ici saréflexion sur une approche plus organisationnelle de la sûreté etsur l’importance de la prise en compte du facteur humain.

Le crépuscule du “facteur humain”➜ ] Sûreté

© Anact13 Travail & ChangementJanvier 2003

[ D o s s i e r ]

et de la résistance de ces collectifs, appa-raissaient un objectif fondamental à placer,comme on le dit de nos jours, dans l’agendades chercheurs, mais aussi des experts ensûreté et des managers.Mais le bilan que nous faisons est au moinsmitigé : non seulement le contenu profonddes “facteurs humains” n’est bien souventpas saisi par les managers et experts, maisla notion s’est propagée au prix d’un excèsde formalisme, d’une instrumentalisationdes analyses du travail et des risques, desaudits et des relations de travail.Il est possible que l’idée même de “facteurshumains” ait entravé la prise de consciencedu contenu profond de ce que certainsd’entre nous, chercheurs, universitaires etingénieurs, entendaient à travers cettenotion : non seulement les comportementset les conduites cognitives, mais aussi cettecontribution positive au travail et cette partaffective de toute personne (la mobilisationsubjective, l’engagement et l’enthousiasme,l’intelligence créatrice et pratique, l’intui-tion, mais aussi la peur et le stress).Il est tout à fait possible que nos modes deprésentation, de discussion, d’argumenta-tion de ces questions aient favorisé unevision mécaniste et réductrice de l’hommeet contribué à renforcer cette tendance àl’instrumentalisation.

Il apparaît que l’instrumentalisation, sousdes formes savantes et sophistiquées, agagné les sciences humaines et sociales.Dans un ouvrage récent, Pierre Bourdieufustige cette tendance, entre autres, de lasociologie de la technique à effacer la diffé-rence entre objets et humains : par exemple,

lorsque Bruno Latour étudie le statut d’ac-teur du groom, non le portier humain, maisle dispositif de fermeture automatique deporte et lorsque Michel Callon “dans sonétude sur les coquilles Saint-Jacques metsur le même plan les pêcheurs, les coquillesSaint-Jacques, les mouettes, le vent, en tantqu’éléments d’un ‘système d’actants’”.(3)

(p. 64-65).Nous ne pouvons nous départir d’un certainmalaise également lorsque Edwin Hutchins,

dans un fameux article d’ergonomie cogni-tive “Comment le ‘cockpit’ se souvient deses vitesses”(4) écrit notamment : “on peutétudier à souhait les propriétés cognitivesd’un tel système [la cabine de pilotage](c’est-à-dire rendre compte des propriétéscomportementales du système à l’aide deses représentations internes), sans dire unmot des processus qui opèrent à l’intérieurdes acteurs individuels” (p. 453).Après tout, nous avons dépensé beaucoupd’énergie et de temps depuis la f in desannées soixante-dix pour que les “facteurshumains” soient autres choses que des sys-tèmes, des processus, et le siège d’opéra-tions, autre chose que des composants d’unsys t ème t echn ique , l e s composan t shumains.Nous avons dépensé beaucoup d’énergie etde temps pour que les managers reconnais-sent leur rôle fondamental dans la produc-tion des accidents et, de ce fait, soient lesacteurs d’un profond changement dans laconception de la sécurité.C’est en cela que nous évoquons le “cré-puscule du facteur humain” : le dépasse-ment souhaitable de cette notion qui n’a paspermis d’accomplir ce changement de para-digme qui nous paraît nécessaire à terme.D’autant plus que, de nos jours, la dimen-sion organisationnelle oblige manifeste-ment à de nombreux et profonds réaména-gements des approches des problèmeshumains de la sûreté. Peut-être ainsi unnouvel agenda se dessine-t-il : penserl’homme dans la technique et avec la tech-nique, mais non comme un composant-constituant de celle-ci ; penser l’hommedans le vaste complexe organisationnelauquel il appartient pour assurer la sûretédes organisations à hauts risques. ■

Michel Llory(1) Michel Llory est l’auteur de deux ouvrages parus aux Edi-

tions l’Harmattan, Paris : Accidents industriels : le coût du

silence. Opérateurs privés de parole et cadres introuvables,

1996 ; L’accident de la centrale nucléaire de Three Mile Island,

Nouvelles perspectives pour la sécurité, nouvelles inquiétudes,

1999.

(2) Michel Llory, “Fiabilité et sécurité organisationnelles. Le

diagnostic organisationnel”, Revue Performances, n° 2, janvier-

février 2002, p. 41-53.

(3) Pierre Bourdieu, Science de la science et réflexivité, Rai-

sons d’agir éditions, Paris, octobre 2001.

(4) E. Hutchins, Comment le “cockpit” se souvient de ses

vitesses, Sociologie du Travail, Vol. XXXVI, n° 4, 1994, p. 451-

473.

“Nous avons dépensé beaucoup

d’énergie pour que les managers

reconnaissent leur rôle fondamental

dans la production des accidents.”

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La mise en valeur de lacontribution de l’homme àla sûreté apparaît commeun objectif fondamentalpour les chercheurs.

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© Anact© Anact Travail & Changement Janvier 200314

[ D o s s i e r ]

Comment préserver la santé et améliorerla sécurité des hommes dans l’industrie

nucléaire, tout en tenant compte des mul-tiples contraintes qui pèsent sur cette indus-trie ? Réunis en colloque à Paris les 9 et 10octobre 2002, à l’initiative des représentantsdu personnel EDF au Conseil supérieurconsultatif (soit le comité d’entreprise natio-nal), agents, encadrants, direction, médecinsdu travail, experts et chercheurs ont dresséun état des lieux de la question. S’il ressortdes différentes études épidémiologiques quela santé des salariés du nucléaire est bonne

en général, le colloque a toutefois renducompte du développement d’un mal-être autravail qui se répercute sur la santé de façoninégale suivant les catégories de salariés.Premier signe de mal-être : le stress aug-mente, particulièrement durant les périodesd’arrêt de tranche visant à permettre desopérations de maintenance souvent délicateset dangereuses. Pour satisfaire des objectifsde disponibilité (service public) et de renta-bilité financière, ces arrêts doivent être deplus en plus courts. Ce qui se traduit par uneaugmentation de la charge de travail pour

chacun et par la nécessité d’une meilleurecoordination entre les équipes. Simultané-ment, les agents doivent respecter des pro-cédures plus nombreuses, coûteuses entemps, comme en témoigne un agent : “Lagestion du papier occupait 10 % du temps,alors qu’aujourd’hui elle en occupe 35 %,diminuant la part du travail de terrain”. Parailleurs, la maintenance est de plus en plusréalisée par des prestataires extérieurs. Orl’encadrement et le contrôle, tâches réali-sées par EDF, impliquent une plus grandedisponibilité des agents, ce qui augmente lescontradictions entre objectif de raccourcirles délais et nécessités du travail.De fait, les procédures sont souvent endécalage avec les situations réelles de tra-vail. La distance se creuse entre l’entreprise“de papier”, virtuelle et l’entreprise enaction, réelle. La position de grand écart estde plus en plus diff icile à tenir pour lesagents. Selon Michel Llory, directeur del’Institut du travail humain, “le virtuel”représente pour de nombreux travailleurs“l’idée que se font les cadres de notre tra-vail” et devient, un des symptômes de la dif-ficulté de discussion et de compréhensionentre le personnel de terrain et les cadres”.Par ailleurs, “le turnover augmente auniveau des chefs de service qui ne connais-sent, de ce fait, ni les hommes, ni les pra-tiques, explique Michel Tereszko, respon-sable CGT à la centrale de Chinon. De cefait, ils calquent les prescriptions sur desgens qui ont l’habitude de procéder autre-ment.” Néanmoins, des exemples d’amélio-ration de l’organisation existent. Jean-Phi-lippe Bainier, président du CHSCT etdirecteur de la centrale nucléaire de Dam-pierre, a été nommé à ce poste alors quel’Autorité de sûreté était alertée par de nom-breux dysfonctionnements. “Nous avonsredressé le site en coopération avec lesagents et gagné la confiance de l’Autoritéde sûreté en tenant compte de l’avis desintervenants, témoigne-t-il. La dose d’irra-diations a été divisée par deux. Nous avons

➜ ] EDF

Industrie à risques, le nucléaire donne traditionnellement priorité àune maîtrise technique sans faille sur la prise en compte du facteurhumain. Mais on observe une distance de plus en plus grande entrel’usine réelle et son concept sur le papier. Autant de contradictionsque salariés, syndicats, encadrement et experts ont récemmentsoulevées.

Contradictions sur la place de l’homme dans le nucléaire

Les procédures sont sou-vent en décalage avec lessituations réelles de travail.

EDIT

ING

© Anact15 Travail & ChangementJanvier 2003

réduit le temps d’exposition, notamment enaméliorant la préparation des programmesde maintenance.”Industrie à risque, le nucléaire donne lapriorité à une maîtrise technique sans faille.“Nous avons tous une formation techniqueet la logique cartésienne correspondante,reconnaît Marlène Waciega, chef de serviceà Gravelines. Nous avons en revanche dumal à comprendre le fonctionnement et l’or-ganisation des individus et des collectifs.Nous devons opérer une profonde remise enquestion.” Mais selon Gilles Compagnat,responsable du syndicat CFDT à la centralede Golfech, “les transitions dans l’organisa-tion sont souvent brutales” et il préconise àcette occasion “la notion d’expérimentationqui rend possible le retour en arrière…”.Pour François Daniellou, professeur d’ergo-nomie à l’université de Bordeaux II, “lescollectifs apportent la fiabilité dans tous lesendroits où les prescriptions ne l’apportentpas, mais ceux-ci peuvent “s’abîmer”… etconstituer un risque principal en matièrenucléaire”. Des propos que ne dément pasYves Clot, professeur en psychologie du tra-vail au Centre national des arts et métiers(Cnam), pour qui “le collectif peut se défi-nir comme ce qui empêche d’errer tout seulparmi l’étendue des bêtises possibles. Iln’est pas simplement une coopération

autour d’une tâche, mais aussi une ressourceque chacun peut transformer en moyend’agir dans une situation concrète”.Le statut de la parole dans l’industrienucléaire est un enjeu majeur. “Le discoursofficiel sur la sécurité et la sûreté est décaléde la réalité que nous vivons”, déploreBruno Blachon, responsable CGT de laCogema à la Hague. Les agents EDF témoi-gnent de cet écart, mais les salariés sous-

traitants ont, eux, plus encore de difficulté àparler. Deux intérimaires ont vu leur contratnon renouvelé parce qu’ils ont dit ce quin’allait pas sur leur site (voir encadré ci-dessous). Cela n’est pas sans répercussionsur leur moral. Selon Michel Lallier, secré-taire CGT de CHSCT et initiateur du col-loque, “la vérité est difficile à déceler, dansla mesure où il n’existe aucun observatoiredes mesures sociales de l’activité des sous-

traitants. S’il faut sans doute reconnaître à ladirection les quelques initiatives qu’elle aprises pour transformer le travail au sein del’entreprise, il n’en demeure pas moins queces actions n’ont eu aucun impact positif surles conditions de travail des salariés et surles performances de l’entreprise en termesde qualité et de sûreté nucléaire.”Du côté des agents EDF, Anne Chevalier,épidémiologiste du régime particulier desécurité sociale EDF-GDF, note que si lessalariés du nucléaire semblent avoir moinsde problèmes de santé – y compris de can-cers – que ceux d’autres entreprises, enrevanche “on observe un excès de suicideschez les agents de maîtrise”. Pour PhilippeDavezies, chercheur en médecine et santé autravail à l’Université Lyon I, nous sommesen présence de “phénomènes susceptiblesd’être interprétés comme des phénomènesindividuels, alors que la décompensationtémoigne de questions de travail qui échap-pent au débat social et ne sont pas étudiées”.Pour les salariés de la sous-traitance, l’en-quête Sted* révèle que 40 % des interrogésdéplorent une dégradation importante desmoyens de travail. Si, en 1993, ils ont “unvécu du travail positif ”, en 1998, ils signa-lent une mauvaise entente avec les salariésEDF. “Ceci constitue une alerte très impor-tante”, avertit Ghislaine Doniol-Shaw, co-

“Le collectif peut se définir comme ce

qui empêche d’errer tout seul parmi

l’étendue des bêtises possibles”.[

[

Patrick Herviou Ancien salarié

d’une entreprise prestataire d’EDF

Vous avez été victime d’un accident sur un chan-tier. Comment cela s’est-il passé?Le 7 novembre 2001, j’effectuais des tra-vaux de soudure dans des locaux élec-triques. J’intervenais dans un sas montépour protéger les câbles électriques des pro-

jections d’oxycoupage, mais celles-ci ontprovoqué un départ de feu du sas lui-même.J’ai été hospitalisé pendant une journéepour une incommodation aux fumées déga-gées. L’incendie n’aurait pas dû se produire.Le chantier n’était pas en conformité. Pour-tant, quand j’ai repris le travail, rien n’avaitchangé. Je suis rentré en conflit avec monchef d’équipe, refusant de travailler dansles mêmes conditions et j’ai demandé l’in-tervention du CHSCT de la centrale. Aprèsinspection, celui-ci a fait interrompre lechantier sur-le-champ jusqu’à sa mise enconformité.

Quelles conclusions votre employeur a-t-il tiré decet incident?J’ai été convoqué par ma société pour dres-ser un “arbre des causes de l’accident”. Madirection a tenté de me faire signer unpapier m’imputant la responsabilité de l’in-cendie. J’ai refusé. Ma mission a été arrêtée

le 30 novembre. En fait, j’ai été mis àl’écar t . Lors des pér iodes d’ar rêt detranche, tous mes amis et collègues tra-vaillant dans le nucléaire sont sollicités,mais pas moi. Des responsables locauxm’ont fait comprendre que j’avais tropparlé à la presse. J’aurais dû me faire vireret ne rien dire.

Comment expliquez-vous une telle situation?Beaucoup de petites entreprises intervien-nent, la concurrence est rude, les temps etles coûts d’intervention sont réduits aumin imum. Ce la se répercu te su r l e souvriers de base. Je n’ai aucune formationen soudure, je suis simplement un bon bri-coleur. J’ai été formé en quinze jours à cequ’est une centrale. On ne voit jamais lesdocuments qu’on est censé valider. Surtoutes les sociétés pour lesquelles j’ai tra-vaillé, une seule m’a fait signer des docu-ments d’analyse de risque.

Point de vue

DR

© Anact© Anact 16Travail & Changement Janvier 2003

[ D o s s i e r ]

auteur de l’enquête. Pour François Daniel-lou, “la réforme de l’organisation “plaquée”sans comprendre ce qui existait déjà” peutexpliquer cette détérioration. L’interventiongrandissante des entreprises prestataires estégalement un élément clé : elle est ressentiecomme une fuite des compétences par lesagents EDF, mais aussi comme un facteurde baisse de qualité en matière de sécuritéet de sûreté.Cette étude met aussi en évidence une amé-lioration de l’exposition aux radiations dessalariés interrogés entre 1993 et 1998. Iln’empêche que les personnels d’entreprisesprestataires reçoivent 80 % des doses.“10 % du personnel reçoit plus de 10 milli-sieverts/an. Il y a une aggravation desinégalités sociales vis-à-vis de la santé”,déclare aussi Dominique Huez, médecin dutravail à la centrale de Chinon. Celui-cialerte également sur les effets pervers de lagestion du parcours professionnel par ladose. Cette mesure de protection du salariéconsiste à l’affecter à des tâches sansrisques d’irradiation quand celui-ci a étéexposé à la dose maximale autorisée. Mais

quand cela se produit pour un salarié de lasous-traitance, il peut être affecté à un autrechantier, parfois sur un site différent et êtreexposé à d’autres risques, par exemple àl’amiante, sur une opération de déflocage.Une telle mobilité et la diversité des exposi-tions rendent plus difficile le suivi médical.Un exemple : Serge Gergaud, 50 ans, estsalarié d’une entreprise sous-traitante.“Entre 1984 et 1998, j’ai pris 208 millisie-verts. Auparavant, j’ai été aussi exposé aurisque de l’amiante”, déclare-t-il. Parcequ’il n’est plus apte à intervenir sur aucunde ces chantiers, son employeur a entaméune procédure de licenciement.L’enquête sur les salariés de la sous-traitan-ce met aussi en évidence des conditions detravail difficiles en termes d’horaires et derythmes. “Parfois, on quittait le jeudi soir unsite et on roulait toute la nuit pour travaillersur un autre le vendredi”, confirme SergeGergaud. “Les horaires se sont améliorésmais on partait de loin, signale GhislaineDoniol-Shaw. La flexibilité, voire l’imprévi-sibilité, des horaires, “a des conséquencesgraves sur la vie personnelle et la santé de

ceux que l’on appelle “les nomades dunucléaire”, avertit Philippe Davezies.De ce colloque “à très haut risque”, trèsriche en prises de position, en témoignagesbouleversants, en réflexions profession-nelles instruites et pertinentes, en proposfaisant objet de controverses… que retien-dra-t-on ? “Des questions nouvelles sur lacapacité de l’entreprise à définir des objetsde compromis, sans exigence d’un consen-sus”, comme le suggère François Guérin del’Anact ? Mais parce que très attendue,beaucoup retiendront la réponse favorable,de Laurent Stricker, directeur du parcnucléaire, au principe d’un CHSCT uniquepar site, au bénéfice de la reconnaissancede la dimension collective (EDF et sous-traitants) de la prise de risque. Comme ledit Guy Jobert, “les débats ont montré qu’iln’existe pas deux catégories de salariés ausein d’EDF”. ■

Benoît Richard, journaliste et Michel Berthet(Anact, département Santé et travail)

* Salariés de la sous-traitance EDF. L’enquête Sted a été réali-

sée auprès de 2500 salariés, interrogés successivement en 1993

et 1998.

Florence SchreiberDirectrice déléguée RH et management,

EDF Division production nucléaire

Quelles mesures atténuent les effets négatifs dutravail sur la santé, sachant qu’il y a encore desinégalités entre agents EDF et salariés d’entre-prises prestataires?Notre objectif est de traiter des problèmesde santé au travail de la même façon pourtous les salariés intervenant dans nos instal-lations. Les salariés d’EDF et d’entreprisesont la même surveillance médicale (mêmesexamens, même temps médical, même for-

mation des médecins). Pendant les arrêts detranche, le volume de travail est plus impor-tant, et cela peut provoquer un certainstress, générateur de problème de santé.Pour y remédier, nous donnons priorité à laprévention en améliorant la planificationdes travaux : nous nous efforçons parexemple de passer les commandes quatremois à l’avance et maintenant de mieuxintégrer les prestataires à la préparation desarrêts. Mais nous ne sommes pas à l’abrides aléas. Nous avons donc aussi mis enplace un système d’information pour avertirdes décalages de planning. Par ailleurs, la dosimétrie reste une préoc-cupation constante. La dose réglementaireest passée en 2002 de 50 à 20 millisivertspar an. En 1992, nous enregistrions 1200intervenants au-dessus de 20 millisiverts,contre 580 en 1996, 2 en 2000 et plusaucun depuis.

Le statut de la parole dans l’entreprise apparaîtproblématique, surtout pour “les intermittents dunucléaire”. Peut-on mettre en place des disposi-tifs leur permettant de mieux s’exprimer?

Le terme d’intermittent me paraît un peufort. Parmi les salariés des entreprises pres-tataires, 82% sont en CDI.Concernant le statut de la parole, il n’y aaucune consigne de silence. Le moindreécart est noté, analysé, et remonte au mana-gement. S’il arrive que des salariés soientsoumis à des injonctions contradictoiresentre le prescrit et la pratique, ils doivent ledire. Je peux comprendre que cela soit plusfacile pour les agents en interne que pourles intervenants externes. Pour évoluer surce point, nous avons mis en place des ins-tances de suivi. Ce système permet designaler les difficultés de façon anonymeou en ne faisant apparaître que le nom del’entreprise, si la personne le souhaite.Nous recueillons environ 200 sollicitationspar an par ce système, concernant desretards de paiement d’indemnités de dépla-cements, des remarques sur les conditionsde travail (manque de préparation, etc.)ainsi que des suggestions par rapport à dessituations de travail constatées. Celles-cisont examinées par le chargé de relationsindustrielles.

Point de vue

DR

© Anact© Anact17 Travail & ChangementJanvier 2003

[ D o s s i e r ]

D’u n p o i n t d e v u e h i s t o r i q u e , i lconvient de rappeler que le droit de

la sécurité professionnelle a commencé à seconstruire dès la fin du XIXe, centré autourde la protection des travailleurs dans leurenvironnement immédiat.Il en va différemment des risques indus-triels et technologiques, pour lesquels ilfaudra attendre l’accident survenu à Feyzinpour que le législateur intervienne, par uneloi de 1976 en instituant dans le domainede la prévention des risques un premier dis-positif cohérent. Dans le même sens, c’estdix ans après l’accident de Seveso de 1976que la Communauté Européenne prend unepremière directive, qui sera suivie d’uneseconde en 1996, renforçant les règles desurveillance et de protection des sites lesplus exposés.La France tire les conséquences de ce nou-vel environnement juridique supra-national,notamment par la création du ministère del’Environnement et par l’organisation d’uneDirection de la prévention des pollutions etdes risques. Dans le domaine de l’associa-tion des personnels, deux lois successivessont adoptées. L’une en 1982 élargit ledomaine d’intervention des CHS auxconditions de travail, l’autre prise en 1991permet aux CHSCT de s’intéresser auxrisques technologiques et industriels…

Dépasser clivages et cloisonnementsAdministrative dans sa conception, l’ap-proche nationale se caractérise à cetteépoque par le cloisonnement des structureset des acteurs intervenant dans le domaine.C’est la raison pour laquelle, après l’ondede choc de l’accident survenu à AZF et la

prise de conscience qui s’en est suivie, ilest apparu nécessaire de revisiter dans satotalité le champ de la gestion et de la pré-

vention des risques, en cherchant à prendreen compte l’interdépendance des causesd’accidents et à dépasser les clivages et lescloisonnements, facteurs de réflexions etd’approches séparées. Ce n’est qu’à cettecondition que des démarches de préventionglobales et plus eff icaces pourront êtremises en place.La réflexion à conduire doit aujourd’huiprendre pour paramètre prioritaire l’hu-main. Certes, les approches technologiquesdes questions de prévention des risques doi-vent se poursuivre. Il est ainsi possible detirer parti de l’expérience conduite dans ledomaine du nucléaire, avec l’application duprincipe de défense en profondeur, qui pos-tule la mise en place de plusieurs niveauxde sécurité, prenant en compte les risques

de défaillance successifs et installant unesuite de barrières articulées et à déclenche-ment progressif…La question de la marge d’incertitude, cellede la gestion de l’espace correspondant au“feu orange”, nécessite une réflexion inté-grant une forte dimension humaine, et valo-risant l’adaptabilité de l’homme, son expé-rience et ses savoir-faire… Tout autantd’ailleurs que la probabilité de défaillanceou d’erreur qui est la sienne, et qui ne doi-vent ni être négligées, ni être traitées sousle seul angle de la responsabilité… du lam-piste.En fait, il convient à tous les stades de laproblématique d’intégrer pleinement ladimension humaine – les employeurscomme les salariés et leurs représentants,experts du quotidien –, en matière d’éva-luation des risques (process de production,produits dangereux, nouvelles technolo-gies…), en matière de gestion et de contrô-le des risques, y compris des systèmes d’or-ganisation et de management de la sécurité,ou encore en matière de retour d’expérienceaprès un accident, impliquant de disposerde données agrégées cohérentes.Il s’agit, à tous les niveaux, de veiller à l’in-formation, la formation des acteurs, la qua-lité et la capacité d’expertise, l’ensemble deces facteurs conduisant à prendre appui surla responsabilité de chaque acteur, en évi-tant soigneusement toute confusion desrôles. C’est ainsi qu’une construction socia-le nouvelle pourra être envisagée, impli-quant dans le cadre d’un véritable partena-r ia t toute la chaîne des acteurs de lasécurité. L’interdisciplinarité, entraînant lecroisement des pratiques, et la constructionde cultures communes, peuvent contribuerà l’avènement de cette nouvelle approchedes questions de sécurité et de préventiondes risques.Le moment est venu de définir le cadre destratégies et de pratiques nouvelles au servi-ce de la sécurité de tous, de telle sorte qu’ily ait bien un avant et un après Toulouse. ■

Charles Fiterman, rapporteur sur les risques industriels

et technologiques au Conseil économique et social

Le 18 novembre dernier, le Conseil économique et social et le minis-tère des Affaires sociales, du travail et de la solidarité ont proposéune journée de réflexion sur les nouveaux défis qui attendent lesCHSCT. Charles Fiterman, rapporteur au Conseil économique et social sur les risques industriels et technologiques, a introduit le thème de réflexion d’un des ateliers intitulé “Les risques indus-triels et technologiques et les risques à effets différés”. Nouspublions quelques extraits de son intervention.

Intégrer la dimension humaine➜ ] Risques industriels et à effets différés

La question de la marge d’incertitude nécessite uneréflexion valorisant l’adaptabilité de l’homme.

MC

© Anact© Anact 18Travail & Changement Janvier 2003

[ D o s s i e r ]

La santé des salariés et des riverains, l’économie régionale et lasurvie des entreprises dépendent des politiques de sûreté mises enœuvre. Mais les acteurs n’ont pas le même regard sur la situation etles priorités d’action. Au travers de leur participation à plusieursmanifestations sur les risques industriels, l’État comme les diffé-rents représentants des syndicats de salariés et du patronat ontexprimé leur point de vue. Synthèse.

La sûreté est l’affaire de tous➜ ] Partenaires sociaux

quotidien des salariés et de les rendre tousacteurs de la sûreté.Pour les syndicats, la sûreté repose aussisur une politique industrielle et sociale. Lapolitique consistant à limiter les moyenstout en renforçant les contrôles atteint rapi-dement ses limites. La construction d’undéveloppement durable doit s’appuyer surles paroles des salariés et des riverains. Eneffet, les sites progressent en sécurité, c’estindéniable. La technologie y contribue,mais le facteur humain est encore mal prisen compte.Les syndicats constatent des diminutionsd’effectifs, l’augmentation de la polyvalen-ce et de la sous-traitance. Des décisionsirréversibles sont prises dans ce domaine.Dans ce contexte, la sécurité peut passer ausecond plan. Aussi est-il nécessaire d’ap-porter une grande attention à une expéri-mentation des solutions projetées, à la dif-

fusion de l’information, à la coopération.C’est pourquoi les représentants du person-nel s’inquiètent des cloisonnements et de lasoumission de certains cadres aux logiqueséconomiques.Le rôle du CHSCT se renforce, ce que lessyndicats apprécient. Ils regrettent cepen-

L’État le dit aujourd’hui de manièreferme : en matière de sûreté, il faut évi-

ter la sédimentation juridique. Reste à ins-crire la protection de l’environnement dansla constitution et à respecter les engage-ments internationaux de la France. Premiè-re priorité : le contrôle des installationsconfié aux Drire et à l’inspection du travail,deux acteurs à coordonner. La complexitéet l’évolution rapide des installations ren-dant les opérations diff iciles, il s’agit dedoter ces institutions de moyens adaptés àleur mission.

Construire un développementdurableSeconde priorité : réduire ensemble lesrisques à travers une “économie respon-sable”. La responsabilité première appar-tient à celui qui conçoit, réalise, exploite etgère les écarts. Les entreprises ont autrechose à défendre qu’un bilan et doiventprendre en charge les problèmes de sécuri-té. Économiser sur la prévention serait unevision à très court terme. Pour cela, latransparence et la participation de tous lesacteurs sont des moyens incontournables.Les directions des entreprises de chimieconstatent-elles un divorce entre les faits etleur retentissement. La chimie semblecondamnée à être acceptée par l’opinionpublique, faute de quoi elle risque de dispa-raître. Pour cela, il s’agit d’accroître lasécurité et de gagner en confiance. Le pointde dépar t ne semble pas s i mauvais ,puisque la chimie est l’une des branches oùles accidents du travail sont les moins nom-breux, en fréquence comme en gravité.Pour progresser, lutter contre “l’asymptote”de la sécurité (les statistiques ne progres-sent plus), il convient de travailler sur le

dant que les inspecteurs de la Drire ne lesrencontrent pas . De p lus , le nombred’heures accordées aux membres desCHSCT est insuffisant et n’augmente pasavec les nouvelles charges, telles que lesvisites trimestrielles. Ils dénoncent enfin lerôle de “policier” que certaines directionsconfient parfois au CHSCT.

Beaucoup à faire en zone urbaineDans les PME, la situation est peu homogè-ne. Il y a parfois beaucoup à faire sur l’éti-quetage, le suivi des produits et sous-pro-duits. Certaines manquent de compétencespour établir le document unique exigé parle décret du 5 novembre 2001, ou même“pour avoir conscience de son importance”,comme l’affirme un représentant du per-sonnel.Le domaine du transport reste lui aussiinquiétant pour les organisations syndi-cales. Si la circulation et le stockage sontbien pris en compte, il y a beaucoup à fairedans le domaine de la mise à jour desfiches des produits transportés, dans l’orga-nisation de convois, notamment en zonesurbaines. La sûreté des véhicules et laproximité des produits ne sont pas régle-mentée dans les parkings, les gares de tria-ge et les ports. Le nettoyage des contenantspose aussi des problèmes et est à l’origined’accidents, principalement par défaut deconnaissance sur des produits. Par ailleurs,ne fournissant pas une activité de sous-trai-tance, mais une prestation de service enbout de ligne, les entreprises de transportne seront pas associées aux structures“sites” des CHSCT prévues dans la futureloi Bachelot.Ces différents regards portés sur les risquesindustriels par les acteurs concernés ne sontpas un préjudice, mais plutôt une garantiedans la prise en charge de cette question…à condition toutefois que se poursuivent leséchanges et les confrontations entamés sousle choc de l’événement AZF. ■

Benoît Grandjacques (Anact, département CTE)

et Michel Berthet (Anact, département ST)

La construction d’un développement

durable doit s’appuyer

sur les paroles

des salariés et des riverains.

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© Anact© Anact19 Travail & ChangementJanvier 2003

[ D o s s i e r ]

L’Union des industries chimiques (UIC) est une organisation profes-sionnelle rassemblant toutes les entreprises de la chimie qu’elle repré-sente et défend dans différents domaines (social, économique…). Le 4 juillet 2002, elle a élaboré et signé un nouvel accord relatif à l’amé-lioration des conditions de travail et au management de la sécurité.Jean Pelin, Directeur général de l’UIC, en explique l’objectif. Interview.

“Responsabiliser tous les acteurs de l’entreprise”

➜ ] Union des industries chimiques

formation aux risques pour les salariés deces entreprises ; la participation possible dereprésentants intervenant sur site des entre-prises extérieures.

Dans ce texte est mis notamment en exergue uneapproche globale de la maîtrise et de la gestionde la sécurité impliquant les entreprises sous-traitantes habilitées et prestataires, dites « exté-rieures ». Comment mettre en œuvre cette préoc-cupation dont la catastrophe d’AZF a soulignél’actualité?J. P : Il est clair que l’amélioration de lasécurité passe par la prévention et la res-ponsabilisation de toutes les parties pre-nantes.Nous pensons que cela doit se vérifier dèsla signature du contrat de prestation. Cedernier doit clarif ier les engagements del’entreprise utilisatrice et de l’entrepriseextérieure pour assurer cette sécurité toutau long de l’intervention avec une connais-sance, une information, une formation, unemise en œuvre de moyens et dispositifsadaptés. L’implication de l’entreprise exté-rieure dans l’élaboration de plans de pré-vention, mais aussi dans le suivi formalisédes aspects sécurité liés à l’intervention(procédure d’accueil, formation spéci-fique…) est également indispensable.

Quel rôle alors pourrait être alloué au nouveauCHSCT « de site »?J. P : Si nous voulons être opérationnels etefficaces, il faut s’appuyer sur le CHSCTexistant et les dispositifs spécifiques, par-fois développés par les entreprises, et ne pascréer une nouvelle structure. Avec les quatreorganisations syndicales signataires, nous

Travail et Changement : L’UIC a signé le4 juillet 2002 un accord relatif à l’améliora-

tion des conditions de travail, d’hygiène et desécurité. Quelles en sont les grandes lignes etqu’est-ce qui a motivé ce nouveau texte, complé-mentaire de votre accord du 20 mai 1992?Jean Pelin : Cet accord sur la sécurité,signé par quatre organisations syndicalessur cinq, a pour objectif de renforcer lamaîtrise de la sécurité sur les sites desindustries chimiques.Ce renforcement passe, pour toutes lesentreprises du secteur, par un managementde la sécurité ; une évaluation a priori desrisques professionnels et sa formalisation ;le développement de l’information et de la

formation à la sécurité avec une approchespécifique pour les personnels associés à laprévention, pour l’accueil des salariés, pourla formation à la sécurité au poste detravail ; le rôle plus fort du CHSCT.Pour les entreprises extérieures interve-nantes, cela passe par un cadre plus strictde sécurité : l’adoption d’un canevas d’ha-bilitation reposant sur des critères de sélec-tion et un dossier de sécurité ; l’habilitationpar un organisme extérieur des entreprisesextérieures intervenant habituellement surun site Seveso-seuil haut ; l’exigence d’une

avons prévu qu’en cas de difficultés liées auplan de prévention, ou en cas d’accidentsignificatif, – pour examiner les résultatsglobaux de sécurité concernant les entre-prises extérieures –, le CHSCT de l’entre-prise utilisatrice pourrait prévoir une secon-de partie de CHSCT avec des représentantsdes entreprises extérieures opérationnels surle site pour proposer des améliorations.

Les risques industriels et environnementaux sontsouvent des risques professionnels, tout enconcernant aussi les populations avoisinantes.Comment mieux lier ces préoccupations et com-ment mieux rapprocher les différents acteurs(médecins du travail, Drire, Cram, élus…)?J. P : Ce rapprochement a déjà commencésous l’impulsion de ministères concernés.Chez les industriels, cette dichotomie ne seretrouve pas, la prévention porte sur l’en-semble des risques qu’ils soient profession-nels ou industriels.Depuis déjà quelques années, les industrielsde la chimie travaillent à un meilleur res-pect de l’environnement. De multiples sitessont certifiés Iso 14001. Il est nécessairequ’une meilleure connaissance de l’activitéde nos sites et de mesures de sécurité quisont prises soit connue par les populationsavoisinantes et nous nous y employons.Encore récemment, plusieurs milliers depersonnes ont pu découvrir des sites chi-miques dans le cadre d’une opération “A larencontre de la Chimie”. ■

Propos recueillis par Béatrice Sarazin (Anact DIC)

Depuis quelques années,

les industriels travaillent à un

meilleur respect de l’environnement.

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Jean Pelin

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© Anact Travail & Changement Janvier 2003© Anact 20

[ E c h a n g e r l e s i d é e s ]

➜ ] Projet Équallité

Le projet européen Équallité vise à croiser deux problématiques :

celle de la place des seniors et de la situation des femmes au travail.

Porté par Entreprise & Personnel, en partenariat avec les Aract Lor-

raine et Limousin, l’Anact, ainsi que l’Union des caisses nationales

de sécurité sociale (Ucanss), Air-France et l’Afpa, il sera conduit sur

trois ans (2002-2005) et donnera lieu à des colloques et séminaires.

D’ores et déjà, trois journées de réflexion ont eu lieu fin 2002.

Compte rendu.

V ieillissement au travail etégalité professionnelle :

tels sont les deux sujets, nour-rissant le projet Équallite (éga-lité et qualité) lancé pour troisans par différents partenairesporteurs de ces questions. Sonobjectif ? Favoriser la mise envisibilité d’actions déjà enga-g é e s d a n s d e n o m b r e u xcontextes. La première annéede ce projet est centrée sur laquestion de la discrimination,mais sous l’angle positif de lagestion de la diversité, notam-ment âge et genre. En effet, lagénéra t ion du baby-boomentrant dans la cinquantaine,les entreprises françaises vontêtre bientôt confrontées à uneaccentuation du vieillissementde leur population. Concernantla situation des femmes, onconstate que celles-ci sont deuxfois plus nombreuses à êtresalariées qu’en 1960. Mais desinégalités subsistent en termesd’accès à des postes à respon-

sabilités, de rémunération etd’accès à la formation conti-nue. En 2002, les partenairesdu projet ont donc engagé surces ques t ions d i ff é ren te sactions : entre autres, un col-loque national et deux col-loques régionaux.

Point de départLe premier colloque “la dyna-mique des âges et l’attractivitérég iona le” a eu l i eu le 12novembre en Limousin. Uneétude démographique, réaliséepar l ’Arac t L imous in à lademande du Conseil régionalsur “Âge et travail en Limou-sin”, est le point de dépar td’une réflexion qui devraitdonner lieu à une plus fortemobilisation sur la question dela gestion des âges dans leLimousin. Les ateliers de cecolloque ont été l’occasiond’échanger entre partenairesterritoriaux selon trois axes :l’attractivité régionale, les

entreprises, et la formationcontinue face aux âges*.Le 28 novembre, à Paris, lecolloque “De la discriminationà la diversité, les clés de per-formance pour l’entreprise” aeu pour objectif de mettre enperspective les actions de déve-loppement de la diversité dansles entreprises françaises, euro-péennes et nord-américaines.Cette journée a proposé uneouverture sur le thème de ladiversité, lequel devient désor-mais objet de réflexion et deconfrontation de pratiques, entermes de diffusion et de com-munication, pendant les troisannées qui viendront jalonnerle projet Équallité.Le management intercultureln’est pas un thème neuf dansles entreprises. Ce qui est plusrécent est de parler de multi-culturalisme et de diversité eth-nique de la main-d’œuvre et,encore plus , d’en fa i re unthème de préoccupation pour

les directions de ressourceshumaines (DRH). La nouveau-té aujourd’hui, du moins enAmér ique du Nord, e s t l eretour du management intercul-turel pour gérer une force detravail locale et mieux répondreaux demandes des consomma-teurs nationaux. Cette nouvellepréoccupation des grandesentreprises américaines s’ap-pelle le management de ladiversité alors que la sociétéaméricaine a longtemps fonc-tionné avec un a priori assimi-lateur. Les différences entre lesg roupes é t ique tés commeminoritaires devaient petit àpetit s’estomper pour se fondredans l’american way of life.Les spécificités, si elles subsis-taient, étaient appelées à seconf iner dans le champ duprivé. L’entreprise n’avait pas àconnaître et encore moins àgérer cette diversité. Il a falluqu’il y ait finalement une ren-contre entre les revendicationsde groupes marginalisés et l’in-térêt économique pour quenaissent les programmes degestion de la diversi té. Ce

mouvement s’inscrit aussi dansle suivi de la montée en forcedes thèses liées au pluralismepour lesquelles la cohabitationentre des groupes ayant descaractéristiques différentespeut être harmonieuse et sour-ce de “richesse”. Ce discourssur la nécessité de diversifier lamain-d’œuvre pour augmenterles marchés rencontre un cer-

Europe

De la discrimination à la diversité

La nouveauté est le retour

du management

interculturel pour gérer

une force de travail locale.

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21 Travail & Changement © AnactJanvier 2003

[ E c h a n g e r l e s i d é e s ]

tain écho dans le monde del’entreprise alors que les pro-grammes d’accès à l’égalitécommencent à s’essouffler. Ilne s’agit plus de convaincre lesentreprises qu’elles doiventengager plus de femmes, plusde personnels issus des minori-tés ethniques, pour assumerune responsabilité sociale, lut-ter contre les inégalités et leracisme ; il s’agit de les persua-der que ce choix constitue unavantage économique facteurde performance.Une fois acquis le principe queles entreprises vont, en quelquesorte, “se métisser” et qu’ilfaut en faire un atout écono-mique, se pose la question desmodalités de la gestion de cettediversité. En effet, dans lamesure où il s’agit de créer unava n t a g e s t r a t é g i q u e , d erépondre à des impératifs dumarché, on ne peut plus secontenter d’une approche detype assimilatrice. L’atoutconcurrentiel se joue sur la dif-férence, sur l’idée d’une certai-ne “proximité ethnique” qu’ils’agit de conserver et mêmed’accentuer. Ceci constitue unréel déf i pour les DRH et setraduit en terme de diversityprograms. Les actions menées

sont diverses : plan d’accès àl’égalité mais aussi session deformation à la “gestion de ladiversité” pour les managers,révision des politiques de com-munication qui s’effectuent enplusieurs langues, groupes detravail mixtes (représentantsdes deux sexes et des minoritésethniques présentes dans l’en-treprise), etc.En Europe (à l’exception decertains pays nordiques), lesactions menées par les entre-prises restent limitées. On parleencore peu dans les DRH de“gestion de la diversité” ; Ponc-tuellement, des actions appe-lées “programmes d’accès àl’égalité” concernent essentiel-lement les femmes.

Plus de dix motifs de discriminationUn premier regard sur la diver-sité pourrait faire croire qu’elles’inscrit dans la ligne des pro-grammes d’accès à l’égalitédéveloppés dans plusieurs payspour lutter contre les diffé-rentes formes de discriminationpouvant exister sur les lieux detravail. En réalité, elle est trèslargement appréhendée sousl’angle de la lutte, de la dénon-ciation. Il existe plus d’une

dizaine de motifs de discrimi-nat ion consignés dans deschartes de droits et libertés dela personne. Parmi les plus fré-quents, retenons le genre etl’orientation sexuelle, la race etla couleur de peau, l’origineethnique ou la nationalité, lalangue ou la religion. La discri-mination sur le lieu de travailpeut toucher le recrutement e t l a sé lec t ion mais auss i l’évaluation des emplois, larémunération, la dynamique decarrière et les formes encoura-gées de promotion.Partir des pratiques de discri-mination (genre, âge, race…)en entreprise pour les dépasseret tenter de proposer un bascu-lement vers la diversité est unenouvelle ambition pour lesentreprises. L’interrogation desmodalités de ce basculement aété aussi au cœur des débats dece colloque.Quatre entreprises (deux multi-nationales, Schlumberger etKodak Pathé, et deux natio-nales, RATP et Air France) ontnotamment apporté leur témoi-gnage de la gestion de cettediversité au quotidien.Enfin, s’est déroulée en Lorrai-ne le 11 décembre à Metz unejournée intitulée “regards croi-

sés sur les coopérations entregénérations au sein des entre-prises”.Elle a eu pour vocation d’éta-blir un premier “état des lieux”des travaux existants, qu’ilssoient issus d’une “réflexiond’experts” ou d’un “pragmatis-me te r ra in” . En ra i son durenouvel lement démogra-phique de la population desalariés en entreprises, plu-sieurs générations vont existerdans un même environnementet devoir y façonner des réfé-rences propres à chacune etcomplémentaires. Ces change-ments entraînent une mutationprofonde des représentationsde la relation au travail et desengagements par rappor t àl’entreprise. Une telle situationpréoccupe les dirigeants et lesresponsables d’organisationssyndicales de par son impactau sein des équipes de travail etles quest ions qu’el le posequant aux effets de cette mixitésur le fonct ionnement desentreprises.Les travaux des années 2003 et2004 devraient porter sur unapprofondissement du conceptd’employabilité ainsi que de lanotion de trajectoires profes-s ionne l l e s , no tamment l adeuxième partie de carrière. ■

Renée Sage (Anact, départementCompétences, travail et emploi)

*Étude et actes du colloque peuvent être

demandés à l’Aract Limousin.

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NO

S/P

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La discrimination sur lelieu de travail peut toucheraussi la dynamique decarrière et la promotion.

Pour en savoir plusLe site www.equallite.com a été

créé pour donner plus d’informa-

tions. Les actes des rencontres,

les publications, des bibliogra-

phies… y sont disponibles. Au fur

et à mesure, il s’enrichira des tra-

vaux, des expériences menés par

les partenaires et des confronta-

tions dans les colloques, journées

d’études qui seront organisés.

© Anact 22Travail & Changement Janvier 2003

[ E c h a n g e r l e s i d é e s ]

Sociologie

S i l ’analyse l ivrée dansl’ouvrage La Chaîne et le

réseau se situe sur un planmicro-sociologique, Jean-Pier-re Durand et Nicolas Hatzfeldse démarquent ouvertement desthéories interactionnistes. Ilssoulignent le déterminisme desrègles de fonctionnement éta-blies par la seule direction sousl’emprise de la sacro-sainteexigence de productivité et ren-dent compte de la façon dont letravail peut redevenir accep-table et eff icace. Ils insistentsur la double nature de l’entre-prise, lieu de conflictualitémais aussi de négociation et derégulation permanente assurantla cohérence, condition de sasurvie. Ils évoquent alors laconstruction de compromisproductifs dynamiques.Insuffisante à rendre compte dela complexité du travail et del’organisation, la notion deposte de travail est complétéepar celle de réseau(x) permet-tant une représentation plusriche des relations effectives detravail. Elle maille aspectssociaux et techniques, intègreles liens et les interactionsentre les postes, les fonctions,les niveaux hiérarchiques. Lesréseaux sont multiples et infor-mels, ils s’établissent et se dis-solvent au gré des enjeux etdes situations. À travers eux,

r a p p o r t a u s y s t è m e d econtraintes. Quitter son posteavant l’heure alors même qu’ilest impossible de rentrer chezs o i r e nvo i e à c e t t e m ê m elogique. Sous cet angle, lesauteurs abordent la dialectiquedu plaisir et de la souffrance autravail et cherchent l’explica-tion de l’acceptation par lessalariés d’un travail contraintphysiquement, temporellementet mentalement. C’est au prixd’une auto-réduction de leursaspirations qu’ils peuvent trou-ver une satisfaction dans lesmicro-changements quotidiens.Ces marges d’autonomie sontsans cesse fragilisées car tribu-taires des nombreux change-ments dans l’organisation oul’affectation des postes.

Finesse de l’étudeOptimiser le fonctionnement,maintenir la cohésion socialetout en se prémunissant dudéveloppement de revendica-tions, voire de mouvementssociaux, tel est l’art du mana-gement intermédiaire. Celui-cidoit retrouver de la cohérencedans une organisation volontai-rement morcelée, jouant luiaussi sur les relations interper-sonnelles et les arrangements.Ainsi, construction et déstruc-turation des collectifs de travailtrouveront leurs fondements

dans ce mode de fonctionne-ment.L’analyse des trajectoires pro-fessionnelles vient ici complé-ter le propos. Espoir d’unecarrière prometteuse pour lesjeunes, illusions perdues pourles anciens, solidarité avecl’entreprise dans un contexteéconomique difficile pour lesuns, recul des avantages et desd r o i t s s o c i a u x p o u r l e sautres… le rapport au travail,les conflits et l’attitude syndi-cale se lisent à travers l’histoirede chaque salarié et de sa pro-jection dans l’avenir.D e s n o m b r e u x o u v r a g e spubliés sur le travail à la chaî-ne, l’originalité de ce dernierréside dans la réactualisationdes connaissances et la finessede l’étude du travail et de lacondition ouvrière au regarddes évolutions du systèmesocioproductif. Variété des pro-duits, disparition des stocks,exigences de qualité ont généréde nombreux changements enterme d’organisation et demobilisation des collectifs touten maintenant inchangés lesfondements du taylorisme. ■

Isabelle Rogez (Aract Nord-Pas-de-Calais)

La chaîne et le réseau, Peugeot-Sochaux,

ambiances d’intérieur, Jean-Pierre Durand et

Nicolas Hatzfeld, Cahiers libres, Edition Page

Deux, 2002, 303 p., 22 €.

au-delà de simples coopéra-tions techniques, les salariésmettent en œuvre des modes deréaffirmation d’eux-mêmes.

Retrouver de l’autonomieLes auteurs questionnent diffé-rents aspects de l’organisation,de la charge de travail, du rap-port des opérateurs à leur tra-vail ou entre eux, dans uneanalyse toujours riche de lamise en lumière des paradoxeset des ambivalences. Ainsi, ladescr ip t ion du rappor t autemps et du plaisir au travailsemble-t-elle particulièrementintéressante. “Remonter lacha îne” en s ’écar tan t desmodes opératoires prescritsc o n s t i t u e u n e n j e u p o u rnombre de salariés. Ces straté-gies relèvent de différentsregistres : celui de la santé pourépargner les efforts et éviter dese mettre en danger en réalisantles bons gestes. Celui de l’effi-cacité, du gain de temps pourprévenir et anticiper les aléas,gérer la fatigue. Celui symbo-lique enfin, par l’affirmationde soi à partir de la mise envaleur des compétences et de lap e r f o r m a n c e , j u s q u ’ à l arecherche de l’esthétique dugeste parfois. Plus fondamenta-lement, il s’agit de reprendreune certaine autonomie par

➜ ] Entreprise

Immergés pendant plusieurs mois au cœur du processus de production dansdeux ateliers du site sochalien de Peugeot, les auteurs de l’ouvrage La Chaîneet le réseau*, Jean-Pierre Durand, sociologue, et Nicolas Hatzfeld, historien,étudient, à travers la notion de réseaux sociaux, comment les salariés luttentpour reconquérir des espaces d’autonomie et se construire une identité. Note de lecture.

Le réseau, un maillon fortde l’organisation

23 Travail & ChangementJanvier 2003

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➜ ] La production de méthodologies de changement : A partir de son expérience d’intervention, de l’échangeavec ses partenaires, le réseau Anact développe des méthodes novatrices de changements technologique, organisationnel et social, améliorant les conditions de travail qu’elle diffuse par ses éditions et sa revuemensuelle : “Travail & Changement”.

➜ ] L’écoute et la consultation sur les questions du travail : Le réseau Anact apporte un appui technique auxnégociations entre partenaires sociaux et une aide à la conception et à la mise en œuvre des politiquespubliques incitatives dans son domaine de compétences. Par la mise à la disposition du public d’un centre de documentation sur les questions du travail, l’organisationde colloques et de journées d’études, la diffusion de l’innovation sociale en entreprise, l’Anact participe àl’animation du débat et à l’information sur les conditions et l’organisation du travail en France et à l’étranger.

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➜ ] L’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail est un établissement public sous tutelle duministre chargé du travail. Elle est administrée par un conseil tripartite, comprenant des représentants des parte-naires sociaux et de l’Etat, ainsi que des personnalités qualifiées. Elle est implantée à Lyon.

➜ ] Les Associations Régionales sont des associations, pour la plupart paritaires. Financées principalement par l’Anact,l’Etat et la Région, elles participent à la définition et à la mise en œuvre du programme de l’Anact en région. Aunombre de 22, elles couvrent l’ensemble du territoire métropolitain, la Réunion et la Guyane.

➜ ] Accueil et renseignements : 4, quai des Etroits, 69321 Lyon Cedex 05, téléphone : 04 72 56 13 13 - télécopie : 04 78 37 96 90. Internet : www.anact.fr

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LE CHSCT :Quelles questionsaujourd’hui ?

COLLECTION DOSSIERS DOCUMENTAIRES

INTRODUCTION

L’état de la situationPoint de la situation des CHSCT :leur nombre référencé, leur utilitésur des questions de prévention,leur positionnement dans lesnégociations d’entreprise…

Les possibilités d’agirdes CHSCT■ Les points clefs de l’exercicedes missions du CHSCT.■ Le point sur le contenu de laformation des CHSCT, les heuresde délégation, l’importance desPV de réunions, les enquêtes duCHSCT…■ Les moyens d’action des CHSCTface à de nouvelles questions de

conditions de travail et de pré-vention des risques professionnels(le stress, les risques biologiques,l’amiante…).

Les CHSCT s’exprimentTémoignages de CHSCT sur leursexpériences d’actions sur desthèmes particuliers : agir sur laprévention des risques profession-nels pour les intérimaires del’entreprise, ou pour réintégrerdes personnels handicapés…

BIBLIOGRAPHIE :Elle présente des référencesd’articles, qui ouvrent surd’autres pistes de réflexion.

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Quel est le rôledu président de CHSCT ?

Que peut faire le CHSCT face aux risquesd’exposition aux produits chimiques ?

Le CHSCT et les expertises.

Autant de sujets qui sont abordés dansce dossier à partir d’une sélection d’articlesissus de publications diverses et quipermettent de répondre aux nombreusesquestions que se posent les CHSCT.

Destiné à l’ensemble des membres desCHSCT et leurs partenaires, cet ouvragevise à alimenter leur connaissancedes missions, des pratiques etdes domaines d’action.

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