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TA24A 24 L’INDÉPENDANT DIMANCHE 27 DÉCEMBRE 2015 BOL D'AIR LIVRES / MUSIQUE CUISINE JARDINAGE Le meilleur des jeux de mots et de lettres Au plaisir des bons mots L es cacologues sont lé- gions dans nos pages : ces expressions dé- fectueuses qui font in- jure au bon sens et «violence à la logique» (dixit Bernard Dupriez dans son dictionnai- re des procédés littéraires pa- ru chez 10/18 en 1984). C’est aussi le cas dans les conversa- tions courantes mais aussi sur nos écrans et dans nos postes de radio. Aujourd’hui, le célèbre lixicologue Alain Rey propose de décortiquer pour nous 200 drôles d’ex- pression que, comme Mon- sieur Jourdain faisant de la prose, nous utilisons sans en connaître parfois le véritable sens mais surtoût sans savoir d’où elles arrivent. Car le Français, malgré les cuistres, est encore une langue vivan- te qui bouge donc beaucoup. Et nos expressions peuvent conserver des mots qui n’ont plus aucun sens. A la tête d’une brigade de «creuseurs de dictionnaires», Alain Rey nous permet d’«en connaître un rayon». Quand on se lève « dès po- tron-minet », on peut recon- naître le minet, mais certes pas le potron et si le mystère se décante «au fur et à mesu- re», qu'es aco que ce «fur» ? Ne soyons pas cruel : le po- tron est tout simplement le derrière ! On peut donc tra- duite par : se lever à l’heure où l’on voit le cul des chats qui rentrent pour se coucher. C’est à dire tôt. Et le «fur» est un ancien mot pour mesure. Donc au fur et à mesure est un pléonasme ! Avec ces 200 drôles d’expres- sion vous aurez la science in- fuse et vous pourrez amuser la galerie et faire un tabac à moins que votre auditoire s’en tamponne le coquillard. PLAF EN TOUTE INDÉPENDANCE Petit clin d’œil sur nos bourdes de l’année. La liste n’est bien entendu pas exhaustive et les courriers (ou courriel de lecteurs attentifs) sont toujours les bienvenues lorsqu’ils sont plein d’humour. C’est ainsi que Jean-Pierre Rivelaygue (l’un de nos plus fidèles correcteurs) a relevé le jeudi 17 septembre qu’une journaliste hongroise a tenté de croquer un syrien. « Il est probable qu’elle avait les crocs (en jambe) » conclut-il. Comme quoi même une information sordide peut faire sourire, agrémentée d’un calembour involontaire. Il nous fait remarquer ensuite que dans un article sur le déficit du théâtre de l ’Archipel à Perpignan, on pouvait lire que « l’animation culturelle va de paire avec…». Elle peut certe faire la paire avec le déficit et se mettre à l’unisson en allant de pair avec les couacs. Le même Jean-Pierre Rivelague s’inquiète que François de Fossa ne soit dans ses petits souliers depuis que notre titre a annoncé son anniversaire «en grandes pompes ». « Il me semblait que la pompe (au singulier) désignait le faste ou le cérémonial alors que les pompes désignaient plutôt des choses vaines (renoncer à Satan et à ses pompes). Je me demande donc de quel type de pompe on a voulu parler ». Il relève enfin une orthographe « proprement indécente » dans le faits-divers ci joint. LES GRANDS CLASSIQUES Tous les ans, des « plans » de cannabis font se planter nos rédacteurs, qui ne sont pourtant pas plan-plan. On a noté aussi, en juin dans un courrier de lecteurs, que «le gouvernement et EDF s’abrogent le droit de remettre en cause. un principe acquis ». Faut-il qu’ils soient balots pour se priver d’un droit qu’il leur suffit de s’arroger. Sûrement parce qu’ils ne « raisonnent » pas autant que les rires des enfants dans la cour de récréation (en juin à Saint-Estève). Ding dong. Q uand on aime jouer avec les mots, il y a bien entendu les classiques mots croisés ou mots flêchés mais aussi les jeux de let- tres comme le Scrabble. Mais les inventeurs de jeux ne sont pas à court d’imagination et nom- breux sont les jeux de société qui se jouent des mots. Il y a bien sur le Boggle; le Composio , le Lettriq, le Mixmo et, depuis peu le- Bananagramme, (inventé par Rena Nathanson et primé par de nombreu- ses récompenses depuis sa création en 2009). C’est une forme simplifié de scrabble qui peut rassembler de 2 à 8 joueurs. Rapide, n'exigeant pas une ré- flexion trop longue, et surtout flexi- ble (il n'y ni support ni de points à compter), Bananagrams a des règles simples que l’on peut corser en exi- geant de n'écrire que des noms de fruits. De quoi avoir la banane ! Plus cérébral et encore plus ludique, il y a «Linq» crée par Erik Nielsen et Andrea Meyer (Édité par In Ludo Veri- tas et distribué par Asmodee). Parmi les joueurs se trouvent deux espions qui ont rendez-vous sans se connaî- tre. Tous les autres joueurs sont des contre-espions chargés de les identi- fier. Seule arme pour nos deux es- pions : un mot de passe, que les contre-espions ignorent et qui leur est indiqué par le biais de cartes très astu- cieuses. Chaque espion va devoir en- voyer des messages suffisamment clairs pour être compris par son parte- naire inconnu mais suffisamment dis- crets pour ne pas éveiller les soup- çons. Après deux tours de table où chacun dit un mot censé aider à se recon- naître (ou pas) la phase de révéla- tion a lieu : on lè- ve les mains, et au signal, on dési- gne les deux es- pions ! Vocabulaire exi- même sans chapeau melon. LES PIEDS DANS LE PLAT. Les faits-divers sont des sources inépuisables de bourdes car régulièrement rédigé dans l’urgence. C’est ainsi que le 5 mars nos lecteurs ont pu lire qu’un pilleur de camping-car qui sévisait sur les parking d’hypermarché était spécialisé dans ce “gendre“ de véhicule et qu’il devrait répondre de ses «lacets» devant la justice. Un larcin manifeste contre l’attention du relecteur dont la fille doit avoir un mari qui roule à vélo. «Mes fromages, Madame !», «La Chambre des dépités», «Vieux comme mes robes», «Trèfle de plaisanterie», «Pour vivre heureux, vivons couchés ! » Le calembour est l’un des plaisirs de la langue et peut aisement se tranformer en calambourde. Carence de vocabulaire pour les uns, problème d’oreille pour d’autre, jeu de mots lourdingue, vrai ou faux lapsus... le calembour n'a pas vraiment bonne presse. Marie Treps entreprend dans un petit livre irrévérencieux de débusquer les dérapages de notre logique verbale (éditions Vuivert). Elle nous explique que ces violations ludiques se pratiquent sur la frange la plus banale du langage : stéréotypes de la conversation, expressions éculées, noms de lieux ou de personnes célèbres. Et ce n'est pas un hasard. Car le calembour est une devinette implicite qui doit créer un sentiment de complicité. Cette sorte de jeu verbal est bien connue des linguistes et des oulipiens. Le terme calembour fit son apparition en 1768 dans une lettre de Diderot à Sophie Volland. L'origine incertaine du mot a stimulé l'imagination des philologues. Quoi qu'il en soit, la définition en est précise : le calembour est un jeu de mots fondé sur une similitude de sons recouvrant une différence de sens. A ne pas confondre avec la contrepeterie, plus savante. Ni avec le JDMP* qui fait aujourd’hui fureur sur le net. Arrosoir et persil (**) et à l’an prochain. * Jeux de mots pourris ** au revoir et merci... Les journalistes (dans l’ensemble) n’étant pas des gibiers de potence, il n’est donc pas question de les clouer au pilori pour leurs bourdes ou leurs approximations. Mais ils devraient faire leur miel de l’ouvrage d’Alain Rey. Et «tous nos vieux» pour 2016 Le traditionnel bêtisier de cette fin d’année 2015, particulièrement peu propice à la franche rigolade, se propose de vous faire malgré tout aussi sourire avec les travaux de lexicologues avertis.

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TA24A

24L’INDÉPENDANT

DIMANCHE27 DÉCEMBRE 2015BOL D'AIR LIVRES / MUSIQUE

CUISINEJARDINAGE

Le meilleur des jeux de mots et de lettres

Au plaisir des bons mots

L es cacologues sont lé-gions dans nos pages: ces expressions dé-fectueuses qui font in-

jure au bon sens et «violenceà la logique» (dixit BernardDupriez dans son dictionnai-re des procédés littéraires pa-ru chez 10/18 en 1984). C’estaussi le cas dans les conversa-tions courantes mais aussisur nos écrans et dans nospostes de radio. Aujourd’hui,le célèbre lixicologue AlainRey propose de décortiquerpour nous 200 drôles d’ex-pression que, comme Mon-sieur Jourdain faisant de laprose, nous utilisons sans enconnaître parfois le véritablesens mais surtoût sans savoird’où elles arrivent. Car leFrançais, malgré les cuistres,est encore une langue vivan-te qui bouge donc beaucoup.Et nos expressions peuventconserver des mots qui n’ont

plus aucun sens. A la têted’une brigade de «creuseursde dictionnaires», Alain Reynous permet d’«en connaîtreun rayon».Quand on se lève « dès po-tron-minet », on peut recon-naître le minet, mais certespas le potron et si le mystèrese décante «au fur et à mesu-re», qu'es aco que ce «fur» ?Ne soyons pas cruel : le po-tron est tout simplement lederrière ! On peut donc tra-duite par : se lever à l’heureoù l’on voit le cul des chatsqui rentrent pour se coucher.C’est à dire tôt.Et le «fur» est un ancien motpour mesure. Donc au fur età mesure est un pléonasme !Avec ces 200 drôles d’expres-sion vous aurez la science in-fuse et vous pourrez amuserla galerie et faire un tabac àmoins que votre auditoires’en tamponne le coquillard.

_ PLAF EN TOUTEINDÉPENDANCEPetit clin d’œil sur nos bourdes de l’année.La liste n’est bien entendu pas exhaustiveet les courriers (ou courriel de lecteursattentifs) sont toujours les bienvenueslorsqu’ils sont plein d’humour.C’est ainsi que Jean-Pierre Rivelaygue(l’un de nos plus fidèles correcteurs) arelevé le jeudi 17 septembre qu’unejournaliste hongroise a tenté de croquer unsyrien. « Il est probable qu’elle avait lescrocs (en jambe)» conclut-il.Comme quoi même une informationsordide peut faire sourire, agrémentée d’uncalembour involontaire.

Il nous fait remarquer ensuite quedans un article sur le déficit duthéâtre de l ’Archipel à Perpignan,on pouvait lire que « l’animationculturelle va de paire avec…».Elle peut certe faire la paire avecle déficit et se mettre à l’unissonen allant de pair avec les couacs.Le même Jean-Pierre Rivelague

s’inquiète que François de Fossa ne soit dans ses petitssouliers depuis que notre titre a annoncé son anniversaire «engrandes pompes». « Il me semblait que la pompe (au singulier)désignait le faste ou le cérémonial alors que les pompesdésignaient plutôt deschoses vaines (renoncer àSatan et à ses pompes). Jeme demande donc de queltype de pompe on a vouluparler».Il relève enfin uneorthographe «proprementindécente» dans lefaits-divers ci joint.

_ LES GRANDS CLASSIQUESTous les ans, des «plans» de cannabis font se planter nosrédacteurs, qui ne sont pourtant pas plan-plan.On a noté aussi, en juin dans un courrier de lecteurs, que « legouvernement et EDF s’abrogent le droit de remettre en cause.un principe acquis». Faut-il qu’ils soient balots pour se priverd’un droit qu’il leur suffit de s’arroger. Sûrement parce qu’ils ne«raisonnent» pas autant que les rires des enfants dans la courde récréation (en juin à Saint-Estève). Ding dong.

Q uand on aime jouer avec lesmots, il y a bien entendu lesclassiques mots croisés ou

mots flêchés mais aussi les jeux de let-tres comme le Scrabble.Mais les inventeurs de jeux ne sontpas à court d’imagination et nom-breux sont les jeux de société qui sejouent des mots.Il y a bien sur le Boggle; le Composio ,le Lettriq, le Mixmo et, depuis peu le-Bananagramme, (inventé par RenaNathanson et primé par de nombreu-ses récompenses depuis sa créationen 2009). C’est une forme simplifié descrabble qui peut rassembler de 2 à 8joueurs. Rapide, n'exigeant pas une ré-flexion trop longue, et surtout flexi-ble (il n'y ni support ni de points àcompter), Bananagrams a des règlessimples que l’on peut corser en exi-

geant de n'écrire que des noms defruits. De quoi avoir la banane !Plus cérébral et encore plus ludique,il y a «Linq» crée par Erik Nielsen etAndrea Meyer (Édité par In Ludo Veri-tas et distribué par Asmodee). Parmiles joueurs se trouvent deux espionsqui ont rendez-vous sans se connaî-tre. Tous les autres joueurs sont descontre-espions chargés de les identi-fier. Seule arme pour nos deux es-pions : un mot de passe, que lescontre-espions ignorent et qui leur estindiqué par le biais de cartes très astu-cieuses. Chaque espion va devoir en-voyer des messages suffisammentclairs pour être compris par son parte-naire inconnu mais suffisamment dis-crets pour ne pas éveiller les soup-çons.Après deux tours de table où chacun

dit un mot censéaider à se recon-naître (ou pas) laphase de révéla-tion a lieu : on lè-ve les mains, etau signal, on dési-gne les deux es-pions !Vocabulaire exi-gé même sanschapeau melon.

◗ LES PIEDS DANS LE PLAT. Les faits-divers sont dessources inépuisables de bourdes car régulièrement rédigédans l’urgence. C’est ainsi que le 5 mars nos lecteurs ont pulire qu’un pilleur de camping-car qui sévisait sur les parkingd’hypermarché était spécialisé dans ce “gendre“ de véhiculeet qu’il devrait répondre de ses «lacets» devant la justice. Unlarcin manifeste contre l’attention du relecteur dont la filledoit avoir un mari qui roule à vélo.

«Mes fromages, Madame !», «La Chambredes dépités», «Vieux comme mes robes»,«Trèfle de plaisanterie», «Pour vivreheureux, vivons couchés ! »Le calembour est l’un des plaisirs de lalangue et peut aisement se tranformer encalambourde. Carence de vocabulaire pourles uns, problème d’oreille pour d’autre, jeude mots lourdingue, vrai ou faux lapsus... lecalembour n'a pas vraiment bonne presse.Marie Treps entreprend dans un petit livreirrévérencieux de débusquer les dérapagesde notre logique verbale (éditions Vuivert).Elle nous explique que ces violationsludiques se pratiquent sur la frange la plusbanale du langage : stéréotypes de laconversation, expressions éculées, noms delieux ou de personnes célèbres. Et ce n'est

pas un hasard. Car le calembour est unedevinette implicite qui doit créer unsentiment de complicité. Cette sorte de jeuverbal est bien connue des linguistes et desoulipiens. Le terme calembour fit sonapparition en 1768 dans une lettre deDiderot à Sophie Volland. L'origineincertaine du mot a stimulé l'imagination desphilologues. Quoi qu'il en soit, la définitionen est précise : le calembour est un jeu demots fondé sur une similitude de sonsrecouvrant une différence de sens. A ne pasconfondre avec la contrepeterie, plussavante. Ni avec le JDMP* qui faitaujourd’hui fureur sur le net.Arrosoir et persil (**) et à l’an prochain.S * Jeux de mots pourrisS ** au revoir et merci...

Les journalistes (dansl’ensemble) n’étant pas desgibiers de potence, il n’est doncpas question de les clouer aupilori pour leurs bourdes ouleurs approximations. Mais ilsdevraient faire leur miel del’ouvrage d’Alain Rey.

Et «tous nos vieux» pour 2016

Le traditionnel bêtisier de cette fin d’année 2015, particulièrementpeu propice à la franche rigolade, se propose de vous faire malgrétout aussi sourire avec les travaux de lexicologues avertis.