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25 DOSSIER 21 octobre 2016 Dans la recherche de rentabilité, produire beaucoup de lait par vache est incontournable pour certains. Pour d’autres, c'est une hérésie. L’étude objective des comptabilités montre que produire beaucoup de lait par vache n'est pas en soi une garantie de revenu... Mais, au cas par cas, et dans des conditions de maîtrise de l'alimentation et des investissements, c'est une option "rentable". Les raisons pour lesquelles un éleveur opte pour un fort niveau de lait plutôt que pour une conduite économe sont multiples et pas nécessairement économiques : organisation du travail, intérêt pour la génétique, raison structurelle, historique de l’élevage… Quelles que soient ces raisons, gérer un troupeau productif demande du savoir- faire dans la conduite des animaux à haut potentiel, vulnérabilisés par une forte production. Quels sont alors les repères technico- économiques à suivre dans ce cas de figure pour éviter que les charges opérationnelles ne dérapent ? Une étude de la chambre d’agriculture de Bretagne et de Cerfrance tente de répondre à la question de la réussite avec du lait/vache. En plus d’un témoignage, ce dossier présente d’une part une typologie des stratégies des élevages rentables régulièrement à plus de 8 000 l de lait vendu par vache et d’autre part des repères techniques obtenus par enquête auprès d’un groupe ciblé d’éleveurs. Par ces temps incertains, gageons que ces éléments apporteront du grain à moudre à tous les éleveurs laitiers. Comment concilier rentabilité avec le lait par vache ? Coordination du dossier Roger Hérisset (Chambre d'agriculture de Bretagne) avec Paul Jegat (Terra). Rédaction Chambres d'agriculture de Bretagne : Benoît Portier, André Queffelec, Roger Hérisset, Gérard Losq, Guylaine Trou. Cerfrance : Pascale Van Belleghem Terra : Emmanuelle Le Corre, Arnaud Marlet. Dessins et photos : chambre d’agriculture de Bretagne DR (dessin Malo Louarn).

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Dans la recherche de rentabilité, produire beaucoup de lait par vache est incontournable pour certains. Pour d’autres, c'est une hérésie. L’étude objective des comptabilités montre que produire beaucoup de lait par vache n'est pas en soi une garantie de revenu... Mais, au cas par cas, et dans des conditions de maîtrise de l'alimentation et des investissements, c'est une option "rentable". Les raisons pour lesquelles un éleveur opte pour un fort niveau de lait plutôt que pour une conduite économe sont multiples et pas nécessairement économiques : organisation du travail, intérêt pour la génétique, raison structurelle, historique de l’élevage… Quelles que soient ces raisons, gérer un

troupeau productif demande du savoir-faire dans la conduite des animaux

à haut potentiel, vulnérabilisés par une forte production. Quels sont alors les repères technico-économiques à suivre dans ce

cas de figure pour éviter que les charges

opérationnelles ne dérapent ?

Une étude de la chambre d’agriculture de Bretagne

et de Cerfrance tente de répondre à la question

de la réussite avec du lait/vache. En plus

d’un témoignage, ce dossier présente d’une part une typologie des stratégies des

élevages rentables régulièrement à

plus de 8 000 l de lait vendu par vache et d’autre

part des repères techniques obtenus par enquête auprès d’un groupe ciblé d’éleveurs. Par ces temps incertains, gageons que ces éléments apporteront du grain à moudre à tous les éleveurs laitiers.

Comment concilier

rentabilité avec le lait

par vache ?

plus de 8 000 l de lait vendu par vache et d’autre

part des repères techniques obtenus par enquête auprès d’un groupe ciblé d’éleveurs. Par ces temps incertains, gageons que ces éléments apporteront du grain à moudre

faire dans la conduite des animaux à haut potentiel,

vulnérabilisés par une forte production.

suivre dans ce cas de figure pour

éviter que les charges opérationnelles ne

dérapent ? Une étude de la chambre

économe sont multiples et pas nécessairement économiques : organisation du travail, intérêt pour la génétique, raison structurelle, historique de l’élevage… Quelles que soient ces raisons, gérer un

troupeau productif demande du savoir-

par vache ?

Une étude de la chambre d’agriculture de Bretagne

et de Cerfrance tente de répondre à la question

de la réussite avec du lait/vache. En plus

d’un témoignage, ce dossier présente d’une part une typologie des stratégies des

élevages rentables régulièrement à

faire dans la conduite des animaux

éviter que les charges opérationnelles ne

dérapent ? Une étude de la chambre

d’agriculture de Bretagne et de Cerfrance tente de

répondre à la question de la réussite avec du lait/vache. En plus

à tous les éleveurs laitiers.

Coordination du dossierRoger Hérisset (Chambre d'agriculture de Bretagne) avec Paul Jegat (Terra).Rédaction● Chambres d'agriculture de Bretagne : Benoît Portier, André Queffelec, Roger Hérisset, Gérard Losq, Guylaine Trou.● Cerfrance : Pascale Van Belleghem● Terra : Emmanuelle Le Corre, Arnaud Marlet.

Dessins et photos : chambre d’agriculture de Bretagne DR (dessin Malo Louarn).

● Cerfrance : Pascale Van Belleghem● Terra : Emmanuelle Le Corre, Arnaud Marlet.

Dessins et photos : chambre d’agriculture de Bretagne DR (dessin Malo Louarn).Dessins et photos : chambre d’agriculture de Bretagne DR (dessin Malo Louarn).Dessins et photos : chambre d’agriculture de Bretagne DR

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Quels sont les grands points clés des systèmes qui veulent concilier rentabilité et production élevée de lait par vache ? Le point de vue de Jeltsje Algera, élue de la chambre d’agriculture de Bretagne.

"Dans l 'enquête, nous nous sommes intéressés à un noyau d'éleveurs dont les vaches pro-duisent beaucoup de lait. Nous avons observé la façon dont ils gèrent le coût alimentaire. Le but n'est pas de dire que c'est géné-ralisable mais plutôt de montrer une façon de faire parmi d'autres", explique Jeltsje Algera, élue de la chambre d'agriculture de Bretagne, elle-même engagée dans cette conduite avec son mari sur leur élevage à Plouisy (Côtes d'Armor).

Cohérence, rigueur, approche animalièreProduire plus de 8 000 litres de lait par vache et par an, soit plus de 8 800 kg par vache, demande d'abord de la "cohérence" avec

comme fi l rouge la maîtrise du coût alimentaire, la maîtrise des charges de structure et un bon niveau géné-tique des animaux . "Chez nous, nous travaillons à opti-miser les fourrages avec la pré-sence de trèfl e dans l'herbe pour réduire le coût des concentrés", indique l'élue.

Driver des formules 1 de la produc-tion laitière, c'est aussi s'astreindre à un suivi rigoureux du troupeau. "Il faut être animalier", reconnaît Jeltsje Algera, "avec une vraie vocation d'éleveur. Et même si les élevages sont équipés de nom-breux capteurs, il faut garder l'œil de l'éleveur ! Ces outils ne doivent rester qu'une aide". Anticiper, se former, se remettre en cause pour progresser : voilà le sel qui pour certains donne toute la saveur au métier d'éleveur. Bien sûr, ce profi l d'éleveur n'échappe pas à la crise économique qui sévit : rester pointu quand l'argent ne rentre pas, est très compliqué. "Il faut toujours être là tous les jours, ne jamais lâcher. C'est vrai qu'il est dur de rester motivé dans ce contexte de crise", reconnaît l'élue.

Emmanuelle Le Corre

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"C'est un système où il faut de la cohérence"

Comment repérer les facteurs de la réussite des élevages recherchant du lait par vache ?

Pour répondre à cette question, la chambre d’agriculture de Bretagne a mené un travail conjoint avec Cerfrance Bretagne. Une première étape a permis de repérer, parmi les adhérents de ce centre comptable, les élevages laitiers spécialisés produisant plus de 8 000 l de lait par vache et par an (soit plus de 8 800 kg), restés économiquement parmi les plus rentables pendant trois années consécutives. Trois types de stratégie ont été identifi é. Une deuxième étape a consisté en la réalisation d’en-quêtes détaillées dans un nombre signifi catif de ces élevages, afi n de décrire et d’analyser leurs pratiques et équipements. Ces références ont été acquises avec des données économiques et techniques compi-lées de 2010 à 2014. Le prix du lait était donc bien plus favorable qu’ac-tuellement. Mais les éléments observés dans ces élevages productifs restent pertinents quelle que soit la conjoncture. Leur réussite repose sur une cohérence d’ensemble, la maîtrise technique de la production, l’envie de continuer à se former… autant d’atouts pour passer des pé-riodes diffi ciles.

Roger Hérisset

Il faut toujours être là tous les jours, ne jamais lâcher

Jeltsje Algera, élue de la chambre d'agriculture régionale.

Ouest: Gilles Jouan

[email protected]

[email protected]

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Les éleveurs enquêtés ont des expériences, des âges, des niveaux de formation, des situations familiales très diverses à l’image du monde de l’élevage breton. La première impression est donc que ces bonnes performances peuvent être atteintes par tout un chacun. Cependant, certaines valeurs semblent partagées par les enquêtés.

Lors de la journée de restitution des résul-tats de l’étude, les éleveurs ont mis l’ac-cent sur l’attention particulière accordée aux animaux : "Avoir l’œil sur le troupeau", "Anticiper pour ne pas voir le vétérinaire trop souvent". Quant à l’organisation du travail : "Les animaux sont la priorité, il faut savoir déléguer certains travaux". Se retrouve également le souci de s’améliorer : "S’intéresser, se former, être à l’écoute".

Au-delà d’une formation initiale plus élevée (39 % d’études supérieures par rapport à 17 % pour l’ensemble de la Bretagne), les exploitants continuent tout au long de leur carrière de se former et de faire appel à des conseils externes. Ils se forment même deux fois plus que la moyenne des produc-teurs laitiers bretons. Ces exploitations sont parvenues à combiner production par vache et maîtrise du coût de production. Si l’ali-

mentation et les choix génétiques et d’inves-tissement sont au cœur de la réussite de ces élevages, une approche animalière forte, beaucoup de rigueur dans la mise en œuvre technique et la motivation pour le métier semblent aussi déterminantes pour réussir en produisant beaucoup de lait par vache.

Roger Hérisset

Derrière les chiffres : y a-t-il un éleveur type "rentable et productif ?"

Ils ont dit : "Avoir l’œil sur le troupeau !".

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Chaque année, 30 à 35 % des exploitations ont produit plus de 8 000 litres par vache et par an. Seulement 21 % des exploita-tions ont dépassé ce niveau cha-cune des trois années, soit 397 élevages. Parmi celles-ci seules 61 sont dans le ¼ sup en terme de résultats économiques sur chacune des 3 années étudiées.

De forts écarts de performance économiqueAu sein de ce groupe d’exploita-tions à plus de 8 000 litres de lait par vache sur 3 ans, les perfor-mances technico-économiques sont très variables. Entre le ¼ meilleur(1) et le ¼ moins bon(1),

60 % des écarts de revenu s’ex-pliquent par les performances techniques (soit le niveau de marge brute), et le reste par les écarts de charges de structure. Les moyens de production ne sont pas signifi cativement diffé-rents : SAU, part de maïs dans la SFP, nombre de vaches, d’UTH et niveau de production de lait par vache identique, proche de 8 800 litres 1 .Les écarts de marges portent en grande partie sur le coût ali-mentaire, 28 €/1 000 l, liés prin-cipalement aux concentrés. Par rapport au groupe "¼ inf", le groupe "¼ sup" utilise 300 kg de concentré en moins par vache, davantage autoproduits. Les écarts de charges de structure sont surtout liés à la mécanisa-tion et au niveau d’endettement.

Pascale Van Belleghemet Gérard Losq

Des exploitations performantes économiquement avec beaucoup de lait par vache

1 Caractéristiques des exploitations selon leur efficacité économique parmi les exploitations livrant plus de 8 000 litres de lait/VL de 2010 à 2013 (moyenne 3 ans)

¼ inf¼ sup

Ensemble ¼ sup(1)

Profi l n° 1"Grandes dimensions"

Profi l n° 2"Du lait par les fourrages"

Profi l n° 3"Du lait à l’ha"

Lait livré exploitation (en litres) 452 000 487 000 721 000 404 000 419 000Prix du lait (€/1000 l) 331 335 335 334 335

UTH 1,98 2,05 2,77 1,85 1,78Nb de vaches laitières (VL) 53 57 86 48 48

Litres produits/VL/an 8 755 8 766 8 660 8 652 8 978SAU (ha) 69 76 122 64 59

% maïs/SFP 45 41 42 36 47Lait/ha de SAU (en litres) 6 500 6 400 5 900 6 300 7 100

Lait/UTH (en litres) 228 000 237 600 237 600 218 000 235 000Kg de concentrés/VL 1 750 1 451 1 531 1 288 1 588

% concentrés autoproduits (%) 11 21 26 21 17Coût alimentaire (€/1 000 l)

- dont coût fourrages - dont coût de concentrés

1073572

792851

822755

752946

822755

Marge brute atelier lait (€/1 000 l) 190 252 259 242 246Charges de mécanisation (€/1000 l) 102 79 93 75 73

Résultat courant (€/1000 l) 36 143 160 142 132Taux d’endettement (%) 49 37 39 32 41

(1) Le tri des ¼ inf et ¼ sup prend en compte la marge brute de l’activité lait, le résultat courant par UTH et le % de résultat brut hors charges de personnel par rapport au produit d’exploitation.

La cohérence des systèmes économiques et la bonne maîtrise des coûts sont les dénominateurs communs sur lesquels est basée la réussite des éleveurs recherchant du lait par vache.

Pour mieux connaître les élevages intensifs en termes de production laitière par vache, les données comptables et technico-économiques d’un échantillon constant de 1 900 exploitations spécialisées en lait ont été analysées sur 3 ans.

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28 élevages 28 élevages 28 élevages 28 élevages 28 élevages 28 élevages étudiés de manière étudiés de manière étudiés de manière étudiés de manière étudiés de manière étudiés de manière approfondieapprofondieapprofondieapprofondieapprofondieapprofondie

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Des exploitations performantes économiquement avec beaucoup de lait par vache

Le défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentationLe défi de la maîtrise de l’alimentation

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3 Des rations hivernales fondées sur une forte ingestion des fourrages

Les éleveurs enquêtés pour produire un haut niveau de lait misent sur l’ingestion de fourrages de qualité, distribués à volonté.

* D’après enquête EDE /Chambres d’agriculture/Instituts de l’élevage /Contrôles laitiers (2003)

Moy

enne

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lon

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ranc

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reta

gne

8500

-950

0 kg

de

lait/

VL

(BCE

LOue

st)

SAU (ha) 81 70 88

SFP (ha) 56 53 58Effectif VL 63 56 63

Lait livré/an (l) 539 000 404 000 511 000

Lait vendu/UTH (l) 308 000 232 000 -

Lait livré/VL (l) 8742 7166 8362maïs/SFP (%) 42 40 45

Concentré (kg/VL/an) 1 326 - 1 376Coût alimentaire (€/1 000 l) 91 100 -

Frais vétérinaires (€/1 000 l) 13 14 -Marge lait (€/1 000 l) 281 265 -

Charges de structure (€/1 000 l) 242 255 -

2 Structure et résultats des exploitations enquêtées (2014)

Les structures des 28 élevages enquêtés sont un peu plus grandes que la moyenne des élevages Cerfrance Bretagne spécialisés lait (résultats 2e trim. 2014), mais proches des élevages de même productivité (BCEL Ouest, 2014, 8 500 à 9 500 kg de lait/an).

Les éleveurs enquêtés ont aussi donné leur avis sur les facteurs de la réussite avec du lait par vache.

Plusieurs profi ls d’exploitations performantes

Plusieurs voies sont pos-sibles pour réussir à produire plus de 8 000 litres de lait par vache de façon effi cace éco-nomiquement. Une analyse typologique du groupe "¼ sup" a permis de dégager 3 profi ls d’exploitations.Le profi l n° 1, caractérisé par de grandes structures, est moins spécialisé en lait (34 % de la SAU est en grandes cultures) et autoproduit davantage ses concentrés. Ces exploitations disposent de davantage de main-d’œuvre, mais avec peu de salariés. Les élevages de cette classe ont les meil-leurs résultats par UTH, du fait de la part plus impor-tante de grandes cultures, les marges céréales étant favo-rables sur la période étudiée. Leurs charges de structure et notamment de mécanisation sont plus importantes.Le profi l n° 2 se caractérise par de plus petites struc-tures cherchant à produire à moindre coût. Ils utilisent moins d’ensilage de maïs et de concentrés.Le profil n° 3 présente la quantité de lait à produire à l’hectare de SAU la plus éle-vée. Le système fourrager de ces élevages est plus orienté vers le maïs et ils utilisent le plus de concentrés. Avec 300 litres de lait de plus par vache que dans les autres profils, ils ont des frais vétérinaires et de reproduction les plus élevés. Mais les élevages de cette classe dégagent la meilleure marge brute par ha SFP.Au final, on trouve de bons résultats économiques dans des exploitations de taille et de choix techniques assez différents.

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Le niveau élevé de lait par vache s’explique en partie par la génétique avec un index lait supérieur de + 59 kg par rapport à la moyenne des éleveurs laitiers bretons en 2014.

Cet écart d’index lait a toujours été en la faveur des 28 exploitations de l’échantillon : depuis 1990, il oscille entre +60 et +120 kg en plus par rapport à la moyenne bretonne. En matière de choix de taureaux pour les accouplements, la majorité des éleveurs reste vigilante d’abord sur les index lait, les taux et la qualité de la mamelle, même s’ils se préoccupent aussi des index fonction-nels (aplombs, fertilité...), mais dans une moindre mesure. Leur taux d’adhésion à l’Upra est élevé (60 %). Quasiment aucun

de ces élevages n’a recours à la transplan-tation embryonnaire et la part de vaches vendues en lait est proche de la moyenne des adhérents à BCEL sur la même année (4,5 % contre 3,5 %). La génétique est donc d’abord un outil de conduite d’élevage.

La rigueur d’abord qui concerne aussi les vaches taries et les jeunesAu-delà de l’index lait, leur point fort est l’effet troupeau moyen, supérieur de + 944 kg par rapport à la moyenne 4 . Ce fort écart traduit une excellente maîtrise technique dans ces élevages : rigueur dans l’alimentation des vaches laitières mais aussi des taries, maîtrise de la santé, de la repro-duction et de l’élevage des génisses 5 .

Les résultats de ces élevages produisant beaucoup de lait par vache sont équivalents voire meilleurs comparés aux élevages de la zone Bcel Ouest, tous niveaux confondus : taux de mortalité des veaux de 3 points infé-rieur, âge au premier vêlage plus précoce de 2 mois avec des génisses élevées au lait entier dans 71 % des élevages. La réussite en première IA des vaches ou des génisses est équivalente malgré leur niveau de production plus élevé et l’utili-sation de semences sexées chez les ¾ d’entre eux. Le pourcentage de mammites et le niveau cellulaires des vaches sont plus faibles que la moyenne. Au fi nal, le taux de réforme "boucherie" est proche de la moyenne (26 %). À noter, la rigueur de conduite s’applique aussi aux vaches taries : les éleveurs leur

La génétique mais pas que…

4 Historique génétique des élevages enquêtés comparé à la moyenne bretonne

Moy

enne

éc

hant

illon

Moy

enne

BCE

L O

uest

Âge au vêlage génisses (mois)

27 29

Réussite en 1re IA (%) 43 43

Mammites (%) 36 39

VL < 300 000 cellules (%) 85 79

Mortalité des veaux (%) 10 13

Taux de réforme boucherie (%)

26 25

% vaches vendues en lait 4,5 3,5

Malgré un niveau de lait par vache plus élevé, les performances techniques des élevages enquêtées sont proches de la moyenne, et même meilleures pour certains critères.

5 Données de conduites du troupeau (2014)

140

120

100

80

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0

1990

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écart à la moyenne Bretagne

écart à la moyenne Bretagne

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kg laitindex lait

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écart à la moyenne Bretagne

écart à la moyenne Bretagne

kg lait

kg lait

effet troupeau lait

Les élevages étudiés présentent un bon index lait. Ils se distinguent plus particulièrement par un effet troupeau élevé qui progresse régulièrement. Comparaison réalisée à partir de données Institut de l’élevage.

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évitent des variations trop importantes de ration en leur apportant un fond d’ensilage de maïs en hiver (27 élevages) voir même en été (14 élevages). Elles sont dans les ¾ des cas introduites dans le troupeau après vêlage seulement. Les frais vétérinaires sont maîtrisés compte tenu du niveau de lait par vache élevé 2 .

Guylaine Trou

POUR ALLER PLUS LOIN

Des éléments complémentaires sur synagri.com : http://www.synagri.com/synagri/concilier-rentabilite-et-lait-par-vacheLes journées "Alimentation des vaches cet hiver produisez du lait économique", organisées par la chambre d’agriculture, proposent des outils et des supports à destination des éleveurs intéressés pour améliorer l’alimentation hivernale sur des aspects techniques et économiques : Mauron, le 20 octobre et Trévarez, le 03 novembre, à partir de 13h.

Avec des vaches productives, il faut être encore plus rigoureux. Les dérapages coûtent cher !

Des choix d’investissements raisonnés

Les élevages rentables étudiés se carac-térisent par une préférence pour la réno-vation des bâtiments plutôt que l’inves-tissement dans du neuf et par des choix de matériels simples, notamment pour la distribution de la ration telle que des désileuses. Les bâtiments sont amortis malgré la présence de jeunes associés dans les exploitations enquêtées. Un seul élevage a un bâtiment construit depuis moins de sept ans. En ce qui concerne la mécanisation, le nombre de tracteurs uti-lisé dans l’élevage n’excède pas l’objectif de 2 CV amortissables/ha.

Benoît Portier et André Queffelec

Distribution des aliments concentrés

Distribution fourrages

Auge (brouette) DAC Robot Salle de

traite Aucun

Désileuse 6 2 3 1 2

Godet 2 2 - 1 -

Mélangeuse 2 3 - - 1

Automotrice - - 2 - -

Libre-service - 1 - - -

Pour l’alimentation du troupeau, dix-neuf exploitations sont équipées d’une désileuse ou d’un godet désileur. La complémentation en concentré se fait principalement à l’auge (10 exploitations) ou au DAC (8).

Équipements de distribution des fourrages et des aliments concentrés

Du matériel de distribution simple et un choix de rénover les bâtiments plutôt que d’investir dans du neuf.

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Installés à Mernel (35) en Gaec, Stéphane et Florence Rigaud sont à la tête d'une exploitation de 130 vaches et ont depuis toujours fait le choix de produire beaucoup de lait par vache. Un choix payant, à condition de maîtriser l'alimentation et les investissements.

"Ici, on est en moyenne à 9 500 kg de lait par vache, avec 1,1 million de litres produits par an", annonce Stéphane Rigaud. C'est en 2003 qu'il s'est installé avec sa mère, à la suite de son père. Et déjà à l'époque, le mode de pro-duction était axé sur le volume. Une philosophie que Stéphane a pour-suivie, y compris depuis l'arrivée de son épouse Florence en 2008. L'exploitation compte aujourd'hui 170 hectares, répartis sur deux sites, dont 60 hectares groupés autour de l'exploitation. 45 hec-tares sont consacrés aux céréales, 55 hectares pour le maïs et le reste pour la prairie. Pour la traite, l'objectif du couple est d'y consacrer le moins de temps possible, à savoir aujourd'hui 1h30 tout compris. Depuis 2012, ils ont opté pour un roto 28 postes en traite extérieure.

Une valorisation maximale du pâturageMais produire beaucoup de lait tout en gardant des résultats éco-nomiques satisfaisants exige une maîtrise de nombreux postes. A commencer par une valorisation maximale du pâturage. "La mise à l'herbe se fait fin février-début mars. Début avril, on est à 2/3 pâturage 1/3 maïs et suppression du correcteur azoté", explique Stéphane. Et d'ajouter : "Nous sommes dans un endroit séchant donc le pâturage s'arrête fin juin et l'alimentation passe alors à 2/3 de maïs avec de l'ensilage d'herbe, de l'enrubannage et du correcteur azoté entre 1,5 et 2 kg".

Pour rechercher la valeur maximale du fourrage, le couple s'attache non seulement à récolter au bon stade mais fait aussi une analyse par silo pour connaître la valeur exacte. "La distribution quotidienne est à volonté et avec un bol mélangeur", complète Florence.

Niveau génétiqueLe niveau génétique est un autre paramètre à prendre en compte dans ce mode de production. "Nous achetons des doses à 100 % prin-cipalement canadiennes et amé-ricaines", témoigne Stéphane qui est éleveur inséminateur. Quant aux critères des taureaux, ils portent principalement sur la morphologie et des critères de fonctionnalité.Si les résultats économiques de l'exploitation sont bons, cette conduite du troupeau nécessite d'être toujours attentif. Ainsi, les éléveurs sont vigilants à la moindre baisse de production et maîtrisent le plus possible les frais de vété-rinaire. Chaque vache est équipée d'un podomètre et un distributeur

d'aliment concentré a été installé dans le bâtiment avec trois stations.Enfin, la maîtrise des investisse-ments est aussi un élément clé dans la réussite de l'exploitation. Stéphane et Florence n'ont pas refait de bâtiment neuf mais ont choisi de rendre plus fonctionnel l'existant. Il abrite 150 logettes à matelas, avec quatre racleurs à cordes.Côté organisation, Stéphane s'oc-cupe de l'alimentation, des cultures et de la traite. Florence a en charge la traite, les veaux jusqu'au sevrage, ainsi que la comptabilité, l'enregistrement et le suivi du trou-peau. Une salariée est également présente les soirs de semaine pour la traite. Pour le couple d'éleveurs, cette façon de travailler correspond tout à fait à leurs aspirations et leur vision du métier. "Un métier de passionné, confi e Stéphane, encore plus dans des moments difficiles comme aujourd'hui".

Arnaud Marlet

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Au Gaec des 3 villages, on a fait le choix de la production

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Stéphane et Florence Rigaud, ici dans leur salle de traite rotative 28 postes. Ils sont à la tête d'une exploitation de 130 vaches avec une moyenne de production de 9 500 kg par vache.

Des éleveurs vigilants à la moindre baisse de production