2010 - La confiance à l'ère du numérique

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Résumé de la 20è Journée de rencontre de l'Observatoire technologique

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20 E JOURNEE DE RENCONTRE DE L'OBSERVATOIRE TECHNOLOGIQUE

La confiance à l'ère du numériqueOrganisée le 19 novembre 2010, la Journée de rencontre de l’Observatoire technologique a fêté sa 20e édition en plaçant au centre de sa réflexion prospective la question de la confiance à l'ère du numérique. Lorsque deux éléments indissociables de la trame de nos sociétés sont superposés puis questionnés par des experts, les éclairages apportés permettent de rafraîchir les idées et d'ouvrir des champs d'actions. Des perspectives aux propositions et des propositions aux récits d'expériences, ainsi ont cheminé les débats croisés développés à cette occasion.

On ne badine pas avec la confiance numérique aux Etats-Unis. Du Forum de la confiance en ligne et de la cybersécurité au Forum sur les effets de la confiance en ligne sur l'économie américaine, la question y est débattue et analysée régulièrement. Il faut dire que celle-ci est omniprésente et ne faiblit pas dans le domaine des technologies de l'information depuis l'avènement d'Internet. Qu'il s'agisse de la réception anodine de fenêtres pop-up, de cookies stockés à notre insu (ou presque), de la diffusion de logiciels malveillants, de cyber-attaques criminelles, d'usurpation d'identités, de gestion des droits numériques ou de cette nouvelle forme de protestation qu'est l'auto-infection apparue dans la controverse au sujet de WikiLeaks, la patience et les nerfs des internautes sont mis à rude épreuve. Au point qu'un contexte de défiance du Web peine à se dissiper selon les spécialistes. Si elle revêt des enjeux autres que commerciaux, la confiance à l'ère du numérique n'en demeure pas moins pour une administration publique une question essentielle et incontournable. Dans le cadre d'un monde en gestation, l'Observatoire technologique a abordé ce thème central afin d'en clarifier les contours mais aussi les enjeux et d'orienter sa réflexion dans ce domaine ô combien névralgique, aidé en cela par un panel d'experts.

Devant un auditoire de 250 personnes, ces derniers ont livré le fruit de leurs recherches, réflexions et/ou propositions dans le domaine de la confiance numérique : Olivier Glassey est sociologue,

responsable de l’unité de recherche «  Études sociales des sciences et des techniques» au sein de l'Observatoire Science, Politique et Société de l'Université de Lausanne. Renaud Francou est chef de projet à

la Fondation internet nouvelle génération (FING), un think tank qui explore le potentiel transformateur des technologies quand il est placé entre des millions de mains. Isabelle Dubois et Anne-Catherine

Salberg sont les Préposées à la Protection des données et à la Transparence du canton de Genève. Jean-Henry Morin est professeur

associé en ingénierie des services informationnels au département de systèmes d’information de l’université de Genève. Yves Leuzinger, directeur de la Haute

école du paysage, d'ingénierie et d'architecture, Robert Monin, secrétaire général du Département des constructions et des technologies de l'information ainsi que Jean-Marie Leclerc, directeur général du Centre des technologies de l’information ont également contribué au succès de cet après-midi..

UN OBSERVATOIRE TECHNOLOGIQUE,POUR QUOI FAIRE ?

L’Observatoire technologique (OT) a pour principal mandat d'aider l'administration et les entités genevoises à intégrer une vision sociétale dans leurs réflexions liées aux technologies de l'information et de la communication.Cela passe par une veille stratégique et technologique, à l’intersection de la recherche, des technologies de pointe et de la société. De larges domaines sont ainsi explorés, au-delà des seules questions technologiques et tout en replaçant l’individu et la société au centre de la réflexion. C’est dans cette perspective que l’OT a élaboré en 2002 le « référentiel e-Société ».Dans le cadre des mandats ou des groupes de travail initiés avec ses partenaires, l’OT a mené ses réflexions en veillant à toujours suivre une démarche académique basée sur un travail de recherche approfondi.Une conception sociétale des technologies de l'information et de la communication doit privilégier les échanges pluridisciplinaires. Les membres de l'OT veillent ainsi à cultiver un réseau de contacts dans des domaines variés, hors de leur champ de compétence, tels que la sociologie, le droit, l'éthique ou la pédagogie. La confrontation de ces visions plurielles enrichit le débat et permet d'éviter l'écueil d'une approche techno-centrique.

Décembre 2010 Département des constructions et des technologies de l'information

Image: Mark Setchell sur Flickr

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LES INTERVENTIONS EN BREFSi la confiance joue un rôle essentiel dans le fonctionnement de notre société, elle reste cependant un concept difficile à appréhender en raison de la complexité et de la pluralité des situations dans lesquelles elle s’exprime. Et alors même que cette notion nous échappe dès qu'on cherche à la cerner et à la caractériser dans le réel, le monde numérique semble vouloir en redéfinir les règles ou du moins en privilégier certaines au détriment des autres. Comment préserver ce véritable « repère public » dans le nouveau paradigme de la société de l’information et de la connaissance? Cette 20è Journée de rencontre a confronté plusieurs regards croisés pour apporter des éléments de réponse à la question.

Département des constructions et des technologies de l'informationCentre des technologies de l'informationObservatoire technologiqueRédaction: Christophe DohTél: +41 (22) 388 13 50 • Fax: +41 (22) 388 13 57 • [email protected] • www.ge.ch/ot

Isabelle Dubois Anne-Catherine SalbergPréposées à la Protection des données et à la Transparence du canton de Genève

Avec la mise en application de loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données (LIPAD), l'administration vit un changement de paradigme qui prône l'avènement de la culture de la transparence. A Genève deux cents institutions sont soumises à cette loi dont nous devons veiller à l'application. Autorité indépendante, sans pouvoir de contrainte, notre bureau formule des recommandations dans le cadre de projets qu'on nous soumet sur une base volontaire. Dans notre pratique, nous avons opté pour un outil baptisé « agrément » que nous délivrons suite à des concertations interdisciplinaires. Celles-ci ont au cœur de nos récentes expériences avec la ville de Genève ou l'aéroport. Selon nous la confiance ne peut s'installer que dans le strict respect des règles établies et des médiations entre toutes les parties prenantes d'un projet.

Robert Monin Secrétaire Général du Département des constructions et des technologies de l’information de la République et Canton de Genève

La judiciarisation croissante de notre société reflète probablement un état de méfiance des citoyens à l'égard des leurs institutions. S'écarter de la sclérose qui les guette, promouvoir un vrai « vivre ensemble » nécessitera de renforcer le lien social dont la confiance constitue l'un des piliers. Cet enrichissement concret dans nos manières d'interagir avec les autres induit par les nouvelles technologies nous obligera à être d'autant plus imaginatifs sur ce terrain. Dans ce monde (numérique) en perpétuel changement, Genève peut heureusement s'appuyer sur les hommes et des outils qui facilitent son adaptation à ce nouveau paradigme et l'aident à gagner la confiance des citoyens par rapport à ces nouveaux usages. Inspirer ou restaurer la confiance passera par une voie qui reste encore à définir, sachant que le statut d'autorité de l'administration et les dispositifs sécuritaires sophistiqués n'y suffiront pas.

Jean-Henry MorinProfesseur associé au département des systèmes d’information de l’Université de Genève

Même si l'on parle de « trusted computing », l'instauration de la confiance ne se vérifie pas sur le terrain. Au contraire, les exemples pris dans le secteur des organisations ou du divertissement (dé)montrent que la non-confiance règne. Le fait que 53% des salariés contournent les dispositifs de sécurité pour simplement pouvoir effectuer leur travail répond aux hérésies que sont la présomption de culpabilité et la criminalisation des gens. Il faut arrêter de promouvoir ce type de sécurité paranoïaque.« Not to trust » n'est pas la solution. Ma proposition vise à introduire des autorisations adaptées. En échange d'une information qui l'identifie, une personne obtient un droit temporaire surveillé, applicable dans la sphère privée ou au travail. Cette confiance éclairée mais pas aveugle a comme avantage de postuler notre responsabilité, et par conséquent de nous investir. Si vous ne devez retenir qu'une chose, ce sera celle-là.

Olivier GlasseyResponsable de l’unité de recherche « Études sociales des sciences et des techniques » de l’Université de Lausanne

Si la sociologie inscrit la confiance dans le temps et en admet l'incomplétude, elle nous enseigne surtout qu'elle a une fonction: nous simplifier la vie et apporter des solutions qui nous permettent de gérer la complexité. A la fois jugement, appel à la coopération comme à la réciprocité, sa manifestation obéit en règle générale à une architecture où contexte et réputation font écho aux émotions. La confiance numérique a beau devoir s'appliquer sur des objets originaux, ses mécanismes s'apparentent à ce qui se fait dans le monde réel. Les indicateurs de confiance sont stabilisés dans la vie de tous les jours alors qu'ils sont encore en voie de formation dans l'univers numérique. La logique des transactions qui fait suite à des avis favorables ou non échappe ainsi à toute linéarité. Comme notre capacité à interpréter ces indicateurs s'affine en parallèle, la confiance numérique reste très largement un apprentissage à faire.

Jean-Marie LeclercDirecteur général du Centre des technologies de l'information de la République et canton de Genève

Il faut veiller à ne pas placer le centre de gravité de la confiance numérique au mauvais endroit: la confiance, qu'elle soit numérique ou non, est une affaire de responsabilité individuelle que le secteur public doit savoir prendre en compte. Dans ce contexte la transparence joue un rôle essentiel. Notre administration doit la promouvoir en acceptant les contraintes qu'elle impose. Nous pouvons pour cela nous appuyer sur un cadre éthique tel que celui proposé au travers de la norme ISO 26'000. Il faut aussi considérer les devoirs liés à la LIPAD comme une opportunité pour générer encore plus de confiance. Car ces cadres éthiques et juridiques cristallisent des réflexions largement partagées qui sont à la source de la confiance. Dans cet esprit, la société de l'information et de la connaissance ne se construira pas sans concertation et sans débat public. L'expérience du eVoting à Genève est là pour l'illustrer!

Renaud FrancouChef de projet au sein de la fondation internet nouvelle génération (FING)

Sur Internet comme dans la langue anglaise, la confiance a deux visages: la confiance (trust) contextuelle, risquée, pari sur le comportement et les compétences de l'autre en situation d'incertitude et qui inclut un risque irréductible; et l'assurance (confidence) destinée à élargir la confiance en réduisant l'incertitude, sinon couvrir le risque. L'agenda actuel de la confiance étant majoritairement tourné vers la sécurité, ces deux composantes sont sous tension. Les pratiques de confiance inattendues symbolisées par l'émergence des réseaux sociaux, des forums de patients ou du peer-to-peer font contrepoids aux démarches traditionnelles saturées d'orientations sécuritaires. Nos travaux révèlent des pistes d'innovation génératrices de confiance avec quatre défis à relever: développer les dispositifs de confiance manquants, mieux cerner les potentialités de la confiance peer-to-peer, outiller les individus pour qu'ils accordent leur confiance à bon escient et envisager la confiance relationnelle comme un facteur différenciant.