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L’environnement subit de fortes pressions dufait de l’énergie consommée en quantité de plusen plus importante par les pays développés. Lesressources naturelles ne faisant majoritairementpas l’objet d’échanges sur un marché, il ne leur estassocié aucun indicateur apparent de valeur. Cecine signifie pas que leur prix soit nul mais cetteabsence de prix conduit souvent à une dégrada-tion de leur qualité25. L’air par exemple est unbien public à disposition de tous : aucun proprié-taire n’en fait payer l’usage mais aucun non plusn’est investi de la responsabilité d’assurer unniveau de qualité constant, sans parler a fortioride le léguer en bon état aux générations futures.

Une prise de conscience s’effectue sur lanécessaire gouvernance des biens publics mon-diaux, elle prend corps avec la ratification du pro-tocole de Kyoto. Dans le cadre de cette démarche,le développement des consommations énergé-tiques apparaît comme l’un des plus importants“feux rouges” auxquels sont confrontés les pays del’OCDE car l’énergie contribue majoritairementau réchauffement climatique. Ceci étant l’énergieest aussi responsable de la plus grande part de lapollution atmosphérique des zones urbaines :contrairement à la pollution d’origine naturelle,généralement dispersée sur de très vastes espaces,la pollution liée aux activités de l’homme est prin-cipalement concentrée dans des zones urbaniséesou périurbaines, ce qui occasionne l’expositiond’importantes populations et, à long terme,génère une dégradation importante de l’état sani-taire de celles-ci. La régulation reste alors auniveau local (national ou infra-national) mais laproximité des problèmes rencontrés par les diffé-rents pays dans ce domaine conduit à desréflexions communes.

Un consensus se dégage donc pour progresservers un usage raisonné de l’énergie, c’est-à-direvers un usage de cette ressource qui tiennecompte des nuisances dont elle est porteuse. Danscette perspective, seule une connaissance précisedes dommages environnementaux peut permettrede situer le point d’équilibre entre les avantagesprocurés par l’énergie et les effets “néfastes” decelle-ci sur les milieux et déterminer ainsi un

niveau optimal de consommation d’énergie. Elleconstitue aussi un instrument d’orientation deschoix vers les filières énergétiques les plus respec-tueuses de l’environnement.

Mieux appréhender les impacts environne-mentaux signifie progresser dans l’identification,la quantification et la valorisation des émissions,nuisances… induites par la production et laconsommation d’énergie, en passant par toutesles phases intermédiaires et en prenant en compteaussi l’étape ultime des déchets. Des étudesregroupant des experts de toutes disciplines sonten cours au niveau national et international. L’ob-jectif de cette partie est de présenter les princi-pales d’entre elles (point 3). En préalable serontrappelées les nuisances liées à l’énergie (point 1) etexposés des éléments de méthodes concernant laréalisation de ces évaluations (point 2).

1. Présentation des nuisancesimputables à l’énergie

La production et la consommation d’énergieinduisent un certain nombre de dommagesconcernant la santé humaine, les écosystèmes, lesconstructions, les cultures végétales, ou les pay-sages, au titre desquels on citera la pollution del’air (aggravation de l’effet de serre, pollutionlocale ou régionale), la pollution des eaux(marines, continentales), les émissions et déchetsradioactifs, les accidents (industriels, technolo-giques), la déforestation et la désertification, lesnuisances sonores.

La pollution de l’airLa production, le transport et l’utilisation de

l’énergie contribuent à la pollution de l’air.L’échelle géographique pertinente pour analyserles phénomènes de pollution de l’air va en effetdu très local (par exemple odeurs, effets des parti-cules, du benzène, ... sur la santé) à l’échelle mon-diale (par exemple effet de serre dû aux émissionsde dioxyde de carbone), en passant par des phé-nomènes régionaux ou continentaux (pluiesacides ou pollution photochimique - formationd’ozone par exemple).

25. Sur la valorisation des biens environnementaux se reporter au document de travail de la D4E n°01-03 : Méthodologie de valo-risation des biens environnementaux (Sylvie Scherrer, 2001).

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L’aggravation de l’effet de serreLa plus grande partie du rayonnement solaire

traverse directement l’atmosphère pour réchauf-fer la surface du globe. La terre, à son tour, “ren-voie” cette énergie dans l’espace sous forme derayonnement infrarouge de grande longueurd’onde. La vapeur d’eau, le gaz carbonique, etd’autres gaz absorbent ce rayonnement renvoyépar la terre, empêchent l’énergie de passer direc-tement de la surface du globe vers l’espace, etréchauffent ainsi l’atmosphère. Le groupe inter-gouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)dans son second rapport approuvé en décembre1995 confirme l’opinion de la majorité des scien-tifiques selon laquelle la concentration des gaz àeffet de serre, voire leur durée de vie, s’accroîtsous l’effet des activités humaines. Les principauxgaz à effet de serre émis par l’activité humainesont : le gaz carbonique ou dioxyde de carbone(CO2), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote(N20). Les chlorofluorocarbures (CFC), qui ontégalement pour effet d’appauvrir la couched’ozone, les substituts aux CFC (HFC, PCF, et leSF6), contribuent également à l’effet de serre. Lesactivités humaines liées au transport ont aussifavorisé la formation d’ozone en émettant des gazprécurseurs tels que les composés organiquesvolatils (COV), les oxydes d’azote (NOx) et lemonoxyde de carbone (CO).

La pollution atmosphériqueLa qualité de l’air est détériorée par deux caté-

gories de polluants issus de la combustion decombustibles fossiles : - les polluants primaires, c’est-à-dire les polluantsémis directement d’une source (cheminée d’usineou de centrale thermique, pot d’échappement devéhicule,…), comme les oxydes de soufre (SO2),les oxydes d’azote (NOx), les poussières, l’acidechlorhydrique (HCl), les composés organiquesvolatils (COV), et le monoxyde de carbone(CO)… ;- les polluants secondaires, c’est-à-dire les pol-luants issus de la transformation chimique de pol-luants primaires après leur émission dans l’atmo-sphère. Le principal polluant secondaire estl’ozone.

La transformation du dioxyde de soufre etdes oxydes d’azote émis dans l’atmosphère en sul-fates et nitrates, voire en acides sulfuriques etnitriques, entraîne les “pluies acides”, qui peuventtoucher des zones très éloignées des sourcesd’émission.

La pollution des eaux- Les raffineries et les mines de charbon pro-

duisent des effluents qui peuvent contaminer leseaux de rivière. La production de biocarburantspeut également s’accompagner d’une pollutiondes eaux de rivière, des lacs, des mers et des eauxsouterraines, induite par l’utilisation d’engrais etde pesticides.

- Le refroidissement des centrales électriques(classiques et nucléaires) produit une pollutionthermique qui peut altérer l’écosystème d’uncours d’eau. Outre les accidents, le dégazage despétroliers entraîne le déchargement d’une quan-tité annuelle importante de pétrole dans les merset les océans.

Les émissions radioactivesDes substances radioactives sont émises à

différentes étapes du cycle du combustiblenucléaire, en fonctionnement normal (minesd’uranium, usines de traitement des minerais,usines de retraitement des combustibles usés), ouen cas, fréquent, d’incidents dans le fonctionne-ment des centrales nucléaires (hors accidentsgraves). Elles peuvent également résulter de lacombustion des combustibles fossiles.

Les déchets radioactifsLes centrales nucléaires produisent de l’élec-

tricité en consommant l’uranium comme carbu-rant. Après plusieurs années d’irradiation, lecombustible usé sorti du réacteur, dégage encorebeaucoup de chaleur : il est très radioactif à causedes éléments provenant de la fission de l’ura-nium. Certains de ces éléments peuvent resterradioactifs et dangereux pendant des siècles,voire des millénaires. Aucune solution satisfai-sante n’a encore été trouvée pour la destructionou le stockage fiable à long terme de ces déchetsqui constituent un risque potentiel pourl’homme et son environnement. Des problèmesencore mal identifiés risquent de se poser lors dudémantèlement des grandes installationsnucléaires (particulièrement des usines de traite-ment des combustibles irradiés).

Les accidentsLes risques accidentels graves, liés à la pro-

duction ou à l’approvisionnement énergétique,en particulier dans les zones de grandes concen-trations industrielles ou urbaines, sont source depréoccupation croissante. Leur ampleur a étédémontrée dans de nombreux cas :- explosions provoquées par des incendies de

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plates-formes d’exploitation, de sites de stockageou de raffinage, de réseaux de transports d’hy-drocarbures ;- marées noires causées par les accidents de pétro-liers ;- explosions, effondrements ou glissements deterrain (mines de charbon);- ruptures de barrages hydroélectriques.

Les accidents nucléaires représentent égale-ment un risque majeur : explosions ou incendiesd’usines de combustibles nucléaires, de réacteursnucléaires, d’usines de retraitement ou de sites destockage des déchets radioactifs, risques liés autransport des matières nucléaires.

La déforestation et la désertification

Dans certaines régions, pour un grandnombre de populations rurales ou périurbaines,le bois de feu est la source première, souventunique, d’énergie disponible pour la cuisson et lechauffage. Sa consommation excessive peut êtrela cause d’un taux de déforestation rapidemenant à la dégradation des terres (dans desrégions arides), voire à la désertification.

L’occupation et la destructiondes sites

L’occupation des sols et la destruction oudégradation des sites naturels par les grands bar-rages hydroélectriques, les exploitationsminières, les réseaux de transport de l’énergie(tout particulièrement les lignes à haute ten-sion)26 constituent une nuisance supportée deplus en plus mal par les populations touchées.

Les nuisances sonoresLes phénomènes sonores liés à l’énergie sont

dans de nombreux cas bornés par des mesuresréglementaires visant à en limiter le niveau. L’ad-ministration impose aux constructeurs des cen-trales de maintenir le niveau sonore à un seuilacceptable à proximité des zones habitées et surchaque site est installée une chaîne de surveillancesystématique du bruit aussi bien à l’intérieur qu’àl’extérieur des centrales. Pour limiter, sur lesréseaux électriques, le bruit dû au fonctionne-ment des transformateurs de grande puissance,ceux-ci sont enfermés dans des enceintes insono-risées ou isolés par des murs pare-bruits. En outre,l’utilisation de conducteurs constitués de fais-ceaux de plusieurs câbles atténue le crépitementque provoquent, autour des lignes de haute ten-sion, la pluie, la neige ou le brouillard.

Appréhender l’ensemble des impacts envi-ronnementaux de l’énergie d’une façon suffi-samment précise pour pouvoir les intégrerdans les décisions publiques présente un cer-tain nombre de difficultés. Après avoir réper-torié ces impacts (cf. tableau “les risques et lesimpacts sur l’environnement liés à la consom-mation et à la production d’énergie”), il fautles évaluer dans le cadre d’analyses écono-miques en s’attachant à bien prendre encompte le facteur risque attaché à la plupartdes effets (physique, chimique, biologique...)mis en évidence. Des éléments de méthodeconcernant ces analyses seront exposés dans lapartie suivante, en préalable à la présentationdes différentes études ayant trait à l’évaluationdes dommages environnementaux de l’énergie.

26. Sur ce sujet, on se reportera au rapport général de la CCEE.

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2. Evaluation des dommagesenvironnementaux :éléments de méthode

2.1. Les enjeux environnemen-taux et la régulation publique

L’approche économique “idéale”Les dommages environnementaux consti-

tuent des coûts externes, en ce sens qu’ils ne sontpas reflétés par le prix de marché de l’énergie.Autrement dit, leur coût n’est pas entièrement

internalisé, ou si l’on préfère le “producteur” dela nuisance n’en supporte pas le coût, et celui-ciest alors reporté sur la collectivité.

Plus généralement, un “effet externe” ou“externalité” est un effet négatif (dommage) oupositif (aménité) induit par les activités de pro-duction ou de consommation de certains agentsqui interfère avec le bien-être d’autres agents(présents ou futurs). Une externalité peut êtreanalysée comme une défaillance du système desprix, en économie de marché : ces effets (coûts etavantages) ne sont pas pris en compte dans ladétermination du prix de revient d’une activité,

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Données économiques de l’environnement

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Les risques et les impacts sur l’environnement liés à la consommation

et à la production d’énergie

Consommation d’énergie

Air Rejets de CO2, CO, SO2, NOx, COV, poussières, métaux lourds, HAP (combustion) Libération de CFC et de gaz fluorés (systèmes de climatisation et de réfrigération)

Déchets Cendres, huiles, boues (appareils de combustion)

Risques Incendies, explosions, électrocutions, intoxications

Production d’énergie

Air Rejet de SO2, NOx, CO, COV (extraction de charbon)Rejets de composés organiques, de poussières et de CH4 (extraction de pétrole et de gaz, raffinage de pétrole, stockage et distribution de gaz).Emissions de COV (stockage, transport et distribution de produits pétroliers, et notamment de carburants).

Eau Effluents pouvant contaminer les eaux de rivière (centrales électriques, mines de charbon, raffineries)Pollution thermique pouvant altérer l’écosystème d’un cours d’eau (refroidissement des centrales thermiques classiques et nucléaires)Modification du régime des cours d’eau (équipements hydrauliques)Dégazages en mer (pétroliers)Irrigation et pollution par les engrais et pesticides (biocarburants)

Risques accidentels, Incendies (plate-formes d’exploitation, sites de stockage ou de raffinage,risques d’accidents nucléaires Réseaux de transport d’hydrocarbures)(centrale électronucléaire, usine Marées noires (rupture des pétroliers)de retraitement, transport de Explosions, effondrements, glissements de terrain (mines de charbon)matières nucléaires) Ruptures (barrages hydroélectriques)

Risques de malveillance Attaque contre les outils de production, de transport ou de stockage (centrale nucléaire, site d’entreposage de matières nucléaires, terminal méthanier, barrage hydroélectrique, etc)Détournement de matières dangereuses

Déchets Stériles (extraction de charbon)Déchets radioactifs (nucléaire)Résidus (raffinage)

Empreinte sur le territoire Destruction ou modification d’écosystèmes (hydraulique, éolien, solaire)et la nature Fragmentation ou altération du paysage (oléoducs, gazoducs,

lignes à haute tension)

Substances chimiques Rejets liquides radioactifs (centrales nucléaires, usines de retraitementet matières radioactives des combustibles usés)

Substances toxiques contenues dans les imbrûlés solides (cendres) ou les poussières provenant de la combustion des combustibles

Bruit Installations thermiques (notamment les moteurs)

Sols Contamination (sites d’extraction de charbon ou d’uranium, anciennes usines à gaz)Fiches industrielles

Source : Ifen.

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Modèle DPSIR (Énergie)

il y a donc divergence entre le “coût privé”observé sur le marché et le “coût social” supportépar la collectivité. Les choix des agents privés neprennent pas en compte ces coûts externes, cequi conduit à des inefficacités du point de vue dela collectivité : la perte de bien-être des agentsqui subissent un effet externe (négatif ) peut-êtresupérieure au coût de réduction de l’effet pourles agents qui le génèrent.

L’existence de ces effets externes qui ne sontpas spontanément pris en compte dans les choixdes décideurs économiques, et en particulierd’effets sur la santé publique et l’environnement,justifie une intervention régulatrice de la puis-sance publique pour corriger les mécanismes demarché, et faire ressentir aux émetteurs de dom-mages leurs coûts sociaux.

… et sa difficile application à l’environnement

En pratique les interactions entre les activitéshumaines et les milieux se révèlent extrêmementcomplexes à appréhender : risques locaux deve-

nant globaux, pollutions diffuses ayant desimpacts non négligeables sur la santé humaine,changement climatique…. ; des processus detransfert, d’accumulation, de transformation dematières entre les milieux, les espèces etl’homme, modifient l’environnement à deséchelles de temps jusqu’ici insoupçonnées. Lamise en évidence des enjeux environnementauximplique que soient identifiés les dangers pré-sents dans l’environnement, c’est-à-dire les phé-nomènes porteurs de dommages potentiels, quesoit précisé le risque associé à ce danger, c’est-à-dire la probabilité d’occurrence de celui-ci, etenfin que ces dommages soient valorisés ce quiest délicat dès lors que les biens atteints sontnon-marchands ce qui est souvent le cas.

Face à ces incertitudes un cadre méthodolo-gique se construit progressivement tant pourl’analyse des risques environnementaux que pourl’évaluation économique des dommages associésà ces risques. L’absence de savoirs avérés ne signi-fie pas en effet qu’une synthèse des connaissancesne puisse être réalisée et organisée, de façon à ser-vir la décision publique.

Source : Agence européenne de l’environnement.

RD

Eléments moteurs• Evolution de la demande

• Prix de l’énergie

Réponses• Taxes

• Incitations données aux filières peu polluantes…

Efficacité• Mode de production • Technologie Filières

Efficacitédes instruments

Analyses coûts-bénéficesvalorisation des externalités

Conditions environnementales• Impact des conditions climatiques

sur la dispersion des polluants...

Impacts • Impacts sur la santé de la pollution de l’air

Relation Exposition / Impact • épidémiologie des effets

sur la santé

Pressions• Emissions de polluants

atmosphériques

Etat• Exposition de la population

à la pollution, au bruit • Risque lié aux accidents éventuels

S

IP

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L’articulation entre l’analyse du risque, l’éva-luation des dommages et la décision publique estbien décrite dans le schéma DPSIR (Drivingforces / Pressure / State / Impact / Response) (cffigure : Modèle DPSIR énergie) qui met en évi-dence les principales relations entre cinq pôles :

D : Eléments moteurs : évolutions structu-relles économiques et sociales ;• D/P : Efficacité : couplage ou découplage entreles évolutions structurelles et le niveau de pres-sions sur l’environnement ;

P : Pressions : pressions directes sur l’envi-ronnement ;• P/S : Conditions environnementales : condi-tions environnementales dans lesquelles s’exer-cent les pressions, vulnérabilité des milieux ;

S : Etat : diagnostic d’une dégradation del’environnement liée aux pressions identifiées enP ;• S/I : Alerte : relations existant entre le diagnos-tic d’une nuisance et la constatation d’un impact(sanitaire, environnemental...) ;

I : Impacts : diagnostic d’un impact sani-taire et/ou environnemental (biodiversité, pay-sages...) lié à la dégradation identifiée en S ;• I/R : Externalités : externalités environnemen-tales, analyse coûts/bénéfices ;

R : Réponses : description des mesures ins-titutionnelles ou privées ;• R/D : Efficacité des instruments de l’interven-tion publique.

Ce schéma d’organisation de l’informationenvironnementale qui s’est imposé progressive-ment comme modèle pour l’élaboration d’indi-cateurs ’’DPSIR’’ (pour Driving Forces, Pres-sions, State, Impact, Response) peut égalementservir de cadre à une évaluation économique detype coûts-avantages, qui soit non seulementl’évaluation “instantanée” nécessaire pour fonderla réponse publique à un moment donné maisaussi l’évaluation en continu permettant demettre à jour cette réponse.

La partie 2 de ce rapport traitera de la par-tie basse du schéma, c’est-à-dire des relationsentre les pressions exercées par l’énergie sur l’en-vironnement, la dégradation de l’état de cet envi-ronnement et les dommages associés à cesimpacts. Ces relations sont étudiées à partir del’analyse des risques. Cette partie traitera égale-ment de la valorisation de ces dommages, cettevalorisation permettant - quand elle est possible-d’aider la décision publique. La partie haute du

schéma qui décrit la réponse publique propre-ment dite et son efficacité sur l’environnementsera traitée ici sous l’angle méthodologique, lespolitiques publiques et leurs instruments faisantl’objet de la partie 3 du rapport.

2.2. Analyse du risqueL’analyse du risque se définit comme la

démarche scientifique destinée à évaluer la pro-babilité d’occurrence et la gravité des effetsadverses susceptibles de se produire chezl’homme ou dans l’environnement après uneexposition à une ou plusieurs sources de risque.Les lignes directrices de l’analyse du risque, tellesqu’elles sont exposées ci-après, ont été dévelop-pées aux Etats-Unis dans les années 80 par leNational Research Council (NRC) et la UnitedStates Environmental Protection Agency (US-EPA). Elles ont été reprises depuis dans ledomaine des impacts sanitaires par le Codex ali-mentarius (OMS, FAO) et plus récemment parle Comité Scientifique Directeur (CSD) de laCommission Européenne. Le volet sanitaire desétudes d’impacts de projet s’en inspire égale-ment.

Destinée à permettre l’usage de résultats derecherche dans des stratégies de gestion du risquesanitaire scientifiquement fondées, l’analyse durisque couvre un vaste champ d’application : ellepermet de traiter aussi bien des situations géné-riques à l’échelle d’une population entière indéfi-nie (par exemple pour déterminer des concentra-tions maximales autorisées de certaines sub-stances dans des produits de consommation) quedes cas ponctuels d’exposition d’une populationlocale en lien avec une activité ou source de nui-sance particulière (un incinérateur, une rocade, lapollution d’un sol susceptible de migrer vers unenappe phréatique). Elle peut également servir àétablir des priorités dans le calendrier des régle-mentations et des programmes de recherche.

L’analyse du risque comprend quatre étapes :identification des dangers, caractérisation desdangers, évaluation de l’exposition des popula-tions, caractérisation des risques sanitaires etenvironnementaux.

2.2.1. Identification du danger

L’identification d’un danger est définiecomme l’identification d’une source de risquecapable d’engendrer un effet néfaste pourl’homme et/ou l’environnement. Les agents dan-

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gereux (chimiques, physiques, bactériologiques)susceptibles d’être présents sont listés puis lepotentiel dangereux de chacun de ces agents estidentifié à partir des données scientifiques dispo-nibles. L’importance et le niveau de complexitéde l’évaluation des risques sont conditionnés parle nombre et la nature des dangers mis en évi-dence au cours de cette étape. Sous réserve d’unejustification des critères de sélection, il peut êtreprocédé à un choix raisonné d’un nombre limitéd’agents dangereux. A cet égard, les critères sui-vants peuvent être utilisés : importance des émis-sions, nocivité, bioaccumulation dans la chaînealimentaire, persistance dans l’environnement,sensibilité particulière d’un groupe d’individusexposé, synergie avec d’autres sources de risque.Il faut ensuite déterminer les cibles potentielles(homme, animaux, compartiments environne-mentaux).

Cette étape mobilise des experts de toutesdisciplines concernées par le risque environne-mental (écotoxicologie, épidémiologie, toxicolo-gie, évaluation des expositions...) qui sontconfrontés à quatre questions essentielles :

1. Quels effets des faibles doses ? Lesconnaissances relatives aux effets chez l’hommerésultant de l’exposition à différents polluantsproviennent en général d’expériences ou d’obser-vations comportant de fortes concentrations desubstances mais on en connaît mal les effets auxfaibles concentrations.

2. Quelle interaction des polluants ?L’homme est simultanément exposé à de mul-tiples polluants dont il est déjà malaisé deconnaître les effets individuels alors que dire deleurs effets conjugués.

3. Quels agents prendre en compte ? Outreles substances chimiques il existe d’autres agents

dangereux pour la santé de l’homme qu’ils soientde nature physique (rayonnements ionisants etnon ionisants, bruit, température, fibre, parti-cules, etc.) ou biologique (micro-organisme,allergènes, aérocontaminants, etc.).

4. Quel horizon de temps est pertinent pourappréhender ces phénomènes ? Des échelles detemps de plus en plus importantes ont dû êtreprises en compte au niveau des analyses d’épidé-miologie afin de mettre en évidence des phéno-mènes sanitaires subtils (cas de la relation entreplombémie et le quotient intellectuel ou entre lapollution atmosphérique urbaine et l’asthme),amenant au passage à des remises en questionstechniques (quels transferts de résultats d’étudesmenées dans d’autres contextes, quelle validité del’extrapolation à l’homme des expérimentationssur l’animal ?).

2.2.2. Caractérisation du danger(définition des relations dose-réponse)

Tandis que l’identification du danger permetde mettre en évidence, de façon qualitative, leseffets jugés néfastes d’une source de risque, lacaractérisation du danger est centrée sur la quan-tification de ces effets. Elle implique :

• l’établissement de la relation dose-réponsepour chaque effet critique27 identifié ;

• l’identification des populations, espèces,souches les plus sensibles.

Les méthodes utilisées s’appuient notam-ment sur des fonctions “dose-réponse”, qui per-mettent de caractériser les liens entre la dose (oul’exposition) et l’effet. Ces effets sont évalués entermes probabilistes, à court, moyen et longterme.

27. Un effet dit critique est l’effet qui survient à la plus faible dose.

La fonction dose-réponse (DR)Y = fDR(X)

relie la dose X d’un polluant qui affecte un récepteur (par ex. la population) à l’impact physique Y sur cerécepteur (par ex. le nombre d’hospitalisations supplémentaires). Au sens strict du terme, X devrait repré-senter la dose effectivement absorbée par un récepteur. Toutefois, le terme fonction dose-réponse estsouvent employé dans un sens plus large, avec X représentant la concentration d’un polluant dans l’airambiant ; dans ce cas, fDR(X) tient implicitement compte de l’absorption du polluant atmosphérique dansl’organisme. Les fonctions des polluants atmosphériques classiques (NOx, SO2, O3, et particules en sus-pension) appartiennent généralement à la deuxième catégorie et les termes fonction exposition-réponse(ER) ou fonction concentration-réponse sont plus appropriés.

Un dommage ne peut être quantifié que si la fonction ER correspondante est connue. Les fonctions ERdécrivant les impacts sur la santé humaine, les matériaux de construction et les cultures agricoles sont

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connues pour un certain nombre de polluants, tels que les particules primaires et secondaires (nitrates,sulfates...), l’ozone, le CO, le SO2, le NOx, le benzène, etc28. Malheureusement, les fonctions ER relativesà de nombreux polluants et effets sont très incertaines, voire totalement inconnues.

Par définition, une fonction ER débute à l’origine et dans la majorité des cas augmente de façon mono-tone avec la dose. A des doses très élevées, la fonction peut atteindre un palier en forme de "S" pourcause de saturation. Plusieurs possibilités existent. La plus simple est le modèle linéaire, à savoir une lignedroite partant de l’origine jusqu’au(x) point(s) observé(s). L’autre possibilité est la "crosse de hockey" :une ligne droite jusqu’à un certain seuil et un effet nul en deçà de ce seuil. Les seuils correspondent à lafaculté qu’un organisme peut avoir de se réparer naturellement.

A des doses faibles, il existe même la possibilité d’un "effet engrais". Cette particularité peut être obser-vée par exemple dans les fonctions dose-réponse traduisant l’effet du NOx et du SO2 sur les cultures agri-coles : à faible dose, ces polluants peuvent accroître le rendement des cultures, soit en d’autres termesaboutir à des dommages négatifs. En général, l’effet engrais a lieu avec les polluants qui fournissent desoligo-éléments nécessaires à un organisme.

Les fonctions ER liées à la santé sont déterminées à partir d’études épidémiologiques ou d’études de labo-ratoire. Étant donné que ces dernières sont principalement limitées aux animaux, l’extrapolation à l’êtrehumain introduit d’importantes incertitudes.

Parmi les difficultés majeures, il est nécessaire que les doses soient relativement élevées afin d’obtenir desréponses observables non nulles, à moins que l’échantillon ne soit très important. Il peut exister un pro-blème sérieux quant à la façon d’extrapoler à partir des données observées vers les doses faibles.

La relation dose-réponse, spécifique d’unevoie d’exposition, établit un lien entre la dose desubstance mise en contact avec sa cible (hommes,animaux, autres organismes de l’écosystème) etl’occurrence d’un effet toxique jugé critique.S’agissant d’effets sanitaires les relations dose-réponse sont généralement fondées sur l’étude dedonnées épidémiologiques. Il s’agit d’analyser lesrelations entre la dose infectieuse et l’apparitionet l’ampleur des effets dans une population expo-sée. L’étude des mécanismes biologiques impli-qués devrait permettre de déterminer s’il existeune dose seuil, c’est-à-dire une quantité mini-male de pathogènes, pour que les effets survien-nent ou si, au contraire, un seul agent pathogènepeut dans certaines circonstances engendrer lamaladie. L’analyse est conditionnée par la qualitéet la quantité des données.

2.2.3. Evaluation de l’exposition L’évaluation de l’exposition consiste à pro-

duire des données descriptives sur les écosystèmesexposés ainsi que sur les populations exposées(caractéristiques physiologiques, éventuellespathologies, sensibilité,...) et les voies de pénétra-tion des agents dangereux considérés. Elle doitégalement quantifier la fréquence, la durée et l’in-tensité de l’exposition à ces agents pour chaquevoie d’exposition pertinente (exprimée par unedose moyenne journalière ou, pour l’inhalation,par une concentration moyenne dans l’air).

L’exposition à un danger doit permettre dedéterminer :

• la quantité d’agent dangereux au contact d’unrécepteur (hommes, animaux ou tout organismeprésent dans l’environnement). Les niveaux depollution/contamination de ces différentsmilieux seront estimés en recourant à une modé-lisation ou à l’analyse d’échantillons prélevésdans les milieux environnants ;• la biodisponibilité (dose interne) de la sub-stance (chimique ou microbiologique) chez l’in-dividu ou l’organisme considéré. Il s’agit d’éva-luer la concentration de la substance aprèsabsorption, distribution, métabolisation (trans-formation/destruction biologique) et excrétion ;• la concentration de la substance en fonction dutemps au niveau de sa cible interne.

Des méthodes directes et indirectes permet-tent de quantifier une exposition humaine29. Laméthode directe consiste en une mesure indivi-duelle des temps de contact et des doses reçuespar les voies de pénétration de la substance dan-gereuse dans l’organisme humain (entre autre).En pratique, c’est la méthode indirecte qui est laplus souvent mise en œuvre. En effet, l’exposi-tion humaine n’est pas toujours accessible à lamesure pour des raisons pratiques, techniques,financières ou parce que l’étude est de natureprédictive. Pour pallier à ces inconvénients, il estcourant de combiner des mesures effectuées surle terrain à des estimations ayant deux origines :la transposition et la modélisation. Dans tous lescas la qualité des mesures des concentrations aupoint d’exposition revêt une importance capitale.

28. Friedrich et al. 1998.29. Guide pour l’analyse du volet sanitaire des études d’impact, Institut de Veille Sanitaire, Mai 2000.

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

2.2.4. Caractérisation du (des)risque(s)

L’étape finale d’une évaluation des risquescomprend l’estimation du risque et le degré defiabilité de cette estimation.

La caractérisation du risque consiste en uneestimation de la probabilité d’occurrence et de lasévérité des effets néfastes sur une populationdonnée, en comparant l’exposition estimée et lacaractérisation des dangers (relation dose -réponse). S’agissant des effets sanitaires elleaboutit à l’estimation d’un excès de risque indi-viduel et au calcul de l’impact de ce risque appli-qué à la population concernée dans le cas d’unproduit cancérogène agissant sans seuil. Dans lecas d’un effet toxique à seuil, elle permet le cal-cul du quotient de danger et l’estimation dupourcentage de la population d’intérêt dont leniveau d’exposition est supérieur à la valeurtoxique de référence (VTR).

Deux paramètres, la variabilité et l’incerti-tude, déterminant le degré de fiabilité d’une esti-mation de risque, doivent être clairement et dis-tinctement décrits, et, si possible, quantifiés. Lavariabilité est liée à la diversité des cas, des situa-tions impliquant des valeurs différentes pour leparamètre. L’incertitude est due aux défauts deconnaissance concernant ce paramètre30 et peutaussi inclure d’autres types d’incertitude : l’incer-titude liée au modèle (les modèles ne fournissentqu’une approximation de la réalité), aux échan-tillons (précision et exactitude des mesures, vali-dité de l’échantillonnage,...), aux données (desextrapolations sont souvent effectuées), etc.

Partant des pressions exercées sur l’environ-nement, l’analyse des risques débouche donc, àl’issue des quatre étapes décrites ci-dessus, sur laquantification des dommages. La nécessairevalorisation de ceux-ci est tributaire de méthodesqui sont présentées dans la partie suivante.

L’analyse des risques a également imposé lerespect d’un cadre de gouvernance de l’évalua-tion qui se diffuse aujourd’hui dans les instancesévaluatrices. La cohérence impose l’usage desmeilleures connaissances scientifiques dumoment (cohérence externe) et de règles systé-matiques pour recueillir et traiter l’information,choisir les méthodes et les hypothèses de calcul(cohérence interne) ; la transparence consiste àprésenter les matériels et méthodes utilisés et lescritères ayant permis de les sélectionner, à fournirles calculs intermédiaires et à référencer toutes lessources bibliographiques et documentaires. C’estdonc l’actualité, l’exhaustivité et la reproductibi-lité de l’évaluation qui sont recherchées, ainsique le caractère réfutable de ses résultats. Enoutre, parce que les lacunes des connaissancessont nombreuses, obligeant à faire des choix etdes hypothèses capables de peser lourdement surles estimations de risque, une réelle indépen-dance est préconisée entre l’évaluateur et le ges-tionnaire du risque sanitaire.

En conclusion, l’évaluation des risques estun cadre méthodologique standardisé qui aété conçu pour aider à la décision dans uncontexte d’incertitude, notamment lorsque lesconnaissances scientifiques sont lacunaires ouquand les phénomènes étudiés ne sont pasobservables. Plus l’incertitude est grande, plusle processus décisionnel doit être rigoureux,explicite, en accord avec les principes de cohé-rence et de transparence.

2.3. L’évaluation des externalitésUne fois les dommages sur la santé et l’envi-

ronnement quantifiés sous diverses formes(nombre de décès, de journées de travail perdues,émissions de gaz à effet de serre…) il reste à leurattribuer une valeur monétaire. Autrement dit ilfaut compléter l’évaluation des externalités liées àl’ensemble de la filière énergétique en ayantrecours à des outils économiques qui permettentnotamment d’estimer des valeurs de référencepour les biens non-marchands. Ceci permet deformaliser les différentes solutions entre les-quelles le décideur public doit arbitrer : dans ununivers où les ressources sont rares, une décisionest justifiée d’un point de vue économique si lasomme des bénéfices qu’elle procure est supé-rieure à la somme de ses coûts, c’est-à-dire si lebilan “coût-bénéfice” (ou coûts-avantages) pourla collectivité est positif.

On a assisté ces dernières années au dévelop-

30. Référentiel “Effets sanitaires / Etude d’impact Installations classées”, INERIS, Septembre 2000.

Analyse des risques (quantification)

Quantification des émissions

Quantification des expositions

Fonctionsdoses-réponses

Quantification des dommages

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

En l’absence de marché, plusieurs techniques(cf encadré ci-dessus) permettent d’attribuer unevaleur monétaire à ces effets : prix hédonistes,coûts de déplacements, évaluation contingente.Cette dernière méthode procède par interrogation

directe pour déterminer le montant maximal queles individus sont prêts à payer pour bénéficierd’un accroissement de la qualité de l’environne-ment ou bien le montant minimal que ces mêmesindividus sont prêts à accepter pour y renoncer.

Évaluation des risques sanitaires (quantification et valorisation)

Evaluation des biens environnementauxLes biens environnementaux ont une valeur d’usage, liée aux services divers que peut fournir le bien - queces services soient avérés ou seulement possibles (valeur d’option). La forêt, par exemple, a une valeurd’usage car elle permet de se promener, ce qui est une consommation de loisir, mais aussi parce qu’on peutaussi utiliser son bois comme facteur de production et également car elle stocke du carbone et contribueainsi à réduire l’effet de serre. Les biens environnementaux ont également une valeur d’existence, atta-chée au maintien du bien indépendamment de ses usages présents ou futurs. La préservation d’une espècenaturelle rare, par exemple, présente de l’intérêt indépendamment de tout usage par la collectivitéhumaine.

Ces biens environnementaux, ne s’échangeant pas sur des marchés, n’ont pas de prix. Pour autant ils ontune valeur dont une première estimation peut être donnée par la valeur implicite que la population leurattribue à travers ses choix de vie : les espaces naturels sont fréquentés, les lieux dégradés sont délaissés…Deux grandes familles de méthodes d’évaluation sont utilisées : soit l’on observe les comportements vis-à-vis d’un bien environnemental et l’on en déduit sa valeur (méthode des “coûts de déplacement” etméthode des “prix hédoniques”), soit l’on interroge directement les individus sur leur consentement àpayer pour bénéficier d’une certaine qualité de l’environnement (méthode “d’évaluation contingente”).

Quantification des émissions

Quantification des expositions

Fonctionsdoses-réponses

Quantification des dommages

Valeurs de référencedes biens

non-marchands

Evaluationmonétaire

des dommages

pement au niveau international d’outils pourl’évaluation d’externalités, et à leur application àdifférentes sources d’énergie. A côté des dom-mages marchands qui sont valorisés à leur prix demarché (exemple : perte de production agricole,dépenses de santé), il restait à estimer la valeurdes dommages non marchands (exemple :atteinte au paysage ou souffrance due à l’asthme)ce qui n’est pas aisé.

Par exemple, les effets externes sanitaires dûsà la pollution atmosphérique, qu’il convient apriori d’évaluer et de monétariser sont de diffé-rentes natures. Les coûts directs comprennent les

frais d’hospitalisation et de soins (qu’ils soient àla charge des malades ou de la collectivité). Aceux-ci il faut ajouter la monétarisation des décèsainsi que les pertes productives liées à la morbi-dité (arrêt maladie notamment). Au delà, il y alieu de prendre également en compte les désagré-ments induits : indépendamment des effetsmonétaires ou productifs, la maladie peut entraî-ner une réduction importante de la qualité de viedu patient (douleur, angoisse, impossibilitéd’exercer certaines activités de loisir) ainsi quecelle des proches (aspects psychologiques, tempspassés, fatigue).

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Une modélisation simple de définition des politiques publiquesOn considère le cas stylisé de la fourniture de services économiques (qt) affectant des ressources environ-nementales caractérisées par leur état st, par exemple un stock de polluants accumulés dans un milieu.On suppose que les politiques publiques (ut) peuvent affecter soit le niveau d’activité (modes de produc-tion et consommation), soit les coûts de production marchands de ces services (C(qt,ut)), soit les conditionsde renouvellement des ressources environnementales (dst/dt=f(qt,ut)).

Si l’on note v la valeur accordée par les consommateurs à ces services, D(st) les dommages à la qualité devie associés au stock st, p la valeur monétaire à attribuer à ceux-ci, et r le taux d’actualisation ; la poli-tique optimale, du point de vue économique, correspond à la maximisation du bilan coûts-avantagesactualisé suivant, qui considère comme surplus social la valeur des services économiques considérés, nettedes coûts à engager pour y accéder et de la valeur des prélèvements opérés sur les ressources naturellesou des dommages associés.

max ∫o∞(v(qt(ut)-C(qt,ut)-pD(st))e

-rtdt

ut

sous les contraintes dst/dt=f(st,qt,ut) et s(to)=so

Un système d’information environnementale de type D.P.S.I.R fournit justement les données de basenécessaires pour poser un tel programme, puisque l’on peut identifier :

D _ qt P _ dst/dt=f S _ so I _ D(st) R _ ut

Le point clef de l’analyse économique est de se référer ensuite aux préférences de tous les agents concer-nés (telles qu’elles sont révélées par le marché pour v, ou telles qu’elles peuvent l’être par des études pource qui concerne les dimensions non marchandes pour p) pour valoriser les coûts et avantages, et appré-cier le bilan des différentes politiques envisageables.

2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

L’évaluation des externalités étant réalisée, ilreste à intégrer celle-ci dans la gestion desrisques, c’est-à-dire dans la phase “R” de DPSIRqui correspond à la réponse publique.

2.4. Gestion des risques :analyse économique et schémaDPSIR31

Ce schéma adopté pour mettre en place desindicateurs environnementaux est tout à fait

cohérent avec l’évaluation économique de typecoûts-avantages qui intervient en amont duchoix des solutions. Le modèle simple présentéci-après formalise le raisonnement permettant derépondre au problème posé à moindre coût pourla collectivité (cf. encadré).

La méthode des “coûts de déplacement” est la plus ancienne (Hotelling, 1947). Elle repose sur l’idée queles dépenses de transport engagées par des individus pour se rendre dans un site constituent une estima-tion minimum de leur consentement à payer pour visiter ce site.

La méthode des “prix hédoniques” se fonde sur les différences de prix constatés entre des biens ne se dif-férenciant que par une dimension environnementale (logement par exemple). Dans ce cas, les différencesde prix constatées fournissent une information sur le prix implicite de l’actif environnemental qui en amé-liore la qualité (proximité d’un parc naturel par exemple).

Lorsque ces méthodes d’observation ne sont pas possibles, il reste la possibilité d’interroger directementun échantillon d’individus sur leur consentement à payer pour bénéficier d’une amélioration de la qualitéde l’environnement (ou sur leur consentement à recevoir pour supporter une baisse de qualité de l’envi-ronnement). C’est la méthode “d’évaluation contingente” : pour connaître la valeur qu’un individuaccorde à un bien environnemental ou à son amélioration, on l’interroge directement à l’aide d’un ques-tionnaire d’évaluation sur la somme qu’il est prêt à payer pour la conservation ou l’amélioration de cebien.

Les deux premières méthodes retracent essentiellement la valeur d’usage des biens environnementauxalors que la méthode “d’évaluation contingente” rend compte à la fois des bénéfices d’usage et de non-usage. Plus récente que les précédentes, cette méthode a été beaucoup utilisée depuis 10-15 ans du faitde son apparente facilité d’application. Sa mise en oeuvre pose toutefois un certain nombre de problèmesimportants et les résultats obtenus peuvent s’avérer fragiles car très dépendants de la démarche adoptée.

Source : encadré réalisé à partir du document de travail de Sylvie Scherrer “Méthodologie de valorisation des biens environnementaux”(n° 01-M01, D4E Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable).

31. Cette partie reprend une note de D. Bureau “Evaluation environnementale, indicateurs et calcul économique” (MEDD-D4E,février 2003).

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

En pratique, cette démarche générale d’éva-luation conduit à distinguer deux étapes polaires :

- une première étape, descriptive, correspondantà l’explicitation des contraintes de ce pro-gramme, c’est-à-dire à l’objectivation des enjeuxconcernés (DPSI). C’est l’analyse de risque(identification des risques, relations-dose effet,expositions) présentée en 2.2.

- une seconde étape, normative, de définitiondes politiques (R) et d’évaluation de leurs perfor-mances. C’est la gestion des risques et la réfé-rence en cette matière est alors la méthodologieOCDE.

La première étape correspond à l’objectiva-tion des éléments “D’’ et “P’’ ; et d’un point devue strictement descriptif, de ’’S’’ et ’’I’’. Elle estlargement spécifique à l’évaluation environne-mentale, qui, considérant des enjeux non mar-chands, ne peut s’appuyer sur des comptesd’agents économiques pour obtenir l’informa-tion pertinente. Ceci nécessite de construire dessystèmes d’informations spécifiques, permettantd’appréhender les facteurs influençant l’environ-nement. Souvent ceux-ci doivent être appréhen-dés d’abord à des niveaux désagrégés. Ceci estl’objet des systèmes d’information environne-mentale, qui sont nécessairement construits enliaison avec les observatoires thématiques (eau,déchets, air et climat, sols, nature et biodiversité,risques…).

La seconde étape correspond à l’étape“normative’’ définie ci-dessus. La référence ence domaine est celle des calculs coûts-avantages.Les deux rapports Boiteux sur l’intégration desexternalités dans le secteur des transports en rap-pellent les principes. Le point clef est de complé-ter les bilans de rentabilité marchands en y incor-porant le coût social des dommages environne-mentaux. En amont, ceux-ci nécessitent unrecensement des biens environnementaux affec-tés, notamment des plus difficiles à renouveler, etdonc des plus critiques dans une perspective delong terme. Dans une perspective de durabilité,une attention particulière doit être portée parailleurs aux risques d’irréversibilité. Ces deux élé-ments (recensement des ressources affectées etdes risques d’irréversibilité) devraient être systé-matiquement visés par toute étude d’impact,qu’il s’agisse d’une réforme, d’un programme oud’un projet. A l’aval, il convient de mettre enplace les indicateurs de suivi, permettant d’ap-précier si la politique a été effectivement mise enœuvre, d’évaluer ses coûts effectifs (d’investisse-

ment et d’exploitation), et si ses objectifs ont étéréalisés.

L’expérience montre que le processus d’éva-luation est en général amené à introduire uneétape intermédiaire, visant : à porter un juge-ment sur l’état de la ressource et les impacts à l’en-vironnement ; à appréhender les évolutions ten-dancielles en l’absence de réponse optimisée (scé-narios, prospective). Cette étape traduit, d’unepart le fait qu’un système de données brutes n’estpas appropriable. Il faut donc mettre en perspec-tive ces données…mais en essayant de resterobjectif. D’autre part, on ne peut optimiser lespolitiques publiques de manière “aveugle’’. Il estdonc utile de définir une évolution de référence.L’idée de développer des indicateurs synthétiquespour établir ce diagnostic s’inscrit à ce niveau.Ceux-ci peuvent donc être très utiles comme onle voit avec les indicateurs d’éco-efficacité ou dedécouplage. Mais, il faut toujours garder à l’espritque ceux-ci seront toujours incomplets, et quel’on ne peut donc se passer d’un système d’infor-mation plus complet en amont, auquel il faudrarevenir dès que les simplifications ou biais asso-ciés à ces indicateurs ne pourront plus être consi-dérés comme acceptables.

En conclusion un cadre général d’évalua-tion des impacts environnementaux d’un pro-cess de production existe et permet de prendreen compte les problèmes émergents pour les-quels subsiste une certaine incertitude tantdans l’occurrence des effets que dans l’am-pleur des dommages. Le schéma circulaireDPSIR définit l’enchaînement des actions,l’analyse de risque circonscrit l’incertitude etl’évaluation économique donne au décideurpublic le moyen de comparer entre elles lespolitiques publiques destinées à réduire cesnuisances. Les études visant à appréhenderl’impact environnemental du secteur del’énergie s’inscrivent pour la plupart dans cecadre mais, ainsi que le montre la partie sui-vante, rares sont celles qui en déclinent l’en-semble des étapes.

3. Etudes disponibles sur lesdommages environnementauxliés à l’énergie

Les dommages environnementaux liés àl’énergie peuvent être appréhendés à partir depoints de vue assez différents ce qui donne lieu àdes travaux centrés sur des thèmes distincts et

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

utilisant des méthodologies diverses. Les étudesexistantes peuvent se classer en trois catégoriessuivant les approches utilisées : l’approche parfilière énergétique où l’on suit toutes les inter-actions d’un bien énergétique particulier avecl’environnement, l’approche par les impactssanitaires des polluants émis par l’énergie et l’ap-proche par les milieux avec comptabilisation desémissions de polluants dans ces milieux (air enl’occurrence). Ces trois approches font l’objetd’une présentation sommaire ci-dessous et serontensuite décrites plus précisément, chaqueapproche étant illustrée par une ou plusieursétudes.

� Approche par les filières énergétiques

Présentation : Cette méthode vise à donnerune vision exhaustive des dommages environne-mentaux induits par un bien tout au long de soncycle de vie. Elle est utilisée pour comparer lesdifférentes filières de production de l’électricité(Extraction / Transformation / Transports /Consommation /Déchets) ou, plus modeste-ment, pour appréhender les pollutions liées à unproduit manufacturé (piles…).

Avantages : Cette méthode s’inscrit tout àfait dans le cadre du modèle DPSIR de l’OCDEévoqué précédemment et permet d’appréhenderet de valoriser l’ensemble des impacts.

Inconvénients : Elle requiert des étudesmultidisciplinaires complexes qui en limitentl’application à des filières dont les atteintes envi-ronnementales sont particulièrement impor-tantes. Par ailleurs cette méthode ne doit pas êtreconfondue avec les analyses du cycle de vie(ACV) qui sont fondées sur le même principe desuivi des impacts environnementaux du berceauà la tombe mais qui s’arrêtent en général à laquantification des polluants émis sans valoriserles dommages associés à ces émissions.

Champ de pertinence : Elle permet dedocumenter des choix entre biens substituablesen fonction de leurs dommages environnemen-taux. Elle prend tout son intérêt pour des bienscomplexes suscitant des atteintes à l’environne-ment assez variées et surtout intervenant à diffé-rentes étapes de la vie du produit. Ce point devue est plutôt celui de l’entrepreneur mais ellepeut aussi être utilisée pour définir une stratégiepublique en réponse aux dégâts causés.

� Approche par les impacts sanitaires

Présentation : Cette méthode se focalise surle dernier maillon de la chaîne : le pollué et sa“réaction” au contact du polluant. Elle se centresur la mise en évidence du lien entre le polluantet la dégradation de la santé (éventail des patho-logies, échelles de temps des effets, distinctionentre groupes exposés…) et sur le coût social dela morbidité et de la mortalité associées.

Avantages : Cette méthode permet de bienprendre en compte les dommages sur l’hommeen fonction du contexte local.

Inconvénients (et avantage) : C’est unedémarche de recherche au service des politiquespubliques. Elle permet d’engranger des élémentsde connaissances (épidémiologiques, écono-miques) qui seront ensuite utilisés dans d’autrescadres.

Champ de pertinence : Elle est pertinentepour étudier des pollutions localisées en relationavec des sources identifiées (pollution de l’airdans les zones urbaines en relation avec le trafic).Le champ est celui des études épidémiologiquesou des études écologiques dans la perspectived’une intervention publique.

� Approche par les émissions dans les milieux (air)

Présentation : Cette approche vise à établirune comptabilité des émissions dans un milieurécepteur, l’air étant le plus concerné en généralet en particulier pour les émissions du secteur del’énergie (gaz à effet de serre mais aussi gaz indui-sant des pollutions locales et régionales). L’objec-tif est de suivre l’état de ce milieu et les contri-butions respectives des différents secteurs d’acti-vité à cet état sur la base d’une nomenclature pré-définie.

Avantages : Vision d’ensemble des émissionsliées à un secteur (comptes physiques d’émissiondu CITEPA32 et maquette NAMEA33). L’établis-sement d’un cadre conceptuel et le recueil desdonnées

Inconvénients : Cette approche du typecomptabilité nationale se veut descriptive et nonnormative. Limitée à la quantification des émis-sions au niveau national, elle se situe en amontdes études épidémiologiques et économiques quivisent à valoriser les dommages liés à ces émis-sions.

32. Centre Interprofessionnel Technique d’Etudes de la Pollution Atmosphérique.33. National Accounting Matrix including Environmental Accounts.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Champ de pertinence : Les bases de don-nées constituent un outil pérenne visant à com-pléter les comptes nationaux par des comptesenvironnementaux des milieux.

Chaque catégorie d’étude donne un éclairagedifférent des dommages environnementaux liés àl’énergie. Ainsi l’étude ExternE34, engagée par laCommission Européenne à propos des nuisancesenvironnementales de l’électricité, est l’une desrares études à réaliser une évaluation complèted’un bien énergétique : les impacts sont quanti-fiés du berceau à la tombe, les dommages sontmesurés en lien avec l’exposition puis valorisés.Des études plus qualitatives peuvent aussi appor-ter des éléments complémentaires à cetteapproche par filière (point 3.1.). Différentesétudes réalisées à l’échelon international et natio-nal, en relation avec l’OMS la plupart du temps,mettent en évidence la responsabilité des trans-ports dans la morbidité et la mortalité (point3.2.). Les études du CITEPA destinées à inven-torier les émissions et celles effectuées dans lecadre de NAMEA montrent le poids du secteurénergie dans la pollution globale et locale de l’air(point 3.3.).

3.1. L’approche filière

3.1.1. L’étude ExternE sur les coûtsexternes de l’électricité(Commission Européenne)35

Depuis la fin des années quatre-vingt, la pro-blématique des coûts externes liés à la produc-tion-consommation d’énergie, et plus particuliè-rement à la production d’électricité, qu’il s’agissede leur évaluation ou de leur utilisation dans lesprocessus de décision a intéressé les milieux del’énergie, au moins dans les pays industrialisés.De nombreux progrès ont été réalisés ces der-nières années grâce à plusieurs projets majeursd’évaluation des coûts externes de l’énergie enEurope, et également aux Etats-Unis.

En Allemagne – L’une des premières étudesempiriques d’estimation des dommages liés à laproduction d’électricité (d’origine fossile,nucléaire ou renouvelable) a été menée en Alle-magne en 1998 par O. Hohmeyer dans sonétude “Social costs of energy consumption”.

Cette étude a eu un grand impact car elle suggé-rait que l’introduction des coûts externes pouvaitrendre les énergies renouvelables plus compéti-tives que le charbon ou le nucléaire pour la pro-duction d’électricité. L’approche se voulait glo-bale et prenait en considération les impacts sur lasanté, les récoltes, l’emploi, etc. Certes, les hypo-thèses étaient discutables (une grande partie de lapollution atmosphérique était arbitrairementimputée aux centrales à charbon, l’affectation desbudgets de recherche et développement publicsétait souvent arbitraire, etc.) mais cette étude eutle mérite de sensibiliser l’opinion à la nécessité detenir compte, dans le calcul économique, decoûts indirects plus ou moins quantifiables quidevaient être associés à chaque filière de produc-tion d’électricité.

En Europe – c’est indiscutablement l’étudeExternE menée par la Commission Européennequi constitue la référence la plus avancée enmatière d’externalités associées à la productiond’électricité. Au sein de la Communauté euro-péenne, le projet ExternE a développé uneméthodologie unifiée pour la quantification desexternalités de différentes technologies de pro-duction d’électricité. Lancé en 1991 comme unprojet de collaboration des Etats membres del’Union Européenne et des États-Unis pourquantifier les coûts socio-environnementaux dela production d’électricité en Europe, il constituele projet le plus avancé pour l’évaluation descoûts externes de la production d’électricité.

Cette étude de grande ampleur s’est dérouléeen trois temps :

La première étape a commencé en 1991 ets’est achevée en 1995. Dans le cadre d’unecoopération avec le Département de l’Energieaméricain, une méthodologie globale a d’abordété mise au point pour la mesure des coûts envi-ronnementaux des différentes énergies. Cetteméthodologie a ensuite été appliquée par laCommission, en coopération avec différentslaboratoires ou organismes de recherche apparte-nant à différents pays membres de l’Union euro-péenne.

La deuxième étape s’est achevée fin 1998.Elle est consacrée à l’approfondissement de ques-tions fondamentales comme l’évaluation de l’im-

34. “ExternE. Externalities of Energy”. European Commission (Community research) [2].35. Outre les documents produits par la Commission Européenne, cette partie s’inspire de l’article : “Quantification de la pollution

atmosphérique : le projet ExternE de la Commission européenne”, Rainer FRIEDRICH, Ari RABL, Joseph V.SPADARO,Numéro spécial de la Pollution atmosphérique “Combien vaut l’air propre ?”, décembre 2001.

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

pact des différentes énergies en termes d’effet deserre, comme la valeur statistique de la viehumaine, l’amélioration de la prise en comptedes accidents majeurs, et la définition d’inter-valles de confiance pour les résultats obtenus. Lesmodifications et ajustements méthodologiquesont conduit à des changements des montants decoûts externes de production de l’électricité.

La dernière étape qui prolonge la précé-dente doit s’achever en 2003.

Ces évaluations faites selon la méthodologied’ExternE ont nécessité bien sûr de nombreuseshypothèses, notamment sur le prix de la viehumaine, la valeur de l’espace, la valeur desrécoltes perdues ou des paysages détruits, le prixde la tonne de CO2... sur la valeur du taux d’ac-tualisation à retenir. Elles constituent cependantune première étape, qui pour imparfaite qu’ellesoit, permet d’établir une référence.

� 3.1.1.1. Approche générale d’ExternE

ExternE définit une méthode uniforme demesure et d’évaluation des externalités liées àchacune des énergies. Les externalités prises encompte correspondent aux impacts sur l’environ-nement et la santé induits tout au long du cycledu combustible, via la démarche de chemine-ment d’impact.

Le principe de l’analyse des voies d’impact(AVI) est de suivre le passage du polluant de l’en-droit où il est émis jusqu’aux récepteurs affectés(population, cultures, forêts, bâtiments, etc). Lesétapes principales de cette analyse peuvent êtreprésentées de la façon suivante :

• émissions : spécification des technologies etpolluants concernés (par exemple kg de NOx parGWh émis par une centrale électrique) ;

• dispersion : calcul de l’augmentation de laconcentration en polluants dans toutes lesrégions affectées (par exemple, concentrationprogressive d’ozone en utilisant des modèles dedispersion et de chimie atmosphérique pour laformation de l’ozone due aux NOx).

Impact : calcul de la dose à partir de l’aug-mentation de la concentration et calcul des effets(dommages en unités physiques) de cette dose,en utilisant une fonction dose-réponse (parexemple les crises d’asthme dues à cette augmen-tation de l’ozone).

Coût : évaluation monétaire de ces effets(par exemple multiplication par le coût d’unecrise d’asthme). Les coûts sont additionnés pourtous les effets et tous les récepteurs concernés.

Ce travail implique une analyse de systèmepluridisciplinaire avec des informations fourniespar des ingénieurs, des spécialistes des modèlesde dispersions, des épidémiologistes, des écolo-gistes et des économistes.

ExternE prend en compte l’ensemble de lafilière depuis l’extraction jusqu’à la gestiondes déchets en passant par la constructiond’équipement et la production d’énergie, celle-ciincluant l’exploitation et les accidents. Cetteméthodologie prend en compte pour le charbon,par exemple, l’évaluation des impacts associés à laconstruction de nouvelles installations, à l’ex-ploitation minière, au transport du charbon etautres matériels, à la production d’électricité, à lagestion des déchets.

Chaque filière est étudiée à partir d’unesélection de sites et technologies représenta-tives pour le cycle complet (“bottom-up”).Dans la majorité des études précédentes d’éva-luation des externalités, une approche descen-dante (“top-down”) avait été utilisée, c’est-à-direque les dommages globaux estimés pour un paysavaient été divisés par l’activité menant à l’exter-nalité (par ex. émissions de NOx) pour attribuerdes dommages aux sources. Toutefois, cetteapproche ne tenait pas compte du fait que lesdommages sont très variables en fonction du lieuoù les polluants sont émis. Par exemple, lesimpacts sur la santé causés par les émissions deNOx sur un site donné dépendent de la réparti-tion de la population, de la vitesse et de la direc-tion des vents et de la concentration ambianted’autres polluants qui réagissent avec le NOxémis dans l’atmosphère. ExternE a donc choiside se fonder sur l’analyse de cas concrets effectuéspar des équipes de recherche nationales. Cetteméthodologie ascendante permet d’évaluer lecoût des dommages causés par un polluant, enfonction de chaque site. Les facteurs locaux doi-vent être explicités tels que par exemple lesconditions météorologiques qui affectent la dis-persion des polluants atmosphériques, ou l’âge etla santé des populations, tous éléments quijouent un rôle dans la quantification desimpacts.

La portée de l’analyse en termes de tempset d’espace doit être suffisamment étenduepour tenir compte de toutes les contributionssignificatives d’un polluant. Certains radionu-cléides se dispersent dans le monde entier et cer-tains peuvent avoir un impact sur plusieurs mil-liers d’années. Concernant les gaz à effet de serre

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

à vie longue, la portée géographique est plané-taire et leurs effets peuvent être importants pen-dant un ou deux siècles. Pour la majorité desautres polluants atmosphériques, leur portées’étend sur plusieurs milliers de kilomètres etleurs effets sont à court terme ou à moyen termedans le cas des effets chroniques sur la santé.

La prise en compte de ces externalités s’ef-fectue en trois étapes, selon la méthode des AVIdécrite ci-dessus – analyse des émissions de pol-luants, estimation des effets et au final évaluationéconomique – qui comportent chacune unemodélisation (physique, biologique ou écono-mique) permettant l’indispensable simplificationde la réalité et sa représentation. Plus précisé-ment :

• la première étape consiste à quantifier lesphénomènes physiques liés à la construction etau fonctionnement d’une centrale électrique (oud’un parc de centrales). Il faut mesurer les émis-sions des polluants, puis évaluer la dispersion de

ceux-ci, et estimer l’augmentation de leurconcentration dans les différents compartimentsde l’environnement (eau, sol, air). Cette évalua-tion s’appuie sur différents modèles de dispersionatmosphérique des polluants ;

• la deuxième étape consiste à quantifier leseffets de ces phénomènes physiques, par exempleles effets sur la récolte, la santé, la chaîne alimen-taire, etc. Les méthodes utilisées s’appuientnotamment sur des fonctions “dose-réponse”,qui permettent de caractériser les liens entre ladose (ou l’exposition) et l’effet. Ces effets sontévalués en termes probabilistes, à court, moyenet long terme ;

• la troisième et dernière étape traduit cesévaluations physiques (nombre de décès, dejournées de travail perdues…) en évaluationsmonétaires. Cette traduction en termes écono-miques se base sur le consentement individuel àpayer ou le consentement individuel à accepterun paiement en compensation de l’effet négatif.

Méthode ExternE

1. Application de la méthode des chemins d’impact au cycle de production de l’électricité

Étape du cycle de production émission dispersion fonction évaluation économiquedose-réponse

extraction du combustible

transport

production d’électricité

transmission de l’électricité

gestion des déchets

démantèlement des installations

2. Champ de l’étude ExternE

Energies prises en compte Polluants recensés Dommages chiffrés sur :

a) combustibles fossiles - SO2 - santé publique

- charbon - NOx - ressources minérales

- pétrole - Particules (PM10) - récoltes

- gaz - Aérosols (sulfates et nitrates) - forêts

- lignite - Ozone - ressources halieutiques

- orimulsion - Radionucléides - systèmes écologiques libres

- tourbe - Méthane (CH4) - accidents internes aux sites

b) nucléaire - N2O - accidents à portée externe

c) énergies renouvelables : - CO2 - bruit

- photovoltaïque - occupation des sols

- solaire thermique - emprise visuelle

- biomasse - potentiel d’effet de serre

- éolien

- hydroélectricité

- biogaz

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

Modèle ExternE (suite)

3. Principales options méthodologiques d’ExternE

Combustibles fossiles Nucléaire Énergies renouvelables

impact principal santé santé agrément

systèmes biologiques

effet de serre

type d’approche des événements déterministe déterministe et probabiliste déterministe

échelles de temps du court au long terme du court au très long terme court terme

champ d’action du local au global du local au global local

type de coût et type d’installations coût marginal ou incrémental, c’est-à-dire coûts relatifs à de nouvelles unitésconcernées de production : pas de coût moyen pour une filière mais calcul spécifique

à une installation d’une technologie spécifique et pour un combustible donné

méthode de calcul utilisation de fonctions de dommage => consentement à payer de la population pour la réparation de telle ou telle nuisance

4. Effets externes pris en compte par ExternE par opération et par filière

Nucléaire Charbon Fioul Gaz naturel

Opérations habituelles

extraction et traitement du minerai extraction extraction du pétrole exploration et extractionfonctionnement des gazoducs offshore

conversion traitement du gaz

enrichissement fonctionnement des gazoducs

fabrication du combustible extraction du calcaire raffinage(si désulfurisation)

production d’électricité : - construction de la centrale- exploitation- démantèlement

retraitement

Stockage des déchets (y compris stockage des déchets stockage des déchets stockage des déchetsstockage profond des déchets C)36

Transport des matières et du personnel

Situations accidentelles

Cf. ci-après dans la suite du texte tous les risques pris toutes les étapes prises toutes les étapes prises(conclusions et limites de l’analyse) en compte mais en compte en compte

importance relative forte importance relative importance relative fortedes accidents miniers forte des accidents des accidents d’extraction

d’extraction et de transport

5. Principales hypothèses de l’étude ExternE (2000)

Rubrique Valeur

Fonction dose-réponse pour la santé Linéarité (sans seuil) des effets dus à une dose supplémentaire, pour tous les effets sur la santé (comme en 1998)

Valeur de référence de la vie (VSL) 3,4 M€ (3,1 pour ExternE 1998)

Evaluation monétaire d’un décès • Au prorata de la réduction de l’espérance de vie ;prématuré • avec une valeur d’un YOLL (années de vie perdue) dérivée de la VSL

(valeur de la vie statistique) : 96 500 €/YOLL pour la mortalité (84 000 € en 1998).

Évaluation monétaire des cancers 0,45 M€ pour les cancers non fatals (comme en 1998)1,5 à 2,5 M€ (en fonction de YOLL) pour les cancers fatals (comme en 1998)

Effet de serre 18-46 €/teqCO2 en 1998(moyenne géométrique : 29 €/teqCO2 et 2,4 €/t de teqCO2 en 2000)

Taux d’actualisation 3%, sauf exceptions indiquées (0%, 10%), les résultats pour le nucléaire sont indiqués pour un “taux d’actualisation effectif”(= taux d’actualisation – taux d’évolution du coût) de 0%

36. C’est-à-dire les déchets de haute activité, issus des combustibles irradiés ou du retraitement des combustibles irradiés.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

� 3.1.1.2. Discussion des paramètresd’ExternE

Trois points méritent des explications parti-culières : les effets sur la santé, la prise en comptede l’impact sur le changement climatique et lesautres effets sur l’environnement. Avant de dis-cuter ces points on se reportera au tableau ci-des-sus (“5. Principales hypothèses de l’étudeExternE (2000)”) qui expose les principales valo-risations retenues pour les coûts externes.

a - Effets sur la santé

• L’existence d’un lien entre la pollution del’air et des impacts sur la santé semble acceptéepar la plupart des experts. La pollution atmo-sphérique, même aux niveaux ambiants actuels,aggrave les maladies respiratoires et cardiovascu-laires, ce qui induit des pertes de bien-être, descoûts de traitement et conduit à une mortalitéprématurée.

Polluants atmosphériques et leurs effets sur la santé

Polluants primaires Polluants secondaires Effets

particules morbidité cardio-pulmonaire (BS, PM10, PM2.5) (admissions à l’hôpital pour troubles cérébro-

vasculaires, insuffisance cardiaque congestive,bronchite chronique, toux chronique chez lesenfants, symptômes sur les voies respiratoires

inférieures, toux chez les asthmatiques) mortalité : réduction de l’espérance de vie due à l’exposition à court et long terme

SO2 morbidité cardio-pulmonaire(hospitalisation, consultation chez le médecin,asthme, arrêt maladie, activité restreinte),mortalité

SO2 sulfates comme les particules

NOx morbidité (respiratoire, irritation oculaire ?)

NOx nitrates comme les particules

NOx+VOC (composés organiques volatils) ozone morbidité (admissions à l’hôpital pour troubles respiratoires, journées d’activité restreinte, crises d’asthme, journées à symptômes),mortalité

PAH(hydrocarbures aromatiques polycycliques), suie de gasoil, benzène, 1,3,-butadiène cancers

CO morbidité (cardio-vasculaire),mortalité (insuffisance cardiaque congestive)

dioxines cancer

As, Cd, Cr, Ni cancerautre morbidité

Hg, Pb morbidité (neurotoxique)

• Il est difficile d’identifier des relationscause-effet avec un polluant précis. ExternEutilise comme base les fonctions exposition-réponse (ER) pour les particules et pour O3. Leseffets du NOx et du SO2 sont supposés provenirindirectement de la nature des particules en sus-pension des aérosols de nitrate et de sulfate ; ilssont calculés en appliquant les fonctions ERpour les particules à ces aérosols. Avec cettehypothèse, les effets du NOx et du SO2 par kg de

polluant sont globalement comparables aux par-ticules. Mais les incertitudes sont importantescar il n’existe pas suffisamment de données rela-tives aux effets sanitaires des composants oucaractéristiques (acidité, solubilité…) indivi-duelles de la pollution atmosphérique due auxparticules en suspension. En particulier, lesétudes épidémiologiques des aérosols des nitratesfont défaut du fait que jusqu’à récemment, cepolluant n’était pas mesuré par les stations de

Source : “Quantification de la pollution atmosphérique : le projet ExternE de la Commission européenne”, Rainer FRIEDRICH, Ari RABL, Joseph V.SPADARO, Numéro spécial de la Pollution atmosphérique “Combien vaut l’air propre ?”, décembre 2001.

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

surveillance de la pollution atmosphérique.Toutes les fonctions ER relatives aux effets sur lasanté des particules, du NOx, SO2 et O3 ont étésupposées linéaires, au vu du manque de preuvesd’existence de seuils aux concentrationsambiantes actuelles.37

• L’évaluation monétaire de la mortalitéest également importante car les effets sur lasanté contribuent en majeure partie aux résultatsd’ExternE. Le paramètre le plus important est la“valeur de la vie statistique” ou VSL (Value ofa Statistical Life), qui est le “consentement col-lectif à payer pour éviter un faible risque d’undécès anonyme prématuré”. Dans la versionExternE de 2000, une valeur de 3,4 M€ àl’échelle européenne a été retenue pour la VSL,comparable à des valeurs utilisées aux USA ; cettevaleur a été déterminée comme moyenne desétudes sur la VSL menées en Europe.

La question essentielle concernant la morta-lité due à la pollution atmosphérique est : doit-on simplement multiplier le nombre de décèsprématurés par la VSL ou doit-on tenir comptedes années de vie perdues (YOLL, Years Of LifeLost) par décès ? Les premières études de quanti-fication des coûts externes de la pollution de l’airont calculé le coût de la mortalité en multipliantl’augmentation du nombre de morts par la“valeur de la vie statistique”. Cette approche a étécritiquée : la mortalité prématurée due à la pol-lution de l’air ne concerne vraisemblablementqu’une partie de la population (les plus âgés, lesplus malades,...) ne subissant qu’une réductionassez courte de l’espérance de vie, tandis que laVSL est déterminée à partir de morts acciden-telles réparties dans les différentes classes d’âge dela population.

Depuis 1998, ExternE évalue donc le coûtde la mortalité au prorata des années de vieperdues. Les chiffres sont ainsi notablementinférieurs (à fonction dose-réponse égale) à lasimple estimation de la VSL prise pour hypo-thèse dans les études avant 1996. ExternE a cal-culé cette valeur sur des bases théoriques enconsidérant la VSL comme la somme d’une sériede valeurs annuelles actualisées. Le rapport entrela VSL et la valeur d’un YOLL ainsi obtenu esten général de 20 à 30 suivant le taux d’actualisa-tion retenu. En 2000, ExternE utilise 96,5 K€

pour la valeur d’un YOLL. Par ailleurs s’agis-

sant de la morbidité associée aux effets à longterme de la pollution atmosphérique ExternEretient 0,45 M€ pour les cancers non fatals et de1,5 à 2,5 M€ pour les cancers fatals. Ces éva-luations sont destinées à évoluer au fur et àmesure de l’approfondissement des études sur lesrelations entre la VSL et la valeur d’un YOLLdue à la pollution atmosphérique.

b - Changement climatique

Les dommages causés par le changement cli-matique comptent parmi les plus importantescatégories de dommages provoqués par les com-bustibles fossiles. Les impacts des gaz à effet deserre (particulièrement le CO2, le CH4 et leN2O) ont une incidence planétaire (ils ne dépen-dent pas du site d’émission) et s’étaleront surplusieurs générations. Les dommages futurs desgaz à effet de serre seront donc notamment fonc-tion du développement des sociétés (croissancedes populations, avance technologique, revenu,futurs changements socio-économiques…). Maisces dommages sont également les plus incertainset controversés.

Le Comité IPCC (Inter-Governmental Panelon Climate Change) a entrepris, via des modèlesde changement du climat, une analyse de lascience du changement climatique, des effetsphysiques mais aussi des aspects socio-écono-miques (sur l’agriculture, sur la santé, sur l’utili-sation de l’énergie, sur la disponibilité de l’eau,etc. à différentes échelles). Même si les résultatsde tels modèles doivent être interprétés avec uneextrême prudence, étant donné les incertitudessur les estimations actuellement disponibles, ilest possible de réaliser des estimations quantita-tives des dommages associés à l’émission degaz à effet de serre.

Dans la première version de l’étude ExternEde 1995, le coût de la tonne de CO2 était com-pris entre 2 et 20 euros. Il a ensuite été revu à lahausse afin de prendre en compte la mortalitéanticipée résultant d’un réchauffement clima-tique (par exemple, inondations, vagues de cha-leur..), avec une valeur de la vie humaine assezélevée. Les estimations de ExternE en 1998 rete-naient une fourchette variant entre 18 et 46 euros par tonne de CO2 (soit une moyennegéométrique de 29 € par tonne de CO2) selon lescénario et le taux d’actualisation retenu (0%,

37. Sur les fonctions dose-réponse et exposition-réponse, se reporter à l’encadré du point 2.2.2 de cette partie.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

3% ou 10%). Ces valeurs ont évolué. L’estima-tion de la dernière version ExternE (de 2000) estde 2,4 € la tonne de CO2 (en moyenne géomé-trique). La différence provient d’une meilleureprise en compte des effets bénéfiques du réchauf-fement global (réduction des charges de chauf-fage, meilleure productivité agricole dans les cli-mats froids, etc.) et d’hypothèses différentes surl’évaluation de la mortalité.

Du fait de l’importance de l’incertitude surl’estimation du coût des dommages dans cedomaine, il a été envisagé comme alternativedans ExternE d’utiliser les coûts marginaux deréduction de la pollution, c’est-à-dire les coûtsmarginaux pour atteindre des objectifs environ-nementaux négociés dans un processus de déci-sion politique. Par exemple, les coûts marginauxpour atteindre les objectifs de Kyoto concernantles gaz à effet de serre en Allemagne s’élèvent àenviron 19 €/t de CO2.

c - Autres effets

L’étude ExternE fournit également unequantification des impacts sur l’environnementau sens large (plantes, matériaux, faune..). Lesdommages provoqués sur les matériaux et les cul-tures agricoles par la pollution atmosphériquesont pris en compte mais contribuent relative-ment peu aux coûts des dommages (de l’ordre dequelques pour-cent du total). Les informations

relatives aux effets sur les écosystèmes et leurappréciation économique restent cependantinsuffisantes.

Par contre, la pollution atmosphérique - àdes concentrations ambiantes normales dansl’Union Européenne - ne semble pas avoir d’ef-fets directs (du type de ceux des pluies acides)importants sur la faune. Ce résultat peut sur-prendre : on pourrait s’attendre à avoir les mêmeseffets significatifs sur les animaux que sur la santéhumaine. L’explication réside dans le fait quel’évaluation des effets sur les écosystèmes reposesur une étude globale de l’ensemble de la popu-lation concernée alors que l’évaluation des effetssur l’homme est effectuée au niveau de l’indi-vidu. Les concentrations de polluants atmosphé-riques sont généralement si faibles que la morta-lité supplémentaire dans une population animaledonnée représente au plus une très faible propor-tion du taux naturel. Dans ce cas, les effets surl’écosystème sont négligeables.

La situation est différente pour certains effetsaquatiques : il a été démontré que l’acidificationdes rivières et des lacs est nuisible à la vie aqua-tique. Une rivière peut rassembler une grandepartie de la pollution atmosphérique sur unevaste région, ce qui conduit à des concentrationsrelativement élevées dans l’eau, même sans émis-sion directe de polluants dans l’eau.

Evaluation des impacts sur l’environnement : hypothèses de l’étude ExternE.

Hypothèses

Impacts sur les plantes Seules les pertes de récoltes ont été quantifiées, en utilisant les fonctions dose-réponse pour les pertes dues au SO2 et à l’ozone.

Impacts sur les bâtiments et les matériaux Corrosion et érosion dues au SO2,Encrassement dû aux particules.

Impacts non quantifiés mais peut-être non-négligeables Réduction de visibilité due à la pollution de l’air.Traitement ou stockage des résidus des combustibles fossiles.

Source : “Quantification de la pollution atmosphérique : le projet ExternE de la Commission européenne”.38

38. Rainer FRIEDRICH, Ari RABL, Joseph V.SPADARO, Numéro spécial de la Pollution atmosphérique “Combien vaut l’airpropre ?”, décembre 2001.

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

Deux filières, le nucléaire et les déchets, n’ontpu être correctement évaluées. La première, lenucléaire, a des coûts externes sous-évalués carni le risque associé aux déchets nucléaires, ni celuiassocié à un accident n’ont pu être pris en compte,de ce fait, elle a des coûts externes relativement basen raison de son influence limitée sur le réchauffe-ment de la planète. La Commission indiqued’ailleurs clairement les limites de l’exerciceExternE pour le cas du nucléaire : ces lacunes peu-vent être significatives et doivent être clairementsoulignées pour toute évaluation. La seconde, lesdéchets, a au contraire des coûts externes sur-évalués car toutes les émissions sont attribuées à laproduction d’électricité et non à la production dechaleur. Les dommages obtenus pour la filièreincinération des déchets sont donc injustement

élevés dans la mesure où le but premier de l’inci-nérateur n’est pas de produire de l’électricité, maisplutôt de générer de la chaleur. Ces résultats nedoivent donc pas être interprétés ou vus commereprésentatifs des coûts externes associés à la pro-duction d’électricité à partir de déchets.

Pour la France, les cycles des sources d’éner-gie analysés concernent le charbon, le gaz natu-rel, le fioul, le nucléaire, la biomasse et l’inciné-ration des déchets. Les externalités pour chaquefilière sont ensuite décomposées par polluant (cf.tableaux ci-après). Si l’on inclut les impacts duréchauffement climatique, les externalités peu-vent excéder le coût de production de l’électri-cité, selon les hypothèses retenues pour le coût dela tonne de CO2.

� 3.1.1.3. Résultats

Même lorsque les effets du réchauffementclimatique sont exclus, les coûts externes envi-ronnementaux, tels qu’ils sont estimés parl’étude ExternE, atteignent pour certainesfilières, charbon et pétrole notamment desmontants équivalents aux coûts actuels deproduction de l’électricité, de l’ordre de40 milli-euro/kWh. Ils traduisent donc des nui-

sances locales importantes. Le nucléaire mis àpart, les seules exceptions notables sont l’énergieéolienne et l’hydroélectricité qui présententles coûts externes les plus bas ainsi que le cycledu gaz naturel et la biomasse, dont les coûtsexternes sont d’un ordre de grandeur plus petitque le coût de production de l’électricité (cf.tableau ci-après).

Dommages en milli-euro/kWh (1998)

Pays Charbon et lignite Tourbe Pétrole Gaz Nucléaire Biomasse Hydro PV* Eolien Déchets

Autriche** 11-26 24-25 0,04***

Belgique 37-150 51-78 11-22 4-4,7

Allemagne 30-55 12-23 4,4-7 28-29 1,4-3,3 0,5-0,6

Danemark 35-65 15-30 12-14 0,9-1,6

Espagne 48-77 11-22 29-52* 1,8-1,9 15-24

Finlande 20-44 23-51 8-11

France 69-99 84-109 24-35 2,5 6-7 6 67-92

Grèce 46-84 26-48 7-13 1-8 5,1 2,4-2,6

Irlande 59-84 33-38

Italie 34-56 15-27 3,4 46-77

Pays-Bas 28-42 5-19 7,4 4-5

Norvège 8-19 2,4 2,3 0,5-2,5

Portugal 42-67 8-21 14-18 0,3

Suède 18-42 2,7-3 0,04-7

Royaume-Uni 42-67 29-47 11-22 2,4-2,7 5,3-5,7 1,3-1,5(31-52)*

Lecture du tableau : les deux estimations correspondent à une valorisation différente de la tonne de CO2(18 et 46 euros).* Photovoltaîque.** Sous-total des externalités quantifiables.*** Les bénéfices non inclus. Les bénéfices comptent pour 0,78-8,3 mEuro/kWh.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Caractéristiques des cycles de combustible retenus pour la France (sauf nucléaire)

Charbon Fioul-pétrole Gaz naturel Biomasse Déchets*

Site Cordemais Cordemais Cordemais Albi Paris (Nantes) (Nantes) (Nantes) (Toulouse) (banlieue NO)

Technologie Nouvelle usine Usine Nouvelle usine Nouvelle usine Usinehypothétique existante hypothétique hypothétique existante désulfuration, combustible turbine à gaz Biomasse déchets solides

turbine à vapeur peu soufré, cycle combiné (générateur municipaux,brûleur bas-Nox, à gaz (dépoussiéreur

cycle combiné turbine à gaz électrostatique avec injection et épuration par vapeur) par lavage

des fumées)

Rendement de conversion (%) 38 39 52 38

Production annuelle d’électricité 600 MWel 700 MWel 250 MWel 40 MWel2 100 GWhel 1 050 GWhel 1 500 Gwhel 245 Gwhel 21,9 Gwhel

Production annuelle de chaleur 1 240 GWhth

Stack height 220 m 150 m 110 m 40 m 100 m

Emissions

PM10 0,17 g/kWhel 0,13 g/kWhel négligeable 0,04 g/kWhel 4,6 g/kWhel

SOx 1,36 g/kWhel 5,26 g/kWhel négligeable 0,04 g/kWhel 18,3 g/kWhel

NOx 2,22 g/kWhel 1,20 g/kWhel 0,71 g/kWhel 0,35 g/kWhel 52,6 g/kWhel

CO2, eq 1 085 g/kWhel 866 g/kWhel 433 g/kWhel 17,7 g/kWhel 26 100 g/kWhel

Ensemble des externalités des filières de production d’électricité en France,

en milliEuro/kWh (exception faite de la filière nucléaire et hydroélectricité)

Selon les hypothèses retenues pour le coût de la tonne de CO2

Cycle Impact du CO2 exclu 18 Euros/t de CO2 46 Euros/t de CO2

Biomasse 5,5 5,9 6,7

Gaz 11 24 35

Charbon 49 69 99

Pétrole 69 84 109

Source : ExternE 1998.

39. “Quantification des coûts de la pollution atmosphérique : le projet ExternE de la Commission européenne” Rainer FRIEDRICH, Ari RABL, Joseph V.SPADARO.

� 3.1.1.4. Limites de l’analyse etperspectives de développement d’ExternE

Les principales limites de l’étude ExternE,traduisant “l’état de l’art” en matière de valorisa-tion des externalités, sont les suivantes :

• La prise en compte et l’inférence à partir desituations locales.

La transférabilité des résultats d’un site àun autre est une difficulté constamment rencon-trée par les études de coûts de dommages. Eneffet, les différences sur les dommages par tonnede polluant émis entre les différents sites peuventêtre importantes, rendant difficile l’extrapolationdes résultats d’un site à l’ensemble d’une filière.Il n’est cependant pas possible d’estimer les dom-

mages environnementaux pour tous les sites. Ladifficulté est donc de savoir quand une estima-tion de dommage est transférable et quellesmodifications sont nécessaires avant d’utiliser cesrésultats dans ce nouveau contexte. D’après A.Rabl39, (un des responsables d’ExternE au Centred’Energétique de l’Ecole des Mines de Paris),“ExternE [1998, 2000] a évalué plus de cin-quante sites de plusieurs pays de l’Union Euro-péenne et les résultats sont suffisamment repré-sentatifs pour en tirer des conclusions générales”.

Dans le même ordre d’idées, la possibilitéd’accumulations ponctuelles et momentanéesde polluants et leurs conséquences éventuelles àla fois sur la santé et l’environnement peuvent

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

être sous-estimées. Les modèles de dispersionatmosphérique, qui, au moins pour certainspays, rendent compte des conditions topogra-phiques complexes, apparaissent cruciaux à cetégard. Ceci a des implications majeures pourl’analyse des effets de la pollution de l’air en par-ticulier. Il est nécessaire d’étendre l’analyse à unedistance de centaine de kilomètres pour beau-coup de polluants de l’air, opérant à l’échelle“régionale”, tels que l’ozone, le SO2 et les parti-cules secondaires, les effets régionaux de ces pol-luants étant souvent plus importants qu’à uneéchelle locale. En certains endroits, par exempleprès des grandes villes, ce modèle est inversé etnécessite une prise en compte spécifique des dis-persions locales.

• La prise en compte des incertitudes à longterme.

Deux sujets sont emblématiques à cet égard :l’impact du réchauffement global sur les usageslocaux et les dommages à long terme des déchetsde longue durée de vie. Outre l’estimation de lachronique des dommages qui est délicate à éta-blir, le choix du taux d’actualisation apparaîttrès important : plus il est élevé, plus la valeurattachée à ces dommages est faible. Ainsi, le coûtexterne du nucléaire estimé à 2,5 mEuro/kWhsans actualisation devient égal à 0,1 mEuro avecun taux de 3%. Le coût externe représenterait7% environ du coût “privé” sans actualisationcontre 0,3% avec un taux d’actualisation de 3%.Dans le contexte du cycle du pétrole ou du char-bon, se pose le problème de l’estimation desdommages causés par le réchauffement clima-tique. Si l’on considère l’estimation la plusgrande des dommages liés au réchauffement cli-matique, les sources d’énergies fossiles ne peu-vent pas rivaliser avec le nucléaire ou les sourcesd’énergies renouvelables. Les phénomènes irré-versibles, que l’irréversibilité soit liée à l’installa-tion (cf. équipements à démanteler) ou aux dom-mages, demandent une attention particulière lorsdes calculs.

• La prise en compte de certaines externalitésliées à la biodiversité.

Elle est encore partielle parce que les impactssur la biodiversité et les valeurs économiques desusages de celle-ci sont encore mal connus. Deplus, les effets physiques, biochimiques ou ther-miques des différentes productions d’électricité

sur les milieux naturels renvoient à des caracté-ristiques très locales, qui nécessitent des étudesd’impact locales et ne sont reflétées qu’imparfai-tement par les études disponibles (cf. supra sur latransférabilité et annexes sur certaines produc-tions d’ENR décentralisées).

• Le traitement de la filière nucléaire.

Incertitude, irréversibilité, la filière dunucléaire cumule les “handicaps” pour unebonne prise en compte par l’analyse écono-mique. Comme le souligne le rapport Charpin40

en France, “le coût externe lié au cycle dunucléaire est encore trop incomplet pourreprésenter correctement l’ensemble des exter-nalités de cette filière”. D’une part l’intégrationd’un scénario “accident grave” pose plusieursproblèmes : outre l’estimation des conséquences,se pose également la question de savoir si ellesdoivent être ou non incorporées au coût dukWh, ce qui peut entraîner un changementsignificatif des résultats. Un accident présente eneffet une probabilité d’occurrence très faible,mais des coûts très élevés, ce qui amène un trai-tement en pure espérance à sous-estimer le coûtréel de ces dommages. De plus, ces dommagesdépassent la possibilité d’assurabilité du systèmemarchand d’assurance ce qui nous prive d’élé-ments de valorisation. D’autre part, la gestion àlong terme des déchets radioactifs n’est pas facileà intégrer à l’analyse faute d’une connaissancescientifique suffisante. Comment chiffrer lerisque de prolifération terroriste, notamment sile plutonium est isolé par retraitement pour l’uti-liser comme combustible ? etc.

Une étude comparative entre les combus-tibles fossiles et puissance nucléaire41 indique quedans les conditions actuelles de fonctionnementde routine, même si les rejets du nucléaire pré-sentent des dangers minimes comparés aux rejetsde la production d’énergie à partir des combus-tibles fissiles, le nucléaire présente des dangersqui lui sont propres, notamment les risques d’ac-cidents. L’exemple donné est celui de Tcherno-byl, avec des conséquences graves et à long termecouvrant de vastes régions. De plus, les pro-blèmes de sécurité posés par les importantsstocks de matières utilisables dans les armesnucléaires n’ont pas d’équivalent pour les com-bustibles fossiles.

40. Rapport au Premier ministre, “Etude économique de la filière électrique nucléaire” (rapport Charpin, Dessus, Pellat) de juillet2000.

41. “Comparaison entre combustibles fossiles et puissance nucléaire”. Arjun Makhijani.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

� 3.1.1.5. Principales conclusions d’ExternE

Les évaluations d’ExternE mettent en évi-dence des montants significatifs pour lesexternalités de production de l’électricité, enparticulier si l’on tient compte des dommagescausés par le réchauffement de la planète. Enagrégeant les dommages pour l’ensemble du sec-teur de l’électricité des pays participants, onobtient une évaluation de l’ordre de 1% du PIBpour certains pays et ceci bien qu’il ne s’agisseque d’une valorisation partielle, un certainnombre d’impacts n’ayant pas encore été valori-sés. Les sources d’énergies renouvelables ont descoûts externes nettement plus faibles que lessources d’énergie fossiles même si ces énergiesplus propres du point de vue de la pollutionatmosphérique ont aussi des effets négatifs, surles paysages et l’avifaune pour l’éolien, sur les res-sources piscicoles et l’eutrophisation pour l’hy-droélectricité. L’internalisation de ces coûtsexternes est donc susceptible de modifier sub-stantiellement la compétitivité relative des dif-férentes filières et d’affecter aussi certainschoix de localisation.

3.1.2. Analyse du cycle de vieL’ACV est utilisée couramment par les firmes

car elle leur permet de communiquer sur le pro-fil écologique de leurs produits. L’idée principale

est la même que celle de l’analyse des voies d’im-pact (AVI), prendre en compte toutes les étapesdans le cycle de vie d’un processus ou d’un pro-duit, mais dans la plupart des cas elle se borne àla réalisation d’un “bilan matière” des polluantsassociés à chaque produit. Elle ne quantifie pasles dommages en relation avec l’exposition etn’effectue pas de valorisation de ceux-ci.

� 3.1.2.1. Analyse des voies d’impact (AVI)et analyse du cycle de vie (ACV) : les divergences

Les études ACV agrègent en général les émis-sions qui se produisent au cours de toutes lesétapes du processus examiné et multiplientensuite le résultat par des indices d’impact (cepoint est illustré à la figure suivante avecl’exemple de la production d’électricité). Cesindices retracent un impact potentiel moyen(cf. encadré point 3.1.2.2.), de ce fait les condi-tions locales ne sont pas prises en compte. Ellesn’aboutissent pas, en général, à des évaluationsmonétaires à la fois parce que les valorisationsdes dommages dépendant des conditions localesqui sont “gommées” ici par l’agrégation desémissions, la valorisation perd de sa pertinence,mais aussi parce que les utilisateurs d’ACV pri-vilégient les indicateurs non monétaires “d’im-pact potentiel” qui se basent sur des jugementsd’experts.

Relation entre l’analyse des voies d’impact (AVI) et la pratique actuelle

de la plupart des ACV, illustré par l’exemple de la production d’électricité

[Spadaro & Rabl 1999].

Impact réel pour chaque étape (spécifique au site)

But : évaluer la matrice entière

Etapes de l’analyse des voies d’impact Emissions Dispersions Fonction Evaluation exposition-réponse économique

Etape de la chaîne du combustible

Extraction du combustible

Transport du combustible

Centrale électrique

Transport de l’électricité

Gestion des déchets

Evaluation du cycle de vie : première somme des émissionspuis

Σ X multiplication par les indices “d’impact potentiel”

��

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2. Enjeux environnementaux

71

Énergie et environnement

� 3.1.2.2. Analyse du cycle de vie 42

L’Analyse de Cycle de Vie est une méthoded’évaluation des impacts potentiels d’un systèmesur l’environnement. Elle repose sur l’inventairedes flux de matière et d’énergie pour les diffé-rentes phases du cycle de vie du produit, de l’ex-traction des matières premières jusqu’à l’élimina-tion des déchets (“du berceau à la tombe”). Lesystème étudié peut être un produit, un procédéetc.

La méthodologie ACV impose le respect de4 étapes successives, comme préconisé dans lanorme ISO 14 040 :

- 1re étape : la définition des objectifs cernele problème posé et les objectifs de l’étude. Lesfrontières du système étudié sont fixées.

- 2e étape : l’inventaire répertorie et quan-tifie les flux de matière et d’énergie entrant etsortant du système défini précédemment. Cesflux sont rapportés à une unité de service rendu,dite unité fonctionnelle. Cette étape, parfoisappelée éco-bilan, consiste principalement enune collecte de données.

- 3e étape : l’évaluation des impacts surl’environnement consiste à traduire les fluxinventoriés en un nombre réduit d’“indicateursd’impact potentiel” quantifiant la contribution

potentielle du système à des grands problèmesenvironnementaux (effet de serre, acidification,etc. : cf encadré les impacts potentiels de l’ACV).Différentes méthodes sont utilisées ; la normen’en préconise aucune en particulier, mais pres-crit des exigences de transparence.

- 4e étape : l’interprétation des résultatsconsiste à analyser les informations obtenues dansles étapes précédentes. Des analyses de sensibilitépeuvent être réalisées afin d’évaluer l’influence decertains paramètres-clés sur les résultats.

L’approche ACV intègre ainsi les différentesétapes du cycle de vie : “du berceau à la tombe”en s’appuyant sur une comptabilité analytiquedes différents flux traversant le système : “bilanenvironnemental”. Elle permet : - d’analyser un système (identification des étapesles plus importantes du bilan environnemental) ;- de comparer un système et ses variantes poten-tielles (vérification des possibilités d’améliorationd’un point de vue environnemental) ;- de comparer un groupe de systèmes concur-rents (positionnement d’un produit par rapportà la concurrence).

Afin d’illustrer les différentes applicationspossibles des ACV, considérons différentsexemples.

Les limites des impacts potentiels Les différents flux issus d’un inventaire ACV sont pondérés et agrégés en un indicateur d’impact repré-sentatif de l’impact du système étudié sur un problème environnemental. Les indicateurs d’impact poten-tiel couramment utilisés en ACV sont l’effet de serre, la contribution à la destruction de la couche d’ozonestratosphérique, l’épuisement des ressources naturelles, l’acidification atmosphérique, la formationd’oxydants photochimiques, l’eutrophisation des eaux, la toxicité et l’écotoxicité.

L’ACV ne propose pas des impacts réels mais des impacts potentiels. Par exemple, l’IntergovernmentalPanel on Climate Change (IPCC) a déterminé la contribution à l’effet de serre de 25 gaz, à trois horizonsde temps (20, 100 et 500 ans), en prenant comme référence le CO2. L’indicateur ainsi obtenu en pondé-rant les différentes émissions est exprimé en “équivalent CO2» ; aucune évaluation des conséquencesquantitatives de cet équivalent CO2 (élévation de la température, élévation du niveau de la mer ...) n’yest directement associée. L’approche “impacts potentiels” est bien adaptée aux impacts globaux (effet deserre, destruction de la couche d’ozone ...) pour lesquels le lieu d’émission a peu d’importance. Pour lesimpacts locaux (formation d’ozone troposphérique, toxicité ...), les conditions (rejet uniforme ou pic), lelieu ou la date d’émission influencent fortement l’impact. L’ACV fournit alors une vision assez grossièrede la situation : les résultats obtenus doivent donc être maniés avec précaution.

De nombreuses recherches sont actuellement menées pour améliorer la caractérisation des impacts dansles ACV. Par exemple, certains simulent une émission dans un environnement moyen (conditions météo,densité de population, occupation du sol...) afin de tenir compte de la dispersion ; mais cette approchereste encore imparfaite car elle n’intègre pas les effets de seuils ou la sensibilité de l’environnement àl’émission.

42. Cette partie reprend la contribution fournie par EDF dans le cadre du groupe Energie.

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Cycle de vie de batteries pour véhicule électrique

Extractionmatières

premières

Production matériaux

Fabrication batteries

Utilisation batteries

Recyclage batteries

Transportation et

distribution électricité

Production électricité

Extraction matières premières

(charbon, uranium, pétrole, gaz)

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

L’unité fonctionnelle choisie (UF), c’est-à-direle service rendu par les batteries, est 80 000 kmparcourus par un véhicule électrique. Tous les fluxde matières et d’énergie à quantifier doivent êtreramenés à cette unité fonctionnelle.

Les données concernant la fabrication des bat-teries nickel-cadmium proviennent du recueil desquantités de matériaux utilisés (nickel, cadmiumetc.), des consommations d’énergie (procédés defabrication, transport) et d’eau. Les données rela-tives à l’utilisation des batteries correspondent à laquantité d’électricité consommée lors de larecharge des batteries et aux flux liés à la mainte-nance. Les données relatives à la fin de vie des bat-teries intègrent les consommations de matières,d’énergie et d’eau dues à la collecte et au traite-ment en fin de vie des batteries. Le graphique ci-contre représente la consommation d’énergie pri-maire pour les différentes étapes du cycle de viedes batteries.

L’électricité consommée par les recharges desbatteries lors de l’étape d’utilisation représente

Source : EDF.

Consommation d’énergie primaire

tout au long du cycle de vie

des batteries Ni-Cd

Source : EDF.

-50 000

0

50 000

100 000

150 000

200 000

250 000

300 000

Fabrication Utilisation Fin de vie Total

Application n°1 : comparer différentes étapes du cycle de vie de batteries destinées à un véhiculeélectrique (schéma suivant).

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2. Enjeux environnementaux

73

Énergie et environnement

environ 70% de l’énergie primaire consomméesur tout le cycle de vie. La valeur négative del’étape “Fin de vie” correspond à de l’énergie “éco-nomisée” par le recyclage du cadmium (évitant laproduction de cadmium de première fusion). Onpeut aussi s’intéresser au détail d’une phase ducycle de vie. Ainsi, pour la fabrication des batte-ries, 25% de l’énergie est consommée par les pro-cédés de fabrication de l’usine produisant les bat-teries, 5% lors des différentes étapes de transport(acheminement des matériaux à l’usine, transportdes batteries vers les usines d’assemblage), et 70%lors de la production des différents matériaux de labatterie (45% pour l’acier, 18% pour le nickel,7% pour l’oxyde de cadmium).

Application n°2 : comparer différentes techno-logies ou différents produits

Il est également intéressant de comparer lesflux environnementaux de différentes technolo-gies rendant le même service. Considérons, parexemple, les batteries nickel-cadmium précédenteset des batteries plomb-acide avec la même unitéfonctionnelle (elles tractent toutes deux un véhi-cule électrique sur 80 000 km). Comparons lesémissions de dioxyde de carbone (CO2) des deuxtechnologies (cf graphique).

Les batteries plomb-acide émettent plus deCO2 que les batteries nickel-cadmium ; en effet :- elles consomment plus d’énergie lors de la phased’utilisation (recharge des batteries) ;- elles sont à l’origine d’émissions directes de CO2lors de leur traitement en fin de vie.

Application n°3 : Influence du parc de produc-tion d’électricité sur les usages de l’électricité

L’électricité est aujourd’hui utilisée partout ; lebilan environnemental de nombreux produits,procédés et filières est donc influencé, plus oumoins significativement, par celui de l’électricité.Concernant les “usages de l’électricité”, c’est-à-direles produits et les procédés faisant appel majoritai-rement à l’électricité, les études montrent que laphase d’utilisation domine souvent le bilan global,au détriment de la fabrication des matériels et deleur fin de vie. D’où l’importance du contenuenvironnemental de l’électricité consommée, reliédirectement à la répartition des différentes filièresdans le parc de production.

Afin d’illustrer l’influence de ce paramètre,reprenons l’exemple précédent d’un véhicule élec-trique tracté sur 80 000 km. Supposons que deuxvéhicules identiques sont vendus, l’un en France,l’autre en Allemagne. Le premier se recharge enFrance avec un parc de production d’électricité à76% nucléaire, 14% hydraulique, 6% charbon,2% fuel et 1% gaz naturel. Le second se rechargeen Allemagne avec un parc de production d’élec-tricité à 52% charbon, 31% nucléaire, 10% gaz,4% hydraulique, 3% de renouvelable et 1% fuel(données de 1999).

Comparons quelques émissions de ces deuxvéhicules sur la phase d’utilisation (les autresphases du cycle de vie sont identiques), toujourspour une unité fonctionnelle de 80000 km par-courus (cf graphique).

Émissions comparées de CO2 pour

2 technologies de batteries pour

véhicules électiques

Source : EDF.

-500

0

500

1000

1500

2000

2500

3000

3500

Fabrication Utilisation Fin de vie Total

kg/UF

batterie nickel-cadmium batterie plomb-acide

Influence du parc de production

d’électricité sur les émissions liées

à l’utilisation du véhicule électrique

Source : EDF.

0

10

20

30

40

50

60

CO2 (t/UF)

SO2 (kg/UF)

NOx (kg/UF)

poussières (kg/UF)

VE France VE Allemagne

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Un même véhicule électrique peut doncavoir des émissions complètement différentesselon l’endroit où il se recharge, du fait de la“composition environnementale” de l’électricitéconsommée.

En conclusion l’ACV constitue pour l’en-treprise un outil d’aide à la décision en matièrede protection de l’environnement, les connais-sances acquises sont précieuses pour orienter cer-tains choix (de matériaux, d’élimination desdéchets etc.) et un outil de communication.L’ACV nourrit en effet le dialogue sur l’environ-nement avec les interlocuteurs de l’entreprise(fournisseurs, administrations, pouvoirs publics,clients ...). Des discussions sont en cours au seinde la SETAC (Society of Environmental Toxico-logy and Chemistry) afin de faire évoluer l’ACVà la fois vers plus de simplicité - les étudeslongues et complexes sont difficilement inté-grables au processus décisionnel d’une entreprise– et vers plus de précision. Trois objectifs sontnotamment annoncés : progresser vers des indi-cateurs communs pour accroître la fiabilité desétudes ; intégrer d’autres nuisances environne-mentales comme la radioactivité, mais aussi lebruit, les odeurs... ; prendre en compte lesimpacts réels au lieu des impacts potentiels (cfencadré sur les impacts potentiels).

Ceci va dans le sens d’ACV reflétant mieuxles dommages environnementaux, il testeraencore à intégrer l’étape de valorisation desdommages.

3.1.3.Compléments sur l’éolien

L’installation d’un parc éolien, comme touteautre structure, peut avoir des effets favorablesdans certains cas (développement du tourismetechnologique, diminution des émissions de car-bone...), ou bien défavorables (nuisancessonores, nuisances visuelles...).

Les différents impacts positifs et négatifsdont les installations éoliennes ont pu être débi-tées et créditées font encore l’objet de nombreuxdébats et un grand nombre d’entre eux est encoreen cours d’examen. Cette partie présente les dif-férents points toujours en discussion et propose,sur la base des études disponibles actuellement,une mesure des impacts que l’on peut considérercomme significatifs compte tenu des informa-tions disponibles.

� 3.1.3.1. Les différents impacts deséoliennes : identification, quantification

• Impact sur l’avifaune

Les oiseaux ont toujours été perturbés par dehautes structures difficiles à appréhender poureux, comme les lignes à haute tension ou lespylônes, ainsi que par le trafic routier. Toutefois,les différentes études (Etats-Unis et Europe, enparticulier Espagne et France) sur le sujet mon-trent que, dans la majorité des cas, les espècesmigratrices modifient leur comportement enintégrant les éoliennes, objets imposants et enmouvement, et modifiant en conséquence leurcouloir de vol. Les espèces nicheuses sont, elles,légèrement plus touchées, mais arrivent quandmême à intégrer la présence des éoliennes. Desétudes ont estimé le nombre moyen d’oiseauxtués par MW et par an : Californie (Altamont etSolano) 0,35 ; Angleterre (Blyth Harbour) 1,34 ;autres sites entre 0,45 et 5,2.43

Ces chiffres relèvent d’une approchemoyenne. Ils ne préjugent pas des spécificitéslocales qui impliquent de tenir compte, lors duchoix de l’implantation, de la présence éventuelled’espèces protégées. Ils peuvent paraître faiblesface au grand nombre d’oiseaux tués par leslignes électriques et le trafic routier. Le manquede références récentes au niveau des études et lenombre encore très limité d’installations ne per-met pas de se prononcer définitivement (créationde nouvelles lignes ou leur renforcement, du faitde nouvelles installations éoliennes).

• Nuisances sonores

Le bruit qu’elles génèrent est une nuisancesouvent reprochée aux éoliennes. Le tableau sui-vant, qui compare le bruit généré par une éoliennepar rapport à d’autres sources sonores, permet derelativiser l’importance de ce type de nuisance.

43. Source : le guide de l’énergie éolienne, ADEME.

Sources de bruit Décibels

Avion à réaction 150

Musique stéréo 100

Intérieur d’une voiture 80

Bureau 70/60

Intérieur d’une maison 60/50

Eolienne 50/40

Intérieur d’une chambre à coucher 30

Murmure 20

Chute de feuille 10

Source : ADEME, d’après EWEA.

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2. Enjeux environnementaux

75

Énergie et environnement

Même si le bruit est techniquement quanti-fiable, il reste une part de subjectivité dans sonacceptation. Ainsi, la perception du bruit générépar les éoliennes dépend de la vitesse du vent : sile vent souffle faiblement, il ne couvrira pas lebruit de l’éolienne, alors qu’un vent plus fort yparviendra. Il convient toutefois de préciser que,selon la réglementation française, le bruit deséoliennes ne doit pas dépasser le niveau sonoreambiant. Par ailleurs, le progrès technique a for-tement réduit ce bruit. Les nuisances sonoresn’apparaissent pas déterminantes ainsi que lemontre une étude à base d’enquête présentéedans le point suivant.

• Interférences électromagnétiques

Une structure mobile et importante commeune éolienne peut produire des interférences élec-tromagnétiques (EMI) et perturber des systèmesde communication militaires et civils. Les palespeuvent causer des EMI par réflexion de certainssignaux, mais ces perturbations, qui étaient fré-quentes avec les premiers modèles d’aérogénéra-teurs dans la mesure où ils utilisaient beaucoup demétaux ferreux, ont été considérablementréduites par l’utilisation de matériaux compositespeu propices à l’apparition d’EMI. Même si laproduction des interférences a été fortementréduite, le promoteur d’un parc éolien se doitd’étudier avec les autorités civiles et militaires lesimplications de l’installation éolienne en termesd’interférences.

• Nuisances visuelles

La gêne visuelle est également une critiquefréquemment adressée aux éoliennes. Si onimplante des éoliennes sur une plaine, elles serontvisibles à des kilomètres à la ronde, placées surune ligne de crête, elles domineront le paysage.L’implantation peut donc rencontrer une viverésistance selon la perception que les riverainsauront de leur environnement. En général, desoutils de modélisation 3D sont utilisés de façon àinstaller au mieux les éoliennes du point de vueesthétique. Les éoliennes tripales, en plus de leursavantages techniques, s’intègrent mieux dans lepaysage et, associées à une bonne intégration desautres éléments, tourelles, installations au sol,lignes, ...on arrive généralement à des résultatssatisfaisants. L’impact visuel n’est donc pas unedonnée constante et dépend du point de vue del’observateur : une concertation avec les riverainset les collectivités locales constitue donc un préa-lable indispensable à l’installation d’une éolienne.

• Sécurité de l’installation

Le risque pour les riverains résulte d’uneéventuelle destruction partielle de l’éolienne,comme un morceau de pale qui se détacherait.Pour le minimiser, il suffit d’imposer une distanceréglementaire pour les constructions et les routes.Le taux d’accident est de 1 toutes les 300 années-machines, essentiellement du fait de la foudre.Ainsi, lors de la tempête qu’a subie la France endécembre 1999, une seule éolienne a été endom-magée. Le Danemark qui lui aussi a subi une tem-pête dans la nuit du 3 au 4 décembre 1999, avecdes vents à plus de 180 km/h, a eu peu de pertes :6 éoliennes seulement ont été endommagées surun parc de 5 500. Par contre, si le danger estminime pour les riverains, il est important pour lepersonnel de maintenance, du fait de la hauteuret de la présence de lignes électriques.

• Impact de l’implantation d’un parc éoliensur les tarifs fonciers alentours

Les différents impacts d’une installation peu-vent avoir une influence sur les tarifs fonciersappliqués aux alentours et les servitudes engen-drées par l’implantation d’une structure font enprincipe l’objet d’une indemnisation. Le législa-teur a jugé que c’est à l’industriel de faire face auxconséquences de son implantation et qu’il a doncla charge de l’indemnisation. La jurisprudences’appuie sur la théorie du “trouble anormal devoisinage” pour indemniser les riverains d’unouvrage entraînant des nuisances supérieures auxconditions “normales” de voisinage. Le prix desactifs fonciers aux alentours peut servir de révéla-teur à la perception qu’ont les riverains de la pré-sence d’un parc éolien (méthode hédonique).

• Tourisme industriel

Si l’augmentation du flux de touristes génèreun certain nombre de nuisances, le tourismeindustriel est aussi à l’origine de rentrées d’argentsupplémentaires pour les commerçants et lescommunes.

� 3.1.3.2. Valorisation des dommagesvisuels et sonores causés par les installations éoliennes : les premiersrésultats d’une étude contingente portantsur les éoliennes de Sigean44

Une enquête téléphonique (IFOP/MEDD)a été réalisée fin 2001 auprès de 2000 personneshabitant dans un rayon de 15-20 kilomètres des

44. Source : MEDD/D4E/IFOP, enquête “Les dommages visuels et sonores causés par les éoliennes : une évaluation par le consen-tement à payer des ménages dans le cas des éoliennes de Sigean”. Une étude contingente vise à évaluer, à l’aide d’enquête, lavaleur des pertes de bien-être associée à une nuisance (cf. encadré du point 2.3 de cette partie).

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Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

éoliennes de Sigean afin de mesurer deux typesd’externalités environnementales négatives liées àun parc éolien : les gênes visuelles et auditives.Parmi elles, 48% déclarent avoir vu de près leséoliennes de Sigean et 40% de loin. 13% lesvoient même de leur domicile, dont 8% “trèsbien”.

Une gêne qui concerne peu de monde

Parmi les personnes ayant déjà vu ceséoliennes, seulement 5% considèrent qu’ellesportent atteinte à leur propre environnement.Elles sont à peine plus nombreuses à penser queles éoliennes portent atteinte à l’environnementdes personnes dont les loisirs se situent à proxi-mité (10%) et la proportion de celles considérantque les éoliennes portent atteinte à l’environne-ment des personnes habitant à proximité nedépasse pas 16%.

Les résidents ne sont que 6% à trouver la

présence d’éoliennes gênante du point de vuevisuel et 7% gênante du point de vue du bruit.Parmi les personnes qui reconnaissent auxéoliennes un caractère gênant du point de pointde vue visuel, près de 38% considèrent que l’im-pact visuel négatif s’exerce dans un rayon infé-rieur ou égal à 500 mètres, et près de 70% dansun rayon d’au maximum 2 kilomètres. Seule-ment 15% d’entre elles considèrent que l’impactvisuel négatif s’étend au-delà de 5 kilomètres et7% au-delà de 10 kilomètres.

Lorsqu’une gêne sonore est ressentie, elles’exerce logiquement dans un rayon nettementplus réduit que la gêne visuelle : ainsi 40% despersonnes trouvant la présence d’éoliennesgênante du point de vue du bruit pensent quecette gêne ne s’exerce plus au-delà de 200 mètres,et 80% au-delà de 500 mètres. Seuls 6% d’entreeux considèrent qu’il y a encore gêne au-delà de1 kilomètre.

“Jusqu’à quelle distance considérez-vous qu’il y a …?”

Gêne visuelle Gêne sonore

100 m 8,4% 50 m 13,4%

200 m 9,5% 100 m 15,8%

500 m 20,0% 200 m 11,2%

1 à 2 km 31,3% 300 à 400 m 11,2%

3 à 5 km 16,6% 500 m 28,0%

6 à 10 km 7,3% 1 km 14,0%

15 km 1,8% plus de 1 km 6,4%

20 km 2,2% Total 100%

plus de 20 km 2,9%

Total 100%

Lecture : Parmi les personnes trouvant la présence des éoliennes gênante du point de vue visuel, 8,4% considèrent quecette gêne se manifeste jusqu’à 100 m.Source : MEDD/D4E/IFOP, enquête “Les dommages visuels et sonores causés par les éoliennes : une évaluation par le consentement àpayer des ménages dans le cas des éoliennes de Sigean”.

Les facteurs pouvant influencer le degré degêne ressentie

Seules 4,9% des personnes qui voient trèsbien les éoliennes de chez eux considèrentqu’elles portent atteinte à leur propre environne-ment. Cette proportion n’est pas significative-ment plus élevée que chez les personnes nevoyant pas les éoliennes de chez eux (4,3%) etmême sensiblement moins élevée que chez lespersonnes les voyant “un peu” de leur domicile(12,4%). De façon cohérente puisqu’ils sont eux-mêmes dans ce cas, les habitants déclarant trèsbien voir les éoliennes de chez eux sont encore àpeu près la même proportion à considérer que leséoliennes portent atteinte à l’environnement des

personnes résidant à proximité (5,9%) ou despersonnes dont les loisirs les conduisent à proxi-mité des éoliennes (5%). En revanche, les per-sonnes moins concernées, qui les voient seule-ment un peu ou pas du tout, sont environ 11%à déclarer qu’il y a gêne pour les personnes dontles loisirs les conduisent à proximité deséoliennes et 17% qu’il y a gêne pour les per-sonnes qui habitent à proximité. Ces chiffresdemeurent toutefois relativement bas.

Plus les gens habitent près des éoliennes, plusils sont proportionnellement nombreux à consi-dérer qu’elles portent atteinte à leur propre envi-ronnement. Mais même dans le cas où ils habi-tent juste à côté, ils sont très peu à partager cet

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Énergie et environnement

avis : moins de 7% des personnes habitant àmoins de 2 kilomètres ou entre 3 et 5 kilomètresdes éoliennes. A l’inverse, plus les gens habitentloin des éoliennes, plus ils ont tendance à consi-dérer qu’elles portent atteinte à l’environnementdes gens qui habitent à proximité. Les personnesdéclarant habiter à plus de 30 kilomètres sontainsi environ 20% à le penser, contre 9% pourceux qui habitent à moins de 2 kilomètres. Ilsemble donc y avoir un décalage entre la gêne

effectivement ressentie par les gens qui habitentà proximité et celle que les personnes plus éloi-gnées imaginent peser sur les habitants à proxi-mité. Cet effet se retrouve en matière de loisir,puisque c’est encore lorsque la distance du domi-cile aux éoliennes est la plus grande que l’ontrouve la plus forte proportion de personnes pen-sant que les éoliennes portent atteinte à l’envi-ronnement des gens dont les loisirs se situent àproximité de ces installations.

Pourcentage de personnes considérant que les éoliennes portent atteinte

à l’environnement en fonction de la distance domicile-éoliennes?

Considérez-vous que les éoliennes moins de 3 à 6 à 11 à 16 à 21 à plus de totalde Sigean portent atteinte…. 2 5 10 15 20 30 3045

à votre environnement ? 6,8 6,9 5,9 3,5 3,7 4,4 3,4 4,8

à l’env. des gens qui habitent à proximité ? 9 11,5 14,8 14,8 16,2 16,1 19,9 16,4

à l’env. des gens dont les loisirs se situent à proximité ? 9 5,8 9,6 8,6 9 13,2 15,8 10,5

Répartition de la population enquêtée 10,1 9,8 15,3 14,5 22,7 19,3 8,2 100

Mais il est possible d’habiter près deséoliennes sans les voir du domicile, donc sansêtre gêné, et inversement, d’habiter loin mais deles voir. Il importe donc de mesurer les effetscroisés de la distance et de la vue à partir dudomicile pour en distinguer les effets respectifs.Lorsque le domicile est situé entre 6 et 15 kilo-mètres ou au-delà de 15 kilomètres, la vuedirecte sur les éoliennes, qui est pourtant ici assezlointaine, augmente la proportion de personnespensant qu’elles constituent une atteinte à leurenvironnement. En revanche, ce n’est pas vraipour les résidents à moins de 5 kilomètres quisont seulement 5,9% à se déclarer gênés lorsqu’ilsvoient les éoliennes à partir de leur domicile et7,6% dans le cas inverse.

L’analyse contingente

Les dommages visuels et auditifs ont été esti-més à partir de trois scénarios contingents desti-nés à aider les individus à formuler eux-mêmes lavaleur qu’ils attribuent.

a- Premier scénario

Ce scénario part de la situation actuelle, et

considère, de façon totalement fictive, l’hypo-thèse de la mise en œuvre d’un dédommage-ment, prenant la forme d’une réduction annuelled’impôts locaux, pour compenser les éventuellesgênes visuelles et auditives. Le but était ici d’éva-luer le consentement à recevoir (CAR) desménages, c’est-à-dire le montant de la compensa-tion financière dont l’attribution leur permettraitde retrouver le même niveau de satisfaction qu’enl’absence des éoliennes.

85% des personnes interrogées déclarent nepas être gênées par la présence des éoliennes etdonc ne pas avoir à être dédommagées. Inverse-ment, 11% des personnes interrogées se disentgênées par la présence des éoliennes et considè-rent en conséquence qu’elles pourraient êtredédommagées par le biais d’une baisse d’impôtslocaux. La moyenne des Consentements A Rece-voir qu’elles expriment s’élève dans ce cas à 486euros. Au total, la moyenne des ConsentementsA Recevoir de l’ensemble des personnes interro-gées s’élève à 71 euros (CAR nuls et CAR stricte-ment positifs).46

45. Il s’agit de la distance où la gêne est ressentie (et non la distance mesurée).46. En affectant la moyenne des CAR exprimés aux personnes qui se disent gênées par les éoliennes et d’accord avec le principe d’une

compensation financière tout en rejetant la baisse des impôts locaux comme support de paiement, de même qu’aux personnesqui acceptent ce support mais ne parviennent pas à formuler un montant.

Lecture : Parmi les personnes déclarant habiter à moins de 2 kilomètres des éoliennes, 6,8% considèrent qu’ellesportent atteinte à leur environnement, 9% à l’environnement des gens qui habitent à proximité et 9% àl’environnement des gens dont les loisirs se situent à proximité.Source : MEDD/D4E/IFOP, enquête “Les dommages visuels et sonores causés par les éoliennes : une évaluation par le consentement àpayer des ménages dans le cas des éoliennes de Sigean”.

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b - Deuxième scénario.

Le CAR étant souvent surestimé, les indivi-dus étant davantage prêts à recevoir qu’à payer,un deuxième scénario a été élaboré, visant àappréhender le Consentement à Payer des indivi-dus pour ne pas subir les éventuelles nuisancescausées par les éoliennes. Ce scénario part égale-ment de l’observation de la situation actuelle, etévoque l’idée totalement fictive d’un possibledémantèlement des éoliennes, financé en partiepar les habitants de la région sur une base volon-taire. Les dons effectués iraient alors à un fondsqui couvrirait une partie des coûts liés à cedémantèlement imaginaire.

Face à cette éventualité, 96,7% des per-sonnes interrogées ont exprimé un refus. Dans2% des cas, ces refus de payer s’expliquent pardes moyens financiers insuffisants et dans 78%des cas par l’idée que les éoliennes ne les déran-gent pas, donc qu’il n’est pas utile de les déman-teler. En revanche, les autres motifs répondentdavantage à un rejet du scénario ou du mode depaiement proposé qu’à l’attribution d’une réellevaleur nulle aux dommages que l’on cherche àmesurer : les personnes évoquent alors l’existenceeffective d’un dérangement dû à la présence deséoliennes, mais refusent de payer parce quedémanteler les éoliennes existantes correspon-drait à du gaspillage (10% des refus de payer),parce que ce n’est pas à elles de payer (6%), ouparce qu’elles ont peur de payer pour les autres(1%).

La moyenne des CAP strictement positifsexprimés par les personnes qui acceptent decontribuer et parviennent à formuler un CAP(3% des cas) s’élève à 264 euros. Les personnesqui sont gênées ont donc effectivement un CAPélevé. Mais le petit nombre de personnes dans cecas explique la faiblesse du CAP moyen de l’en-semble de la population enquêtée : 14 euros.

c- Troisième scénario

Le scénario précédent collecte les CAP d’in-dividus touchés à des degrés très divers par la pré-sence des éoliennes : certains sont près mais neles voient pas, d’autres sont plus loin mais lesvoient davantage, etc. Pour gommer l’effet dudegré de gêne effectivement ressenti, un troi-sième scénario a voulu placer toutes les per-sonnes interrogées dans la même situation fic-tive. On leur a ainsi demandé d’imaginer qu’ilsoit envisagé d’implanter un nouveau champd’éoliennes, semblable à celui de Sigean, à unkilomètre de chez eux, de telle sorte qu’ellessoient très visibles de leur domicile. L’alternative

serait d’implanter ces mêmes éoliennes en mer,très au large des côtes, où elles n’entraîneraientaucune gêne visuelle ou auditive. Pour aider àfinancer le surcoût très important de cette alter-native, on leur a demandé de supposer qu’il soitproposé aux habitants de la région d’apportervolontairement une contribution à un fonds des-tiné à financer une partie de ce surcoût.

Dans la mesure où ce scénario place les per-sonnes interrogées dans une situation toujoursfictive, mais où elles seraient directement concer-nées, une proportion nettement plus importanted’entre elles est alors prête à payer : presque 25%,contre 3% dans le scénario précédent. Cette dif-férence est à rapprocher de celle constatée entrele pourcentage de personnes considérant que leséoliennes de Sigean portent atteinte à leur propreenvironnement (5%) et le pourcentage de per-sonnes considérant qu’elles portent atteinte àl’environnement des personnes qui habitent àproximité (16%).

Même dans le cadre d’une situation où ilsseraient concernés de près, les trois-quarts desrésidents refuseraient de payer. Et ces refus ren-voient dans 71% des cas à l’idée que les éoliennesne sont à l’origine d’aucune nuisance, donc qu’iln’y a aucune justification à payer pour les enle-ver. Si on leur ajoute les 7% de refus de payermotivé par des moyens de paiements insuffisants,c’est au total 78% des refus de payer qui corres-pondent à une vraie valeur nulle attribuée au scé-nario proposé. Dans les autres cas de refus depayer, il y a bien évocation d’une gêne causée parla présence des éoliennes, mais refus de payerparce que la personne considère que ce n’est pasà elle de payer ou qu’elle a peur de payer pour lesautres : ces 22% des refus de payer correspondentdonc davantage à des CAP positifs (on leuraffecte la moyenne des CAP de la population).La moyenne des CAP strictement positifs estmoins élevée que pour le scénario précédent,tout en restant à un haut niveau : 179 euros.Mais, comme davantage de personnes acceptentalors de payer, le CAP de l’ensemble de la popu-lation est nettement supérieur : 65 euros.

Au total, peu de personnes se sont décla-rées gênées sur le plan visuel et sonore par laprésence des éoliennes de Sigean. En consé-quence, le Consentement à Payer moyen del’ensemble de la population pour ne plusavoir à subir une éventuelle gêne est faible : 14euros. Mais les quelques habitants qui consi-dèrent subir personnellement des nuisancesexpriment pour leur part un Consentement APayer élevé : 264 euros en moyenne. Et de fait,

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lorsque les personnes interrogées se voientproposer un scénario dans lequel elles seraientelles-mêmes concernées par la présence d’éo-liennes à proximité de chez elles (un kilo-mètre), elles sont nettement plus nombreusesà accepter de payer. En conséquence, même sila moyenne des Consentements à payer stric-tement positifs est moins élevée que dans lecas précédent (179 euros, contre 264 euros),le CAP de l’ensemble de la population est plusélevé : 65 euros au lieu de 14 euros.

3.1.4. Compléments sur la petitehydraulique

La production d’hydroélectricité présentedes impacts positifs pour l’environnement, quimotivent son développement, tant à l’échelleglobale (effet de serre évité), que locale (pollu-tions atmosphériques évitées ...). Le guide établipar la Direction de l’eau47 en 1989 permet dedresser une liste qualitative des principauximpacts locaux.

Impacts Actions à mener

IMPACTS SUR LE MILIEU PHYSIQUE

sur les eaux superficielles Indiquer les conséquences de la modification du régime des eaux en amont de l’installation, dans la retenue, dans le tronçon court-circuité, en aval

sur les eaux souterraines Analyser les phénomènes de rééquilibrage des pressions hydrostatiques en fonction de l’évolution de la ligne d’eau, en amont et dans le tronçon court-circuité, au niveau du canal d’amenée

sur la stabilité des terrains Analyser l’impact du déplacement de la ligne de saturation en eaux des terrains à proximité des rives

sur le paysage Analyser l’impact visuel

IMPACTS SUR LE MILIEU BIOLOGIQUE

Ecosystème terrestre Flore / Faune

Ecosystème aquatique Déterminer l’évolution prévisible de l’écosystème aquatique dans les domaines suivants :- interruption de la dérive des invertébrés et modification de la circulation des poissons- évolution de la qualité des eaux- mortalité des juvéniles dans les turbines- modification de la capacité du milieu à assurer la reproduction et le grossissement des poissons- disparition des frayères- difficulté de maintenir les peuplements animaux ou végétaux dans la zone de marnage- appauvrissement du milieu aval en cas d’éclusée- modification de la partie court-circuitée

IMPACT SUR LE MILIEU HUMAIN

sonores Indiquer les zones où le bruit sera significativement différent du bruit de fond

sur les infrastructures Indiquer les répercussions sur les divers réseaux (eau potable en particulier, réseau routier, pédestre…)

socio-économiques Indiquer les retombées sur la fréquentation touristique, les finances locales, l’emploi, les terres agricoles

sur le voisinage Analyse des gênes listées pour les riverains

Dans l’examen des impacts locaux de la petitehydroélectricité, la question des milieux aqua-tiques est souvent la plus développée. Elle com-porte des impacts négatifs sur le fonctionnementde ces milieux, à l’échelle de l’installation, maisaussi sur un linéaire plus ou moins long, parexemple lorsque le cours d’eau accueille des pois-sons grands migrateurs. L’appréciation de cesimpacts est, selon les items, plus ou moinscontroversée. Ils sont présentés ici sur la base des

travaux réalisés dans le cadre d’un groupe de tra-vail spécifiquement centré sur la petite hydroélec-tricité48 – une même démarche sur les grandesinstallations présenterait les mêmes items maisavec des constats différents au cas par cas. La valo-risation de ces impacts reste très peu avancée.

Les milieux aquatiques, dont l’examen est aucœur de l’étude d’impact49, sont des milieuxcomplexes, dynamiques et interdépendants dont

47. Ministère de l’Écologie et du Développement durable.48. Petite hydroélectricité et environnement, Rapport du groupe de travail, juillet 2002, MEDD, 95 p. 49. Décret 93-742 précise le contenu d’un dossier de demande d’autorisation et donne le cadre d’une analyse des impacts.

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Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

les composantes sont à préserver (ou à restaurer)pour maintenir leur rôle essentiel en terme derégularisation des ressources en eau, d’autoépura-tion, de paysage et de biodiversité. Chaquerivière présente dans son fonctionnement naturelune succession amont-aval, que ce soit sur lesaspects hydrauliques, physiques (transportsolide), chimiques (autoépuration) ou biolo-giques (déplacement des organismes, notionsd’écotopes). De fait, la présence d’un ouvrage,notamment hydroélectrique, sur une rivière anon seulement un impact dans sa zone d’in-fluence, mais contribue également à modifier ladynamique naturelle amont-aval. Ainsi, sur unsecteur, une succession d’ouvrages ayant chacunun impact limité localement peut perturbernotablement le tronçon hydrographique du faitd’une accumulation, voire d’une amplificationdes phénomènes. Il est donc nécessaire d’analyserl’impact d’un ouvrage non seulement sur le siteconcerné, mais également à l’échelle d’un secteurhydrographique pertinent, permettant d’appré-hender le niveau de perturbation cumulé à cetteéchelle en tenant compte de l’existant.

� 3.1.4.1. Les impacts sur les cours d’eau

Les impacts sur les cours d’eau concernent lemaintien de sa continuité – tant pour ce quiconcerne la quantité d’eau que les sédiments oules espèces animales. Une approche exhaustive àl’échelle locale porterait également sur la faune etla flore terrestre, l’impact sur le paysage, le bruit– non développés ici.

a - Le nouveau régime hydrologique d’untronçon de cours d’eau court-circuité par uneprise d’eau hydroélectrique se caractérise par unemodification de son régime naturel qui peut sedécomposer en deux grandes périodes :- les périodes de débit réservé sans surverse,lorsque le débit naturel en amont est inférieur àla valeur "débit réservé + débit d’équipement",- les périodes de débit réservé augmenté des sur-verses qui surviennent dès que le débit du coursd’eau en amont devient supérieur à la valeur"débit réservé + débit d’équipement". La fré-quence, la durée et le volume de ces surversessont alors fonction de l’importance du débitd’équipement de l’usine par rapport au module.

L’impact de l’instauration d’un débit réservésur le biotope porte principalement sur la réduc-tion de la surface mouillée, les paramètres “hau-teur vitesse” qui conditionnent l’habitat et lefonctionnement des frayères. Il porte égalementsur le régime thermique, le maintien de la ripi-

sylve, des abris de berge, le transport solide, lacirculation des poissons… La qualité de l’eau estrarement altérée par l’usage hydroélectriqueexcepté dans le cas de retenues modifiant les pro-cessus d’autoépuration. Des débits insuffisantsmodifient les composantes morphodynamiqueset habitationnelles de la biocénose. La biocénoserépond à ces modifications du milieu au traversde la composition des peuplements de végétaux,de macroinvertébrés et de poissons (disparitionet apparition d’espèces), de leur abondance(effectifs et biomasses par espèces) et de leurstructure (classes d’âge pour les peuplements pis-cicoles). Dans une rivière salmonicole, uneréduction marquée des vitesses du courant et deshauteurs d’eau offre des conditions d’habitatsfavorisant les stades juvéniles et alevins au dépensdes adultes. L’importance des impacts sur la bio-cénose est fonction des pertes d’aptitude dumilieu à offrir des conditions répondant aux exi-gences de vie des espèces repère présentes. Dansle cas débits proches du quarantième du module,on peut même observer un glissement typolo-gique avec colonisation du milieu par des espècesde niveau typologique inférieur (poissons d’eauxcalmes) au dépens des populations d’eau vives.

b - Le transport solide ou charriage est unélément important de la dynamique des coursd’eau. Les éléments transportés peuvent, defaçon schématique, être classés en trois groupes :les éléments grossiers (sables et graviers), les élé-ments fins (argiles et limons) et enfin les vases etmatières organiques en suspension. Le transportsolide dépend d’une part de l’énergie du coursd’eau, elle-même fonction de la vitesse et doncde la pente et du débit, et, d’autre part de lanature et l’occupation des sols du bassin versantconcerné. Les barrages constituent des obstaclesvis-à-vis du transport solide. Leurs effets sontessentiellement de trois ordres : - à l’amont de l’ouvrage, les sédiments se dépo-sent dans la retenue, de façon ségrégative, enfonction de leur poids, en raison de la diminu-tion de la vitesse du courant dans celle-ci ;- à l’aval, le manque d’apport régulier de sédi-ments, aboutit à des phénomènes d’érosionrégressive, se traduisant par l’enfoncement du litdu cours d’eau, pouvant notamment entraîner ledéchaussement des fondations des ouvrages enrivière, mais aussi la disparition des substratsfavorables au développement des micro-orga-nismes et aux frayères. La rivière ne retrouve pastoujours un profil d’équilibre ;- dans la retenue elle-même, le ralentissement de

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2. Enjeux environnementaux

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la vitesse du courant conduit à une moindre oxy-génation de l’eau et donc moindre dégradationde la matière organique qui se dépose dans laretenue contribuant à la formation parfoisimportante de vases. Certains de ces sédimentspeuvent être toxiques.

Pour une retenue donnée, l’importance duphénomène est fonction du régime du coursd’eau, de son transit solide, de la longueur duremous et de la quantité d’eau qui transiteannuellement dans la retenue.

Pour la petite hydroélectricité, qui, dans denombreux cas, comporte des aménagements sansretenue importante, le transport solide est rare-ment un impact majeur, mais ne peut êtrenégligé pour autant. Se pose néanmoins la ques-tion des modalités de transit des sédiments accu-mulés, qui peuvent prendre différentes formes etdemandent des précautions spécifiques : lesvidanges de la retenue, qui peuvent être néces-saires pour effectuer des travaux d’entretien oudes contrôles des ouvrages, les abaissements desplans d’eau en période de crue, appelés “chasseshydrauliques” ou “transparence” ou enfin leschasses automatiques au droit de la prise d’eauqui visent à favoriser l’évacuation des déchetsflottants et des sédiments qui s’accumulent audroit de la prise.

c - Enfin, un impact des barrages concerne ledéplacement des espèces piscicoles. Dans le casdes cours d’eau à grands migrateurs (saumon,truite de mer, alose, lamproie marine,anguille…), les impacts des différents obstaclessont cumulatifs, à la montaison comme à ladévalaison. Par contre, les espèces holobiotiques(truite, ombre, barbeau…) ne sont généralementconcernées que par un nombre limité d’aména-gements. La mise en place de nouvelles installa-tions sur de tels cours d’eau exercera un impactmoindre que sur les cours d’eau à grands migra-teurs. Cependant, le problème de la continuitéécologique du cours d’eau doit toujours être prisen compte.

Les populations de poissons dépendentétroitement des caractéristiques de l’habitataquatique, en particulier les poissons migrateursqui exigent des milieux différents pour le dérou-lement des phases principales de leur cycle biolo-gique - pour partie en eau douce et pour partieen mer. Chaque bassin hydrographique possèdeun stock qui lui est propre et qui constitue uneunité de gestion incontournable. Quelle que soitson utilisation, un barrage constitue un obstacle

à la migration du poisson. Dans le cas des grandsmigrateurs, comme le saumon, l’espèce pourradisparaître du cours d’eau, voire du bassin,lorsque le barrage commande l’accès à toutes lesfrayères. Au cours des 150 dernières années, on aassisté en France à une réduction particulière-ment marquée des populations de grands migra-teurs, liée à la multiplication des obstacles à lalibre circulation, à la dégradation du milieu, àune surexploitation par la pêche. Les entraves à lamigration s’apprécient différemment à la mon-taison et la dévalaison.

� 3.1.4.2. Mesures correctrices etcompensatoires

La définition d’un projet conduit à définirdes mesures qui visent à réduire ses impacts surle milieu. Celles-ci peuvent prendre la forme demodifications de l’investissement ou de l’exploi-tation de l’installation concernée (passe à pois-son, débit réservé…) ou de mesures adoptéesconcernant les zones proches (reconstitution defrayères, restauration des berges…). Elles peu-vent relever du pétitionnaire, mais aussi d’autresacteurs, publics en particulier (politique pisci-cole…), éventuellement sur la base d’un verse-ment financier ad hoc du pétitionnaire. Cesmesures de correction relèvent pour certainesd’entre elles d’une obligation réglementaire : différents textes imposent, par ailleurs, desmesures de nature à réduire les impacts de l’hy-droélectricité sur le milieu (systèmes de franchis-sement, débits réservés, sécurité…). Les mesuresdétaillées dans l’étude d’impact consistent auminimum à ces obligations fixées par d’autrestextes et nécessitent un examen au cas par cas :un système de franchissement doit être adapté ausite et aux besoins liés aux espèces piscicolesconcernées. Les mesures de compensation sonttraditionnellement destinées à compenser l’im-pact résiduel des aménagements (route, dispari-tion d’une zone humide, etc.). Elles ont vocationà être développées à proximité du secteurconcerné par l’aménagement : reconstitution dela ripisylve dans la zone du remous, aménage-ment d’un ouvrage de franchissement sur unouvrage existant, végétalisation des zones demarnage, aménagement de zones de frayères, denurseries, efforts paysagers sur les lignes ou lesconduites forcées …

La plupart des mesures de correction ou decompensation, dont certaines encadrées par destextes réglementaires, doivent être calibrées –c’est le cas en particulier du débit réservé. De

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Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

plus, reste ouverte l’appréciation, pour chaquecas, d’éventuelles mesures supplémentaires, àestimer au regard des bénéfices environnemen-taux qui en découlent. Elles doivent être optimi-sées lors de l’examen du projet, au regard despertes de production qu’elles peuvent induire.

3.2. L’approche impact sur la santé50

Les activités liées à l’énergie libèrent dansl’air des substances qui ont des impacts sur lasanté humaine, notamment dans les aggloméra-tions. La concentration des industries en est unedes causes, mais la cause principale est la densitéde la circulation automobile. Les études récentesmontrent que pour bien appréhender l’impactsanitaire de la pollution urbaine il convient deprendre en compte à la fois les effets de courtterme (accidents sanitaires liés à un pic de pollu-tion) mais aussi les effets de long terme (morbi-dité et mortalité associées à une expositionlongue à une pollution diffuse). Les résultats trèsdifférents qui sont parfois affichés et qui susci-tent moult interrogations dans le public viennenten général du fait que certaines études prennenten considération les uns mais pas les autres.

Les études épidémiologiques menées enFrance (Programme de Surveillance Air & Santé)et en Europe (projet APHEA, puis APHEIS) ontd’abord permis de quantifier les effets à courtterme de la pollution atmosphérique sur la santé.Ce n’est que récemment qu’une étude de l’OMSconduite dans trois pays d’Europe (Autriche,France et Suisse) a permis de mettre en avant leseffets à long terme de la pollution atmosphériqueen montrant qu’elle était responsable de plus de40 000 décès par an globalement dans ces troispays.

3.2.1. Les effets à court et longterme de la pollution de l’air dueaux transports

Dans le cadre du programme PRIME-QUAL/PREDIT, l’OMS a publié en 1999, uneétude relative aux effets et aux coûts de santé pro-voqués par la pollution liée aux transports ter-restres. Cette étude a été réalisée avec un mêmecadre méthodologique en France, en Autricheet en Suisse. Elle retient comme indicateur de lapollution atmosphérique dans son ensemble les

particules en suspension de diamètre médianinférieur à 10 µm (PM10). Ce choix a été motivépar plusieurs raisons : les PM10 représentent lapartie inhalable des poussières en suspensiondans l’air et pénètrent profondément dans l’ap-pareil respiratoire ; les effets de ce type de parti-cules sur la santé de l’homme sont relativementbien connus grâce aux nombreuses études toxi-cologiques et épidémiologiques qui existent surle sujet ; on sait que la circulation automobile,notamment celle des véhicules diesel, est à l’ori-gine d’émissions de particules fines.

La démarche proposée consiste, dans un pre-mier temps, à estimer les niveaux moyensannuels d’exposition aux PM10 auxquels lapopulation est soumise. Puis, dans un secondtemps, elle établit une évaluation de l’impactsanitaire. Enfin, dans un troisième temps, elledétermine une monétarise ces effets.

a - Estimation des niveaux moyens annuelsd’exposition aux PM10

Le pourcentage de PM10 imputable auxtransports a été modélisé à partir de données pro-posant un ratio entre les émissions dues au traficroutier et celles dues à l’industrie et au secteurrésidentiel en Suisse. A défaut d’autres donnéesdisponibles, ce modèle suisse a été employé pourla France, ce qui sous-estime la contribution destransports aux concentrations de PM10, en rai-son de la diésélisation du parc automobile fran-çais. En France, le niveau moyen d’expositionde la population a été estimé à 23,5 µg/m3 dePM10 pour 1996, dont 8,9 µg/m3 attribuablesaux transports routiers. L’étude met en évi-dence la variation considérable des concentra-tions obtenues en fonction de la localisation : encentre ville, la contribution aux concentrationsde PM10 est plus élevée qu’en zones rurales.

b - Evaluation de l’impact sanitaire

L’étude retient plusieurs indicateurs d’at-teintes à la santé dues à la pollution par le trafic,présentés dans le tableau ci-dessous. S’agissant dela mortalité, seule la mortalité à long terme chezles adultes de 30 ans et plus a été retenue. S’agis-sant de la morbidité, les effets à court terme prisen compte concernent les hospitalisations, la res-triction d’activité, les symptômes de bronchiteaiguë chez l’enfant et les crises d’asthme et leseffets à long terme portent sur l’incidence (nou-veaux cas) de bronchite chronique chez l’adulte.

50. La question des impacts sanitaires est également abordée dans cette même partie 2 des enjeux environnementaux, §3.1.1.2, avecExternE.

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Énergie et environnement

L’étude établit une relation entre les niveauxd’exposition d’une part et les indicateurs demortalité et de morbidité à court et long termed’autre part. Cette relation n’est prise en compteque pour les situations dans lesquelles les concen-trations sont supérieures à la concentration mini-male, dite “naturelle”, soit 7,5 µg/m3. Des fonc-tions exposition-risque pour une augmentationde 10 µg/m3 ont été utilisées pour calculer lenombre de cas de mortalité prématurée et demorbidité attribuables à la pollution PM10, etplus particulièrement à la pollution d’origineautomobile. Ces fonctions dose-réponse ont étéobtenues à partir de travaux épidémiologiques

nationaux et internationaux. Des études étran-gères ont montré qu’une augmentation de10 µg/m3 des PM10 entraînait une hausse de 4%du risque de mortalité chez l’adulte.

Les résultats de l’étude OMS concernant lamortalité et la morbidité sont résumés pour laFrance dans le tableau suivant. Ils montrentqu’en 1996 plus de 30 000 décès prématurésétaient attribuables en France à une exposi-tion cumulative à l’ensemble des PM10 pen-dant plusieurs années, la pollution d’origineautomobile étant responsable de plus de lamoitié d’entre eux.

Indicateurs de santé étudiés en relation avec la pollution atmosphérique

Indicateur de santé Age

Mortalité totale à long terme Adultes (>= 30 ans)

Hospitalisations pour causes respiratoires Tous âges

Hospitalisations pour causes cardio-vasculaires Tous âges

Bronchite aiguë Enfants (<15 ans)

Bronchite chronique Adultes (>=25 ans)

Jours de restriction d’activité (1) Adultes (>=20 ans)

Patients asthmatiques : crises d’asthmes (2) Enfants (<15 ans) et Adultes (>=15 ans)

(1) Jours de restriction d’activité : total personnes-jours par an.(2) Crises d’asthme : total personnes-jours avec crises d’asthme.

Résultats de l’étude OMS

Indicateur de santé Nombre de cas attribuables à la pollution particulaire en France, 1996 (intervalle de confiance à 95%)

PM10 totales PM10 attribuables au trafic automobile

Mortalité totale à long terme 31 692 17 629[19 202-44 369] [10 681-24 680]

Hospitalisations pour causes respiratoires 13 796 7 674[1 491-26 286] [829-14 622]

Hospitalisations pour causes cardio-vasculaires 19 761 10 992[10 440-29 362] [5 807-16 333]

Incidence bronchite chronique 36 726 20 429[3 262-73 079] [1 814-40 650]

Incidence bronchite aiguë 450 218 250 434|198 450-813 562] [110 388-452 544]

Jours de restriction d’activité 24 579 872 13 672 554[20 692 055-28 519 982] [11 509 956-15 864 240]

Crises d’asthmes (enfants asthmatiques) 242 633 134 965[149 141-337 151] [82 960-187 540]

Crises d’asthmes (adultes asthmatiques) 577 174 321 053[281 130-879 091] [156 378-488 994]

Source : “Transports : choix des investissements et coût des nuisances ; rapport du groupe présidé par Marcel Boîteux”.

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Données économiques de l’environnement

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c - Evaluation monétaire

L’évaluation du coût de l’impact des PM10sur la santé a été effectuée selon deux approches: - les “consentements à payer”, c’est-à-dire ceque chacun est prêt à payer pour réduire lesrisques de mortalité, de morbidité et de “pertesde bien-être”, soit les coûts matériels et immaté-riels (aspects psychologiques, douleur, peine,qualité de vie diminuée, etc.). Des enquêtesauprès de la population conduisent à retenir uneestimation de 915 000 euros comme valeurd’évitement d’un décès, qui reflète une diminu-tion a priori du risque de mortalité.51

- les pertes de ressources économiques réelles,que représentent les pertes de consommation,liées aux décès prématurés, les dépenses de santéassociées à la morbidité, les coûts de l’absen-téisme (hors “pertes de bien-être”), soit les coûtsmatériels. Selon cette approche, un décès estestimé à 12 600 euros par année de vie perdueen moyenne. Les décès associés à la mortalité delong terme représentent une perte d’espérance devie moyenne de 10 ans environ. Un décès estainsi valorisé à environ 125 800 euros.

51. Sur les méthodes d’évaluation des dommages non marchands se reporter à l’encadré du point 2.3 de cette partie.

Effets sur la santé de la pollution par les PM10 en FranceEvaluation associée Evaluation de la part liéeaux PM10 totales au trafic routier

Consentements Pertes Consentements Pertesà payer de ressources à payer de ressources

individuels économiques individuels économiques millions de francs millions de francs millions de francs millions de francs(millions d’euros) (millions d’euros) (millions d’euros) (millions d’euros)

Mortalité de long terme 190 152 26 146 105 774 14 545(28 988) (3 986) (16 125) (2 217)

Hospitalisations pour causes respiratoires 1 732 1 034 964 575et cardio-vasculaires (264) (158) (147) (88)

Bronchites chroniques 50 353 795 28 009 442(7 676) (121) (4 270) (67)

Bronchites aiguës 387 115 215 64(59) (18) (33) (10)

Attaques d’asthme 167 3 93 2(25) (0,5) (14) (0,3)

Jours d’activité restreinte 15 156 9 191 8 430 5 112(2 311) (1 401) (1 285) (779)

Total morbidité 67 795 11 138 37 711 6 195

(10 335) (1 698) (5 749) (944)

Total 257 947 37 284 143 487 20 740

(39 324) (5 684) (21 874) (3 162)

Source : Site ADEME (www.ademe.fr).

Au total, les coûts de la pollution de l’air dufait de la mortalité sont estimés à 29 milliardsd’euros si l’on retient l’approche par les pertes debien-être (4 milliards d’euros à partir de laméthode des pertes de consommation). Les coûtsengendrés par la pollution atmosphérique du faitde la morbidité atteignent 10,3 milliards d’eurosà partir de l’approche par le consentement àpayer (1,7 milliard d’euros par la méthode descoûts marchands).

L’étude de l’OMS conclut donc à un coûttotal de près de 40 millions d’euros annuelsen France des effets sanitaires de l’expositionaux PM10 : 30 millions d’euros correspon-dent à la mortalité (30 000 décès prématurésde 10 ans évalués chacun à près d’un milliond’euros) et 10 millions d’euros à la morbidité.Les coûts de morbidité les plus élevés concer-nent les cas de bronchite chronique (méthodedes consentements à payer) et les jours d’acti-vité réduite (méthode des coûts marchands).

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

3.2.2. Le Programme deSurveillance Air & Santé (étude des9 villes) et le programme européenAPHEIS (Air Pollution and Health :A European Information System)

� 3.2.2.1. Le Programme de SurveillanceAir & Santé (étude des 9 villes)

En 1997, le Programme de Surveillance Air& Santé, coordonné par l’Institut de Veille Sani-taire, a été implanté dans neuf grandes villesfrançaises, Bordeaux, Le Havre, Lille, Lyon,Marseille, Paris, Rouen, Strasbourg, Toulouse(PSAS-9). Ce programme s’inscrit dans le cadrede la loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle del’Energie du 30 décembre 1996 qui stipule dansson article 3 que “l’Etat assure … la surveillancede la qualité de l’air et … de ses effets sur lasanté”. Il vise à éclairer les décisions prises dans lecadre de cette loi, pour la prévention et la dimi-nution des risques sanitaires liés à la pollutionatmosphérique urbaine. Egalement prévus parcette loi, les Plans Régionaux pour la Qualité del’Air (PRQA) ont pour objet de fixer des orienta-tions visant à “prévenir, réduire ou atténuer leseffets de la pollution atmosphérique”. Pour cela,ils doivent s’appuyer, notamment, sur une éva-luation des effets de la pollution atmosphériquesur la santé et nécessitent donc des outils épidé-miologiques adéquats.

Afin de répondre à ces besoins, le PSAS-9vise à la fois à quantifier les risques sanitaires liésà l’exposition atmosphérique urbaine et à per-mettre la réalisation d’évaluations d’impact sani-taire de la pollution atmosphérique en recourantà des relations exposition/risque établies à partirde données françaises. Le principe de ce pro-gramme consiste à relier les variations tempo-relles à court terme (d’un jour à l’autre) d’unindicateur de l’état de santé d’une population(mortalité, admissions hospitalières) à celles d’unindicateur d’exposition de cette population à lapollution atmosphérique (polluants mesurés).Les résultats de la première phase du programmeont permis de conclure à l’existence d’associa-tions statistiquement significatives entre lesvariations journalières de l’ensemble des indica-teurs de pollution atmosphérique urbaine et la

mortalité quotidienne totale, cardio-vasculaire etrespiratoire.

Après avoir publié son premier rapport en1999, le programme PSAS-9 a communiqué en2002 les résultats de sa deuxième phase d’ac-tivité, qui valide les relations entre pollutionatmosphérique et mortalité établies lors de lapremière phase, quantifie à l’échelle de la popu-lation les relations entre indicateurs de santé etpollution atmosphérique et réalise une évalua-tion d’impact sanitaire selon différents scénariosde réduction de la pollution atmosphérique.

La population totale étudiée est de plus11 millions de personnes réparties dans les neufvilles. Pour l’ensemble de ces villes, le nombreannuel de décès anticipés attribuables à desniveaux de pollution atmosphérique supérieurs à10 µg/m3 est de 2786 pour la mortalité totale,dont près de 40% sont dus à des troubles car-diovasculaires (1097 décès) et 11% à destroubles respiratoires (316 décès). On estimeque réduire de moitié la pollution éviterait1834 décès anticipés chaque année dans cesvilles. D’une manière générale, ce sont lesniveaux de pollution photo oxydante (dioxyded’azote et ozone) qui conduisent le plus souventau nombre de décès anticipés le plus élevé.

� 3.2.2.2. Le programme européen APHEIS(Air Pollution and Health : A EuropeanInformation System)

Le programme de surveillance des effets de lapollution atmosphérique sur la santé dans neufvilles françaises participe plus largement au pro-jet européen APHEIS52 (Air Pollution andHealth : A European Information System). Laparticularité du PSAS-9 est de quantifier l’im-pact sanitaire à partir des risques directementestimés dans les neuf villes du programme alorsque l’évaluation d’impact sanitaire du pro-gramme APHEIS est réalisée à partir de risquesestimés par différents programmes de rechercheinternationaux. Coordonné par l’Institut deveille sanitaire, le programme APHEIS est unsystème conçu pour fournir régulièrement desinformations relatives aux effets de la pollutionatmosphérique sur la santé en Europe, bienadaptées aux besoins de différents types de public

52. APHEIS fait suite à l’étude APHEA (Air Pollution and Health : A European Approch). Afin de combler les lacunes sur lesconnaissances des liens entre la pollution atmosphérique et la santé en Europe, l’étude APHEA avait été lancée en 1993. Sonobjectif était de fournir des estimations quantitatives des effets à court terme sur la santé de la pollution atmosphérique en milieuurbain, et de contribuer à la révision, au plan international, des valeurs limites d’exposition. Ce programme, qui a permis decréer une méthodologie standardisée et commune aux différents pays concernés, était cependant limitée dans le temps, n’ayantpas été conçue pour fournir régulièrement des informations aux publics intéressés.

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visés (décideurs et professionnels de la santé etenvironnement, grand public). Une mise à jourde ses résultats est donc prévue dans les pro-chaines années. Ce programme a de multiplesmissions telles que recueillir au niveau européendes données standardisées sur les expositions etles effets de la pollution atmosphérique ; calculerde nouvelles fonctions expositions-risques ;quantifier les effets de la pollution de l’air sur lasanté dans le temps au niveau local, national eteuropéen ; rendre les résultats accessibles auxdemandeurs par la publication de rapports stan-dardisés.

Le programme APHEIS a présenté en 2002les résultats d’une évaluation d’impact sanitairede la pollution atmosphérique conduite en2001 dans 26 villes de 12 pays européens, dontla France. Elle montre que la pollution atmo-sphérique demeure une préoccupation de santépublique en milieu urbain, et qu’une réduction,même minime, de ces niveaux, apporterait ungain sanitaire non négligeable. Ce constat justifiela mise en place de mesures préventives y com-pris dans les villes présentant de faibles niveauxde pollution. Une évaluation d’impact sanitaire aété effectuée pour une exposition de la popula-tion à court et long terme aux PM10 et à courtterme aux fumées noires. Elle montre en particu-lier que 11 855 décès anticipés (43 décès antici-pés pour 100 000 habitants) pourraient êtreévités chaque année, si la valeur limite de20 µg/m3 de PM10, imposée par la Commis-sion Européenne à l’horizon 2010 pour uneexposition à long terme aux PM10, était res-pectée dans les 19 villes (32 millions d’habitants)mesurant ce polluant.

De nouvelles évaluations d’impact sanitairedevraient être réalisées par la suite, en intégrantl’indicateur “année de vie perdue”. Le pro-gramme APHEIS prévoit ultérieurement d’inté-grer une évaluation économique des coûts pourla santé liés à une exposition à la pollution.

3.3. L’approche émissions :pollution atmosphérique liée à l’énergie

La connaissance des quantités de certainessubstances rejetées dans l’atmosphère est uneétape nécessaire et fondamentale à toute poli-tique de protection de l’Environnement qui s’in-

téresse aux problèmes actuels comme la dégrada-tion de la qualité de l’air, l’acidification, leréchauffement global et les modifications du cli-mat, l’appauvrissement de la couche d’ozonestratosphérique. Cette quantification, que l’ondénomme usuellement “inventaire d’émissions”s’effectue à partir de règles spécifiques. Ces règlesvarient parfois d’un inventaire à l’autre ce quipeut poser problème ; des travaux d’harmonisa-tion sont donc engagés depuis plusieurs annéesentre divers organismes internationaux (Com-missions européenne, Commission économiquepour l’Europe des Nations Unies, Groupe Inter-gouvernemental sur l’évolution du Climat(GIEC ou IPCC en anglais), EUROSTAT,Agence internationale de l’Energie, etc.). Ces tra-vaux se poursuivent en parallèle à l’améliorationdes méthodologies permettant d’estimer les rejetsdes divers types d’émetteurs.

3.3.1. La contribution de l’énergie à la pollution globale de l’air (effet de serre)

La convention cadre des Nations Unies sur lechangement climatique (UNFCCC) comporteles dispositions relatives à la communication desinformations portant sur les émissions dans l’air ;à savoir, les émissions de gaz à effet de serre direct(CO2, CH4, N2O, HFC, PCF, SF6) et à effetindirect (NOx, COVNM, SO2). Le protocole deKyoto adopté le 10 décembre 1997 précise lesengagements assignés à chaque Etat signataire.Les données d’émission dans l’air utilisées dansles différentes parties ci-dessous proviennenttoutes de l’inventaire national réalisé par leCentre interprofessionnel d’études de la pollu-tion atmosphérique (CITEPA), au titre de laconvention cadre des Nations Unies sur le chan-gement climatique.

� 3.3.1.1. Les émissions de gaz à effet de serre par secteur (Bilan 2002 du PNLCC53)

Un premier bilan des émissions de gaz à effetde serre des différents secteurs a été effectué àl’automne 2002 afin de vérifier l’efficacité desmesures prises dans le cadre du Programmenational de lutte contre le changement clima-tique (PNLCC) adopté par l’Etat en janvier2000 et, au-delà, la compatibilité des évolutionsen cours avec les engagements pris par la France.

53. La partie ci-après reprend le bilan publié par la Mission Interministérielle à l’Effet de Serre, texte et graphiques.

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Les émissions de gaz à effet de serre par secteur (Bilan 2002 du PNLCC)*

Répartition des émissions par secteurs en 2001

2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

Ce bilan, qui retrace l’ensemble des émis-sions de GES - y compris celles qui n’émanentpas de la combustion d’énergie fossile-, fournitles enseignements suivants. - Les émissions françaises de 2000 sont infé-rieures de 2% à celles de 1990 (sans tenircompte de l’absorption du carbone par les puitsforestiers), celles de 2001 de 2,7%. Parmi lesdéterminants de ces résultats communs à tous lessecteurs figurent les actions et politiques de maî-trise de l’énergie, l’évolution structurelle des sec-teurs productifs (concentration), et pour 2000un ralentissement conjoncturel lié notammentau renchérissement du pétrole.- La majeure partie de la réduction en 2000provient du secteur industriel avec – 19% parrapport à 1990 (modifications de certains procé-dés dont la production d’acide adipique pour leN2O, passages de l’énergie thermique à l’électri-cité), suivi de la production énergétique avec–10% (mise en service des 8 dernières tranchesnucléaires et meilleure disponibilité du parc) etdu traitement des déchets avec –7% (réductionde la mise en décharge, couverture de sites d’en-fouissement et captation du méthane). Pour2001 par rapport à 1990, ces bilans s’établissentrespectivement à - 18%, -28% (hiver clément etexcellente disponibilité hydraulique) et -14%.Quant au secteur agricole (-4%), les difficultésde mesure des émissions et l’imbrication desquestions climatiques avec d’autres sujets diffi-ciles en complexifient l’approche.

- Les transports (+18% en 2000, +22% en2001, toujours par rapport à 1990) et le rési-dentiel et tertiaire (+9% en 2000, +14% en2001, par rapport à 1990 ; respectivement +11%et +12% avec les corrections climatiques), sec-teurs à fortes inerties représentant ensemble 47%des émissions nationales, montrent des évolu-tions préoccupantes (à titre de comparaison, lesecteur Transports efface au bilan en 2000 plusdes cinq-sixièmes des progrès du secteur indus-triel et la totalité en 2001). Les avancées tech-niques volontaires ou réglementaires permettentde réduire notablement les émissions unitairessur le neuf (automobiles, bâtiments) ; cependant,l’accroissement des distances parcourues (surtoutaérien et fret routier) et des surfaces chauffées(facteurs liés à des déterminants complexes aunombre desquels les comportements individuels)font plus que compenser ces progrès et pour-raient dépasser les projections utilisées pour lePNLCC. En outre, les gaz fluorés de la climati-sation des véhicules et des bâtiments ont consi-dérablement augmenté entre 2000 et 2001.Enfin, les choix en matière d’urbanisme, d’infra-structures et de tarifications engendrent des iner-ties techniques et économiques considérables.

Malgré les bons résultats de 2000 et 2001par rapport à 1990, les tendances relevéesconduisent donc à douter que les objectifs deKyoto soient tenus avec les seules mesuresactuellement en œuvre.

*Energie : Sont concernées les émissions de la produc-tion d’électricité et de chaleur,ainsi que les émissionsfugitives de méthane en provenance des mines decharbon et les fuites dans les réseaux de gaz naturel. Leraffinage des produits pétroliers, ainsi que les cokeriesne sont pas inclus (secteur industrie).Bâtiments : sont concernés le chauffage, l’eau chaudesanitaire et les consommations d’électricité spécifique.Industrie : sont prises en compte les émissions dues à laproduction d’énergie par l’industrie pour ses propresbesoins, mais n’incluent pas ses approvisionnements enélectricité. La valeur des émissions de ce secteur peutvarier selon la nomenclature que l’on choisit commeréférence. La nomenclature PNLCC inclut dans le sec-teur industrie les branches raffinage et cokerie (à l’ave-nir les prochaines communications se fonderont sur lanomenclature UNFCCC qui les intègre dans le secteurproduction de l’énergie).

Transports28%

RésidentielTertiaire

19%Industrie21%

Energie11%

Agriculture18%

Déchets3%

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Les émissions de gaz à effet de serre par secteur (Bilan 2002 du PNLCC)* (suite)

Évolutions des émissions par secteurs de 1990 à 2001, en MteCO2 :

Les émissions du secteur de la production d’énergie en 2001

Les émissions du secteur des bâtiments en 2001

-30

-20

-10

0

10

20

30

Transports RésidentielTertiaire

Industrie Productiond’énergie

Agriculture Traitementdes déchets

TOTAL

Autres secteurs89%

Industrie del’énergie 11%

Raffinage24%

Productiond’électricité et

chauffage urbain54%

Gazfluorés

Emissions fugitivesdes comubistiles

Autres

Autres secteurs81%

RésidentielTertiaire

19%Résidentiel

63%

Gaz fluorés

Autres

Tertiaire30%

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2. Enjeux environnementaux

89

Énergie et environnement

Les émissions de gaz à effet de serre par secteur (Bilan 2002 du PNLCC)* (suite)

Les émissions du secteur des transports en 2001

Les émissions du secteur de l’industrie en 2001

Les émissions du secteur de l’agriculture en 2001

Autres secteurs79%

Industrie21% Combustion

71%

Chimie

Produitsminéraux

Métaux

Autres

Autres secteurs82%

Agriculture18%

Sols agricoles53 %

Déjections animales

Consommationd’énergie

Fermentationentérique

30%

Autres secteurs72%

Transports28 % Routier 92%

Aérien

Fer

Maritime

Gazfluorés

Autres

Source : MIES.

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90

Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

� 3.3.1.2. Les émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie

Une vision globale des émissions liées àl’énergie, en regroupant sous la rubrique énergie(production et consommation) toutes lesconsommations de combustible par les différentssecteurs de l’économie, met en évidence lacontribution majeure de l’énergie au change-ment climatique. Les graphiques correspondantà cette nomenclature sont présentés page sui-vante.

La production et la consommation d’éner-gie pour l’année 2000 représentent en France

73% du total des émissions de gaz à effet deserre54 (hors UTCF55 et biomasse), dont 13%provenant du secteur de production de l’énergieet 60% provenant des autres secteurs consom-mateurs d’énergie (cf. encadré méthodologiquesur les inventaires réalisés par le CITEPA).

Le principal gaz à effet de serre émis est leCO2, il représente près de 70% des émissionsliées aux activités humaines, les 30% restant cor-respondent aux émissions de N2O et de CH4 (cfpoint 1. Présentation des nuisances imputables àl’énergie).

Emissions des gaz à effet de serre liées à l’énergie

(production et consommation), en Kt eq CO2(1)

CO2 CH4 N2O Total GES (y compris HFCS, PFCS, SF6)

Emissions dues à l’énergie en Kt eq CO2 380 8 7 395

Part dans le total des émissions (en %) 95 14 9 73

(1) hors UTCF et biomasse.Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

L’énergie (production et consommation)est à l’origine de 95% du total des émissionsdu seul CO2 (hors UTCF et biomasse) en 2000.Le transport, avec plus d’un tiers de ces émis-sions, constitue la première source des émis-sions dues à l’énergie (cf graphique), avec 34%imputables au transport routier. Les rejets deCO2 issus du secteur des transports n’ontd’ailleurs cessé d’augmenter (+16%) entre 1990et 2000, passant ainsi de 119 millions de tonnesde CO2 en 1990 à 138 Mt en 2000 (cf gra-phique). En 2000, on observe pour la premièrefois un recul des émissions de CO2 dues à ce sec-teur. Derrière les transports, les deux autres sec-teurs contributeurs aux émissions de CO2 dues àl’énergie sont le résidentiel-tertiaire et la combus-tion dans l’industrie.

Concernant les deux autres principaux gaz àeffet de serre, la production et la consommationd’énergie ont été facteurs en 2000 de l’émissionde 7,9 Mt éq CO2 pour le CH4 et de 6,4 Mt éqCO2 pour le N2O. Près de 57% de ces émissionsde CH4 (dues à l’énergie) proviennent des émis-sions fugitives de combustibles, 34% provien-nent du résidentiel-tertiaire. La part due auxtransports (7%) y est par contre plus faible que

pour les autres gaz à effet de serre. En effet, cesecteur contribue pour près de 57% aux émis-sions de N2O issues de l’énergie, devant le rési-dentiel-tertiaire (20%), et l’industrie manufactu-rière et la construction (13%).

54. CO2, CH2, N2O, HFCS, PFCS, SF6. 55. Changement d’utilisation des sols et sylviculture. Les changements d’utilisation des sols impliquent à la fois un déstockage de

CO2 (conversion des forêts et des prairies en terres agricoles) et un stokage de CO2 (conversion des prairies et terres agricoles enforêts ainsi que des prairies en terres agricoles non cultivées). Dans ce rapport, les émissions de CO2 sont toujours présentéeshors UTCF et biomasse.

Répartition des émissions de CO2

dues à l’énergie par secteur en 2000,

en France

Transports36%

RésidentielTertiaire

23%

Autres secteurs 3%

Industries del’énergie

17%Industriesmanufacturières

21%

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

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2. Enjeux environnementaux

91

Énergie et environnement

Evolution des émissions de CO2 dues à l’énergie entre 1990 et 2000, en France

0

50 000

100 000

150 000

200 000

250 000

300 000

350 000

400 000

450 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Secteur de l'énergie Industrie manufacturière

Résidentiel-tertaire/commercial-institutionnel/agricultureTransports

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Données d’émission : les inventaires nationaux pour la France* du CITEPA

La nomenclature utilisée dans cet inventaire est la suivante :

1. Energie A. Consommation de combustible (approche dite “sectorielle”)1. Industries de l’énergie2. Industries manufacturières et construction3. Transport4. Autres secteurs (résidentiel/commercial-institutionnel/agriculture-forêt) 5. Autre

B. Emissions fugitives des combustibles1. Combustibles solides2. Combustibles liquides et gazeux

2. Procédés industriels 5. Changement d’utilisation des sols et sylviculture3. Utilisation de solvants et autres produits 6. Déchets4. Agriculture 7. Autre

Cet inventaire a servi de base à l’évaluation globale du PNLCC (partie 3.3.1.1) et à celle concernant spé-cifiquement l’énergie (parties 3.3.1.2 et 3.3.2). En première analyse :- l’évaluation des émissions liées à l’énergie (parties 3.3.1.2 et 3.3.2) se focalise sur la combustion d’éner-gie, c’est-à-dire la rubrique 1 et sa ventilation entre secteurs. Les “émissions fugitives” des combustiblescorrespondent aux émissions liées à l’extraction, à la transformation, et à la distribution des combustiblesfossiles. On désignera ici par émissions du secteur de production de l’énergie les consommations de com-bustibles liées à la production d’énergie (1A1), ainsi que les émissions fugitives des combustibles (1B).Pour présenter les émissions, les secteurs “résidentiel” et “commercial-institutionnel” ont été isolés dansun secteur qu’on appellera ici pour simplifier “résidentiel-tertiaire”; le reste est regroupé dans les “autressecteurs” ;- l’évaluation du PNLCC, qui retient l’intégralité des émissions nationales, regroupe pour l’énergie (1A1et 1B) et ensuite attribue à chaque secteur ses consommations (rubriques 2 à 7).

Par exemple pour l’agriculture :

- Evaluation PNLCC : comprend la rubrique (4) tous GES ( y compris le CH4 émis par les animaux) plus lasous-rubrique (1A4 ) traitant de la combustion d’énergie par le secteur agricole.

- Evaluation “Energie” : comprend la sous rubrique (1A4 ) traitant de la combustion d’énergie par le sec-teur agricole.

De même pour l’industrie, on retrouvera dans l’évaluation globale présentée dans le PNLCC les émissionsde la rubrique (2) “Procédés industriels” en plus de la rubrique (1A2) traitant de la combustion dans l’in-dustrie, alors que l’évaluation des émissions liées à l’énergie ne s’intéresse qu’à cette rubrique (1A2).

* La France couvre l’ensemble constitué par la métropole, les départements et territoires d’outre-mer,ainsi que les collectivités territoriales de Saint Pierre-et-Miquelon et de Mayotte.

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92

Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

� 3.3.1.3. Comptes économiques et environnementaux intégrés,l’approche de NAMEA56

La NAMEA (National Accounting Matrixincluding Environmental Accounts) françaises’inscrit dans le cadre du développement descomptes de l’environnement mené sous l’égided’Eurostat pour le compte de la commissioneuropéenne. Tous les Etats membres de l’UnionEuropéenne sont à présent engagés dans ce pro-jet, au travers notamment de la préparation de

comptes d’émissions de polluants atmosphé-riques57 et de comptes de consommation éner-gétique. Le travail d’exploitation des données dela comptabilité nationale française lancé en1999, ainsi que les comptes d’émissions duCITEPA58 existants, ont permis la préparationd’une série chronologique de NAMEA-air pourla France couvrant la période 1980-1997. CetteNAMEA-air est ventilée en 40 branches écono-miques59 définies sur la base de la Nomenclatured’Activités Française (NAF) de l’INSEE.

56. Les principaux éléments de cette partie proviennent d’une étude réalisée pour l’Ifen sur le projet expérimental NAMEA. Ungroupe d’expertise avait été constitué pour l’occasion. Outre Régis Morvan (Ifen), en charge du projet NAMEA, et Jean-LouisPasquier (Planistat) co-pilote du groupe, celui-ci était composé de Jean-Marie Bouchereau (Ademe), Michel Braibant (INSEE),Janine Lhert (université de Bourgogne, Dijon) et Paul Konijn (Eurostat-Unité B1) ainsi que Nadine Allemand (CITEPA).

57. Eurostat, NAMEAs for air emissions - Results of pilot studies, Office for Official Publications of the European Communities,Theme 2: Economy and finance – Collection: Detailed Tables, Luxembourg, 2001, 231 p.

58. En dehors du découpage “sectoriel” agrégé (production d’énergie, industries manufacturières, transport, résidentiel-tertiaire etautres) auquel fait référence la section précédente, la nomenclature SNAP (Selected Nomenclature for sources of Air Pollution)à partir de laquelle le CITEPA réalise ses inventaires identifie les sources d’émissions sur la base de caractéristiques plutôt tech-niques (différent types d’installations de combustion, turbines, moteurs, procédés énergétiques avec contact, procédés non-éner-gétiques etc.).

59. Pour le détail sur les intitulés de ces branches ou regroupements de branches, le lecteur peut se reporter aux tableaux fournis enfin de section.

Représentation simplifiée de la NAMEA-air française

Tableau des entrées intermédiaires Emplois finals 8 polluants atmosphériques40

produits

40 branches

Comptes d’émissions (CITEPA)

Compte de production PIB

Tabelau des ressources en produits

Sa caractéristique principale étant l’alloca-tion des émissions aux différentes branches ilpourrait donc s’avérer utile pour l’attribution depermis d’émissions. La NAMEA-air permet decaractériser le profil environnemental (a) desbranches économiques et l’observation du cou-plage/découplage (b) entre l’activité économiquedes branches. Enfin, elle offre la possibilité demener des analyses de type input-output (c),celles-ci aidant à l’identification des branchesque l’on peut qualifier de “motrices” en matièred’émissions, c’est-à-dire les branches qui, au-delàde leurs propres émissions, entraînent indirecte-ment les émissions d’autres branches dont ellesstimulent la production par le biais de leursconsommations intermédiaires.

(a) Profils environnementaux des branches

Les profils environnementaux des branchesmettent en évidence les contributions de chaquebranche aux émissions des différents polluantsatmosphériques (CO2, CO, NOX et SO2) auprorata du total des branches (cf. graphiques sui-vants). On retrouve ici une nomenclature clas-sique où l’énergie (production et consommation)n’est pas isolée, contrairement à la présentationprécédente, mais dans le même esprit que le bilandu PNLCC.

L’agriculture, les industries manufacturières,la production et la distribution d’électricité et degaz et, dans une moindre mesure, les services(hors transport) se distinguent comme les princi-pales branches productrices d’émissions dont

Tableau entrées-sorties (INSEE) aménagé pour la NAMEA

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2. Enjeux environnementaux

93

Énergie et environnement

l’origine réside essentiellement dans la consom-mation énergétique. Cependant, chacun des sec-teurs présente une certaine spécificité en fonctiondes polluants. La production électrique et les ser-vices de transport se distinguent chacun auniveau d’un polluant - respectivement le dioxydede soufre (SO2) et les oxydes d’azote (NOx) -pour lequel ils contribuent pour plus de 20% desémissions. Egalement, la situation de l’industrieélectrique française est bien sûr exceptionnelle auregard notamment des émissions de dioxyde decarbone (CO2) du fait de l’origine nucléaire de latrès grande majorité de la production.

Les résultats relativement modérés du trans-port s’expliquent par la méthode utilisée : dans lescomptes d’émissions pour NAMEA, les émissionsliées au transport réalisé par les entreprises pourleur propre compte sont comptabilisées avec lesautres émissions des branches concernées (c’est-à-dire, hors de la branche transport). De plus, unepartie significative des émissions liées au transportest directement réalisée par les ménages (environ10% des émissions totales de gaz à effet de serre)60

lorsqu’ils utilisent leurs propres moyens de trans-port, or les profils sont ciblés sur les émissions desbranches de production.

Les industries manufacturières présententune très grande hétérogénéité du point de vuedes émissions. La dernière représentation gra-phique montre l’absence de relation de propor-tionnalité entre la contribution de branches autotal des émissions du secteur et leur contribu-tion à la production du secteur.

Les données utilisées sont celles de 1996 et lesbranches économiques y sont regroupées en 8 sec-teurs dont 6 - agriculture, sylviculture et pêche;industries extractives minières ; industries manu-facturières ; production électrique, distribution degaz et d’eau ; construction et services de transports -correspondent aux regroupements par sections de laNomenclature générale des Activités économiquesdans les Communautés Européennes (NACE)61 . Lecommerce, les hôtels et restaurants sont regroupésdans un secteur unique, ainsi que l’ensemble desservices (hors transport).

Profils environnementaux des branches regroupées en 8 secteurs (1996)

60. Jean-Marie Bouchereau, “La voiture particulière et le chauffage contribuent de façon croissante à l’effet de serre”, Institut fran-çais de l’environnement, Les données de l’environnement, n° 61, décembre 2000, 4 p.

61. La Nomenclature d’Activité Française (NAF) utilisée par l’INSEE correspond à la version de la NACE pour le France. La numé-rotation à laquelle il est fait référence au cours de la section est donc valable pour les deux versions, européenne et française.

01-05 Agriculture, sylviculture, pêche et aquaculture 10-14 Industries extractives

15-37 Industries manufacturières 40-41 Électricité, gaz, chauffage urbain et eau potable

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

Source : Ifen.

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94

Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Profils environnementaux des branches regroupées en 8 secteurs (1996) (suite)

45 Construction 50-55+93 Commerces, hôtels et restaurants etautres services

60-64 Transports, télécommunications et postes 65-95 Services (hors services de transport)

Profil des industries manufacturières en matière d’émissions (1996)

0% 10% 20% 30% 40% 50%

Industrie agro-alimentaire et du tabac

Industrie textile, habillement, cuir et chaussures

Travail du bois et fabrication d'articles de bois

Industrie du papier et du carton

Edition, imprimerie, reproduction

Cokéfaction, raffinage, (industrie nucléaire)

Industrie chimique

Industrie du caoutchouc et des plastiques

Fabrication du verre et des articles en verre

Autres produits minéraux non-métalliques

Métallurgie des métaux ferreux

Métallurgie des métaux non-ferreux

Travail des métaux

Fabrication de machines et d'équipements

Appareils électriques et électroniques

Industrie automobile

Fabrication d'autres matériels de transport

Fabrication de meubles - industries diverses

15-16

17-19

20

21

22

23

24

25

26.1

26.2-8

27.1-3

27.4-5+37

28

29

30-33

34

35

36

Parts dans le total des industries manufacturières

Production CO2 NOx SO2

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90%100%

Production

CO2

NOx

SO2

CO

Parts dans le total des industries

Source : Ifen.

Source : Ifen.

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2. Enjeux environnementaux

95

Énergie et environnement

(b) Couplage/découplage entre l’activité éco-nomique des branches et leurs émissions.

Il est intéressant d’observer l’évolution desliens qui existent entre le niveau de l’activité éco-nomique et le niveau des émissions atmosphé-riques polluantes qui lui sont associées. Lorsquece lien est positif on parle de couplage entre éco-nomie et pollution, lorsque ce n’est pas le cas onparle de découplage. L’observation du cou-plage/découplage issue des graphiques précédentsest basée sur les données des années 1980-1997.Les branches ont été regroupées selon les mêmessecteurs que pour les profils environnementauxprésentés précédemment donc l’énergie n’appa-raît pas. Cependant, les deux secteurs – indus-tries extractives et construction - dont les contri-butions sont les plus modestes ne sont pas reprisici. Seules les émissions de CO2, SO2 et NOxsont prises en compte avec la production commevariable économique.

Tout comme dans les autres pays de l’UnionEuropéenne62, le SO2 est le polluant pourlequel on observe le plus net découplage,même pour la production d’électricité qui est leplus gros émetteur derrière l’ensemble des indus-tries manufacturières. Cela est rendu possible parles techniques de désulfuration et la substitu-tion de produits énergétiques moins riches ensoufre. Il est également possible de réduire lesémissions de CO2 en changeant de combustible,comme lorsque l’on passe du charbon ou desproduits pétroliers au gaz naturel. Cependant,l’effet est souvent moindre que pour le SO2 et il

semble difficile aujourd’hui de disposer pour lesémissions de CO2 d’une technique équivalente àcelle de la désulfuration. La production élec-trique française présente néanmoins un très netdécouplage entre sa production et ses émissionsde CO2 du fait de la mise en œuvre d’une pro-duction majoritairement d’origine nucléaire.

Notons, tout de même que pour le secteurdu transport, le découplage entre production etSO2 ne s’amorce qu’à partir du milieu des années1990, alors pour que les autres secteurs il com-mence dès le début des années 1980. Enfin, en cequi concerne les services, l’évolution de la pro-duction est telle (échelle jusqu’à 250) que mêmeles émissions de SO2 ne baissent pas malgré ledécouplage. C’est-à-dire que, malgré le décou-plage (relatif ) entre production et émissions, l’ef-fet d’échelle lié au volume de la production com-pense l’amélioration de l’intensité émettrice63 dela production unitaire. Pour les deux autres pol-luants, l’effet d’échelle pèse plus nettementencore.

S’agissant des deux secteurs -agriculture etindustries manufacturières - dont les contribu-tions relatives aux émissions totales des industriessont les plus importantes, nous pouvons obser-ver un certain découplage pour le SO2 et, dansune moindre mesure, le NOx. Pour ce quiconcerne le CO2, alors que les émissions desindustries manufacturières baissent, bien qu’à unrythme moindre que pour les deux autres pol-luants, le couplage avec la production agricolepersiste.

62. Eurostat, NAMEAs for air emissions - Results of pilot studies, Op. cit., 2001.63. Cf définition dans l’encadré sur le calcul des émissions cumulées en fin de section.

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96

Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Couplage produit-émissions des branches groupées en secteurs (1996)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

Produit Emissions de dioxyde de carbonne (CO2)

Emissions d'oydes d'azote (NOx) Emissions de dioxyde de soufre (SO2)

01-05 Agriculture, sylviculture, pêche et aquaculture

10-14 Industries extractives

15-37 Industries manufacturières

Source : Ifen.

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2. Enjeux environnementaux

97

Énergie et environnement

Couplage produit-émissions des branches groupées en secteurs (1996) (suite)

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

0

50

100

150

200

250

1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

1980 = 100

Produit Emissions de dioxyde de carbonne (CO2)

Emissions d'oydes d'azote (NOx) Emissions de dioxyde de soufre (SO2)

40-41 Électricité, gaz, chauffage urbain et eau potable

60-64 Transports, télécommunications et postes

65-95 (93) Services (hors services de transport et autres services)

Source : Ifen.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

(c) Analyse input-output

NAMEA permet une allocation des émis-sions aux différents produits de la demandefinale : in fine sont affectées à chacun d’entre euxles émissions directement associées à leur pro-

duction. Cette rétrocession est effectuée à partirdes échanges interindustriels retracés dans leTableau des Entrées Intermédiaires (TEI)64. Pourplus de précisions sur la méthode et pour lire lestableaux détaillés se reporter en annexe.

Calcul des émissions cumuléesSi le vecteur des ressources totales des branches est noté X, celui des emplois finals des produits Y, auxquelsil faut ajouter la matrice A des coefficients techniques (aij) et I la matrice identité de même dimension quecelle de A, l’équilibre comptable que forme le TES de l’INSEE peut s’exprimer de la façon suivant :

AX + Y = X ⇔ [I - A] X = Y (1)

Les coefficients techniques résultent du rapport entre les consommations intermédiaires de la branche ien produit j (Cij) et le la total des ressources de la branche j (aij = Cij / Xj). Ils correspondent à la consom-mation (dépense) de chacun des produits nécessaires à la réalisation d’une unité monétaire du produitde la branche considérée. Par exemple, pour produire un franc dans la branche j, il faut a1j franc de pro-duit 1, a2j franc de produit 2 et ainsi de suite jusqu’au anj franc de produit n.

Dans la mesure où la matrice [I - A] est inversible, son inverse - [I - A]-1 - permet d’exprimer la productionen fonction de la demande finale (équation 2). Les coefficients d’interdépendance qui composent cettedernière matrice représentent en effet les productions (valeurs monétaires) directement et indirectementnécessaires à la satisfaction de la demande finale de chacun des produits des branches. Par exemple, ennotant bij ces coefficients, pour satisfaire un franc de la demande finale du produit i, il faudra produireb11 francs de produit 1, b21 francs de produit 2 et ainsi de suite jusqu’à bn1 franc de produit n.

X = [I - A]-1 Y (2)

La formulation des relations d’interdépendance entre branches par l’équation 2 est extensible à la priseen compte de l’environnement. C’est à partir de cette équation qu’est effectuée l’évaluation des émis-sions polluantes cumulées des branches de production, c’est-à-dire les émissions directement et indirec-tement associées à la satisfaction de la demande finale des produits. Notons que cette méthode est appli-cable au calcul de consommations énergétiques cumulées.

L’utilisation de l’équation 2 pour la prise en compte des émissions polluantes passe par le calcul d’inten-sités polluantes (epj) ou intensités émettrices (directes) du produit des branches. Ces intensités rappro-chent en effet la quantité physique d’émissions du polluant p générée par la branche j (empj) avec le pro-duit monétaire (Xj) réalisé par cette même branche (epj = empj (kg) / Xj (francs). Pour chacun des polluantsp, l’ensemble des epj forme le vecteur (Ep) des intensités en polluant p des produits des branches (comptesd’émissions du CITEPA). A partir de là, et toujours pour chacun des polluants p, il devient possible d’éva-luer le vecteur d’émissions polluantes cumulées (ECp) associé à la demande finale des produits, de la façonsuivante :

ECp = Ep [I - A]-1 Y (3)

L’effet, en termes d’émissions, des échanges interindustriels est alors exprimé dans le résultat du produitde la matrice des coefficients d’interdépendance par les intensités polluantes directes ([I - A]-1 Ep) duquelrésulte ce que nous pouvons appeler les intensités polluantes cumulées ou intensités émettrices cumulées(ecpj) des produits des branches. Celles-ci correspondent alors à la masse d’émission polluante p généréedirectement et indirectement (associée aux consommations intermédiaires) pour la production de chaqueunité monétaire du produit des branches. Enfin, sur la base de la relation biunivoque entre produit i etbranche j, ces intensités cumulées, une fois associées au vecteur de demande finale (Y), permettent l’éva-luation du niveau des émissions cumulées consécutif à la satisfaction de la demande finale des biens etservices i produits par les branches j.

64. Voir en début de section la représentation simplifiée de la NAMEA-air française.

A partir d’un rapide tour d’horizon, nouspouvons observer, par exemple, que des produc-tions comme l’agriculture (01), la cokéfactionet le raffinage (23), l’électricité (40), ainsi queles services de transport terrestre (60) ou lesservices d’assainissement (90) sont plutôtdirectement responsables de leurs émissions(l’indice est proche de 100, excepté pour certainspolluants comme par exemple le méthane ou

l’ammoniac qui ne sont pour l’essentiel pas liés àleurs consommations énergétiques). Enrevanche, les activités comme celles de l’indus-trie agro-alimentaire (15-16), de l’édition et l’im-primerie (22), la fabrication des équipements etdes matériels de transport (29 à 35) ont un rôled’entraînement plutôt important sur les émis-sions des autres branches (indices très élevés pourla plus grande par des polluants).

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

Prenons maintenant l’exemple de la produc-tion et la distribution d’électricité. Elle consommeen fait assez peu des produits des autres branches.Exceptés les produits de la métallurgie des métauxnon ferreux, sa plus importante consommationintermédiaire consiste dans l’autoconsommationd’électricité. La production électrique nécessitebien des travaux de construction, des équipementsélectriques et des consommations de combustiblesou encore divers services, mais tous ces élémentsreprésentent des valeurs inférieures (lecture encolonne du TEI dans le TES). Il résulte de cettesituation que, la part des émissions cumulées de labranche de production d’électricité est inférieure àcelle que représente ses émissions dans le total desémissions des branches pour la plupart des pol-luants considérés ici (dans le tableau 165, les indicesde la production électrique sont proches de 100pour la moitié des polluants : CO2, N2O, NOx etSO2). En revanche, et bien qu’elle reste modeste,la part de ses émissions cumulées de CH4 est com-parativement élevée par rapport à sa très faiblecontribution dans les émissions totales desbranches. Cela s’explique alors essentiellement parses consommations en produits de l’extraction dehouille et de lignite dont l’intensité émettrice enCH4 est particulièrement élevée (le produit de ladistribution de gaz qui présent une intensitéencore plus élevée n’entre que pour une faible partdans les consommations intermédiaires de la pro-duction électrique française). D’autant que, l’élec-tricité représente à peine plus de 1% de lademande finale.

Prenons maintenant l’exemple de la branchede la construction. Elle représente 2% des émis-sions de CO2 de l’ensemble branches, maispresque 12% des émissions cumulées (tableau 265),dépassant ainsi le niveau de sa part (8%) dans lademande finale (notons dans le tableau 165 que, lesémissions cumulées valent six fois les émissionsdirectes de la demande finale). La construction estconsommatrice de nombreux produits des indus-tries manufacturières, tels que, notamment, ceuxdu travail du bois (0,07 milliers de tonnes par mil-lion de francs), de la cokéfaction et du raffinage(0,13) et des produits minéraux non métalliques(0,29) dont les intensités émettrices en CO2(chiffres entre parenthèses) sont relativement éle-vées. Alors que sa propre intensité est plutôt faible(0,00079). Rappelons que les industries manufac-turières émettent 40% du CO2 des branches (gra-phique illustratif de la répartition du CO2).

Notons qu’il est également possible derechercher les effets des relations inter-indus-trielles en partant des branches qui présentent defortes intensités émettrices, puis en repérant lesendroits où elles transmettent leur influence enlisant le TEI en ligne, c’est-à-dire en observantcomment se répartissent les consommationsfaites des produits concernés parmi les autresbranches. En revenant sur le cas de la forte inten-sité en CH4 de la distribution de gaz, nousconstatons que l’influence de cette forte intensitéest principalement transmise à l’industrie de lacokéfaction et du raffinage. En effet, les émis-sions cumulées de CH4 de cette branche attei-gnent 2% du total, alors que la même branche nereprésente que 0,05% du total des émissions deCH4 produites par les branches65.

Notons enfin que, la transmission de l’in-fluence des branches entre elles est, plus oumoins rapidement, atténuée par l’importanceque prend en fin de compte la demande finale.Cela est, par exemple, assez net avec l’industrieagro-alimentaire (15-16). Ses émissions cumu-lées de NOx, pour prendre un polluant dont lesémissions sont largement liées à la consomma-tion d’énergie, représentent 15% du total, alorsqu’elle ne produit directement qu’à peine 2% desémissions des branches. Les consommationsintermédiaires de l’industrie agro-alimentaireproviennent pour plus 50% de l’industrie agri-cole dont la production génère à l’origine plus de25% des émissions de NOx. Cependant, l’indus-trie agro-alimentaire ne transmet que très par-tiellement l’effet indirect aux autres branches,dans la mesure où une très large part de ses pro-duits est consommée par les ménages. Plus queles échanges interindustriels, ici c’est donc lademande finale qui joue un rôle déterminant.

En conclusion deux orientations complé-mentaires ont été proposées par le groupe de tra-vail constitué en 2002 autour de la préparationde la NAMEA-air française, afin de mieuxexploiter encore les qualités du modèle input-output sur lequel cette matrice est basée. L’unede ces orientations concerne la mise œuvre d’uneméthode d’analyse de décomposition des chan-gements structurels rendue maintenant envisa-geable grâce à la série chronologique disponiblepour la période allant de 1980 à 1997. Avec l’ap-proche structurale, la seconde proposition s’at-tache plutôt à approfondir l’étude du chemine-ment des influences des branches exercées les

65. Cf tableaux 1 et 2 de l’annexe correspondante.

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

unes sur les autres. Pour le développement de lapremière de ces méthodes d’analyse notamment,la préparation de comptes de consommationénergétique (exprimées en termes physiques)pour la NAMEA prend alors un caractère priori-taire. Parmi les facteurs de changement générale-ment analysés dans ce cadre on trouve en effetl’intensité émettrice des différentes consomma-tions énergétiques, l’intensité énergétique duproduit des branches ainsi que la répartition desdifférents produits énergétiques dans leurconsommation énergétique totale. Les comptesde consommation énergétique qui devraient enrésulter seront directement associés aux comptesd’émissions atmosphériques. D’une part, l’affec-tation des consommations d’énergie auxbranches économiques sera effectuée selon lesmêmes principes que pour les données d’émis-

sions. D’autre part, ces comptes couvriront defaçon ciblée les usages énergétiques responsablesd’émissions atmosphériques.

3.3.2. La contribution de l’énergie à la pollution atmosphérique locale(CITEPA)

D’après les bilans du CITEPA, la produc-tion et la consommation d’énergie représen-tent la majorité, voire la quasi-totalité desémissions des polluants locaux étudiés (CO,NOx, COVNM, SO2) - cf tableau sur la réparti-tion en % des émissions en 2000, pour la France.Dans cette partie la rubrique énergie regroupe lesémissions dues à l’énergie, production etconsommation (cf point 3.3.1.2. encadré sur lesinventaires du CITEPA).

Répartition des émissions en 2000, pour la France

CO NOx COVNM SO2

Énergie 83% dont 98% dont 44% dont 97% dontprès de la totalité 88% dues près de 90% plus de 50%due à l’utilisation à l’utilisation dues à l’utilisation dues au secteur

de l’énergie de l’énergie de l’énergie de production d’électricité

Procédés industriels 12% 1% 4% 2%

Utilisation de solvants et autres produits 0 0 29% 0

Agriculture 0 0 1% 0

Changement d’utilisation des sols et sylviculture 1% 0 20% 0

Déchets 4% 1% 2% 1%

Total 100% 100% 100% 100%

Total (niveau en kt) 6 771 1 508 2 150 715

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Pour chacun de ces polluants excepté le SO2,le transport représente, en 2000, plus de la moitiédes émissions dues à l’énergie, en France (gra-phiques ci-après). La part due à l’utilisation del’énergie par le secteur résidentiel-tertiaire est éga-lement importante pour le CO (31% des émis-

sions dues à l’énergie) et les COVNM (22% desémissions dues à l’énergie). Plus de la moitié desémissions de SO2 provient de la productiond’énergie, puis de la combustion dans l’industrie(31%).

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2. Enjeux environnementaux

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Énergie et environnement

Entre 1990 et 2000, le niveau des émissionsde chacun de ces polluants a fortement diminué,en particulier dans les transports pour ce quiconcerne le CO, le NOx, le SO2, et les COVNM(graphiques ci-après). La diminution de la teneuren soufre dans les carburants (50 ppm aujour-d’hui), l’évolution de la technologie des véhicules(introduction et évolution technologique du pot

catalytique) notamment ont contribué à la baissedes émissions de ces polluants. L’utilisation decharbon à faible teneur en soufre, ainsi que l’in-tégration d’installations de désulfuration des gazde combustion dans les centrales électriques(directive GIC) ont également joué en faveurd’une baisse des émissions de ces polluants.

Répartition des émissions de CO

dues à l’énergie par secteur en 2000,

en France

Répartition des émissions de NOx

dues à l’énergie par secteur en 2000,

en France

Répartition des émissions de COVNM

dues à l’énergie par secteur en 2000,

en France

Répartition des émissions de SO2

dues à l’énergie par secteur en 2000,

en France

Transports50%

RésidentielTertiaire

31%

Industriesmanufacturières

14%

Autres secteurs5%

Transports54%

RésidentielTertiaire

7%

Industriesmanufacturières

11%

Autres secteurs16%

Industriesde l’énergie

12%

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E. Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E. Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Transports57%

RésidentielTertiaire

22%

Industriesmanufacturières

1%

Autres secteurs9%

Industriesde l’énergie

11%

Transports5%

RésidentielTertiaire

9%

Industriesmanufacturières

31%

Autres secteurs3%

Industriesde l’énergie

52%

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

Evolution des émissions de CO dues à l’énergie entre 1990 et 2000, en France

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Evolution des émissions de NOx dues à l’énergie entre 1990 et 2000, en France

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

Evolution des émissions de COVNM dues à l’énergie entre 1990 et 2000, en France

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

0

2 000

4 000

6 000

8 000

10 000

12 000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Secteur de l'énergie Industrie manufacturière

Résidentiel-tertaire/commercial-institutionnel/agriculture Transports

01990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Secteur de l'énergie Industrie manufacturière

Résidentiel-tertaire/commercial-institutionnel/agriculture Transports

500

1 000

1 500

2 000

2 500

01990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Secteur de l'énergie Industrie manufacturière

Résidentiel-tertaire/commercial-institutionnel/agriculture Transports

500

1 000

1 500

2 000

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2. Enjeux environnementaux

103

Énergie et environnement

Conclusion

Les enjeux environnementaux de l’énergiesont majeurs en terme de pollutions diffuses desmilieux mais aussi en termes de risques. L’énergieest à l’origine d’une grande partie de la pollutionatmosphérique : la production et la consomma-tion d’énergie représentent les trois quarts desémissions nationales de gaz à effet de serre et lamajorité, voire la quasi-totalité, des émissions despolluants locaux. Le premier bilan du Pro-gramme national de lutte contre le changementclimatique effectué à l’automne 2002 montreque les évolutions du transport et du résidentiel-tertiaire sont préoccupantes. Ces deux secteurs,qui représentent ensemble la moitié des émis-sions de gaz à effet de serre, voient celles-cicroître à tel point que la croissance des émissionsdu seul secteur des transports annule les progrèsréalisés par l’industrie.

Seule une réelle évaluation du coût social deces externalités peut permettre la gestion de cebien public qu’est l’atmosphère. Les avantagesdécoulant de l’usage de l’énergie doivent êtremesurés à l’aune des inconvénients induits afinde progresser vers une société plus économe deressources non reproductibles. Les évaluations àconduire sont certes complexes mais un cadregénéral d’évaluation des impacts environne-mentaux existe : l’analyse de risque permet decirconscrire l’incertitude qui entoure certainsphénomènes environnementaux et l’évaluationéconomique donne au décideur public lemoyen de comparer entre elles les politiquespubliques. En pratique, les études ont beau-

coup progressé sur la période récente et, aujour-d’hui, des éléments robustes existent sur lescoûts externes de l’énergie.

De ces études on retiendra que :

• Les travaux d’évaluation devraient se pour-suivre afin d’étendre le champ des produits et desfilières évalués - les coûts sociaux des énergiesrenouvelables par exemple doivent faire l’objetd’analyses même si ces énergies sont plus propresdu point de vue de la pollution atmosphérique -,afin également de faire progresser les méthodolo-gies (valorisation de la mortalité, de la tonne deCO2…).

• Les montants en jeu sont importants àl’échelle des pays. Aucune évaluation exhaustiven’existe mais les exemples de l’électricité pour laproduction et des transports pour la consomma-tion sont significatifs. Les coûts externes du sec-teur de l’électricité sont de l’ordre de 1% du PIBdans les pays de l’Union Européenne et ceci bienqu’il ne s’agisse que d’une valorisation partielle(ExternE). Le coût social de l’exposition aux par-ticules émises par les transports en France repré-sente de son côté près de 40 millions d’eurosannuels dont les trois quarts sont dus à la morta-lité (30 000 décès prématurés de 10 ans évaluéchacun à près d’un million d’euros) et un quart àla morbidité (bronchite chronique…).

Ces premiers résultats montrent que l’inter-nalisation des coûts externes de l’énergie est sus-ceptible de modifier substantiellement les choixde sources énergétiques de même d’ailleurs queles choix de mobilité.

Evolution des émissions de SO2 dues à l’énergie entre 1990 et 2000, en France

Source : Citepa/format UNFCCC, 2002, calculs D4E.

01990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Secteur de l'énergie Industrie manufacturière

Résidentiel-tertaire/commercial-institutionnel/agriculture Transports

500

1 000

1 500

2 000

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Données économiques de l’environnement

Rapport de la Commision des comptes et de l’économie de l’environnement

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