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CDS 159 CDS 16 F bis Original : anglais Assemblée parlementaire de l’OTAN COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SÉCURITÉ BALKANS OCCIDENTAUX : LES DÉFIS POSÉS PAR L’INTÉGRATION EUROPÉENNE ET EURO-ATLANTIQUE RAPPORT SPÉCIAL Ulla SCHMIDT (Allemagne) Rapporteure spéciale

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CDS

159 CDS 16 F bisOriginal : anglais

Assemblée parlementaire de l’OTAN

COMMISSION SUR LA DIMENSION CIVILE DE LA SÉCURITÉ

BALKANS OCCIDENTAUX : LES DÉFIS POSÉS PAR L’INTÉGRATION

EUROPÉENNE ET EURO-ATLANTIQUE

RAPPORT SPÉCIAL

Ulla SCHMIDT (Allemagne)Rapporteure spéciale

www.nato-pa.int 20 novembre 2016

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TABLE DES MATIÈRES

I. INTRODUCTION..................................................................................................................1

II. TENSIONS INTER-ETHNIQUES ET QUESTIONS DE STATUT........................................1

III. PROGRAMMES DE RÉFORMES : DÉMOCRATIE, DROITS HUMAINS, ÉTAT DE DROIT ET DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE.....................................................6

IV. SOUTIEN DES POPULATIONS EN FAVEUR DE L’INTÉGRATION................................12

V. NOUVEAUX ENJEUX : LA CRISE DES RÉFUGIÉS, LA CRISE MIGRATOIRE ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS.........................................................................................14

IV. CONCLUSIONS.................................................................................................................16

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I. INTRODUCTION

1. Vingt-cinq ans après l’éclatement de la Yougoslavie communiste, les Balkans occidentaux restent un dossier en suspens pour l’Europe. S'il est généralement admis que l’avenir de la région réside dans l’intégration européenne et euro-atlantique, les étapes vers l’adhésion ont été semées de nombreuses embûches, notamment les clivages interethniques persistants – voire croissants – et le manque de progrès socio-économiques substantiels dans certaines parties de la région. L’adhésion à l’OTAN de l’Albanie, de la Croatie, de la Slovénie et la future adhésion du Monténégro ont apporté davantage de stabilité et de sécurité dans la région. Cependant, les perspectives d’adhésion des autres pays des Balkans occidentaux sont minces. En effet, d’une part, les responsables politiques locaux sont confrontés à des problématiques intrinsèquement complexes héritées du passé, telles que les questions de statut et de dispositions constitutionnelles et, d’autre part, la communauté euro-atlantique a perdu son élan d’extension, en particulier dans le contexte international actuel où d’immenses difficultés émergent à l’est, au sud-est, mais aussi au sud.

2. Ce rapport a pour objectif d’exhorter la communauté euro-atlantique et les législateurs des Balkans occidentaux à renforcer leur engagement en faveur de l’avenir européen de la région. L’incapacité à réaliser des progrès en vue d’une intégration européenne et euro-atlantique pourrait entamer le soutien de la population à l’égard des réformes européennes et favoriser la montée des forces ultra-nationalistes qui apportent des solutions « simples », notamment en accusant d’autres groupes ethniques d’être responsables des problèmes existants. L’émergence de nouveaux problèmes – les demandeurs d’asile venus d’un Moyen-Orient déchiré par la crise et le phénomène des combattants étrangers – risque d’exacerber davantage les difficultés régionales. Néanmoins, les problèmes des réfugiés et de la migration agissent également comme un facteur externe qui oblige les nations des Balkans à surmonter leurs désaccords et à intensifier leur coopération. Il s’agit d’une occasion qu’il faut saisir.

3. Bien que les perspectives d’intégration UE/OTAN ne soient pas la solution miracle à tous les problèmes des Balkans occidentaux, elles restent un vecteur essentiel pour parvenir au développement et à la stabilité de la région. Les chapitres suivants reviendront sur les divers obstacles qui entravent les projets d’intégration, que ce soit les relations interethniques complexes, la faiblesse de l’État de droit ou le développement socio-économique irrégulier.

II. TENSIONS INTER-ETHNIQUES ET QUESTIONS DE STATUT

4. Plus de 20 ans après la conclusion des accords de paix de Dayton, qui ont mis un terme au conflit meurtrier en ex-Yougoslavie, la Bosnie-Herzégovine doit encore composer avec des tensions ethniques profondes. Le pays a fait de son adhésion à l’OTAN et à l’UE sa priorité stratégique. Les trois membres de la présidence, y compris un représentant de la communauté serbe de Bosnie, ont adopté cet objectif bien que le soutien de la population à l’adhésion à l’UE et surtout à l’OTAN, varie considérablement dans les différentes entités du pays. La Bosnie-Herzégovine a fait une demande officielle d’adhésion à l’UE. Le pays s’est également vu proposer un Plan d’action pour l’adhésion à l’OTAN (MAP) en 2010, qui est en attente de la résolution d’une question essentielle relative aux biens immobiliers de défense1.

5. Néanmoins, les clivages entre les responsables politiques des trois principaux groupes ethniques de la Bosnie-Herzégovine persistent et pourraient se creuser davantage, ce qui mettrait en péril les progrès vers les normes de l’UE (et de l’OTAN). Les responsables politiques, que ce soit à Sarajevo ou à Banja Luka, n’ont pas été en mesure de renoncer complètement à la rhétorique nationaliste étroite et de se concentrer comme il se doit sur l’application des réformes nécessaires. Les partis politiques créés sur une base pluriethnique – baptisés « partis civiques » –

1 Tous les biens immobiliers de défense du pays doivent être enregistrés en tant que biens de l'État pour pouvoir être utilisés par le ministère de la Défense du pays.

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perdent progressivement le soutien de la population et ont été mis en échec lors des élections locales en octobre 2016. Selon le recensement de 2013, moins de 4 % de la population se considère comme authentiquement bosniaque.

6. La Republika Srpska (RS), présidée par Milorad Dodik, a lancé des initiatives et prononcé des déclarations provocantes à l’égard de Sarajevo et du bureau du haut représentant2, visant à réaffirmer la souveraineté de la RS. En 2015, le président Dodik a annoncé que cette entité organiserait un référendum sur l’autorité de la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine sur les citoyens de la RS. Suite à des pressions nationales et internationales, M. Dodik a accepté de reporter le référendum. Les dirigeants de la RS ont toutefois annoncé l’organisation, le 25 septembre 2016, d’un nouveau référendum concernant l’instauration, dans la Republika Srpska, du 9 janvier comme jour de fête nationale. La question est source de divisions sur le plan ethnique car cette date est associée aux ambitions sécessionnistes des Serbes de Bosnie. De plus, par le passé, la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine s’était opposée à faire de cette date une fête nationale. En l’absence de soutien de la part du Conseil de mise en œuvre de la paix (PIC) – un organisme international chargé de superviser la mise en œuvre des accords de Dayton –, le Haut représentant, Valentin Inzko, s’est abstenu d’user de ses pouvoirs pour annuler le référendum. Le 17 septembre, la cour constitutionnelle a rendu un arrêt s’opposant à l’organisation de cette consultation. Or, les arrêts de la cour constitutionnelle sont pour la plupart ignorés par Banja Luka, et le référendum a donc eu lieu quand même, le 25 septembre. Les votes ont mis en évidence un soutien quasi-unanime (99 %) à l’instauration du 9 janvier comme jour de fête nationale, mais avec un taux de participation modeste (seulement 56 %). Bien que ce référendum n’eût pas pour objet la sécession de la RS, son résultat ne manquera pas d’entraîner une exacerbation des tensions entre les Serbes de Bosnie et le reste du pays. L’absence de réaction énergique de la part du PIC et du bureau du haut représentant pourrait encourager de nouvelles tentatives de sabordement des accords de Dayton.

7. De surcroît, les responsables de la RS continuent de travailler sur des initiatives telles que l’abolition de la Chambre des peuples au sein de l’Assemblée nationale de cette entité (qui joue un rôle essentiel dans la protection des groupes ethniques non serbes de cette entité). Par ailleurs, M. Dodik a suspendu la coopération avec les services de sécurité de Bosnie-Herzégovine et s’est opposé à l’initiative de création d’un dispositif national pour coordonner la lutte antiterroriste. Malgré l’irritation profonde que cela provoque à Sarajevo, il entretient de bonnes relations avec le Premier ministre serbe, Aleksandar Vucic et lui donne également la possibilité d’exercer une influence positive sur les voisins de la RS. M. Vucic a refusé de soutenir publiquement le référendum du 25 septembre dans la Republika Srpska.

8. L’intensification notable des politiques anti-Sarajevo menées par les responsables de la RS peut s’expliquer en partie par les difficultés économiques croissantes de la RS. Le secteur bancaire, en particulier, est soumis à de graves difficultés. L’opposition à Sarajevo pourrait être analysée comme une utilisation des sentiments nationalistes en vue de mobiliser la population en faveur des responsables actuels de la RS. Il convient de noter que les principaux partis d’opposition de la RS critiquent la position intransigeante du président Dodik et prônent une approche beaucoup plus constructive envers Sarajevo. Le fait que les opposants à M. Dodik soient membres de la coalition au pouvoir à Sarajevo explique également les tensions qui existent entre Sarajevo et Banja Luka. La victoire convaincante du parti de M. Dodik aux élections locales d’octobre 2016 pourrait bien renforcer la confiance de Banja Luka à l’égard de Sarajevo.

9. Concernant l’intégration de la Bosnie-Herzégovine à l’OTAN et à l’UE, les dirigeants de la RS ont obtenu ce qui équivaut à un droit de veto. L’UE a dans un premier temps identifié les conditions préalables pour que le pays puisse envisager l’adhésion, à savoir : apporter des changements à la constitution pour se conformer à l’arrêt rendu sur l’affaire Sejdic-Finci3 ; adopter

2 Bureau créé en 1995 dans le but de surveiller la mise en application des accords de Dayton. 3 Cette décision de 2009 de la Cour européenne des droits de l'homme exige de la Bosnie-Herzégovine

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une législation en matière d’aides d’État ; organiser le recensement de la population à l’échelle nationale4 et mettre en place un système pleinement opérationnel de coordination interinstitutionnelle des politiques d’intégration européenne.

10. La Bosnie-Herzégovine a réussi à adopter une loi sur les aides d’État et a organisé un recensement en 2013. Cependant, en raison des sensibilités interethniques, la publication des résultats de ce recensement a été reportée pendant trois ans. Les résultats ont finalement été rendus publics par l’Agence statistique bosniaque en juin 2016. Ils ont suscité de vives réactions, notamment de la part de la classe politique de la RS, qui a refusé de les accepter en invoquant des désaccords quant à la méthode employée. Ce recensement – le premier depuis le démantèlement de la Yougoslavie – révèle en fait que les Bosniaques représentent aujourd’hui plus de la moitié (50,11 %) de la population dans un pays où la paix repose principalement sur le principe de l’équilibre entre les trois « peuples constituants », à savoir les Bosniaques, les Serbes et les Croates. Les Serbes représentent 30,78 % de la population, et les Croates 15,43 %. Une autre information fournie par le recensement est que les groupes ethniques sont restés concentrés dans leurs entités respectives : 92 % des Serbes vivent dans la Republika Srpska, tandis qu’un pourcentage similaire de Bosniaques et de Croates résident dans la Fédération.

11. S’agissant plus spécifiquement du processus d’intégration à l’UE, il a été jusqu’à récemment pratiquement gelé par le fait que la constitution n’ait pu être amendée pour respecter la décision rendue sur l’affaire Sejdic-Finci. Les responsables politiques de la Bosnie-Herzégovine, et en particulier ceux de la RS, s’opposaient à ces amendements, craignant que la révision du système de Dayton aille à l’encontre des droits des groupes ethniques représentés. Au début de l’année 2014, la frustration suscitée par l’absence de progrès a provoqué une série d’émeutes.

12. Afin de sortir de l’impasse, les gouvernements allemand et britannique ont lancé, en novembre 2014, une initiative permettant d’abandonner la condition préalable de conformité à la décision rendue sur l’affaire Sejdic-Finci, à condition que les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine s’engagent fermement à mener un programme de réformes ambitieux. Cette initiative a donné un nouvel élan au processus d’intégration et a encouragé les nouveaux dirigeants bosniens, arrivés au pouvoir après les élections de 2014, à lancer une série de réformes. L’accord de stabilisation et d’association entre la Bosnie-Herzégovine et l’UE est entré en vigueur en juin 2015 et, en février 2016, encouragée par un rapport positif de la Commission européenne, la Bosnie-Herzégovine a fait une demande d’adhésion officielle auprès de l’UE. La situation est ensuite restée au point mort car les dirigeants de la RS ont refusé d’accepter ce qu’ils considèrent comme l’adoption unilatérale et opaque de mécanismes visant à coordonner les travaux des diverses institutions de la Bosnie-Herzégovine dans le but d’adhérer à l’UE. Le 31 juillet 2016, les responsables des principaux partis politiques serbes et bosniaques sont toutefois parvenus à surmonter leurs désaccords. Les dirigeants de la RS ont accepté le dispositif proposé – à savoir coordonner les activités des diverses institutions de la Bosnie-Herzégovine dans l’optique de l’adhésion à l’UE – et approuvé une stratégie nationale en matière de transport. Les dirigeants bosniaques ont également fait des concessions sur le plan économique. Cet accord a envoyé un signal positif à la communauté internationale et pourrait convaincre le FMI d’accorder à la Bosnie-Herzégovine un prêt de 550 millions d’euros sur trois ans, qui aiderait probablement le pays à stabiliser son économie.

qu'elle modifie sa constitution afin de permettre aux minorités ethniques de se présenter à des postes de direction au sein du gouvernement qui sont actuellement réservés aux trois « peuples constituants » : les Bosniaques, les Serbes et les Croates.

4 Le recensement de la population est une question sensible pour la Bosnie-Herzégovine. Il est nécessaire de disposer de statistiques fiables et récentes pour une planification économique saine, la prestation des services publics et le développement général du pays. Néanmoins, les groupes ethniques du pays sont inquiets des éventuelles implications politiques des conclusions de ce recensement.

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13. Le processus d’intégration à l’OTAN n’a pas eu le même succès, principalement en raison des progrès limités sur la question de la propriété des biens de défense. Si la réforme de la défense en Bosnie-Herzégovine semble être la plus fructueuse des réformes engagées par le pays (des forces armées unies – aux niveaux des régiments et au-delà – ont été créées et les relations interethniques dans ce secteur ont été exemplaires), il existe peu de nouvelles évolutions positives dans ce secteur. Les forces armées manquent d’équipements spécifiques, tels que des hélicoptères. Le budget de la défense est très réduit (moins de 1 % du PIB) et il n’est même pas dépensé entièrement du fait de procédures d’acquisition très fastidieuses. Les dirigeants ne sont pas encore parvenus à un accord sur un réexamen de la défense, et en particulier sur celui de la structure des forces armées.

14. En matière de biens immobiliers de défense, début 2016, seuls 23 des 63 sites avaient été complètement enregistrés – tous sur le territoire de la Fédération croato-bosniaque et aucun sur le territoire de la RS. Il est évident que cette question assez technique a été très politisée par les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine. Durant une visite récente de la commission sur la dimension civile de la sécurité (CDS) en Bosnie-Herzégovine, les membres de cette délégation de l’AP-OTAN ont évoqué deux solutions possibles. Premièrement, le processus d’enregistrement en RS est actuellement en attente d’une décision du tribunal au sujet d’un des sites, Han Pijesak. Si le tribunal donne raison à Sarajevo et si cette décision est appliquée, cela permettrait de sortir de l’impasse. Deuxièmement, durant sa visite, de nombreux interlocuteurs locaux, mais aussi internationaux ont suggéré que l’OTAN pourrait aider à débloquer la situation en suivant l’exemple de l’UE et en revoyant ses conditions préalables afin de faire avancer le processus d’intégration de la Bosnie-Herzégovine. Ainsi, les dirigeants de l’Alliance devraient envisager de lever ou de réinterpréter la condition préalable d’enregistrement des biens immobiliers de défense. Par ailleurs, permettre à Sarajevo d’activer le Plan d’action pour l’adhésion aurait un effet positif sur les autres initiatives de réformes du pays. Pourtant, l’article consacré à la Bosnie-Herzégovine dans le communiqué du sommet de Varsovie de l’OTAN continue d’exiger l'enregistrement des biens militaires immeubles comme condition préalable à l’activation de ce Plan.

15. Les relations entre les communautés bosniaques et croates au sein de la Fédération se sont grandement améliorées durant les dernières années. La question de la création d’une troisième entité croato-bosnienne a été mise de côté. Les désaccords de moindre importance, tels que celui concernant le code électoral local à Mostar, sont abordés de manière constructive. Cependant, lors de la visite de la CDS en Bosnie-Herzégovine en mars 2016, les membres de la délégation ont pu entendre des plaintes informelles relatives au fait que les dirigeants bosniaques concentraient le pouvoir à Sarajevo, sans prendre en considération les intérêts légitimes d’autres communautés ethniques, et en particulier ceux des citoyens roms et juifs.

16. L’absence de décision quant au statut du Kosovo et l’absence de consensus à ce sujet au sein même du Kosovo (entre les communautés albanaises et serbes du Kosovo) aura inévitablement des conséquences sur les aspirations d’intégration de Belgrade et de Pristina. L’accord de normalisation d’avril 2013 signé entre les premiers ministres Ivica Dacic et Hashim Thaci, a marqué un tournant. Cet accord a débloqué le processus d’intégration en faisant temporairement abstraction de la question du statut et en se concentrant sur les mesures concrètes à entreprendre sur le moyen terme. L’accord a été suivi par la signature de quatre autres accords majeurs le 25 août 2015, relatifs à l’énergie, aux télécommunications, à la circulation des populations sur le pont de Mitrovica ainsi qu’au sujet sensible de la création de l’association/communauté de municipalités à majorité serbe (ASM/CSM) au Kosovo. Si beaucoup reste à faire pour assurer la mise en œuvre de ces quatre accords, de gros progrès ont été accomplis en ce qui concerne le pont de Mitrovica. Des travaux de rénovation ont commencé en août 2016, et le pont devrait rouvrir intégralement en janvier 2017. Un important accord a en outre été conclu entre Belgrade et Pristina concernant la reconnaissance mutuelle des plaques d’immatriculation des véhicules, ce qui facilitera la liberté de circulation entre le Kosovo et la Serbie (proprement dite).

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17. L’accord relatif à la création de l’association/communauté de municipalités à majorité serbe au Kosovo s’avère compliqué à mettre en œuvre. Les autorités du Kosovo craignent que cet accord ne « donne à l’association/communauté de municipalités à majorité serbe un statut d’entité juridique qui permette à la Serbie de les financer directement ». Les partis d’opposition à Pristina, ainsi que certains experts internationaux, tels que les représentants de la Friedrich-Ebert-Stiftung à Pristina, affirment que la création d’une ASM/CSM aboutirait à la création d’un troisième niveau de gouvernance qui n’existe pas encore au Kosovo. Cela donnerait à la minorité serbe du Kosovo des privilèges et des pouvoirs supplémentaires par rapport aux autres communautés du Kosovo. Les lois du Kosovo prévoient déjà la possibilité d’une coopération entre les municipalités et un soutien financier de la Serbie envers les municipalités à majorité serbe ; ces municipalités peuvent également créer d’autres associations spécifiques pour leur population. En novembre 2015, la cour constitutionnelle du Kosovo a suspendu l’application de cet accord. Des milliers de manifestants anti-serbes se sont réunis à Pristina pour demander des élections anticipées et pour exiger au gouvernement le retrait de cet accord avec Belgrade. Ils ont également exigé que le gouvernement annule l’accord frontalier passé peu de temps auparavant avec le Monténégro5. Les émeutes ont engendré une crise politique prolongée au Kosovo dans la mesure où les partis d’opposition soutenaient les exigences des manifestants. La constitution, en juillet 2016, d’un groupe de travail chargé de la rédaction des statuts de l'ASM/CSM au Kosovo a permis de faire avancer la question. Un autre objet de désaccord entre Pristina et les quatre municipalités – à majorité serbe – situées au nord du pays est le refus de ces dernières d’organiser un recensement sur leurs territoires. Ces municipalités du nord du Kosovo ont boycotté le recensement de 2011 et rejettent le projet de Pristina de répéter l’opération fin 2016.

18. Le conflit avec la Grèce sur la dénomination du pays empêche toujours l’ex-République yougoslave de Macédoine6 de progresser vers une adhésion à l’UE et à l’OTAN. Malgré son Plan d’action pour l’adhésion de 1999, l’adhésion de ce pays à l’Alliance n’a toujours pas été concrétisée. Les tentatives de résolution sont régulières, mais n’ont à ce jour pas permis d’obtenir de résultat concret. Néanmoins, les dynamiques ont commencé à évoluer en 2015. Les difficultés économiques et les problèmes liés aux réfugiés dans la région obligent Athènes et Skopje à chercher un réel rapprochement. Les ministres des Affaires étrangères des deux pays ont effectué des visites réciproques pour la première fois depuis des années, la plus récente ayant eu lieu à Skopje en août 2016. L’ex-Premier ministre, Nikola Gruevski, avait annoncé par le passé que son gouvernement était prêt à discuter d’une éventuelle modification de la dénomination du pays, en spécifiant que tout accord passé avec la Grèce sur cette question devrait être ratifié par un référendum dans son pays, mais ces déclarations n’ont pas encore été suivies de propositions concrètes. Certains pensent également que la question du nom pourrait être le point de départ des négociations qui pourraient permettre de sortir de la crise politique et grâce auxquelles les parties prenantes internes et externes pourraient adopter une série de compromis. Néanmoins, bien que la question du nom reste en suspens, les discussions sont un préalable indispensable à la normalisation des relations entre ces deux pays à une période où l’ensemble de la région fait face à de nombreuses difficultés.

19. Les troubles politiques actuels au sein de l’ex-République yougoslave de Macédoine ont également soulevé des questions relatives aux relations interethniques au sein de ce pays. Les

5 Les opposants à cet accord affirment que la frontière a été modifiée pour des raisons inconnues et que cela a amputé le Kosovo de 8 000 hectares de terres. Les institutions du Monténégro ne sont pas opposées au rééxamen de cet accord mais les institutions du Kosovo affirment que ce réexamen est inutile. L'opposition souhaite qu'une commission internationale d'experts crédible évalue la validité de cet accord. L’Assemblée du Kosovo devait se prononcer sur la ratification de l’accord frontalier avec le Monténégro le 1er septembre 2016, mais le Premier ministre, Isa Mustafa, a finalement reporté le vote sine die. L’échec du Kosovo à ratifier l’accord a sapé la crédibilité du pays aux yeux de la communauté internationale, et a encore réduit les perspectives de mise en place d’un régime de circulation sans visa avec l’UE.

6 La Turquie reconnait la République de Macédoine sous son nom constitutionnel.

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politiques mises en place par l’ex-Premier ministre Gruevski dans le but de renforcer l’identité nationale, notamment en érigeant des statues de héros nationaux dans toute la capitale, ont été à l’origine de tensions qui ont duré des années entre les populations slaves et albanaises. Ces tensions ont abouti à des confrontations mortelles entre la police et un groupe armé albanais (composé d’Albanais du pays et d’Albanais du Kosovo) dans la ville de Kumanovo, au nord du pays, en mai 2015. Néanmoins, les dirigeants politiques ont été fidèles à l’accord-cadre d’Ohrid de 2001, qui satisfait les exigences de la minorité albanaise (plus d’un quart de la population du pays), ce qui a évité la dérive vers un conflit interethnique. Une règle informelle prévoit que le parti représentant des Macédoniens de souche albanaise qui reçoit le plus de votes lors d'élections générales est invité à rejoindre la coalition au pouvoir. Ce système pourrait évoluer dans la mesure où, en vue des élections, des coalitions réunissant des partis à origine ethnique variée sont déjà en cours de formation. Dans l’ensemble, l’incident de Kumanovo ne semble pas avoir créé un fossé entre majorité et minorité ethniques. Cependant, ce type d’incidents se reproduit régulièrement, comme cela a été le cas par exemple avec des manifestations d’Albanais de souche contre la construction de croix orthodoxes dans des communautés à majorité musulmane, ou le mécontentement de l’ethnie majoritaire par rapport à la décision d’une municipalité à majorité albanaise d’ériger l’imposante statue d’un aigle albanais sur une rue passante de la commune. Par ailleurs, un nouveau parti politique albanais – le LR-PDSH – a été créé en 2015 ; il appelle à la décentralisation du pays et à l’utilisation de la langue albanaise à tous les niveaux de l’État.

III. PROGRAMMES DE RÉFORMES : DÉMOCRATIE, DROITS HUMAINS, ÉTAT DE DROIT ET DÉVELOPPEMENT SOCIO-ÉCONOMIQUE

20. La poursuite de la consolidation de l’État de droit, la protection des droits humains et le développement de modèles de développement économique viables sont des conditions essentielles pour l’intégration des Balkans occidentaux à l’UE et à l’OTAN.

21. Depuis la signature de l’accord de normalisation avec Pristina en 2013, la Serbie a effectué des progrès rapides en vue d’atteindre son objectif stratégique d’adhésion à l’UE. Le Premier ministre Aleksandar Vucic a la réputation d’être un fervent défenseur des réformes pro-européennes et il jouit d’une large majorité au parlement et d’un important soutien de la population. Lorsque la Serbie est entrée dans la phase active des négociations d’adhésion, M. Vucic a décidé d’organiser des élections anticipées, en avril 2016, en invoquant sa volonté d’obtenir un soutien clair de la population aux politiques de réformes et de terminer les négociations avec l’UE lors du mandat parlementaire suivant. Les élections ont eu lieu le 24 avril et ont été évaluées par l’OSCE comme efficaces, respectueuses des libertés fondamentales et offrant aux électeurs un véritable choix. La mission de l’OSCE a toutefois critiqué la façon dont les plaintes post-électorales ont été traitées, et noté un manque d’objectivité des médias dans la couverture de l’événement, ainsi que l’absence de distinction claire entre les activités du parti et celles de l’État. Bien que le parti du Premier ministre ait obtenu la majorité absolue, la voix de l’opposition – composée à la fois des libéraux pro-européens et des nationalistes – devrait être mieux entendue au sein du nouveau parlement. Un nouveau cabinet ministériel a été formé et approuvé par le parlement le 11 août 2016, les principaux ministres conservant leurs fonctions. La coalition entre les progressistes de Vucic et les socialistes est toujours en vigueur. À noter que des membres de la présente commission de l’AP-OTAN ont rencontré M. Vucic à Belgrade quelques semaines avant les élections, et obtenu la confirmation que la Serbie poursuivrait sa politique d’adhésion à l’UE malgré la montée des sentiments nationalistes et anti-occidentaux au sein de certains groupes de la population.

22. Selon la Commission européenne, le gouvernement Vucic a effectué des progrès constants dans le domaine de la démocratie, de la gouvernance, de l’État de droit, de la lutte contre la corruption, et de l’économie. Le parlement a entamé un travail législatif considérable et les capacités de l’administration publique ont été renforcées. Le Premier ministre a lancé une initiative visant à organiser des rencontres régulières avec les ONG afin d’améliorer les relations entre le

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gouvernement et la société civile. Néanmoins, en matière de gouvernance, des progrès sont encore nécessaires. Par exemple, selon la Commission européenne, la transparence du service public et la séparation avec la sphère politique laissent encore à désirer : près de 60 % des hauts fonctionnaires sont nommés suivant des règles d’exception et non suivant des procédures de recrutement normales. Le Premier ministre Vucic doit également souvent lui-même gérer la mise en œuvre de certaines politiques, alors que cette gestion devrait être confiée à des responsables d’un échelon inférieur.

23. Les chapitres relatifs à l'État de droit seront certainement les plus difficiles lors des négociations d’adhésion à l’UE. La Serbie a réalisé des progrès notables durant les dernières années pour améliorer son pouvoir judiciaire. Néanmoins, l’administration de la justice est lente et son indépendance n’est pas garantie. L’application du système national de réforme de la justice de 2013, créé au cours des deux dernières années, est prévue sur cinq ans. De plus, la réglementation prévoit une attribution aléatoire des affaires, mais cette procédure est rarement suivie. Les juges, les procureurs et les avocats doivent respecter un code de déontologie et peuvent se voir imposer des sanctions disciplinaires en cas de violation de ce code, mais ces sanctions ne semblent pas être suffisamment dissuasives pour le moment. Le système judiciaire dispose de ressources adéquates au regard de la moyenne de l’UE et du PIB, mais « ces ressources ne sont pas toujours affectées de façon efficace », selon la Commission européenne. Il est important de noter qu’un différend est en cours entre le parti au pouvoir et le médiateur Sasa Jankovic, qui a publié des rapports très critiques sur la situation des droits humains et l’influence de la classe politique sur le pouvoir judiciaire en Serbie. Le parti au pouvoir a accusé le médiateur de poursuivre des objectifs politiques et de produire des rapports partisans.

24. Le Parti du progrès au pouvoir est arrivé à la direction du pays avec un programme très axé sur la lutte contre la corruption. Les organes d’application de la loi ont ciblé un certain nombre de hauts fonctionnaires, y compris ceux associés au parti au pouvoir, mais le nombre de condamnations reste faible. Une agence indépendante de lutte contre la corruption a été créée pour mener des enquêtes relatives aux conflits d’intérêts, au financement des partis politiques et aux autres questions liées à la corruption, mais le financement de cette agence est insuffisant. Les poursuites dans le cadre d’affaires de criminalité organisée ont augmenté durant l’année 2015 et le ministre serbe de l’Intérieur, Nebojsa Stefanovic, a déclaré aux membres de la CDS que les plus grands réseaux de criminalité organisée du pays avaient été démantelés en grande partie.

25. Le secteur des médias serbes présente une grande diversité, et le gouvernement a lancé une initiative de privatisation des médias nationaux et municipaux. Néanmoins, dans ce domaine, certains problèmes se sont fait jour, relatifs notamment à des cas de tension entre des journalistes et le gouvernement. Ces derniers mois, certains membres du gouvernement et médias progouvernementaux ont proféré une série d’accusations contre des organes d’information qui reçoivent de l’aide de l’UE, en leur reprochant d’utiliser les fonds européens pour mener des actions visant à discréditer la Serbie et à provoquer le chaos dans le pays. Ces accusations ont suscité les critiques de l’Association indépendante des journalistes de Serbie. La privatisation des médias locaux a entraîné la fermeture de nombreux journaux et stations de radio non rentables. Par ailleurs, le système national de radiotélévision de service public a été financé par l’État durant les deux dernières années, tandis que les souscriptions individuelles ont été suspendues ; cela pose la question de l’impartialité de ce système. Les incidents survenus lors de la Gay Pride de 2010 à Belgrade – où plus de 150 personnes ont été blessées – montrent également que les autorités et la communauté journalistique doivent encore œuvrer pour promouvoir la tolérance au sein de la société. Aucun incident n’a en revanche été déploré à l’occasion de la troisième Gay Pride organisée à Belgrade en septembre 2016. Il convient par ailleurs de noter que le gouvernement actuel compte un ministre gay qui ne fait aucun mystère de son homosexualité. Durant la dernière visite de la commission à Belgrade, les délégués ont été informés du fait que l’espace médiatique à Belgrade est influencé par la présence plus marquée d’organes de presse soutenus financièrement pas la Russie respectant des normes journalistiques différentes.

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26. Concernant les enquêtes sur les crimes de guerre, Belgrade coopère à titre volontaire avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) à la Haye : selon la législation relative à la coopération avec le TPIY de la Serbie, le pays n’est pas tenu de satisfaire à toutes les demandes du Tribunal. À Belgrade, l’opinion qui prévaut est que le TPIY fait preuve de partialité envers la Serbie, en particulier depuis l’acquittement de certains officiers croates et kosovars. Certains se plaignent que la coopération de la Serbie avec le TPIY ait perdu de son élan, d’autant que Belgrade a refusé de transférer à La Haye trois membres du Parti radical accusés de menacer des témoins dans le contexte du procès pour crimes de guerre du chef de leur parti, Vojislav Seselj. Le Parlement européen et les organismes internationaux de protection des droits humains ont critiqué la lenteur des poursuites pour crimes de guerre. Selon les données les plus récentes du Bureau du procureur chargé des crimes de guerre en Serbie, 14 affaires font actuellement l’objet d’une enquête, et 19 sont en cours de jugement. À l’été 2016, une nouvelle vague d’accusations mutuelles de crimes de guerre a entraîné une importante détérioration des relations entre Belgrade et Zagreb.

27. La Serbie s’est montrée déterminée à mener les réformes économiques structurelles nécessaires et à réaliser des coupes budgétaires difficiles afin de consolider le budget. Bien que la croissance économique ait été faible en 2015, ces politiques économiques responsables commencent à porter leurs fruits. Le chômage est passé en dessous des 20 %, l’inflation reste contenue et le PIB et les investissements devraient augmenter (on attend cette année une hausse de 2,5 % du PIB). En août 2016, le Fonds monétaire international a indiqué que les efforts accomplis par la Serbie pour assainir les finances publiques et faire avancer les réformes structurelles avaient dépassé les attentes. Des taux de croissance plus élevés ne pourront être enregistrés dans le pays que si les réformes se poursuivent à ce rythme et si davantage d’investisseurs sont attirés dans le pays.

28. La KFOR poursuit son soutien à la Mission “État de droit’’ menée par l’Union européenne au Kosovo (EULEX) en sécurisant et en surveillant la frontière avec la Serbie et en veillant à la liberté de circulation de la Mission de l’UE au nord du Kosovo. L’accord de normalisation d’avril 2013 a également relancé le processus d’intégration européenne du Kosovo et permis la signature décisive d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec l’UE. Le rapport de 2015 de la Commission européenne souligne la réalisation de progrès dans le renforcement des institutions démocratiques du Kosovo. Après les élections de 2014, un nouveau gouvernement a poursuivi l’application des réformes relatives à l’UE, bien qu’à un rythme plus lent. L’absence de progrès n’a pas permis à l’UE d’envisager la libéralisation des visas pour les citoyens du Kosovo avant mai 2016, date à laquelle la Commission européenne a recommandé officiellement la suppression du régime des visas pour les ressortissants de ce pays. Il appartient désormais au Parlement européen et au Conseil de l’UE de proposer des calendriers précis pour la levée des restrictions en matière de visas. Cela étant, la crise politique actuelle et les divisions politiques dans le pays continuent de mettre en péril le processus de réformes. Les chefs de file de l’opposition ont, à plusieurs reprises au cours des derniers mois, utilisé des gaz lacrymogènes au parlement, afin de perturber le processus législatif. De nombreux experts de la société civile et de l’opposition estiment que la crise ne pourra être résolue que par la tenue d’élections anticipées. De nouvelles élections pourraient redonner une légitimité aux institutions du Kosovo aux yeux des citoyens.

29. L’indépendance et l’efficacité du système judiciaire sont également problématiques au Kosovo. Certains cas de non-application des décisions des tribunaux sont flagrants, en particulier s’agissant du retour des populations dans leurs foyers. Le système judiciaire et la police ont été utilisés à l’encontre des membres de l’opposition, y compris à l’encontre de députés qui ont été arrêtés malgré leur immunité parlementaire. Certaines déclarations laissent entendre que des citoyens ont fait l’objet de poursuites pour avoir exprimé leur opinion politique. La société civile a demandé à de nombreuses reprises au gouvernement de ne pas utiliser les forces de police ou le pouvoir judiciaire pour atteindre ses objectifs politiques. Le rôle de la mission EULEX au Kosovo a été considérablement réduit en juin 2016, et la plupart de ses compétences ont été transférées aux autorités judiciaires du pays. La contribution de l’EULEX n’est aujourd’hui envisagée que dans des

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circonstances exceptionnelles et sur demande des dirigeants du Kosovo. L’arrêt progressif de la mission représente un test décisif pour les autorités judiciaires et les services chargés de l’application de la loi dans le pays. On peut toutefois se demander si les institutions nationales sont à la hauteur de la tâche : selon une étude du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), les tribunaux sont perçus par la population comme l’institution la plus corrompue du pays. À l’opposé, la police du Kosovo jouit d’un degré de confiance relativement élevé parmi la population.

30. Les autorités judiciaires sont confrontées à un défi de taille, qui est de s’attaquer aux crimes économiques de grande envergure. Une tentative tardive de révéler au public la liste exhaustive des biens obtenus illégalement a finalement été faite. Néanmoins, les autorités n’ont pas publié les noms de ceux qui occupent actuellement des postes politiques aux plus hauts niveaux. La résolution du Parlement européen sur le Kosovo a émis des préoccupations sur le niveau de corruption et de criminalité organisée. Le Kosovo met actuellement en œuvre la stratégie 2013-2017 de lutte contre la corruption, mais sans disposer d’un financement suffisant. Un point positif est que Pristina a tenté de rendre le processus de recrutement dans les institutions publiques plus transparent et fondé sur le mérite : en collaboration avec l’ambassade du Royaume-Uni à Pristina, un système a été mis en place pour confier le processus de recrutement à une société privée indépendante. Le nouveau dispositif devrait permettre de mettre fin aux pratiques de copinage et de népotisme au sein de l’administration du Kosovo.

31. En matière de crimes de guerre, de fortes pressions ont été exercées sur Pristina pour l’inciter à créer un tribunal soutenu par l’Union européenne suite au rapport de 2011 du Conseil de l’Europe qui mentionnait des crimes qui auraient été commis par l’Armée de libération du Kosovo (ALK, en albanais Ushtria Clirimtare e Kosovës, UCK) entre 1999 et 2000. Ce tribunal spécial devrait démarrer ses travaux à La Haye début 2017, une fois que le Parlement néerlandais aura ratifié la décision. Sa mission sera de « juger les crimes graves qui auraient été commis par des membres de l’ALK à l’encontre de minorités ethniques et d'opposants politiques ». Le juriste états-unien David Schwendiman, nommé au poste de procureur général, a fait part de sa volonté de fermement poursuivre ces crimes et de ne pas céder aux pressions extérieures. On doit reconnaître aux dirigeants du Kosovo le mérite d’avoir pris la délicate décision d’accepter la création de ce tribunal.

32. L’économie du Kosovo reste faible. La croissance a été de 3,8 % l’année dernière et le nouveau gouvernement tente de rétablir un équilibre budgétaire, mais, selon la Commission européenne, le Kosovo ne dispose pas encore d’une base de production suffisante et manque de compétitivité à l’échelle internationale. L’économie repose encore sur les transferts d’argent de l’étranger et sur un secteur informel très étendu. Le taux de chômage est de 35,3 % et atteint même 61 % chez les jeunes. L’administration publique saturée fausse le marché de l’emploi. Pristina pour attirer les investisseurs n’est pas suffisamment robuste. Le Kosovo risque de faire face à des difficultés économiques grandissantes avec l’augmentation possible du prix de l’énergie électrique.

33. Le résultat des élections de 2014 a créé un climat relativement favorable pour l’accélération de la mise en application du programme de réformes en Bosnie-Herzégovine dans le cadre du processus d'adhésion à l'UE. En juillet 2015, le pays a adopté un programme de réformes visant à surmonter la situation socio-économique complexe et à faire progresser les réformes judiciaires et les réformes de l’administration publique. Le secteur public a été défini par la Commission européenne comme extrêmement politisé et peu performant en termes de prestations de services. Le pays a également adopté une stratégie de réformes du secteur de la justice, ainsi qu’une nouvelle stratégie et un plan d’action en matière de lutte contre la corruption. Des débats réguliers soutenus par l’UE ont été lancés sur les questions judiciaires dans le cadre du « dialogue structuré », avec la participation de ministres de la Justice du gouvernement central et des différentes entités de la Bosnie-Herzégovine. Ces débats montrent une certaine volonté des représentants de la Bosnie-Herzégovine et de ses entités de travailler ensemble pour réformer le

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secteur judiciaire. La Commission européenne a souligné que « certains progrès » avaient été réalisés dans de nombreux domaines de réformes en 2015, ce qui a encouragé le gouvernement de la Bosnie-Herzégovine à soumettre sa demande d’adhésion.

34. Néanmoins, bien que la Bosnie-Herzégovine ait déployé des efforts louables pour adopter la législation nécessaire, la réelle difficulté résidera dans sa mise en œuvre. À cet égard, les progrès sont encore insignifiants. La Commission européenne a identifié un certain nombre d’écueils, parmi lesquels l’absence de progrès dans l’application de la réforme du secteur public, un processus décisionnel trop fragmenté, des difficultés constantes pour le Bureau du Médiateur dues aux contraintes budgétaires et humaines, l’absence de progrès dans l’amélioration des mécanismes de dialogue et de coopération entre le gouvernement et les organisations de la société civile, un secteur judiciaire grevé par les retards et dont les procédures sont lentes à la fois excessivement et motivées par des raisons politiques7, la persistance d'une corruption généralisée, qui a fait l’objet d’une volonté très timide de réformes n’ayant porté que très peu de fruits à ce jour, des systèmes efficaces de protection des droits humains anéantis par l’application inégale de la loi sur la lutte contre les discriminations et l’absence de stratégie nationale à cet égard. En matière de liberté d’expression, la Commission européenne a pointé quelques exemples de régressions, en particulier au sein de la RS.

35. Certains progrès ont été réalisés dans le renforcement du fonctionnement de l’économie de marché. En février 2015, la Bosnie-Herzégovine a adopté un programme de réformes économiques pour la période 2015-2017. Selon la Commission européenne, le programme prévoit une stratégie fiscale excessivement ambitieuse reposant sur la réduction des dépenses, mais ne prévoit pas suffisamment de mesures de stimulation de la croissance. Dans l’ensemble, la situation socio-économique de la Bosnie-Herzégovine reste l'une des pires de la région. La croissance économique est très lente et le taux de chômage est de 27,6 % et atteint même 62,7 % chez les jeunes. La santé financière du pays repose sur les apports financiers de l’étranger, et en particulier du FMI. En septembre 2016, le FMI a approuvé un programme d’aide à la Bosnie-Herzégovine de 553 millions d’euros sur trois ans, mais pour bénéficier de la totalité de ces fonds, les dirigeants du pays devront se conformer aux exigences strictes du Fonds ; or, c’est précisément ce que Sarajevo avait eu du mal à faire lors du précédent accord avec le FMI, qui a pris fin en juillet 2015.

36. Le Monténégro avance à grands pas vers l’intégration à l’OTAN et à l’UE. Du côté de l’OTAN, le pays s’est vu accorder en mai 2016 le statut « d’invité », qu’il conservera jusqu’à ce que les 28 Alliés ratifient le protocole d’adhésion. Pour ce qui est de l’UE, les négociations d’adhésion ont démarré en 2012, et le Monténégro a réalisé des progrès notables sur de nombreux chapitres tels que l’agriculture, l’énergie, la politique sociale et la politique régionale. En termes de consolidation des institutions démocratiques, le pays doit encore réduire davantage la polarisation politique et clarifier les procédures électorales.

37. Les lacunes en matière d’État de droit et de lutte contre la corruption restent un important sujet de préoccupation dans le contexte de l’intégration du Monténégro à l’OTAN et à l’UE. L’importance que revêt cet aspect est reflété par le fait que, contrairement à d’autres négociations d’élargissement, dans le cas du Monténégro, les chapitres les plus complexes que sont « Appareil judiciaire et droits fondamentaux » et « Justice, liberté et sécurité » (chapitres 23 et 24), ont été ouverts en premier, et non en dernier, et resteront ouverts durant toutes les négociations. Le Monténégro devrait améliorer ses performances dans ce domaine, en particulier s’agissant de la lutte contre la criminalité organisée et la corruption. Une stratégie de réformes de la justice et un plan de mise en œuvre de cette stratégie ont été adoptés, mais, selon la Commission européenne, un nouveau système de recrutement, d’évaluation professionnelle et de promotion doit être mis sur pied. S’agissant de la lutte contre la corruption, le Monténégro a enregistré certains résultats

7 L'ouverture du procès de l'homme d’affaires reconverti en politique, Fahrudin Radoncic, représente un test décisif eu égard à l'État de droit en Bosnie-Herzégovine.

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positifs. Néanmoins, les processus d’enquête, de poursuite, et de condamnation des cas de corruption (en particulier dans les cas de corruption à haut niveau) et des affaires liées à la criminalité organisée (y compris les affaires de blanchiment d’argent) doivent encore être améliorés.

38. L’économie du pays se relève et les taux de croissance sont impressionnants : 4,7 % en 2015 et 3,5 % (prévus) en 2016. Mais, le niveau élevé de la dette nationale reste inquiétant et le taux de chômage atteint 18 %. Dans l’ensemble cependant, selon l’Union européenne, le Monténégro est relativement bien préparé à soutenir la concurrence sur le marché européen. Le projet stratégique du pays – la construction de l’autoroute Bar-Boljare – devrait contribuer à sa croissance économique, mais le coût de cette autoroute risque de perturber son équilibre budgétaire.

39. En 2015, l’ex-République yougoslave de Macédoine a plongé dans une crise politique profonde dont elle n’est pas encore sortie. Le Premier ministre d’alors, Nikola Gruevski, et son parti (conservateur), étaient critiqués depuis longtemps par l’opposition pour leurs tendances autoritaires lorsque la situation s’est envenimée avec la publication de conversations interceptées entre des membres du gouvernement. Ces conversations laissaient entendre que les intéressés étaient impliqués dans des affaires de corruption, de violation des droits humains et d’ingérence dans l’action de la justice. Des manifestations contre le gouvernement se sont déclenchées dans l’ensemble du pays, débouchant sur des confrontations violentes entre les manifestants et la police. L’UE a facilité un accord politique à l’été 2015 (l’accord de Przino), à travers lequel les chefs de file des quatre principaux partis se sont engagés à former un gouvernement de transition et à organiser des élections parlementaires en avril 2016. Le Premier ministre de l’époque, Nikola Gruevski, a par ailleurs rendu officiellement sa démission en janvier 2016.

40. Néanmoins, un grand nombre des dispositions de cet accord sont restées sans suite pendant plusieurs mois, dont la refonte du système électoral. Le boycott du parlement par le principal parti d’opposition a rendre impossible, l’adoption d’amendements constitutionnels. Les dispositions relatives à la décentralisation n’ont pas progressé au rythme prévu, étant donné que les communautés rurales n’ont pas toujours reçu l’aide financière leur permettant de mener à bien cette tâche. Le Bureau du procureur spécial, dirigé par trois femmes, a été créé conformément aux dispositions de l’Accord de Przino et conçu pour traiter les crimes et actes de corruption de haut niveau. Il a jusqu’ici lancé six grandes enquêtes mais reçoit peu de soutien de la part des autres structures étatiques. En avril 2016, le président Gjorge Ivanov a gracié 56 individus tombant sous le coup d’une accusation, dont Gruevski. L’initiative était juridiquement contestable car les intéressés n’avaient pas encore été reconnus coupables. Cette décision a provoqué un vif regain de tensions dans le pays, et suscité une nouvelle vague de protestations, connues sous le nom de « révolution de couleur ». En juin 2016, le président a été contraint d’annuler les grâces accordées, ce qui n’a pas empêché les manifestations de se poursuivre semaine après semaine. La difficulté à résoudre la crise tient au fait que le mouvement de protestation est conduit par des militants de la société civile, alors que le processus de négociation a lieu entre les principaux partis politiques du pays.

41. Une évaluation conjointe de l’UE et des États-Unis a révélé que, au vu de l’absence des réformes politiques nécessaires, le pays avait besoin de plus de temps pour pouvoir mener des élections libres et justes. La majorité au pouvoir a accepté de reporter la tenue des élections du 24 avril au 5 juin 2016. Faute d’avancées, les élections prévues en juin ont été de nouveau reportées. Suite à la conclusion d’un accord entre les quatre principaux partis politiques à la fin du mois d’août, des élections législatives anticipées ont été planifiées au 11 décembre. La constitution d’un gouvernement provisoire, chargé de superviser la préparation des élections, a également été décidée. Un effort important a été accompli pour supprimer les incohérences dans la liste générale des électeurs, un problème majeur qui avait empêché l’organisation des élections à une date antérieure. L’accord conclu entre les partis offre au pays une occasion de sortir enfin d’une crise

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politique qui s'est enlisée, à condition – bien sûr – que le gouvernement provisoire soit capable de garantir des élections libres et justes.

42. Concernant les autres réformes, Skopje a amélioré quelque peu le fonctionnement de l’administration publique (ce qui est plus de grandement nécessaire considérant que le secteur public est passé de 80 000 personnes à 165 000 au cours des dix dernières années, reflétant la mainmise de la culture du clientélisme politique au sein de la société) en adoptant la législation nécessaire pour lutter contre la corruption et la criminalité organisée et en créant un Bureau du procureur spécial plus professionnel. Cependant, la plupart de ces efforts ont été mis à mal par le scandale des écoutes téléphoniques cité plus haut. La Commission européenne a signalé que le système judiciaire avait régressé ces derniers mois et ces dernières années. Des cas d’ingérence politique par des membres du pouvoir exécutif ont été signalés, en particulier dans des affaires impliquant des gens très en vue. La cour constitutionnelle, longtemps considérée comme réellement indépendante, a perdu cette réputation il y a quelques années, lorsque le gouvernement a nommé de nouveaux juges. Le seul aspect positif notable dans le domaine judiciaire est la coopération du pays avec le TPIY ces dernières années, et le fait qu’aucune affaire ou procédure d’appel ne soient restée en suspens auprès de ce Tribunal.

43. La société civile du pays est très dynamique, constructive et véritablement pluriethnique, mais ses représentants se sont plaints de la participation limitée du gouvernement au dialogue. Le cadre législatif en matière de liberté d’expression a été révisé durant les dernières années. Néanmoins, la liberté des médias reste menacée et le pays a opéré un recul progressif dans ce domaine au cours de l’année qui vient de s’écouler.

44. Les réformes économiques ont rencontré un certain succès et le pays est relativement bien préparé à affronter la concurrence sur le marché européen. Skopje est parvenu à consolider ses relations commerciales et d’investissement avec l’UE. Cependant, le pays doit encore enrayer le chômage (28 %), en particulier chez les jeunes, en adaptant mieux son système éducatif aux besoins sur le marché du travail. Le taux de pauvreté reste également élevé.

IV. SOUTIEN DES POPULATIONS EN FAVEUR DE L’INTÉGRATION

45. La majorité des citoyens des Balkans occidentaux ont une perception positive de l’OTAN et de l’UE. Cette dernière, en particulier, bénéficie d’un soutien écrasant. Même en RS, où ce soutien est relativement faible, il reste au-dessus des 50 %. Durant sa visite en Serbie en mars 2016, les membres de la présente commission de l’AP-OTAN ont constaté que le soutien pour l’UE diminuait dans ce pays, mais que le gouvernement peut encore compter sur le soutien d’une large majorité des Serbes dans ses démarches vers une intégration européenne.

46. La perception de l’OTAN n’est pas aussi claire. La Serbie est le seul pays de la région qui ne demande pas son adhésion à l’OTAN. Les principaux partis s’accordent tous sur cette question. L’OTAN n’est perçue de façon positive que par 20 à 30 % de la population. Cette perception est vraisemblablement liée au rôle joué par l’OTAN dans la guerre civile en Bosnie-Herzégovine et, en particulier, à l’action militaire menée en 1999 contre la Yougoslavie de l’époque à propos du Kosovo. Les autorités serbes veillent, à travers une politique claire – des programmes éducatifs et différents actes symboliques – à ce que les événements de 1999 ne soient pas oubliés et qu’ils soient ancrés dans la mémoire collective de la population serbe, y compris de la jeune génération. Le gouvernement de Serbie entretient également le souvenir des crimes perpétrés à l’encontre de la population serbe sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie dans les années 1940 et 1990, et accuse Sarajevo, Zagreb et les pays occidentaux de minimiser ces crimes. Dans ce contexte, où Belgrade ne cesse de vouloir présenter la Serbie comme une victime, il est peu probable que la position du pays à l’égard de l’OTAN évolue dans un avenir proche. Les récentes manifestations publiques survenues suite à la signature d’un accord de coopération plutôt technique avec la NSPA (Agence OTAN de soutien et d’acquisition) indiquent le niveau de

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méfiance et la perception négative de l’OTAN. Cependant, l’OTAN et la Serbie ont progressivement établi des relations de coopération et de dialogue depuis que le pays a rejoint le Programme du partenariat pour la paix et le Conseil de partenariat euro-atlantique en 2006. Le gouvernement actuel de la Serbie n’a cessé de prôner une coopération approfondie avec l’OTAN, et Belgrade apprécie particulièrement le rôle joué par la KFOR dans la protection des citoyens du Kosovo, quelle que soit leur origine ethnique. Lors du Sommet de Varsovie, les dirigeants des pays alliés ont souligné que la modification de la présence militaire de l’OTAN au Kosovo ne sera pas une question de calendrier mais dépendra de la situation sur le terrain. L’OTAN respecte entièrement la politique de neutralité militaire de la Serbie.

47. L’OTAN a initié certains projets de diplomatie ouverte au sein de la Serbie, y compris la création d’une ambassade point de contact et d’un bureau de liaison militaire à Belgrade. L’objectif de ces deux projets est en partie de créer une plateforme permettant d’expliquer à un public plus large les avantages de la coopération dans des cadres tels que le plan d’action individuel pour le Partenariat (IPAP), mais ces efforts ont été limités à ce jour. La tentative la plus réussie pour améliorer l’image de l’OTAN auprès des Serbes et des Monténégrins a été la publication d’une déclaration du secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, en juin 2015, dans laquelle il transmettait ses condoléances aux familles et à tous ceux qui ont perdu des proches lors de la campagne aérienne de 1999. « Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour éviter la perte de vies innocentes, la perte de civils. Malheureusement, dans ce cas particulier, nous ne pouvions pas les éviter. Des innocents ont été tués et nous le regrettons sincèrement, » a déclaré M. Stoltenberg. Cette déclaration a eu une forte résonance à la fois en Serbie et au Monténégro. La rapporteure spéciale tient à exprimer son soutien total à cette déclaration.

48. En Bosnie-Herzégovine, la population est clairement partagée concernant l’adhésion à l’OTAN. Les opinions en faveur de l’adhésion sont largement majoritaires au sein de la Fédération (entre 80 et 90 %), mais la situation en RS est radicalement opposée. Banja Luka n’a pas officiellement exclu la possibilité d’une adhésion à l’Alliance, néanmoins, il est probable que les dirigeants de la RS insistent sur la tenue d’un référendum lorsque cette perspective se concrétisera davantage. En fait, en sabotant l’enregistrement des biens de la défense sur son territoire, Banja Luka utilise de facto son droit de veto dans le cadre du processus d’intégration à l’OTAN. Il est également significatif que les représentants du parti au pouvoir en RS aient refusé de rencontrer la délégation de l’AP-OTAN en mars 2016. Cela dit, les partis serbes d’opposition à M. Dodik en Bosnie ont un avis plus constructif sur la coopération avec l’OTAN.

49. Au Monténégro, l'absence d'un large soutien de l’opinion publique au projet d’adhésion à l’OTAN a constitué l'un des principaux obstacles aux aspirations euro-atlantiques du pays. D’après une enquête conduite en janvier 2016, 47,3 % des citoyens du Monténégro soutiennent l’adhésion à l’OTAN, 37,1 % s’y opposent et 15,6 % sont indécis. Le gouvernement de Milo Djukanovic défend ardemment l’OTAN. Il considère l’adhésion à l’OTAN comme une priorité stratégique. Néanmoins, de nombreux manifestants sont descendus dans les rues de Podgorica fin 2015 pour demander la démission du gouvernement. Ces manifestations ont débouché sur des violentes confrontations avec la police. Les exigences des manifestants touchaient de nombreux domaines mais certains d’entre eux ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis de la décision de rejoindre l’OTAN.

50. La division Diplomatie publique de l’OTAN coopère activement avec les autorités du Monténégro ainsi qu’avec un grand nombre de partenaires de la société civile sur des programmes tels que des visites au siège de l’OTAN, des séminaires, des conférences itinérantes et des programmes d’éducation des jeunes.

51. Lors de sa visite à Skopje en juin 2016, la présente commission de l’AP-OTAN a été informée que le soutien de la population à l’adhésion de l’ex-République yougoslave de Macédoine à l’OTAN était passé de plus de 90 % à environ 75 %, les causes étant la frustration générée par l’impasse concernant la dénomination du pays, ainsi que les tendances nationalistes

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encouragées par le précédent gouvernement. Cela dit, tous les grands partis politiques du pays sont pleinement favorables à l’intégration euro-atlantique, et le soutien populaire reste solide. Le secteur de la défense semble peu touché par la crise politique et continue d’essayer de se conformer aux normes OTAN et de participer aux opérations menées par les Alliés.

52. Ce travail essentiel de renforcement de la sensibilisation au sujet des politiques de l’Alliance et de déconstruction des stéréotypes est mené par un certain nombre d’ONG en Serbie, au Monténégro et au sein de la RS en Bosnie-Herzégovine, notamment le centre de politiques de sécurité de Belgrade, le centre pour les études euro-atlantiques de Belgrade, le centre de relations internationales de Banja Luka et l'Association du Traité de l'Atlantique (ATA) du Monténégro.

V. NOUVEAUX ENJEUX : LA CRISE DES RÉFUGIÉS, LA CRISE MIGRATOIRE ET LES COMBATTANTS ÉTRANGERS

53. La catastrophe humanitaire à laquelle l’Europe fait face actuellement – un exode massif des populations d’un Moyen-Orient déchiré par la guerre – a des répercussions directes sur les Balkans occidentaux : sur les 1,3 million de personnes qui ont demandé l’asile au sein de l’UE en 2015, plus de 700 000, parmi lesquels de nombreux enfants, ont emprunté la route des Balkans occidentaux pour rejoindre l’Europe centrale depuis la Grèce. La route actuelle traverse l’ex-République yougoslave de Macédoine et la Serbie, avant de rejoindre la Croatie et la Hongrie. Jusqu’à ce jour, les demandeurs d’asile ont procédé de façon assez ordonnée. Belgrade et Skopje, avec l’aide d’organisations internationales, ont construit une série de camps afin de fournir de la nourriture, de l’eau, un logement temporaire et une aide médicale aux réfugiés avant qu’ils ne repartent pour l’Europe centrale. Jusqu’à récemment, en moyenne, 2 000 à 3 000 personnes entraient sur le territoire de ces deux pays chaque jour.

54. Néanmoins, l’effet domino déclenché par la fermeture des frontières des pays de l’Europe centrale et de l’Europe du Sud-Est au début de l’année 2016 a entraîné une aggravation de la crise humanitaire. La situation à la frontière entre la Grèce et l’ex-République yougoslave de Macédoine semble être aujourd’hui moins critique du fait de la mise en œuvre de l’accord entre l’UE et la Turquie concernant les migrants. Pour autant, des milliers de réfugiés sont immobilisés du côté grec de la frontière, où ils sont bloqués et vivent dans des conditions éprouvantes. Ces dernières années, des milliers de personnes ont pris des risques pour tenter de traverser illégalement la frontière et ont été forcé de faire demi-tour par les autorités de l’ex-République yougoslave de Macédoine.

55. Skopje a des capacités très limitées pour gérer ce problème, d’autant plus que, contrairement à ses pays voisins, la géographie de l’ex-République yougoslave de Macédoine rend ses frontières très difficiles à surveiller. Les autorités du pays ont eu recours à des mesures extrêmes contre les réfugiés, telles que l’utilisation de gaz lacrymogène. Ce problème est également un défi psychologique pour le pays dans la mesure où il réveille les souvenirs du conflit interethnique de 2001, dû en partie à l’arrivée d’Albanais du Kosovo suite à la crise du Kosovo.

56. La situation en Serbie est légèrement plus favorable, comme la délégation a pu le constater lors de sa visite dans le camp d’Adasevci, à la frontière avec la Croatie. Le camp était censé être un camp provisoire pour les réfugiés transitant par la Serbie. Néanmoins, environ 340 réfugiés, y compris de nombreuses familles avec enfants, la plupart venant de Syrie et d’Iraq, ne sont désormais plus en mesure de repartir. Les autorités serbes, aidées par les organisations internationales concernées et par des ONG locales, font tout ce qui est en leur pouvoir pour satisfaire les besoins de ces personnes et pour les traiter dignement. Cependant, le désespoir et l’incertitude prévalent parmi les réfugiés et leurs conditions de vie ne sont pas adaptées pour une longue période. Au total, environ 2 000 réfugiés sont bloqués en Serbie.

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57. Il convient de noter que de nombreux citoyens des Balkans occidentaux ont aussi rejoint les rangs des réfugiés et des migrants du Moyen-Orient. Selon Eurostat, en 2015, près de 70 000 citoyens du Kosovo demandaient l’asile, tout comme 65 000 citoyens d'Albanie, près de 20 000 citoyens de Serbie et plus de 10 000 citoyens de de l'ex-République yougoslave de Macédoine, la plupart dans l’espoir de trouver de meilleures conditions économiques. Selon les autorités allemandes, les Albanais étaient en 2015 le plus grand groupe ethnique (environ 55 000 personnes) à demander l'asile en Allemagne après les Syriens. Les Kosovars arrivaient en troisième position, avec quelque 37 000 demandes. Les demandeurs d’asile des Balkans sont classés dans la catégorie des migrants économiques. Ils ne sont généralement pas hébergés dans les mêmes camps que les réfugiés d’Afrique et du Moyen-Orient, et certains d’entre eux sont renvoyés dans leur pays d’origine, où la situation est généralement jugée sûre. Un grand nombre des demandeurs d’asile sont de jeunes gens, souvent instruits et dotés de compétences particulières, ce qui signifie que les pays d’origine sont de plus en plus exposés à la fuite des cerveaux.

58. Une autre difficulté qui touche la région concerne ceux que l’on appelle les combattants terroristes étrangers. Il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau dans la région : des centaines de djihadistes étrangers se sont battus durant la guerre de Bosnie dans les années 1990. Quand les guerres ont pris fin dans les Balkans, la plupart des djihadistes violents ont quitté la région pour partir combattre ailleurs. Néanmoins, depuis 2013, les activités de combattants étrangers dans les Balkans se sont intensifiées. Les combattants ressortissants des Balkans sont généralement plus âgés que les autres membres d’organisations extrémistes violentes au Moyen-Orient et nombre d’entre eux ont une expérience militaire. En juin 2015, l’organisation terroriste Daech a publié une vidéo intitulée « L’honneur est dans le djihad » ciblant spécifiquement les communautés musulmanes des Balkans et les encourageant à venir combattre en Iraq et en Syrie.

59. Les pays des Balkans occidentaux ont adopté des politiques strictes vis-à-vis des personnes suspectées d’être des combattants étrangers : à leur retour, ces personnes peuvent être immédiatement arrêtées et faire l’objet de poursuites. Néanmoins, pour compléter ces mesures répressives, il est nécessaire de déployer davantage d’efforts pour comprendre les motivations de ces personnes et leur processus de radicalisation. Une majorité écrasante des Bosniens de confession musulmane condamnent l’extrémisme, cependant, les idées radicales se développent dans certaines communautés rurales, en particulier quand ces communautés sont dirigées par des prédicateurs radicaux. Inévitablement, les mauvaises conditions socio-économiques, le manque d’éducation appropriée et de perspectives de travail, ainsi que le chômage très élevé chez les jeunes dans les Balkans occidentaux où les communautés musulmanes sont importantes constituent un terreau fertile pour les idées radicales. Dans ce contexte, les autorités religieuses modérées de Bosnie-Herzégovine méritent que l’on rappelle le travail colossal qu’elles mènent auprès de ces communautés pour éviter la radicalisation. Depuis un an, le nombre de combattants étrangers originaires des Balkans ne cesse de baisser, mais selon une enquête publiée en août 2016 par le Conseil de coopération régionale, cette diminution est probablement liée davantage au recul de la demande qu’à l’efficacité des politiques de déradicalisation.

60. On sait également que des dizaines de Serbes radicalement anti-occidentaux sont partis combattre aux côtés des séparatistes dans l’est de l’Ukraine.

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IV. CONCLUSIONS

61. Les efforts visant à apporter une stabilité durable dans les Balkans occidentaux n'ont pas encore produit leurs effets définitifs. L’intégration européenne et/ou euro-atlantique reste un facteur essentiel pour la paix, la stabilité et les progrès dans la région, mais l’étape la plus facile dans ce processus d’intégration a plus ou moins été franchie avec l’adhésion prochaine du Monténégro. La voie vers une adhésion à l’UE du Monténégro et de l’Albanie est assez dégagée, mais les autres pays de la région sont confrontés à des difficultés plus complexes. Les questions constitutionnelles ou de statut visiblement insolubles, combinées à la montée d’un nationalisme étriqué ont créé un cercle vicieux qui ne pourra être brisé qu’avec la bonne volonté politique des dirigeants nationaux et locaux qui agiront dans le sens des intérêts nationaux les plus larges. Les exemples de M. Dacic et de M. Thaci, qui ont signé un accord de normalisation, et de M. Vucic et son parti de droite avec leur position pro-européenne très marquée montrent que les citoyens des Balkans occidentaux respectent ce type de gouvernance forte.

62. La communauté euro-atlantique devrait également poursuivre son engagement dans la région et envoyer régulièrement des signaux encourageants, tels que l’invitation à adhérer que l’OTAN a adressée au Monténégro, la facilitation de débouchés commerciaux ou les politiques de libéralisation du régime des visas qui seraient mises en œuvre en échange de progrès concrets et de l’adoption de réformes tangibles.

63. La rapporteure spéciale souhaiterait mettre en avant certaines recommandations spécifiques :

Sur le moyen terme, les questions de statut non résolues (Kosovo, dénomination de l’ex-République yougoslave de Macédoine) ne devraient pas entraver les efforts d’intégration. Le processus de négociation lui-même offre des avantages aux populations de ces pays en stimulant les processus de réforme et en offrant un accès partiel au marché de l’UE et des programmes de soutien à la jeunesse. L’utilisation d’une note de bas de page : « Cette désignation est sans préjudice des positions sur le statut et est conforme à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’à l’avis de la Cour internationale de justice sur la déclaration d’indépendance du Kosovo », apposée au terme « Kosovo » permet au Kosovo de participer aux forums régionaux. Néanmoins, la rapporteure spéciale est convaincue qu’en vue d’une adhésion, Belgrade et Pristina devront finir par régler la question du statut du Kosovo, ou, du moins, parvenir à un meilleur niveau de normalisation des relations.

Il est indispensable que le dialogue se poursuive entre Belgrade et Pristina. Le groupe de travail chargé de la rédaction des statuts de l’association/communauté de municipalités à majorité serbe au Kosovo doit impérativement produire un document qui satisfasse aux besoins de la communauté serbe du Kosovo tout en respectant le cadre juridique du Kosovo.

Athènes et Skopje devraient être encouragées à trouver un accord sur la question du nom ou à trouver des modalités de fonctionnement qui permettraient à l’ex-République yougoslave de Macédoine de rejoindre plus rapidement la voie de l’intégration OTAN/UE. Une délégation de la présente commission de l’AP-OTAN s’est rendue dans ce pays en juin 2016, et en a retenu le message – à la fois des interlocuteurs locaux et étrangers – selon lequel l’ex-République yougoslave de Macédoine a été trop longtemps négligée et court un sérieux risque d’implosion. Le pays semble aujourd’hui plus éloigné d’une adhésion à l’OTAN et à l’UE qu’il ne l’était il y a quelques années. Cette dynamique doit être inversée.

Les prochaines élections législatives dans l’ex-République yougoslave de Macédoine seront un test décisif pour les valeurs démocratiques du pays, ainsi qu’une occasion de mettre fin à une crise politique interminable qui l'empêche d’aller de l’avant. Le Bureau du procureur spécial doit recevoir tout l’appui dont il a besoin pour mener à bien la mission pour laquelle il a été créé.

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La présence de la communauté internationale au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine devrait être maintenue dans l’avenir immédiat.

Les dirigeants de la Bosnie-Herzégovine devraient veiller à financer de façon appropriée le secteur de la défense afin d’éviter une régression des progrès enregistrés dans ce domaine qui fonctionne relativement bien. Les dirigeants de l’OTAN devraient également envisager de ne pas faire de l’enregistrement de l’ensemble des biens immobiliers de la défense une condition préalable à l’activation du Plan d’action pour l’adhésion. Le Plan pourrait avoir un effet positif sur les autres initiatives de réformes du pays.

La promotion de la coopération régionale, et les contacts entre les peuples sont des éléments essentiels pour une véritable réconciliation, une intégration européenne et une plus grande prospérité de la région.

Les organisations de la société civile devraient être soutenues, en particulier dans leurs efforts visant à promouvoir la réconciliation et à convaincre les responsables politiques locaux d’abandonner leurs récits nationalistes étriqué au profit des intérêts nationaux au sens large.

La communauté euro-atlantique devrait établir clairement que les niveaux élevés de corruption, l’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant, les problèmes relatifs à la liberté d’expression et aux droits humains ne sauraient se justifier par des facteurs externes, tels que des difficultés de statut ou l’impasse de l’intégration à l’UE et à l’OTAN. Si ces problèmes ne font pas l’objet d’actions concrètes sérieuses, une intégration à l’UE et à l’OTAN – tout comme l’espoir d’attirer davantage d’investisseurs ou de créer de meilleures conditions économiques – restera un rêve illusoire.

Le défi de l’accueil des réfugiés qui se retrouvent bloqués dans les pays des Balkans occidentaux est également une occasion de surmonter les différences entre les pays de cette région et de mettre en œuvre une réelle coopération sur cette question fondamentale. Comme l’a signalé le commissaire européen Johannes Hahn, la crise des réfugiés prouve que les pays des Balkans font déjà « partie du club ». La communauté euro-atlantique devrait renforcer son soutien aux pays de la région dans cet effort. La fermeture des frontières dans certains pays de l’UE était une erreur qui a entraîné la détérioration de la crise humanitaire ; elle a mis une pression supplémentaire sur les pays des Balkans occidentaux.

Pour aider à résoudre le problème des combattants étrangers, la communauté euro-atlantique doit améliorer le partage d’informations et l’expertise avec les États des Balkans occidentaux. Les pays de la région doivent se concentrer davantage sur le travail de prévention et sur les efforts de lutte contre la radicalisation.

L’aide au développement socio-économique est absolument essentielle pour trouver des solutions durables aux difficultés de la région. Les projets économiques régionaux de coopération doivent être encouragés. La région dispose d’un potentiel qui pourrait, et qui devrait, être utilisé pour créer de la prospérité, et pour apporter à sa population, en particulier aux jeunes des opportunités d'emploi et d’éducation. De telles initiatives contribueraient à enrayer la fuite des cerveaux.

La communauté euro-atlantique doit redoubler d’efforts pour communiquer avec la population de la région et en particulier, pour dissiper les mythes concernant l’OTAN. Les bienfaits de la coopération avec l’Alliance devraient être démontrés par des initiatives civiles telles que le Programme OTAN pour la science au service de la paix et de la sécurité. L’OTAN peut également fournir une aide précieuse dans les situations d’urgence (par exemple les inondations en Serbie) par l’intermédiaire de son Centre euro-atlantique de coordination des réactions en cas de catastrophe.

La communauté euro-atlantique devrait également tenir compte du fait que certains peuples de la région ont des affinités culturelles avec la Russie. Moscou joue un rôle actif dans la région, en exerçant une influence politique et économique et en utilisant sa puissance de conviction, notamment grâce à son centre humanitaire régional, établi dans la ville de Nis, en Serbie, pour contribuer aux opérations de réponse aux situations d’urgence.

Le rôle de l’Albanie, alliée au sein de l’OTAN, est important, du fait de ses liens avec les communautés du Kosovo et de l’ex-République yougoslave de Macédoine. L’Albanie

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devrait continuer à encourager les communautés albanaises de ces pays à agir de façon constructive et à s’engager pour la création de sociétés multiculturelles et inclusives.

Les responsables politiques de la région pourraient davantage faire comprendre à leurs citoyens qu’une intégration euro-atlantique et les efforts requis pour mettre en place les acquis communautaires permettraient d’améliorer les normes existantes et d’entreprendre les réformes indispensables pour leurs pays et leurs populations respectives. En ce sens, le processus est tout aussi important que le résultat obtenu.

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