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 LA SARCOIDOSE Dr Benahmed M, Dermatologue, Oujda Introduction La sarcoïdose est une maladie d’étiologie inconnue pouvant toucher tous les organes. Les manifestations dermatologiques y sont très polymorphes et ont un intérêt majeur sur le plan diagnostique. Les manifestations cutanées de la sarcoïdose seraient présentes dans 20 à 35 % des formes systémiques, isolées dans 25 % des cas environ. Il n’y a pas de corrélation stricte entre le type ou l’étendue de l’atteinte cutanée et l’extension ou l’évolutivité  des lésions systémiques. Il est classique de distinguer les manifestations dermatologiques non spécifiques, dominées par l’érythème noueux, des manifestations spécifiques, caractérisées en histologie par la présence de granulomes tuberculoïdes non caséeux.  Mani fes ta tion s cutanées non s péc if i ques Elles sont considérées comme non spécifiques car elles ne présentent pas de granulomes épithélioïdes à l’examen anatomopathologique.  . L’érythème noueux (EN) en est la manifestation la plus fréquente, signalée dans 5 à 25 % des séries (1). Sa fréquence varie en fonction de l’origine géographique et des groupes ethniques, elle est plus faible chez les Noirs et aux États-Unis. Dès ce stade, des lésions cutanées spécifiques peuvent être intriquées, justifiant leur recherche systématique, notamment sur les anciennes cicatrices. L’ensemble de la symptomatologie est ha bituellement spontanément régressive. L’érythème noueux évolue vers les teintes de la biligénie locale avant de disparaître ; les adénopathies régressent en quelques mois. La présence d’un érythème noueux témoigne généralement du caractère aigu de la sarcoïdose 

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LA SARCOIDOSE

Dr Benahmed M, Dermatologue, Oujda

Introduction 

La sarcoïdose est une maladie d’étiologie inconnue pouvant toucher tous les organes.Les manifestations dermatologiques y sont très polymorphes et ont un intérêt majeur sur

le plan diagnostique.Les manifestations cutanées de la sarcoïdose seraient présentes dans 20 à 35 % desformes systémiques, isolées dans 25 % des cas environ. Il n’y a pas de corrélationstricte entre le type ou l’étendue de l’atteinte cutanée et l’extension ou l’évolutivité deslésions systémiques. Il est classique de distinguer les manifestations dermatologiquesnon spécifiques, dominées par l’érythème noueux, des manifestations spécifiques,caractérisées en histologie par la présence de granulomes tuberculoïdes non caséeux.

Manifestations cutanées non spécifiques 

Elles sont considérées comme non spécifiques car elles ne présentent pas degranulomes épithélioïdes à l’examen anatomopathologique. 

.

L’érythème noueux (EN) en est lamanifestation la plus fréquente, signaléedans 5 à 25 % des séries (1). Safréquence varie en fonction de l’originegéographique et des groupes ethniques,elle est plus faible chez les Noirs et aux

États-Unis. Dès ce stade, des lésionscutanées spécifiques peuvent êtreintriquées, justifiant leur recherchesystématique, notamment sur lesanciennes cicatrices. L’ensemble de lasymptomatologie est habituellementspontanément régressive. L’érythèmenoueux évolue vers les teintes de labiligénie locale avant de disparaître ; lesadénopathies régressent en quelques

mois. La présence d’un érythème noueuxtémoigne généralement du caractère aigude la sarcoïdose 

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Les autres lésions cutanées non spécifiques sont rares.Il s’agit de vascularites,

de lésions d’érythème polymorphe,de prurigo… 

Manifestations dermatologiques spécifiques 

À l’opposé, les manifestations spécifiques sont surtout l’apanage des formeschroniques, plus fréquentes sur peau noire (1). Malgré leur expression clinique variée,elles ont certaines caractéristiques communes.Les manifestations spécifiques desarcoïdose se voient surtout dans les formes chroniques. 

Caractéristiques communes

Formes cliniques

La classification classique en petits nodules, gros nodules, nodules sous-cutanés,

lésions en plaques ou sur cicatrice ne recouvre pas l’ensemble de leurs manifestationscliniques, d’où la proposition d’une nouvelle classification basée sur l’aspect de la lésionélémentaire, le regroupement des lésions et la topographie avec toutes les associationspossibles. Selon l’aspect de la lésion, tous les intermédiaires existent entre des lésionsen tête d’épingle jusqu’à de volumineux nodules cutanés pseudo -tumoraux. Des lésionsplanes rouge foncé peuvent simuler une vascularite. L’aspect translucide de certaines  lésions peut donner le change avec des lésions vésiculeuses. Ailleurs, les lésionspeuvent être érythémato-squameuses, ichtyosiformes, achromiques, atrophiques ouulcérées. Suivant le regroupement des lésions, elles forment des plaques plus ou moinsinfiltrées ou des lésions annulaires plus ou moins évocatrices.

Elles sont indolores, non prurigineuses, souventinfiltrées, non inflammatoires, non œdémateuses,de couleur allant du jaune au violet, de topographieubiquitaire, même si l’atteinte du visage estparticulièrement fréquente et évocatrice. Lavitropression fait disparaître l’érythème et apparaîtredes grains jaunâtres, évocateurs d’un infiltratépithélioïde, quelle qu’en soit la cause.Contrairement à la clinique, l’aspect histologique est

assez univoque avec des granulomes épithélioïdesnon caséeux, assez bien limités dans le derme,pouvant s’étendre plus ou moins profondément. Des cellules géantes sont présentes au sein del’infiltrat, entouré d’une couronne lymphocytaireavec quelques monocytes et éosinophiles.

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Enfin, la topographie confère certaines particularités aux lésions de sarcoïdose.

Contrairement à la clinique, l’aspect histologique est assez univoque. 

Les sarcoïdes sur cicatrices sont caractéristiques, permettant de faire le diagnosticde sarcoïdose avant la confirmation histologique. Il s’agit d’anciennes cicatrices qui

brutalement changent d’aspect, devenant inflammatoires, infiltrées, d’allure pseudo-chéloïdienne.

L’atteinte distale des doigts donne des déformations unguéales pseudo-lichéniennesdéfinitives

La sarcoïdose angio-

lupoïde réalise un

placard érythémateux,infiltré et télangiectasique,localisé sur le nez, les

 joues, l’angle interne del’oeil, pouvant évoquer unlupus, du fait de ladisposition en vespertilio). 

Le lupus pernio,touchant l’extrémité dunez, est souvent confonduavec une simpleacrocyanose, la pointe dunez y est cependant plusrouge que bleue etdiscrètement infiltrée.

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Sur le cuir chevelu, les sarcoïdes peuvent conduire à des plaques d’alopéciecicatricielle, généralement infiltrées.

Dans la muqueuse buccale, l’aspect clinique est identique à celui de la maladie deCrohn, à type de lésions polypoïdes ou d’hyperplasie œdémateuse et fissurée de la faceinterne des joues ou des lèvres, réalisant un aspect en pavé (cobblestone) ou unechéilite granulomateuse.

Sur les organes génitaux externes, les lésions papuleuses, éventuellementregroupées en anneaux sont les plus fréquentes. Certaines localisations sont associéespréférentiellement à des atteintes systémiques. Ainsi, les lésions diffuses des doigtsboudinés ou les atteintes unguéales sont associées à une atteinte osseuse sous-

 jacente. Le lupus pernio du nez doit faire pratiquer un scanner pour visualiser l’atteinteORL sous- jacente. L’atteinte pulmonaire serait plus fréquente en cas de lupus pernio etde sarcoïdose sur cicatrice (2).

Sarcoïdoses induites par des traitements 

La symptomatologie clinique de la sarcoïdose est identique, que la sarcoïdose soitspontanée ou induite par des traitements, notamment par l’interféron alpha et les anti -TNF.

L’interféron alpha ou bêta 

L’interféron alpha, sécrété au cours de la réponse immunitaire de type Th1, stimule àson tour la différenciation des lymphocytes vers une réponse Th1, active lesmacrophages et les cellules T cytotoxiques. Or, la réponse immunitaire au cours de lasarcoïdose est essentiellement de type Th1. Il n’est pas surprenant que les traitements

au long cours par interféron alpha ou bêta puissent induire des sarcoïdoses. Celles-cisurviennent quelle que soit la pathologie traitée (hépatite C essentiellement, mais aussileucémie myéloïde, myélome, mélanome, etc.) et quel que soit le type d’interféron,pégylé ou non (3,4). La ribavirine, souvent donnée en association avec l’interféron encas d’hépatite C, inhibe la production de cytokines Th2, tout en préservant la répons eTh1, d’où un effet renforcé de l’association sur la production de granulome (4). Endehors de la peau, les atteintes pulmonaires, hépatiques et rénales sont fréquentes.Toutes les atteintes régressent habituellement après l’arrêt du traitement et récidiventlors de sa reprise.

Les anti-TNF

Plus récemment, des observations similaires ont été rapportées avec les anti-TNF(étanercept surtout mais aussi infliximab et adalimumab). Le TNF est également unecytokine jouant un rôle majeur dans la formation du granulome sarcoïdosien avec uneffet bénéfique des anti-TNF dans de nombreuses observations. Paradoxalement, lesanti-TNF sont également capables d’induire de novo ou de favoriser les récidives desarcoïdose (5,6). Les maladies pour lesquelles ils sont prescrits sont essentiellementdes polyarthrites rhumatoïdes, mais aussi des spondylarthrites ankylosantes et desrhumatismes psoriasiques. Dans la majorité des cas, la sarcoïdose régresse à l’arrêt dutraitement anti-TNF.

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Diagnostics différentiels 

Le polymorphisme des lésions cliniques de sarcoïdose cutanée pourrait amener àdiscuter tous les diagnostics dermatologiques. Aussi est-il nécessaire de restreindrecette discussion aux lésions dermatologiques avec infiltrats épithélioïdes histologiques.Les infections doivent être éliminées prioritairement par les cultures sur milieuxappropriés : tuberculose, mycobactéries atypiques, lèpre tuberculoïde, leishmaniose,mycoses.Plus intéressants sont les granulomes à corps étrangers, qui peuvent être desxénobiotiques inorganiques, organiques, ou des substances endogènes.Certaines de ces substances sont injectées dans le revêtement cutanéo-muqueux pourdes raisons esthétiques. Lorsqu’ils sont en quantité abondante, ils peuvent induire desgranulomes disséminés viscéraux simulant une sarcoïdose systémique (silicone,paraffine). Ailleurs, le granulome à corps étranger peut être la première manifestationcutanée d’une véritable sarcoïdose (7) systémique ou non, réalisant un phénomène deKoebner sur la zone injectée (tatouage, substances de comblement des rides).Les réactions à corps étranger peuvent apparaître de quelques semaines à denombreuses années après les injections de produits de comblement des rides. Elles

sont heureusement rares, peut-être plus fréquentes en cas d’hépatite C réplicativeassociée, nécessitant un traitement antiviral. Si cette augmentation de fréquence étaitconfirmée, elle justifierait la réalisation d’une sérologie d’hépatite C avant toute injectionde matériel étranger à visée esthétique.

Les lésions métastatiques des entérocolites inflammatoires sont similaires à lasarcoïdose dans la bouche mais non sur les organes génitaux féminins où lelymphoedème est beaucoup plus important.Enfin, certains lymphomes épithélioïdes peuvent également simuler une sarcoïdose.

Traitement des sarcoïdes cutanées 

Les corticoïdes Le traitement de première intention de la sarcoïdose est la corticothérapie orale, efficacedans la majorité des cas, avec une dose seuil variable d’un malade à l’autre et enfonction des organes atteints (8-10). Lorsque l’atteinte cutanée est isolée ou persisteaprès guérison des atteintes systémiques, la corticothérapie générale ne semble pas

 justifiée du fait d’un niveau généralement trop élevé de cette dose -seuil. Unecorticothérapie locale ou intralésionnelle peut être prescrite. En cas d’inefficacité oud’impossibilité de ces traitements, d’autres alternatives thérapeutiques ont étéproposées avec un niveau de preuve dans l’ensemble assez faible. 

Les antipaludéens de synthèse (hydroxychloroquine et chloroquine) ont été

utilisés avec plus ou moins de succès dans les formes cutanées isolées, maisaussi dans les atteintes ORL peu sévères ou pulmonaires, et en cas de troubles dumétabolisme phosphocalcique.Les cyclines (minocycline ou doxycycline) pourraient avoir un effet sur certaines lésions

cutanées. La doxycycline est à utiliser de préférence car moins pourvoyeur d’effetssecondaires.Le méthotrexate 

Parmi les immunosuppresseurs, le méthotrexate (10 à 30 mg/ semaine) est le plusprescrit, seul ou comme moyen d’épargne cortisonique, et considéré souvent comme un

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traitement de 2e ligne après les corticoïdes. Les effets thérapeutiques sont retardés,après au moins 6 mois de traitement.Le méthotrexate est considéré souvent comme un traitement de 2e ligne après lescorticoïdes.Le thalidomide a donné des bons résultats dans quelques séries ouvertes,

L’isotrétinoïne et l’allopurinol ont été essayés avec succès dans des cas isolés.  Les anti-TNF, en particulier l’infliximab, se sont révélés efficaces, non seulement sur la

peau mais aussi dans de nombreuses formes viscérales. Rappelons qu’ils peuventégalement induire des sarcoïdoses.Enfin, certains lasers (CO2, colorant, KTP) ont été utiles avec des résultats

cosmétologiquement satisfaisants notamment dans des lupus pernio ou des sarcoïdessur cicatrice (11-13).

Conclusion 

Le diagnostic de sarcoïdose cutanée est en règle facile, excepté lors d’association à desgranulomes à corps étrangers. Toute sarcoïdose, apparaissant sous interféron ou anti-TNF doit faire suggérer une origine médicamenteuse. Le traitement des sarcoïdes

cutanées isolées ou résiduelles est parfois très difficile du fait de leur caractèrechronique et affichant avec résistance aux traitements usuels.

Références

1. English JC et al. Sarcoidosis. J Am Acad Dermatol 2001 ; 44 : 725-43.2. Yanardag H et al. Cutaneous involvement in sarcoidosis: analysis of the features in170 patients. Respir Med 2003 ; 97 : 978- 82.3. Vital Durand D et al. Granulomatoses d’origine médicamenteuse ou toxique. Rev MedInterne 2008 ; 29 : 33-8.4. Adla M, Downey KK, Ahmad J. Hepatic sarcoidosis associated with pegylatedinterferon alpha therapy for chronic hepatitis C: case report and review of the literature.

Dig Dis Sci 2008 ; 53 : 2 810-2.5. Ramos-Casals M, Brito-Zeron P, Soto MJ, Khamashta MA. Auto-immune diseasesinduced by TNF-targeted therapies. Best Pract Res Clin Rheumatol 2008 ; 22 : 847-61.6. Louie GH, Chitkara P, Ward MM. Relapse of sarcoidosis upon treatment withetanercept. Ann Rheum Dis 2008 ; 67 : 896-8.7. Descamps V et al. Facial cosmetic filler injections as possible target for systemicsarcoidosis in patients treated with interferon for chronic hepatitis C: two cases.Dermatology 2008 ; 217 : 81-4.8. Doherty CB, Rosen T. Evidence-based therapy for cutaneous sarcoidosis. Drugs2008 ; 68 : 1 361-83.9. Badgwell C, Rosen T. Cutaneous sarcoidosis therapy updated. J Am Acad Dermatol

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