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La classe de langue : Théories, méthodes et pratiques. sous la direction de Martine Faraco

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  • La classe de langue : Thories, mthodes etpratiques.sous la direction deMartine Faraco

  • 2Prsentation

    Martine FARACOUniversit de Provence

    LPL, UMR 6057

    Cette classe de langue est en fait lillustration parfaite du dilemme qui estconstamment latent : apprendre communiquer en langue seconde par et danslinteraction laide de cette mme langue. Loutil se confondant avec lobjet sapproprier. Le but et le moyen, le dpart et larrive. Lenseignant tant luiaussi pris au pige de la dualit de son rle : la fois expert et partenaire de laconversation. Lenseignant ne pouvant pas toujours rflchir sur sa pratique selaisse observer bon gr mal gr, les uns rflchissant, les autres pratiquant, lesautres encore laborant des mthodes. Nous avons voulu faire de cet ouvrage, unopen space, o tous ceux qui pratiquent, observent et modlisent la classe delangue sexprimeraient. Le sujet semblait effectivement porteur vu le nombre decontributions venant tant dhorizons gographiques divers que de domaines derecherches diffrents mais videmment complmentaires qui ont trunies dans ce travail. Toutes ces rflexions saccordent sur le point dfendudans le premier chapitre de cet ouvrage par Jean-Marc Defays et Sarah Deltour :le caractre spcifique et paradoxal de la classe de langue.

    Certes, la lgitimit de cette classe de langue comme lieu privilgidapprentissage/acquisition ne peut pas non plus laisser indiffrent, elle estsouleve par Grald Schlemminger et Claude Springer. Les auteurs comparent laclasse de langue et la classe o sont tudies des disciplines non linguistiques.Que la langue trangre soit lobjet ou le vhicule de lenseignement, seuls lesprojet et planification didactiques semblent influencer le potentiel acquisitionnelde cette mme langue par les apprenants.

    Dans une partie, que nous appellerons thorique (chapitre 2), nous avonsruni trois contributions qui interrogent successivement le contraste entrelapprentissage des langues maternelle et seconde, la dynamique de lacommunication en classe et la dlicate question des observables

    En raffirmant, linstar de Vygotski, que les apprentissages des languesmaternelle et seconde passent par un mme processus, Pierre Bange souligne lecaractre spcifique de lapprentissage dune langue seconde dans ses conditions internes et externes . Selon lauteur, de la prise en compte de cesconditions dpend la construction dune didactique efficace, didactique quidevrait reposer sur une mthode denseignement communicatif-cognitif.

    Pour sa part, Ulrich Dausendschn-Gay nous invite assister une sancede Tele tandem en cole primaire, exprience franco-allemande. Cest loccasionpour lui de dmonter les mcanismes des pratiques communicatives en classe delangue. la lumire de lanalyse du discours et des thories socioculturelles.

  • 3Des concepts tels que comptence distribue, action mdiatise et acquisitioncomme pratique sociale permettent de revisiter les dynamiques decommunication triangulaire et autogre et de prendre la mesure de leurfonctionnalit pour lacquisition.

    Par le biais de ses dfinitions du geste, Tsuyoshi Kida nous rappelle lacomplexit du traitement des observables en classe de langue. Pour tudier et/ouenseigner le non-verbal ou tout autre domaine en classe de langue, il y adeux pr-requis incontournables : llaboration soigne de la mthode danalyseet la pertinence didactique de lobjet enseigner.

    Le chapitre 3 aborde la question du point de vue des acteurs de la classesous trois angles : lattitude et la motivation en contexte bilingue, la faon donton parle de la classe et la reprsentation de la difficult linguistique chezlapprenant.

    Observant le contexte de lenseignement nerlandophone Bruxelles,Sonja Janssens, Alex Housen et Michel Pierrard dcrivent les implications decontacts intercommunautaires et interlinguistiques sur la perception par lesapprenants nerlandophones et francophones de ces deux langues et de leurenseignement. Trois facteurs semblent avoir une influence prdominante sur lesattitudes et motivation des lves, savoir les variables temps, groupe dgeet L1.

    Antonietta Mara et Gabriele Pallotti sintressent, eux, la dnomination travers lanalyse quantitative et qualitative de logonyme partir duneenqute mene sur des enseignants et lves pour leur LM (italien) et LE(anglais). La perception de la ralit de la classe savre tre diffrente de faonsignificative pour les deux groupes.

    Enfin, Jean-Marc Dewaele et Galle Planchenault se concentrent surlexemple de lutilisation des pronoms dadresse tu et vous pour montrer queles apprenants nenvisagent pas telle ou telle difficult linguistique de faonlinaire, dans leur progression dapprentissage. Il faudrait plutt dire que pluslapprenant avance dans son expertise de la langue, plus il envisage clairementla difficult. Ces auteurs discutent aussi, au vu de leurs rsultats, lide selonlaquelle la proximit des L1 et L2, diminuerait la perception de la difficult chezles apprenants.

    Le quatrime et dernier chapitre touche un ensemble de questionsconcernant divers domaines qui peuvent intresser lenseignement dune langue,ceux qui sont voqus ici sont la sociolinguistique, les discours et syntaxe, lalittrature, la phontique et le non verbal.

    Tout dabord, Sophie Babault et Rada Tirvassen prsentent des outilsconceptuels sociolinguistiques utiles non seulement pour linterprtation desinteractions verbales en classe, mais aussi pour le dveloppement de lacomptence des apprenants : rpertoire langagier et comptence plurilingue ;

  • 4norme et variation ainsi que phnomnes de reprsentation. Il sagit ici dunplaidoyer en faveur de lintroduction rflchie des notion et pratique de lavariation attaches la sociolinguistique qui permettrait de repenser la vritlinguistique dfendue par les conceptions du langage issues de la grammaire.

    Cest la didactisation du discours qui proccupe Mireille Prodeau dans unarticle qui se propose dutiliser les recherches en acquisition L2 pour construiredes squences dapprentissage et provoquer un dveloppement microgntiquedes outils syntaxiques en relation avec un discours instructionnel. En effet, lesapprenants doivent dcouvrir quels sont les outils syntaxiques et grammaticauxqui vont leur permettre de rsoudre une tche verbale complexe en languetrangre sans quapparaisse laccent tranger.

    Brigitte Bonnefoy, au titre de praticienne de la classe de langue, prnelutilisation du texte littraire en classe, et plus exactement de la nouvelle. Selonlauteur, cette nouvelle est particulirement adapte la lecture en languetrangre de par ses spcificits mmes. La rflexion se termine sur quelquessuggestions de textes pour exprimentation immdiate.

    Le nombre de contributions traitant de phontique et non-verbal tmoignede la dynamique cre autour de ces champs, trop longtemps considrs commesecondaires dans lenseignement/apprentissage.

    Danielle Duez et Tom_ Dub_da explorent lacquisition de certains faitsdhypoarticulation du franais par des apprenants tchques, au vu de lavariabilit des formes sonores en relation avec le degr de formalit de lasituation de communication. Aprs comparaison de certains des faitsdhypoarticulation les plus significatifs du franais et du tchque, sont prsentsles rsultats obtenus pour une tude perceptive et acoustique de la ralisation due dit muet, de la liaison et de la nasalisation des consonnes par des locuteurstchques en situation formelle et informelle. Il en ressort que lintgration desfaits dassimilation et de rduction ne se fait pas uniformment et quil y a uneassez grande variabilit interpersonnelle. Les auteurs discutent de limplicationde ces rsultats pour lenseignement du franais langue trangre.

    Pierre Durand labore un cours de phontique pour des tudiants deniveau avanc. Abandonnant le cours de phontique franaise traditionnelreposant sur des bases orthopiques bien connues et sur les raffinementspossibles de la norme du franais oral, il propose de faire travailler leurcomprhension du franais oral aux tudiants. Pour ce faire, lauteur construit unparcours pdagogique destin amliorer leur discrimination auditive dansdiffrentes situations de communication, leur permettre un meilleur dcodagedu franais oral, en favorisant leur capacit danticipation dans la chane parle,et de rtroaction partir de lentre auditive.

    Ltude de Chantal Paboudjian propose un compte rendu des recherchesphontiques sur la fonction prosodique et notamment intonative. Les courantsd'analyse des fonctions grammaticale et attitudinale de la prosodie sont ainsi

  • 5prsents et l'importance des travaux sur la fonction socioculturelle de laprosodie, qui ont rvl l'existence de normes prosodiques propres aux groupes,est souligne. Il est montr que la matrise de ces normes en relation avec lecontexte immdiat et le contexte socioculturel s'avre ncessaire pour unecommunication performante en langue seconde.

    La contribution de Miki Nakahara et Mary-Annick Morel permet de fairese rencontrer les domaines de lintonation, de mimique gestuelle et de lamorphosyntaxe. Par une observation longitudinale de Japonaises apprenant lefranais, elles montrent que les particularits prosodiques du franais et lesrgularits dans les mouvements du regard se mettent en place avant certainesproprits lexicales et morphosyntaxiques et aussi avant la matrise des marquesdhsitation euh. Il apparat aussi que la surabondance des gestes de pointageavec les mains tend sestomper au fil du temps.

    Sattachant plus exclusivement la gestuelle, Alexis Tabensky observedes interactions entre apprenants dans un cours de FLE. Le focus est letraitement du topic pendant une discussion. Celui-ci merge et se construit par letravail conjoint des apprenants et grce des ressources verbales et gestuelles.La fonction contextualisatrice du geste fait de lui un mdiateur dappropriationvers des comptences discursives. En consquence Alexis Tabensky propose derexaminer le rle de la dimension corporelle de la parole dans la didactique duFLE.

    Pour conclure, je tiens remercier ici tous les auteurs de cet ouvrage quimontre sil en tait besoin que la classe de langue continue alimenter larflexion de nombre de chercheurs et de praticiens.

  • 6Chapitre 1Enseignement de langue et langue denseignement

  • 7Spcificits et paradoxes de lenseignementdes langues trangres dans le contexte scolaire :observation et formation

    Jean-Marc DEFAYS

    & Sarah DELTOURUniversit de Lige

    La plupart des recherches et des travaux en didactique des languestrangres portent actuellement sur des questions internes lenseignement ou lapprentissage, que ce soit sur le versant linguistique, socioculturel,psycholinguistique ou neuropsychologique. Quand on sintresse son contexte,cest alors vers le monde extrascolaire que lon se tourne, la comparaison entrelapprentissage guid, institutionnel, et non guid continuant susciter desquestions sur la spcificit de lun et de lautre, et encourager les mthodes quiprofiteraient des avantages cumuls des deux modes dacquisition en vitantleurs dfauts respectifs. Limmersion reprsenterait ainsi lidal, condition dese mettre daccord sur les multiples acceptions du terme et les applications toutaussi varies de ses principes (Defays, 2003).

    1. Htrognit des programmes scolaires, des mthodes denseignement,des points de vue de lobservation

    Une autre comparaison semble un peu nglige, alors quelle conditionnesensiblement la vie quotidienne des lves, savoir la comparaison entre laclasse de langue trangre et les autres cours que les professeurs demathmatiques, dhistoire, de chimie, de langue maternelle leur dispensent dansla mme institution. On a peut-tre tendance oublier que ces lves passentdune classe lautre en lespace dune heure et que, forcment, sur le plan descontenus, mais aussi au niveau des didactiques, la discontinuit etlhtrognit rgnent dans les programmes scolaires, tandis que chaqueprofesseur essaie de rendre son enseignement cohrent et pertinent. La russitede lenseignement dpend aussi des rapports entre ces diffrents cours o objets,objectifs et mthodes dapprentissage ne se correspondent pas.

    Le problme ne se posait pas nagure quand on enseignait les languesvivantes comme les autres matires, langlais comme le latin, et le latin commela biologie. Les lves se rendaient peine compte quils changeaient de classe,tellement les modalits de lenseignement/apprentissage taient similaires. Maisla didactique des langues a connu de nombreux bouleversements depuis cetenseignement philologique o les exercices de grammaire et de traduction

  • 8ressemblaient des rsolutions dquations mathmatiques, et la mmorisationdes systmes morphologiques celle du tableau priodique de Mendeleev aucours de chimie. La didactique des autres disciplines a bien sr aussi volu,mais un autre rythme et sans pareilles ruptures (dans les disciplinesscientifiques, cest plutt le contenu qui a t profondment remis en cause) que la didactique des langues trangres tire hue et dia par la linguistique etla psychologie, elles-mmes en pleine effervescence. Lenseignement deslangues trangres sest donc dmarqu des autres enseignements au fur et mesure que ses spcificits saffirmaient.

    Depuis cette rupture, la classe de langue est devenue un sujetdobservation singulier qui ne proccupe pas seulement le didacticien soucieuxde confronter ses thories la ralit du terrain et de voir comment sopre lencessaire ajustement des prceptes mthodologiques aux contraintes propres la situation scolaire. Lenseignant, lui aussi, saisit lopportunit dobserver uncollgue, ne serait-ce que le temps de quelques leons tous les organisateurs deformations continues ont sans doute dj entendu des demandes pressantesdans ce sens. Cest pour lui loccasion de comparer les situationsdapprentissage, les solutions originales que chacun a imagines aux problmesquil rencontre, de dcouvrir de nouveaux exercices, voire mme de se rassurersur sa propre pratique. Lobservation constitue galement un outil indispensableau futur professeur et son formateur. Le premier y trouve le moyen de sefamiliariser avec tous les aspects de la classe de langue, dembrasser dun seulregard tous les paramtres que la thorie, par souci de clart et desystmatisation, distingue et isole. Le second, lorsquil assiste aux leons de sonstagiaire, se donne la possibilit de dresser un bilan de ses habilets, dediagnostiquer ses lacunes, de rorienter son enseignement, le corriger oulvaluer. Ajoutons quau-del de cette tude de la mise en uvre des activitsen classe, lobservation permet au didacticien, au professeur, au formateur et austagiaire de sinterroger sur lutilisation, la conception des manuels et dessupports didactiques crits ou audiovisuels, et pourquoi pas ? de confronterparfois les directives du programme officiel avec les pratiques enseignantes etden mesurer le bien-fond.

    On aurait tort de croire, toutefois, quil suffit de contempler, en simplespectateur qui ne dispose ni dun point de vue particulier ni dinstrumentsdanalyses adquats, le droulement dune ou de plusieurs sances de cours pouren extraire lessentiel mthodologique et pdagogique. Lexercice resteraitmalheureusement sans effet. Lobservateur dtermine les aspects sur lesquels ilportera son attention, sa rflexion et, selon les objectifs quil poursuit, ilassistera la leon dans une optique radicalement diffrente. De la mmemanire que lenfant merveill et le pompier vigilant ne posent pas le mmeregard sur un feu dartifice lun admire lascension des fuses et leur explosion

  • 9dans le ciel, tandis que lautre sattache leur chute et lendroit o ellestouchent le sol , le professeur qui sintresse, par exemple, la programmationdes activits, se proccupant surtout des travaux proposs et des faits et gestesde son collgue, et le chercheur spcialiste de la communication non verbale,examinant lattitude de tous les participants, auront sans doute des lecturesdissemblables dune mme sance.

    2. Bref historique

    Des perspectives diverses, donc, mais aussi une gamme de procds,outils, grilles danalyse, et concepts spcifiques puisque cette discipline neressemble aucune autre et qui ont volu en mme temps que se singularisaitlenseignement des langues trangres. On peut dcrire globalement deuxmoments dans cette diffrenciation avec les autres matires et, paralllement,deux courants dobservation.

    Quand il est devenu structural et bhavioriste, partir des annesquarante, lenseignement des langues trangres sest en quelque sortedvaloris par rapport aux autres enseignements, puisque lapprentissage dunelangue tait considr comme un simple conditionnement plus ou moinsabrutissant, en tout cas sans que soit beaucoup sollicite lintelligence delapprenant. Les cours se droulaient soit entre les cloisons du laboratoire delangues, sous un casque, soit dans la somnolente pnombre impose par leprojecteur de diapositives, rpter des phrases toutes faites dont les lves nesaisissaient pas toujours le sens, et encore moins lutilit. Le professeur, quirefusait obstinment dexpliquer et encore moins de traduire, soutenait que lesapprenants finiraient naturellement par comprendre et parler, renforant leurconviction que lapprentissage dune langue trangre dpend moins decapacits ou defforts intellectuels que dun don inn, comme pour le cours dedessin ou de gymnastique.

    lpoque, lobservation de classe est limage de cette vision quelquepeu mcaniste de lapprentissage. On tente dassocier, pratiquement de faonbiunivoque, les interventions de lenseignant aux progrs accomplis par lesapprenants et de dresser linventaire des actes caractristiques du professeurperformant (Dargirolle, 1999). Suivant les thses bhavioristes, les lves secontentant de rpondre, par automatisme, aux stimuli de leur instructeur, il nesaurait tre question de leur prter une grande attention, et, tout naturellement,lintrt des observateurs se porte presque exclusivement sur lenseignant. Cestau point que, dans la formation initiale en didactique des langues, la vertuprincipale que lon reconnat lobservation de classe est de permettre auxstagiaires de dcouvrir la leon talon structuro-bhavioriste, rfrencefondamentale, tout au long de leur carrire, des cours quils dispenseront.

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    Les mthodes structuro-behavioristes, comme les mthodes audio-orale etstructuro-globale audiovisuelle, et lobservation de classe qui les accompagnait,ne sont plus au got du jour. Dabord, les thories psychologiques etlinguistiques qui inspiraient alors les didacticiens nont plus cours aujourdhui ;ensuite, le peu de cas quelles faisaient de la motivation, des aspirations et desoprations dapprentissage des lves serait inacceptable prsent.

    Lapproche actuelle (depuis 1980) comble ces lacunes, puisque, intgrantles dcouvertes du cognitivisme, elle replace lapprenant, ses procds pourtablir, organiser, utiliser ses connaissances, au centre de ses proccupations, et,suivant les thories interactionnistes de lpoque, elle peroit la situationdenseignement comme une synergie laquelle les lves concourent au moinsautant que le professeur. Elle a su aussi tirer avantage des innovations dunelinguistique qui saffranchit du structuralisme et qui, dans une perspective pluspragmatique, sapplique dcrire les mcanismes de la signification, lesfonctions linguistiques et les actes de langage. Ds lors, plus que la langue, cestla communication qui fait lobjet du cours.

    Depuis quil est communicatif (Coste, Courtillon, Ferenczi, Martins-Baltar et Papo 1976 ; Widdowson, 1981 ; Moirand, 1982), cet enseignement deslangues trangres a de nouvelles ambitions par rapport aux autresenseignements, et mme par rapport lenseignement en gnral o il semble sesentir ltroit. La langue comme moyen de communication nest plus unematire ni une discipline comme les autres ; elle peut dailleurs tredifficilement assimile une matire en raison de son caractre vivant, subjectif,indfini ; ni une discipline, vu la place dsormais accorde la spontanit, la personnalit, la crativit.

    Cette mthodologie se caractrise aussi par son clectisme. Lesprofesseurs et les lves, nen pas douter ont trop souffert, par le pass, delapplication rigide, exclusive, du structuralisme et du bhaviorisme. On refusedsormais ce genre de mise en uvre directe de lune ou lautre thorie, et lonse garde de tout sectarisme. Lapproche communicative sinspire, certes, deschangements oprs par la linguistique et la psychologie, mais elle nen reniepas pour autant les activits du pass. Si lon ajoute cela lattention redoubleque lon porte aux apprenants, tous diffrents certains plutt sensibles auxsupports visuels, dautres aux supports auditifs, certains privilgiant une vuedensemble dun problme, dautres sattachant davantage aux dtails, certainsaimant travailler seuls, dautres prfrant les exercices de groupes, etc. oncomprend ce parti pris pour la multiplicit des activits et des procdsdenseignement.

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    Lobservation de la classe de langue trangre reflte la diversit, lecaractre composite, et loriginalit de cette nouvelle dmarche denseignement.Dabord, elle analyse maintenant la varit, tant linguistique que pdagogique(Dargirolle, 1999). Plus question, donc, de lui assigner, comme par le pass, unrle prescriptif. tant donn que lon modifie les leons en fonction du profil desapprenants, on naspire plus dfinir une norme laquelle devraient seconformer toutes les sances. Lobjectif serait plutt de peser les choixpdagogiques quopre le professeur en fonction de telle ou telle situationdenseignement. Ensuite, autre changement dimportance, lenseignant nestplus le point de mire de tous les observateurs puisque que lon sintresse toutautant aux stratgies cognitives et communicatives mobilises par les lves etaux interactions qui se jouent entre le professeur et son groupe, et entre chacundes membres de ce groupe.

    Au-del de ce bref historique, ce sont les particularits de la classe delangue que nous voudrions mettre en exergue ici, car il est trop tard, au momentdes dlibrations de fin danne ou des runions de parents dlves, pour serendre compte que les langues ne sapprennent pas, consquemment nesenseignent pas de la mme manire. Il serait dommage aussi de prendreprtexte du principe pragmatique que ce sont les conditions de lacommunication qui suscitent lapprentissage, et non plus les conditions delenseignement qui, elles, auraient plutt tendance le contrarier, pour plaisanteravec un didacticien des langues qui affirmait que ce nest pas lapprentissage deslangues qui pose problme, mais leur apprentissage lcole. Sur le modle unpeu mythique de lapprentissage non guid, on sefforcerait alors de faireabstraction de la classe sous tous ses aspects. Pourtant lenseignement scolairedes langues offre au moins lavantage dtre observable, de permettre analyseset expriences. Ds lors, il est possible dy apporter des amendements et denattnuer les contraintes : les relations formelles entre professeurs et lves, lancessit institutionnelle de lvaluation, les limites physiques de la classe.Examiner, identifier et comparer les composantes permettraient de davantage lescontrler et de mieux y prparer les lves et tous les partenaires delenseignement, de faon prvenir incomprhensions, tensions et conflits.

    Tableau. volution du type denseignement de la langue

    Enseignement Observationmthode-approche sciences

    contributoiresacteurprincipal delenseignement

    objet delobservation

    objectif delobservation

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    aprs1940

    audio-orale structuro-

    globaleaudiovisuelle

    behaviorisme structuralis

    me

    lenseignant lenseignant prescriptif

    aprs1980

    communicative cognitivisme pragmatiqu

    e linguistique

    delnonciation

    les apprenants tous les paramtres delenseignement(situation,personnes)et leurs interactions

    descriptif

    3. Les contenus

    Commenons par les questions que pose le contenu, tout la foisparticulier et commun, de lenseignement, savoir la communication. Commerien nchappe au discours, le cours de langue a pour vocation de couvrir tout lerel. Dambitieux projets dimmersion (Hagge, 1996) envisagent dailleurs deformer la didactique des langues des professeurs dhistoire, de chimie, demathmatiques afin quils puissent enseigner dans leur langue maternelle destrangers. Ainsi assiste-t-on avec plaisir au dcloisonnement de lenseignementdes langues (maternelle et trangres) et une certaine reconnaissance de sonomniprsence en tant que matire de toutes les disciplines (Hagge, 1996).Mais on ne gagnerait certainement pas beaucoup sen remettre exclusivement ces collgues non-spcialistes, mme recycls, pour lenseignement deslangues trangres !

    En fait, cest prcisment cette omniprsence du discours et son aspectpolymorphe qui justifient que lon ait recours un professionnel. Lors de laleon de langue, schangent des propos de diffrentes natures et fonctions. Onmanie tour tour le discours didactique lorsque lon demande desclaircissements, distribue les tches, explique des faits linguistiques , lediscours imit si lon reproduit des dialogues mmoriss, des phrases types,etc. , le discours simul quand, par exemple, on improvise une saynte oule discours authentique ds lors que les participants sexpriment pour leurpropre compte, sans endosser de rle (Weiss, 1984). Tout lart du professeurconsiste en rgler la bonne proportion : ce quil faut de discours didactiquepour assurer une bonne correction linguistique, sans couper systmatiquementles lves quand ils sexpriment ; assez dimitation pour leur donner desautomatismes et les rassurer, sans dcourager en eux toute spontanit ; la bonnemesure de simulation pour stimuler leur imagination, sans les cantonner dessituations fictives improbables ; et suffisamment de discours authentiques pourfavoriser des conversations enrichissantes, sans perdre de vue quils devront

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    aussi dialoguer dans un contexte extrascolaire.

    Dans la ralit, ces discours senchevtrent et il nest pas toujours ais deles distinguer. Une des vocations de lobservation, dans ce cas, serait dapprcierle poids de chacun dentre eux dans le cours de langue et dans les supportspdagogiques exploits. La part que lon devrait rserver aux informationsdordre mtalinguistique, par exemple, soulve toujours des questions parmi lesprofesseurs qui sinterrogent sur leurs priorits : enseigner avant tout lesfondements de la grammaire, ft-ce de manire abstraite, ou privilgier de primeabord le discours authentique, au risque de voir les apprenants commettre deserreurs qui resteront fossilises. La thorie noffre quune rponse irnique trouver un juste milieu entre ces deux attitudes trop peu opratoire poursatisfaire le professionnel de terrain. Lanalyse des pratiques de classepermettrait daffiner ces recommandations. Dans le mme ordre dides, il seraitintressant dexaminer la manire dont les enseignants adaptent le discoursmtalinguistique de rfrence selon le profil et le niveau de leurs lves, etdobserver quelle terminologie ils choisissent.

    Dautre part, on a maintenant la conviction que lenseignement etlapprentissage de la communication en langue trangre mobilisent toutes lesfacults des professeurs et toutes les facettes de la personnalit des apprenants :cognitive, culturelle, affective, relationnelle, etc. Il suffit de voir le nombre deparamtres que lon sest ingni dcouvrir sous le concept gnral decomptence communicative (Krashen, 1981, Moirand, 1982) depuis quil sestimpos aux enseignants. Citons simplement, parmi les plus frquemmentretenues, les composantes linguistique, grammaticale, sociolinguistique,discursive, textuelle, rfrentielle, encyclopdique, situationnelle, sociale,relationnelle, ethno-socio-culturelle, stratgique,

    ce titre, on a assez taquin lancien professeur de langue devenuanimateur culturel, psychologue, sociologue, philosophe : rien de ce qui esthumain nest tranger au professeur de langue trangre, pourrait-on soutenir.Les difficults dfinir, dlimiter, cette sacro-sainte communication laissentparfois apprenants et enseignants perplexes quant lobjet mme du cours delangue, drouts devant un champ daction aussi tendu et foisonnant, alors queles autres professeurs peuvent prciser la matire voir pour la fin de lanne oupour le lendemain. Il est probable qu cause de cela, certains lvessouponnent leur professeur de langues de douce dsorganisation oudexigences excessives.

    Les doutes quprouvent les enseignants ne sont pas moins proccupants.Quand il sagissait uniquement denseigner la langue, et surtout ses rglesformelles, les professeurs disposaient dun savoir de rfrence. Et mme si lon

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    a beaucoup critiqu la grammaire traditionnelle, trop normative, incohrente,centre sur lcrit, peu mancipe par rapport ses devancires grecques etlatines, elle avait au moins le mrite dexister. Par contre, on ne dispose pas, parexemple, dun relev des rgles sociales et des modalits dinteraction entre lespersonnes, les institutions, les objets sociaux, etc. qui interviennent dans la sous-comptence ethno-socio-culturelle (Moirand, 1982). Dans ces conditions, lesenseignants ont t contraints oprer deux-mmes une slection et dfinir,sur la base de leurs connaissances implicites, une matire enseigner. On attendmaintenant de lobservation de classe un retour thorique sur ces dcouvertesempiriques nes de la confrontation directe avec les difficults de lacommunication en classe.

    Toujours en ce qui concerne le contenu de lapprentissage, on distinguaitnagure clairement les leons de langue et de civilisation, ainsi que les drills degrammaire, les listes de vocabulaire, les exercices de traduction. Cela ne signifiepas quon puisse maintenant faire lconomie de ces activits, mais quil faut lessubordonner aux besoins de la communication. On conserve donc le patrimoinehrit des mthodologies prcdentes, mais on en fait un usage diffrent : au lieude sarticuler autour dune notion de grammaire, par exemple, les travaux dunesance se structurent autour dune fonction langagire, dun problme rsoudre, dune tche accomplir... Les futurs professeurs prouvent souventdes difficults percevoir ce genre de nuance et cest alors que lanalyse despratiques de classe, lexamen de la planification des leons joue un rleprpondrant.

    4. Les acteurs

    Poursuivons avec les personnes impliques, et plus prcisment avec lesapprenants. En la matire, il faut toujours partir du malaise que chacun ressent apprendre une langue trangre, trac inluctable et universel, semble-t-il, qui semanifeste en classe aussi bien par le mutisme que par lindiscipline. Ce que leprofesseur de langue demande ses lves est non seulement difficile sur le plancognitif, mais psychologiquement prouvant. Nous nous identifions davantage la langue que nous parlons serait-elle trangre qu ce quelle peut nouspermettre de dire (la langue est lhomme mme !). Il ny a rien de plusdstabilisant en soi et dembarrassant devant les autres, que de ne pouvoirsexprimer. Perdre la parole, cest perdre la face ; il faut le rappeler aux jeunesenseignants de langues qui peuvent se montrer cruels sans le savoir.Lapprentissage dune langue trangre cre en effet un dsquilibre entre lescomptences intellectuelles et linguistiques qui vont gnralement de pair dansdes situations de communication en langue maternelle alors que 1on risque depasser pour un grand enfant quand on tente de sexprimer en langue trangre. Ilfaut accepter le jeu de lapprentissage et cette rgression temporaire quil

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    provoque, mais ce nest pas toujours la porte dapprenants en pleine crisedidentit, adolescence oblige.

    Des observations compares denseignants dbutants et chevronns sont ce sujet fort instructives. Le professeur novice sefforcerait essentiellement dersister au stress de la situation, de conserver son aplomb face la classe(Tochon, 1995). Do une certaine difficult de ce professeur interprter lesractions des apprenants, puisque, essentiellement proccup par limage quilrenvoie de lui-mme, il ne guette pas les signes dincomprhension, dedcouragement, de trac ou de malaise de son auditoire. Proposer aux stagiairesen observation de focaliser en partie leur attention sur les attitudes, collectives etindividuelles, des lves et sur le comportement que lenseignant adopte enrponse pourrait constituer un remde et les dterminer mnager la sensibilit fleur de peau de leurs futurs apprenants.

    Venons-en au professeur. On sait tous que le bilinguisme nest passeulement une affaire de langue, mais quil affecte plus dun titre le caractre.Alors quil ny a pas de solution de continuit entre lenseignant et lemathmaticien chez le professeur de mathmatiques, le professeur de langue bilingue, biculturel, tranger parfois se caractrise, quant lui, par sa dualitpar rapport ses lves et ventuellement ses collgues, ce qui nest pas sanscrer parfois quelques ambiguts : qui sadresse qui, en quelle langue, avecquelles intentions, en classe, dans le couloir, dans la salle des professeurs, dansla rue... ? Comme sil ne parvenait pas chapper ce rgime de la doublenonciation (Defays, 2001). Par ailleurs, des enqutes montrent que cesenseignants plus que leurs collgues entretiennent souvent une relationpassionnelle avec la langue et la culture quils enseignent et quils comptentparfois plus sur leur enthousiasme communicatif que sur des techniquespdagogiques pour russir dans leur tche. Do leur profonde dception quandleur zle ne suffit pas.

    Le rle dvolu aux uns et aux autres nest pas non plus le mme que dansla plupart des cours dits scientifiques o lenseignant reste gnralement leresponsable de lapprentissage, de son contenu, de ses mthodes, de sesobjectifs, de son valuation, le manuel seul offrant un complment ou unealternative au discours professoral. Les mthodes communicatives en langue ontinaugur lcole des changes plus quilibrs, plus personnels entreprofesseurs et lves. Les lves ne sont pas seulement responsables de leurapprentissage de plus en plus individualis, mais aussi de lenseignement enclasse o on leur demande de participer activement et de prendre des initiatives.En qute de communications authentiques, lenseignement des languesdveloppera et exploitera effectivement ces interactions entre enseignant etlves, les seules qui ne doivent pas tre simules en classe. Lenseignant joue

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    ainsi plutt un rle danimateur, de mdiateur, de coordinateur que dinstructeur,dautant que les occasions dtre confront la langue trangre et delapprendre se multiplient lextrieur de lcole, y sont parfois plus attrayantes,mieux adaptes, plus performantes quen classe.

    La classe de langue est galement un microcosme o lapprenant est tenude sintgrer et dinteragir avec les autres, et pas seulement avec le professeur,sil veut y apprendre. Cest en effet avec ses condisciples que chaque apprenantdoit s'entendre et changer, pour pouvoir ensuite entrer en relation avec lemonde-cible et ses natifs. Ceci est dautant plus vrai si le groupe des apprenantsest plurilingue et multi-ethnique et que lenseignement a lieu en immersion dansun pays francophone. La solidarit est alors encore plus importante entre lescondisciples qui partagent le mme statut dtrangers. Ils parlent de leursdcouvertes, de leurs difficults, de leurs frustrations, ils se conseillent,sencouragent mutuellement. La classe constituera pour eux une zone franche oils peuvent assumer leur diffrence et se sentir compris, alors que ce nest peut-tre pas le cas dans leur vie quotidienne. Lenseignant veille cependant ce quecet esprit de groupe ne compromette pas leur intgration dans le milieuextrieur.

    Nous venons dvoquer le rle de mdiateur de lenseignant, et lesdifficults quil peut parfois prouver pour contrler la dynamique du groupe ochacun doit trouver sa place. Les premires activits quil organise visentsouvent davantage constituer ce groupe (confiance, convivialit,participation) dont dpend le succs de son enseignement, qu commenceraussitt cet enseignement proprement parler. Les condisciples jouent plusieursrles dans lapprentissage de chacun des membres de la petite communaut de laclasse ou du groupe. Ils sont les uns pour les autres des interlocuteurs dans lesconversations ou les mises en scne, des coquipiers dans la ralisation deprojets communs, des modles suivre pour les lves moins avancs, desconseillers en cas de difficults de toutes sortes, des concurrents parfois quandils comparent leur progrs, mais surtout des partenaires part entire danslentreprise de lapprentissage de la langue et dans les activits quotidiennes dela classe.

    La participation des condisciples en tandem et/ou en groupe lenseignement des langues conduit finalement lautonomie et laresponsabilisation de chacun des apprenants qui reprsente un intermdiaire parrapport au professeur, lequel ne peut assumer tous les rles. Cette participationest dailleurs indispensable quand les classes sont nombreuses, voiresurpeuples, comme cela arrive frquemment dans certaines institutions ou danscertains pays. Dans ces cas, on devrait sinspirer du principe de rigueur au judoo chaque judoka, quel que soit son niveau, est la fois le professeur du

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    condisciple de rang infrieur et llve du condisciple de rang suprieur. Lahirarchie symbolise par les ceintures de couleurs diffrentes dtermine le rleet la responsabilit que les uns ont par rapport aux autres sur le tatami oenseignement et apprentissage sont indissociables puisque chacun a toujoursquelque chose apprendre quelquun dautre et de quelquun dautre. Pour enrevenir lenseignement des langues, un apprenant charg daider un (ou des)condisciple(s) moins avanc(s) profite autant que lui (eux) de cette mission quidveloppe non seulement sa matrise de lobjet de son intervention, mais aussisa prise de conscience (mtalinguistique, interculturelle, mtacognitive) de sonpropre apprentissage.

    Certains suggrent aussi, pour profiter au maximum de ces changes enclasse, de redistribuer plus encore les rles. Ainsi, on propose aux apprenants dese mettre dans la peau, non plus du professeur, mais de lobservateur, pourprendre conscience des modalits de prise de parole en langue trangre, desfonctions langagires quils matrisent, (Kramsh, 1984). Un moyensupplmentaire de multiplier les interactions puisque non seulement on apprendpour parler, on parle pour apprendre, mais on observe le tout et on en parle.

    Dautres, de faon plus classique sans doute, fournissent aux futursprofesseurs une grille danalyse centre sur les relations qui peuvent existerentre la disposition des tables et des chaises dans la classe de langue, la missionque peut assumer le professeur et le type de circulation de la parole. Ainsi,certains amnagements favorisent-ils les changes directs entre les apprenants,la mise en commun de supports, le travail de groupe, etc., tandis que dautresfacilitent plutt le contrle et la correction des propos par lenseignant, le suiviindividuel des lves, la ralisation de tches en autonomie, (Puren,Bertocchini et Costanzo, 2001).

    5. Les objectifs

    La question des objectifs nest pas moins problmatique. Plusieurs tapesont t rapidement franchies ici aussi, au moins en thorie... On a dabordprfr dvelopper chez les apprenants le savoir-faire plutt que le savoir. Plusquestion de les initier in abstracto la complexit des temps primitifs ou lasubtilit des rgles du tutoiement/vouvoiement (pour un dveloppement de cettequestion, voir Dewaele et Planchenault, chapitre 3 de cet ouvrage), maisdenvisager leurs comptences communicatives en gnral et en action.Lattitude adopter en face de la faute de langage est significative cet gard :lerreur nest plus sanctionne, mais au contraire apprcie comme preuve quelapprentissage est en bonne voie, et mme valorise vis--vis de lincohrenceou de la complexit de certaines rgles. On sest ensuite rendu compte quelapprentissage dune langue et dune culture trangres dpendait autant du

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    cur que de la tte, cest--dire dun intrt pour la diffrence, dune motivationpour les contacts, dune disposition lempathie, ainsi que dune aptitude ladistance critique par rapport soi-mme, sa langue, sa culture. Aussi lespromoteurs de linterculturel (Aballah-Pretceille, 1999) visent-ils stimuleravant tout chez les apprenants un savoir-tre ou un savoir-vivre propres favoriser leur apprentissage (un savoir-()changer ?). De leur ct, les psycho-pdagogues cognitivistes insistent sur le fait que lapprentissage est une questionpersonnelle et une affaire de stratgies, et que le rle du professeur est lheureactuelle moins denseigner la langue en question que dapprendre ses lves lapprendre selon leur personnalit, leurs capacits, leurs disponibilits. Lesavoir serait donc surtout un savoir-savoir.

    Lenseignement des langues ne pche-t-il pas par excs lorsquil se fixecette multitude dobjectifs ? La situation scolaire le nombre dheuresconsacres la langue trangre, dapprenants qui participent au cours, lemanque de motivation de certains, permet-elle vraiment de tous lesrencontrer de faon satisfaisante ? De mme, les lves, parents et directeursdcole consentent-ils facilement cette dfinition des finalits du cours ? Nedemandent-ils pas plutt que lenseignant dispense la matrise de lacommunication, sans se soucier de ce supplment dme que constituent lesavoir-tre et le savoir-savoir ? Dans ces conditions, on imagine facilement queles professeurs resserrent cette liste et modrent leurs ambitions. Do peut-trelintrt denquter pour dcouvrir o les acteurs de la situation scolaire placentleur priorit.

    Ce renouveau des objectifs amne dautres sujets dobservation de classe. commencer par les procds mis en uvre pour forger le savoir-tre.Comment en effet le professeur manuvre-t-il pour flchir ce qui semble bienparticiper du caractre des apprenants ? Si lon choisit lexemple de lapprocheinterculturelle, les confronte-t-il de faon systmatique ou accidentelle auxstrotypes sur la culture-cible ? Laisse-t-il libre cours leurs reprsentations oules mne-t-il, de faon plus ou moins autoritaire, vers une autre position ? De lamme manire, depuis que la formation lapprentissage sest range parmi lesobjectifs gnraux du cours de langue, le professeur doit composer avec demultiples contradictions : laisser aux apprenants le choix des mthodes et descontenus abords en respectant les exigences du programme ; respecter le styledapprentissage de chacun, dans le contexte dun cours collectif ; donner desresponsabilits des lves qui nprouvent pas toujours de motivation apprendre (Puren, Bertocchini et Costanzo, 2001). Seule une analyse despratiques de classes peut nous clairer sur le difficile travail de conciliation entrela logique denseignement et la logique dapprentissage.

    6. Observation et valuation

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    Dans le foisonnement de comptences et de finalits que nous avonsabordes plus haut, comment stonner que les critres dobservation etdvaluation des professeurs de langue soient si difficiles fixer ? Quedveloppe-t-on et que juge-t-on chez lapprenant en langue : sa connaissance dela grammaire, son sens des relations humaines, ses facilits dlocution, sonintrt pour la culture cible, ses initiatives personnelles, etc. ? Est-on sr que cesqualits (ou les dfauts correspondants) aillent de pair ?

    Dans les mthodes traditionnelles et structurales de lenseignement deslangues (avant 1980), lvaluation des savoirs et des savoir-faire limits ouleur observation, puisque lvaluation nen est jamais quune variante neposait gure plus de problme que dans les autres disciplines scolaires. Depuislavnement des mthodes communicatives et pragmatiques dans les annesquatre-vingts (voir supra), il est devenu difficile de prparer et dorganiser desvaluations et des observations en rapport direct avec les comptences que lonsefforce de dvelopper chez lapprenant, et cohrentes par rapport aux principesde lapprentissage.

    En effet, vu la multiplicit, la varit, limprcision, la confusion desparamtres, il nest pas facile dobserver et dvaluer la capacit dun apprenant communiquer, cest--dire donner son avis, sadapter linterlocuteur, recourir limplicite, sans faire appel lintuition, sans provoquer lacomplication en fragmentant des comptences en une infinit de sous-comptences sous prtexte de mieux les contrler, et sans tomber danslincohrence (chevauchements, dsquilibres, hiatus entre critres : on ne saitpas ce quon juge rellement, on ne juge pas tout, et on juge plusieurs fois lamme chose).

    Lobstacle a deux versants : dune part, celui de dduire de lacommunication en gnral ses diffrentes composantes que lon pourrait isolerpour les analyser ; dautre part, dinduire une comptence communicativegnrale partir de ces diffrentes composantes que lon combinerait. Commentconcilier lanalyse de ces composantes que rclament lvaluation etlobservation, et leur interaction sur laquelle repose la communication ?Comment viter ce paradoxe que la communication, lobjet de lvaluation et decertaines observations, se dsagrge prcisment au moment o on veut la saisirpour ltudier ou lvaluer ?

    Par ailleurs, si lon ny prend garde, on court toujours le danger de neprendre en compte que lindividu, son enthousiasme, son assurance, soncharisme, et non plus lapprenant et ses performances linguistiques. On sedemandera aussi dans quelle mesure on doit et on peut tenir compte de la

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    participation en classe de cet apprenant, des efforts quil dploie en dehors de laclasse pour sexposer la langue, de son sens des relations humaines, de sonesprit dinitiative, ce savoir-vivre dont nous avons soulign le rle danslenseignement communicatif comme dans lapprentissage en immersion deslangues trangres.

    Lexpression orale (relativement) spontane prsente dautres difficultspour isoler et observer simultanment et quitablement la prononciation(laccent, le rythme, la fluidit, lintonation auxquels on a gnralementlhabitude de donner une importance excessive, en bien comme en mal),linteraction (le jeu des questions-rponses, la coopration, la ngociation,largumentation), les stratgies de communication (la paraphrase, la priphrase,les hsitations, les reprises, les vitements), la manipulation des sous-entendus,les mimiques, les gestes, lattitude et tout ce qui participe de lexpressivitverbale sans que lon puisse toujours savoir ni comment ni pourquoi.

    En fait, les recherches et observations nont toujours pas apport cesquestions les rponses qui permettraient dlaborer une valuation rellementcommunicative qui soit la fois rapide, fiable, globale et authentique.Cependant, on saccorde sur la ncessit de remettre sans cesse en cause lesrfrences, de multiplier les angles dapproche, de confronter lavis de plusieursobservateurs ou valuateurs, on recommande lusage dvaluations oudobservations croises, les unes de type analytique bases sur une grille decritres pondrs, et les autres de type globaliste, portant sur lensemble delactivit, de la production, de la communication. On vite ainsi lincohrence dela fragmentation des comptences tout en rduisant au minimum la part desubjectivit. En tout cas, il faut faire face au dfi de lobservation et delvaluation des comptences communicatives, quels que que soient leursrisques et leurs complexits, en rsistant la tentation de revenir aux grillesstructurales dans le seul souci dobjectiver et de lgitimer lanalyse. Lacontradiction qui consiste chercher dvelopper certaines comptences et enobserver ou en valuer finalement dautres (Defays, 2003 ; Veltcheff et Hilton,2003), est inadmissible.

    7. Conclusions

    La classe de langue constitue souvent comme un monde part de lcole,un microcosme en dcalage avec le reste de linstitution en raison non seulementdes objets langue et culture, mais de la didactique quon y pratique. Dautrepart, cette mme classe est en rapport direct mentalement, culturellement outechniquement avec le village plantaire o se multiplient les changesmultilingues et interculturels. Elle est donc anime par un double mouvement :centripte au sein de lcole o elle doit prserver ses spcificits, centrifuge au-

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    del de lcole, l o elle doit trouver sa justification ultime. Ladcoration exotique du local, la disposition libre des bancs et ses quipementsdinformation et de communication sont les marques extrieures de cettesituation particulire. La conjugaison des facteurs que lon vient rapidementdexaminer donne finalement aux lves le sentiment que le cours de langue estun cours pas comme les autres, et ils adaptent leur attitude et leur comportementen consquence, que ce soit bon ou mauvais escient. Certains lvesressentent comme un inconfort au cours de langue faute des points de represhabituels ; dautres y voient un prtexte au laxisme ou lindiscipline comme sice qui sy passait ne comptait gure dans le reste de lcole ; dautres aucontraire profitent de cet affranchissement et de cette ouverture pour spanouir.

    Par ailleurs, il faut insister sur les enjeux de lenseignement des languesqui ne concernent pas que la langue ni la culture trangres, mais qui visent plusgnralement une ducation la diffrence et lchange au-del des langues etdes cultures. Cette dimension humaniste nest videmment pas absente desautres cours, mais elle est au cur de lenseignement des langues qui doitcontribuer cest bien le principe des mthodes actuelles une meilleurecommunication, que ce soit dans la classe, dans lcole, dans la rue, dans lemonde. En tout cas, lenseignement des langues dans le cadre de mthodescommunicatives pourrait se trouver, si on ny prenait garde, en porte--faux parrapport linstitution scolaire ; lambigut nest dailleurs pas rare dans lesprincipes comme dans les pratiques. Cest sans doute ce qui en fait un objetdobservation, danalyse et de comparaison si complexe, mais si riche. Peut-trela situation de cet enseignement en particulier annonce-t-elle une autreconception de lenseignement en gnral, mieux adapt aux spcificits dechaque discipline, aux motivations des lves, aux exigences du monde extrieur?

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  • 22

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    Du au : comment interagir dans environnement bilingue ?Modles dinteraction pour lenseignement bilingue dune discipline nonlinguistique

    Grald SCHLEMMINGERcole suprieure de pdagogie, Karlsruhe

    & Claude SPRINGERUniversit Marc Bloch, Strasbourg

    Dpartement de didactique des langues / FLES

    Lutilisation dune langue trangre dans les disciplines autres que les langues,disciplines non linguistiques (DNL), mais aussi dans les situationsdenseignement bilingue, est prsente, depuis de nombreuses annes, commeune alternative positive au cours de langues jug trop limit ltude de lalangue. Cette optique bilingue constituerait un changement de paradigmedidactique favorable lacquisition de stratgies langagires qui seraiententranes et mises en uvre dans des interactions originales et offrant unemeilleure authenticit.

    Notre rflexion propose de relativiser cette hypothse communicative :lutilisation dune langue comme vhicule de communication en DNL ou enclasse bilingue na pas comme consquence inluctable lacquisition destratgies communicatives nouvelles, elle ne favorise pas a priori la mise enplace de squences dinteractions originales. Tout dpendra du sens quelenseignant donne aux apprentissages disciplinaires ou aux apprentissagesbi/plurilingues, lorganisation pdagogique de la classe et du statut que lalangue y acquiert. Notre corpus se fonde essentiellement sur des extraitsdinteractions de classe dcole primaire au Bade-Wurtemberg (Allemagne) eten Alsace (France).

    1. Les DNL dans lenseignement bilingue primaire en Bade-Wurtemberg eten Alsace

    En 2001, le ministre rgional de lducation du Bade-Wurtemberg introduitlapprentissage dune langue vivante partir du cours prparatoire lcoleprimaire. Le programme prvoit deux heures hebdomadaires et une intgrationpartielle dans les disciplines non linguistiques. Les instructions prcisent cesujet :

    Lintgration de lapprentissage dune langue dans dautresdisciplines permet dutiliser la langue cible comme outildenseignement afin de prsenter et dexpliquer des contenus

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    concernant lveil, lhistoire, la musique, les mathmatiques, les artsplastiques, lducation physique et sportive. (Ministerium frKultus, Jugend und Sport Baden-Wrttemberg, 2001 : 19, notretraduction).

    Dix ans plus tt, les premires classes bilingues du type 13/131 ont t mises enplace en Alsace (Morgen, 2000). Mme si les modles et les horairesdenseignement sont diffrents2, les deux approches sont en rupture trs netteavec le paradigme de la didactique traditionnelle des langues vivantes, et cela plusieurs niveaux :

    la langue nest plus rduite son statut dobjet dtudes ou simple outil decommunication en classe, elle devient vecteur dappropriation deconnaissances et de construction des savoirs ;

    lalignement du niveau intellectuel sur le niveau linguistique (lmentaire) entranant une forte infantilisation de lapprenant est abandonn au profitde la construction des savoirs correspondant au niveau sociocognitif de

    lapprenant ;

    les activits du groupe-classe ne tournent pas vide mais contribuent

    donner sens ce que les lve font. Lapprentissage dpasse les situations

    didactiques habituelles de la classe de langue pour voluer vers dessituations cibles (Roegiers, 2003) plus complexes qui permettent dintgrerdiffrents acquis et darticuler des savoirs et savoir-faire dj rencontrs.

    Cet aperu laisse entendre quil y a ncessairement un changement deparadigme fort. Lacquisition de la langue cible nest plus dtermine par laseule tude de la langue objet, mais seffectue notablement travers laconstruction collective et guide des connaissances autres que linguistiques.Lorientation didactique devrait ainsi focaliser la fois sur la communication enlangue cible et sur lacquisition de contenus disciplinaires. La question que nous

    1 13 heures hebdomadaires sont dispenses en langue allemande et 13 heures en franais ; les disciplines sont

    donc enseignes exclusivement dans lune ou lautre langue.2 Voir G. Schlemminger (2003), A. Geiger-Jaillet (2004) : le modle alsacien renvoie davantage un type

    dimmersion partielle o langue seconde et langue premire se partagent le temps scolaire selon des modalitsvariables mais avec sparation stricte des langues dans le programme. (D. Coste, 2003) ; au Bade-Wurtemberg,nous parlons plutt dducation bilingue o les deux langues interviennent comme vecteurs de la constructiondes savoirs ; les langues peuvent alterner pour une mme discipline et dans une mme squence dapprentissage ;elles se compltent dans la mise en place des mmes nouveaux concepts (cf. D. Coste, 2003). Pour la discussionde la place de la langue maternelle en classe de langue, voir V. Castellotti (2001).

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    allons nous poser est de savoir si ce changement de paradigme didactiqueentrane ncessairement dautres modles dinteractions.

    2. Cadre de lanalyse des situations dinteraction

    Lutilisation de la langue comme vhicule implique une srie de questionsrelatives lacquisition de savoirs et savoir-faire et aux consquences dunetelle approche :

    - acquisition de concepts relatifs un contenu non linguistique,- acquisitions langagires,- acquisition des aspects culturels,- acquisition de savoir-faire sociaux,- acquisition de nouvelles stratgies dapprentissage et dinteraction.

    Nous proposons comme cadre danalyse le tableau suivant, qui prsenteschmatiquement trois formes dinteractions pdagogiques, que lon peutrencontrer dans le milieu scolaire aujourdhui.

    Forme dinteraction Areproduction

    Forme dinteraction Breconstruction collective

    Forme dinteraction Ctravail collaboratif

    Dmarche Questionnement ferm Questionnement ouvert Travaux de groupesInteraction Rponses prdfinies

    Squence initiative /rponse / valuation

    Rponses construites,activit collective guide

    rsolution de problme,activit collaborative

    Focalisation Focalisationsur les contenus

    Focalisation sur le sens F o c a l i s a t i o n s u rlinteraction

    Rle lve Reproduire, rpter changer, reconstituer Cooprer, construire

    La forme A reprsente linteraction par dfaut. Le professeur pose desquestions fermes et contrle lensemble du processus. La squencetraditionnelle largement dcrite et documente dans diffrentes disciplinesscolaires place lenseignant dans un rle dominant qui lui permet de contrlerle droulement dune squence. Linitiative dun change est de son domainerserv, cest lui qui distribue la parole et cest lui qui valide la rponse. Laforme B est une variante qui respecte un format plus communicatif. Leschanges restent sous contrle, mais le professeur fournit des aides et desappuis pour permettre aux lves de reconstituer le thme tudi ou dexpliciterdes problmes propres la langue et au discours. Les rponses sont moinsfiges et prdtermines dans la mesure o cest la reconstitution dun sens quiest vis collectivement. La forme C ne se trouve que dans des situations dersolution de problmes qui demandent aux lves de trouver ensemble unesolution et de la dfendre. Lapproche collaborative devrait offrir le plus grandpotentiel pour dvelopper des stratgies nouvelles dapprentissage et

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    dinteractions originales. On pense dans ce cas aux situations coopratives detype pdagogie Freinet, mais aussi en collge aux possibilits offertes par lesparcours personnaliss et en lyce ce qui a pu tre dvelopp dans le cadre destravaux encadrs.

    3. Les interactions en classe de langue traditionnelle : des donnesquantitatives et qualitatives bien rpertories

    La critique de la situation de communication asymtrique en milieu scolaire (etdu modle de lapprentissage de la langue qui en dcoule) nest plus faire. Desanalyses quantitatives confirment depuis longtemps le dsquilibrecommunicationnel en classe de langue. D'aprs Wagner (1983) entre 64% et75% du temps de parole dans les cours de langues reviennent au professeur.Hkansson (1986) a confirm ces donnes. Dalgalian (1984) a mesur les prisesd'initiatives langagires en classe audiovisuelle ; le taux d'initiative delenseignant est de 75 %. Dautres recherches le situent autour de 57 % (parexemple, Luc 1988). Breitkreuz (1979) montre que seulement 5% des noncsdes lves sont rellement motivs par un intrt personnel, les 95% restant sontincits par un questionnement du professeur3.

    Dun point de vue qualitatif, les analyses communicationnelles sont galementrvlatrices. Dans des situations naturelles entre locuteurs natifs, les stratgiesde communication visent assurer le sens gnral des changes. En classe delangue, la situation est diffrente puisque les noncs sont soumis lapprobation de lenseignant qui les apprcie leur degr de conformit avec lalangue cible. Altet (1991 : 154) parle de la mthode interrogatoire qui sertessentiellement lenseignant pour construire son propre discours partir desrponses quil attend des lves [] et ceci indpendamment des disciplines.Wagner (1983) dsigne cette structure communicative comme un change qui selimite trouver ce quil nomme Aufgaben-Lsungsmuster (en dautrestermes un jeu de devinette). Mehan (1985) lappelle known-information-question (questions rhtoriques), en opposition aux answer-seeking-questions (questions authentiques). la suite de Mehan, Bange (1992) dcritla squence de base comme une squence interactive qui suit le schmasuivant :

    initiative du professeur ;

    rplique de lapprenant ; valuation (ventuelle) de ladquation de la rplique.

    3 Voir galement : Y. Bertrand, 1983 ; L. Dabne, F. Cicurel, M.-C. Lauga-Hamid et C. Foerster,1990 - leur

    posture est plutt descriptive et traite plus particulirement les routines langagires et comportementales enclasse de langue.

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    Cette squence ouvre trs souvent sur des squences latrales de reformulationou dexplicitation. Elles sont toutes inities par lenseignant avec unedistribution des rles interlocutifs figs. Bange (1992) parle de bifocalisation (voir aussi Henrici 1995) :

    [L] objet thmatique de la communication nest plus au centre delattention ; celle-ci se focalise sur la langue, lobjet thmatique []est rejet la priphrie, il nest plus quun prtexte. [] Lacommunication y est en fait rduite des variations sur lesconventions linguistiques. (Bange, 1992 : 73-74)

    4. Interactions en classe de FLE, environnement bilingue dans le Bade-Wurtemberg

    Contrairement la situation alsacienne, lenseignement du FLE lcoleprimaire seffectue sous forme extensive comme un cours de langue. Cependant,la formation des enseignants (qui bi-disciplinaires et qui suivent une formationbilingue) ainsi que les instructions officielles favorisent un enseignement de typebilingue. Les enseignants sont incits, dvelopper des situations debilinguisme, par exemple, dans leur cours de franais, ils peuvent introduire dessquences de DNL et dans les autres disciplines des squences de franais (cf.Schlemminger 2003, 2004).Prenons lextrait de classe quatre (CM1) lcole primaire. Les lves suiventdepuis trois ans un enseignement de franais. Le sujet du cours est La galette.Au dbut de lextrait, le professeur affiche les images des rois mages au tableau.En montrant la premire, il explique la situation biblique. Il poursuit de la mmefaon avec limage suivante.

    Extrait n 1 : La galette, 4e anne dcole primaire, 3e anne dapprentissage ;Corpus : GS 2002,3 (G. Schlemminger 2002)4

    12345

    P (montre limage affiche au tableau noir)Ltoile a averti les trois rois mages de la naissance de Jsus Bethlem.(montre limage affiche au tableau noir).. Bethlem, les trois rois mages prsentent leurs dons Jsus.Rptez !

    6 E1

    Warum sollen wir das wiederholen? [Pourquoi faut-il lerpter ?]

    78

    P Rptez, sil vous plat : Bethlem, les trois rois mages prsentent leurs dons

    4 P = professeur ; E = lve ; Es = des lves.

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    Jsus.9 E

    2Les trois rois mages prsentent leurs dons Jsus.

    Le dbut de lextrait (lignes 1-4) correspond la fin de la squence narrative,prsente sous forme immersive : lenseignant termine le rcit en montrant lesimages des rois mages affiches au tableau tout en expliquant la situationbiblique. Il emploie un niveau de langue plus lev que celui que les lvesmatrisent en utilisant par exemple un verbe au pass compos : Ltoile aaverti les trois rois mages (ligne 2). Aux lignes 3-4, il termine la narrationtout en dmarrant une squence dentranement linguistique : Bethlem, lestrois rois mages prsentent leurs dons Jsus. Rptez !. La bifocalisationapparat ici clairement : lenseignant qui a centr ses propos sur le sens dumessage insiste brusquement sur la rptition-mmorisation dune phrase toutefaite. Llve (E1) se rend parfaitement compte de ce changement defocalisation, car il ne comprend pas la raison pour laquelle il devrait rpter unephrase : Warum soll ich das wiederholen ? (Pourquoi faut-il le rpter ?)(ligne 6) Cette rptition na pas de sens pour lui.

    Cet extrait illustre la forme dinteraction par dfaut, cest--dire la reproductiondnoncs. Dans ce cas, la classe de langue est fortement marque par le modledinteraction traditionnel qui est loin de la situation exolingue dont lafocalisation premire consiste assurer le bon droulement de la thmatiquecommunicative. Lenseignant est souvent prisonnier de son rle de maximisation (selon Bange, 2002) de lapprentissage. Il est accoutum mettre en uvre des activits de rptition, de reproduction, de mmorisationqui rduisent grandement la libert dnonciation de lapprenant et son rlednonciateur (voir aussi Springer, 2004).

    Dans lextrait qui suit nous nous trouvons dans une situation dorganisation dedbut dactivit : les lves doivent se mettre en cercle.

    Extrait n 2 : Le petit djeuner, 3e anne dcole primaire (C.E.2) ; corpus : P. Senkel (2004)

    05:001 P ... maintenant (::) faire un cercle mais sans chaises.2 E

    s(Les lves sont leur place.)

    3 E1

    Wie [Comment?]

    4 P Sans chaises^5 E

    2mit Sthlen [avec des chaises]

  • 29

    678

    P Non, pas des chaises^ Ok et Norbert et Lisa. il faut quevous reculez avec votre table et Peter et Susanne.^(..?..) avec votre table et venez aprs^ (bruits divers)

    9 E3

    Soll ich auch hinterrutschen [Est-ce que je dois glisseravec ma chaise ?]

    10

    P Non^ (..?..)

    11

    E4

    nur die vorderen^ [seulement ceux qui sont devant.]

    12

    E5

    Drfen wir kommen [On peut y aller ?]

    13

    E6

    Mit Sthlen oder ohne [avec ou sans chaises ?]

    14

    P Non! Sans chaises viens comme a^ (bruits divers)

    15

    Es

    (Les lves se dplacent pour former un cercle prs dutableau.)

    16

    P et (::) un grand cercle grand cercle^

    Nous avons ici un exemple typique de contact de langues : lenseignant parletout le temps en franais ; les lves en allemand. Linteraction laisse supposerquils ne matrisent pas dune manire active le lexique chaise ; cependant ilsle comprennent. Ils comprennent galement les consignes diverses delenseignant (lignes 4, 14, 16). Nous sommes focaliss sur le sens de lacommunication. Lenseignant ninsiste aucun moment pour faire rpter desnoncs en franais, mais elle reprend souvent les propos des lves en franais.Nous avons affaire une conversation bilingue discursivement cohrente ochaque locuteur parle sa langue (mme si lenseignante ne parle pas comme unnatif). Nous nous situons plutt dans la forme dinteraction B qui focalise sur lesens plus que sur les contenus. Loptique traditionnelle rejetterait ce typedinteraction en classe de langue.

    Lextrait n 3 montre le dbut dun cours de franais dans une classe 2 (C.E.1).Il commence par un rituel. Dabord le professeur sassure que personne nestmalade (ligne 1). Ensuite, un lve a pour tche dannoncer le temps quil fait cejour et la date.

    Extrait n 3 : Ma maison, 2e anne dcole primaire (C.E.1) ;corpus : GS 2002,7 (G. Schlemminger, 2002)

    1 P Il y a un lve malade ?2 E

    s

    Non3 E

    s

    Non4 P Qui a le mtier de prsenter le temps ?

  • 30

    5 Es

    (parlent entre eux et regardent le panneau des mtiers )

    6 P Psst.7 E

    1(lve le doigt)

    8 P (lui fait signe)

    9E1

    (se lve et va devant la fentre)Il y a des nuages.

    10

    P Oui, il y a des nuages. (les montre travers lafentre)

    1112

    E1

    mardi, der dreiundzwanzigste mars ......non, April.

    13

    P Oui, nous sommes le 23 avril.

    14

    E1

    Oui, avril.

    15

    P Merci.

    Les lves exercent des tches et ont des responsabilits, appeles mtiers. Endbut du cours, ils vont consulter le tableau daffichage (ligne 5) ce qui permetde supposer que le rituel est bien place. Cette pratique a plusieurs avantages.Dune part, elle permet de rviser rgulirement des noncs dj appris.Dautre part, elle enclenche un acte de parole en situation ; les lves sontamens utiliser la langue pour communiquer propos de quelque chose quifait sens pour eux.

    Cet change ne ressemble pas une interaction classique de type A. Ici, llvejour un rle actif ; il prend linitiative de linteraction. Nous pouvons releverplusieurs lments intressants. Tout dabord remarquons la capacit de cetlve de C.E.2 sautocorriger : aux lignes 11 et 12, il fait un mlange delangues qui montre ses difficults noncer les chiffres cardinaux en franais(en allemand, les dates se disent avec des ordinaux), alors que pour les mois, ilest capable de dire spontanment le mois de mars, mais pas le mois davril.Ensuite, lenseignant, par un mouvement dhtrostructuration, propose songuidage (ligne 13) sans contraindre llve rpter la phrase correcte. Il montrepar l quil sinscrit dans le cadre de lenseignement bilingue. Enfin, la ligne14, llve montre sa capacit reconnatre et reproduire en partie lnonc delenseignant. Cette interaction peut tre considre comme proche dunesquence potentiellement acquisitionnelle. De plus, cette dernire nous apportela preuve de lactivit de construction concernant linterlangue de llve : ilmet des hypothses sur le fonctionnement de la langue cible, en loccurrencesur la formation des dates. Cet extrait illustre ce que nous entendons par forme Bdinteraction qui favorise la co-construction du sens. Le statut de llve nest

  • 31

    pas le mme que dans la forme traditionnelle. Il est reconnu comme apprenantbilingue. Lenseignant de son ct change galement de statut : il est plus dansun rle dtayage typique dune situation exolingue dont lobjectif est de mener son terme un change.

    5. Interactions en classe de DNL bilingue

    Gnralement on met lhypothse selon laquelle la discipline non linguistiqueinfluence lorganisation pdagogique, le squencement et le type dinteractionsverbales du cours de DNL. Selon ce principe, lenseignement dune DNL seraitorient vers la construction collective de savoirs et lacquisition de savoir-fairemthodologiques disciplinaires, cest--dire ce que nous appelons la forme Bdinteraction (reconstruction collective). Daprs Masson (2000), en gographie,lenseignant devrait associer ltude des reprsentations dont sont issus lesquestionnements et les rponses construites partir des concepts reprs . Ladmarche serait alors de type hypothtico-dductive et pourrait se prsenterainsi5 :

    Hypothse : Qu'est-ce que je veux dcouvrir ? Mise en place dune exprimentation (protocole d'exprimentation).

    Observation : Qu'est-ce que jobserve / distingue ? Rsultats : Interprtation des observations / tablissement de la rgle / la loi

    scientifique qu'on vient de dcouvrir.

    Cette mthodologie pdagogique ne correspond pas majoritairement auxdonnes empiriques concernant les disciplines non linguistiques (voir Springer,2001 : 81-100). Nous allons montrer travers quelques extraits quelle est lasituation pour les DNL dans un environnement bilingue.

    La transcription suivante est un extrait dun cours bilingue de biologie dans uneclasse de CE2 en Alsace.

    Extrait n 4 : Nahrungsnetz und Nahrungskette (la chane alimentaire), coursde CE 2 bilingue ; corpus : Y. Bleichner (2000) 6

    5 Wisst ihr schon etwas ber Eulen? [Que savez-vous 5 Il y a peu de publications ce sujet concernant lcole primaire. Il est regretter que H. Christ (1999 : 6-7)

    napprofondisse pas la description trs sommaire dune exprience denseignement bilingue da la DNL dans unecole primaire Francfort.6 Lauteur nous a aimablement donn accs son corpus.

  • 32

    8 des chouettes ?]59

    Es Ja. [Oui.]

    60

    P Was wisst ihr schon ber Eulen. Habt ihr schon maletwas von Eulen gehrt? [Que savez-vous deschouettes ? Avez-vous dj entendu parl des chouettes ?]

    61

    E Ja. [Oui.]

    62

    E Ja. [Oui.]

    63

    P Jean.

    64

    E7Jean

    Es ist ein [Cest un]... comment on dit un animal (+ inaudible), un animal ...

    65

    P Was willst du sagen? [Que veux-tu dire ?]

    66

    P Ha, Unglck Richtig. [Ha, malheur Exact.]

    67

    E Es ist ein Tier, wie in der Nacht lebt. [Cest un animalcomment vit la nuit.]

    68

    P Ja, das ist sehr schn. Die Schleiereule ist ein Tier,was in der Nacht lebt. [Oui, trs bien. La chouettehulotte est un animal qui vit la nuit.]

    69

    E Chouette hulotte.

    70

    P Sie lebt in der Nacht (inscription au tableau noir).[Elle vit la nuit.]

    71

    Wo lebt die Schleiereule denn? Wisst ihr das? [Ohabite la chouette hulotte ? Le savez-vous ?]Wo knnte sie leben? [O pourrait-elle vivre ?]

    72

    Es Dans les arbres.

    73

    Es Non, pas tous Pas tous, pas tous

    74

    Es chouette, dans les vieux /// (clochers ?).

    75

    P Aurlien.

    76

    E8Aurlien

    Dans la fort.

    77 P Bitte. [Je ten prie.]78 E In der Wald. [Dans le fort.]79 P Im Wald, ja, richtig. Sie lebt im Wald (crit au tableau).Wo lebt

    sie noch? Pierre.[Dans la fort, exact. Elle vit dans la fort. O habite-t-elle encore,Pierre ?]

  • 33

    Lenseignant veut manifestement ractiver le savoir des lves par rapport lachouette en procdant par une question ferme en oui / non (ligne 58). Auxlignes 63-66, il propose, dans une squence latrale, un tayage pour soutenirlnonciation de llve qui a signal la ligne 64 une difficult lexicale.Llve parvient une formulation (ligne 67) qui est valide par lenseignant(lignes 67, 68). Cette progression est jusquici une interaction tout faitclassique (forme dinteraction A).

    Ce qui est intressant ensuite, cest la construction collective bilingue desconnaissances. Les enfants donnent leur avis dans leur langue sans sollicitationparticulire du professeur (lignes 72-74). On pourrait penser que cet changecontradictoire sur le contenu (le lieu dhabitation de la chouette) est un exemplede lmergence dun conflit sociocognitif7 entre pairs. Lenseignant sembledabord accepter cet change spontan en langue maternelle mais reprend laligne 75 le contrle en dsignant un lve et fait un rappel au contrat didactiquedu cours de langue traditionnelle (ligne 77). Cet extrait montre que ce cours deDNL bilingue suit le schma classique du cours de langue (forme dinteractionA) alors que lon aurait pu sattendre un dveloppement bilingue permettant deconstruire des savoirs disciplinaires.

    Dans lextrait n 5, nous sommes galement dans le cadre dun enseignementbilingue de biologie avec comme sujet La pomme de terre (Solanumtuberosum). Contrairement lexemple alsacien prcdent, lenseignant utilise la fois lallemand et le franais dans la prsentation de son objet dtude.

    Extrait n 5 : (FLE) La pomme de terre, 3e anne dcole primaire (C.E.2) ;corpus : I. Gotter (2004)

    (09.46-09.56):40 P Jetzt wollen wir mal sehen, was sich da unter der Erde alles abspielt. [Maintenant, on va

    voir ce qui se passe sous la terre.](ouvre les deux volets du tableau noir; on voit le titre: La pomme de terreaccompagn de six grands dessins reprsentant les diffrentes tapes du dveloppementde la plante)

    4142

    EsE6

    (aprs un temps dobservation, les lves sexpriment)Da kann man erkennen wo als erstes die Kartoffel auf der Erde liegt und ganz kleineStngel rauskommen. [On voit dabord la pomme de terre sur le champ et des toutes petitespousses qui sortent.]

    43 P Trs bien. Tu as bien vu que a cest la pomme de terre mre .(affiche sous le premier dessin lcriteau la pomme de terre mre . Une flchepointe sur cette partie de la plante)

    7 Les travaux de no-piagetiens (A.-N. Perret-Clermont, 2000 ; W. Doise et G. Mugny, 1981 ; etc.) ont rvl

    que l'apparition de conflits sociocognitifs dans les interactions entre pairs peut inciter un dveloppementintellectuel et favoriser les acquisitions.

  • 34

    44 Vous connaissez ce mot: mre 45 E1 Stngel ? [des pousses]46 P Il y a la mre et le pre, le papa et la maman.47 E1 Familie ? [la famille]48 E2 Das ist ne alte Kartoffel. [Cest une vieille pomme de terre.]49 P Ja, die maman ist auch immer lter als die Kinder. Das ist die Mutterkartoffel. La

    pomme de terre mre. Vous pouvez le dire ensemble ? [Oui, la maman, elle aussi estplus ge que les enfants. Cest la pomme de terre mre.]

    50 Es La pomme de terre mre.51 E3 An der Kartoffel, da hab ich auch so ein komisches weies Sahnehubchen gesehen.

    Des ist wahrscheinlich der Stngel. [Sur la pomme de terre, jai vu un drle de petit chapeaude crme blanche. Cela doit tre sans doute la pousse.]

    52

    53

    P (montre tous les lves les germes que vient dvoquer llve)Regardez, cest a qui va devenir grand. Cest encore tout petit.(va au tableau et affiche au deuxime dessin une flche qui pointe sur cette partie de laplante)Alors aprs, quest ce quon voit l ?

    54 E4 Da ist der Stngel schon etwas gewachsen. [L, la pousse a dj un peu grandi.]55 E5 Da sind Bltter dran. [Et l, il y des feuilles.]56

    57

    P Et en franais: la feuille .(affiche lcriteau la feuille )La feuille.

    58 Es La feuille.

    Llve E1 a reconnu les germes (Stngel8, ligne 42) sur la pomme de terremre qui formeront la future partie suprieure de la plante : tige, feuilles, etc. etla partie infrieure, les stolens. Lenseignant confirme en franais ladquationde la rponse tout en la conceptualisant : verbalement Trs bien. Tu as bienvu que a cest la pomme de terre mre (ligne 43) et visuellement (affichagede lcriteau La pomme de terre mre sous limage, avec une flche qui pointesur cette partie de la plante). Dans sa dmarche, lenseignant suit un modledidactique dun cours de sciences (de la vie) : hypothse (de ce quon va voir dela vie de la plante dans sa partie sous terre, ligne 40) dcouvrir observer (=qu'est-ce quon voit / observe ?) formulation des rsultats travers des rgles,nouveaux concepts, etc.

    Afin de sassurer de lassimilation du nouveau concept, lenseignant demandeaux lves sils se rappellent le mot mre. Il est supposer que les lves leconnaissent en relation avec lhyperonyme famille. Lenseignant tente donc demettre en place une stratgie dinfrence afin de glisser la notion de mrecomme femme par rapport ses enfants au sens plus abstrait de matrice,fondatrice. Malgr cet effort, llve E1 revient sur lhyponyme initialeStngel. Il na pas suivi ce glissement conceptuel mre famille matricequi, de plus, est accompagn par un changement de langue. Lexplicitation du 8 Lextrait ne permet pas de savoir si llve utilise le lexique Stngel comme terme technique pour dsigner le

    germe de la pomme de terre ou comme un mot commun dans le sens de tige.

  • 35

    concept que lenseignant apporte par la suite (ligne 46) en se rfrant sesconnotations sociales (Il y a la mre et le pre, le papa et la maman.) naide pasllve E1 effectuer le transfert. Il associe le lexme mre lhyperonymefamille (ligne 47). Seule lintervention de llve E2 permettra de dbloquer leconflit cognitif (ligne 48) : Das ist eine alte Kartoffel. (Cest une vieillepomme de terre). Lenseignante revient la langue maternelle des lves etintroduit laspect chronologique et de ligne en comparant la famille socialeavec le dveloppement de la tubercule (ligne 49) : Ja, die maman ist auchimmer lter als die Kinder. Das ist die Mutterkartoffel. (Oui, la maman, elleaussi est plus ge que les enfants. Cest la pomme de terre mre.) Elle poursuitson intervention en rptant le nouveau terme technique en franais. Enfin, elledemande aux lves de le rpter, supposant quune reproduction oralecollective aide fixer cette notion. Les lves sexcutent (ligne 50).Nanmoins, llve E3 revient sur le germe (ligne 51). Dans linteraction quisuit (lignes 51-56) les lves (E3, E4, E5) apportent les nouvelles notions, enloccurrence le terme de Bltter (feuilles). Lenseignante nest plus contrainte conceptualiser ; elle transpose le mot en franais (ligne 56).

    Cet extrait est intressant dans la mesure o il montre comment les lvesconceptualisent dans les deux langues dans un cours de DNL bilingue. Noussommes bien dans la forme dinteraction B de reconstruction collective.

    6. Conclusion

    Nous avons pu faire apparatre travers ces quelques analyses que laforme dinteraction traditionnelle de type reproduction peut se retrouver autanten classe de langue traditionnelle que dans les situations bilingues. Le cours deDNL bilingue ne suit pas a priori un modle dinteraction prdtermin, il peuttrs bien correspondre au modle scolaire. Dans ce modle, le professeur esttoujours linitiative des changes et value chaque fois la rponse donne.

    Dans les extraits choisis, nous avons souhait montrer sous quelles conditions lecours de DNL bilingue peut correspondre la forme B dinteraction dereconstruction collective.

    1. Nous avons soulign limportance, pour lenseignant, de ne pas se limiter

    un questionnement ferm. Pour quil focalise sur le sens plus que sur laforme, il doit dployer des stratgies dtayage susceptibles de favoriser les

    changes entre les lves et la construction collective des savoirs.2. Nous avons galement pu montrer comment les lves parviennent

    construire ensemble des savoirs disciplinaires dans une approche bilingue. Il

  • 36

    est important de noter que, dans la situation bilingue, lenseignant doit

    reconnatre un statut identique aux deux langues. La diffrence entre lemodle de Bade-Wurtemberg et celui dAlsace sexplique par une vision

    oppose du statut de la langue. En Allemagne, les deux langues sont

    sollicites galit, alors quen Alsace, on vite de les mlanger. Cesapproches du bilinguisme se manifestent galement dans la formation

    initiale des enseignants.

    Nous terminons sur un clin dil bilingue montrant comment les lvessapproprient les stratgies de communication dans une situation bilingue (voirextrait n 6). Ce court extrait se passe lors dune rencontre en France, entre deslves dune classe de 4e anne dcole primaire (CM1) et dun CM1 alsacien.Aprs une matine dactivits sportives, les lves se retrouvent autour dunecollation. Deux lves allemands discutent propos de leur capacit de se fairecomprendre et de comprendre. Un des lves (E2) donne une astuce quilsemble pratiquer pour communiquer avec ses camarades franais : il suffit, pourlui, dinterpeller lautre avec un . Il sagit de la prononciation allemandedu mot interrogatif franais , lexme quil na pas appris en classe maisen observant les interactions. Ceci montre la capacit des lves inventer leurspropres stratgies dapprentissage bilingue.

    Extrait n 6 : Visite de la classe de correspondance, 4e anne dcole primaire ;corpus : GS 2002,3 (G. Schlemminger, 2002)

    1 E1

    Ich versteh die nicht. [Celle-l, je ne la comprends pas.]

    2 E2

    Du musst immer sagen , .Dann wiederholt sie immer.[Tu dois toujours dire , .Et alors, elle rpte toujours sa phrase.]

    3 E1

    (Il se dit haute voix): .

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