11.- Primary Liver Cancer

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Cancer/Radiothérapie 14 Suppl. 1 (2010) S103–S110 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Quivrin) © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Tumeurs primitives hépatiques Primary liver cancer M. Quivrin a,* , F. Mornex b , C. Enachescu b , E. Martin a , A. Ligey-Bartolomeu a , E. Nouhaud a , J. Chamois a , P. Maingon a , G. Créhange a a Département de radiothérapie, Centre Georges-François-Leclerc, Dijon, France b Département de radiothérapie, Centre hospitalier Lyon-Sud, Lyon-Pierre-Bénite, France RÉSUMÉ L’incidence croissante des cancers primitifs hépatiques et leur pronostic défavorable représentent un défi diagnostique et thérapeutique. Pour les petites tumeurs localisées, les traitements à visée curative de référence sont la résection chirurgicale et la transplantation hépatique ; les possibilités thérapeutiques sont limitées pour les cancers localement évolués ou métastatiques. Au total, moins de 20 % des malades sont éligibles à une prise en charge chirurgicale. Le dépistage précoce chez les patients à risque et l’éviction des facteurs favorisants sont des éléments privilégiés de la prise en charge. La radiothérapie est une alternative non invasive très prometteuse pour les patients non opérables, son ambition est de rendre curable des tumeurs de pronostic défavorable. © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. ABSTRACT Due to its increasing incidence and a grim prognosis, primary liver cancer remains a diagnostic and therapeutic challenge. For small localized tumors, surgical resection and liver transplantation are standart treatments with a curative-intent. Therapeutic options for locally advanced or metastatic diseases are limited. Globally, surgery fits less than 20% of patients. Early detection in high-risk patients and prevention of risk factors remain the key points in the standard care. External radiotherapy is a non invasive treatment with encouraging results for non operable patients. Emerging stereotactic radiotherapy yields high rates of local control without compromising toxicity. Tumors with bad prognostic factors could be cured with this approach. © 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. INFO ARTICLE Les figures 1, 11, 13 et 14, ainsi que les tableaux 1 à 7 sont visibles uniquement sur : shhtp://www.sciencedirect.com/ Mots clés : Carcinome hépatocellulaire Radiothérapie conformationnelle Volumes cibles Atlas Keywords: Hepatocarcinoma Conformal radiotherapy Target volumes Atlas Épidémiologie 1. En 25 ans, l’incidence des cancers primitifs hépatiques a considérablement progressé en France avec 6 433 nouveaux cas en 2005, (5 104 hommes et 1 329 femmes) contre 1 408 en 1980. L’âge moyen au moment du diagnostic était de 65 ans. Au plan mondial, en 2005, le nombre de nouveaux cas de cancer du foie était supérieur à 670 000, dont 70 % d’hommes. Plus de 80 % des cancers hépatiques surviennent dans les pays en voie de développement. L’incidence est bien plus faible dans les pays développés, environ trois pour 100 000 habitants par an en Europe. Le pronostic reste très défavorable avec une durée de survie moyenne autour d’un an. Il s’agit de la troisième cause de mortalité par cancer dans le monde [17].

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Cancer/R adiothérapie 14 Suppl . 1 (2010) S103– S110

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Quivrin)© 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Tumeurs primitives hépatiquesPrimary liver cancer

M. Quivrina,*, F. Mornexb, C. Enachescub, E. Martina, A. Ligey-Bartolomeua, E. Nouhauda, J. Chamoisa, P. Maingona, G. Créhangea

aDépartement de radiothérapie, Centre Georges-François-Leclerc, Dijon, FrancebDépartement de radiothérapie, Centre hospitalier Lyon-Sud, Lyon-Pierre-Bénite, France

R É S U M É

L’incidence croissante des cancers primitifs hépatiques et leur pronostic défavorable représentent un défi diagnostique et thérapeutique. Pour les petites tumeurs localisées, les traitements à visée curative de référence sont la résection chirurgicale et la transplantation hépatique ; les possibilités thérapeutiques sont limitées pour les cancers localement évolués ou métastatiques. Au total, moins de 20 % des malades sont éligibles à une prise en charge chirurgicale. Le dépistage précoce chez les patients à risque et l’éviction des facteurs favorisants sont des éléments privilégiés de la prise en charge. La radiothérapie est une alternative non invasive très prometteuse pour les patients non opérables, son ambition est de rendre curable des tumeurs de pronostic défavorable.

© 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

A B S T R A C T

Due to its increasing incidence and a grim prognosis, primary liver cancer remains a diagnostic and therapeutic challenge. For small localized tumors, surgical resection and liver transplantation are standart treatments with a curative-intent. Therapeutic options for locally advanced or metastatic diseases are limited. Globally, surgery fi ts less than 20% of patients. Early detection in high-risk patients and prevention of risk factors remain the key points in the standard care. External radiotherapy is a non invasive treatment with encouraging results for non operable patients. Emerging stereotactic radiotherapy yields high rates of local control without compromising toxicity. Tumors with bad prognostic factors could be cured with this approach.

© 2010 Société française de radiothérapie oncologique (SFRO). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

I N F O A R T I C L E

Les fi gures 1, 11, 13 et 14, ainsi que les tableaux 1 à 7 sont visibles uniquement sur : shhtp://www.sciencedirect.com/

Mots clés : Carcinome hépatocellulaireRadiothérapie conformationnelleVolumes ciblesAtlas

Keywords: HepatocarcinomaConformal radiotherapyTarget volumesAtlas

Épidémiologie1.

En 25 ans, l’incidence des cancers primitifs hépatiques a considérablement progressé en France avec 6 433 nouveaux cas en 2005, (5 104 hommes et 1 329 femmes) contre 1 408 en 1980. L’âge moyen au moment du diagnostic était de 65 ans. Au plan mondial, en 2005, le nombre de nouveaux cas de cancer

du foie était supérieur à 670 000, dont 70 % d’hommes. Plus de 80 % des cancers hépatiques surviennent dans les pays en voie de développement. L’incidence est bien plus faible dans les pays développés, environ trois pour 100 000 habitants par an en Europe. Le pronostic reste très défavorable avec une durée de survie moyenne autour d’un an. Il s’agit de la troisième cause de mortalité par cancer dans le monde [17].

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Classifi cation2.

Histologique2.1.

Les cancers primitifs du foie appartiennent à deux principales catégories histologiques :

le carcinome hépatocellulaire (CHC) ou hépatocarcinome dont – la forme la plus fréquente est développée aux dépens des hépatocytes dans un contexte d’hépatite chronique (hépatite B ou C), de fi brose ou de cirrhose ;le cholangiocarcinome est moins fréquent, il se développe sur – l’épithélium des canaux biliaires intrahépatiques. Dans les pays développés, il peut aussi compliquer l’évolution d’une cirrhose biliaire cholestatique.

Pronostic2.2.

Il n’existe pas de consensus sur la classifi cation pronostique à utiliser [8, 19]. Plusieurs classifi cations ont été validées et sont utilisées en routine, en fonction des pays ou des équipes. Cependant les critères de Milan sont souvent employés pour orienter la décision thérapeutique : un « petit » carcinome hépatocellulaire est défi ni comme un nodule unique de moins de 5 cm ou comme deux ou trois nodules de moins de 3 cm chacun

[10]. Toute autre situation correspond à un « gros » carcinome hépatocellulaire. La classifi cation TNM [21] est peu utilisée (Tableau 1). La classifi cation de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC) reprend la classifi cation TNM (Tableau 2). La classifi cation Child Pugh (Tableau 3) et la classifi cation d’Okuda permettent d’évaluer la fonction hépatique selon des paramètres clinico-biologiques [19] (Tableau 4). La classifi cation du CLIP (Cancer of the Liver Italian Programme) reprend le score de Child Pugh (Tableau 5).

Indications de radiothérapie3.

Actuellement, les traitements à visée curative de référence pour les petits carcinomes hépatocellulaires (localisés) sont la transplantation hépatique, la résection chirurgicale et la des-truction percutanée par radiofréquence ou alcoolisation. Pour les cancers localement évolués ou métastatiques, on dispose de thérapeutiques dites palliatives : chimio-embolisation artérielle, traitement médicamenteux et plusieurs essais thérapeutiques sont en cours. Les tumeurs primitives hépatiques ont longtemps été considérées comme radiorésistantes. Cette théorie ancienne vient de la mauvaise tolérance hépatique observée après des irradiations du foie entier à doses élevées. Pour le carcinome hépatocellulaire d’origine primitive, une irradiation non invasive est indiquée pour des tumeurs localisées ou localement évoluées, non résécables ou non accessibles aux traitements percutanés. La non-opérabilité peut être liée à des caractéristiques tumo-rales (multifocalité, taille importante de la tumeur, thrombose portale), ainsi qu’aux « comorbidités » du patient. Cependant, il existe des contre-indications relatives à la radiothérapie hépatique [11] : une atteinte multifocale avec trois lésions ou plus envahissant les deux lobes, un stade Child Pugh B ou C, une dénutrition avec apports de moins de 1500 kcal par jour, des antécédents d’infarctus du myocarde de moins de trois mois et

d’irradiation thoracique basse ou abdominale. La radiothérapie peut être associée à une chimiothérapie artérielle ou à une chimio-embolisation séquentielle [24].

Modalités de traitement4.

Radio-anatomie4.1.

Un nodule hépatique est souvent découvert à l’échographie abdominale trans-pariétale, néanmoins, les examens de réfé-rence pour le caractériser sont la scanographie hélicoïdale, avec acquisition artérielle, parenchymateuse et portale. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est optionnelle mais peut aider pour défi nir les limites tumorales si le scanner est peu contributif. Un nodule hypervascularisé au temps artériel précoce, avec lavage (wash-out) tardif au temps portal est évocateur d’un carcinome hépatocellulaire [3, 20] (Fig. 1). Des nouvelles techniques d’imagerie ultrasonique transpariétale (SonoView®) permettent de réaliser des reconstructions tridimensionnelles avec visuali-sation de la circulation normale et tumorale. L’ensemble de ces examens d’imagerie doivent amener é préciser la vascularisation tumorale, le segment(s) hépatique(s) envahi(s) et les rapports avec la vascularisation normale.

Détermination des volumes cibles4.2.

Dans le cas d’une irradiation hépatique partielle, les volumes cibles sont défi nis sur la scanographie dosimétrique. Il est possible de réaliser une fusion multimodale avec une IRM avec injection de gadolinium récente (datant de moins d’un mois). Cette fusion devient particulièrement nécessaire quand la scanographie de planifi cation a été réalisée sans injection (contre-indication a l’iode) ou trop tardivement par rapport à l’injection.

L’acquisition peut être schématiquement représentée par trois types possibles d’acquisition des images : cas n° 1 : une acquisition classique tridimensionnelle en respiration libre (volume cible prévisionnel, PTV, le plus large car incertitude de repositionnement la plus grande) ; cas n° 2 : scanographie quadridimensionnelle en respiration libre (le volume cible interne, ITV, qui en découle permet de réduire l’incertitude de repositionnement et donc la marge (setup margin) associée pour créer le volume cible prévisionnel fi nal) ; cas n° 3 : acquisition quadridimensionnelle en respiration bloquée si une technique de gating respiratoire est utilisée pour le traitement.

En cas d’acquisition quadridimensionnelle, les critères du rapport 62 de l’International Commission on Radiation Units and Measurements (ICRU) doivent être utilises, faisant intervenir la notion de volume cible interne. Le volume cible prévisionnel doit associer une marge pour le volume cible interne qui prend en compte les mouvements de la tumeur (situation idéale) ou de l’organe contenant la tumeur et la marge [« set-up margin » (SM)] pour les incertitudes de repositionnement. Le volume cible interne tient compte des mouvements interne des orga-nes au cours du cycle respiratoire (le foie bouge d’1 à 3 cm en moyenne dans le sens crânio-caudal [23]). Ce type d’ac-quisition par ciné-imagerie permet d’optimiser le traitement en réduisant le volume cible prévisionnel par réduction du volume cible interne grâce aux techniques dites de « gating »

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respiratoire et réduction de la marge par l’application de systèmes de contention effi caces (compression abdominale, Blue-bag… Fig. 13). Ainsi, le bénéfi ce du traitement peut être optimisé et permettre de réaliser une escalade de dose tout en diminuant ou minimisant la dose délivrée au foie sain (diminution de la probabilité de complications des tissus sains, NTCP) [1,23,25].

Dans le cas ou l’acquisition scanographique de planifi cation ainsi que les séances de traitements sont réalisés avec une technique de « gating » respiratoire, le volume cible prévisionnel devient le plus petit possible et permet ainsi la plus grande épargne de parenchyme hépatique sain.

Le volume tumoral macroscopique (Gross Tumor Volume ou GTV) correspond au volume tumoral qui prend le contraste (Fig. 2).

Le volume cible anatomoclinique (Clinical Target Volume ou CTV) inclut une marge de 1 cm dans toutes les directions autour du volume tumoral macroscopique (Fig. 2).

Les marges pour défi nir le volume cible prévisionnel (Planning Target Volume ou PTV) sont de 5 mm pour les incertitudes de repositionnement et de trois à 30 mm (principalement dans l’axe crânio-caudal) pour les mouvements selon le cycle respiratoire et la localisation de la tumeur, soit un total de à huit à 35 mm pour le volume cible prévisionnel (Fig. 2).

Doses prescrites4.3.

Avec une technique conformationnelle tridimensionnelle, une irradiation hépatique partielle à haute dose devient pos-sible. Plusieurs études ont montré des résultats signifi catifs et reproductibles en matière de survie globale et de tolérance en pratiquant une escalade de dose comprise entre 54 et 66 Gy, par fractions de 1,8 à trois Gy, à condition de sélectionner les patients, de considérer leurs « comorbidités » et de tenir compte

des histogrammes dose-volume et de la tolérance des tissus sains [12] (Tableau 6) :

L’étude rétrospective de Seong et al., a inclus 158 malades atteints de carcinome hépatocellulaire localement évolués dont 107 avaient bénéfi cié d’une embolisation trans-artérielle de première intension [19]. Les patients avaient reçu 40 à 60 Gy en mode conformationnel. Le taux de réponse était de 67 %, la durée médiane de survie de dix mois et le taux de survie à deux ans de 20 %. D’autres études rétrospectives ont montré la reproductibilité de ces résultats [16].

Une étude prospective française de phase II [15], portant sur 27 patients atteints d’une cirrhose hépatique compliquée d’un carcinome hépatocellulaire de petite taille, non éligibles aux traitements de référence, a montré l’intérêt d’une escalade de dose de radiothérapie conformationnelle seule jusqu’à 66Gy, avec un taux de réponse tumorale élevé (78 %).

Néanmoins, bien que la toxicité hépatique soit jugée accep-table, les résultats doivent attirer l’attention sur l’importance du respect des contraintes et de la sélection des patients.

En situation antalgique palliative, il est possible de délivrer une dose comprise entre 27 et 30 Gy dans l’ensemble du foie sur un mode bifractionné, avec des fractions de 1.5 Gy, dix fois par semaine [2,18].

Organes à risque et contraintes de dose (Tableau 7, 4.4. fi gs. 3, 5, 9, 10) :

La moelle épinière ne doit pas recevoir plus de 45 Gy, le cœur tolère une dose maximale de 35 Gy dans l’ensemble de sa structure. Pour les poumons (droit et gauche), une dose de 20 Gy ne doit pas être délivrée dans plus de 35 % du volume (V20 ≤ 35 %) et une dose de 30 Gy ne doit pas être délivrée dans plus de 20 % du volume (V30 ≤ 20 %). L’œsophage peut recevoir une dose maximale de 40 Gy sur une longueur de 15 cm. En ce qui concerne l’estomac ou le duodénum, la dose maximale recommandée est de 45 Gy, elle est de 50 Gy pour l’intestin grêle. Au niveau des reins, la dose maximale est de 20 Gy dans un volume cumulé équivalent à un rein entier avec un fonction-nellement normal [11]. Les contraintes de dose au niveau du foie pour un traitement normalement fractionné sont particulières, il faut tenir compte du volume de foie sain non irradié, un volume de 700 cc de foie sain doit recevoir moins de 15 Gy, on observe des complications dans 50 % des cas à 66 Gy, quand le volume du foie total moins le volume cible prévisionnel est supérieur à 30 % du volume hépatique total, à 36 Gy, quand le volume du foie total moins le volume cible prévisionnel est supérieur aux deux tiers du volume hépatique total, et à 50 Gy, quand le volume du foie sain épargné est intermédiaire [13]. Si ces contraintes ne peuvent être respectées compte tenu d’un volume tumoral important, une réduction peut être envisagée après 46 Gy seulement en cas de bonne réponse tumorale (diminution de la taille et de la vascularistion en IRM ou Sonoview®).

Balistique et dosimétrie4.5.

Dans le cas d’une irradiation hépatique partielle, la technique tridimensionnelle conformationnelle autorise une escalade de dose, avec une bonne couverture du volume cible prévisionnel et une protection acceptable des organes à risque (Figs. 3, 4, 5,

Fig. 2. Contourage des volumes cibles (volume tumoral macroscopique, volume cible anatomoclinique et volume cible prévisionnel).Delineation of GTV, CTV, and PTV.

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7, 9, 12, 14, 15, 16, 18). La RCMI n’a pour l’instant pas montré de supériorité signifi cative pour la couverture des volumes cibles, ni pour la tolérance du traitement [5]. La multiplication

des faisceaux doit être évitée. Idéalement si la tumeur peut être irradiée par une balistique simple, comme par deux faisceaux (antéro-postérieur et postéro-antérieur ou obliques), cela permet de diminuer la dose délivrée au foie sain, qui doit être épargné le plus souvent possible. À la différence d’autres situations cli-niques, l’organe malade (le foie sain) doit être considéré comme un organe a risque dans lequel on recommanderait de délivrer une dose nulle. Une optimisation des conditions de traitement avec une meilleure contention, une bonne connaissance de la tolérance des tissus sains en fonction des « comorbidités » [9], une meilleure gestion des mouvements respiratoires avec différents systèmes de ciné-imagerie actifs ou passifs, permet une escalade de dose et un traitement hypofractionné en conditions stéréo-taxiques (Figs. 6, 8, 10, 11, 13, 17, 19, 20). Ces techniques sont réservées aux tumeurs uni- ou bifocales (primitive ou métasta-tique). Le repérage tumoral doit être très précis pour permettre de délivrer une dose totale comprise entre 36 et 60 Gy en trois à six fractions. Une étude de phase I, a été récemment publiée par l’équipe de l’université du Michigan portant sur 41 patients atteints de « grosses tumeurs hépatiques », (volume médian de 293 cm3) pour lesquels une dose totale de 57 Gy en six fractions était délivrée [6,7]. Les résultats en termes de contrôle local et de tolérance étaient prometteurs (aucune hépatite radio-induite n’a été observée).

En situation antalgique palliative, l’ensemble du volume hépatique est traité par deux faisceaux antéro-postérieur et postéro-antérieur.

Toxicité aiguë5.

La toxicité aiguë la plus sévère est l’hépatite radio-induite, c’est un syndrome comparable à la maladie veino-occlusive des hémopathies. L’hépatite radio-induite est une complication sub-aiguë qui survient dans les deux à huit semaines suivant la fi n de l’irradiation et se caractérise par l’apparition d’une hépato-mégalie anictérique, associée à de l’ascite et à une élévation des enzymes hépatiques, notamment des phosphatases alcalines, à deux fois la valeur normale. C’est une complication de pronostic très défavorable, qui peut évoluer en fi brose hépatique sévère ou en défaillance d’organe fulgurante. Les facteurs prédictifs pour l’hépatite radio-induite sont une cirrhose hépatique sévère et une co-infection de l’hépatite B [4,14]. Les autres effets aigus, plus classiques en situation d’irradiation abdominale, concernent la tolérance digestive et peuvent se manifester par une gastrite ou une entérite radique, ainsi qu’une majoration des risques de cholécystite. Dans la situation d’un traitement hypofractionné en conditions stéréotaxiques, la principale complication digestive est l’ulcère gastroduodénal ou l’ulcère colique.

Toxicité tardive6.

La toxicité tardive est rarement rapportée dans la littérature du fait d’un faible de survivants à long terme à cette maladie. Néanmoins en dehors de la fi brose hépatique et de l’insuffi sance

hépato-cellulaire, il faut redouter la néphropathie radique, la péricardite radique et le grêle radique. L’estomac et le duodénum peuvent encore saigner plusieurs années après une irradiation hépatique.

Une surveillance post thérapeutique est recommandée tous les trois mois pendant deux ans (examen clinique, scanographie thoraco-abdomino-pelvienne et bilan biologique hépatique avec dosage de l’alpha-fœtoprotéine, endoscopie digestive si méléna ou douleurs d’ulcère), puis tous les six mois.

Iconographie (Figs. 2, 3, 4, 5, 7, 9, 12, 14, 15, 16, 18). 7. Cas clinique : carcinome hépato-cellulaire traité par irradiation conformationnelle tridimensionnelle

Il s’agit d’un patient, âgé de 75 ans, ayant comme principaux antécédents une hémorragie digestive sur ulcère gastrique, une infection par le virus de l’hépatite C, une arythmie cardiaque avec fi brillation auriculaire traitée par fl uindione et une intoxication œnolique. Il bénéfi ciait d’un suivi régulier dans le cadre d’une infection par le virus de l’hépatite C. Lors d’une échographie abdomino-pelvienne, il a été découvert un nodule de 45 mm de grand axe, de contenu hétérogène cerclé d’une couronne hypo-échogène, situé dans le lobe droit, et associé à des signes de cirrhose (signe d’hypertension portale). À l’examen clinique, l’état général était légèrement atteint (classé 1 selon l’OMS), et il y avait des signes d’insuffi sance hépatique. L’IRM hépatique avec injection de gadolinium a retrouvé le nodule avec un wash out au temps artériel. Le bilan biologique a montré une concentration d’alpha-fœtoprotéine de 310 μg/l, un taux de prothrombine de 75 %, une albuminémie de 30 g/l, une bilirubinémie de 30 μmol/l, une concentration de transaminases (ALAT et ASAT) de 1,5 fois la normale, de phosphatases alcalines de deux fois la normale. Il s’agissait selon la classifi cation de Milan d’un petit carcinome hépato cellulaire sous la forme d’un nodule unique de moins de 5 cm de stade A de Child Pugh. Le patient n’était pas éligible aux traitements de référence, en raison de plusieurs « comorbidités » qui constituaient des contre indications. La résection chirurgicale était contre-indiquée du fait de la localisation profonde du foie droit et de l’hypertension portale. La destruction percutanée était aussi contre-indiquée car le nodule était trop volumineux pour la radiofréquence et l’alcoolisation diffi cilement réalisable du fait du traitement anticoagulant. Après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire, l’indication d’une radiothérapie externe à visée curative a été retenue.

La scanographie dosimétrique a pu être fusionnée avec une IRM hépatique datant de moins d’un mois :

volume tumoral macroscopique : volume tumoral prenant le – contraste à l’imagerie ;volume cible anatomoclinique : volume tumoral macroscopi-– que plus une extension microscopique de 1 cm autour ;volume cible prévisionnel : volume cible anatomoclinique plus – une marge de 1 cm.

Les organes à risque suivant sont repérés :volume de foie sain (volume foie total – volume cible – prévisionnel) ;poumon droit ;– poumon gauche ;– reins ;– moelle épinière ;–

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intestin grêle ;– cœur ;– estomac ;– duodénum.–

La dose a été prescrite au point d’ICRU, de 66 Gy, en 33 frac-tions de 2 Gy, en six semaines et demi (dose qui n’est délivrée que si la contrainte au foie sain est respectée). La dosimétrie a été réalisée selon une technique d’irradiation conformationnelle tridimensionnelle (Fig. 17). Deux balistiques sont proposées : deux faisceaux antéropostérieurs ou trois faisceaux de photons X de 18 MV, un oblique antérieur droit, un oblique postérieur droit et un oblique postérieur gauche, en utilisant des lames dynamiques.

Histogrammes dose-volume7.1.

Une balistique à trois faisceaux a été proposée (Fig. 18, dans laquelle le volume cible anatomoclinique est en rose). Quatre

vingt quinze pour cent du volume cible prévisionnel (en orange) recevaient 95 % de la dose prescrite. La dose maximale délivrée à la moelle (en marron) était de 25 Gy. Cinquante pour cent du foie sain recevaient 45 Gy. Cinquante cinq pour cent du poumon droit (en turquoise) recevaient 20 Gy, 20 % du poumon gauche (en bleu) 2 Gy, 20 % des poumons droit et gauche moins de 30 Gy. La dose maximale au rein droit (en vert) était de 6 Gy.

La comparaison des deux balistiques permettait néanmoins de se rendre compte que deux faisceaux antéropostérieurs, parallèles et opposés, permettaient d’augmenter le volume de foie sain non irradié et de diminuer le volume de foie irradié à hautes doses (Fig. 20). On préfère des dosimétries comportant le moins de faisceaux possible afi n de protéger au mieux le foie sain, en effet, on considère que chaque faisceau altère la zone de parenchyme hépatique sain traversé. Il faut donc « sacrifi er » le moins de tissu sain possible et préserver un volume maximal de foie sain en appliquant une contrainte à 0 Gy.

Fig. 3. Contourage de volumes cibles et organes à risque.Delineation of target volume and at-risk organs.

Fig. 4. Contourage de volumes cibles et organes à risque.Delineation of target volume and at-risk organs.

Fig. 5. Contourage des volumes cibles et organes à risque.Delineation of target volume and at-risk organs.

Fig. 6. Dosimétrie de radiothérapie en conditions stéréotaxiques.Dosimetric technique for stereotaxic radiosurgery.

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Fig. 7. Faisceaux de traitement avec une technique conformationnelle tridimensionnelle.Treatment beams with 3D conformal radiation technique.

Fig. 9. Histogramme dose-volume pour une technique conformationnelle tridimensionnelle, volume cible anatomoclinique (CTV) en rose, volume cible prévisionnel (PTV) en orange, moelle en marron, foie sain en rouge.DVH for 3D conformal technique, CTV (pink), PTV (orange), blood marrow (brown), healthy liver (red).

Fig. 12. Fusion multimodale d’une scanographie et d’une IRM hépatiques pondérées en T1Multimodal fusion of hepatic CT and T1-weighted MRI.

Fig. 10. Histogramme dose-volume avec technique stéréotaxique, volume tumoral macroscopique (GTV) en rose, volume cible anatomoclinique (CTV) en bleu et volume cible prévisionnel (PTV) en rouge, foie sain en jaune.DVH with stereotaxic technique, GTV (pink), CTV (blue), PTV (red), healthy liver (yellow).

Fig. 8. Faisceaux de traitement avec technique stéréotaxique.Treatment beams with stereotaxic technique.

Fig. 15. Contourage des volumes cibles sur la scanographie dosimétrique.Delineation of target volume and at-risk organs on dosimetric CT scan

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Fig. 17. Exemple de dosimétrie en technique stéréotaxiqueExample of dosimetry in stereotaxic technique.

Fig. 18. HDV en technique conformationnelle. Volume cible anatomoclinique (CTV) en rose, volume cible prévisionnel (PTV) en orange, foie sain en rouge.HDV conformal technique. CTV (pink), PTV (orange), healthy liver (red).

Fig. 16. Contourage des volumes cibles à l’aide de l’image de fusion, volume tumoral macroscopique (GTV) en rouge, volume cible anatomoclinique (CTV) en rose, volume cible prévisionnel (PTV) en orange.Delineation of target volumes using image fusion; GTV (red), CTV (pink), PTV (orange).

Fig. 19. Exemple d’histogramme dose volume en technique stéréotaxiqueExample of DVH, stereotaxic technique

Fig. 20. Comparaison de deux plans de traitement, en technique conformationnelle, par un faisceau postérieur et deux obliques ou par des faisceaux antéropostérieurs.Comparison of two treatment planes with conformal technique, with posterior beam and two diagonals or with anteroposterior beams.

S110 M. Quivrin et al./ Cancer/Radiothérapie 14 Suppl. 1 (2010) S103–S110

Références

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