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1,00 € Numéros précédents 2,00 € L’O S S E RVATORE ROMANO EDITION HEBDOMADAIRE Unicuique suum EN LANGUE FRANÇAISE Non praevalebunt LXVIII e année, numéro 39 (3.499) Cité du Vatican jeudi 28 septembre 2017 A l’audience générale le Pape à lancé la campagne de la Caritas pour l’accueil des migrants Les bras grands ouverts Au terme de l’audience générale du 27 septembre, le Pape s’est adressé aux représentants de la Caritas, réunis «pour lancer offi- ciellement, a dit François, la cam- pagne “Partager le voyage” — vo- tre campagne a un beau nom: par- tager le voyage —, que j’ai voulu faire coïncider avec cette audience. J’adresse la bienvenue aux mi- grants, aux demandeurs d’asile et aux réfugiés qui, avec les agents de la Caritas italienne et des au- tres organisations catholiques, sont le signe d’une Eglise qui cherche à être ouverte, inclusive et accueil- lante. Merci à tous pour votre ser- vice inlassable. Vous avez déjà ap- plaudi, mais ils méritent tous véri- tablement de grands applaudisse- ments, de la part de tous! A tra- vers votre engagement quotidien, vous nous rappelez que le Christ lui-même nous demande d’accueil- lir nos frères et sœurs migrants et réfugiés avec les bras, avec les bras grands ouverts. Accueillir précisé- ment ainsi, avec les bras bien ou- verts. Quand les bras sont ouverts, ils sont prêts à une accolade sincè- re, à une accolade affectueuse, à une accolade enveloppante, un peu comme cette colonnade sur la place, qui représente l’Eglise-mère qui embrasse tous dans le partage du voyage commun. J’adresse éga- lement la bienvenue aux représen- tants des nombreuses organisa- tions de la société civile engagées dans l’assistance aux migrants et aux réfugiés qui, avec la Caritas, ont apporté leur soutien au recueil de signatures en vue d’une nouvel- le loi en matière de migrations plus adaptée au contexte actuel. Soyez tous les bienvenus». Auparavant le Pape avait pour- suivi sa catéchèse sur le thème de l’espérance, qui est «la vertu la plus divine qui puisse exister dans le cœur de l’homme, parce qu’elle maintient la vie, la protège et la fait grandir». Plus encore, elle est cet élan du cœur qui conduit l’homme à chercher une vie meil- leure, à «partager le voyage de la vie». PAGE 2 Discours aux évêques récemment nommés Un antidote à la rigidité Protection des mineurs Tolérance zéro Je ne vous cache pas ma préoccupation «Je ne vous cache pas ma préoccupation», a dit le Pape en recevant, le 22 septembre, les res- ponsables nationaux de la pastora- le des migrants réunis à Rome à l’initiative du CCEE, «devant les si- gnes d’intolérance, de discrimina- tion et de xénophobie que l’on constate dans diverses régions d’Europe. Ceux-ci sont souvent motivés par la méfiance et par la crainte à l’égard de l’autre, celui qui est différent, l’étranger. Je suis encore plus préoccupé par la triste constatation que nos communau- tés catholiques en Europe ne sont pas exemptes de ces réactions de défense et de rejet, justifiées par un vague “devoir moral” de con- server leur identité culturelle et re- ligieuse d’origine... Ce malaise est également révélateur des limites des processus d’unification euro- péenne, des obstacles auxquels doit se confronter l’application concrète de l’universalité des droits humains». PAGE 5 Un «remède à l’immobilisme», un «processus créatif», «un antidote contre la rigidité»: tel est, pour François, le discernement auquel chaque évêque est appelé dans l’exercice de sa mission de pasteur au service du peuple de Dieu. Tel a été le thème de l’audience aux évêques récemment nommés qui participaient au cours annuel de formation. «Seul, a dit le Pape, celui qui est guidé par Dieu a le titre et l’autorité pour être proposé comme guide des autres. Seul peut conduire et faire grandir dans le discernement celui qui a une proximité avec ce maître intérieur qui, comme une boussole, offre les critères pour distinguer, pour soi et pour les autres, les temps de Dieu et de sa grâce, pour recon- naître son passage et la voie de son salut, pour indiquer les moyens concrets, agréables à Dieu, pour réaliser le bien qu’il prédispose dans son mystérieux dessein d’amour pour chacun et pour tous». Mais François a aussi mis en garde: «Le discernement de l’évêque est toujours une action communautaire, qui tient compte de la richesse de l’avis de ses prê- tres et diacres, du peuple de Dieu et de tous ceux qui peuvent lui of- frir une contribution utile». PAGES 8 ET 9 DANS CE NUMÉRO Page 3: Angelus du 24 septembre. Vendredi de la miséricorde à la fonda- tion Santa Lucia. Page 4: Créances de l’ambassadeur de Lituanie. Pa- ge 5: Audience aux membres de la commission parlementaire d’enquête sur les mafias. Créances de l’ambassadeur d’Italie. Page 7: Chapitre général des missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus. Décès de Mgr Paul Canart. Pa- ge 10: Messes à Sainte-Marthe. Page 11: Audience au monde des forains. Page 12: «Magnum principium»: une clef de lecture, par Arthur Roche. Page 13: «Summa familia cura»: l’Eglise comme une grande famille, par Pierangelo Sequeri. Page 14: Les femmes dans la Bible, par Lucetta Scaraf- fia. Page 15: Informations. Page 16: La sagesse théologique de la mère de Pie X, par Daniel Bourgeois. «L’Eglise entend appliquer de fa- çon irrévocable et à tous les ni- veaux contre l’abus sexuel» à l’égard des enfants «le principe de la “tolérance zéro”», a dit François à la commission pontificale pour la protection des mineurs. PAGE 4

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L’O S S E RVATOR E ROMANOEDITION HEBDOMADAIRE

Unicuique suum

EN LANGUE FRANÇAISENon praevalebunt

LXVIIIe année, numéro 39 (3.499) Cité du Vatican jeudi 28 septembre 2017

A l’audience générale le Pape à lancé la campagne de la Caritas pour l’accueil des migrants

Les bras grands ouvertsAu terme de l’audience généraledu 27 septembre, le Pape s’estadressé aux représentants de laCaritas, réunis «pour lancer offi-ciellement, a dit François, la cam-pagne “Partager le voyage” — vo-tre campagne a un beau nom: par-tager le voyage —, que j’ai voulufaire coïncider avec cette audience.J’adresse la bienvenue aux mi-grants, aux demandeurs d’asile etaux réfugiés qui, avec les agentsde la Caritas italienne et des au-tres organisations catholiques, sontle signe d’une Eglise qui cherche àêtre ouverte, inclusive et accueil-lante. Merci à tous pour votre ser-vice inlassable. Vous avez déjà ap-plaudi, mais ils méritent tous véri-tablement de grands applaudisse-ments, de la part de tous! A tra-vers votre engagement quotidien,vous nous rappelez que le Christlui-même nous demande d’accueil-lir nos frères et sœurs migrants etréfugiés avec les bras, avec les brasgrands ouverts. Accueillir précisé-ment ainsi, avec les bras bien ou-verts. Quand les bras sont ouverts,ils sont prêts à une accolade sincè-re, à une accolade affectueuse, àune accolade enveloppante, unpeu comme cette colonnade sur laplace, qui représente l’E g l i s e - m è requi embrasse tous dans le partagedu voyage commun. J’adresse éga-lement la bienvenue aux représen-tants des nombreuses organisa-tions de la société civile engagéesdans l’assistance aux migrants etaux réfugiés qui, avec la Caritas,ont apporté leur soutien au recueilde signatures en vue d’une nouvel-le loi en matière de migrationsplus adaptée au contexte actuel.Soyez tous les bienvenus».

Auparavant le Pape avait pour-suivi sa catéchèse sur le thème del’espérance, qui est «la vertu laplus divine qui puisse exister dansle cœur de l’homme, parce qu’ellemaintient la vie, la protège et lafait grandir». Plus encore, elle estcet élan du cœur qui conduitl’homme à chercher une vie meil-leure, à «partager le voyage de lavie».

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Discours aux évêques récemment nommés

Un antidote à la rigidité

Protection des mineurs

Tolérance zéro

Je ne vous cachepas ma

préo ccupation«Je ne vous cache pas ma

préoccupation», a dit le Pape enrecevant, le 22 septembre, les res-ponsables nationaux de la pastora-le des migrants réunis à Rome àl’initiative du CCEE, «devant les si-gnes d’intolérance, de discrimina-tion et de xénophobie que l’onconstate dans diverses régionsd’Europe. Ceux-ci sont souventmotivés par la méfiance et par lacrainte à l’égard de l’autre, celuiqui est différent, l’étranger. Je suisencore plus préoccupé par la tristeconstatation que nos communau-tés catholiques en Europe ne sontpas exemptes de ces réactions dedéfense et de rejet, justifiées parun vague “devoir moral” de con-server leur identité culturelle et re-ligieuse d’origine... Ce malaise estégalement révélateur des limitesdes processus d’unification euro-péenne, des obstacles auxquelsdoit se confronter l’applicationconcrète de l’universalité desdroits humains».

PAGE 5Un «remède à l’immobilisme», un«processus créatif», «un antidotecontre la rigidité»: tel est, pourFrançois, le discernement auquelchaque évêque est appelé dansl’exercice de sa mission de pasteurau service du peuple de Dieu. Tela été le thème de l’audience auxévêques récemment nommés quiparticipaient au cours annuel deformation. «Seul, a dit le Pape,celui qui est guidé par Dieu a letitre et l’autorité pour être proposécomme guide des autres. Seulpeut conduire et faire grandir dansle discernement celui qui a uneproximité avec ce maître intérieurqui, comme une boussole, offre lescritères pour distinguer, pour soiet pour les autres, les temps deDieu et de sa grâce, pour recon-naître son passage et la voie deson salut, pour indiquer lesmoyens concrets, agréables àDieu, pour réaliser le bien qu’ilprédispose dans son mystérieuxdessein d’amour pour chacun etpour tous». Mais François a aussimis en garde: «Le discernementde l’évêque est toujours une actioncommunautaire, qui tient comptede la richesse de l’avis de ses prê-tres et diacres, du peuple de Dieuet de tous ceux qui peuvent lui of-frir une contribution utile».

PAGES 8 ET 9

DANS CE NUMÉROPage 3: Angelus du 24 septembre. Vendredi de la miséricorde à la fonda-tion Santa Lucia. Page 4: Créances de l’ambassadeur de Lituanie. Pa-ge 5: Audience aux membres de la commission parlementaire d’enquête surles mafias. Créances de l’ambassadeur d’Italie. Page 7: Chapitre généraldes missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus. Décès de Mgr Paul Canart. Pa-ge 10: Messes à Sainte-Marthe. Page 11: Audience au monde des forains.Page 12: «Magnum principium»: une clef de lecture, par Arthur Roche.Page 13: «Summa familia cura»: l’Eglise comme une grande famille, parPierangelo Sequeri. Page 14: Les femmes dans la Bible, par Lucetta Scaraf-fia. Page 15: Informations. Page 16: La sagesse théologique de la mère dePie X, par Daniel Bourgeois.

«L’Eglise entend appliquer de fa-çon irrévocable et à tous les ni-veaux contre l’abus sexuel» àl’égard des enfants «le principe dela “tolérance zéro”», a dit Françoisà la commission pontificale pourla protection des mineurs.

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Page 2: 1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR … · dessein d’amour pour chacun et pour tous». Mais François a aussi mis en garde: «Le discernement de l’évêque

page 2 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 28 septembre 2017, numéro 39

Audience générale du 27 septembre

Ne pas perdre l’horizon de l’esp éranceChers frères et sœurs, bonjour!En ce moment, nous parlons del’espérance: mais aujourd’hui, jevoudrais réfléchir avec vous surles ennemis de l’espérance. Pa rc eque l’espérance a ses ennemis:comme tout bien dans ce monde,elle a ses ennemis.

Et il m’est venu à l’esprit l’an-tique mythe du vase de Pandore:l’ouverture du vase déchaîne denombreux malheurs pour l’his-toire du monde. Mais peu de per-sonnes se souviennent de la der-nière partie de l’histoire, qui faitapparaître un rayon de lumière:après que tous les maux sont sor-tis du vase, un minuscule donsemble se venger de tout ce malqui se répand. Pandore, la femmequi devait conserver le vase,l’aperçoit en dernier: les Grecsl’appellent elpìs, ce qui signifie es-p é ra n c e .

Ce mythe nous raconte pour-quoi l’espérance est si importantepour l’humanité. Ce n’est pas vrai

cherche d’un avenir meilleur —qui ont lutté de façon tenace mal-gré l’amertume d’un aujourd’huidifficile, rempli de tant d’é p re u -ves, mais animé par la confianceque leurs enfants auraient eu unevie plus juste et plus sereine. Ilsluttaient pour leurs enfants, ilsluttaient dans l’esp érance.

L’espérance est la poussée ducœur de celui qui part en quittantsa maison, sa terre, parfois sa fa-mille et ses parents — je penseaux migrants —, pour chercherune vie meilleure, plus dignepour eux et pour leurs proches.Et c’est aussi la poussée dans lecœur de celui qui accueille: le désirde se rencontrer, de se connaître,de dialoguer... L’espérance est lapoussée à «partager le voyage»,parce que le voyage se fait àdeux; ceux qui viennent sur notreterre, et nous qui allons vers leurcœur, pour les comprendre, pourcomprendre leur culture, leur lan-gue. C’est un voyage à deux,mais sans espérance, ce voyage ne

Parfois, avoir tout eu de la vieest un malheur. Pensez à un jeuneauquel on n’a pas enseigné la ver-tu de l’attente et de la patience,qui n’a dû suer pour rien, qui abrûlé les étapes et, à vingt ans,«sait déjà comment fonctionne lemonde»; il a été destiné à la pirecondamnation: celle de ne plusrien désirer. Voilà la pire condam-nation. Fermer la porte aux dé-sirs, aux rêves. On dirait un jeu-ne, mais l’automne est déjà tombésur son cœur. Ce sont les jeunesde l’automne.

Avoir une âme vide est le pireobstacle à l’espérance. C’est unrisque dont personne ne peut sedéclarer exempt; parce qu’il peutarriver d’être tentés contre l’esp é-rance même si l’on parcourt lechemin de la vie chrétienne. Lesmoines de l’antiquité avaient dé-noncé l’un des pires ennemis dela ferveur. Ils disaient: ce «démonde midi» qui sape une vie d’acti-vité, précisément alors que le so-leil brille dans le ciel. Cette tenta-

Belle prière. «Seigneur JésusChrist, Fils du Dieu vivant, aiepitié du pécheur que je suis!».C’est une prière d’espérance, par-ce que je m’adresse à Celui quipeut ouvrir toutes grandes lesportes, et résoudre le problème etme faire regarder l’horizon, l’hori-zon de l’esp érance.

Frères et sœurs, nous ne som-mes pas seuls pour combattrecontre le désespoir. Si Jésus avaincu le monde, il est capable devaincre en nous tout ce qui s’op-pose au bien. Si Dieu est avecnous, personne ne nous volera lavertu dont nous avons absolu-ment besoin pour vivre. Personnene nous volera l’espérance. Allonsde l’avant!

Parmi les pèlerins qui assistaient àl’audience générale du 27 septembre,se trouvaient les groupes de pèlerinsfrancophones suivants:

De France: Groupe de la régionde La Côtière; groupe de la pas-torale de Clamart-France; lycéeSainte-Ursule, de Luçon.

De Suisse: Groupe de pèlerins.

Frères et sœurs, en réfléchissantsur les ennemis de l’espérance, jevoudrais souligner que celle-ci estla vertu la plus divine qui puisseexister dans le cœur de l’homme,parce qu’elle maintient la vie, laprotège et la fait grandir. CharlesPéguy a su traduire poétiquementl’étonnement et l’émotion deDieu devant l’espérance qui porteles hommes à croire que «ça iramieux demain matin». Ainsi l’es-pérance est cet élan du cœur quiconduit l’homme à chercher unevie meilleure, à «partager le voya-ge de la vie», comme nous y invi-te la campagne de Caritas inau-gurée aujourd’hui. Pour cette rai-son, les pauvres sont, depuis tou-jours, les premiers porteurs d’es-pérance et c’est par eux que Dieuest entré dans le monde. Car ilssont riches de cette volonté dechangement, ce qui n’est pas lecas de celui qui, ayant tout reçude la vie, est souvent condamné àne plus rien désirer. Avoir le cœurvide est le pire obstacle à l’esp é-rance. Dans la tradition chrétien-ne, c’est la tentation dite «du dé-mon de midi» ou encore l’acédiequi rend les journées ennuyeuseset monotones. Or, Dieu nous acréés pour la joie et le bonheur:voilà pourquoi le chrétien saitque cette tentation doit être com-battue, en invoquant le nom deJésus: «Seigneur Jésus, Fils deDieu, aie pitié de moi pécheur».Car dans le combat à mener con-tre le désespoir, si Dieu est avecnous, personne ne nous voleral’esp érance.

Je suis heureux de saluer lespèlerins venus de France et deSuisse, en particulier les jeunes deLuçon. Que le Seigneur, par l’in-tercession de saint Vincent dePaul, nous aide à combattre le dé-sespoir en nous et à partager l’es-pérance autour de nous. QueDieu vous bénisse!

peut pas se faire. L’espérance estla poussée à partager le voyagede la vie, comme nous le rappellela campagne de la Caritas quenous inaugurons aujourd’hui.Mes frères, n’ayons pas peur departager le voyage! N’ayons paspeur! N’ayons pas peur de parta-ger l’esp érance!

L’espérance n’est pas une vertupour des gens qui ont l’estomacplein. Voilà pourquoi, depuis tou-jours, les pauvres sont les pre-miers porteurs de l’espérance. Etdans ce sens, nous pouvons direque les pauvres, et les mendiantségalement, sont les protagonistesde l’Histoire. Pour entrer dans lemonde, Dieu a eu besoin d’eux:de Joseph et de Marie, des pas-teurs de Bethléem. Dans la nuitdu premier Noël, il y avait unmonde qui dormait, installé danstant de certitudes acquises. Maisles humbles préparaient cachés larévolution de la bonté. Ils étaientpauvres de tout, certains étaient àpeine un peu au-dessus du seuilde la survie, mais ils étaient richesdu bien le plus précieux qui exis-te au monde, c’est-à-dire la volon-té de changement.

tion nous surprend quand on s’yattend le moins: les journées de-viennent monotones et ennuyeu-ses, plus aucune valeur ne semblemériter d’effort. Cette attitudes’appelle l’acédie qui corrompt lavie de l’intérieur jusqu’à la laissercomme une enveloppe vide.

Quand cela arrive, le chrétiensait que cette condition doit êtrecombattue, jamais acceptée passi-vement. Dieu nous a créés pourla joie et pour le bonheur, et nonpour nous complaire dans desp ensées mélancoliques. Voilàpourquoi il est important de con-server notre cœur, en nous oppo-sant aux tentations de malheur,qui ne viennent certainement pasde Dieu. Et là où nos forces nousapparaîtraient faibles et le combatcontre l’angoisse particulièrementdifficile, nous pouvons toujoursavoir recours au nom de Jésus.Nous pouvons répéter cette prièresimple, dont nous trouvons unetrace également dans les Evangi-les, et qui est devenue le pivot denombreuses traditions spirituelleschrétiennes: «Seigneur JésusChrist, Fils du Dieu vivant, aiepitié du pécheur que je suis!».

que «tant qu’il y a de la vie il y ade l’espoir», comme on a l’habi-tude de le dire. Ce serait plutôt lecontraire: c’est l’espérance quisoutient la vie, qui la protège, quila conserve et la fait croître. Si leshommes n’avaient pas cultivé l’es-pérance, s’ils ne s’étaient pas ac-crochés à cette vertu, ils ne se-raient jamais sortis des cavernes,et n’auraient pas laissé de tracedans l’histoire du monde. C’est cequi peut exister de plus divindans le cœur de l’homme.

Un poète français — CharlesPéguy — nous a laissé des pagesmagnifiques sur l’espérance (cf.Le porche du mystère de la deuxièmevertu). Il dit de façon poétiqueque Dieu ne s’étonne pas tant dela foi des êtres humains, ni deleur charité; mais ce qui le rem-plit véritablement d’émerveille-ment et d’émotion est l’esp érancedes gens: «Que ces pauvres en-fants — écrit-il — voient commetout ça se passe et qu’ils croientque demain ça ira mieux». L’ima-ge du poète rappelle les visagesde tant de gens qui sont passésdans ce monde — paysans, ou-vriers pauvres, migrants à la re-

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numéro 39, jeudi 28 septembre 2017 L’OSSERVATORE ROMANO page 3

Angelus du 24 septembre

Tous sont appelésChers frères et sœurs, bonjour!Dans la page évangélique d’au-j o u rd ’hui (Mt 20, 16-16), nous trou-vons la parabole des ouvriers journa-liers, que Jésus raconte pour com-muniquer deux aspects du Royaumede Dieu: le premier, que Dieu veutappeler tout le monde à travaillerpour son Royaume; le deuxième,qu’à la fin il veut donner à tous lamême récompense, c’est-à-dire le sa-lut, la vie éternelle.

Le maître d’une vigne, qui repré-sente Dieu, sort à l’aube et embau-che un groupe de travailleurs, semettant d’accord avec eux sur le sa-laire d’un denier pour la journée,c’était un salaire juste. Ensuite, ilsort également les heures suivantes —ce jour-là, il sort cinq fois —, jusquetard dans l’après-midi, pour embau-cher d’autres ouvriers qu’il voit sanstravail. A la fin de la journée, lemaître ordonne qu’on donne un de-

nier à chacun, même à ceux quin’ont travaillé que quelques heures.Naturellement, les travailleurs em-bauchés en premier se plaignent,parce qu’ils se voient payés de lamême manière que ceux qui ontmoins travaillé. Mais le maître leurrappelle qu’ils ont reçu ce qui avaitété convenu; ensuite, s’il veut êtregénéreux avec les autres, ils ne doi-vent pas être envieux.

En réalité, cette «injustice» dumaître sert à provoquer, chez ceuxqui écoutent la parabole, un saut dequalité, car ici, Jésus ne veut pasparler du problème du travail ou dujuste salaire, mais du Royaume deDieu! Et le message est le suivant:dans le Royaume de Dieu, il n’y apas de chômeur, tous sont appelés àtravailler; et pour tous, à la fin, il yaura la récompense qui vient de lajustice divine — pas humaine, heu-reusement pour nous! — c’e s t - à - d i rele salut que Jésus Christ a acquis

pour nous par sa mort et sa résurrec-tion. Un salut qui n’est pas mérité,mais donné — le salut est gratuit —,de sorte que «les derniers seront lespremiers, et les premiers seront lesderniers» (Mt 20, 16).

Par cette parabole, Jésus veut ou-vrir nos cœurs à la logique del’amour du Père, qui est gratuit etgénéreux. Il s’agit de se laisser éton-ner et fasciner par des «pensées» et

des «voies» de Dieu qui, comme lerappelle le prophète Isaïe, ne sontpas nos pensées et ne sont pas nosvoies (cf. Is 55, 8). Les pensées hu-maines sont souvent marquées parde l’égoïsme et par des intérêts per-sonnels, et nos sentiers étroits et tor-tueux ne sont pas comparables auxvoies larges et droites du Seigneur.Il use de miséricorde — il ne fautpas oublier cela, il use de miséricor-de —, il pardonne largement, il estplein de générosité et de bonté qu’ilrépand sur chacun de nous, il ouvreà tous les territoires sans fin de sonamour et de sa grâce, qui seuls peu-vent donner au cœur humain la plé-nitude de la joie.

Jésus veut nous faire contemplerle regard de ce maître: le regard aveclequel il voit chacun des travailleursqui attendent du travail, et il les ap-pelle à aller dans sa vigne. C’est unregard plein d’attention, de bienveil-lance; c’est un regard qui appelle,qui invite à se lever, à se mettre enmarche, parce qu’il veut la vie pourchacun de nous, il veut une vie plei-ne, engagée, sauvée du vide et del’inertie. Dieu qui n’exclut personneet veut que chacun atteigne sa pléni-tude. Voilà l’amour de notre Dieu,de notre Dieu qui est Père.

Que la Très Sainte Vierge Marienous aide à accueillir dans notre viela logique de l’amour, qui nous libè-re de la présomption de mériter larécompense de Dieu et du jugementnégatif sur les autres.

A l’issue de l’Angelus, le Pape a ajoutéles paroles suivantes:

Chers frères et sœurs, hier, à Okla-homa City (Etats-Unis d’Amérique),a été proclamé bienheureux StanleyFrancis Rother, prêtre missionnaire,tué en haine de la foi à cause de sonœuvre d’évangélisation et de promo-tion humaine en faveur des pluspauvres au Guatémala. Que sonexemple héroïque nous aide à êtrede courageux témoins de l’Evangile,en nous engageant en faveur de ladignité de l’homme.

Je vous salue tous avec affection,Romains et pèlerins venant de diverspays.

Je souhaite à tous un bon diman-che. Et s’il vous plaît, n’oubliez pasde prier pour moi. Bon déjeuner etau revoir!

Vendredi de la miséricorde à la fondation Santa Lucia

Le courage de regarder vers l’avenir«Mais est-ce le vrai Pape?»: c’estun enfant, en thérapie de réhabilita-tion neurologique, qui s’est aperçule premier de l’arrivée de François àla fondation Santa Lucia, via ardea-tina, dans la banlieue de Rome.Dans le cadre des «vendredis de lamiséricorde», vers 16h00, le PapeFrançois a en effet franchi les gril-les de l’hôpital et est descendu devoiture précisément devant le servi-ce de réhabilitation neurologiquepour enfants, où ont lieu les théra-pies pour les plus petits qui souf-frent de pathologies complexes.

La présence inattendue du Papea suscité l’émotion et la joie parmiles enfants, leurs familles et tout lepersonnel de la fondation SantaLucia. François — accompagné deMgr Fisichella — a voulu embrasserles petits, un à un: parmi eux figu-raient également des nouveaux-néset également des adolescents. Toussoignés pour des paralysies cérébra-les, de graves prématurités, deshandicaps intellectuels et des syn-dromes génétiques divers. Le Papea eu des paroles de réconfort parti-culières pour les parents qui, à leurtout, lui ont expliqué que, pourleurs enfants, ces réhabilitationssont longues et difficiles pour ac-quérir ou récupérer une stabilitémotrice et pas seulement. Dans leservice, le Pape a été rejoint par laprésidente de la fondation, et par ledirecteur général.

C’est la responsable de l’unité deréhabilitation pour enfants, qui aaccompagné François au cours dela visite, lui expliquant les détailsdes activités thérapeutiques encours et qui n’ont pas été interrom-pues. «J’ai remercié le Pape pourson geste — raconte-t-elle — mais ilm’a immédiatement répondu:“C’est moi qui vous remercie pourtout ce que vous faites”». En parti-culier, confie le médecin, «Françoisnous a demandé de prier pour lui

et l’a dit avec un regard très intensequi m’a beaucoup frappé». Le Papea également souligné combien il estimportant d’avoir confiance enl’avenir et d’avoir confiance dans larecherche scientifique pour pouvoiraccomplir d’autres progrès impor-tants dans ce domaine complexe.

C’est probablement Gabriel qui a«invité» le Pape au Santa Lucia —le poussant à aller personnellementrencontrer les enfants et être à leurscôtés au cours des thérapies. Agéde six ans, atteint d’une tétraparésiedue à une paralysie cérébrale quil’empêche de communiquer à tra-vers les paroles et les gestes, Ga-briel a quoi qu’il en soit eu la forced’«écrire» une lettre à François,composée des petites images qu’il aappris à utiliser pour se faire com-prendre, selon la technique de lacommunication améliorée et alter-native. «Cher Pape François» — telest le message qu’il lui a fait parve-nir au cours des derniers jours — jene peux ni marcher, ni parler. Jesais que dans tes prières, tu te rap-pelles toujours de nous et nousprions toujours pour toi. J’aimeraistant mieux te connaître et te faireconnaître mes amis qui suivent lathérapie avec moi, pourrais-tu venirnous rendre visite?».

Les rencontres du Pape avec lesjeunes — tous âgés entre quinze etvingt-cinq ans — affectés de lésionsà la moelle épinière, ont été signifi-catives et émouvantes. Ils sont hos-pitalisés au premier étage de l’hôpi-tal. François est entré dans toutesles salles pour les saluer personnel-lement. Puis, il a rencontré, dans lasalle commune du service, tous lesautres patients, dont la majoritésont en chaise roulante.

«Le Pape a été très frappé parl’enthousiasme et l’humanité despersonnes qui sont au Santa Luciapour soigner et être soignées», a ditle directeur sanitaire. «Et, a-t-il

ajouté, il m’a également dit: “Con-tinuez ainsi, donnez de l’amour!”».

Un échange sympathique a éga-lement eu lieu en espagnol avecMiguel, un patient équatorien hos-pitalisé pour une lésion de la moel-le épinière. A côté de lui se trou-vaient également sa femme et sesenfants. «J’étais à la salle de gympour suivre les thérapies quand j’aisu que le Pape était arrivé — ajoute-t-il — et mon thérapeute m’a immé-diatement accompagné pour le ren-contrer: ses paroles ont donné ducourage à toute ma famille».

Pendant plus d’une heure, le Pa-pe a écouté et encouragé les per-sonnes hospitalisées, les assistés etleurs familles, remerciant personnel-lement tout le personnel médical.

Avec cette visite au Santa Lucia,le Pape a voulu relancer l’exp érien-ce des «vendredis de la miséricor-de»: des gestes de proximité et desoutien aux personnes malades,porteuses de handicap ou qui vi-vent dans des situations de difficul-té matérielle et spirituelle.

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page 4 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 28 septembre 2017, numéro 39

Protection des mineurs

Tolérance zéro contreles abus sexuels

«L’Eglise entend appliquer de façonirrévocable et à tous les niveaux contrel’abus sexuel» à l’égard des enfants,«le principe de la “tolérance zéro”»:c’est ce qu’a répété avec fermeté le PapeFrançois en recevant dans la matinéedu jeudi 21 septembre, la commissionpontificale pour la protection desmineurs. Le Pape a remis aux membresde l’organisme, le discours préparé, quenous publions ci-dessous, puis leur aadressé des paroles improvisées.

Chers frères et sœurs,Je vous souhaite une cordiale bien-venue au début de cette assembléeplénière. Je voudrais remercier enparticulier le cardinal O’Malley pourson aimable salut, tandis que je vousexprime ma plus sincère reconnais-sance pour les réflexions que m’ontprésentées en votre nom M. Herme-negild Makoro et M. Bill Kilgallon.Ils ont très bien exprimé le rôle quej’ai pensé pour la Commission lors-que je l’ai instituée il y a trois ans,un service qui, je l’espère, continuerad’être d’une grande aide au coursdes prochaines années pour le Pape,le Saint-Siège, les évêques et les su-périeurs majeurs du monde entier.

Réunis ici aujourd’hui, je désirepartager avec vous la profonde dou-leur que je ressens dans mon âmepour la situation des enfants victi-mes d’abus, comme j’ai déjà eu l’o c-casion de le faire récemment en di-verses occasions. Le scandale des

abus sexuels est véritablement unterrible fléau pour toute l’humanité,et touche de nombreux enfants, jeu-nes et adultes vulnérables dans tousles pays et dans toutes les sociétés.Pour l’Eglise également, cela a étéune expérience très douloureuse.Nous éprouvons de la honte pourles abus commis par des ministressacrés, qui devraient être les person-nes les plus dignes de confiance.Mais nous avons également reçu unappel, et nous sommes certains qu’ilprovient directement de notre Sei-gneur Jésus Christ: accueillir la mis-sion de l’Evangile pour la protectionde tous les mineurs et adultes vulné-rables.

Permettez-moi de vous dire trèsclairement que l’abus sexuel est unpéché horrible, en complète opposi-tion et en contradiction avec ce quele Christ et l’Eglise nous ensei-gnent. Ici, à Rome, j’ai eu le privi-lège d’écouter les histoires que lesvictimes et les rescapés d’abus ontvoulu partager. Au cours de cesrencontres, ils ont partagé ouverte-ment les conséquences que l’abussexuel a provoquées dans leurs vieset dans leurs familles. Je sais quevous aussi avez eu l’occasion béniede participer à de telles réunions etqu’elles continuent d’alimenter vo-tre engagement personnel en vue defaire tout le possible pour combat-tre ce mal et éliminer ce fléau parminous.

l’Eglise. Toutefois, la responsabilitéprimordiale revient aux évêques, auxprêtres et aux religieux, à ceux quiont reçu du Seigneur la vocationd’offrir leur vie au service, en in-cluant la protection vigilante de tousles enfants, jeunes et adultes vulné-rables. Pour cette raison, l’Eglise en-tend de façon irrévocable et à tousles niveaux appliquer contre l’abussexuel des mineurs le principe de la«tolérance zéro».

Le motu proprio Comme une mèreaimante, promulgué sur la based’une proposition de votre commis-sion et en référence au principe deresponsabilité de l’Eglise, affronteles cas des évêques diocésains, deséparques et des supérieurs majeursdes instituts religieux qui, par négli-gence, ont accompli ou omis des ac-tes qui auraient porté un dommagegrave à autrui, qu’il s’agisse de per-sonnes physiques, ou d’une commu-nauté dans son ensemble (cf. art. 1).

Au cours des trois dernières an-nées, la Commission a constammentsouligné les principes les plus im-portants qui guident les efforts del’Eglise pour protéger tous les mi-neurs et les adultes vulnérables. Decette façon, elle a accompli la mis-sion que je lui ai confiée de «fonc-tion consultative, au service duSaint-Père», en offrant son expérien-ce «afin de promouvoir la responsa-bilité des Eglises particulières dansla protection de tous les mineurs etdes adultes vulnérables» (Statuts,art. 1).

J’ai été très heureux d’a p p re n d reque de nombreuses Eglises particu-lières ont adopté votre recommanda-tion en vue d’une journée de prièreet pour un dialogue avec les victi-mes et les rescapés d’abus, ainsiqu’avec les représentants des organi-sations de victimes. Elles nous ontraconté que ces réunions ont été uneexpérience profonde de grâce dansle monde entier et j’espère sincère-ment que toutes les Eglises particu-lières en bénéficieront.

Il est en outre encourageant desavoir combien de conférences épis-copales et conférences de supérieursmajeurs ont demandé vos conseils ence qui concerne les directives pour laprotection des mineurs et des adul-tes vulnérables. Votre collaborationen vue de partager les meilleurespratiques est véritablement précieu-

se, surtout pour les Eglises qui ontmoins de ressources pour ce travailcrucial de protection. Je voudraisvous encourager à poursuivre votrecollaboration dans ce travail avec laCongrégation pour la doctrine de lafoi et la Congrégation pour l’évan-gélisation des peuples, afin que cespratiques soient inculturées dans lesdiverses Eglises du monde entier.

Enfin, je voudrais louer de façonparticulière les nombreuses opportu-nités d’apprentissage, d’éducation etde formation que vous avez offertesdans de nombreuses Eglises particu-lières du monde entier et égalementici, à Rome, dans les divers dicastè-res du Saint-Siège, à travers le courspour les nouveaux évêques et les di-vers congrès internationaux. Je suisheureux de savoir que la présenta-tion que le cardinal O’Malley etMme Marie Collins, l’un de vosmembres fondateurs, ont faite la se-maine dernière pour les nouveauxévêques, a été accueillie aussi favora-blement. Ces programmes éducatifsoffrent le type de ressources qui per-mettront aux diocèses, aux institutsreligieux et à toutes les institutionscatholiques d’adopter et d’employerle matériel le plus efficace pour cetravail.

L’Eglise est appelée à être un lieude pitié et de compassion, en parti-culier pour ceux qui ont souffert.Pour nous tous, l’Eglise catholiquecontinue d’être un hôpital de cam-pagne qui nous accompagne sur no-tre parcours spirituel. C’est le lieuoù nous pouvons nous asseoir avecles autres, les écouter, et partageravec eux nos luttes et notre foi dansla bonne nouvelle de Jésus Christ.Je suis certain que la Commissioncontinuera d’être un lieu où il estpossible d’écouter avec intérêt lesvoix des victimes et des rescapés.Parce que nous avons beaucoup àapprendre d’eux et de leurs histoirespersonnelles de courage et de persé-vérance.

Permettez-moi de vous remercierune fois de plus pour vos efforts etvos conseils au cours de ces troisans. Je vous confie à la Très SainteVierge Marie, la Mère qui demeureprès de nous au cours de notre vie.Je vous donne à tous, ainsi qu’à vosproches, la Bénédiction apostoliqueet je vous demande de continuer àprier pour moi.

Lettres de Créancede l’ambassadeur de Lituanie

Dans la matinée dujeudi 21 septembre, lePape François a reçuen audience S.E. M.Petras Zapolskas, nou-vel ambassadeur deLituanie près le Saint-Siège.

Né à Molėtai (Li-tuanie), le 30 janvier1965, il est marié et aun enfant. Il a obtenuun master en histoireà la Vilnius University,puis a fréquenté uncours de diplomatie à l’Institute of International Relations de la LeedsUniversity, Royaume-Uni (en 1993) et, par la suite, il a suivi des étudessur la sécurité au George C. Marchall Centre, Etats-Unis d’Amérique, eten Allemagne (1995). Il a successivement exercé les fonctions suivantes:deuxième secrétaire, puis premier secrétaire (1991-1993) à la division duCommonwealth of Independent States (CIS) du ministère des affairesétrangères (MAE); chef de division du CIS au MAE (1993-1995); directeur dudépartement politique au MAE (1995-1996); conseiller, puis ministreconseiller d’ambassade auprès de la Fédération russe (1996-1999); chargéd’affaires ad interim d’ambassade auprès de la Fédération russe (1999-2000); directeur du département information et culture, au MAE (2000-2002); ambassadeur en Suède (2002-2006); inspecteur général, directeurad interim du département du personnel au MAE (2006-2009); ambassa-deur en Italie, à Saint-Marin, à Malte et en Libye, représentant perma-nent auprès de la FA O, Rome (2009-2014); directeur du département duprotocole d’Etat et diplomatique au MAE depuis 2014.

C’est pourquoi, au-j o u rd ’hui je répète unefois de plus que l’Eglise,à tous les niveaux, ré-pondra par l’applicationdes mesures les plus sé-vères envers tous ceuxqui ont trahi leur appelet ont abusé des fils deDieu. Les mesures disci-plinaires que les Eglisesparticulières ont adoptéesdoivent être appliquées àtous ceux qui travaillentdans les institutions de

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Rencontre avec les responsables européens

Défendre les droits fondamentauxdes migrants

«Défendre les droits fondamentaux des migrants et réfugiés indépendamment deleur statut migratoire»: c’est ce qu’a souhaité le Pape François en recevant enaudience, dans la matinée du vendredi 22 septembre, dans la salle Clémentine,les responsables nationaux de la pastorale des migrants réunis à Rome àl’initiative du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE). Après lesalut adressé par le cardinal-président du CCEE, Angelo Bagnasco, le Pape aprononcé le discours suivant.

été aggravé par la portée et par lacomposition des flux migratoires,par un manque de préparation im-portant des sociétés d’accueil et pardes politiques nationales et commu-nautaires souvent inadaptées. Maisle malaise est également révélateurdes limites des processus d’unifica-tion européenne, des obstacles aux-quels doit se confronter l’applicationconcrète de l’universalité des droitshumains, des murs contre lesquels seheurte l’humanisme intégral quiconstitue l’un des fruits les plusbeaux de la civilisation européenne.Et pour les chrétiens, il faut inter-préter tout cela, au-delà de l’imma-nentisme laïc, dans la logique du ca-ractère central de la personne hu-maine que Dieu a créée unique et ir-re m p l a ç a b l e .

Dans une perspective purementecclésiologique, l’arrivée de tant defrères et sœurs dans la foi offre auxEglises en Europe une opportunitésupplémentaire de réaliser pleine-ment leur catholicité, élément consti-tutif de l’Eglise que nous confessonstous les dimanches dans le C re d o .Du reste, ces dernières années, beau-coup d’Eglises particulières en Euro-pe ont été enrichies par la présencede migrants catholiques qui ont ap-porté leurs dévotions et leur enthou-siasme liturgique et apostolique.

Dans une perspective purementmissiologique, les flux migratoirescontemporains constituent une nou-velle «frontière» missionnaire, uneoccasion privilégiée d’annoncer JésusChrist et son Evangile sans quitterson propre milieu, de témoigner defaçon concrète de la foi chrétiennedans la charité et dans un profondrespect des autres expressions reli-gieuses. La rencontre avec les mi-grants et les réfugiés d’autres confes-sions et religions est un terrain fé-cond pour le développement d’undialogue œcuménique et interreli-gieux sincère et enrichissant.

Dans mon message pour la jour-née mondiale du migrant et du réfu-gié de l’année prochaine, j’ai souli-gné que la réponse pastorale aux dé-fis migratoires contemporains doits’articuler autour de quatre verbes:accueillir, protéger, promouvoir et inté-grer. Le verbe accueillir se traduitensuite en d’autres verbes tels quedévelopper les voies d’entrée légaleset sûres, offrir un premier héberge-ment adéquat et digne et assurer àtous la sécurité personnelle et l’accèsaux services de base. Le verbe p ro t é -ger se traduit par le fait d’offrir desinformations sûres et certifiées avantle départ, défendre les droits fonda-mentaux des migrants et réfugiés in-dépendamment de leur statut migra-toire et veiller sur les plus vulnéra-bles, qui sont les enfants, les jeunesgarçons et les jeunes filles. P ro m o u -voir signifie essentiellement garantirles conditions pour le développe-ment humain intégral de tous, mi-grants et autochtones. Le verbe inté-grer se traduit par le fait d’ouvrir desespaces de rencontre interculturelle,favoriser l’enrichissement réciproqueet promouvoir des parcours de ci-toyenneté active.

Dans le même message, j’ai souli-gné l’importance des accords mon-diaux que les Etats se sont engagésà rédiger et à approuver d’ici la fin2018. La section migrants et réfugiésdu dicastère pour le service du déve-loppement humain intégral a prépa-ré 20 points d’action que les Egliseslocales sont invitées à utiliser, com-pléter et approfondir dans leur pas-torale: ces points sont fondés sur les«bonnes pratiques» qui caractérisentla réponse tangible de l’Eglise auxbesoins des migrants et des réfugiés.Ces mêmes points sont utiles pourle dialogue que les diverses institu-tions ecclésiales peuvent avoir avecles gouvernements respectifs en vuedes accords mondiaux. Je vous invi-te, chers directeurs, à connaître cespoints et à les promouvoir auprès devos conférences épiscopales.

Les mêmes points d’action for-ment également un paradigme arti-culé autour des quatre verbes déjàmentionnés, paradigme qui pourraitservir de critère d’étude ou de vérifi-cation des pratiques pastorales enplace dans les Eglises locales, en vued’une mise à jour toujours opportu-ne et enrichissante. Que la commu-nion dans la réflexion et dans l’ac-tion soit votre force parce que,quand on est seul, les obstacles sem-blent beaucoup plus grands. Quevotre voix soit toujours opportune etprophétique et surtout, qu’elle soitprécédée d’une œuvre cohérente etinspirée par les principes de la doc-trine chrétienne.

En vous renouvelant mes remer-ciements pour votre engagement im-portant dans le domaine d’une pas-torale migratoire aussi complexe quebrûlante d’actualité, je vous assurede ma prière. Et vous aussi, s’il vousplaît, n’oubliez pas de prier pourmoi.

Chers frères et sœurs,

Je vous accueille avec joie à l’o cca-sion de votre rencontre et je remerciele cardinal-président pour les parolesqu’il m’a adressées en votre nom àtous. Je veux vous remercier de toutcœur pour votre engagement, cesdernières années, en faveur de nosnombreux frères et sœurs migrantset réfugiés qui frappent aux portesde l’Europe à la recherche d’un lieuplus sûr et d’une vie plus digne.

Face aux flux migratoires massifs,complexes et variés, qui ont remis enquestion les politiques migratoiresadoptées jusqu’à présent et les ins-truments de protection sanctionnéspar des conventions internationales,l’Eglise entend demeurer fidèle à samission: celle d’«aimer Jésus Christ,de l’adorer et de l’aimer, particulière-ment dans les plus pauvres et aban-donnés; au nombre de ceux-ci figu-rent certainement les migrants et lesréfugiés» (Message pour la journéemondiale du migrant et du réfugié2015: Insegnament II, 2 [2014], 200).

L’amour maternel de l’Eglise en-vers nos frères et sœurs exige de semanifester de façon concrète à tou-tes les étapes de l’expérience migra-toire, du départ au voyage, de l’arri-vée au retour, de sorte que toutes lesréalités ecclésiales locales situées lelong du trajet soient protagonistesde l’unique mission, chacune selonses possibilités. Reconnaître et servirle Seigneur dans ces membres deson «peuple en chemin» est une res-ponsabilité commune à toutes lesEglises particulières dans l’accom-plissement d’un engagement cons-tant, coordonné et efficace.

Chers frères et sœurs, je ne vouscache pas ma préoccupation devantles signes d’intolérance, de discrimi-nation et de xénophobie que l’onconstate dans diverses régions d’Eu-rope. Ceux-ci sont souvent motivéspar la méfiance et par la crainte àl’égard de l’autre, celui qui est diffé-rent, l’étranger. Je suis encore pluspréoccupé par la triste constatationque nos communautés catholiquesen Europe ne sont pas exemptes deces réactions de défense et de rejet,justifiées par un vague «devoir mo-ral» de conserver leur identité cultu-relle et religieuse d’origine. L’Eglises’est diffusée sur tous les continentsgrâce à la «migration» de mission-naires qui étaient convaincus del’universalité du message de salut deJésus Christ, destiné aux hommes etaux femmes de toute culture. Dansl’histoire de l’Eglise, les tentationsd’exclusivisme et de retranchementculturel n’ont pas manqué, maisl’Esprit Saint nous a toujours aidés àles surmonter, garantissant une ou-verture constante vers l’autre, consi-dérée comme une possibilité concrè-te de croissance et d’enrichissement.

L’Esprit, j’en suis certain, nous ai-de aujourd’hui également, à conser-ver une attitude d’ouverture confian-te qui permet de dépasser toutes lesbarrières, de franchir tous les murs.

Dans mon écoute constante desEglises particulières en Europe, j’aiperçu un profond malaise face à l’ar-rivée massive de migrants et de réfu-giés. Un tel malaise doit être recon-nu et compris à la lumière d’un mo-ment historique marqué par la criseéconomique, qui a laissé des blessu-res profondes. En outre, ce malaise a

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Audience à la commission parlementaire d’enquête

Une nouvelle consciencecivile contre les mafias

Lettres de Créancede l’ambassadeur d’Italie

Dans la matinée du same-di 23 septembre, le PapeFrançois a reçu en au-dience S.E. M. Pietro Se-bastiani, nouvel ambassa-deur d’Italie près le Saint-Siège, Né à Capannori(Lucca, Italie) le 28 mars1957, il est marié et a qua-tre enfants. Titulaired’une maîtrise en sciencespolitiques avec spécialisa-tion internationale del’université Cesare Alfieride Florence (28 octobre1981), il a suivi par la sui-te un cours d’économie internatio-nale à l’université de Harvard et dejournalisme international à la Co-lumbia University de New York. Ila exercé les fonctions suivantes: bé-névole dans la carrière diploma-tique (1984-1985); troisième secré-taire à la direction générale pourles relations culturelles (1985-1986);deuxième secrétaire puis premiersecrétaire d’ambassade à Moscou(1986-1988); premier vice-consul(1988-1990) et consul adjoint àNew York (1990-1993); membre ducabinet des ministres des affairesétrangères MM. Andreatta et Elia(1993-1994); conseiller de légation(1994); détaché pour un cours d’in-formation professionnelle supérieu-re à l’institut diplomatique (1994-1995); membre du cabinet des mi-nistres des affaires étrangères Mar-tino, Agnelli et Dini (1995-1997);conseiller à la représentation per-

manente auprès de l’U N E S C O, Paris(1997-2000); conseiller d’ambassade(2000), puis premier conseiller àParis (2000); premier conseillerd’ambassade à Bruxelles (décembre2000 - août 2001); conseiller diplo-matique du président de la cham-bre des députés au cours de la XIVe

législature (2001-2005); ministreplénipotentiaire (2005); conseillerdiplomatique du président del’Union interparlementaire à Genè-ve (2006-2008); chef de la repré-sentation permanente auprès del’ONU à Rome, avec rang d’ambas-sadeur (2008-2012); ambassadeur àMadrid (2013-2016) et à Andorre(2015-2016); ambassadeur dépen-dant directement du secrétaire gé-néral du ministre des affaires étran-gères (mars-août 2016); directeurgénéral pour la coopération au dé-veloppement (depuis août 2016).

Une nouvelle conscience civile en Italiepour combattre les mafias a étésouhaitée par le Pape dans le discoursadressé aux membres de la commissionparlementaire d’enquête italienne quis’occupe du phénomène. En les recevanten audience dans la matinée du jeudi21 septembre, dans la salle Clémentine,le Pape a dénoncé l’asservissement dela finance aux trafics criminels.

MM. les députés et les sénateurs,Je suis heureux de vous accueillir etje remercie la présidente de la com-mission, Mme Bindi, de ses parolescourtoises.

Je désire tout d’abord formulerune pensée pour toutes les person-nes qui, en Italie, ont payé de leurvie la lutte contre les mafias. Je rap-pelle, en particulier, trois magistrats:le serviteur de Dieu Rosario Livati-no, tué le 21 septembre 1990; Gio-vanni Falcone et Paolo Borsellino,tués il y a 25 ans avec les membresde leur escorte.

Alors que je préparais cette ren-contre, plusieurs scènes évangéliquesme venaient à l’esprit, dans lesquel-les nous n’aurions pas de mal à re-connaître les signes de cette crisemorale que traversent aujourd’huiles personnes et les institutions. Lavérité des paroles de Jésus reste tou-

jours actuelle: «Ce qui sort del'homme, voilà ce qui souille l’hom-me. Car c’est du dedans, du cœurdes hommes, que sortent les desseinspervers: débauches, vols, meurtres,adultères, cupidités, méchancetés,ruse, impudicité, envie, diffamation,orgueil, déraison. Toutes ces mauvai-ses choses sortent du dedans etsouillent l’homme» (Mc 7, 20-23).

Le point de départ reste toujoursle cœur de l’homme, ses relations, sesliens d’attachement. Nous ne veille-rons jamais assez sur cet abîme, oùla personne est exposée à des tenta-tions d’opportunisme, de tromperieet de fraude, rendues plus dangereu-ses par le refus de se mettre en dis-cussion. Quand on se renferme dansl’autosuffisance, on arrive facilementà la complaisance de soi et à la pré-tention de devenir la norme pourtout et tous. Le signe en est égale-ment une politique déviée, pliée auxintérêts de parties et à des accordstroubles. On arrive alors à étoufferl’appel de la conscience, à banaliserle mal, à confondre la vérité avec lemensonge et à profiter du rôle deresponsabilité publique que l’on re-vêt.

La politique authentique, celleque nous reconnaissons comme uneforme éminente de charité, œuvre enrevanche pour assurer un avenir

d’espérance et promouvoir la dignitéde chacun. C’est précisément pourcela qu’elle considère la lutte contreles mafias comme l’une de ses priori-tés, dans la mesure où celles-ci vo-lent le bien commun, en enlevantl’espérance et la dignité aux person-nes.

Dans ce but, il devient décisif des’opposer de toutes les manièrespossibles au grave problème de lacorruption qui, au mépris de l’intérêtgénéral, constitue un terrain fertiledans lequel les mafias s’enracinent etse développent. La corruption trou-ve toujours la manière de se justifierelle-même, en se présentant commela condition «normale», la solutionde celui qui est «malin», la voie àparcourir pour parvenir à ses pro-pres objectifs. Elle possède une na-ture contagieuse et parasitaire, parce-qu’elle ne se nourrit pas de ce qu’el-le produit de bon, mais de ce qu’ellesoustrait et dérobe. C’est une racinevénéneuse qui altère la saine concur-rence et éloigne les investissements.Au fond, la corruption est un habitusconstruit sur l’idolâtrie de l’argent etla mercification de la dignité humai-ne, c’est pourquoi elle doit être com-battue par des mesures tout aussi in-cisives que celles prévues dans la lut-te contre les mafias.

Lutter contre les mafias ne signifiepas seulement réprimer. Cela signifieégalement bonifier, transformer, cons-t r u i re , et cela comporte un engage-ment à deux niveaux. Le premier estpolitique, à travers une plus grandejustice sociale, car les mafias ontbeau jeu de se proposer comme sys-tème alternatif sur le territoire, préci-sément là où manquent les droits etles opportunités: le travail, le loge-ment, l’instruction, l’assistance médi-cale.

Le deuxième niveau d’engagementest économique, à travers la correctionou la disparition de ces mécanismesqui engendrent partout inégalité etpauvreté. Aujourd’hui, nous ne pou-vons plus parler de lutte contre lesmafias sans soulever l’immense pro-blème d’une finance désormais sou-veraine sur les règles démocratiques,grâce à laquelle les réalités criminel-les investissent et multiplient les pro-fits déjà considérables tirés de leurstrafics: drogue, armes, traite des per-sonnes, traitement de déchets toxi-ques, conditionnements des appelsd’offre pour les grandes œuvres, jeude hasard, racket.

Ce double niveau, politique etéconomique, en présuppose un autre

tout aussi essentiel, qui est la cons-truction d’une nouvelle conscience civi-le, la seule qui puisse conduire à unevraie libération des mafias. Il estvraiment nécessaire d’éduquer et des’éduquer à une vigilance constantesur soi-même et sur le contexte danslequel on vit, en développant uneperception plus ponctuelle des phé-nomènes de corruption et en travail-lant à une manière nouvelle d’ê t redes citoyens, qui comprend le soinet la responsabilité pour les autres etle bien commun.

L’Italie doit être fière d’avoir misen place une législation contre lamafia qui fait participer l’Etat et lescitoyens, les administrations et lesassociations, le monde laïc et celuicatholique et religieux au sens large.Les biens confisqués aux mafias etreconvertis dans un usage social re-présentent, dans ce sens, d’authenti-ques lieux d’apprentissage de la vie.Dans ces contextes, les jeunes étu-dient, obtiennent des connaissanceset prennent des responsabilités, trou-vent un travail et une réalisation.Dans ceux-ci également, de nom-breuses personnes âgées, pauvres oudéfavorisées trouvent accueil, serviceet dignité.

Enfin, on ne peut pas oublier quela lutte contre les mafias passe à tra-vers la protection et la valorisationdes témoins de justice, des person-nes qui s’exposent à de graves ris-ques en choisissant de dénoncer lesviolences dont elles ont été les té-moins. Il faut trouver une issue quipermette à une personne honnête,mais qui appartient à des familles ouà des contextes mafieux, d’en sortirsans subir de vengeances ni de rétor-sions. De nombreuses femmes, enparticulier des mères, cherchent à lefaire, dans le refus des logiques cri-minelles et avec le désir de garantirà leurs enfants un avenir différent. Ilfaut réussir à les aider, dans le res-pect, assurément, des itinéraires juri-diques, mais également de leur di-gnité de personnes qui choisissent lebien et la vie.

En vous exhortant, chers frères etsœurs, à poursuivre avec dévoue-ment et sens du devoir la tâche quivous est confiée pour le bien detous, j’invoque sur vous la bénédic-tion de Dieu. Que vous réconfortela certitude d’être accompagnés parLui qui est riche de miséricorde; etque la conscience qu’Il ne supporteni la violence ni les abus fasse devous d’inlassables artisans de justice.M e rc i .

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Chapitre général des missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus

Evangéliser signifie aussi éduquer«Eduquer et accompagner les jeunes générations à apprendre les valeurshumaines et à cultiver une vision évangélique de la vie et de l’histoire»: telest le devoir «urgent» que le Pape a confié aux participants au chapitregénéral des missionnaires du Sacré-Cœur de Jésus, reçus en audience dansla matinée du samedi 16 septembre, dans la salle Clémentine.

tend d’être accueilli et aidé. Envous envoyant comme missionnai-res dans le monde, c’est le pre-mier évangile que l’Eglise vousconfie: montrer dans vos person-nes et avec vos œuvres l’amourpassionné et tendre de Dieu pourles petits, les derniers, les sans dé-fense, les rejetés de la terre.

Bien que votre institut, commed’autres, ait souffert au cours desdernières décennies d’une certainediminution de ses membres,l’augmentation des vocations enAmérique du Sud, en Océanie eten Asie vous réconforte et vousdonne une espérance pour le pré-sent et l’avenir. Ainsi, la formationchrétienne de la jeunesse, expressionsupplémentaire de votre charisme,pourra également être garantie etaccrue dans les œuvres de l’insti-tut. Combien est urgent au-j o u rd ’hui l’engagement à éduqueret à accompagner les nouvellesgénérations à apprendre les va-leurs humaines et à cultiver unevision évangélique de la vie et del’histoire! Celle-ci, que beaucoupdéfinissent comme une vraie «ur-gence éducative» est sans aucundoute l’une des frontières de lamission évangélisatrice de l’Egli-se, pour laquelle toute la commu-nauté chrétienne est invitée à sor-tir. Dans le sillage de tout cequ’ont accompli les confrères quivous ont précédés et des œu v re scommencées par eux, je vous en-courage à prendre des initiativesnouvelles également dans cetteexpression spécifique de votreap ostolat.

La congrégation des mission-naires du Sacré-Cœur de Jésuscompte aujourd’hui encore unbon nombre de membres, parmilesquels un groupe conséquent dereligieux frères, et les frères, dansune congrégation, sont une grâcedu Seigneur. Je vous en prie, necédez pas au mal du cléricalisme,qui éloigne le peuple et spéciale-ment les jeunes de l’Eglise, com-me je l’ai souvent rappelé. Vivezentre vous une véritable fraterni-té, qui accueille les diversités etvalorise la richesse de chacun.N’ayez pas peur de poursuivre etd’accroître la communion avec leslaïcs qui collaborent à votre apos-tolat, en les faisant participer àvos idéaux et à vos projets et enpartageant avec eux les richessesde la spiritualité qui jaillit ducharisme de l’institut. Avec eux etavec les sœurs de la congrégationféminine, se renforcera une plusgrande «famille charismatique»,qui montrera mieux la vitalité etl’actualité du charisme du fonda-t e u r.

Que la Vierge Marie, que vousinvoquez sous le titre de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Jésus,vous maintienne toujours prochesde son Fils, prêts à faire tout cequ’elle vous dira, et qu’elle vousprotège à travers son intercessionmaternelle. Que vous accompa-gne aussi ma bénédiction, quej’étends à toute votre communau-té. Et, s’il vous plaît, n’oubliezpas de prier pour moi. Merci!

Chers frères,Je vous accueille avec joie à l’o c-casion de votre chapitre généralet je remercie le supérieur généralpour ses paroles. Vous vous êtesréunis pour réfléchir sur la vie devotre congrégation, prier et dis-cerner ensemble les routes que leSeigneur vous indique pour ac-tualiser et donner une féconditérenouvelée au charisme que l’Es-prit Saint a donné à l’Eglise et aumonde à travers votre fondateur,le prêtre Jean-Jules Chevalier.

Je trouve particulièrement si-gnificative la devise que vous avezchoisie pour la préparation quetout l’institut a réalisée en vue dece chapitre: «Tu as gardé le bonvin jusqu’à présent!» (Jn 2, 10). Sid’une part, vous êtes en effetconscients et reconnaissant duprécieux patrimoine des projets etdes œuvres apostoliques que cecharisme a produits jusqu’à pré-sent au cours du siècle et demi dela vie de l’institut, grâce à la fidé-lité des confrères qui vous ontprécédés, d’une autre part, vouscomprenez bien que ses richespotentialités, au profit de l’Egliseet du monde, ne sont pas épui-sées. A l’écoute de ce que l’EspritSaint dit aujourd’hui à son Egliseet ouverts aux demandes de l’hu-manité, vous saurez puiser à lasource première et inépuisable devotre charisme un élan nouveau,des choix courageux, des expres-sions créatives pour la missionqui vous a été confiée. Les chan-gements de situation du mondeactuel par rapport au passé, et lesnouvelles instances de l’engage-ment d’évangélisation de l’Eglise,sont précisément les conditionsqui demandent et rendent possi-bles de nouvelles façons d’offrir le«bon vin» de l’Evangile afin dedonner de la joie et de l’esp éran-ce à beaucoup.

Si l’inspiration originelle dufondateur a été celle de diffuser ladévotion au Sacré-Cœur de Jésus,a u j o u rd ’hui, vous la comprenez etla réalisez en l’exprimant dansune variété d’œuvres et d’actionsqui témoignent de l’amour tendreet miséricordieux de Jésus envers

Décès de Mgr Paul Canart

Un pilier de la VaticaneCESARE PASINI

«L e jeune scriptor a f f ro n t ele catalogage des ma-nuscrits. L’enseigne-

ment de la paléographie et de lacodicologie élargissent ses hori-zons. Une période intermédiaire àla section des imprimés lui rappel-le le devoir de la modestie. Lespréoccupations et les satisfactionsd’un directeur de la section desmanuscrits et d’un vice-préfet».C’est en développant ces quatrepoints, il y a une douzaine d’an-nées, que Mgr Paul Canart décri-vait ses «cinquante ans à la Biblio-thèque vaticane» lors d’une confé-rence tenue à Liège en 2004.

Il était entré à la Vaticane en1957, en tant que scriptor pour lesmanuscrits grecs et, soixante ansplus tard, on le voyait toujoursprésent dans les salles pour ses re-cherches, offrant également son at-tention et son temps au chercheurvenu de loin ou à l’étudiant à sespremières armes, pour lui fournirde l’aide et lui faciliter l’étude descollections vaticanes.

Quelques semaines avant sonquatre-vingt dixième anniversaire,Mgr Paul Canart est décédé le jeu-di 14 septembre. Lors de cette con-

férence à Liège, il avait cité laphrase, avec laquelle le préfetFranz Ehrle — le jésuite qui renou-vela la Vaticane à la fin du XIXe

siècle — accueillait les nouveauxemployés: «Le salaire est modeste,mais les perspectives de vie sontlongues»! Paul Canart a travailléinlassablement jusqu’à il y a quel-ques mois encore: son dernier ou-vrage sur un groupe de 25 manus-crits vaticans, que nous aurionsvoulu présenter précisément pourson quatre-vingt dixième anniver-saire le mois prochain, est actuelle-ment en cours de publication.

De Mgr Canart on se rappellerala timidité, qui faisait de lui unepersonne réservée face aux autres(lorsqu’il s’adressait à une person-ne, il clignait un peu les yeux),sans que cela ne lui ôte son grandsens de l’humour. Il a exprimé sapropre personne à travers une trèsvaste et rigoureuse productionscientifique, dans le domaine de lapaléographie et de la codicologie;un travail recherché et appréciépar les chercheurs. Une reconnais-sance sincère de son ministère sa-cerdotal placé au service de la cul-t u re .

tous, spécialement envers ces por-tions d’humanité le plus dans lebesoin. Pour pouvoir le faire, jevous invite — comme je l’ai sou-vent rappelé aux personnesconsacrées — à «retourner vers lepremier et unique amour», àmaintenir le regard fixé sur le Sei-gneur Jésus pour apprendre deLui à aimer avec un cœur hu-main, à chercher et prendre soindes brebis égarées et blessées, àvous engager pour la justice et lasolidarité auprès des plus faibleset des pauvres, à donner espéran-ce et dignité aux déshérités, à al-ler partout où un être humain at-

Page 8: 1,00 € Numéros précédents 2,00 € OL’ S S E RVATOR … · dessein d’amour pour chacun et pour tous». Mais François a aussi mis en garde: «Le discernement de l’évêque

numéro 39, jeudi 28 septembre 2017 L’OSSERVATORE ROMANO pages 8/9

Audience aux évêques récemment nommés

Un antidote à la rigiditéUn «remède à l’immobilisme», un «processus créatif», «un antidote contre larigidité»: tel est, pour François, le discernement auquel chaque évêque est appelédans l’exercice de sa mission de pasteur au service du peuple de Dieu. Le Pape ena parlé au cours de l’audience qui s’est déroulée dans la matinée du jeudi 14septembre, dans la salle Clémentine, avec les évêques récemment nommés quiparticipaient au cours annuel de formation organisé par les Congrégations pour lesévêques et pour les Eglises orientales.

complété et enrichi. Ilne se réduit pas à la ré-pétition de formes qui«comme les nuages trèshauts envoient peu depluie» à l’homme con-cret, souvent plongédans une réalité qui nepeut se réduire au blancou au noir. Le pasteurest appelé à rendre dis-ponible au troupeau lagrâce de l’Esprit quisait pénétrer dans lesplis du réel et tenircompte de ses nuancespour faire émerger ceque Dieu veut réaliser àchaque moment. Je pe-nse particulièrementaux jeunes, aux famil-les, aux prêtres, à ceuxqui ont la responsabilitéde guider la société.Qu’ils puissent cherchersur vos lèvres et y trou-ver le ferme témoignagede cette Parole supé-rieure, qui est «lampepour les pas et lumièresur le chemin» (cf. Ps118, 105).

Une condition essen-tielle pour progresserdans le discernementest de s’éduquer à la pa-tience de Dieu et à sestemps qui ne sont jamaisles nôtres. Il ne fait pas

ment et d’approfondir avec vous,nouveaux pasteurs de l’Eglise, la grâ-ce et la responsabilité du ministèreque nous avons reçu.

En effet, non par notre mérite maispar pure bienveillance divine, «le té-moignage de l’Evangile de la grâcede Dieu» (Ac 20, 24; cf. Rm 15, 16) et«le ministère de l’Esprit» (2 Co 3, 8-9) nous ont été confiés. Cette année,le programme de vos journées romai-nes a cherché à pénétrer le mystère del’épiscopat à travers l’une de ses tâ-ches centrales, celle d’offrir au «trou-peau dont l’Esprit Saint (nous) a éta-blis responsables» (Ac 20, 28) ce dis-cernement spirituel et pastoral nécessai-re pour qu’il parvienne à la connais-sance et à la réalisation de la volontéde Dieu, dans laquelle réside touteplénitude.

Permettez-moi, par conséquent, departager quelques réflexions sur cethème toujours plus important de nosjours, paradoxalement marqués par

(cf. 1 Co 12, 10) et que saint Thomasd’Aquin appelle «la vertu supérieurequi juge selon ces principes supé-rieurs» (Sum. Theol., II-II, q.51, a. 4,ad 3), que nous pouvons répondre àce besoin humain d’a u j o u rd ’hui.

L’Esprit-Saint, protagonistede tout discernement authentique

Il n’y a pas très longtemps, l’Eglisea invoqué sur vous le «Spiritus Princi-palis» ou «Pneuma hegemonikon», lapuissance que le Père a donnée auFils et que celui-ci a transmise auxsaints apôtres, c’est-à-dire «l’Espritqui gouverne et qui guide ».

Il faut être conscient que ce granddon, dont nous sommes avec gratitu-de les serviteurs éternels, repose surdes épaules fragiles. C’est peut-êtrepour cela que l’Eglise, dans sa prièrede consécration épiscopale, a tiré cet-te expression du M i s e re re (cf. Ps 51,14b) dans lequel celui qui prie, après

Très chers frères,C’est avec une grande joie que jevous accueille en ce moment presqueconclusif de votre pèlerinage romainorganisé par les Congrégations pourles évêques et pour les Eglises orien-tales. Je remercie le cardinal MarcOuellet et le cardinal Leonardo San-dri, ainsi que les dicastères qu’ils pré-sident respectivement, pour l’engage-ment généreux dans la réalisation decet événement qui me permet mainte-nant de vous connaître personnelle-

une tendance à l’autoréférence, quiproclame que le temps des maîtres estfini tandis que, dans sa solitude,l’homme concret continue de crierson besoin d’être aidé pour affronterles questions dramatiques qui l’assail-lent, d’être guidé paternellement surle parcours non évident qui le défie,d’être initié au mystère de sa proprerecherche de vie et de bonheur.

C’est précisément à travers le dis-cernement authentique, que Paul pré-sente comme un des dons de l’Esprit

avoir exposé son propre échec, implo-re cet Esprit qui lui accorde la géné-rosité immédiate et spontanée dansl’obéissance à Dieu, si fondamentalepour celui qui guide une commu-nauté.

Seul celui qui est guidé par Dieu ale titre et l’autorité pour être proposécomme guide des autres. Seul peutconduire et faire grandir dans le dis-cernement celui qui a une proximitéavec ce maître intérieur qui, commeune boussole, offre les critères pourdistinguer, pour soi et pour les autres,les temps de Dieu et de sa grâce,pour reconnaître son passage et lavoie de son salut, pour indiquer lesmoyens concrets, agréables à Dieu,pour réaliser le bien qu’il prédisposedans son mystérieux dessein d’amourpour chacun et pour tous. Cette sa-gesse est la sagesse pratique de laCroix qui, tout en incluant la raisonet sa prudence, les dépasse parcequ’elle conduit à la source même dela vie qui ne meurt pas, à savoir,«connaître le Père, le seul vrai Dieu,et celui qu’il a envoyé, Jésus Christ»(cf Jn 17, 3).

L’évêque ne peut considérer commeacquise la possession d’un don si élevéet transcendant, comme s’il s’agissaitd’un droit acquis, sans tomber dansun ministère privé de fécondité. Il estnécessaire de l’implorer continuellementcomme condition primordiale pour il-luminer toute sagesse humaine, exis-tentielle, psychologique, sociologiqueet morale dont nous pouvons nousservir dans la tâche de discerner lesvoies de Dieu pour le salut de ceuxqui nous ont été confiés.

Il est par conséquent impératif deretourner continuellement dans laprière à Gabaon (cf. 1 R 3, 5-12), pourrappeler au Seigneur que, devant lui,nous sommes éternellement de «toutjeunes hommes, ne sachant commentse comporter» et pour implorer «nonpas de longs jours, ni la richesse, nila mort des ennemis», mais seulement«le discernement, l’art d’être attentifet de gouverner». Sans cette grâce,nous ne deviendrons pas de bons mé-téorologues de ce que l’on peut entre-voir «dans l’aspect du ciel et de laterre», et nous serons incapablesd’«évaluer le temps de Dieu» (cf. Lc12, 54-56).

C’est pourquoi le discernement naîtdans le cœur et dans l’esprit del’évêque à travers sa prière, quand ilmet en contact les personnes et les situa-tions qui lui sont confiées avec la Paroledivine prononcée par l’Esprit. C’estdans cette intimité que le pasteur faitmûrir la liberté intérieure qui le rendferme dans ses choix et dans ses com-portements, qu’ils soient personnelsou ecclésiaux. C’est seulement dans lesilence de la prière que l’on peut ap-prendre la voix de Dieu, percevoir lestraces de son langage, accéder à savérité, qui est une lumière très diffé-rente, qui «n’est pas au-dessus de l’in-

telligence presque comme l’huile qui flotteà la surface de l’eau», et très supérieu-re parce que seul «celui qui connaît lavérité connaît cette lumière» (cf. Augus-tin, Conf. VII, 10.16).

Le discernement est un donde l’Esprit à l’Eglise,auquel on répond par l’écoute

Le discernement est une grâce del’Esprit au saint peuple fidèle de Dieu,qui le constitue peuple prophétique,doté du sens de la foi et de cet ins-tinct spirituel qui le rend capable desentire cum Ecclesia. C’est un don reçuau milieu du peuple et il est orientévers son salut. Puisque depuis le bap-tême, l’Esprit demeure déjà dans lecœur des fidèles, la foi apostolique, labéatitude, la rectitude et l’esprit évan-gélique ne leur sont pas étrangers.

Par conséquent, bien que revêtud’une responsabilité personnelle in-contournable (cf. Directoire Ap o s t o l o -rum Successores, nn. 160-161), l’évêqueest appelé à vivre son discernementde pasteur en tant que membre dupeuple de Dieu, à savoir dans unedynamique toujours ecclésiale, au ser-vice de la koinonia. L’évêque n’est pasle «père maître» autosuffisant, et en-core moins le «pasteur solitaire»craintif et isolé.

Le discernement de l’évêque esttoujours une action communautaire,qui tient compte de la richesse del’avis de ses prêtres et diacres, dupeuple de Dieu et de tous ceux quipeuvent lui offrir une contributionutile, y compris à travers les apportsconcrets et pas seulement formels.«Quand on ne tient absolument pascompte de son frère et que l’on se co-nsidère supérieur, on finit par s’enor-gueillir aussi devant Dieu lui-même»1.

Dans le dialogue serein, il n’a paspeur de partager, et aussi parfois demodifier son propre discernementavec les autres: avec ses confrères dansl’épiscopat, auxquels il est sacramentel-lement uni, le discernement devientalors collégial; avec ses propres prêtres,dont il est le garant de cette unité quine s’impose pas par la force mais quise tisse avec la patience et la sagessed’un artisan; avec les fidèles laïcs, parcequ’ils conservent le «flair» de la véri-table infaillibilité de la foi qui résidedans l’Eglise: ils savent que Dieu nefait jamais manquer son amour et nefaillit pas à ses promesses.

Comme l’enseigne l’histoire, lesgrands pasteurs, pour défendre la jus-te foi, ont su dialoguer avec ce dépôt

présent dans le cœur et dans la cons-cience des fidèles et il n’est pas rarequ’ils aient été soutenus par ces der-niers. Sans cet échange, «la foi desplus cultivés peut dégénérer dans l’in-différence et celle des plus humblesdans la superstition»2.

Je vous invite par conséquent àcultiver une attitude d’écoute, engrandissant dans la liberté de renon-cer au propre point de vue (lorsqu’ilse révèle partial et insuffisant), pourprendre celui de Dieu. Sans vous lais-ser conditionner par le regard des au-tres, engagez-vous pour connaître devos propres yeux les lieux et les per-sonnes, la «tradition» spirituelle etculturelle du diocèse qui vous estconfié, pour vous plonger respectueu-sement dans la mémoire de son té-moignage du Christ et pour lire sonprésent concret à la lumière del’Evangile, en dehors duquel il n’y aaucun avenir pour l’Eglise.

La mission qui vous attend n’estpas de présenter vos propres idées etprojets, ni des solutions conçues demanière abstraite par qui considèrel’Eglise comme le jardin de sa mai-son; mais humblement, sans protago-nisme ni narcissisme, d’offrir votre té-moignage concret d’union à Dieu, enservant l’Evangile qu’il faut cultiver etaider à grandir dans cette situationsp écifique

Discerner signifie par conséquenthumilité et obéissance. Humilité parrapport à ses propres projets. Obéis-sance à l’égard de l’Evangile, critèreultime; au Magistère, qui le garde;aux normes de l’Eglise universelle,qui le servent; et à la situation con-crète des personnes, pour lesquelleson ne désire rien d’autre que de tirerdu trésor de l’Eglise ce qui est le plusfécond pour l’a u j o u rd ’hui de leur sa-lut (cf. Mt 13, 52).

Le discernement est un remède àl’immobilisme du «on a toujours faitainsi» ou du «prenons notre temps».C’est un processus créatif qui ne se li-mite pas à appliquer des schémas.C’est un antidote contre la rigidité,parce que les mêmes solutions nesont pas valables partout. C’est tou-jours l’a u j o u rd ’hui éternel du Ressus-cité qui impose de ne pas se résignerà la répétition du passé et d’avoir lecourage de se demander si les propo-sitions d’hier sont encore évangéli-quement valides. Ne vous laissez pasemprisonner par la nostalgie de pou-voir avoir une seule réponse à appli-quer à tous les cas. Cela calmeraitpeut-être notre angoisse de presta-

tion, mais laisserait reléguées dans lesmarges et rendrait «arides» des viesqui ont besoin qu’on leur insuffle lagrâce que nous conservons (cf. Mc 3,1-6; Ez 37, 4).

Je vous recommande de porter uneattention particulière à la culture et àla religiosité du peuple. Celles-ci nesont pas quelque chose à tolérer, nide simples instruments à manœu v re r,ni une «cendrillon» à garder toujourscachée parce qu’indigne d’accéder ausalon noble des concepts et des rai-sons supérieures de la foi. Au contrai-re, il faut en prendre soin et dialo-guer avec elles parce que non seule-ment elles constituent le substrat quiconserve la compréhension de soi despersonnes, mais elles sont un vérita-ble sujet d’évangélisation, dont votrediscernement ne peut se passer. Untel charisme, donné à la communautédes croyants, ne peut pas ne pas êtrereconnu, interpellé et impliqué dansle cheminement ordinaire du discer-nement effectué par les pasteurs.

Rappelez-vous que Dieu était déjàprésent dans vos diocèses quand vousêtes arrivés et qu’il y sera encorequand vous en serez partis. Et, à lafin, nous serons tous jugés, non passur le nombre de nos œuvres, maissur la croissance de l’œuvre de Dieudans le cœur du troupeau que nousgardons au nom du «Pasteur et gar-dien de nos âmes» (cf. 1 P 2, 25).

Appelés à grandirdans le discernement

Nous devons nous efforcer degrandir dans un discernement incarnéet inclusif, qui dialogue avec la cons-cience des fidèles qui doit être forméeet non remplacée (cf. Exhort. ap.post-syn. Amoris laetitia, n. 37), dansun processus d’accompagnement pa-tient et courageux, pour que puissemûrir la capacité de chacun — fidèles,familles, prêtres, communautés et so-ciété —, tous appelés à progresserdans la liberté de choisir et de réaliserle bien voulu par Dieu. En effet, l’ac-tivité de discerner n’est pas réservéeaux sages, aux perspicaces et à ceuxqui sont parfaits. Au contraire, Dieurésiste souvent aux orgueilleux et semontre aux humbles (cf. Mt 11, 25).

Le pasteur sait que Dieu est le che-min et il a confiance en sa compa-gnie; il connaît et ne doute jamais desa vérité, ni ne désespère de sa pro-messe de vie. Mais le pasteur neprend possession de ces certitudesque dans l’humble obscurité de la foi.

Les transmettre au troupeau neconsiste donc pas à publier des pro-clamations évidentes, mais à introdui-re dans l’expérience de Dieu qui sau-ve en soutenant et en guidant les paspossibles à effectuer.

C’est pourquoi l’authentique dis-cernement, bien que définitif àchaque pas, est un processus toujoursouvert et nécessaire qui peut être

16), et d’offrir aux gens — a u j o u rd ’huicomme hier confus et égarés — ce queLui a su nous donner: la possibilitéde rencontrer personnellement Dieu,de choisir son chemin et de progres-ser dans son amour.

Gardez en particulier votre regardfixé sur lui en ce jour, fête de la Sain-te-Croix, lieu permanent du discerne-ment de Dieu en notre faveur, en

«tomber le feu sur les infidèles» (cf.Lc 9, 53-54), ni ne permet aux zélésd’«arracher du champ l’ivraie» qu’ilsvoient pousser (cf. Mt 13, 27-29). Ilnous revient chaque jour d’accueillirde Dieu l’espérance qui nous préservede toute abstraction, parce qu’il nouspermet de découvrir la grâce cachéedans le présent sans perdre de vue lalonganimité de son dessein d’amourqui nous dépasse.

Très chers frères, je vous prie degarder scrupuleusement devant les yeuxJésus et la mission, qui n’était pas lasienne mais celle du Père (cf. Jn 7,

contemplant la profondeur de son in-carnation et en apprenant d’elle lecritère de tout discernement authen-tique (cf. 1 Jn 4, 1).

Que la Vierge, qui demeure le re-gard fixé sur son Fils, vous garde etvous bénisse ainsi que vos Eglisesp a r t i c u l i è re s .

1DOROTHÉE DE GAZA, Comunionecon Dio e con gli uomini, Edizioni Qi-qajon, 2014, 101-102.

2John Henry Newman, Sullaconsultazione dei fedeli in materia di dot-trina, Morcelliana, Brescia 1991, 123.

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Messesà Sainte-MartheLundi

18 septembre

Prier pour les gouvernants«C’est un péché à présenter en con-fession de ne pas prier pour les gou-vernants». Et cette prière doit êtrefaite surtout «pour ne pas laisserseuls» ceux qui ont moins de «cons-cience» que leur pouvoir n’est pasabsolu, mais vient du peuple et deDieu. Mais même «les gouvernantsdoivent prier pour demander la grâ-ce» de servir au mieux le peuple quileur est confié. Et s’ils ne sont pascroyants, qu’ils demandent au moinsdes conseils pour ne pas perdre devue le bien commun et pour sortir,quoi qu’il en soit, du contexte auto-référentiel restreint de leur parti.C’est un véritable «manuel du bonhomme politique» que le Pape Fran-çois a suggéré. En commentant leslectures de la liturgie, il a immédia-tement souligné qu’«au centre il y ales gouvernants». Puis, dans l’Evan-gile de Luc (7, 1-10), «nous avons vuun gouvernant qui prie: ce centurionest un gouvernant et il avait un pro-blème avec un serviteur malade».Mais «il y a une phrase, là, qui atti-re l’attention: “Aime notre peuple”».«Cet homme ressentit le besoin dela prière, mais pourquoi?». «Parcequ’il avait conscience de ne pas êtrele patron de tout, de ne pas être ladernière instance». Luc rapporte lesparoles du centurion romain: «Moiaussi, en effet, je suis dans la condi-tion de subalterne, et moi aussi j’aides subalternes qui dépendent demoi». Ce sont des paroles qui expri-ment «la conscience du gouvernantqui sait qu’au-dessus de lui, il y a unautre qui commande. Et cela le con-duit à prier». «Le gouvernant qui acette conscience, prie», parce qu’il ala conscience «qu’il y a un autre quia plus de pouvoir que lui». Certes,on se demande «qui a plus de pou-voir qu’un gouvernant?». Et larép onse est «le peuple, qui lui adonné le pouvoir, et Dieu, dont dé-coule le pouvoir à travers le peu-

Jeudi21 septembre

Miserando atque eligendoMiserando atque eligendo. L’essence etl’origine de la mission de Jorge Ma-rio Bergoglio sont contenues dans laméditation proposée le jour de la fê-te de saint Matthieu. La devise quele Pape a choisie précisément pourreproposer l’attitude de Jésus enversle publicain est tirée de l’homélie 21de saint Bède le vénérable, proposéepar le bureau des lectures pour la fê-te liturgique de l’évangéliste. Et lesmodalités concrètes, pas après pas,de la conversion de Matthieu — tellequ’elle a été immortalisée dans lechef d’œuvre du Caravage exposéedans l’église romaine Saint-Louis-des-Français — ont été reparcourues,en les actualisant, par le Pape dansson homélie. «Ce passage tiré del’Evangile de Matthieu — a soulignéle Pape, se référant au passage sug-géré par la liturgie (9, 9-13) — racon-te la conversion de Matthieu: com-ment le Seigneur l’appela, le choisitpour le suivre». Et «nous pouvonsle voir dans trois passages: la ren-contre, la fête et le scandale». «Larencontre», avant tout: «Jésus venaitde guérir un paralytique et alorsqu’il partait, il trouva cet homme ap-pelé Matthieu». En fin de compte,Matthieu «était l’un de ceux qui fai-saient payer des impôts au peupled’Israël, pour les donner aux ro-mains: un traître de la patrie». Aupoint que ces hommes «étaient mé-prisés». Voilà que Matthieu «se sentobservé par Jésus» qui, «dit l’Evan-gile, lui demande: “Suis-moi”. Et luise leva et le suivit». Mais qu’est-cequi a convaincu Matthieu de suivrele Seigneur? «C’est la force du re-gard de Jésus»; le regard de Jésusest «bienveillant, miséricordieux».

Une prière pour les femmes«Pour toutes les femmes exploi-tées, humiliées et victimes d’abus,afin qu’elles puissent toujours trou-ver dans l’Eglise un lieu de respectaccueillant et sincère». Telle estl’une des intentions de prière éle-vées au cours de la Messe célébréepar le Pape François dans la mati-née du vendredi 22 septembre,dans la chapelle de la MaisonSainte-Marthe. A cette occasion, lePape n’a pas prononcé la tradition-nelle homélie pour commenter laliturgie du jour, dont les lecturesont inspiré la prière des fidèles. Enparticulier, les intentions ont eucomme point de départ l’épiso deévangélique dans lequel Luc rap-porte que Jésus était accompagnédans sa prédication par les Douzeet par des femmes qui les assis-taient de leurs biens (8, 1-3). Etainsi, deux autres prières ont étéconsacrées aux femmes «afin qu’el-

les vivent dans le contexte social etecclésial dans la liberté et l’harmo-nie, en exprimant la richesse spéci-fique de leur être» et afin qu’ellesreprésentent «pour l’humanité denotre temps le visage maternel etaccueillant de Dieu».

ple». «La prière du gouvernant esttrès importante, très importante par-ce que c’est la prière pour le biencommun du peuple qui lui a étéconfié». Et ainsi, «quand Dieu de-manda à Salomon: “Que veux-tu: del’or, de l’argent, des richesses, lepouvoir, quoi?”, quelle a été la ré-ponse de Salomon? “Donne-moi lasagesse pour gouverner”». C’est pré-cisément pour cela que «les gouver-nants doivent demander cette sages-se: “Seigneur, donne-moi la sagesse;Seigneur, ne m’ôte pas la conscienceque je suis ton subalterne et celui dupeuple, que c’est là que réside maforce, et non pas dans le petit grou-pe ou en moi-même”». Mais, «onpourrait me dire: “Père, ce que vousdites est vrai, mais moi je ne suis pascroyant, je suis agnostique, je suisathée”». La réponse du Pape a été:«D’accord, mais confronte-toi: si tune peux pas prier, confronte-toi avecta conscience, confronte-toi avec lessages; appelle les sages de ton peu-ple et confronte-toi». «Nous ne pou-vons pas laisser les gouvernantsseuls: nous devons les accompagnerpar la prière». Les chrétiens «doi-vent prier pour les gouvernants». Etdans ce cas aussi, quelqu’un pourraitobjecter : «Père, comment vais-jeprier pour cette personne qui a faittant de mauvaises choses?». Maisc’est précisément alors qu’il «a enco-re plus besoin: prie, fais pénitencepour le gouvernant!». «La prièred’intercession est pour tous ceux quisont au pouvoir». Et elle l’est «afinque nous puissions conduire une viecalme et tranquille». En effet,«quand le gouvernant est libre etpeut gouverner en paix, tout le peu-ple en bénéficie». Il est donc oppor-tun de nous demander: «Est-ce queje prie pour tous les gouvernants? Etsi vous voyez, en faisant l’examen deconscience pour vous confesser, quevous n’avez pas prié pour les gou-vernants, dites-le en confession. Par-ce que ne pas prier pour les gouver-nants est un péché». En conclusion,

le Pape a suggéré de demander «auSeigneur de nous enseigner à prierpour nos gouvernants» et «égale-ment la grâce que les gouvernantsprient».

M a rd i19 septembre

Regarder avec le cœurQue signifie «regarder avec lecœur», avoir vraiment «compassion»et pas simplement de la «peine» fa-ce à la douleur des personnes. C’està ce thème que le Pape a consacré saméditation. En s’inspirant d’un pas-sage liturgique de l’Evangile de Luc(7, 11-17), celui de l’épisode de larencontre de Jésus avec la veuve deNaïm, le Pape a saisi l’occasion pourune catéchèse sur la relation duchrétien avec la souffrance des pau-vres et des exclus. François a com-mencé en soulignant que Jésus, bienque se trouvant avec les disciples aumilieu d’une grande foule, «eut leregard attiré par une personne», une«veuve qui allait enterrer son filsunique». «Dans l’Ancien Testament,les plus pauvres étaient les veuves,les orphelins et les étrangers». Dansles Ecritures, nous trouvons sans ces-se des exhortations de ce type: «Aiesoin de la veuve, de l’orphelin et dumigrant». Une attention que l’on re-trouve dans l’attitude de Jésus, qui«a la capacité de regarder le détail»:il y avait une grande foule, mais il«regarde là... Jésus regarde avec lecœur». Le Pape a alors analysé lecomportement de Jésus et a identifié«trois mots qui nous aident à com-prendre ce qu’il a fait» pour se met-tre aux côtés de la veuve, pour «al-ler sur la même route». On lit en ef-fet que, «en la voyant, le Seigneurfut pris d’une grande compassionpour elle». La compassion «est unsentiment qui interpelle, c’est unsentiment du cœur, des entrailles, ilfait appel à tout». La compassion,en effet, «interpelle. C’est “souffriravec”». Et Jésus «se sent interpellépar une veuve et un orphelin». Il ya ensuite un «deuxième mot» à no-ter: Jésus «s’approcha. La compas-sion l’a poussé à s’appro cher».«S’approcher est un signe de com-passion. Je peux voir tant de choses,mais ne pas m’approcher. L’Evangileajoute que Jésus dit: «Ne pleurepas» à la femme. Et le Pape a révéléà cet égard: «J’aime penser que leSeigneur, quand il disait cela à cettefemme, lui a donné une caresse»; il«a touché cette femme et il a touchéle cercueil». Il faut, a-t-il dit «s’ap-procher et toucher la réalité. Tou-cher. Ne pas la regarder de loin». Aensuite lieu le miracle de la résurrec-tion du fils de la veuve. Et «Jésusprend le jeune garçon et que dit-il?:“Il le rendit à sa mère”». Voilà alorsle troisième mot-clé: «Rendre. Jésusfait des miracles pour rendre, pourmettre les personnes à leur place. Etc’est ce qu’il a fait avec la rédemp-tion». Dieu eut compassion, il s’ap-

procha de nous à travers son Fils, etil nous rendit tous à la dignité defils de Dieu. Il nous a tous recréés».Un exemple que chaque chrétiendoit suivre dans la vie de chaquejour: «Très souvent nous regardonsle journal télévisé, les tragédies... lesenfants qui n’ont pas à manger, lesenfants-soldats, les femmes réduitesen esclavage! Pauvres gens...». Maisensuite, «je tourne la page et je pas-se au roman, au feuilleton téléviséqui vient après. Et cela n’est paschrétien». D’où l’invitation à unexamen de conscience: «Suis-je ca-pable d’avoir de la compassion? Deprier? Et si nous nous rendonscompte de cela, nous devons «de-mander la grâce: “Seigneur, donne-moi la grâce de la compassion!”».De la même manière, quand je ren-contre une personne dans le besoin:«Est-ce que je m’appro che?».Chaque chrétien devrait se deman-der: «Suis-je capable — par la prièred’intercession, par mon travail dechrétien — d’aider afin que les gensqui souffrent soient rendus à la so-ciété, à la vie de famille, à la vie detravail, à la vie quotidienne?». D’oùl’exhortation finale: «Pensons à cestrois mots: ils nous aideront. Com-passion, s’approcher, rendre».

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numéro 39, jeudi 28 septembre 2017 L’OSSERVATORE ROMANO page 11

Audience au monde du spectacle itinérant

Eloge du manège«Messagers de la joie qui plaît à Dieuet qui vient de Lui»: c’est ainsi que lePape a défini les forains réunis au seinde l’association italienne des exploitantsde spectacles itinérants (ANESV), reçusen audience dans la matinée du 15septembre dans la salle Clémentine, àl’occasion du soixante-dixièmeanniversaire de son activité.

Chers frères et sœurs,Je vous souhaite une cordiale bien-venue, à vous qui appartenez aumonde du spectacle itinérant, repré-sentés ici par votre association natio-nale (ANESV) et je remercie le prési-dent pour ses aimables paroles.J’étends mes salutations à vos pro-ches et à vos collègues qui n’ont paspu être présents, avec une penséeparticulière pour les enfants, les per-sonnes âgées et les malades.

Je sais bien que la vie du travailitinérant n’est pas une vie facile. Jeconnais les difficultés que vous ren-contrez avec vos familles, en vousdéplaçant constamment d’un endroità l’autre. Il s’agit des difficultés à ré-cupérer les lieux de stationnementdes attractions, à trouver des espacesadaptés pour vos caravanes, devantrester parfois dans des lieux à l’exté-rieur de la ville, et à vous arrêterdans des communautés qui n’appré-cient pas toujours la valeur socialede ce type de spectacle. Ne vous dé-couragez pas, mais continuez votrechemin pour que nos villes et nosvillages ne perdent pas le goût decette beauté particulière à travers vo-tre présence, votre art et votre joie.

Votre chemin est, grâce à Dieu, il-luminé par la foi, une foi que vousvivez surtout en famille et c’est trèsimportant: la famille en chemin avecDieu, animée par la confiance dansla Providence. Une foi qui trouveaussi dans les différentes p a ro i s s e sque vous traversez des lieux de réfé-rence pour la halte spirituelle: pour laparticipation à l’Eucharistie, la pré-paration et la célébration des sacre-ments, pour un conseil et une aidefraternelle de la communauté. C’estpourquoi, je souhaite que parmi voscommunautés itinérantes et les com-munautés paroissiales, il y ait tou-jours l’ouverture, la rencontre, le dé-sir de se connaître et de partager desmoments de vie et de prière.

Lors de ma rencontre avec tout lemonde du spectacle itinérant, aumoins de juin de l’année dernière,j’ai souligné que vous êtes des «arti-sans de la fête, de l’émerveillement,des artisans de la beauté, [...] avecl’ambition de nourrir des sentimentsd’espérance et de confiance». C’estvrai: votre beauté est une beauté «ar-tisanale», différente de celle produitepar les grandes puissances du diver-tissement, qui est un peu «asepti-sée», je dirais peu humaine. Je vousconfesse que je préfère la vôtre, quia davantage un parfum d’émerveille-ment, d’enchantement, et qui esttoutefois le fruit d’heures et d’h e u re sde dur travail. Un manège ne finitpas d’émerveiller, il engendre unejoie douce chez les petits commechez les grands. Les grands aussi yretrouvent la joie de l’enfance; ils de-viennent un peu enfants et grandis-sent en revenant à la racine de lamémoire de l’enfance.

En effet, la vocation de votre vieet de votre travail est la joie. Je pen-se que, si nous remontons à l’originede chacun de vos spectacles, de vos«caravanes», nous trouvons toujoursquelqu’un — un grand-père, unegrand-mère, un arrière grand-père...— qui s’est passionné pour ce type

de spectacle, qui a ressenti une voca-tion joyeuse et qui, pour cela, a étédisposé à faire aussi de grands sacri-fices. C’est une vocation qui devientimmédiatement mission: la missiond’offrir aux gens, aux enfants maisaussi aux adultes et aux personnesâgées, des occasions de divertisse-ment sain, propre. C’est un divertis-sement sain, propre, sans la nécessitéde «s’abaisser» pour chercher dumatériel pour divertir les gens. Undivertissement sain et propre. Etdans cette vocation et cette mission,comment ne peut-il pas y avoir lamain de Dieu? Dieu nous aime etveut que nous soyons heureux. Par-tout où il y a une joie simple, pro-pre, il y a son empreinte. C’est pour-quoi, si vous savez conserver ces va-leurs, cette authenticité et cette sim-plicité, vous êtes des messagers de lajoie qui plaît à Dieu et qui vient delui.

Chers frères et sœurs, je vous con-fie tous à la protection maternelle deMarie notre Mère, qu’elle vous ac-compagne toujours sur votre route etdans vos haltes. Je vous bénis tousde tout cœur, ainsi que vos procheset votre travail. Et je vous demande,s’il vous plaît, de ne pas oublier deprier pour moi. Merci.

Face à ce regard, voici que «la ré-sistance de cet homme qui voulaitde l’argent, tombe». Dans lap erspective de cette «lutte entrela miséricorde et le péché», il estimportant de se demander:«Comment l’amour de Dieu est-ilentré dans le cœur de cet hom-me? Cet homme savait qu’il étaitpécheur: il savait que personne nel’aimait, qu’on le méprisait aussi»et c’est précisément «cette cons-cience de pécheurs qui ouvrit laporte à la miséricorde de Jésus: ilquitta tout et s’en alla». Voilà «larencontre entre le pécheur et Jé-sus: tous les pécheurs qui trouvè-rent Jésus ont eu le courage de lesuivre, mais s’ils ne se sentaientpas pécheurs, ils ne pouvaient pasle suivre». Matthieu «se sentit siheureux et certainement, même sice n’est pas dans le texte, a-t-ilinvité Jésus à déjeuner chez lui,comme l’a fait également Zac-chée». C’est le moment de la «fê-te». «Ils ont fait la fête». Et lui aappelé ses amis qui étaient tousainsi: pécheurs, publicains et cer-tainement ils demandaient au Sei-gneur des choses et le Seigneurrépondait pendant qu’il était assisà table dans la maison». Donc«ils étaient à table, mangeaientavec les pécheurs». Et «cela nousfait penser à ce que Jésus dit dansle chapitre 15 de Luc: il y auraplus de fête au ciel pour un pé-cheur qui se convertit que pourcent justes qui demeurent justes».C’est, précisément, «la fête de larencontre du Père, la fête de lamiséricorde; et Jésus use de misé-ricorde, pour tous». Mais tandisque le Seigneur «était assis à ta-ble», voici qu’arrive «le scanda-le». L’Evangile raconte que «denombreux publicains et pécheursarrivèrent et ils se mirent à tableavec Jésus et ses disciples». Et«voyant cela, les pharisiens di-saient à leurs disciples: “Com-ment cela se fait-il?”». Parce que«quand vous entendez cette phra-se, cela sent mauvais: derrière ar-rive le scandale, ils déchirentleurs vêtements». En effet, lespharisiens demandent aux disci-ples: «Comment se fait-il que vo-tre maître mange avec les publi-cains et les pécheurs? Votre maî-tre est un impur, parce que saluerces personnes te contamine».Mais «ils avaient oublié le pre-mier commandement sur l’amouret ils ont été enfermés dans cettecage des sacrifices: “Faisons unsacrifice à Dieu, faisons le sabbat,tout ce que l’on doit faire ainsinous serons sauvés”». En revan-che, non, parce que «c’est Dieuqui nous sauve, c’est JésusChrist». Pour sa part, «Jésus estclair, il est très clair: “Allez ap-p re n d re ”». C’est pourquoi «il lesa envoyés pour apprendre: “Allezapprendre ce que signifie miséri-corde, ce que je veux, et non pasdes sacrifices, par ce que je nesuis pas venu, en effet, appeler lesjustes, mais les pécheurs”». Donc,«si tu veux être appelé par Jésus,tu dois te reconnaître pécheur».Certes, «on pourrait dire: “P è re ,mais c’est une grâce de se sentirpécheur, vraiment?”». Oui, parceque cela signifie «entendre la vé-rité». Voilà alors «la rencontreentre la miséricorde et le péché.C’est si beau de rencontrer Jé-sus!».

Pablo Picasso, «Famille de jongleurs» (1905)

Le Pape salue sœur Geneviève Joseph des Petites sœurs de Jésus, assistante pastorale du parc d’attraction d’Ostie, près de Rome

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page 12 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 28 septembre 2017, numéro 39

Motuproprio «Magnum principium»

Une clef de lectureARTHUR RO CHE*

La formulation de certainesnormes du Codex iuris cano-nici change en ce qui a trait

à l’édition des livres liturgiquesdans les langues courantes. Par lemotuproprio Magnum principium,en date du 3 septembre 2017 etqui entrera en vigueur le 1er o cto-bre prochain, le Pape François aintroduit des modifications autexte du canon 838. L’explicationdes motifs de ces variations estdonnée par le même documentpontifical, qui rappelle et exposeles principes à la base de la tra-duction des textes liturgiques ty-piques en langue latine, ainsi queles instances impliquées dans cetravail délicat. La liturgie, étant laprière de l’Eglise, est en effet ré-glementée par l’autorité ecclésiale.

Les enjeux étant élevés, les pè-res du Concile Vatican II avaientdéjà mis en cause, dans ce domai-ne, aussi bien le Siège aposto-lique que les conférences épisco-pales (cfr. Sacrosanctum concilium,nn. 36, 40 et 63). En effet, lelourd travail de produire les tra-ductions liturgiques a été guidépar des normes et par des instruc-tions spécifiques de la part du di-castère compétent, en particulierComme le prévoit (25 janvier 1969)et, après le Codex iuris canonici de1983, Liturgiam authenticam (28mars 2001), toutes deux publiées,en des périodes différentes, dansle but de répondre à des problè-mes concrets mis en évidence aucours du temps et suscités par letravail complexe que comporte latraduction des textes liturgiques.Dans le domaine de l’incultura-tion, la matière a été réglementée

par l’instruction Varietates legitimæ(25 janvier 1994).

En tenant compte de l’exp é-rience de ces années, maintenant— le Pape écrit — «il a semblé op-portun que certains principestransmis depuis le temps du Con-cile, soient plus clairement réaffir-més et mis en pratique». En te-nant compte, donc, du cheminparcouru et en regardant versl’avenir, sur la base de la constitu-tion liturgique de Vatican II Sa-crosanctum concilium, le Pontife avoulu préciser la discipline en vi-gueur en apportant certaines va-riations au canon 838 du Codexiuris canonici.

Le but de la modification estde mieux définir les rôles respec-tifs du Siège apostolique et desconférences des évêques, appelésà travailler en dialogue, dans lerespect de leur compétence pro-pre, qui est différente et complé-mentaire, en vue de la traductiondes livres typiques en latin, toutcomme des adaptations éventuel-les qui peuvent concerner les tex-tes et les rites. Et ceci au servicede la prière liturgique du peuplede Dieu.

En particulier, dans la nouvelleformulation du canon en ques-tion, on fait une distinction plusadéquate, quant au rôle du Siègeapostolique, entre le domainepropre de la re c o g n i t i o et celui dela confirmatio, dans le respect dece qui est de la compétence desconférences épiscopales, en tenantcompte de leur responsabilité pas-torale et doctrinale, comme ausside leur limite d’action.

La recognitio, mentionnée dansle § 2 du canon 838, implique leprocessus de reconnaissance de la

part du Siège apostolique desadaptations liturgiques légitimes,y compris celles «plus profon-des», que les conférences épisco-pales peuvent décider et approu-ver pour leurs territoires, dans leslimites consenties. Sur ce terrainde rencontre entre la liturgie et laculture, le Siège apostolique estdonc appelé à recognoscere, c’est-à-dire à revoir et évaluer de tellesadaptations, en vue de la sauve-garde de l’unité substantielle du

droit et la responsabilité de la tra-duction, confiée aux conférencesépiscopales, le motuproprio rap-pelle également que les mêmesconférences épiscopales «doiventfaire en sorte et s’assurer que,tout en sauvegardant le génie dechaque langue, le sens du texteoriginal soit rendu pleinement etefficacement».

La confirmatio du Siège aposto-lique n’apparaît pas, par consé-quent, comme une intervention

Pour un renouveau de la vie liturgiqueLa prière liturgique doit être«adaptée à la compréhension dupeuple» pour être pleinement vé-cue. Avec une style d’expression fi-dèle aux textes originaux, mais ca-pable de communiquer l’annoncede salut dans chaque contexte lin-guistique et culturel. Et avec l’ob-jectif de favoriser la participationde tous à la liturgie «de façonconsciente, active et fructueuse»,comme le recommandaient les pè-res de Vatican II dans la constitu-tion Sacrosanctum concilium de1963. Telles sont les intentions quiont poussé le Pape François, sur labase du travail d’une commissiond’évêques et d’experts qu’il a insti-tuée, à modifier le canon 838 duCodex iuris canonici concernant lapublication des livres liturgiques etde leurs versions dans les diverseslangues.

Avec le motuproprio Ma g n u mprincipium, en date du 3 septembreet qui entrera en vigueur le 1er o c-tobre prochain, le Pape se placeune fois de plus dans le sillage du«renouveau de la vie liturgique»

entrepris par Vatican II. Et il si-gnale donc l’opportunité que «cer-tains principes transmis depuisl’époque du concile soient plusclairement réaffirmés et mis enpratique» dans le domaine de latraduction des livres liturgiques.Une matière délicate et non dé-nuée de difficultés, comme le dé-montrent le vif débat de ces der-nières décennies et les problèmesspécifiques apparus lors du travailaccompli sur les textes. Un travailorienté et réglementé par des critè-res suggérés au fur et à mesure parcertains documents normatifs fon-damentaux, en particulier par lesinstructions Comme le prévoit de1969 et Liturgiam authenticam de2001.

Un point-clé du motuproprioest le rapport entre le siège apos-tolique et les conférences épiscopa-les dans la préparation et la tra-duction des textes liturgiques. Etprécisément pour «rendre plus fa-cile et fructueuse» leur collabora-tion, à travers un climat de «con-fiance réciproque, vigilante et créa-

tive», le Pape reformule le canonen question, définissant en particu-lier la distinction entre «révision»(re c o g n i t i o ) et «confirmation» (con-firmatio). Les deux tâches revien-nent à la compétence du siègeap ostolique.

La première a pour critère la vé-rification de la fidélité au rite ro-main et à son unité substantielle.Et elle consiste en un travail de«révision» et d’évaluation desadaptations que chaque conférenceépiscopale peut apporter aux tex-tes liturgiques pour valoriser lesdiversités légitimes de peuples etd’ethnies dans le culte divin. Ladeuxième concerne en revanche lestraductions préparées et approu-vées par les évêques pour les ré-gions de leur compétence. Sur cel-les-ci, le Siège apostolique exerceuniquement un acte de «confirma-tion», en ratifiant en substance letravail des épiscopats et en présup-posant évidemment la fidélité et lacorrespondance des versions autexte liturgique original.

plutôt les traductions des textesliturgiques qui, conformément àSacrosanctum concilium (n. 36, §4), sont de la compétence desconférences épiscopales, qui doi-vent les préparer et approuver; le§ 3 du canon 838 précise que lesversions doivent être faites fideliterselon les textes originaux, recueil-lant ainsi la préoccupation princi-pale de l’instruction Liturgiam au-thenticam. En rappelant en effet le

alternative de traduction, maiscomme un acte d’autorité par le-quel le dicastère compétent ratifiel’approbation des évêques, ensupposant bien entendu une éva-luation positive de la fidélité etde la cohérence des textes pro-duits, par rapport à l’édition ty-pique sur laquelle se fonde l’uni-cité du rite, et en tenant comptesurtout des textes d’imp ortancemajeure, en particulier les formu-les sacramentelles, les prières eu-charistiques, les prières d’o rd i n a -tion, le rite de la messe, et ainside suite.

La modification du Codex iuriscanonici comporte naturellementun ajustement de l’article 64 § 3de la constitution apostoliquePastor bonus, ainsi que de la ré-glementation en matière de tra-duction. Ce qui signifie la néces-sité de réviser, par exemple, cer-tains numéros de l’Institutio gene-ralis missalis Romani et desPrænotanda des livres liturgiques.Même l’instruction Liturgiam au-thenticam, appréciable pour l’at-tention importante qu’elle accor-de à ce travail compliqué et à sesimplications, doit être interprétée,lorsqu’elle demande la recognitio, àla lumière de la nouvelle formula-tion du canon 838. Finalement, lemotuproprio dispose que mêmela Congrégation pour le culte di-vin et la discipline des sacrements«modifie son Regolamento p ro p resur la base de la nouvelle discipli-ne et qu’elle aide les conférencesépiscopales à accomplir leur tâ-che».

*Secrétaire de la Congrégationpour le culte divin et la disciplinedes sacrements

rite romain: les ré-férences en cettematière sont lesnuméros 39-40 deSacrosanctum conci-lium, et son appli-cation est régle-mentée par l’ins-truction Va r i e t a t e slegitimæ, selon lesmodes qui sont in-diqués ou nondans les livres li-t u rg i q u e s .

La confirmatio —terminologie déjàadoptée dans lemotuproprio Sa-cram liturgiamn. IX (25 janvier1964) — concerne

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numéro 39, jeudi 28 septembre 2017 L’OSSERVATORE ROMANO page 13

Motuproprio «Summa familia cura»

L’Eglise comme une grande famillePIERANGELO SEQUERI

L’amour conjugal chrétienn’est pas seulement le lieude l’intimité du couple.

C’est un lieu de l’intimité de l’Egli-se, qui lui donne de la force. On nepeut plus revenir en arrière.

Quand les pères du Concile Vati-can II allumèrent les projecteurs surcette connexion, l’œil de l’ecclésias-tique et celui du laïc restèrent tousles deux écarquillés pendant un mo-ment, avant de se ressaisir. D’a u t repart, il n’existait pas une grandethéologie sur le mariage. Ensuite, lalongue habitude d’une lecture sché-matique des textes sacrés, détournaitfacilement les métaphores nuptialessur la spiritualité de la conditionmonastique, allant au-delà de la con-dition familiale. Quoi qu’il en soit,le rapport profond de la communau-té familiale avec la forme de l’Eglise,qui avait fait des miracles pendantles siècles des conversions et desmartyrs, n’inspirait pas les pasteursdepuis très longtemps.

Les pères conciliaires, en indi-quant le mariage et la famille com-me le premier des thèmes sur les-quels se décident les relations entreEvangile et société, accomplirent ungeste d’une portée historique. Etmême deux.

Le premier est le rachat completde l’intimité conjugale, qui la con-çoit comme don joyeux du Créateuret l’inscrit de plein droit dans le dy-namisme de l’amour scellé par le sa-crement chrétien. Le deuxième est laréhabilitation de l’expérience despremières communautés chrétiennes,qui touchèrent du doigt la puissanceévangélique extraordinaire de la fa-mille comme réalité et figure del’Eglise, «sanctuaire de l’Eglise à lamaison», selon la belle expressiond’Apostolicam actuositatem (n. 11).«L’esprit de famille» est comme«une charte constitutionnelle pourl’Eglise» a dit le Pape François, lorsde l’audience générale du 7 octobre2015.

Depuis lors, la barque de Pierre arésolument établi sa route sur cescoordonnées indiquant la position,sans plus les abandonner.

La théologie du corps, introduitedans le magistère de Jean-Paul II, a

fixé le point de non retour, en of-frant à la sagesse et à la réflexionthéologique les raisons proprementchrétiennes de la connexion entre fa-mille et Eglise (même si cette théo-logie du corps, à présent considéréecomme la place-forte de l’intelligen-ce et de la foi, eut quelques difficul-tés à être accueillie dans ses justestermes). De cette nouvelle vision,mise au point à l’occasion du syno-de de 1980, est également née la dé-cision d’institutionnaliser la centrali-té du nouveau regard de l’Eglise.C’est ainsi qu’est né l’Institut Jean-Paul II pour les études sur le maria-ge et la famille, comme académie deréférence au service du Pape et del’orientation ecclésiale.

La réalité se transforme néan-moins. A l’heure actuelle, les com-munautés familiales ne sont plus uneréférence univoque et ne vont plusde soi. En outre, la culture destechnocraties économiques considèrela famille comme un handicap, et lapolitique des droits humains appa-raît largement colonisée par un indi-vidualisme mortifère, qui prend tou-tes les libertés possibles (et égale-ment celles des autres). Le récent etdouble rendez-vous synodal a pris

acte avec lucidité de cette situation.L’attitude fondamentale qui a faitson chemin dans l’Eglise, face à cepassage difficile, est simple et émou-vante: ce sont des fils et des fillesque Dieu nous confie, nous ne nousrésignerons pas à les perdre. Nousne leur ferons pas payer les fautesd’une élite irresponsable et d’unetechnocratie insatiable, qui égarentleur esprit et prennent en otage leursdésirs. Et nous enseignerons à nou-veau aux ecclésiastiques et aux laïcsla langue maternelle qui édifiel’Eglise comme une grande famille.

La réalité doit être fréquentée, etpour ainsi dire soufferte, par l’Egli-se, pour être comprise et orientée.La partie est rude, l’enju est élevé.Mais également enthousiasmante. Sil’homme et la femme commencent àse parler, à s’aimer, à prendre enmain les rênes de l’histoire et à sepassionner pour le bien de la com-munauté, se rouvrira aux générationsnouvelles le monde que la guerredes sexes (et du sexe) est en train def e r m e r.

L’exhortation apostolique Am o r i slaetitia confirme la clairvoyance decette attitude de la foi. Et elle de-mande avec vigueur, aux pasteurs et

à l’Eglise, d’habiter évangélique-ment, en premier lieu, la realité quidoit être interprétée théologique-ment, selon le mystère de Dieu. Jé-sus fit précisément cela, pendant delongues années, à Nazareth. Ainsi,quand il commença à annoncer lesurgences de la parole de Dieu, sesinterlocuteurs imparfaits — discipleset foules, hommes et femmes, quelsqu’ils fussent — comprenaient sim-plement que lui, de toute façon, lesc o m p re n a i t .

C’est sur cette leçon de méthodeque le Pape François nous demanded’investir le talent reçu. Et c’est aveccette vision que le nouvel Institutthéologique Jean-Paul II pour lessciences du mariage et de la familles’apprête à honorer la confiance quilui est à nouveau accordée. Et ces-sons de nous plaindre. La grande fa-mille de Dieu doit communiquer lesjoies de son intimité avec lui à celuiqui la rencontre. En donnant envie àtous d’en faire partie, pour recevoirune bonne parole qui soutient la fra-gilité des pères, des mères, des créa-tures. Et elle chasse les fantômes dela peur, lors de nos passages entreles ombres.

Développer les études sur le mariageLe Pape François a créé «l’Institutpontifical théologique Jean-Paul IIpour les sciences du mariage et dela famille», une nouvelle structurequi est reliée à l’université pontifi-cale du Latran. Dans une lettresous forme de motuproprio, «Sum-ma familia cura», parue mardi 19septembre 2017, le Pape expliqueque cet organisme a pour objectifde faire en sorte que la fécondité etl’actualité de l’enseignement du Pa-pe polonais sur le mariage et la fa-mille soient encore mieux recon-nues aujourd’hui.

Dans ce motuproprio, Françoisrend hommage à son prédécesseursaint Jean-Paul II et à son exhorta-tion post-synodale Familiaris consor-tio de 1981. La constitution aposto-lique «Magnum Matrimonii sacra-mentum» signée par le Pape Woj-tyła avait donné naissance à la for-

me juridique de l’Institut pontificalJean-Paul II pour les études sur lemariage et la famille. «De là s’estdéveloppé un enrichissant travaild’approfondissement théologique etd’approfondissement pastoral» surces thématiques, souligne le Pape.

Mais François souhaite profiterde cette «nouvelle saison synoda-le», dans la foulée de son exhorta-tion apostolique Amoris laetitia, is-sue des deux synodes sur la famillede 2014 et 2015. Cette période,écrit-il dans sa lettre, «a conduitl’Eglise à une conscience renouveléede l’Evangile de la famille et desnouveaux défis pastoraux auxquelsla communauté chrétienne est ap-pelée à répondre». Ainsi, rappellele Pape, le caractère central de lafamille dans les parcours de conver-sion pastorale de nos communautésdoit aller de pair avec une perspec-

tive pastorale et une attention auxblessures de l’humanité.

Le nouvel institut créé a pour am-bition de devenir un centre acadé-mique de référence, au service del’Eglise universelle, poursuit Fran-çois, dans le domaine des recherchessur le mariage et la famille et en re-lation avec l’alliance fondamentalede l’homme et de la femme en vuede la sauvegarde de la création.

La nouvelle structure est mar-quée par la même inspiration qui aprévalu lors de la création du pre-mier institut Jean-Paul II qu’elleremplace. François demande d’ail-leurs que cette inspiration continueà féconder les recherches sur la fa-mille et le mariage qui s’y déroule-ront, en «contribuant de façon effi-cace à ce qu’elles répondent pleine-ment aux exigences contemporainesde la mission pastorale de l’Eglise».

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Collège épiscopal

E re c t i o nde diocèse

Le Saint-Père a élevé au rang dediocèse le vicariat apostoliquede:

21 septembre

Bomadi (Nigéria), avec la mêmedénomination et configurationterritoriale, le rendant suffragantdu siège métropolitain de BeninC i t y.Le Saint-Père a nommé S.Exc.Mgr HYA C I N T H OR O KO EGBE-B O, M.S.P., jusqu’à présent vicaireapostolique de Bomadi: premierévêque Bomadi (Nigéria).

Envoyésp écial

Le Saint-Père a nommé:

9 septembre

S.Em. le cardinal KURT KO CH,président du Conseil pontificalpour la promotion de l’unité deschrétiens: envoyé spécial à la cé-lébration du 600e a n n i v e r s a i redu Concile de Constance, quiaura lieu dans la ville de Cons-tance (archevêché de Fribourg-en-Brisgau, Allemagne), le 11novembre 2017.

Représentations pontificales

Les femmes dans la Bible

Du point de vue de SaraLU C E T TA SCARAFFIA

La Bible a toujours été ungrand codex auquel la littéra-ture a puisé des personnages,

des histoires, en substance un grandrecueil de questions humaines quipeut être considéré actuel encore au-j o u rd ’hui.

Ces dernières décennies, une at-tention particulière a été portée àdes personnages féminins, habituel-lement marginaux, et c’est à ce filond’intérêt narratif qu’appartient lebeau livre de Nuccia Resegotti Pal-mas Le ragioni di Sara [Les raisonsde Sara] (Lecce, Youcanprint, 2017,204pp.). L’histoire des ancêtres fon-dateurs de trois traditions religieuses— juive, chrétienne et musulmane —est racontée du point de vue de lafemme, Sara, un personnage contro-versé et complexe, victime et bour-reau à la fois, qui doit accepter decohabiter avec le nouveau Dieuunique, jaloux et incompréhensible,un intrus dans sa relation avec sonmari Abraham.

Sara, qui a été mariée très jeune àson demi-frère, doit accepter des dé-cisions incompréhensibles et diffici-les, comme celle de quitter une terreoù ils vivaient avec une certainetranquillité et aisance pour reprendrela vie compliquée des nomades, enportant le poids honteux de la stéri-lité. Il n’y avait rien de pire pourune femme, et encore plus pour lafemme d’un chef de clan, qui devaitgarantir la continuité du commande-ment.

Du fait que, comme le raconte latradition biblique, Abraham n’aitpas cherché à résoudre la situationavec une seconde femme ou avecune esclave, l’auteure déduit à justetitre qu’entre les deux conjoints frèreet sœur l’alliance était forte et sincè-re, au point de repousser longtempsle problème d’une suppléance à lamaternité de la femme.

Et également le fait que l’esclaveAgar — à laquelle sera finalementconfiée la tâche délicate de procréerun héritier — n’ait pas ensuite étécruellement éloignée, une fois sa tâ-che remplie, pour éliminer tout obs-tacle à l’affiliation d’Ismaël, laisseentrevoir une certaine humanité dansles comportements. Mais l’âme hu-maine reste influencée par des désirsinterdits: comme celui d’Agar de vo-ler son mari à Sara, ou celui de cettedernière de faire devenir entièrementsien le fils de l’a u t re .

Dans le roman, dans cette lutteentre femmes, Abraham n’intervientpas: comme les hommes le font sou-vent, il cherche à rester en dehors, ilne sait pas trouver les mots pour lesconvaincre toutes les deux à la coha-bitation, et il finit par accepter la so-lution demandée par sa femme légi-time, Sara: c’est-à-dire l’éloignementd’Ismaël et de sa mère. Egalementparce qu’entre temps, l’héritier légiti-me a été mis au monde et que leproblème de la succession est résolu.Mais on comprend clairement qu’ilaurait été de son devoir d’intervenirpour apaiser le conflit, de servir demédiateur entre les deux femmes, encherchant à trouver une solutionmoins dure: l’homme choisi parDieu sait gouverner ses hommes,

mais pas affronter les nœuds com-plexes de l’âme humaine en famille.

Sara, qui a également dû subir lahonte d’être livrée au pharaon en ga-ge d’alliance, présentée comme lasœur et non comme la femmed’Abraham, couve de la rancœu r,également nourrie par les humilia-tions reçues au cours des longuesannées de stérilité. Les difficultésd’un lien mis à aussi dure épreuvene se résolvent qu’à travers le pro-cessus, long et difficile, de rappro-chement de Sara avec le Dieud’Abraham. Un rapprochement misdramatiquement à l’épreuve parl’épisode du sacrifice d’Isaac, dontelle a l’intuition et qu’elle redoutejusqu’au bout, mais qui ensuite sedénoue par un hymne d’action degrâce pour la clémence divine quilui permet de surmonter égalementl’hostilité envers Abraham, à sesyeux trop obéissant.

Dans une belle reconstitution his-toriquement crédible des conditionsde vie, des personnages historiqueset de ceux mythiques, le personnagede Sara apparaît donc dans ses con-tradictions et dans sa grandeur, ennous conduisant à considérer avecrespect et empathie notre ancêtrecommune.

Abraham, Sara et Agar

Nominations

Le Saint-Père a nommé:

19 septembre

S.Exc. Mgr SEBASTIÀ TA LTAV U L LANGLADA, jusqu’à présent évêquetitulaire de Gabi et auxiliaire deBarcelone et administrateur aposto-lique sede vacante di Majorque (Es-pagne): évêque du diocèse de Ma-jorque (Espagne).

Né à Ciutadella, diocèse de Mi-norque, aux Baléares (Espagne), le28 janvier 1948, il a été ordonnéprêtre à Minorque le 23 septembre1972, Nommé évêque titulaire deGabi et auxiliaire de Barcelone le28 janvier 2009, il a reçu l’o rd i n a -tion épiscopale le 21 mars suivant.Au sein de la conférence épiscopaleespagnole, il a été membre de lacommission pour la pastorale, et ena été le président de 2011 à 2017. Ilest actuellement membre de lacommission des médias et de lapastorale sociale et depuis le 8septembre 2016 il est administra-teur apostolique sede vacante deMajorque.

20 septembre

S.Exc. Mgr ALOÍSIO JORGE PENAVITRAL: évêque du diocèse de SeteLagoas (Brésil), le transférant dudiocèse de Teófilo Otoni.

Né le 23 avril 1955 à Rio de Ja-neiro (Brésil), le 18 janvier 1986 il aété ordonné prêtre pour le clergéde Belo Horizonte. Le 11 février2006, il a été nommé évêque titu-laire de Tubursico-Bure et auxiliai-re de l’archidiocèse de Belo Hori-zonte, recevant l’ordination épisco-pale le 25 mars suivant. Le 25 no-vembre 2009 il a été transféré com-

me évêque diocésain au siège deTeófilo Otoni.

Démissions

Le Saint-Père a accepté la démis-sion de:

18 septembre

S.Exc. Mgr FRIEDHELM HOFMANN,qui avait demandé à être relevé dela charge pastorale du diocèse deWürzburg (République fédéraled’Allemagne).S.Exc. Mgr JONAS BO R U TA , S.J.,qui avait demandé à être relevé dela charge pastorale du diocèse deTe l šiai (Lituanie).

S.Exc. Mgr KĘSTUTIS KĖ VA L A S ,jusqu’à présent coadjuteur du mê-me diocèse, lui succède dans sac h a rg e .

20 septembre

S.Exc. Mgr ELÓI RO GGIA, S.A.C.,qui avait demandé à être relevé dela charge pastorale de la prélatureapostolique de Borba (Brésil).

S.Exc. Mgr ZENILD O LUIZ PE-REIRA DA SI LVA , C.S S.R., jusqu’àprésent évêque-prélat coadjuteur dela même prélature, lui succèdedans sa charge.

S.Exc. Mgr GUILHERME PO R T O,qui avait demandé à être relevé dela charge pastorale du diocèse deSete Lagoas (Brésil).

Le Saint-Père a nommé:

8 septembre

S.Exc. Mgr PIERO PI O P P O, arche-vêque titulaire de Torcello, jusqu’àprésent nonce apostolique au Ca-meroun et en Guinée équatoriale:nonce apostolique en Indonésie.

12 septembre

S.Exc. Mgr EMIL PAU L TSCHERRIG,archevêque titulaire de Voli, jusqu’àprésent nonce apostolique en Ar-gentine: nonce apostolique en Ita-lie.S.Exc. Mgr GABRIELE GIORDANOCACCIA, archevêque titulaire de Se-pino, jusqu’à présent nonce aposto-lique au Liban: nonce apostoliqueaux Philippines.Mgr ANGELO AC C AT T I N O, conseillerde nonciature: nonce apostolique enBolivie, l’élevant dans le mêmetemps au siège titulaire de Sabiona,avec la dignité d’a rc h e v ê q u e .

Né à Asti (Italie) le 31 juillet1966, il a été ordonné prêtre le 25juin 1994 et incardiné à Casale

Monferrato. Titulaire d’une maîtrisede droit canonique, il est entré auservice diplomatique du Saint-Siègele 1er juillet 1999 et a prêté servicedans les nonciatures apostoliques àTrinidad et Tobago, en Colombie,au Pérou, à la section pour les rela-tions avec les Etats de la secrétaire-rie d’Etat, ainsi que dans les non-ciatures apostoliques aux Etats-Unisd’Amérique et en Turquie.

13 septembre

S.Exc. Mgr LEOPOLD O GIRELLI, ar-chevêque titulaire de Capri, jusqu’àprésent nonce apostolique à Singa-pour, nonce apostolique auprès del’Association des nations de l’Asiedu sud-est (ASEAN) et représentantpontifical non-résident pour le Viet-nam: nonce apostolique en Israël etdélégué apostolique à Jérusalem eten Palestine.

15 septembre

S.Exc. Mgr LEOPOLD O GIRELLI, ar-chevêque titulaire de Capri, nonceapostolique en Israël et déléguéapostolique à Jérusalem et en Pales-tine: nonce apostolique à Chypre.

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numéro 39, jeudi 28 septembre 2017 L’OSSERVATORE ROMANO page 15

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Giuseppe Fiorentinov i c e - d i re c t e u r

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Audiences pontificalesLe Saint-Père a reçu en audience:

13 septembre

S.Em. le cardinal SEAN PAT R I C KO’MA L L E Y, O.F.M. C A P., archevêquede Boston (Etats-Unis d’Amérique),à la Maison Sainte-Marthe.

14 septembre

Mme ANNEGRET KRAMP- KARREN-B AU E R , ministre-président du Saar-land (République fédérale d’Allema-gne), et sa suite.

S.Exc. Mgr GABRIEL GIORDANOCACCIA, archevêque titulaire de Se-pino, nonce apostolique aux Philip-pines.

15 septembre

Leurs Eminences MM. les cardi-naux:

— FERNAND O FILONI, préfet de laCongrégation pour l’évangélisationdes peuples;

— ANDRÉ VINGT-TROIS, a rc h e -vêque de Paris (France);

— ANTONIO MARÍA ROUCO VARE-LA, archevêque émérite de Madrid(Espagne).

S.E. Mme SI LV I A FERNÁNDEZ DEGURMENDI, présidente du Tribunalpénal international, avec sa suite.

16 septembre

Leurs Eminences MM. les cardi-naux:

— MARC OU E L L E T, préfet de laCongrégation pour les évêques;

— LEOPOLD O JOSÉ BRENES SO-L Ó R Z A N O, archevêque de Managua(Nicaragua), avec l’auxiliaire, S.Exc.Mgr SI LV I O JOSÉ BÁEZ ORTEGA,évêque titulaire de Zica, en visite«ad limina Apostolorum»;

Leurs Excellences NN.SS.:

— JUA N ABELARD O MATA GU E VA -RA, évêque d’Estelí (Nicaragua), envisite «ad limina Apostolorum»;

— JORGE SOLÓRZANO PÉREZ,évêque de Granada (Nicaragua), envisite «ad limina Apostolorum»;

— CARLOS ENRIQUE HERRERAGUTIÉRREZ, évêque de Jinotega (Ni-caragua), en visite «ad limina Apos-t o l o ru m » ;

— SÓ C R AT E S RENÉ SÁNDIGO JI-RÓN, évêque de Juigalpa (Nicara-gua), en visite «ad limina Apostolo-ru m » ;

— CÉSAR BOSCO VI VA S RO B E L O,évêque de León (Nicaragua), en visi-te «ad limina Apostolorum»;

— ROLAND O JOSÉ ÁLVA R E Z LAGOS,évêque de Matagalpa (Nicaragua),en visite «ad limina Apostolorum»;

— PAU L ERVIN SCHMITZ SIMON,évêque titulaire d’Elepla, vicaireapostolique de Bluefields (Nicara-gua), avec l’auxiliaire, S.Exc. MgrDAV I D ALBIN ZYWIEC SID OR, évêquetitulaire de Giru di Marcello, en visi-te «ad limina Apostolorum».

18 septembre

S.Em. le cardinal GIANFRANCO RA-VA S I , président du Conseil pontificalde la culture;

Leurs Excellences NN.SS.:

— NICOLA GIRASOLI, a rc h e v ê q u etitulaire d’Egnazia Appula, nonceapostolique au Pérou;

— LUCIANO SURIANI, a rc h e v ê q u etitulaire d’Amiterno, nonce aposto-lique en Serbie;

— OSCAR OMAR APA R I C I O CÉSPE-DES, archevêque de Cochabamba(Bolivie), avec l’archevêque émérite,S.Exc. Mgr TITO SOLARI CAPELLA-RI, en visite «ad limina Apostolo-ru m » ;

— KRZYSZTOF JANUSZ BIAŁASIKWAW R O W S KA , évêque d’Oruro (Boli-vie), en visite «ad limina Apostolo-ru m » ;

— JORGE HERBAS BALDERRAMA,évêque-prélat d’Aiquile (Bolivie), envisite «ad limina Apostolorum»;

— EDMUND O LUIS FL AV I O ABAS-TOFLOR MO N T E R O, archevêque deLa Paz (Bolivie), avec les auxiliaires,LL.EE. NN.SS. AURELIO PESOA RI-BERA, évêque titulaire de Leges, etJORGE ÁNGEL SALDÍAS PEDRAZA,évêque titulaire de Felbes, en visite«ad limina Apostolorum»;

— JUA N VARGAS AR U Q U I PA ,évêque titulaire de Coroico (Bolivie),en visite «ad limina Apostolorum»;

— EUGENIO SCARPELLINI, évêqued’El Alto (Bolivie), en visite «ad li-mina Apostolorum»;

— PERCY LORENZO GA LVÁ N FLO-RES, évêque-prélat de Corocoro (Bo-livie), avec l’évêque-prélat émérite,S.Exc. Mgr TORIBIO TICONA POR-C O, en visite «ad limina Apostolo-ru m » ;

— SERGIO ALFRED O GUA L B E R T ICALANDRINA, archevêque de SantaCruz de la Sierra (Bolivie), avec lesauxiliaires, LL.EE. NN.SS. BR AU L I OSÁEZ GARCIA, évêque titulaire deRaso, STA N I S ŁAW DOWLASZEWICZBILMAN, évêque titulaire de Tigim-ma, et RENÉ LEIGUE CESARI, évêque

titulaire de Nepi, en visite «ad limi-na Apostolorum»;

— ROBERT HERMAN FLO CK,évêque de San Ignacio de Velasco(Bolivie), avec l’évêque émérite,S.Exc. Mgr CARLOS STETTER, en vi-site «ad limina Apostolorum»;

— JESÚS JUÁREZ PÁRRAGA, a rc h e -vêque de Sucre (Bolivie), en visite«ad limina Apostolorum»;

— RICARD O ERNESTO CENTELLASGUZMÁN, évêque de Potosí (Boli-vie), avec l’évêque émérite, S.Exc.Mgr WA LT E R PÉREZ VILLAMONTE,en visite «ad limina Apostolorum»;

— FRANCISCO JAV I E R DEL RIOSE N D I N O, évêque de Tarija (Bolivie),en visite «ad limina Apostolorum»;

— FERNAND O BASCOPÉ MÜLLER,évêque aux armées pour la Bolivie,avec l’évêque émérite aux armées,S.Exc. Mgr GONZALO RAMIRO DELCASTILLO CR E S P O, en visite «ad li-mina Apostolorum»;

— JULIO MARÍA ELÍAS MO N T O YA ,évêque titulaire de Cuma, vicaireapostolique d’El Beni (Bolivie), avecl’auxiliaire et vicaire délégué, S.Exc.Mgr ROBERTO BORDI, évêque titu-laire de Mutugenna, en visite «ad li-mina Apostolorum»;

— ANTONIO BO N I FA C I O REIMANNPANIC, évêque titulaire de Saia Mag-giore, vicaire apostolique de Ñuflode Chávez (Bolivie), en visite «ad li-mina Apostolorum»;

— EUGENIO COTER, évêque titulai-re de Tibiuca, vicaire apostolique dePando (Bolivie), en visite «ad liminaAp ostolorum»;

— CARLOS BÜRGLER, évêque titu-laire de Sinnipsa, vicaire apostoliquede Reyes (Bolivie), avec l’a u x i l i a i reet vicaire délégué, S.Exc. Mgr WAL-D O RUBÉN BARRIONUEVO RAMÍREZ,évêque titulaire de Vulturara, en visi-te «ad limina Apostolorum»;

le père JESÚS GALEOTE, O.F.M., ad-ministrateur apostolique du vicariatapostolique de Camiri (Bolivie),avec le vicaire apostolique émérite,S.Exc. Mgr FRANCESCO FO CARDI,évêque titulaire de Cenculiana, envisite «ad limina Apostolorum».

20 septembre

M. MUHAMMAD AL-ISSA, s e c r é t a i regénéral de la Ligue islamique mon-diale.

21 septembre

S.E. M. PETRAS ZA P O L S KA S , ambas-sadeur de Lituanie, à l’occasion dela présentation de ses Lettres deCréance.

S.Em. le cardinal REINHARD MARX,archhevêque de Munich et Freising(République fédérale d’Allemagne),coordinateur du Conseil pour l’éco-nomie;S.Exc. Mgr AUGUSTINE KASUJJA, ar-chevêque titulaire de Cesarea de Nu-midia, nonce apostolique en Bel-gique et au Luxembourg.

22 septembre

S.E. M. PEDRO PABLO KUCZYNSKIGODARD, président de la Républiquedu Pérou, avec son épouse et sasuite.Leurs Excellences NN.SS.:

— CELESTINO MIGLIORE, a rc h e -vêque titulaire de Canosa, nonceapostolique en Russie;

— PIERO PI O P P O, archevêque titu-laire de Torcello, nonce apostoliqueen Indonésie.

Curiero m a i n e

Nominations

Le Saint-Père a nommé:

12 septembre

le père ANDREA RI PA , official dela Congrégation pour le clergé:sous-secrétaire de la Congrégationpour le clergé.

Né à Rimini (Italie), le 5 jan-vier 1972, il a été ordonné prêtrepour le diocèse de Rimini en2004. Après avoir été défenseurdu lien, juge et vicaire judiciaireau tribunal ecclésiastique régionalFlaminio à Bologne, il prêtait ser-vice depuis 2013 à la Congréga-tion pour le clergé.

14 septembre

le père MAT T E O VISIOLI, jusqu’àprésent vicaire épiscopal pour lapastorale du diocèse de Parme(Italie): sous-secrétaire de la Con-grégation pour la doctrine de lafoi.

Né à Parme (Italie) le 20 juillet1966, il a été ordonné prêtre pourson diocèse le 9 mai 1992. Il étaitjusqu’à présent président de Cari-tas children onlus; vicaire épisco-pal pour la pastorale; directeur etprofesseur de l’institut interdiocé-sain supérieur de sciences reli-gieuses Sant’Ilario di Poitiers;professeur à la faculté de droit ca-nonique de l’université pontificalegrégorienne et du «studium gene-rale Marcianum» de Venise.

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page 16 L’OSSERVATORE ROMANO jeudi 28 septembre 2017, numéro 39

La sagesse théologique de la mère de Pie X

Deux anneauxdeux vocations

DANIEL BOURGEOIS*

On rapporte au sujet dujeune évêque GiuseppeSarto, le futur Pie X, une

anecdote qui est généralementconsidérée comme un geste réci-proque de piété filiale et mater-nelle, mais qu’il est peut-être utilede lire comme le trait fulgurantd’une intuition théologique trèsmo derne.

Il s’agit d’un trait d’esprit dansle contexte d’une vie familiale etcampagnarde dans cette Italie enpleine transformation politique etsociale, l’époque de «l’unité ita-lienne». Ce trait d’humour est as-sez connu dans les milieux catho-liques italiens, mais pratiquementignoré dans la culture généralecatholique française, qui n’a géné-

tributs épiscopaux qu’il a reçuslors de son ordination à la cathé-drale de Mantoue — à cetteépoque, la photographie n’a pasencore la place qu’elle a prise denos jours —, et donc il lui fait voiravant tout son anneau épiscopal.En voyant l’anneau au doigt deson fils, un anneau d’or où étaitsertie une belle améthyste, Mar-gherita réagit du tac au tac: ellelui montra, l’alliance en fer blancde son mariage avec GianbattistaSarto, en disant: «Sans celle-ci, tun’aurais jamais eu celui-là!». 1-0pour Margherita. Il semble queBepi n’a pas eu le dernier mot!

On peut voir dans cette répar-tie le goût très italien du motd’esprit, surtout venant de la mè-re d’un ecclésiastique (tout lemonde sait qu’un ecclésiastique

spectacle très impressionnant.Mais c’est précisément le regardde la mère qui donne à cette scè-ne presque banale un tour provo-cant et vraiment prophétique.D’instinct, elle montre son allian-ce, témoin du mariage et del’amour conjugal et familial qu’el-le a partagés avec Gianbattista.Bijou en métal très ordinaire, etdonc apparemment sans «valeur».Le jeune évêque perçoit-il à cemoment-là ce que signifie ce ges-te de sa mère? Pas nécessaire-ment, puisqu’elle se sent obligéede lui donner quelques «explica-tions».

La réaction de Margherita mesemble témoigner d’une sagessethéologique extraordinaire: com-me dans un éclair, elle perçoit(mieux que son futur Pape defils...) que l’anneau épiscopal, si-gne de la responsabilité ministé-rielle qu’il va assumer pour laportion du peuple de Dieu quiest à Mantoue et qui lui est con-

lublement, mais c’est en vue dusacerdoce des fidèles qu’existe lesacerdoce ministériel. Le rôle del’évêque existe par institution di-vine pour servir le «peuple sacer-dotal» qui lui est confié, et lacharge pastorale de GiuseppeSarto en fut un exemple généreuxet courageux...

A sa manière, Margherital’avait compris: Bepi, son fils trèscher, était devenu évêque pourl’aider à vivre son sacerdoce bap-tismal; elle lui avait donné la viepour qu’il soit un serviteur del’Eglise. Pas de conflit, pas de«plus ou de moins»: deux an-neaux, deux vocations. Et l’an-neau épiscopal était là pour con-fesser la grandeur de l’alliance enfer blanc qui lui avait donné lavie et le goût de servir. MerciM a rg h e r i t a !

*Fraternité des moines apostoliquesd’A i x - e n - P ro v e n c e

ralement pas de sympathie spon-tanée pour ce Pape connu surtouten raison de sa condamnation vi-goureuse du modernisme.

Rappelons d’abord cet épisodedans lequel la mère MargheritaSarto-Sanson et son fils Giuseppe(qu’en famille on appelait Bepi)font preuve d’un humour et d’unsens de la répartie qui en dit longsur la franchise et la profondeurde leur affection mutuelle. Giu-seppe Sarto vient d’être nommé àson corps défendant, puis ordon-né évêque de Mantoue en 1874.Peu de temps après, il va rendrevisite à sa mère à Riese, son villa-ge natal, une petite bourgade deVénétie. Margherita est veuve de-puis trente-deux ans. Evidem-ment, il veut lui faire voir les at-

ment diplômés et reconnus, maisqui, à la faveur d’une situation«hors-normes», sont capables deréagir en manifestant leur senti-ment religieux profond sur le mo-de du paradoxe et de l’h u m o u r.

Au fond, quel est l’enjeu de cebref dialogue, ou plutôt de cemonologue...? D’un côté, unevieille maman d’un petit villagede la Vénétie, évidemment fièrede Bepi son fils aîné, qui vientd’être ordonné évêque. De l’a u t re ,ce jeune évêque (49 ans), cons-cient de tout ce qu’il doit à samère et heureux de lui manifesterde façon un peu conventionnelleet ecclésiastique sa reconnaissan-ce. A vrai dire, la contemplationd’un anneau, fût-il en or, avecson améthyste n’est pas en soi un

fiée (cf. Vatican II,Christus Dominus, n.3), est réellement ethistoriquement lié àl’anneau qu’elle por-te, signe du «ministè-re familial», formefondamentale du sa-cerdoce des fidèles(cf. Vatican II, Lumengentium, n. 10). Elle avu que les deux for-mes de «sacerdoce»ne pouvaient vivre ets’exercer l’une sansl’autre: le plus impor-tant est le sacerdocedes fidèles dont le sa-crement de mariageest, dans sa fécondité,une forme éminente,car il constitue la ba-se indispensable del’Eglise comme com-munion des membresde l’humanité; de soncôté, le sacerdoce hié-rarchique et ministérielest au service de cetteEglise-communionpour la conduire versle Royaume qui estson accomplissement.L’un et l’autre sacer-doce sont liés indisso-

n’étant pas marié,la mère n’a rien àcraindre d’éventuel-les mesures de ré-torsion de la partde la bru et qu’ellejouit ainsi d’unegrande liberté deparole à l’égard deson fils qui lui par-donnera tout, puis-que c’est son mé-tier...). Pour mapart, j’ai envie d’yvoir une réactionbien plus profonde,une expressionspontanée del’«instinct de lafoi» de Margherita,tel qu’on peut letrouver chez ceuxet celles qui n’ontpas le savoir tech-nique et la culturethéologiques dû-

La famille Sarto avec Margherita, mère du futur Pie X, au centre

Giuseppe Sarto, devenu Pape sous le nom de Pie X