1. représentation de l'économie - oeconomia.net · La comptabilité nationale synthétise les...

38
UNIVERSITE BLAISE PASCAL ___________________________ LICENCE MASS, 3 e année ___________________________ Cours de Mr DIEMER _______________________________________________________________________ ECONOMIE PUBLIQUE _______________________________________________________________________ PARTIE I PRESENTATION DU MODELE ECONOMIQUE

Transcript of 1. représentation de l'économie - oeconomia.net · La comptabilité nationale synthétise les...

UNIVERSITE BLAISE PASCAL ___________________________ LICENCE MASS, 3e année ___________________________ Cours de Mr DIEMER _______________________________________________________________________

ECONOMIE PUBLIQUE _______________________________________________________________________

PARTIE I

PRESENTATION DU MODELE ECONOMIQUE

I. EQUILIBRE EMPLOIS RESSOURCES Il est possible de décrire le fonctionnement d’une économie de différentes manières : (i) en privilégiant l’étude du comportement de chaque agent particulier, producteur ou consommateur, c’est l’optique de la microéconomie ; (ii) en considérant le fonctionnement du système économique pris dans son ensemble (vision keynésienne), c’est l’optique de la macroéconomie. Les comptables nationaux de l’INSEE (Institut National de la Statistique et des études économiques) ont choisi l’optique macroéconomique en présentant dans un cadre rigoureux et cohérent toutes les opérations économiques réalisées chaque année par les différents agents composant la nation. Il s’agit d’un instrument essentiel de collecte et de recensement de données quantifiables qui peut s’appliquer à des domaines et des unités économiques très différents. La compréhension de ce système d’information, plus ou moins élaboré revient d’une part à définir ce que l’on entend par agents économiques, et à préciser les opérations qu’ils effectuent (cette étude sera complétée par l’utilisation de comptes emplois-ressources pour chaque agent économique) ; d’autre part à donner un mode de représentation conventionnelle de la comptabilité nationale. Les différents tableaux économiques que sont le TES (tableau Entrées – Sorties), le TEE (tableau économique d’ensemble) ainsi qu’une approche en termes de flux et de circuit économique nous permettront d’appréhender de manière synthétique toutes les relations et concepts clés de l’économie globale. La comptabilité nationale est une « représentation globale, détaillée et chiffrée de l’économie nationale dans un cadre comptable » (Piriou, 2006, p. 3). Elle recense la plupart des informations et des notions économiques susceptibles de permettre une analyse de l’économie nationale1. Depuis juin 1996, le Système de Comptabilité Nationale (SCN) s’impose2 à tous les pays de l’Union Européenne. La comptabilité nationale synthétise les opérations réalisées par des agents économiques dans des comptes (emplois - ressources).

A. Les agents économiques La comptabilité nationale retient généralement le découpage institutionnel pour représenter l’ensemble des agents économiques. On parle alors d’unités institutionnelles. Celles-ci sont des centres de décisions économiques, répondant en principe au double critère suivant : (i) elles jouissent de l'autonomie de décisions dans l'exercice de leur fonction principale ; (ii) elles disposent d'une comptabilité complète, avec bilan. Les unités institutionnelles sont regroupées en secteurs institutionnels. On appelle « secteur institutionnel, un ensemble d'unités institutionnelles qui ont un comportement économique analogue ». Ce comportement économique est repéré par la fonction principale, par la nature et l'origine des ressources de l'unité institutionnelle. Les secteurs ont une réalité concrète, les unités qui les composent une forme juridique. La comptabilité nationale distingue 6 secteurs institutionnels :

1. Les sociétés et quasi-sociétés non financières (SQS)

Ce secteur institutionnel regroupe les unités institutionnelles dont la fonction principale est de produire des biens et services non financiers marchands (c’est-à-dire dont le prix est économiquement significatif) et qui ont pour ressources le produit de leurs ventes. Ce secteur comprend les sociétés ayant une comptabilité complète et jouissant de la personnalité morale. Leurs formes juridiques sont variées : société anonyme, SARL, société en nom collectif... Il 1 L’économie nationale est « l’ensemble des unités résidentes, c'est-à-dire des unités qui ont un centre d’intérêt sur le territoire économique ». Le territoire économique de la France comprend le territoire géographique métropolitain, l’espace aérien national, les eaux territoriales, les gisements situés dans les eaux internationales exploités par des unités résidentes et les DOM (départements d’Outre Mer). 2 Il s’agissait non seulement de pouvoir rendre plus facilement comparables les différentes économies européennes, mais également de disposer d’évaluations fiables pour le calcul des différents agrégats (PNB, déficit public…).

comprend également les quasi-sociétés (qui ont une comptabilité complète mais ne jouissent pas de la personnalité juridique). Leur importance économique est telle (il s’agit des succursales, des bureaux de vente, sociétés dans le siège est à l’étranger) qu'elles sont décrites avec les sociétés. En revanche, les entrepreneurs individuels qui n'ont pas de personnalité juridique distincte de celle de l'entrepreneur, sont exclus de ce secteur institutionnel3. Les Sociétés non financières sont regroupées en trois secteurs selon la nature du contrôle exercé : les sociétés non financières publiques (contrôlées par l’Etat ou par les collectivités locales, elles sont juridiquement des administrations, mais elles vendent la majeure partie de leur production au public, exemple de la régie des Alcools) ; les sociétés non financières privées nationales (elles sont gérées pour le compte d’associés, réunis par un contrat de sociétés) et les sociétés non financières sous contrôle étranger. Une autre décomposition, plus traditionnelle, classe les sociétés en fonction de leur activité principale. On distingue ainsi les notions de branche (activité d’une société) et celle de secteur (activité principale d’une société). Les études en matière de branche permettent d’appréhender les marchés de produit sous la forme d’un TES (tableau entrées – sorties). Les études en matière de secteurs facilitent quant à elles l’analyse de variables telles que l’investissement, le financement…

2. Les sociétés financières Ce secteur regroupe les unités institutionnelles dont la fonction principale est de financer, c'est-à-dire collecter, transformer et répartir les disponibilités financières. Leur rôle est de mettre en rapport les gens à besoin de financement (qui cherchent des fonds) avec les gens à capacité de financement (disposés à placer des fonds). Elles exercent une activité d’intermédiation financière Les ressources des institutions de crédit sont constituées par les fonds qu'elles collectent : dépôt à vue ou à terme, obligations... Le secteur se décompose en trois sous-secteurs. Les institutions financières regroupant les institutions qui ont le pouvoir de créer de la monnaie. On y distingue la banque centrale (qui a le monopole d’émission de la monnaie légale) ; les autres institutions de dépôts (banques du second rang qui créent de la monnaie scripturale) et les autres intermédiaires financiers (SICAV…). Les auxiliaires financiers (GIE carte bleue, Groupe MasterCard…). Les sociétés d’assurance (y compris les mutuelles, institutions dont les ressources sont des cotisations sociales volontaires). Les sociétés d’assurance ont pour fonction principale de transformer les risques individuels en risques collectifs, en garantissant le paiement d'une indemnité en cas de réalisation d'un risque. Elles ont comme ressources les primes payées par les assurés en vertu de contrats librement consentis. Toutefois, depuis les années 90, elles se sont également engagées dans activités financières, voire bancaires (exemple d’AXA).

3. Les ménages Ce secteur regroupe les unités institutionnelles dont la fonction principale est de consommer les biens et services achetés sur le marché. En incluant l'entrepreneur individuel aux ménages, le système de comptabilité nationale a crée un secteur institutionnel aux comportements très hétérogènes4. Les ressources principales des ménages proviennent de la rémunération des facteurs de production (travail, capital, terre) et de transferts versés par d'autres secteurs. Au sein des ménages, on distingue les ménages ordinaires (ensemble de personnes vivant dans un logement séparé ou indépendant) et les ménages collectifs (maisons de retraite, cités universitaires, foyers de travailleurs, prisons). Afin de permettre une meilleure analyse des comportements économiques, une décomposition par Professions et Catégories Socio-professionnelles (PCS) des ménages est régulièrement publiée par l’INSEE. Les PCS servent ainsi à classer les ménages selon la profession

3 Les entreprises individuelles (agriculteurs, petits industriels, artisans, commerçants, professions libérales), qui vendent des biens et des services non financiers, sont considérées par la comptabilité nationale comme des ménages. 4 L'activité productrice des entrepreneurs individuels s'effectue au sein d'une unité économique qui ne possède pas de personnalité juridique distincte de la personnalité physique de son exploitant. De ce fait, le patrimoine de l'entreprise et celui du ménage sont confondus. Et les opérations relevant de l'activité professionnelle ne sont pas toujours distinctes de celles relevant de l'activité domestique.

de la personne de référence du ménage. La décomposition des ménages en PCS repose sur le croisement de plusieurs critères : le critère d'activité (qui isole les actifs des inactifs), le critère de statut (qui clive les travailleurs indépendants, employés ou non, et les salariés), le critère de secteur d'activité (qui isole l’agriculture des autres activités), le critère hiérarchique (il combine revenu, diplôme et notion d'encadrement).

4. Les administrations publiques Ce secteur regroupe toutes les unités dont la principale fonction consiste à produire des services non marchands destinés à toutes les unités ou à effectuer des opérations de redistribution du revenu ou du patrimoine national. En d'autres termes, elles fournissent des services collectifs gratuits ou quasi-gratuits, et redistribuent le revenu national. Les ressources principales sont les prélèvements obligatoires : impôts, cotisations sociales. Ce secteur se décompose en trois sous-secteurs : l’administration publique centrale (APUC) regroupant essentiellement l'Etat et les organismes à compétence générale ou spécialisées (Lycées, CNRS, CEA, ANPE) ; les administrations publiques locales (APUL) regroupant les collectivités locales, à compétence générale étendue à une partie du territoire (régions, départements, communes), et divers organismes d'administration locale, à compétence spécialisée (régies, districts, chambre de commerce…) ; les administrations de Sécurité Sociale rassemblant toutes les unités qui perçoivent les cotisations sociales obligatoires et distribuent des prestations sociales, et les organismes auxquels ces unités procurent leurs ressources principales (hôpitaux).

5. Les institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) Elles regroupent des organismes privés sans but lucratif produisant des services non marchands destinés aux ménages. Il s’agit principalement des associations, des syndicats, des partis politiques, des églises... Elles sont dotées de la personnalité juridique. Leurs ressources proviennent de contributions volontaires des ménages et de revenus de la propriété pour plus de 50% de leurs recettes. Si plus de 50% des recettes proviennent des ventes, les organismes sans but lucratif peuvent être classés en sociétés (exemple du CREDOC). Si plus de 50% des recettes proviennent de subventions publiques, ils sont classés en administrations publiques (exemple des MJC).

6. Le Reste du Monde C'est un regroupement des relations entre les unités économiques étrangères et les unités économiques nationales. Ce n'est donc pas un véritable secteur institutionnel. Le reste du monde est ventilé selon la localisation géographique : exemple pays de l’UE et pays hors UE.

Tableau 1 : Ressources et fonctions des secteurs institutionnels Secteur Institutionnel Fonction Principale Ressources principales

SQS et SQS NF

Produire des biens et services marchands non financiers

Résultat de la vente

Sociétés financières

Financer, c’est à dire collecter transformer et répartir des disponibilités financières.

Fonds provenant des engagements financiers contractés.

Les ménages (y compris les entreprises individuelles)

Consommer, et en tant qu’entrepreneurs individuels, produire des biens et services

marchands non financiers.

Rémunérations des facteurs de production, transferts effectués par les autres secteurs, produits de la vente.

Administrations

Publiques

Produire des services non marchands destinés à la collectivité et effectuer des

opérations de redistribution de revenu et des richesses nationales.

Versements obligatoires effectués par les autres secteurs et reçus directement ou

indirectement.

Les Institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM)

Produire des services non marchands et dans certains cas produire, sans but lucratif

des services marchands destinés aux ménages.

Les contributions volontaires effectuées par les ménages, et éventuellement des

achats de biens par les ménages.

Le Reste du Monde Sous l’appellation «Reste du Monde », on regroupe dans un même ensemble de comptes les opérations entre unités résidentes et unités non résidentes.

B. Les opérations économiques Tous les actes économiques sont ici agrégés en un petit nombre d'opérations présentant une certaine homogénéité. Ces opérations peuvent être regroupées en trois catégories selon la nature de l’activité économique considérée : on retrouve les opérations sur biens et services, les opérations de répartition, les opérations financières.

1. Les opérations sur biens et services Ces opérations indiquent d’une part l’origine des biens et services utilisés sur le territoire national (c’est-à-dire les ressources disponibles pour l’économie), soit la production (Y) et les importations (IMP), et d’autre part leur emploi final. Ces emplois sont généralement au nombre de 6 : les consommations intermédiaires (CI), la consommation finale (C), la Formation Brute de Capital Fixe (FBCF), le variation de stocks (VS) et les exportations (X). Nous étudierons successivement ces huit opérations sur biens et services. a. La consommation

Elle se décompose en consommation intermédiaire et en dépense de consommation finale (C). La consommation intermédiaire (CI) représente la valeur des biens et services marchands détruits dans les différents processus de production. Elle se distingue de la consommation finale car c’est une consommation productive. Elle se distingue également de la formation brute de capital fixe dans la mesure où elle porte sur des biens dont la durée de vie est inférieure à la période annuelle. Il est possible de dissocier la consommation intermédiaire externe (consommation par une branche de produits en provenance d'une autre branche) de l'intraconsommation (consommation intermédiaire de produits en provenance de la branche elle-même, exemple du pétrole consommé par une raffinerie). La dépense de consommation finale (CF) représente la valeur des biens et services utilisés pour la satisfaction directe des besoins individuels ou collectifs. Il est supposé que les produits ne sont pas stockés mais consommés au moment de l’achat, même lorsqu’ils sont durables (exemple de l’achat d’une voiture ou d’un téléviseur). L’achat de logement bénéficie d’un traitement particulier, il est associé à un investissement (formation brute de capital fixe).

La dépense en consommation finale des ménages étant trop restrictive (elle écarte les dépenses de consommation qui bénéficient aux ménages mais qui sont à la charge de la collectivité, exemple de l’éducation ou de la santé), la comptabilité nationale distingue désormais la dépense de consommation finale (DF) et la consommation finale effective (CE). La consommation finale effective (CE) des ménages est égale à la somme de leur dépense en consommation finale et des consommations individualisables (elles incluent des dépenses d’éducation et de santé supportées par l’administration pour fournir gratuitement ces services ou rembourser des dépenses au ménages5). Pour que la consommation finale effective soit supérieure à la dépense de consommation finale, il faut que le revenu soit supérieur au revenu disponible brut des ménages. Il suffit, pour cela, de considérer que les administrations transfèrent des revenus supplémentaires (prestations sociales) aux ménages. b. La formation brute de capital fixe

C’est le nom donné à l’investissement. La FBCF est définie comme la valeur des acquisitions (nettes de cession) d’actifs fixes par les producteurs résidents. L’acquisition n’est pas nécessairement un achat, elle peut être le résultat d’une production pour emploi final propre (entreprise produisant un logiciel pour elle-même). L’actif est fixe parce qu’il peut être utilisé de façon continue et répétée pendant plus d’un an. Les actifs fixes peuvent être corporels ou

5 Elles n’incluent pas les dépenses liées à la défense, à l’administration générale ou aux autres fonctions qui bénéficient à l’ensemble de la collectivité.

incorporels. Les actifs corporels comprennent les machines, les logements, les bâtiments, les ouvrages du génie civil (ponts, routes) ainsi que la valeur des grosses réparations de ces actifs. Les actifs incorporels comprennent les acquisitions de logiciels, les dépenses de prospection minière et pétrolière, les acquisitions récréatives, littéraires ou artistiques originales (y compris audiovisuelles). La FBCF des ménages non entrepreneurs individuels ne concerne que l’acquisition de logements neufs ou les grosses réparations effectuées sur les logements existants. La comptabilité nationale exclut de la FBCF, l’intensité en recherche développement, qui a pourtant des effets positifs pendant plusieurs années sur la production. c. La variation des stocks

Les stocks comprennent tous les biens d'une durée de vie inférieure à un an détenus à un moment donné par les unités productrices résidentes. Les stocks sont des produits conservés en vue d'une utilisation ou d'une vente future. Dans les comptes de flux, la comptabilité nationale n'enregistre que les variations de stocks au cours de l'année et non leur montant. Par convention, ni les ménages, ni les branches non marchandes des administrations ne stockent. La variation des stocks (notée VS) représente la différence entre les entrées en stocks et les sorties de stocks, évaluées aux prix du marché au jour de la transaction. La variation de stocks est évaluée au prix d'acquisition, hors TVA déductible comme la FBCF.

d. La production Selon la Comptabilité Nationale, la production, c'est l'activité économique de créer des biens et services s'échangeant habituellement sur le marché à partir de facteurs de production s'échangeant sur le marché. Pour étudier la production, on préfère utiliser les unités de production homogène plutôt que les secteurs institutionnels. De même que les unités institutionnelles sont regroupées en secteurs institutionnels, les unités de production homogène sont regroupées en branches. La production (P) se décompose en production marchande (PM), en production pour emploi final propre (PEFP) et en autre production non marchande (APNM).

- La production marchande (Y) : la production est marchande lorsqu’elle s’échange ou est susceptible de s’échanger sur un marché, à un prix tel qu’on puisse considérer qu’il vise au moins à couvrir les coûts de production. L’évaluation de la production de biens et services marchands se fait donc au prix de marché (prix de base). Tous les biens sont considérés par convention comme marchands. Cependant certains biens ne sont pas destinés à être vendus, ce sont ceux que le producteur réserve à son propre usage, soit comme consommation intermédiaire, soit comme consommation finale, soit la production pour compte propre de biens de capital fixe. L’évaluation de la production marchande requiert quelques précisions concernant le commerce et les services financiers. Les services du commerce sont ceux qui font l'objet, ou peuvent faire l'objet, de transactions, et qui sont produits par une unité dont les ressources proviennent pour la plus grande partie de la vente de sa production. Ils sont mesurés principalement par les marges commerciales (égales à la différence entre la valeur des produits aux prix d'acquisition - hors TVA- et la valeur aux prix de départ usine).

Les services produits par les banques ou les institutions financières sont très divers. Certains sont gratuits (utilisation des chèques) et ne correspondent pas à une production mesurée. D’autres sont payés (cartes bancaires, virements), les prix et les commissions permettent de mesurer la production. Mais les banques ont également une activité d’intermédiation bancaire lorsqu’elles collectent (dépôts à vue, comptes sur livret), transforment et répartissent des liquidités (prêts, placements, prises de participation dans des sociétés). La comptabilité nationale considère qu’il y a là une production de services d’intermédiation qu’elle appelle : services d’intermédiation financière indirectement mesurés (SIFIM). En 1995, les SIFIM étaient mesurés par le total des revenus de la propriété reçus diminué des intérêts versés et totalement affectés à la consommation intermédiaire

d’une branche fictive. Depuis 2000, les SIFIM sont calculés de façon détaillée et ventilés entre les différents emplois (consommation intermédiaire, consommation finale, exportation…). - La production pour emploi final propre (PEFP) est une production destinée à la consommation finale ou à la FBCF de l’agent producteur (85% sont imputables aux ménages). Il s’agit d’une production de services de logements réalisée par les ménages qui occupent le logement dont ils sont propriétaires (lorsque les ménages louent à un tiers, la production de services de logement est mesurée par les loyers effectifs et fait partie de la production marchande). Cette production des propriétaires occupants est mesurée par les loyers imputés (loyers fictifs), évalués en référence à ceux pratiqués sur le marché pour des logements équivalents. Les ménages ont également une production pour emploi final propre lorsqu’ils emploient du personnel domestique salarié. Les ménages produisent alors des services (évalués par la somme des salaires versés) qui sont directement utilisés sans passage sur le marché. Enfin, la production pour emploi final propre recouvre la production agricole autoconsommée.

- L’autre production non marchande (APNM) est définie comme la production qui « est fournie à d’autres unités soit gratuitement, soit à un prix économiquement non significatif » (c’est-à-dire qui couvre moins de la moitié des coûts de production). Certains services sont en effet non marchands. Ils ne peuvent être vendus sur un marché parce qu’ils sont indivisibles (défense, police, éclairage public) ou sont vendus à un prix très faible par volonté politique et parce qu’ils sont à l’origine d’effets externes positifs (éducation). Faute de prix de marché, ces services non marchands sont évalués par la somme de leurs coûts de production : rémunération des salariés (fonctionnaires), produits utilisés comme consommation intermédiaire pour produire ces services, impôts liés à la production, consommation de capital fixe. La comptabilité nationale considère que les ressources constituées par les services non marchands (SNM) sont utilisées comme dépenses en consommation finale par les ménages pour le montant de leurs paiements partiels (droits d’inscription à l’université, ticket modérateur) et comme des dépenses en consommation finale des administrations (dépenses individuelles ou collectives). Si l’on veut mesurer par un chiffre unique la masse de biens et services obtenus à l'issu du processus de production, il faut pondérer les quantités élémentaires produites par les prix mais également éviter de comptabiliser plusieurs fois les mêmes produits. En effet, les biens finis (plus élaborés) sont généralement fabriqués à partir de biens plus rudimentaires (matières premières, produits semi-finis...). La valeur de ces biens (consommation intermédiaire) fait partie du prix des biens finis qu'ils servent à élaborer. D'où un risque de double comptabilisation, si on additionne sans précaution les prix des divers produits (si on comptabilise la valeur de la production d’automobiles et la valeur de la production de pare-brise, on effectue une double comptabilisation puisque le prix du pare-brise est inclus dans le prix de l’automobile). Pour éviter ces doubles comptes, il faut soustraire de la valeur du produit, à chaque stade du processus de production, la valeur de la consommation intermédiaire, afin d’obtenir la valeur ajoutée.

Soit Production – consommation intermédiaire = Valeur ajoutée

La somme des valeurs ajoutées, à tous les stades du processus de production, donne le produit intérieur brut (PIB). Le PIB est l'agrégat qui représente la masse des biens et services produits par les unités résidentes et mises à disposition des utilisateurs finaux.

e. Les opérations avec le reste du monde Les exportations (X) représentent la valeur des biens et services fournis par des unités résidentes à des unités non résidentes. Compte tenu de la définition de la résidence, il n’est plus nécessaire que les produits franchissent la frontière d’un territoire pour qu’ils soient exportés. Par importations (IMP), on entend la mise à disposition de biens et services par le reste du monde à l’économie nationale. Les agents nationaux peuvent alors consommer de cette manière des produits étrangers. Les exportations sont évaluées Free on Board (FOB), c'est-à-dire au prix du marché des biens à la

frontière française. Elles sont évaluées hors TVA. Les importations sont évaluées CAF (coût, assurance, fret), c'est-à-dire leur valeur FOB à la frontière du pays exportateur, plus les frais d'acheminement à la frontière française. Les exportations et importations de services marchands comprennent les services de transport, d'assurance, de communication et autres services évalués aux prix du marché.

L’équilibre comptable des ressources et des emplois d’un produit s’écrit de la manière suivante : P + IMP = CI + CF + FBCF ± VS + X Cette équation peut cependant encore être améliorée en procédant à certains ajustements : - La valeur réellement créée par l’entreprise étant égale à la production moins les consommations intermédiaires, on obtient alors la valeur ajoutée. La somme des valeurs ajoutées donne le Produit Intérieur Brut (PIB) - La Formation Brute de Capital Fixe (FBCF) est généralement égal à un investissement (I) effectué sur plusieurs périodes par les agents économiques. De là FBCF = I - La dépense en consommation finale (CF) est associée à la fonction de consommation issue des ménages. On la notera consommation (C) - L’intervention de l’Etat apparaît sous les traits d’une dépense publique, notée G

Le nouvel équilibre peut s’écrire : PIB + IMP = C + I ± VS + X + G Le produit intérieur brut (PIB) est ainsi la somme de la demande intérieure (C + I ± VS + G) et de la demande extérieure (X – IMP).

Equilibre emplois –ressources de l’économie française (prix courants, milliards d’€)

Produit intérieur brut

Variations de stocks (*) Exportations

Importations Consommation

FBCF

2006T1 440,9 355,9 86,8 2,7 119,9 2006T2 448,1 124,3 359,6 89,3 3,2 122,3 2006T3 452,0 126,3 362,4 90,8 4,2 121,0 2006T4 458,9 126,4 364,9 93,7 5,2 123,6 2007T1 464,7 128,5 368,8 95,7 5,7 124,3 2007T2 469,9 129,8 373,2 97,7 5,7 126,7 2007T3 474,8 133,4 377,4 99,4 5,8 128,0 2007T4 478,2 135,8 382,4 101,7 3,5 128,3 2008T1 484,1 137,8 385,1 103,9 3,2 133,7 2008T2 483,4 141,7 387,0 104,2 2,4 132,1 2008T3 484,1 142,3 388,2 103,7 4,0 132,2 2008T4 479,9 144,0 388,6 99,3 2,9 122,0 2009T1 472,1 132,8 387,6 95,6 -1,9 110,5 2009T2 471,0 119,8 388,7 93,5 -4,0 109,0 2009T3 471,6 116,3 391,0 92,3 -5,2 110,3 2009T4 475,0 116,8 395,3 92,1 -0,8 111,2 2010T1 477,6 122,8 397,4 91,3 -2,2 116,9 2010T2 481,4 125,9 399,2 93,0 0,0 121,7 2010T3 485,1 132,6 401,9 93,9 1,8 125,2 2010T4 487,3 137,7 405,0 94,6 0,0 126,8 2011T1 494,4 139,2 409,0 96,9 5,8 131,3 2011T2 496,5 148,6 409,1 98,2 4,7 131,7

Source : INSEE (2011)

2. Les opérations de répartition Elles décrivent la formation et la circulation des revenus. Elles montrent comment les revenus circulent entre les agents économiques avant de recevoir un emploi final. Si les opérations sur les biens et services constituent le début et la fin du circuit, les opérations de répartition - comme les opérations financières - en sont les maillons intermédiaires. On part de la valeur ajoutée créée au sein des unités de production. C'est le revenu primaire, qui est réparti entre les unités institutionnelles. Cette répartition primaire du revenu est décrite dans les comptes d'exploitation. Les unités institutionnelles se redistribuent ce revenu primaire. Le revenu disponible (celui dont dispose l'unité après la répartition secondaire du revenu) est décrit dans le compte de revenu de chaque unité. On observera tout d'abord les opérations de répartition du revenu, puis celles qui portent sur les éléments du patrimoine : ce sont les opérations de répartition du capital. a. La classification des opérations de répartition du revenu

- La rémunération des salariés comprend tous les versements en espèces et avantages fournis en nature par les employeurs au titre de la rémunération du travail. Cette opération se décompose en salaires et traitements bruts ; cotisations sociales effectives à la charge des employeurs et cotisations sociales fictives (elles représentent la contrepartie des prestations sociales fournies directement, en dehors de tout circuit de cotisations, par les employeurs à leurs salariés, exemple du maintien du salaire intégral même en cas de maladie).

- Les impôts liés à la production et l'importation : ce sont des prélèvements obligatoires des administrations publiques qui frappent la production et l'importation de biens et services. Ils comprennent la TVA grevant les produits6, les autres impôts liés à la production (cette catégorie peu homogène comprend par exemple la taxe d'apprentissage, taxe sur les alcools, les produits pétroliers...), les droits de douane, le prélèvement au profit de la CEE - Les subventions d'exploitation : ce sont les transferts courants versés par les administrations aux unités productrices dans le but d'abaisser le prix de leurs produits et/ou de permettre une rémunération suffisante des facteurs de production.

- Les revenus de la propriété et de l'entreprise : ces opérations retracent la répartition d'une partie de l'excédent brut d'exploitation. Elles sont enregistrées dans les comptes de revenu, elles comprennent les intérêts et rémunération de certaines créances ; les revenus de la terre (fermage, métayage) et les actifs incorporels ; les dividendes et autres revenus distribués des sociétés ; les revenus prélevés par les entrepreneurs de quasi-société ; la participation des salariés aux fruits de l'expansion de l'entreprise. Depuis la loi de 1967, une partie des entreprises françaises versent à leurs salariés des primes, des actions gratuites... - Les opérations d'assurance-dommages comprennent les primes nettes d'assurance-dommages et les indemnités d'assurance-dommages - Les transferts courants sans contrepartie comprennent les impôts courants sur le revenu et le patrimoine (impôt sur le bénéfice, sur le revenu des personnes physiques, impôts locaux, vignette payée par les ménages...) ; les cotisations sociales effectives versées soit par les assurés, soit par leurs employés ; les cotisations sociales fictives (contrepartie des prestations sociales fournies directement par les employeurs à leurs salariés) ; les prestations sociales ; les transferts courants entre administrations publiques (transfert de recettes fiscales) ; les transferts courants aux ISBLSM ; la coopération internationale courante ; les transferts privés internationaux (exemple du transfert des fonds des migrants) et les transferts courants divers 6 La taxe à la valeur ajoutée est collectée par les entreprises qui la facturent à leurs clients. Elles ne reversent pas à l'Etat, la totalité de la TVA facturée, car généralement une partie de cette TVA facturée est déductible. La TVA grevant les produits est donc égale à la différence entre la TVA facturée et la TVA déductible. Elle est portée en ressources du compte de revenu des administrations publiques. Par contre, elle n'apparaît en emploi d'aucun compte.

b. Les transferts en capital

Les éléments du patrimoine circulent également. Les opérations de répartition du patrimoine sont des transferts qui influent directement sur le niveau des investissements ou sur la fortune du bénéficiaire. Ils affectent donc les comptes de capital des secteurs concernés. Les transferts en capital regroupent les aides à l'investissement destinés à financer les opérations de FBCF, notamment sous forme d'achats de logement (elles sont enregistrées en emplois du compte de capital des administrations publiques et en ressources du compte de capital des unités aidées) ; les impôts en capital versés irrégulièrement (il s'agit des droits de mutation à titre gratuit, portant sur des successions et sur des donations) ; les autres transferts en capital regroupant les dommages de guerre, les primes épargne logement.....

3. Les opérations financières Au sens juridique, elles portent sur des droits financiers qui prennent le nom de créances quand on les considère du point de vue de leur titulaire et de dettes si on se place du côté de l'obligé. Les opérations financières sont des opérations qui traduisent les variations des créances et des dettes des secteurs. Elles sont la contrepartie d'opérations sur biens et services, d'opérations de répartition, ou d'opérations financières pures. Pour la comptabilité nationale, la monnaie est une créance pour celui qui la détient, une dette pour l'institution de crédit qui l'a émise. Les opérations financières montrent comment les secteurs qui ont dépensé plus que leurs ressources se sont endettés, et comment ceux qui ont dépensé moins que leurs ressources ont employé cet excédent. Les opérations financières montrent sous quelle forme a eu lieu cette compensation entre les secteurs ayant un besoin de financement et ceux qui ont une capacité de financement. Ce sont les tableaux d'opérations financières (TOF) qui, en décrivant les mouvements de la monnaie et des autres créances, montrent comment se réalise l'équilibre financier. a. Les actifs financiers

La nomenclature des actifs financiers permet de distinguer les différents instruments financiers de la finance directe (l’agent qui a un besoin de financement le satisfait en créant un titre – action, obligation – et en le vendant directement à un agent qui dispose d’une capacité de financement) et de la finance indirecte (les agents qui ont des capacités de financement effectuent des dépôts après des banques, lesquelles consentent des crédits). Les actifs financiers, au nombre de 7, sont classés par ordre de liquidité décroissante.

- Les moyens de paiement internationaux constituent les réserves de la Banque centrale. L’or et les droits de tirage spéciaux (DTS) sur le FMI sont considérés comme des créances de la banque centrale (donc une dette du reste du monde). - Le numéraire et les dépôts comprennent tout d’abord la monnaie (monnaie fiduciaire sous forme de pièces et billets ; monnaie scripturale sous forme de dépôts transférables par chèque, virement) ; les autres dépôts qui peuvent être à vue ou à échéance mais ne sont pas directement transférables (comptes sur livret, épargne logement). Ajoutons que les réserves obligatoires que les banques du second rang sont tenues de constituer auprès de la Banque centrale font partie de la monnaie.

- Les titres hors actions regroupent des titres ne donnant aucun droit sur la propriété de l’unité qui les a émis. Ils sont le plus souvent négociables. On distingue les obligations qui sont des titres longs, donnant droit à un intérêt annuel (elles sont émises par les sociétés, les institutions de crédit ou les administrations publiques et sont cotées en Bourse) et les titres de créance négociables qui sont des titres courts négociables sur le marché monétaire et dont les noms changent en fonction de la nature de l’émetteur (billets de trésorerie si l’émetteur est une entreprise ; certificats de dépôts négociables si c’est une banque ; bons du Trésor négociables si c’est l’Etat). Dans les titres hors actions sont enfin classés les produits financiers dérivés (Marchés à terme, SWAPS).

- Les crédits sont décomposés en crédits à court terme (d’une durée inférieure à deux ans, ils sont destinés à financer les besoins de trésorerie) et les crédits à long terme (d’une durée supérieure à

p C

deux ans, ils sont destinés à financer les investissements des entreprises, des ménages et des administrations publiques). Sont exclus les crédits commerciaux (ceux accordés par les fournisseurs à leurs clients).

- Les actions et autres participations. Les actions sont des titres représentatifs d'un droit de propriété partiel sur une société. Elles ouvrent droit à la perception de dividendes. La comptabilité nationale les associe à des créances par les détenteurs. A côté des actions cotées en bourse et non cotées, prennent place les autres participations, c'est-à-dire les parts des sociétés autres que les sociétés par action (SARL, mutuelles…). Les OPCVM (organismes de placement collectif en valeurs mobilières) sont des sociétés financières dont la seule fonction est de placer les fonds qu’elles collectent en émettant des titres appelés parts. Les plus connus sont les SICAV (sociétés d’investissements en capital variable) et les FCP (fonds communs de placement). Les OPCVM monétaires sont des titres parfaitement liquides. - Les provisions techniques d’assurance : en contrepartie des primes qu'elles encaissent, les entreprises d'assurance sont tenues de constituer des provisions destinées à effectuer des versements futurs. Ces réserves sont considérées comme des dettes des entreprises d'assurance et comme des créances de leurs clients. Elles sont relatives à l’assurance vie et à des opérations d’assurance dommage.

- Les autres comptes à recevoir ou à payer regroupent les crédits commerciaux et les avances qui retracent les délais de paiement consentis aux acheteurs par les fournisseurs et les avances des acheteurs aux producteurs. Le poste comprend également les décalages comptables entre la date de certaines opérations et celle du paiement correspondant.

b. Utilisation du TOF Le tableau des opérations financières présente la relation entre les secteurs institutionnels portés en colonne, et les opérations financières portées en lignes. On retrouve ainsi les six secteurs, les flux nets de dettes et les flux nets de créances. Les soldes des créances et des dettes traduisent les besoins et les capacités de financement des divers secteurs. Le TOF montre comment les secteurs institutionnels ont utilisé leur capacité de financement ou fait face à leur besoin de financement. Le TOF peut servir à une étude comparative des systèmes financiers, dans le temps comme dans l'espace. Il peut également servir à éclairer la politique du crédit (l'art de manipuler la gamme des instruments de placement et de financement), en faisant varier leur forme et leur coût.

C. Les comptes des secteurs institutionnels En regroupant les opérations sur biens et services et les opérations de répartition, on peut obtenir pour chaque secteur institutionnel un compte. Pour chaque compte de secteur, on appelle ressource toute opération qui représente une entrée de monnaie, et emploi toute opération qui représente une sortie de monnaie. Comme toute comptabilité, la comptabilité nationale présente des comptes en équilibre, en écrivant le solde, capacité ou besoin de financement, à l'intérieur des comptes de ce secteur. Les comptes non financiers des ménages, des entreprises et des administrations peuvent prendre la forme suivante :

Ménages Entreprises Administration

p G Fm wN +Re

Se

Capacité ou besoin de financement

Sm

Sa

Capacité ou besoin de financement

Capacité ou besoin de financement

wN Fm Re Fe

p Y

Fe

Sa

Entreprises

ΔTa ΔTeΔ

Se

Administrations

Abréviations C : consommation I: Investissement G : Dépenses Publiques Fm: Fiscalité des ménages Fe : Fiscalité des Entreprises Y : Production Re : revenus distribués par les entreprises Se : épargne des entreprise Ra : Revenus distribués par les administrations Sm : épargne des ménages Sa : épargne ou déficit des administrations T : Titres

Ainsi pour chaque secteur, on retrace dans un compte non financier l'objet des opérations sur biens et services et des opérations de répartition (les emplois et les ressources), dans un compte financier l'objet des opérations financières (flux nets de créances et de dettes). Contrairement au compte non financier, le compte financier peut donc enregistrer des flux négatifs. Les comptes nationaux ont été amenés à adopter la méthode du compte-écran, qui consiste à interposer entre deux unités institutionnelles un compte d'opération qui joue le rôle de compte-écran. Ainsi quand une société verse un salaire (A) à un ménage, cette opération est décomposée en deux relations distinctes : une relation (société - opération salaire) et une relation (opération salaire - ménage).

EMPLOIS RESSOURCES Opération

SQS M A

SQS M A

Six comptes sont généralement utilisés pour recenser les opérations sur biens et services, les opérations de répartition et les opérations financières. Il s’agit du compte de production, du compte d'exploitation, du compte de revenu, du compte d'utilisation du revenu, du compte de capital et du compte financier

1. Le compte de production Comme son nom l'indique, il est axé sur la production. Cette fonction est exercée à titre principal par les SQS et par les entreprises individuelles (décrites dans le compte des ménages). Le compte de production décrit la liaison entre la production de biens et services et la consommation intermédiaire nécessaire pour obtenir cette production. Il ne comporte que des opérations sur biens et services. Les ressources sont constituées par la production marchande et la production pour emploi final propre. Cette production est évaluée au prix de base (donc hors impôts sur les produits mais avec les autres impôts sur la production et les subventions sur les produis). Les consommations intermédiaires constituent les emplois. Le solde de compte de production est la valeur ajoutée brute, portée en emploi du compte. La valeur ajoutée brute mesure la contribution du secteur institutionnel au PIB.

2. Le compte d’exploitation Il décrit la répartition primaire de la valeur ajoutée, la distribution de revenus qui a eu lieu à l'occasion de la production. Il reprend en ressources la valeur ajoutée brute augmentée des

Ménages

Sm ΔMm

ΔTm

I

ΔMe

SΔTaa

éventuelles subventions d'exploitation reçues, et décrit en emplois comment ces ressources ont été réparties entre les salariés qui ont participé à la production, l'état qui prélève des impôts indirects et le secteur institutionnel lui même. Le compte d'exploitation ne comporte que des opérations de répartition. La rémunération des salariés est entendue au sens large puisqu'elle comporte les cotisations sociales. Le solde du compte d'exploitation, porté en emplois, est l'excédent brut d'exploitation. Il montre ce qui reste au secteur institutionnel après qu'il ait rémunéré ses salariés et versé les prélèvements obligatoires liés à la production. Ce solde est indépendant des capitaux (propres ou empruntés) mis en oeuvre pour produire. Pour les SQS, le compte d'exploitation traduit le partage entre travail et capital. L'excédent brut d'exploitation est un indicateur de profit brut, il représente les sommes qui sont disponibles pour renouveler le matériel, investir et rémunérer les divers apporteurs de capitaux. Pour les ménages d'entrepreneurs individuels, l'excédent brut d'exploitation représente à la fois la rémunération de leur travail, celle des capitaux qu'ils ont avancés ou empruntés, et les sommes disponibles pour accumuler.

3. Le compte d’affectation des revenus primaires Le compte d’affectation des revenus primaires décrit comment se constitue le revenu primaire des sociétés non financières (SNF). Les revenus de la propriété sont ceux qui sont versés aux propriétaires d’actifs financiers (dividendes pour les actions, intérêts pour les prêts) et d’actifs corporels non produits (les loyers des terrains, mais pas ceux des logements). Les revenus de la propriété peuvent être aussi bien des ressources que des emplois. Les SNF peuvent à la fois recevoir des revenus distribués des sociétés (dividendes pour les actions) et en verser, notamment à leurs propres actionnaires ; elles peuvent recevoir des intérêts parce qu’elles ont prêté à d’autres et verser des intérêts à leurs créanciers. Les autres revenus correspondent aux bénéfices réinvestis d’investissements directs étrangers. Le solde des revenus primaires bruts (SRPB) permet de prendre la mesure de ce que parviennent à obtenir les sociétés non financières comme revenus primaires

4. Le compte de distribution secondaire du revenu Ce compte retrace les opérations de répartition liées à l’acquisition et à la redistribution du revenu du secteur institutionnel. En ressources, il reprend le solde de revenus primaires des sociétés non financières (et des entreprises individuelles). Pour les ménages, il s’agit de prestations sociales comprenant les prestations d’assurance sociale (retraites, indemnités de chômage, allocations familiales…) et les prestations d’assistance sociale en espèces versées en dehors de tout système de cotisations sociales préalables (RMI, minimum vieillesse). Pour les administrations publiques, ce sont les prélèvements obligatoires (impôts sur le revenu et le patrimoine, cotisations sociales). En emplois, on porte les transferts de revenu auquel procède le secteur institutionnel. Pour certains secteurs institutionnels qui ont pour fonction de redistribuer le revenu, ces transferts peuvent atteindre des montants très importants: c'est le cas de la sécurité sociale (prestations sociales), de l'Etat et des entreprises d'assurance. Pour d'autres secteurs, les transferts sont moindres, les SQS paient l'impôt sur les bénéfices. Les ménages paient des impôts directs (impôt sur le revenu, cotisations sociales). Les autres transferts courants regroupent des écritures liées à des opérations d’assurance, des paiements d’amendes, des dons… Le solde du compte de distribution secondaire du revenu est le revenu disponible brut qui représente la somme dont le secteur institutionnel peut disposer à son gré, pour la consommation ou l'épargne.

5. Le compte d'utilisation du revenu C'est un compte axé sur la fonction de consommation, il montre comment le secteur institutionnel répartit son revenu disponible entre la consommation finale et l'épargne. Ce compte ne comporte en ressources que le revenu disponible brut, et en emploi une seule opération sur biens et services, la consommation finale. Le solde est l'épargne brute. Les SQS, institutions de crédits et les entreprises d'assurance n'ont par convention aucune consommation finale. Tout achat de biens non durables ou de services par ces secteurs est considéré comme de la consommation intermédiaire. Aussi le compte d'utilisation du revenu est-il sans intérêt pour ces secteurs, l'épargne brute est égale au

revenu disponible brut. Pour les ménages, les ressources se composent du revenu disponible brut et des transferts sociaux en nature7. En emplois, on tient compte de la dépense en consommation finale individuelle. Le compte d'utilisation du revenu permet de connaître le partage entre consommation et épargne, qui est une donnée macroéconomique essentielle. Pour les administrations, la dépense de consommation finale comprend une dépense de consommation finale individuelle qui correspond à des produits consommés par les ménages (remboursement des dépenses de santé, fourniture quasi gratuite de services d’éducation) et une dépense de consommation finale collective (défense, sécurité, justice…) qui constitue la consommation effective des APU. La signification du solde du compte d'utilisation du revenu, l'épargne brute, est importante. Si on déduit de l'épargne brute, l'amortissement qui mesure la consommation de capital fixe au cours de la période, on obtient l'épargne nette qui mesure l'enrichissement du secteur institutionnel. L'épargne nette mesure l'accroissement du patrimoine. L'épargne brute représente la somme que le secteur institutionnel peut consacrer au financement de son investissement brut sans avoir à s'endetter : c'est l'autofinancement.

6. Le compte de capital Le compte de capital a pour objet de décrire les opérations liées aux investissements en actifs physiques et aux transferts en capital. Il décrit comment le secteur a remplacé les équipements usagés et quelle structure il a donné à l'accroissement de son patrimoine, mesuré par l'épargne nette. Il reprend en ressources l'épargne brute à laquelle s'ajoutent les transferts en capital reçus (les aides à l’investissement et autres transferts en capital tels que les remises de dettes). Les emplois du compte de capital se décomposent en FBCF (c'est-à-dire l'achat de biens destinés à produire d'autres biens, et dont la durée d'utilisation excède un an) ; en variations de stocks8 (la variation des stocks constitue la différence entre le montant des stocks au 31 Décembre courant et le montant des stocks au 31 Décembre précédent, elle peut donc être négative) et en acquisitions moins les cessions d’actifs non financiers non produits (terrains, brevets…). Le compte de capital d'un secteur institutionnel montre comment son épargne (S) va suffire ou non à financer ses investissements (I), il montre dans quelle mesure le secteur s'autofinance. Si I > S, il y a un besoin de financement, le secteur doit faire appel à l'épargne des autres secteurs en leur empruntant. Si I < S, il y a une capacité de financement, le secteur après avoir financé ses propres investissements, peut prêter son épargne aux agents déficitaires. Les SQS non financières et les entreprises individuelles ont généralement un besoin de financement. Les ménages (hors entreprises individuelles), les institutions de crédit, les entreprises d'assurance dégagent une capacité de financement. Les administrations publiques ont tantôt un besoin, tantôt une capacité de financement. Le solde du compte de capital a un grand intérêt. En effet, quand on agrège l’ensemble des comptes non financiers, on voit que les soldes portés à la fois en ressources et en emplois, la valeur ajoutée brute, l'excédent brut d'exploitation, le revenu disponible brut et l'épargne brute s'annulent. Le solde de l'ensemble des comptes non financiers du secteur est la capacité ou le besoin de financement.

7. Le compte financier

Le compte financier retrace l'accumulation financière du secteur institutionnel. Il décrit les variations du patrimoine financier du secteur. Il montre comment celui-ci a réalisé des opérations financières pour satisfaire son besoin de financement ou utiliser sa capacité de financement. Le solde du compte financier s'appelle solde des créances et des dettes. Le compte financier regroupe donc des opérations négatives : recouvrement de créances ou remboursement de dettes. Il est la contrepartie financière exacte du besoin ou de la capacité de financement. 7 Les transferts sociaux en nature comprennent les prestations sociales en nature (montant des remboursements par les administrations de dépenses de santé, de l’allocation logement…) et les transferts de biens et services non marchands individuels (valeur correspondant à l’éducation fournie gratuitement, à une partie de la santé). 8 Les stocks sont des produits conservés par le secteur en vue d'utilisation ou de ventes futures, ces produits peuvent également constituer des stocks spéculatifs.

D. Les équations du modèle d’ensemble Equations comptables Y = (C + I ± ΔS + G) + (X – IMP) Equations d’équilibre Y = R (la production entraîne une distribution de revenus) Marché financier ΔTM

− +ΔTX− = ΔTE

+ +ΔTA+ (la demande de titres est égale à l’offre de titres : marché financier)

Marché monétaire ΔMM

− +ΔME− +ΔMX

− = ΔM + (la demande de monnaie est égale à l’offre de monnaie) Marché du travail ΔNE

− = ΔNM+ (la demande de travail des entreprises est égale à l’offre de travail des salariés

Equations de comportement Ct = c (Rt −F)+ b avec F = t  R d’où l’on en déduit que Ct = c (1− t) Rt + b It = g (Y, i) (l’investissement dépend du revenu et du taux d’intérêt)

Yt = a NtαKt

β (la fonction de production dépend du travail et du capital, α +β =1 ) N − = F  (w / p) (la demande du travail dépend du salaire réel) fonction décroissante

N + = F  (w / p) (l’offre de travail dépend du salaire) fonction croissante

M − =1vpY  L(i) (la demande de monnaie dépend de la vitesse de transaction,v, des prix, p, de la production, Y, et

d’une fonction du taux d’intérêt, L(i)). M + =M (l’offre de monnaie est déterminée par les banques)

X = X(Y e, pe.pe

) (les exportations dépendent de la production étrangère, du taux de change et des prix)

IMP = IMP (Y, pe.pe

) (les importations dépendent de la production nationale, du taux de change de des prix)

Soit Y = c (1− t) Y + b+ g(Y, i)± ΔS  + X  (Ye,pe.pe

)− IMP (Y, pe.pe

)+G

Y = b+G1− c (1− t)

Multiplicateur de dépenses publiques : 11− c (1− t)

Versement de revenus

Règlements des achats de biens

Vente de biens et services de consommation

Vente de facteurs de production (travail, capital, terre)

II. REPRESENTATION DE L’ECONOMIE NATIONALE

La comptabilité nationale s’appuie sur deux types de représentation : les tableaux (TES, TEE) synthétisent l’information économique (opérations sur biens et services, opérations de répartition, opérations financières) relative aux différents secteurs institutionnelles ; le circuit économique insiste sur les différentes interdépendances entre les agents économiques. Dans le cas d’une économie à deux agents (les ménages et les entreprises), le circuit décrit comment les entreprises créent simultanément des biens et des services (flux réels) et des revenus (flux monétaires). Ces revenus sont perçus par les ménages en échange de facteurs de production (terre, travail, ou capital) qu'ils ont fournis aux entreprises et qui constituent un flux réel. Les ménages dépensent une partie de leurs revenus en achetant des biens et des services produits par les entreprises (on parle de consommation) et gardent l’autre partie sous forme d’épargne.

A. Circuit en économie fermée 1. Circuit à deux agents Dans une économie fermée, restreinte à deux agents (les ménages et les entreprises), la comptabilité nationale présente les opérations économiques de la manière suivante. Les ménages emploient une partie de leur revenu pour acheter les biens vendus par l’entreprise, C, et l’autre pour épargner, S. Leur revenu, R, peut donc se décomposer ainsi: R = C + S. Les entreprises, quant à elles, pourront produire, Y, grâce aux investissements qu’elles ont préalablement effectués, I. Les entreprises produisent des biens de consommation C mais également des biens de production (machines...) I. Soit Y = C + I. Dès lors, pour qu’il y ait équilibre économique (offre = demande) et bouclage du circuit, il faut que l’épargne soit égale à l’investissement, soit S = I. Le schéma ci-dessous retrace les opérations effectuées entre les ménages et les entreprises.

Entreprises Ménages

Ménages Entreprises

Consommation (C)

Flux réels Flux monétaires

Production (Y)

Epargne

Investissement (I) Epargne (S)

Distribution de salaires, dividendes, intérêts

Intérêts

Achats de titres (actions, obligations...)

Vente de titres (actions, obligations)

Autofinancement

Intérêts

Crédits

Ménages

Institutions Financières

Investissement Epargne

Marché Financier

Dépenses Publiques

Prélèvements Prélèvements

Dépenses publiques

Entreprises

Crédits

Intérêts

Vente de titres (obligations...)

Achats de biens et services : Consommation

2. Circuit d’ensemble de l’économie nationale Lorsque l’on passe d’une économie à deux agents à l’ensemble de l’économie nationale, le circuit se complexifie quelque peu par l’intégration des Institutions Financières et des Administrations. Le rôle des Institutions Financières consiste à servir d’intermédiaire financier entre les entreprises et les ménages. Elles interviennent sur deux grandes variables économiques : l’investissement et l’épargne. Les entreprises peuvent financer leurs investissements par l’autofinancement (amortissement plus bénéfice non distribué), mais également par le recours au crédit (dans ce cas l’entreprise devra verser des intérêts aux banques) ou encore grâce au marché financier (émissions de titres : actions, obligations). Les ménages peuvent utiliser leur épargne pour acquérir des actifs monétaires (billets, pièces, dépôts à terme), des actifs financiers (titres émis sur le marché financier par les entreprises) ou encore des actifs réels (or, argent, immeubles...). L’épargne des ménages est généralement rémunérée sous forme d’intérêts par les banques. Les administrations telles que l’Etat, les collectivités locales et la Sécurité Sociale, financent leurs Dépenses Publiques (DP) grâce aux prélèvements obligatoires (Fiscalité, Cotisations Sociales) qui touchent les ménages et les entreprises. Les Dépenses Publiques permettent aux administrations d’acheter des biens et services aux entreprises (équipements, matériels...), de verser des salaires aux ménages (exemple : fonctionnaires), de faire réaliser par les entreprises de grands ouvrages (travaux publics, voiries...), et d’effectuer des dépenses de transfert vers les agents économiques qui en ont besoin (allocations familiales pour les ménages, subventions pour les entreprises...). Dans le cas où les prélèvements obligatoires ne sont pas suffisants pour couvrir les dépenses publiques, on parle de déficit budgétaire (notons que l’une des caractéristiques des administrations, est un besoin chronique de financement). Dans ce cas, les administrations doivent se financer en émettant des titres sur le marché financier (bons du Trésor, obligations) ou en recourant au crédit bancaire.

Administrations (Déficit Public)

Distribution de salaires, dividendes, intérêts

Intérêts

Achats de titres français ou étrangers

(actions, obligations...) Vente de titres (actions, obligations)

Autofinancement

Intérêts

Crédits

Ménages

Institutions Financières

Investissement Epargne

Marché Financier

Versement de revenus

Importations

Exportations

Versement de revenus

Entreprises

Crédits

Dépôts

Vente de titres (obligations...)

Achats de biens et services : Consommation

Le Reste du

Monde

B. Circuit en économie ouverte En économie ouverte, il faut introduire le reste du monde. Les relations entre une économie nationale et le reste du monde ne se limitent pas aux exportations (comptabilisées comme un emploi : c’est l’emploi d’une certaine production) et aux importations (comptabilisées comme une ressource : notamment lorsque la production nationale est insuffisante par rapport à la demande). Dans leur ouvrage, Globalisation financière : l’aventure obligée, Aglietta et Brender (1990) montrent que le reste du monde et l’économie nationale sont étroitement liés du fait du développement des marchés financiers internationaux et des nombreuses connexions établies au sein des institutions financières. Les différentes économies nationales étant de plus en plus dépendantes à l’égard de l’extérieur, il est possible de mesurer cette dépendance en calculant un coefficient de dépendance. Ce dernier revient à rapporter la somme des importations et des exportations au PIB (richesse crée par la nation). On peut remarquer cependant que l’interdépendance entre diverses économies peut être de nature très différente selon que les échanges sont des échanges de produits, capitaux....

III. La politique économique

La politique économique est généralement définie comme le domaine d’intervention des pouvoirs publics dans la régulation de l’économie marchande capitaliste. De façon plus précise, la politique économique est « la branche des théories économiques qui traite des diverses façons dont l’Etat peut intervenir pour infléchir la conjoncture, notamment en ce qui concerne l’évolution de la production et du niveau des prix » (Guerrien, 2000, p 384). En d’autres termes, la politique économique est définie comme un ensemble de décisions cohérentes, prises par les pouvoirs publics et visant, à l’aide de divers instruments à atteindre des objectifs afin d’orienter l’économie dans le sens souhaitable. Traditionnellement, la politique économique retient quatre objectifs principaux que les économistes appellent depuis les travaux de Nicolas Kaldor (1971), le Carré Magique. Il s’agit d’une représentation graphique qu visualise la question de la croissance (il s’agit de stimuler le développement de la production et du revenu national considéré comme le garant d’une amélioration du bien être des individus) ; du plein emploi, (il s’agit d’utiliser au mieux tous les facteurs de production disponibles, ceci ramène souvent au plein emploi du facteur travail, c’est-à-dire à une baisse du chômage) ; de la stabilité des prix (il s’agit de limiter le développement de l’inflation) et de l’équilibre extérieur (il s’agit d’équilibrer les entrées et les sorties de biens, de services, de revenus et de capitaux avec le reste du monde).

Les politiques conjoncturelles sont un ensemble de mesures destinées à minimiser les fluctuations de l’activité économique. Elles chercheraient à maintenir ou à rétablir ce que l’on nomme les grands équilibres (le carré magique) et cela grâce aux politiques de régulation de la demande. Elles s’appuient sur la politique budgétaire (dépenses et recettes de l’Etat) dont les instruments utilisés sont alors les investissements publics, les impôts, les subventions et aides diverses et plus généralement le solde budgétaire (il s’agit surtout d’un déficit) et la politique monétaire (influence l’activité économique par l’intermédiaire du montant et du coût de la monnaie) dont les instruments utilisés sont les taux d’intérêt, l’action de la Banque de France (et de la Banque Centrale Européenne) sur le marché monétaire et la réglementation en vigueur. On distingue généralement plusieurs types de politique conjoncturelle qui se réfèrent aux phases d’expansion et de récession. On parle alors de politique de relance (expansion) ou de politique de stabilisation. La politique de relance cherche à stimuler la demande afin que les entreprises produisent davantage et embauchent. Une ou plusieurs composantes de la demande sont favorisées (consommation des ménages, investissement des entreprises...). Ainsi en 1981-1982, il s’agissait surtout d’une relance par la consommation (déficit budgétaire, création d’emplois publics). La politique de stabilisation est généralement une politique de lutte contre l’inflation. On réduit la demande intérieure et on cherche à rétablir les équilibres (budget, balance commerciale). Il s’agit d’une politique de rigueur ou d’austérité.

A. La politique budgétaire

Le budget de l’Etat représente le principal instrument de l’Etat pour agir sur l’économie. En France, c’est la Loi de Finance, puis la Loi Organique sur les Lois de Finance (LOFL) depuis 2006, préparée par le gouvernement et votée par le parlement chaque automne, qui autorise le gouvernement à percevoir les impôts (ils représentent l’essentiel des recettes budgétaires) et à effectuer les dépenses destinées principalement à faire fonctionner les administrations et à investir (les infrastructures par exemple). Les prélèvements obligatoires recouvrent, d’une part, les impôts (incluant les taxes), d’autre part, certaines cotisations sociales, les cotisations sociales "effectives" (réellement versées) obligatoires reçues par les administrations publiques. Les cotisations sociales volontaires, comme les cotisations sociales, même obligatoires, versées à d’autres organismes que des administrations publiques, ne sont pas des prélèvements obligatoires. La politique budgétaire consiste à agir sur les deux moyens d’actions que sont les dépenses et les recettes. L’action par les dépenses publiques est le résultat d’une volonté d’intervention forte de l’Etat. Elle se traduit par une

croissance des dépenses publiques, et au sein de celles-ci, par une prépondérance des dépenses à fort effet d’entraînement sur l’économie (infrastructures, travaux publics des agents vers tel ou tel domaine). L’action par les recettes peut servir à couvrir les dépenses publiques, mais également à atteindre des objectifs économiques et sociaux. La politique fiscale (les impôts) peut être utilisé pour modifier la répartition du revenu national ; pour relancer tel ou tel secteur, pour orienter les dépenses des agents vers tel ou tel domaine.

Fig 1 : Taux de prélèvement obligatoires en France

4141,5

4242,5

4343,5

4444,5

4545,5

46

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

2006

Source : Ministère de l'Economie et des Finances

44,644,5

4444,5

43,843,7

43,743,9

43,743,9

44,144,5

45,5

46 45,9En % du PIB

44,9

43,8

44,1 43,8

43,1

42,9

43,2

44,4

La différence entre les recettes et les dépenses de l’Etat forme ce que l’on appelle le solde budgétaire. Un solde négatif correspond à un déficit budgétaire9 (Dépenses > Recettes). Un déficit budgétaire correspond généralement à un choix de politique économique. Les dépenses publiques cherchent à soutenir la demande (consommation, investissement, exportations) des différents agents économiques (ménages, entreprises). Le déficit budgétaire peut être financé de deux manières : par émission de monnaie (planche à billets, outil de moins en moins utilisé en Europe, notamment depuis la création et le statut d’indépendance de la Banque Centrale Européenne) ou par émission de titres ou encore l’emprunt10 (l’Etat émet des titres sur le marché financier (emprunt Balladur) afin de financer une intervention de l’Etat sur l’activité économique). Depuis de nombreuses années, la politique budgétaire fait l’objet de nombreuses controverses entre les économistes libéraux et keynésiens. La pensée libérale interdit toute intervention de l’Etat et recherche par là même l’équilibre du budget de l’Etat. Comme le budget ne participe pas à la dynamique économique, la pression fiscale devra être modérée. Pour les keynésiens, une politique de dépenses soutenues contribuerait à rapprocher l’économie nationale du plein emploi et la politique budgétaire serait un puissant levier de dynamisme économique. En relançant l’activité, le budget génère en effet des effets d’entraînement positifs sur l’ensemble de l’économie (on parle d’effet multiplicateur).

B. La politique monétaire

La politique monétaire a pour objet de procurer à l’économie la quantité de monnaie nécessaire à la croissance économique et à la réalisation du plein emploi tout en respectant la stabilité de la

9 Déficit public et dette publique ne doivent pas être confondus. La dette publique représente l’ensemble des emprunts contractés par l’Etat (obligations d’Etat, bons du trésor). Ces emprunts comme leur remboursement, ne figurent pas dans le budget de l ’Etat. Seuls les intérêts de cette dette sont inscrits dans le budget comme une charge, c’est-à-dire une dépense que l’Etat doit faire chaque année au profit des créanciers de l’Etat. 10 L’emprunt permet d’équilibrer le besoin de financement de l’Etat et constitue une forme d’épargne.

monnaie au niveau interne (stabilité des prix) et au niveau externe (stabilité du change). A partir des objectifs économiques (taux de croissance de l’activité économique, taux de chômage, équilibre extérieur...) établis par l’Etat, les autorités compétentes (les banques centrales) se fixent des objectifs monétaires dont la réalisation nécessite le recours à un certain nombre d’instruments spécifiques.

1. Les objectifs de la politique monétaire

Les autorités monétaires ont en général recours à trois instruments, qui sont leurs moyens d’actions. Il s’agit de contrôler le taux de croissance de la masse monétaire, le niveau des taux d’intérêt et celui du taux de change.

- Le contrôle du taux de croissance de la masse monétaire s’effectue depuis 1977 par l’intermédiaire des agrégats monétaires (M1, M2, M3, M4). La fixation des limites à la progression annuelle des agrégats monétaires permet d’éviter des risques de tension sur les prix et d’indiquer aux agents économiques les principaux choix effectués en matière monétaire. M3 est actuellement l’indicateur privilégié par la Banque de France et la plupart des banques centrales européennes. Les autorités monétaires exercent également une surveillance continue sur un agrégat de financement : l’endettement intérieur total.

- Les taux d’intérêt sont des instruments qui permettent à la Banque Centrale d’agir directement sur le comportement des agents économiques (l’investissement des entreprises, l’épargne des ménages et son contenu : actifs réels ou monétaires).

Exemple : des taux d’intérêt trop élevés, augmentent le coût du crédit. Une entreprise pourra chercher à financer son investissement par l’intermédiaire du marché financier (grâce notamment à une émission de titres).

- Le change, et plus précisément la position du Franc sur le marché des changes, était étroitement surveillé par la Banque de France. Cette dernière s’attachait à réguler le cours de la monnaie nationale par rapport aux monnaies étrangères (exemple de la parité Mark/Franc). L’évolution du cours d’une monnaie conditionne la compétitivité d’un pays par rapport à ses concurrents. Durant les années 1980, trois dévaluations rythmèrent la politique économique française. La première (octobre 1981) intervint après plusieurs vagues spéculatives et peu après que le budget voté à l’automne eut entériné la politique de relance. La deuxième (juin 1982) marqua le premier tournant vers une politique plus restrictive. Le plan d’accompagnement de la dévaluation donnait priorité à la lutte contre l’inflation en instaurant un blocage des prix et des revenus qui s’avérera d’une très grande efficacité. La troisième (mars 1983) coïncida avec le plan d’austérité du gouvernement. Ce dernier à réduire la demande globale afin de revenir en deux ans à l’équilibre de la balance des paiements. Il comportait trois volets principaux : une augmentation des prélèvements qui portait pour l’essentiel sur les ménages, une réduction des dépenses du secteur administratif et public et différentes dispositions visant à stimuler l’épargne et à limiter les achats de devises. Les deux mesures les plus importantes concernèrent l’emprunt obligatoire de 10% de l’impôt sur le revenu ou la fortune (14 milliards de francs) et un prélèvement de 1% sur le revenu imposable, reconductible, destiné à financer la sécurité sociale (18 milliards de francs). Ce prélèvement fût supprimé en 1985. Le plan de rigueur a contribué à réduire la croissance du PIB de 0.6% en 1983 et 0.4% en 1984. Le redressement du déficit extérieur en 1983 fût du même ordre de grandeur que la détérioration de 1982.

Depuis l’introduction de l’Euro (monnaie unique) et la création de l’Union Economique et Monétaire, la politique de change est gérée par la Banque Centrale Européenne qui s’est fixée comme principal objectif la stabilité des prix.

2. Les instruments de la politique monétaire

L’action des autorités monétaires sur la création de monnaie peut s’effectuer soit par un contrôle indirect du crédit visant à agir sur la liquidité bancaire, soit par un contrôle direct s’appuyant sur un encadrement du crédit.

→ Le contrôle indirect du crédit revient pour la Banque de France, à agir sur la liquidité bancaire par l’intermédiaire des taux d’intérêt et des réserves obligatoires.

La politique des taux d’intérêt permet de modifier les conditions dans lesquelles la Banque Centrale offre sa monnaie pour le refinancement des banques commerciales. Cette procédure, encore appelée réescompte, s’est pendant longtemps effectué à taux fixe, empêchant du même coup la Banque Centrale d’avoir une action suffisamment souple et rapide pour maîtriser l’octroi de crédit des banques et les mouvements spéculatifs des capitaux. Le refinancement des banques commerciales est actuellement assuré par les interventions de la Banque de France, à taux variable, sur le marché monétaire.

En ce qui concerne les réserves obligatoires, instituées en France dès 1967, elles avaient pour objectif d’obliger les banques commerciales à constituer des dépôts non rémunérés auprès de la Banque de France. Initialement assises sur les dépôts, elles ont été étendues à partir de 1971 aux crédits afin de mieux contrôler la création monétaire. Le système des réserves obligatoires permet ainsi à la Banque Centrale (en modulant le taux de réserves) de modifier le coût global de refinancement des banques commerciales.

→ Le contrôle direct de la progression des crédits passe par la pratique de l’encadrement du crédit. Ce système permet à la Banque Centrale de fixer une limite maximum au volume des crédits accordés par les banques commerciales, par rapport à une période de référence. Présentant de nombreux inconvénients (il figeait les situations bancaires, nuisait à la concurrence bancaire et s’accompagnait d’un volume important de crédits hors encadrement), ce système fût supprimé le 1er janvier 1985.

C. Les politiques keynésiennes

Selon Keynes, les économies contemporaines se caractérisent par une rigidité des prix (ajustement imparfait des prix), ne permettant pas de coordonner l’action des différents agents. L’équilibre de sous-emploi (équilibre du marché des biens et chômage sur le marché du travail) requiert ainsi l’intervention de l’Etat. Il revient alors à la politique économique de réguler la conjoncture en relançant la demande en période de récession et en la diminuant en période de surchauffe (politiques du Stop and Go). Si on représente l’économie fermée par les quatre équations suivantes : Y = C + I + G ; C = cY + C ; I = I ; F = tY

Où Y : Production et revenu distribué ; C : consommation ; I investissement ; G dépenses publiques ; c propension à consommer, t taux d’imposition ;C : consommation incompressible ; I : investissement (exogène) ; GIC ++ : demande autonome

Alors )()1(1

1 GICtc

Y ++−−

=

Le rapport (1 / 1 – c (1-t)) détermine l’effet multiplicateur d’une hausse de la consommation (C ), d’une hausse de l’investissement ( I ) et d’une hausse des dépenses publiques (G ) sur l’activité économique.

La régulation de la conjoncture peut s’effectuer au moyen de différents instruments. La politique budgétaire a longtemps été l’instrument privilégié : une relance des dépenses publiques permet d’accroître la demande effective, ce qui conduit sous l’hypothèse de prix fixes, à un accroissement de la production et de l’emploi. En économie fermée, le multiplicateur budgétaire (sans fiscalité, t = 0) équivaut à 1/(1-c). Il est d’autant plus fort que la propension marginale à consommer est élevée. La politique fiscale consiste à baisser les impôts pour permettre une reprise de la consommation des ménages. En économie fermée, le multiplicateur fiscal est égal à 1/1-c(1-t). On peut noter que la relance fiscale est moins efficace que la relance budgétaire (en effet, 1/ 1- c(1- t ) < 1/(1-c)). Ceci provient du fait qu’une baisse des impôts se traduit par une augmentation du revenu disponible, laquelle n’est pas intégralement consommée (l’épargne est une fuite). La politique monétaire doit permettre une détente des taux d’intérêt (offre de monnaie supérieure à la demande de monnaie), favorable à la reprise de l’investissement, cependant son effet sur l’activité est indirect. C’est pourquoi les keynésiens assigne à la politique monétaire un rôle d’accompagnement à la politique budgétaire (policy mix).

Si les keynésiens accordent une place de choix à la politique économique conjoncturelle, ils insistent néanmoins sur son efficacité conditionnelle, notamment dans un contexte d’ouverture sur l’extérieur. Ainsi l’efficacité d’une politique de relance budgétaire ou fiscale peut être altérée par plusieurs phénomènes :

- La relance budgétaire se traduit généralement par une augmentation des taux d’intérêt. En économie fermée, un déséquilibre (besoin de financement > capacité de financement) se traduit par un effet d’éviction : les emprunts d’état étant les plus recherchés (car plus rémunérateurs), ce sont les entreprises (et donc les agents privés) qui vont subir la raréfaction des capitaux disponibles et la hausse des taux d’intérêt. En économie ouverte, la hausse des taux d’intérêt attire les capitaux étrangers11 qui viennent combler le déséquilibre national et réduire les taux d’intérêt. Ainsi, l’effet d’éviction ne joue pas mais c’est au prix d’un endettement de la nation (exemple des USA).

- Le multiplicateur budgétaire est altéré par l’ouverture de l’économie, et plus spécifiquement par la fuite due aux importations. En effet, la valeur du multiplicateur est d’autant plus faible que la propension marginale à importer est forte.

- En situation de changes fixes, l’efficacité d’une politique de relance dépend de la mobilité internationale des capitaux (Modèle MUNDELL-FLEMING). Lorsque ces derniers sont immobiles, la relance budgétaire est sans effet sur l’activité réelle (en effet, si un pays augmente ses dépenses publiques, une partie de la relance part en importations, un déficit commercial apparaît, on assiste à une dépréciation du taux de change, la Banque Centrale doit alors intervenir pour soutenir la monnaie nationale, ce qui a pour effet de contracter la masse monétaire).

- Enfin, une politique budgétaire financée par emprunt occasionne une augmentation de la dette publique. Ceci est pénalisant pour une économie, surtout lorsque les taux d’intérêt sont supérieurs aux taux de croissance de l’économie.

11 Plus précisément, l’effet d’éviction ne joue pas pour les pays présentant suffisamment de garanties pour attirer les capitaux étrangers, mais il peut jouer pour des pays moins attractifs ou à risques qui ne trouvent pas les financements nécessaires ou à un coût élevé : ainsi, l’Etat Russe faute de pouvoir collecter l’impôt, a creusé son déficit budgétaire et émis , pour le financer des bons du Trésor qui n’ont pu trouver acquéreurs (des banques occidentales) qu’avec des taux d’intérêt très élevés (70 à 100% au cours de l’été 1998).

De même, l’efficacité de la politique monétaire est également soumise à certaines conditions :

- L’augmentation de l’offre de monnaie doit avoir une incidence notoire sur les taux d’intérêt (baisse).

- La baisse des taux d’intérêt (le coût du capital) doit se traduire par une relance de l’investissement. Toutefois, ce dernier dépend de nombreuses variables, imprévisibles (efficacité marginale du capital : anticipation de la demande par les entrepreneurs, pessimisme des chefs d’entreprises).

- La relation offre de monnaie – taux d’intérêt n’est pas le seul canal de transmission de la politique monétaire : la politique de crédit (contrôle), l’organisation bancaire (concurrence…) jouent également un rôle important.

- En situation de changes fixes, l’efficacité d’une politique monétaire dépendra de la mobilité internationale des capitaux (modèle MUNDELL – FLEMING). Lorsque les capitaux internationaux sont parfaitement mobiles, une politique monétaire expansive se traduira par une baisse du taux d’intérêt qui entraînera une sortie de capitaux, s’en suivront une dépréciation du taux de change et une intervention de la Banque Centrale (offre de devises et demande de francs : l’offre de monnaie se contracte et l’on revient à la situation initiale).

IV. Le modèle IS-LM

Le modèle IS-LM a été proposé par John Hicks (1904 – 1981) dans un article paru en avril 1937 dans la revue Econometrica et intitulé « Mr Keynes and the classics : a suggested interpretation», puis complété par les travaux de Hansen (1887 – 1975). Comme le rappelle Bernard Guerrien (2000, p. 264), le but de l’article était « de donner une version synthétique des principales idées contenues dans la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, publiée par Keynes en 1936 ». De ce point de vue, il constitue le socle de la macroéconomie keynésienne. Mais cet article pose également les bases d’une synthèse entre l’approche keynésienne et l’approche néoclassique. Les héritiers

de la pensée keynésienne (les post-keynésiens) ont critiqué les travaux de Hicks, rappelant que l’on ne pouvait réduire les paroles de Keynes à de simples équations. Toutefois, le modèle IS-LM reste aujourd’hui un excellent outil pédagogique et un excellent point de départ pour comprendre et analyser les politiques économiques mis en place par les différents Etats. Nous présenterons dans ce qui suit le modèle IS/LM en économie fermée, puis nous introduirons les variables d’actions (politiques budgétaire et monétaire) pour analyser les ajustements sur les différents marchés.

A. Présentation du modèle IS-LM

Le modèle IS-LM comporte trois marchés : celui des biens et des services, celui de la monnaie et celui des titres. Les biens sont soit consommés (on parle de biens de consommation), soit investis (on parle de biens d’équipement). La monnaie sert à la fois de moyen de transaction (l’équation quantitative de la monnaie rappelle que la demande de monnaie augmente en fonction de l’activité économique), de moyen de réserve (pour faire face aux imprévus) et de moyen de spéculation (la monnaie peut être utilisé pour effectuer certains gains). Les titres, généralement rémunérés, constituent une alternative à la détention de monnaie et l’investissement. Le modèle IS-LM se présente sous la forme de deux courbes, l’une représentant l’équilibre sur le marché des biens et services (IS), l’autre représentant l’équilibre sur le marché de la monnaie (LM). Il permet de déterminer simultanément l’équilibre sur ces deux marchés en établissant des relations entre le taux d’intérêt (i) et le niveau d’activité (Y).

- Dans le cadre de la courbe IS, il existerait une relation décroissante entre le niveau d’activité (Y) et le taux d’intérêt (i). Si le taux d’intérêt augmente, l’investissement diminue, or l’investissement par le jeu du multiplicateur détermine le niveau de production. Ceci peut être démontré en se référant aux deux équations suivantes : Y = C + I présente l’équilibre sur le marché des biens et des services (la production est composée de biens de consommation et de biens d’équipement) ; Y = C + S (le revenu se décompose en consommation et en épargne). Si l’on considère que tous les revenus tirés de la production sont effectivement distribués soit Y = Y), alors on obtient l’équilibre macroéconomique I = S, que l’on peut encore exprimer sous la forme I (i) = S (Y). L’investissement est une fonction décroissante du taux d’intérêt ; l’épargne est une fonction croissante du revenu.

A l’équilibre sur le marché des biens des services, il existerait donc une relation inverse entre i et Y. La courbe IS serait décroissante. La pente de la courbe IS sera déterminante pour comprendre l’effet des variations du taux d’intérêt ou/et du niveau d’activité. En effet, une augmentation du taux d’intérêt aura peu d’effet sur le niveau d’activité si la droite IS est très pentue (ce qui traduirait une influence limitée du taux d’intérêt sur le niveau d’activité ou de revenu).

Fig 2 : Courbe IS

(a) relation linéaire (b) courbe

- Dans le cadre de la courbe LM, il existerait une relation croissante entre le niveau du taux d’intérêt (i) et le niveau d’activité (Y). Plus le niveau d’activité est élevée, plus la demande de monnaie pour transaction (équation quantitative de la monnaie : M.v = p. Y) est importante. Comme l’offre de monnaie est fixée, le taux d’intérêt (qui est le prix de la monnaie) doit diminuer (la demande est supérieure à l’offre de monnaie). Ceci peut être démontré en se référant aux deux équations suivantes :

)()( 21 iLYLL += représente la demande de monnaie pour transactions ( )(1 YL ) et la demande de monnaie pour spéculation ( )(2 iL ). La demande de monnaie pour transaction est une fonction croissante du niveau d’activité. La demande de monnaie pour spéculation est une fonction décroissante du taux d’intérêt. Plus le taux d’intérêt (prix de la monnaie) augmente, moins il y a d’intérêt à conserver de la monnaie (et plus les perspectives de placer son épargne sont intéressantes). M = M représente l’offre de monnaie exogène (déterminée par l’Etat ou la Banque Centrale). L’équilibre sur le marché de la monnaie (offre = demande) fera apparaître l’équation suivante : )()( 21 iLYLM +=

A l’équilibre sur le marché de la monnaie, la relation entre i et Y serait croissante. La pente de la courbe LM est également déterminante pour comprendre les effets d’une modification des taux d’intérêt et/ou du niveau d’activité. Lorsque la courbe LM est peu pentue, une variation de l’activité économique a peu d’effet sur le taux d’intérêt. A l’inverse, quand la pente est forte, une faible variation de l’activité peut occasionner une forte variation du taux d’intérêt.

i

Y

i

Y

IS IS

Fig 3 : La courbe LM

La forme de la courbe LM dépendra de celle de la fonction de la demande de monnaie pour transaction (l’équation quantitative de la monnaie introduit également la vitesse de circulation de la monnaie) et de celle de la fonction de la demande de monnaie pour spéculation. La courbe LM peut être ainsi illustrée par trois phases (Généreux, 2000, p. 78). Dans la phase 1, la hausse du niveau d’activité n’a aucun effet sur le taux d’intérêt. Cela correspond à la trappe à liquidité. La demande de monnaie est parfaitement élastique au taux d’intérêt. Le niveau des encaisses spéculatives est tel que les agents acceptent de les réduire pour financer les transactions supplémentaires sans hausse du taux d’intérêt. Dans la phase 2, la demande de monnaie est imparfaitement élastique au taux d’intérêt, il faut une augmentation de i pour réduire les encaisses spéculatives et financer le développement de l’activité économique. Dans la phase 3, la demande de monnaie est parfaitement inélastique au taux d’intérêt, les encaisses spéculatives sont nulles. Une hausse de i ne peut pas dégager les encaisses qui seraient nécessaires au financement de l’activité économique.

- L’équilibre du modèle IS-LM repose donc sur un couple (i,Y) qui vérifie à la fois l’équilibre sur le marché des biens et services (courbe IS) et l’équilibre sur le marché de la monnaie (courbe LM). Ce couple est donné graphiquement par l’intersection des courbes IS et LM.

i

Y

i

Y

LM LM

LM

Y

LM i

Si l’économie nationale se situe à gauche de la courbe IS, cela signifie que l’offre globale est inférieure à la demande globale, et que le marché des biens et services est déséquilibré. On a une demande excédentaire de biens qui va exercer une pression sur Y. Dans le cas inverse, l’offre globale est supérieure à la demande globale, l’offre excédentaire exercera une pression à la baisse sur Y. Si maintenant l’économie nationale se situe à gauche de LM, le taux d’intérêt sera trop élevé et la demande de monnaie trop faible pour assurer l’équilibre du marché de la monnaie, l’offre excédentaire de monnaie exercera une pression à la baisse du taux d’intérêt. Dans le cas inverse, un taux d’intérêt trop faible engendrera une demande de monnaie trop importante. La demande excédentaire de monnaie exercera une pression à la hausse du taux d’intérêt. Au final, les valeurs d’équilibre de i et de Y (i*, Y*) dépendent de la forme des courbes IS et LM (comportements des agents économiques) mais également des dépenses publiques de l’Etat et de la masse monétaire mise en circulation. Ces dernières sont des instruments d’action dont les autorités publiques peuvent se servir dans le cadre de la politique économique.

B. Le modèle IS-LM et la politique économique

Le modèle IS-LM permet de mettre en évidence les différentes variantes de la politique économique et d’analyser l’efficacité d’une politique budgétaire, d’une politique monétaire ou d’un policy mix.

- Une politique budgétaire expansionniste consiste à augmenter les dépenses publiques de manière à exercer un effet multiplicateur sur la production et l’activité économique, ceci à masse monétaire échangée. L’ampleur des effets est mesurée par le déplacement de IS vers la droite. Une variation des dépenses publiques affecte à la fois le niveau de production (revenu) et le taux d’intérêt d’équilibre. Le passage de l’équilibre (A) à l’équilibre (C) peut se décomposer en deux mouvements. A taux d’intérêt inchangé, la hausse du revenu du fait que le multiplicateur joue à plein, devrait amener le revenu de Y* à Y². Cependant, la hausse de l’activité économique engendre une demande de monnaie supplémentaire (motif de transaction). Sur le marché monétaire, cette hausse de la demande de monnaie entraîne une hausse du taux d’intérêt (i* à i°) et une baisse du revenu (Y² à Y°). En effet, la hausse du taux d’intérêt freine l’investissement privé (effet d’éviction) et du même coup le niveau de la production. L’effet final sur la production est donc plus faible que prévu par le seul calcul du multiplicateur.

i LM

IS

Y Y*

i*

Les enchaînements d’une politique budgétaire peuvent être résumés par le schéma suivant :

L’efficacité de la politique budgétaire est ainsi conditionnée par le multiplicateur (il faut une propension à consommer) ; une demande de monnaie peu élastique au revenu (Y ne doit pas générer une forte demande de monnaie, ce qui est possible si la vitesse de circulation de la monnaie est importante) ; une demande de monnaie fortement élastique au taux d’intérêt (une faible hausse de i suffirait à réduire la demande de monnaie pour motif de spéculation et à satisfaire la demande de monnaie pour transaction) ; une faible élasticité de l’investissement au taux d’intérêt (afin que I soit peu déprimé par la hausse de i) ; des capacités de production inutilisées et une offre de biens et services élastique à court terme.

- Une politique monétaire expansionniste se traduit par une augmentation de l’offre de monnaie et donc un déplacement de LM vers la droite ( 0LM à 1LM ).

La hausse de l’offre de monnaie va engendrer une baisse du taux d’intérêt (i° à i*) sur le marché de la monnaie, ce qui va stimuler l’investissement sur le marché des biens et services. La hausse de l’investissement aura un effet multiplicateur sur le niveau d’activité. Apparemment, la politique monétaire aurait des effets plus appréciables que la politique budgétaire puisque le niveau d’équilibre du couple (i, Y) se traduit par un niveau d’activité plus élevé et un taux d’intérêt plus faible.

i LMM 0IS

Y Y*

i*

B A

C

Hausse des dépenses publiques

Effet multiplicateur sur Y

Hausse de la demande de monnaie de transaction

Hausse du taux d’intérêt

Baisse de l’investissement

i 0LM 0IS

Y Y*

i*

A

B

1LM

IS1

Les enchaînements d’une politique monétaire peuvent être résumés par le schéma suivant :

L’efficacité de la politique monétaire est alors conditionnée par une demande de monnaie peu élastique au taux d’intérêt (une forte baisse de i sera nécessaire pour que les agents acceptent d’absorber la monnaie nouvellement créée) ; une forte élasticité de l’investissement au taux d’intérêt (l’investissement sera ainsi fortement stimulé par une baisse du taux d’intérêt) ; un multiplicateur élevé (propension à consommer forte) ; des capacités de production inutilisées et une offre de biens et services élastique à court terme.

- La combinaison des deux politiques (policy mix) est une autre manière d’atteindre l’objectif de plein emploi sur un marché des biens et services et un marché de la monnaie équilibrés. C’est le cas lorsque le déficit public occasionné par la politique budgétaire est financé par une émission de monnaie. La politique budgétaire engendre un déplacement de IS vers la droite et la politique monétaire se traduit par un déplacement de LM également vers la droite. Dès lors, l’effet pervers de la politique budgétaire (hausse du taux d’intérêt et baisse de l’investissement) peut être neutralisé par la politique monétaire qui maintiendra le taux d’intérêt constant. Ainsi, au fur et à mesure que la relance de l’activité économique par la dépense publique entraîne une hausse de la demande de monnaie, la banque centrale alimente le marché monétaire (offre de monnaie à un taux d’intérêt inchangé).

1IS

On le voit, la politique économique renvoie à un ajustement du couple (i, Y), lequel traduit à la fois un équilibre sur le marché des biens et services (courbe IS) et un équilibre sur le marché de la monnaie (LM). L’objectif de plein emploi est alors possible si et seulement si la fonction de consommation (propension à consommer) et la fonction de demande (demande pour transaction et spéculation, vitesse de circulation de la monnaie) sont connues et estimables. Si le modèle IS/LM permet d’appréhender les conséquences d’une intervention de l’Etat (budget, monnaie) dans l’économie, il convient toutefois de signaler les limites d’une telle approche.

Premièrement, tous les ajustements se font sans variation du niveau général des prix. L’analyse keynésienne fait l’hypothèse que les prix sont fixes à court terme et que ce sont les quantités qui s’ajustent. Le plein emploi est atteint par une hausse de la demande globale.

Deuxièmement, la création de monnaie est considérée comme exogène. En d’autres termes, les autorités ont la possibilité de faire varier l’offre de monnaie à leur guise. Cette hypothèse est largement remise en cause par la politique monétaire des banques centrales. Ces dernières préfèrent jouer sur le taux d’intérêt plutôt que sur la quantité de monnaie en circulation.

Hausse de l’offre de monnaie

Baisse du taux d’intérêt

Hausse de l’investissement

Effet multiplicateur sur le niveau d’activité

i

0LM

0IS

Y Y*

i*

C A

1LM B

Troisièmement, malgré leur place dans l’œuvre de Keynes, aucun rôle n’est donné aux anticipations. Or ces dernières ont des conséquences importantes en matière d’investissement. C’est en effet la demande anticipée (efficacité marginale du capitale) qui va conditionner l’investissement et occasionner un effet multiplicateur sur l’activité économique.

Quatrièmement, le modèle IS-LM est généralement présenté en économie fermée. Or l’économie ouverte nécessite d’introduire le commerce international (importations, exportations), le régime de taux de change (fixe ou flexible) et le degré de mobilité des capitaux. On fait alors référence au modèle de Mundell-Flemming. Dès lors, une variation des taux d’intérêt engendre une entrée ou une sortie de capitaux, donc une balance des capitaux excédentaire ou déficitaire. Les résultats en termes d’efficacité dépendront du régime des changes et de la mobilité des capitaux.

- En régime de change fixe, la politique monétaire perd de son efficacité alors que la politique budgétaire garde une certaine légitimité. La politique budgétaire engendre une hausse de l’activité nationale (hausse de la production grâce à l’effet multiplicateur) ; une dégradation des échanges extérieurs (le circuit économique rappelle que les importations sont une fuite, donc que la hausse des revenus se traduit par l’achat de biens étrangers), c'est-à-dire un déficit de la balance des transactions courantes ; une hausse du taux d’intérêt (hausse de la demande de monnaie, et contraction de l’offre de monnaie due à une baisse des réserves de change). Une politique monétaire expansive (hausse de l’offre de monnaie) engendre une baisse des taux d’intérêt, ce qui provoque une sortie des capitaux et une hausse des importations. Il en résulte un déficit de la balance des transactions courantes et une dégradation du taux de change. La Banque centrale va puiser dans ses réserves de change pour remédier à cette situation, ce qui est contraire à l’effet recherché. L’effet de relance des deux politiques dépend du degré de mobilité des capitaux. Si les capitaux sont mobiles, ils sont attirés par le taux d’intérêt et viennent augmenter la masse monétaire, entraînant une baisse du taux d’intérêt (l’effet de relance est renforcé). Si les capitaux sont peut mobiles, le taux d’intérêt sera élevé.

- En régime de change flexible, l’influence de la politique budgétaire diminue avec la mobilité des capitaux. La politique monétaire devient efficace. Une relance budgétaire est partiellement inefficace suite à l’éviction par le taux de change. Une politique budgétaire expansionniste entraîne deux effets opposés sur le taux de change. Elle tend d’une part à provoquer une hausse des taux d’intérêt et favorise une entrée de capitaux qui doivent se traduire par une appréciation du taux de change. Elle tend d’autre part à générer une hausse des importations qui conduit à une dépréciation du change. Le résultat de ces deux effets dépend du degré de mobilité des capitaux. Si la mobilité des capitaux est forte, le change s’apprécie à la suite de l’entrée des capitaux, et diminue la compétitivité prix des produits nationaux. L’effet de la relance de la politique budgétaire est donc neutralisé. Si la mobilité des capitaux est faible, l’accroissement des importations provoque une dégradation de la balance des transactions courantes, et une dépréciation du taux de change qui conduira à une hausse des exportations. La politique budgétaire est à nouveau efficace. Une politique monétaire expansionniste entraîne quant à elle une diminution du taux d’intérêt et une dépréciation du change (hausse des importations combinée à une sortie de capitaux). L’amélioration de la compétitivité prix renforce les effets d’une relance monétaire.

C. La remise en cause des politiques keynésiennes

Les critiques les plus virulentes de l’efficacité des politiques conjoncturelles ont été formulées par des économistes tels que Hayek, Friedman et les monétaristes, Laffer et l’Ecole de l’offre, Lucas et les nouveaux classiques, Nordhaus et l’Ecole du Public Choice.

1. La critique hayeckienne

Pour comprendre l’attitude d’Hayek à l’encontre des préceptes keynésiens, il convient de replacer la parution de l’ouvrage « Prix et production » (1931) dans l’histoire des idées. Cet ouvrage a été publié après le Traité de la monnaie (1930) et avant la première édition de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936) de Keynes. L’argument fondamental développé dans le livre d’Hayek est que « l’expansion du crédit conduit à une affectation erronée des facteurs de production, du travail en particulier, en les dirigeant dans des emplois qui cessent d’être rentables dès que l’inflation cesse de s’accélérer » (1975, p. 57). Hayek rappelle que les espoirs suscités par la théorie keynésienne ont été amèrement déçus durant les années 70. Keynes se serait basé sur l’hypothèse d’une corrélation positive « simple » entre la demande globale et le niveau de l’emploi, et sur le fait que le niveau du chômage pouvait être combattu par un accroissement de la demande globale. Or l’application de cette théorie a non seulement entraîné de l’inflation mondiale en échouant dans une prévention durable du chômage mais se trouve être à long terme la cause d’un chômage beaucoup plus important que celui s’elle entendait combattre.

2. La critique des monétaristes

Pour comprendre les critiques développées par les monétaristes, et notamment Milton Friedman, à l’encontre des politiques keynésiennes, il convient de dissocier la politique budgétaire et la politique monétaire.

- La critique de la politique budgétaire s’appuie sur deux arguments : la remise en cause de la stabilité de la fonction de consommation et le financement du déficit public par émission de titres. D’un côté, Friedman a remis en cause la fonction de consommation keynésienne en introduisant sa théorie du revenu permanent. Il souligne que la consommation ne dépend pas du revenu courant, mais bien de la richesse, ou en première approximation, du revenu permanent (c'est-à-dire des revenus passés et futurs de l’individu). Il n’y aurait dès lors plus de relation stable entre le revenu courant de la période et la consommation de cette même période, donc plus de stabilité de la fonction de consommation, de la propension à consommer ni du multiplicateur. La politique budgétaire serait donc inefficace à court terme et déstabilisante à moyen terme. D’un autre côté, le financement des dépenses publiques par émission de titres engendrerait un effet d’éviction. Pour Friedman, les dépenses gouvernementales financées par l’emprunt public ne font que remplacer un volume approximativement égal de dépenses privées (notamment l’investissement). De nombreux arguments ont été avancés pour appuyer cette thèse. D’une part, l’accroissement de l’intervention de l’Etat accroîtrait la méfiance des investisseurs privés, modifierait leurs anticipations et diminueraient l’efficacité marginale du capital. L’investissement public supplémentaire serait ainsi contrebalancé par la diminution de l’investissement privé. D’autre part, l’accroissement de l’intervention de l’Etat pose un problème de financement que l’on peut régler en procédant soit par l’impôt (une hausse de l’impôt diminue cependant le revenu disponible, donc la consommation des agents économiques), soit par emprunt. Dans ce dernier cas, l’Etat risque d’engendrer des tensions sur le marché financier. Il lui faudra effectivement proposer une rémunération attractive (un taux d’intérêt élevé) pour attirer les épargnants. Cette hausse des taux d’intérêt sera de nature à diminuer l’investissement privé. Enfin, la condamnation de la politique budgétaire ne doit pas faire oublier que les monétaristes considèrent que le marché est le mécanisme d’allocation optimale des ressources. L’augmentation des dépenses publiques pourrait donc à terme générer une extension du poids de l’Etat, du secteur public au détriment du secteur privé.

- La critique de la politique monétaire renvoie quant à elle à deux affirmations. D’une part, la monnaie est toute puissante. D’autre part, la politique monétaire est impuissante. D’après les monétaristes, la monnaie joue un rôle important dans l’économie, elle est notamment une source de fluctuations de l’activité économique. Un dérèglement de l’émission monétaire entraînerait donc des crises. Dans leur « Histoire monétaire des Etats-Unis » (1963), Milton Friedman et Anna

Schwartz vont chercher à renverser l’analyse traditionnelle keynésienne en s’appuyant sur les préceptes de la théorie quantitative de la monnaie ( Mv = p T). Constant que le stock de monnaie avait diminué d’un tiers au cours de la crise de 1929, ils font de cette contraction la cause principale de la crise économique. De la même manière, les hyper-inflations allemande (1922-1923), hongroise (1945-1946) et grecque (1943-1944) durant lesquelles la masse monétaire fût multipliée par plusieurs milliards illustreraient les cas de dérèglement du système économique par des dérèglements dans l’émission de monnaie (Abraham-Frois, 1991). C’est donc par la réhabilitation de la théorie quantitative de la monnaie que Milton Friedman entend répondre à la théorie keynésienne. Il oppose la stabilité de la demande de monnaie à l’instabilité de la consommation et du multiplicateur keynésien. La politique monétaire apparaît dès lors inefficace pour deux raisons. (1) Tout d’abord, en vertu de la dichotomie entre la sphère réelle et la sphère monétaire, un accroissement de monnaie ne peut pas faire diminuer le taux d’intérêt. L’effet de liquidité serait en effet compensé par un effet revenu et un effet prix. La hausse de la quantité de monnaie en circulation engendre une hausse des revenus nominaux, ce qui entraîne un accroissement des encaisses désirées et de la demande de monnaie qui compense l’effet initial de liquidité. Par ailleurs, la hausse de la création monétaire entraîne une hausse des prix et des anticipations à la hausse. L’aggravation de ces dernières se traduit nécessairement par un relèvement des taux nominaux d’intérêt que les prêteurs exigent et que les emprunteurs acceptent de payer. (2) Ensuite la politique monétaire ne peut pas agir sur le taux de chômage sauf pour des périodes très brèves. Milton Friedman reviendra ici sur ce que l’on appelle la courbe de Phillips12. Cette dernière traduit l’existence d’une relation inverse entre une variable réelle (le taux de chômage) et une variable monétaire (le niveau général des prix). Pour diminuer le taux chômage, il faudrait ainsi accepter une hausse de l’inflation (et vice versa). Cette relation va à l’encontre des préceptes monétaristes selon lesquels il existerait une dichotomie entre les sphères réelles et monétaires. La réponse de Friedman va se faire en deux temps. Dans un premier temps, il explique le phénomène décrit par la courbe de Phillips par des erreurs d’anticipation de la part des agents économiques, qui n’arrivent pas à distinguer entre une hausse des prix relatifs et une hausse du niveau général des prix (erreurs dues aux variations inopinées de l’offre de monnaie). Friedman suppose que l’existence d’anticipations adaptatives. Les erreurs des agents économiques se font ainsi sentir sur plusieurs périodes tout en s’amortissant progressivement13 (à moins que les autorités monétaires ne maintiennent les agents dans l’erreur en provoquant une accélération de la hausse des prix, via la création monétaire). Dans un second temps, il existerait un taux de chômage qui correspond au plein emploi, le taux de chômage naturel, influencé exclusivement par des facteurs réels. Dans ces conditions, la politique monétaire ne peut diminuer le niveau de chômage. La manipulation de l’offre de monnaie serait sans effets sur une variable réelle telle que le chômage.

3. La critique des nouveaux classiques

Dans les années 70, ce que l’on appelle communément les nouveaux classiques (Lucas, Barro) vont introduire une hypothèse encore plus radicale que les monétaristes, l’hypothèse des anticipations rationnelles. L’idée selon laquelle les agents pourraient être trompés durablement par les autorités monétaires n’était pas tenable et les nouveaux classiques ont cherché à introduire l’hypothèse d’anticipations rationnelles tout en réitérant la force de l’équation quantitative de la monnaie. Deux

12 Ajoutons que la courbe de Phillips a été présentée comme l’équation qui manquait à la théorie keynésienne (les prix sont fixes à court terme). Celle qui lui permettait d’introduire une relation entre l’emploi (le niveau de chômage) et les prix (l’inflation). 13 L’enchaînement peut se présenter de la manière suivante. L’accroissement de la monnaie engendre une baisse des taux d’intérêt, donc une hausse de l’investissement, une hausse de la production et des revenus distribués. Si l’agent économique consomme davantage, c’est qu’il est victime d’une illusion monétaire. Il n’a pas anticipé que l’accroissement de quantité de monnaie en circulation allait engendrer une hausse des prix, et donc une baisse de son pouvoir d’achat. La notion d’anticipation adaptative ne fait donc que déplacer le problème. La politique monétaire est inefficace car tôt ou tard, les agents économiques ajusteront leurs comportements en fonction de l’information qu’ils détiendront.

remarques méritent ici d’être signalées. D’une part, les agents économiques parviennent à intégrer dans leurs plans – grâce à leurs anticipations rationnelles – toute politique monétaire annoncée à l’avance. Dès lors, toute politique monétaire visant à relancer l’activité économique, est condamnée d’avance (sauf si les autorités monétaires sont capables d’engendrer des chocs intempestifs14). D’autre part, les nouveaux classiques expliquent les fluctuations économiques par des chocs réels (théorie des cycles réels). Ce qui leur a permis de développer la théorie de la croissance endogène et du chômage d’équilibre.

4. La critique de l’économie de l’offre

L’économie de l’offre est un courant du libéralisme contemporain qui s’inspire des travaux de Adam Smith et de Jean-Baptiste Say. Dans les années 80, il a inspiré les politiques conduites par Ronald Reagan aux Etats-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni. Arthur Laffer (1940 - ) est considéré aujourd’hui comme le chef de file de l’Ecole de l’Offre, « Supply Side ». Il est l’auteur d’une courbe qui porte son nom, la courbe de Laffer, laquelle tente de montrer que « trop d’impôts tue l’impôt ». Cette proposition n’est pas nouvelle en soi. En 1776, Adam Smith rappelait dans le chapitre 2 du livre V de ses Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations que « l’impôt peut entraver

l’industrie du peuple et le détourner de s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail, qui fourniraient de l’occupation et des moyens de subsistance à beaucoup de monde. Ainsi, tandis que d’un côté il oblige le peuple à payer, de l’autre, il diminue ou peut être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le mettre plus aisément dans le cas de le faire ». De son côté, Jean Baptiste Say précisait dans son Traité d’économie politique (1803) « qu’un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte ». Il revient cependant à l’économiste américain, d’avoir théoriser et populariser cette proposition dans les années 70. La courbe de Laffer établit une relation entre la pression fiscale (taux d’imposition, t) et les recettes fiscales (T). Lorsque le taux d’imposition s’accroît, les recettes fiscales augmentent pour atteindre un maximum (Tmax). Mais si le taux dépasse la valeur t*, les impôts perçus diminuent car l’effet désincitatif sur l’offre de travail (effet substitution) l’emporte sur l’effet de la hausse du niveau de taxation (effet revenu). La courbe de Laffer a ainsi la forme d’une cloche. Pour un taux d’imposition nul, les recettes fiscales sont inexistantes ; pour un taux d’imposition de 100%, les agents économiques cesseraient de travailler.

La courbe de Laffer a eu un grand succès politique et médiatique. L’influence d’Arthur Laffer fût importante auprès des autorités américaines. Il influença notamment la politique fiscale de Ronald Reagan15 en impulsant des réductions massives d’impôts en 1981 avec the Economic Recovery Tax

14 Cette question est actuellement débattue au sein des hautes instances monétaires. Pour influencer les marchés financiers et monétaires, les différents gouverneurs des Banques Centrales (BCE, Reserve Federal...) doivent être à la fois crédibles et imprévisibles (une partie de leurs décisions doit échapper aux anticipations du marché). 15 Arthur Laffer a été un membre fondateur du Comité consultatif de Ronald Reagan lors de la course à l’élection présidentielle de 1980. Il a également été membre de l’Economic Policy Advisory Board de Reagan pour deux de ses deux mandats (1981-1989) et membre du Comité exécutif de la Commission des Finances en 1984.

Act (ERTA), puis en 1986 avec le Tax Reform Act (TRA). Cette influence ne s’est pas limitée aux frontières des Etats-Unis. Le gouvernement de Margaret Thatcher (1979) et de John Major (1997) ont également appliqué avec succès les préceptes de l’économiste. Si la courbe de Laffer est simple à comprendre, une série de zones d’ombre doit être néanmoins soulignée. D’une part, le problème principal réside dans la détermination du seuil d’imposition au-delà duquel les agents diminuent leur offre de travail. Ce dernier est effectivement difficile à déterminer, il dépend de nombreux paramètres : conditions de vie (une personne qui ne pourrait pas satisfaire ses besoins primaires, aura tendance à travailler plus) ; motivations ; besoins… D’autre part, il peut y avoir plusieurs maxima locaux (sans que cela change fondamentalement les résultats). Ensuite, on ne sait pas grand-chose sur ce qui se passe entre le taux d’imposition égal à 0 et le taux d’imposition de 100%. La courbe peut très bien présenter une certaine discontinuité (sauts), monter et descendre, faire des boucles… Par ailleurs, le taux donnant le maximum de recettes fiscales peut varier au fil du temps en fonction de la conjoncture économique. En outre, il est difficile de faire la part des choses entre les nombreux facteurs qui entrent en jeu dans la relation recettes fiscales – taux d’imposition. Il faudrait prendre en compte l’évolution des besoins de l’Etat, la structure des prélèvements obligatoires, leur perception par la population ; l’histoire fiscale du pays ; les croyances des agents…). De plus, Laffer insiste sur le fait que l’effet substitution l’emporte toujours sur l’effet revenu. Or, il y a des personnes qui n’ont pas d’autre choix que de travailler plus maintenir leur pouvoir d’achat. Enfin, les études empiriques qui tentent de vérifier cette relation, aboutissent à des résultats très controversés. D’un côté, les pays baltes et la Russie semblent avoir enregistré un décollage de leur économie suite à la mise en place d’une tax flat inférieure à 35%. De l’autre, les pays nordiques dont le taux d’imposition a dépassé les 70% à une certaine époque sans toutefois entraîner les conséquences que prévoyait Laffer. Malgré ces critiques, les théoriciens de l’Offre insistent sur le fait que le seul moyen d’action de l’Etat passe par la réduction des impôts16. Il convient de réduire le poids des prélèvements obligatoires sur les entreprises et les ménages afin de ne pas pénaliser le travail et l’épargne. Il conviendrait également de diminuer la sphère d’intervention de l’Etat (à l’origine de la hausse des impôts) et de réduire l’endettement public.

5. La critique de l’Ecole du Public Choice

Dans le contexte des années 70 et de l’arbitrage inflation – chômage, William Nordhaus va chercher à prévoir quel type de politiques conjoncturelles seront choisies en s’appuyant sur le cycle électoral. Dans un article intitulé The Political Business Cycle et paru dans the Review of Economic Studies (1975), Nordhaus note qu’à l’approche des élections, les gouvernements sont tentés de créer de l’inflation (pour faire baisser le niveau du chômage à court terme et remporter ainsi les élections) qu’ils combattent ensuite. Nordhaus en conclut que les systèmes démocratiques vont choisir à long terme une politique de moindre chômage et de plus grande inflation que le niveau optimal. Les hypothèses de ce modèle sont les suivantes :

(1) l’électeur a des préférences politiques mais il module son vote en fonction des résultats des politiques économiques, spécialement en matière de chômage et d’inflation. Il est possible de donner une représentation graphique des préférences politiques. Il suffit de tracer des courbes d’isovote (chacune représentant la combinaison politique apportant un même résultat au parti de gouvernement) sur un axe horizontal identifié par le chômage et sur un axe vertical identifié par l’inflation. Si l’on suppose que l’électeur préfère peu de chômage et peu d’inflation, on obtient une série de courbes isovotes monotones décroissantes. Plus la courbe sera proche de l’origine (inflation et chômage bas), plus le parti recueillera de suffrages.

16 En avril 2006, le Trésor américain a annoncé que les recettes fiscales avaient atteint leur second point le plus haut de l’histoire à la suite des baisses d’impôt de 2003.

(2) L’électeur ne dispose pas d’informations suffisantes sur l’Etat de l‘économie, sur les options ouvertes aux décideurs politiques et leurs conséquences. Il ignore en particulier, au prix de quelles conséquences fâcheuses dans le futur a pu être obtenu un résultat qui semble bon aujourd’hui.

(3) Les partis ne cherchent qu’à engranger le plus grand nombre de voix possibles pour battre leurs rivaux lors des prochaines élections. Pour cela, ils essaient d’atteindre la courbe d’isovote la plus proche possible de zéro. Ils sont cependant contraints par les possibilités d’arbitrage dictées par l’économie.

(4) Les possibilités économiques sont représentées dans le même plan (courbe isovote en fonction du chômage et de l’inflation) par des équilibres de court terme (courbe de Phillips) et des équilibres de long terme. Dès lors, la courbe économique de long terme sera d’autant plus loin de l’origine (électoralement mauvaise) que l’on aura fait baisser artificiellement la courbe de court terme (électoralement bonne). A l’inverse, il est électoralement rentable de déformer la courbe de court terme pour se rapprocher d’une courbe d’isovote qui permet d’être élu, même si cela a pour effet de dégrader la courbe de long terme.

(5) Les électeurs se rappellent de moins en moins les évènements passés, l’Etat dispose ainsi de moyens pour déplacer, dans une certaine mesure, les bonnes et les mauvaises périodes.

Aux vues de ces hypothèses, le programme de maximisation prendra la forme suivante : immédiatement après l’élection, le parti gagnant augmentera le chômage jusqu’à un niveau assez élevé afin de combattre l’inflation. Puis, à l’approche de nouvelles élections, le niveau du chômage sera abaissé jusqu’à atteindre un taux qui ne tiendra aucun compte des conséquences inflationnistes à venir. Ce que l’on nomme aujourd’hui, le cycle politique, conduit à une évolution en dents de scie des taux de chômage et des taux d’inflation. Les gouvernements augmenteraient les dépenses publiques et relanceraient l’économie avant les échéances électorales afin d’être réélus, mais au mépris du respect des équilibres macroéconomiques.

Chômage

Inflation

Courbe d’isovote

6. Le principe d’équivalence de Ricardo-Barro

Le principe d'équivalence ricardienne (1821) postule que l'effet des dépenses publiques sur l'économie est totalement indépendant de la façon dont sont financées les dépenses et, tout particulièrement, du choix entre l'impôt (paiement immédiat), l'emprunt (paiement futur) ou la création monétaire. Robert Barro (1974) élargira l'analyse aux transferts intergénérationnels et James Buchanan (1976) en appliquera le principe aux politiques économiques keynésiennes, pour en montrer l'inefficacité.

- Ce principe repose sur une intuition initialement développée par David Ricardo et reformulée par Barro, selon laquelle la propension à consommer aurait une composante conjoncturelle et une composante stable. La première repose évidemment sur les revenus présents, la seconde sur la perception actuelle des revenus futurs et, plus globalement, sur le cycle de vie des revenus. Il s'agit donc clairement d'un cas d'anticipations rationnelles. L'application moderne de ce concept conduit à considérer qu'en cas de relance budgétaire financée par déficit, les agents économiques anticiperont la probabilité d'une hausse d'impôts futurs et augmenteront leur épargne pour s'y préparer, ce qui diminue les effets du multiplicateur keynésien traditionnel. En substituant la dette publique à l'impôt, le gouvernement ne modifie donc pas la valeur actuarielle des impôts futurs et, partant, le revenu permanent des ménages.

- Deux hypothèses jouent un rôle important : (1) En cas de financement par emprunt, les agents anticipent le surcroît d'impôt qui sera prélevé ultérieurement pour rembourser. En conséquence, ils épargnent le montant actualisé correspondant. Leur richesse globale comme leur consommation restent donc inchangées. (2) En cas de financement monétaire, les agents prévoient l'émission régulière de nouvelle monnaie et partant anticipent rationnellement l'érosion de leurs encaisses par l'inflation. Dès lors, ils épargnent pour reconstituer la valeur réelle de leurs encaisses. Il n'y a donc aucun effet multiplicateur sur la demande globale

- Le principe d’équivalence peut-être illustré dans le cadre du modèle IS-LM. L'augmentation du déficit public qui fait suite à une baisse des impôts entraîne normalement un déplacement de la courbe IS (de IS1à IS2) ce qui fait passer le revenu de Y1à Y2. Néanmoins, comme les agents économiques anticipent une augmentation des impôts destinée à rembourser la dette et accroissent leur épargne, la courbe IS2 revient à sa position initiale. En d'autres termes, la politique économique a une efficacité toute provisoire et accroît le cycle économique. Si l'on s'appuie sur des anticipations totalement rationnelles, la courbe IS ne change même pas de place et la politique macroéconomique est totalement inefficace.

Fig 2 : Principe d’équivalence dans le cadre du modèle IS - LM

Puisque la dette actuelle n'est qu'un impôt futur, les allégements fiscaux ne sont que des ajournements fiscaux. Sur un marché financier parfait avec des ménages rationnels, cela n'a aucune conséquence sur la consommation, à condition toutefois que la génération présente tienne compte du bien-être des générations futures. La dette publique devient alors substituable à l'impôt et la détention de titres publics n'est pas une richesse nette. Les ménages achètent aujourd'hui les titres d'Etat qu'ils revendront au moment où ils devraient payer leurs impôts.

La conséquence de l'équivalence est claire : le multiplicateur fiscal (réaction du produit national à une réduction d'impôt) est nul. La réduction des prélèvements obligatoires ne permet pas de relancer la consommation, la politique fiscale est totalement inefficace, ce qui va à l'encontre des modèles keynésiens ainsi que des modèles de cycle de vie avec générations égoïstes. Pour Barro, il n'existe pas de réductions permanentes de l'impôt car il faudra les financer tôt ou tard : si l'horizon des ménages est infini, l'allégement fiscal est toujours temporaire.

D. Les nouvelles contraintes de la politique économique

A côté du débat théorique, il convient d’ajouter que notre perception des problèmes économiques a évolué sous l’effet de deux phénomènes : la complexité accrue des économies et les progrès des connaissances théoriques et appliquées en économie.

1. Les économies se sont modifiées par des transformations incessantes

- L’émergence d’un système de production et de distribution plus complexe suite à la spécialisation et l’organisation des entreprises, l’apparition de nouveaux marchés, le développement du secteur financier (techniques bancaires).

- L’apparition de disparités croissantes entre les individus et groupes d’individus au sein d’une économie nationale (disparité des revenus, travail qualifié/non qualifié…). Parallèlement les comportements des agents économiques sont plus sophistiqués (mieux informés, utilisation des marchés financiers, comportements de consommation plus subtils). La contrepartie de cette sophistication est une volatilité croissante des comportements : une consommation plus variable, des flux financiers plus importants, des programmes d’investissements plus aléatoires (sans cesse repoussés selon la perception de l’avenir des chefs d’entreprises).

- L’ouverture incessante des économies, retranscrit par le phénomène de la mondialisation. Cette globalisation du monde a mis à l’ordre du jours des thèmes comme la coopération internationale et le regroupement régional (UE, ALENA, MERCOSUR, ASEAN…)

2. Une nouvelle perception théorique de la politique économique

Dans le court terme, il s’agit toujours de stabiliser l’activité économique, de faire en sorte que le taux de chômage et le nombre d’individus en situation précaire soient les plus faibles possibles. Il s’agit également de maîtriser et de stabiliser le taux d’inflation à un niveau optimal (inférieur à 3%). Enfin les autorités monétaires peuvent se donner un objectif de stabilité de la parité de leur monnaie vis à vis d’une devise internationale ou encore un objectif d’équilibre des échanges extérieurs. A long terme, l’objectif sera d’assurer un taux de croissance régulier et aussi élevé que possible. Au niveau des instruments de politique économique, les responsables ont toujours à leur disposition, l’arme monétaire, qui consiste à modifier les conditions dans lesquelles les agents privés disposent de moyens de paiement (et accèdent aux marchés financiers), l’arme fiscale en modulant les barèmes et l’assiette de l’impôt ou l’arme budgétaire (déficit budgétaire).

Cependant les économistes ont pris conscience des contraintes dynamiques, et plus précisément de la variable temps dans la pratique des politiques économiques. Dans le cas d’une politique

budgétaire, le déficit d’aujourd’hui, financé par emprunt, représentera une charge fiscale que les contribuables devront supporter demain (principe d’équivalence). Ce déficit réduira également les marges de manœuvre des responsables qui devront veiller à maintenir un équilibre des finances publiques. Dans le cas d’une politique monétaire, une manipulation trop fréquente des taux d’intérêt ou de la variation de la masse monétaire sera perçue par les opérateurs sur le marché financier comme une politique monétaire erratique et imprévisible. Ceci pourra les amener à intégrer dans les taux d’intérêt nominaux sur les prêts une prime de risque pour se prémunir contre les effets incertains de cette politique.

Les économistes ont d’autre part insisté sur le rôle déterminant des anticipations depuis les travaux de Robert Lucas (Prix Nobel de 1995). Plus connue sous le nom de « critique de Lucas », cette démonstration théorique rappelle que les agents économiques ne sont pas passifs et réagissent aux mesures annoncées ou appliquées en termes de politique économique. Ainsi les anticipations faites par les agents sur le futur de l’économie devraient changer avec la politique économique puisque celle-ci a pour ambition de modifier le cours futur des choses.

Comme les autorités publiques ne peuvent plus manipuler les instruments qu’elles contrôlent en négligeant les réponses des agents concernés, les économistes ont introduit l’idée de crédibilité et de règle de politique économique. Ainsi l’efficacité d’un programme économique va dépendre du comportement collectif des agents économiques (ces derniers peuvent assentir au programme qui leur soumis ou au contraire s’en défier et chercher à s’en protéger). .

Une pratique de la politique macroéconomique qui reste difficile. Il s’agit d’abord d’une difficulté d’ordre prévisionnel. Malgré les progrès considérables des méthodes statistiques et d’analyse des données, il est encore très difficile de faire des prévisions économiques dans le monde actuel. D’autant plus que l’horizon de la prévision dépasse rarement 12-18 mois, or les effets d’une politique économique apparaissent généralement au delà. C’est donc en anticipation de la conjoncture à venir qu’une mesure est adoptée. Il est important dans l’établissement d’un programme de politique économique de savoir gérer la durée de l’action publique. L’Etat doit alors gérer deux types de problèmes : la myopie ( le fait d’agir maintenant sans prendre en compte le fait que ces mesures affectent le comportement des agents économiques) et la précipitation (qui nuit à la crédibilité des mesures). Ensuite, une difficulté d’ordre sémantique, faute d’un consensus entre les spécialistes de la macroéconomie, les responsables de la politique économique ne peuvent s’appuyer sur un corps de doctrine reconnu par tous (exemple la possibilité pour la monnaie d’affecter la sphère réelle). Enfin, une difficulté d’ordre politique, les équipes au pouvoir s’efforceront toujours de se représenter devant les électeurs dans le contexte d’une conjoncture favorable (ce qui fait dire à certains, que la politique économique s’établira au rythme des rendez-vous électoraux).

Bibliographie ABRAHAM-FROIS G. (1986), Economie politique, Economica. AGLIETTA M., BRENDER A., COUDERT V. (1990), Globalisation financière : l’aventure obligée, Economica ARCHAMBAULT E. (1985), La Comptabilité nationale, Economica. CAHIERS FRANÇAIS (1979), La Nouvelle comptabilité nationale, n° 193, La Documentation française. DIARD M-C, GRELET C. (2005), La Nouvelle Comptabilité Nationale, Vuibert. FLOUZAT D. (1982), Analyse économique, Comptabilité nationale, Masson. FOURQUET F. (1980), Les comptes de la puissance, Coll Encres, Ed. Recherches, Paris. GRELET C. (2000), La Comptabilité Nationale, Vuibert, INSEE (1994), La comptabilité nationale, Courrier des statistiques, n°69, mars. INSEE (1999), La nouvelle base de la comptabilité nationale, Economie et Statistique, n° 321-322. INSEE (2008), « Comptes nationaux – deuxième trimestre 2008 », Informations rapides, n°227, 14 août, 8 p. MALINVAUD E. (1964), Initiation à la comptabilité nationale, 3ème édition, Imprimerie nationale. PIRIOU J.P (2006), La comptabilité nationale, Collection Repères, La Découverte, n°57. VANOLI (2002), Une histoire de la comptabilité nationale, Paris, La Découverte.