1. LA METROPOLE - Atelier International du Grand Paris · marché n’était peut-être pas une...

80
GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE 1. LA METROPOLE DU XXI ème DE L’APRES-KYOTO CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataire LABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d’urbanisme de Paris Université de Paris XII, co-traitant

Transcript of 1. LA METROPOLE - Atelier International du Grand Paris · marché n’était peut-être pas une...

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 1

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-1. XXXXXXXXXXXXXXGRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE

1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataireLABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d’urbanisme de Paris Université de Paris XII, co-traitant

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 2

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-1. INTRODUCTION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 3

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-1. INTRODUCTION

Cette étude intervient à un moment historique.

Il y a près de quarante ans le plan Delouvrier donnait un grand schéma d’ensemble pour construire la Région Parisienne. Après, à partir des années 70, l’idée de la planifi-cation a été peu à peu considérée comme dépassée, impropre à engager le futur. Après les années d’effort public de l’Etat, de la Caisse des Dépôts, pour reconstruire, répondre à la crise du logement, remplacer les bidonvilles, les investisseurs et acteurs privés ont pris le relais.

Pendant les trente glorieuses, la première croissance urbaine avait équipé et construit les cités qui ont permis de reloger les bidonvilles, crée la Défense et les villes nouvelles. Nous étions dans l’économie fordiste dominée par l’automobile et l’exode rural. Il fallait loger en quantité. La planification et l’urbanisme, que l’on a appelé le mouvement moderne, cherchait à municipaliser les sols, et dessinait les « plans masses » de logements collectifs. Soudain, avec l’entrée des opérateurs privés

dans les villes d’Europe, on a assisté à une recherche de modèle d’alternatifs biens visibles dans les villes nouvelles. Néo-moderne et néo-village, maisons, « new-urbanisme », après les certitudes, le désarroi ? Tout était essayé. Sans un mot, dans les ateliers d’urbanisme d’Europe, des Etats-Unis, on s’est mis à prôner un retour à la ville ancienne.Les années 80 ont été celles du dynamisme de l’économie libérale (Thatcher/Reagan) et la notion de vitesse du retour sur investissement a guidé, partout dans le monde, les efforts de construction. Dans de nombreux pays, l’urbanisme retardateur d’opération, contraignant a disparu alors. Dans l’espace des villes, la dynamique du privé a correspondu très vite à ce qui était appelé le chaos. Architectes et urbanistes s’opposaient sur les vertus ou le désastre de celui-ci.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 4

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Cette période de croissance urbaine s’est ensuite amplifiée selon un nouveau phénomène, une nouvelle étape : la conjonction de cette économie libérale et l’organisation du monde en réseau immatériel qui imposent le nouveau rythme d’une « cyber-économie ».En termes de pratique et de perception urbaine, cette période où apparaît le « chaos » urbain, la vitesse vertigineuse des urbanisations dans certains pays est aussi celle de l’obsolescence des « modes stylistiques », de la prolif-ération des essais de toutes sortes et de la diversité ad nauseum. Pour la première fois dans l’histoire, il n’y a plus un paradigme de la ville, reconnu par tous. On peut désigner là une rupture, le passage d’un âge à un autre.

Cette époque a beaucoup construit, mais en même temps Paris semblait fortement concurrencer par Londres comme métropole.

Les villes nouvelles s’agrandissaient, les « vides » qui les séparent de Paris se remplissaient et l’urbanisme se concentrait sur l’idée de projet urbain dans nos pays riches.La planification était rejetée, le regard vers le futur était obscurci, avec l’idée que les grands plans ne savaient jamais prévoir la vie réelle. Le marché n’était peut-être pas une boussole mais il rendait l’avenir visible en faisant croitre les villes, et vite. Une sorte de vision idéologique était même théorisée, qui empruntait à l’économie libérale le principe autorégu-lateur du marché, la fameuse « main invisible ». Ceci apparu avec la notion de « ville émergente » promue dans les années 90 qui évoquait l’idée que le « chaos » de l’urbanisation actuelle n’est qu’apparent et que la ville qui se prépare est une ville que nous ne savons pas voir, et repérer encore, une ville dont les vertus vont se révéler.

Nous nous opposions à cette idée. Nous pouvions en mesurer de façon massive et caricaturale les effets catastrophiques dans d’autres pays. L’exemple de

1-1. INTRODUCTION

Bref retours sur les mutations des politiques publiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme.

Les conditions générales rendant possible le pilotage du développement métropolitain ont profondément changé pendant la deuxième moitié du 20ème siècle tant au Nord qu’au Sud de la planète. Dans les années 1950 et 1960 nombre d’Etats, sans oublier les Etats les plus récents issus des processus d’indépendance post coloniale, recourent à la planification, soit impérative, soit indicative, pour mettre en oeuvre leur stratégie de développement national, dans un cadre autoritaire ou au contraire démocratique. Le marché est alors orienté ou contraint par les interventions publiques centrales et cela se traduit dans l’espace. Cet appareillage et cette régulation neokeynésienne sont abandonnés au cours des années 70 – 90 tant aux Etats-Unis qu’en Grande-Bretagne en raison de l’essor des idées et pratiques du libre-échange et du libéralisme économique dans le monde, de la disparition du système collectiviste, de l’effritement du fordisme, de l’influence croissante des institutions financières privées et des cycles raccourcis des retours sur investissement.

L’examen des politiques territoriales mises en œuvre en France durant les cinquante dernières années illustre l’ampleur des transformations qui ont régi les rapports de la société et de son territoire, à diverses échelles. Le rôle de l’Etat centralisé apparaît dominant pendant la reconstruction, puis pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1975) aux cours desquelles se déploie une politique nationale d’aménagement du territoire, pilotée par la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR) créée en 1963, et dépendante du Premier Ministre. L’Etat surplombe alors la société et édicte territo-rialement par des schémas et des politiques spécifiques ce qu’est l’intérêt général du pays. C’est l’époque de « la géographie volontaire ».

Huit métropoles doivent à terme équilibrer Paris, et elles sont privilégiées par d’importants programmes d’équipements publics pour

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 5

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Barra da Tijuca à Rio est éclatant à cet égard : le « marché » a produit, en vingt ans, quatorze kilomètres de ville formée de « gated communities », de bureaux et « shopping », le long de la côte, sans espace public, sans transports en commun, protégé contre les « favelas » voisines.Dans un tout autre registre, la reconstruction de Berlin Mitte dans la même période, ville dense classique, démontre qu’aucune réfléxion n’a été faite sur la rue et l’îlot à notre époque, même si le résultat fonctionne et ne présente aucun caractère désastreux de l’exemple brésilien, il y a aveuglement.

1-1. INTRODUCTIONleur permettre d’accueillir la croissance de type fordiste des entreprises – surtout industrielles – concentrées jusque là dans l’agglomération parisienne, à un moment où le pays s’industrialise fortement. Des villes nouvelles parisiennes et provinciales, la Défense sont créées sur initiative publique et les pouvoirs publics résistent alors aux fluctu-ations et cycles du marché immobilier. Le développement est impulsé par la puissance publique centrale qui mobilise des aides incitatrices à la localisation provinciale et des interdictions d’extension en région parisienne. Les plans d’urbanisme (POS et SDAU) et les permis de construire sont étudiés et validés par les services départementaux ministériels (Equipement et Agriculture). L’aménagement et l’urbanisme opérationnels sont dominés par l’ingénierie dite d’économie mixte de la Caisse des Dépôts et Consignations. Des réserves foncières sont portées financièrement par l’Etat central.

La décentralisation de 1982 transfère les compétences d’urbanisme aux communes et donc aux élus locaux et entame le monopole de l’Etat sur l’aménagement du territoire au profit des régions, les villes nouvelles retrouvant le droit commun peu après. Cette décentrali-sation a été préparée par une dizaine d’années de politiques contrac-tuelles entre l’Etat et les villes : villes moyennes, petites villes et pays, l’Etat dialoguant avec les élus, et n’agissant plus seul.

A partir des années 90 les investissements publics urbains sont majoritairement le fait des collectivités locales, qui découvrent la concurrence spatiale et l’égoïsme territorial pour maintenir ou attirer chez elles activités et population. Les prospectives locales se multiplient, même si les intercommunalités s’accroissent. L’agglomération parisienne n’est plus pourvoyeuse de surplus. Le contexte économique se mondialise. La planification territoriale devient stratégique, en amont

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 6

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Une déficience, une décadence de la pensée urbaine active, productrice, évolutive, caractérise notre temps depuis 30 ans.

1-1. INTRODUCTION des normes qui fixent le droit d’usage des sols, et réunit acteurs publics et privés, en particulier dans les plus grandes agglomérations pour concilier des perspectives communes. Si les SCOT et les PLU constituent toujours l’encadrement réglementaire public des opérations urbaines, les ZAC privées et le rôle des opérateurs privés s’amplifient. L’augmentation du nombre de ménages en accession à la propriété passe le plus souvent par la forme du lotissement, et en périphérie des agglomérations. Les forces du marché arbitrent leurs implantations entre plusieurs espaces nationaux et s’imposent davantage aux autorités publiques. L’Etat s’efforce dès lors, non plus de réguler la répartition territoriale de la croissance, mais de construire la compétitivité internationale d’un grand nombre de pôles spécialisés, d’où la nouvelle dénomi-nation de la DIACT, qui ne vise plus à organiser ni les territoires, ni les espaces urbains.

L’époque ancienne, optimiste : Le plan de « Barra da Tijuca » de Lucio Costa prévoyait une ville radieuse au bord des lagunes – la promotion privé à entassé là des dizaines de « camps » fermés.

L’époque récent : Vue d’avion Barra da Tijuca ressemble à une île. A terre l’eau cachée et c’est une succession de quartiers fermés, sans aucun espace public au long des autoroutes.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 7

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Cette crise des métropoles est celle de notre capacité à maitriser le monde matériel depuis que le progrès est allé vers l’immatériel.

Le mouvement de la civilisation qui nous a affranchi de la distance, de notre ancrage physique terrestre, ce mouvement glorieux qui va de la matière vers le concept, et ici, va vers la mobilité, la télé présence, la communi-cation instantanée, nous a libéré mais à conduit aussi à une perte de maîtrise de la matière - les métiers manuels ont perdu leur attrait pour les nouvelles générations, les entreprises ne peuvent remplacer la main-d’œuvre de qualité. Aménager, transformer, construire les lieux devient plus problématique, plus cher, tandis que tout ce qui touche aux flux de l’information, de l’argent, du savoir est chaque jour en progrès. La métropole nous dépasse.

S’interroger sur le fait métropolitain, pouvoir le comprendre et en maîtriser l’évolution, l’essor et les méfaits, c’est donc faire retour sur le physique, sur la matière, sur le lieu, dans sa relation avec les référents de l’époque que sont les réseaux, l’information.

Bâtir l’avenir c’est voir, ou chercher à discerner une vision du futur. Et dans la fin des années 80, dans tous les colloques, faute de discours d’avenir on s’est replié sur une invocation : le mot durable, principe de précaution. Si ce slogan a pu aider à fermer les yeux sur un avenir qui fait peur, il fut nuisible à ce moment.

Aujourd’hui, l’étude du Grand Paris oblige à nouveau à regarder le futur. Conjuguée à la crise financière, à la menace de l’impasse environnementale, cette étude conduit à envisager qu’un changement d’époque est possible, un changement de paradigme. Est posé le terme de métropole, le nom du Grand Paris. Nous devons avancer concep-tuellement pour savoir comment agir.

1-1. INTRODUCTION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 8

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Nous avons posé la question : s’agit-il de chercher un mieux vivre ensemble et dans les paramètres de l’après Kyoto, ou de gagner des points dans une compétition mondiale pour améliorer la place de Paris et ses capacités à concentrer de la valeur ?

Nous formulons en réponse l’hypothèse sur laquelle repose l’étude: mieux vivre un espace métropolitain partagé, et ceci dans les paramètres de l’après-Kyoto, ne suppose pas une limitation de la croissance, des quantités, de la dynamique des flux. Mieux vivre l’espace métropolitain suppose de le rendre performant en terme de ressources, suppose l’optimisation des artefacts techniques qui la font fonctionner, qui assurent sa distribution, ses mobilités, son marché du travail, de l’habitat, son offre en enseignements etc...

Ceci exige l’optimisation des fonctions nodales de la métropole. Elle seule dégagera les ressources nécessaires au développement d’un travail constant sur l’aménagement des lieux, des réseaux, la transformation de l’espace même et du bâti.

1-1. INTRODUCTION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 9

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 10

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Un labyrinthe de l’immensité, un trop, un vertige. Une difficulté à se retrouver. A aller d’ici à là, à franchir les barrières, les voies, les trains, les distances? Chacun a ses quelques itinéraires. Personne ne comprend l’ensemble.De ce Grand Paris, on ne peut assembler les échelles.Il y a l’ordre des lieux, du corps, de la pratique, et de la perception de l’espace physique par chacun, et c’est le palier, l’asphalte, le paysage qui défile de la fenêtre du train. Et il y a l’ordre du fonction-nement, des structures et des systèmes, des zones territoriales et de la multitude et c’est la cartographie, la vision du satellite. Entre les deux ordres un abîme. La métropole n’est pas un tout, n’a pas de nom, n’a pas de représentation. On n’en construit pas une image mentale, elle n’a pas d’entité politique. On est en difficulté pour imaginer comment agir sur les nappes insaisissables, indéfiniment fragmentées.

Pourtant les métropoles font « marcher » le monde. La région francilienne, ce cœur, ce centre, est un pôle mondial de première importance et concentre une part essentielle de la richesse de notre pays.Partout dans le monde, la très grande ville représente la chance de transformer sa vie même si le risque de misère y est grand. 2008 est l’année où le nombre d’urbain est majoritaire sur la terre.

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

Mexico

SaoPaolo

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 11

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

Faire en sorte de ne plus dépendre d’un seul lieu mais accéder à une infinité de lieux, d’occasions, voilà l’attrait métropolitain qui voit affluer chaque jour les nouveaux citadins dans les conditions les plus précaires. Quand la distance n’est plus le seul paramètre qui ordonne les lieux, quand le grand éloignement n’est plus qu’un facteur modulable grâce aux transports, l’agglomération se produit. Au plus grand nombre d’habitant, il est alors possible de se rapprocher d’un futur meilleur, de tout ce qui paraît nécessaire pour espérer, profiter de l’imprévisible pour améliorer sa vie. Ce mouvement de croissance des villes, apparaît dans les années cinquante et soixante dans les pays développés comme un effet retard de l’industrialisation qui a amplifié l’exode rural. On a vu les croissances de 1000 nouveaux habitants par jour pendant deux ou

trois décennies dans des villes comme Istanbul, Mexico ou Sao Paolo.

L’extension des réseaux du commerce, de l’information, de la télévision, d’internet a lancé une seconde vague. Les grandes urbanisations récentes dans le monde « émergent » depuis 30 ans, ont frappé les imaginations par deux phénomènes nouveaux : la rapidité de leur apparition et de leur croissance d’une part, leur désordre et leur apparent manque de plan, de préparation, d’autre part.

Mexico

SaoPaolo

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 12

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Lorsque le téléphone est apparu, on a dit que les concentrations urbaines, les « villes tentaculaires » qui faisaient peur, ne seraient plus nécessaires : l’habitat et le travail pourraient se diffuser dans la campagne.Or le téléphone et la voiture se sont très vite révélés produire en retour des concentrations urbaines plus grandes : plus des contacts étaient pris, plus de rendez-vous d’affaire devenaient nécessaires, des centres d’affaires apparaîssaient.Malgré les « vidéoconférences », la rencontre, la proximité, sont restées des nécessités absolues. Une part de l’humanité, moyennement aisée, urbanisée, cherche le calme et la nature, et une part, pauvre, cherche à fuir la dépendance à la campagne et à rejoindre les villes.Concentration et étalement : on peut donc reconnaître dans la croissance phénoménale des villes ce double mouvement. Magnétisme du centre se densifiant et diffusion lointaine des périphéries sont deux faits qui ont souvent été en conjugaison, répondant à des facteurs distincts.

L’éloignement d’un habitat riche apparaît aux Etats-Unis au début du XX siècle, et dans les années 50, les promoteurs des « Levittown » et autres villes à la campagne se voient accorder leurs prêts par les banques à deux conditions : que le projet soit très loin du centre ville et qu’il n’y ait aucun projet de transport en commun ! Ainsi les ménages devaient s’endetter pour deux voitures et l’industrie automobile était le moteur.

La démographie, les mutations de l’industrie, ont été des facteurs de l’urbanisation mais ce sont les inventions de nouveaux réseaux de communication, les « sauts » techniques qui ont rendu possible, suscité et accéléré la concentration et diffusion urbaine dans le XX siècle jusqu’à nos jours. Des ascenseurs vers le ciel, des routes et des trains vers le lointain.

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

La ville au loin

Un cyber actif

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 13

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Pouvoir se rapprocher du centre ou s’en éloigner, s’affranchir des contraintes du lieu, de la nécessité d’être groupé aux autres ou non, du prix élevé de l’espace limité sont les facteurs qui règlent la densité ou l’étalement.La technique s’est donnée des programmes, des objectifs économiques, et ce fut constamment libérer l’homme de la matière. Nous affranchir de ses contin-gences, des restrictions et contraintes que celle-ci impose à nos existences d’humain. C’est l’histoire du progrès, de l’occident. La pensée technique ne s’est pas posée indéfiniment la question d’assembler le bois et de tailler la pierre, elle est allée contourner la lourdeur du travail sur la matière lourde in situ par la production de matière de synthèse, par la matière légère façonnée puis par la maîtrise des distances par la vitesse de déplacement et enfin la maîtrise de l’éloignement par la voie des câbles, des ondes, des réseaux. La technique semble avoir su contourner les obstacles, et avec l’immatériel elle nous libère de la matière mais nous fait perdre prise sur elle.

La croissance des villes ce fut la maîtrise de l’expansion dans l’espace lointain et non la maîtrise de la construction, le travail sur la vitesse, le câble, les ondes, et non sur la matière des bâtiments (nous construisons encore avec des procédés archaïques). Le chemin de fer, l’automobile, le train à grande vitesse, l’avion, assurent la maîtrise du déplacement du corps et des objets, des marchandises, donc de l’étalement ou de la densification. Et le téléphone, la radio, la télévision, le fax, le réseau planétaire câblé d’internet, assurent le déplacement de l’idée du chiffre, du mot. C’est la conquête de l’ubiquité, de la télé-présence et de maîtrise des flux d’information dans l’immatériel, le cyberespace.

Dans tout endroit du monde aujourd’hui, sauf quelques jungles de la vallée de l’Omo en Afrique, de l’Amazonie ou de Bornéo, dans la moindre favela ou dans un village du Mato Grosso ou de Sibérie, l’homme cherche à sortir de l’enfermement et des limites de son espace physique et accède à la télévision, au téléphone, à la toile internet.

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

Le matériel, l’immatériel

Vitesse - SculptureMexico - Barragan

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 14

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La vitesse, les transports rapides puis les télécommunications, ont été pour la grande ville ce que l’ascenseur est au gratte-ciel : une condition d’existence de la croissance. Avec « l’incorporation » complète du cyberespace dans la vie pratique il y a une mutation : une déspatialisation, un « découplage » pourrait-on dire, apparaît entre deux mediums relationnel, le matériel et l’immatériel.

Notre situation urbaine est celle de l’ubiquité. Dans la ville, nous sommes plus proches d’un lieu avec lequel nous travaillons à 40km que de notre voisin que nous ne connaissons peut-être pas, et nous sommes plus facilement encore peut-être en conversation régulière avec un lieu situé sur un autre continent. Dans cet hyper-espace de l’immatériel, nous avons la tête dans l’univers, l’immatériel, et les pieds dans la boue. Nous vivons bien à la fois dans la présence du lointain, virtuelle, et dans notre assignation locale, incarnés dans notre espace physique. Un chauffeur de taxi indien dans New-York explique qu’il converse maintenant beaucoup plus avec les siens que lorsqu’il était dans son pays, car relié tous les jours longuement par téléphone/internet - à sa famille. Ce fait d’ubiquité, de coappartenance qui est au principe de la métropole, nous rend en quelque sorte schizophrène de l’espace, comme si nous perdions prise sur lui, ou plutôt que notre seule prise sur lui est de nous constituer comme nomades.

Pouvoir être dans la même journée en plusieurs endroits éloignés de la grande agglomération et même de l’Europe est naturel. La situation urbaine ne peut plus se comprendre selon la seule physique « spatiale » traditionnelle. Elle est marquée désormais par deux espaces : celui classique des lieux physiques sur la terre, de leur étendue, de l’ordre de leur contigüité et des hiérarchies de proximité qu’ils induisent, et celui du cyberespace, des flux immatériels.

1-2. LA MÉTROPOLE EST-ELLE ENCORE UNE VILLE

Un cyber actif

Metro

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 15

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 16

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Chaque ville nous apparaît irréductiblement singulière, produit d’une histoire, d’une géographie, d’une économie et d’une politique particulière. Contre les systèmes réducteurs et globalisants, les grands plans trop déterministes, nous avons sans cesse insisté sur le particulier, le lieu, et le cas dans les situations urbaines. Face à la recherche du modèle universel, du traitement industriel des questions urbaines, c’était le retour ironique du contingent. Nous repartions du terrain et de ses acteurs. Mais la pratique urbaine et la locali-sation de chaque réalité de la ville ne doit pas nous empêcher de comprendre l’échelle du phénomène urbain et de le subir en aveugle. D’une ville à l’autre des traits émergent à l’évidence.Il ressort toujours la conjonction de deux dynamiques cause et effet l’une et l’autre. L’une, spatiale, est la concentration des populations et l’extension territoriale de cette concentration. Cette première dynamique opère sur les formes des transformations physiques de la planète que représente la croissance urbaine et le fait métropolitain. Elle traite ou maltraite les lieux, les territoires, la physique, la matière, l’espace et ses réseaux matériels de transport. Elle se mesure en kilomètres, en millions de migrants, en hauteurs de bâtiments ou en volumes de CO². L’autre dynamique, aspatiale, fonctionnelle, représente la concentration des fonctions de création de richesse, de savoir, de communication, de management et de représentation dans certaines villes ou dans certaines zones de villes. Elle est d’abord non spatiale parce qu’elle renvoie aux flux immatériels de la finance et de l’information, de la circulation du savoir. Elle semblerait défier la localisation si elle ne concentrait dans certaines grandes villes des centres de direction et de contrôle.L’interaction des deux dynamiques est constante et ancienne : des afflux de population se sont concentrés, attirés par les possibilités d’une vie meilleure là où étaient les flux de commerce et de savoir, en retour se sont développés là les centres de décision, de recherche, de production, parce que la population, main d’œuvre et consommatrice était considérable.

En disant « métropole », de quoi parlons-nous ? Si nous adoptons ce terme face à celui d’agglomération ou de mégapole, y a-t-il seulement une croissance quantitative ou avons-nous reconnu à un changement d’état ?Sur le plan spatial, nous voyons dans l’agglomération une extension de la ville en

caire

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 17

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

une vaste nappe qui est organisée par le rapport traditionnel entre un centre et une périphérie. Les performances des réseaux de transports rapides, des télécom-munications qui ont amplifié les mobilités, permis les changements résidentiels et étendu le marché foncier, ont répondu à la force conjointe des deux dynamiques et permis des extensions sur le territoire qui débordent la « physique classique » de la ville qui se mesurait encore au début du siècle dernier à l’heure de marche humaine. Istanbul, Sao Paolo, l’Ile-de-France, apparaîssent au premier regard comme d’immenses agglomérations, et c’est longtemps comme des extensions prodigieuses ou monstrueuses de la physique classique de la ville qu’elles ont étés décrites. Mais l’espace physique reste le « médium » principal qui permet de comprendre la ville ou de la déclarer impraticable comme c’est le cas d’immenses agglomérations qui étouffent. Parler d’agglomération c’est parler de l’espace qui peut-être étendu mais reste en grande partie praticable selon les réseaux matériels de transports et conditionné par eux selon des principes de continuité, d’accessibilité, de contiguïté, organisé dans la hiérarchie des proximités et des visibilités.

Revenons un instant sur l’espace de la ville qui a prévalu durant vingt siècles pour souligner l’homogénéité de son organisation structurelle. Elle est héritée de « l’invention » de la rue par la Grèce. Dans le principe de la rue, le système spatial prévu, dessiné, organise l’agglomération. Même dans ses déclinaisons « vernacu-laires » et déformées qui ont vu les chemins de campagne devenir des rues, il y a un tracé hérité ; cette ville à rue est bien différente de la médina ou de la favela qui s’organisent par addition de cellules et dégagements progressif de « couloir » de distribution par achat de parties d’habitations pour allonger le « couloir ». Dans les deux cas nous voyons une densité homogène et une « nappe » continue dans laquelle les espaces clos et couverts dominent sur les espaces vides, les « couloirs publics » et rues.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Physique classique : les hiérarchies de proximité New york

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 18

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La rue concentre les fonctions techniques les plus nombreuses : réseaux, adduction de l’eau, du gaz, de l’électricité, des évacuations, de la mobilité des habitants à pieds, en calèche, en voiture, éclairage et l’aération des logements, de l’achalandage des commerces. La rue pourtant ne se présente pas comme un simple dispositif technique. Elle met en interface la société et les individus, le public et le privé. Elle est le mode de lecture et de représentation d’une

communauté publique qui met en relation le privé multiple avec l’unité d’un espace public. La limite entre privé et public qu’elle instaure comme loi permet le commerce foncier, la sécurité. Elle est le théâtre de la rencontre enfin, « un moteur de recherche ». On peut l’appeler une forme symbolique. La rue est le paradigme du système urbain de la ville dense « classique » pendant plus de deux mille ans. Par cet espace en réseau universel, le monde, la société, les richesses et les distances sont accessibles.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Alger

Madrid

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 19

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La grande ville classique est arrivée à son optimum avec le déplacement à pieds, à cheval, c’est avec les faits techniques de l’automobile du train métropolitain que deviennent possibles les très grandes nappes urbaines que sont les agglomérations.Cette ville classique est caractérisée par cette homogénéité du système des îlots et de la rue. L’espace public est le medium dominant qui organise les lisibilités et relations: un système « hiérarchique » qui rapproche ou éloigne selon les contigüités et accessibilités et qui repose sur les enchainements de proximité et de lisibilité. Les principes de composition de la ville baroque ont été le sommet de cette culture de l’espace.Les techniques du cyberespace ont permis le saut qualitatif et non pas quantitatif qui a engendré le fait métropolitain. Un système en réseau a permis les échanges en « temps réel » des facteurs moteur de l’économie, la finance notamment.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Le système métropolitain mondial

Ce schéma a dix ans seulement et déjà dépassé

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 20

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Parler de métropoles c’est parler de ce système en réseau mondial dans lequel elles existent. La métropole est une tête qui émet et reçoit du monde entier. Elle est un nœud dans un réseau, elle fait système et n’existerait pas seule. Ainsi la métropole se présente comme une position à la fois locale et déterritorialisée. Elle est dans un centre espace, celui des processus d’interface que constitue le réseau mondial entre des pôles d’émissions et de productions matériels et immatériels, dans le cadre des échanges commerciaux comme des échanges de la politique, du savoir, de la recherche, du management de la finance. Elle existe comme « Topos » actif dans une topologie de réseaux des flux mondiaux (Saskia Sassen – Manuel Castells).La métropole apparaît quand les fonctions économiques et de communication ont pris une importance et un développement qui dépasse les besoins, les opportunités, les moyens mêmes de son territoire, de son hinterland, de son pays. En ce sens il y a métropole quand se forme la mondialisation.

Il est possible de deviner dans une première approche le réseau des nœuds métropolitains en observant le réseau du câblage sous-marin qui déploie son installation depuis les années 80. On voit que la plus grande concentration de câbles est entre la côte Est des Etats-Unis et l’Europe.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 21

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Les trois espaces superposés de Paris

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 22

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

On est alors conduit à réfléchir aux différentes configurations des espaces de la ville en observant une articulation entre trois espaces superposés : 1- L’espace des centres historiques, ceux de la ville classique qui relève d’une structure articulée sur le piéton, la calèche et l’heure de marche à pied. C’est le système de la rue et de l’îlot qui caractérise partout cette structure. 2- Celui de la périphérie – de ce centre dont le territoire a atteint avant la métropoli-sation les limites de desserte offertes par les réseaux autoroutiers et ferroviaires,

c’est l’agglomération. Sur le plan de la structure urbaine, la périphérie est caractérisée par son caractère hybride. Les segmentations de territoire imposées par les grands réseaux de transports internes et externes ont des effets de coupures de territoires (alors que le réseau dense du centre a fait l’objet d’ouvrages d’Art, parvient à respecter les continuités entre quartiers. Dans le cas de Paris et de nombreuses agglomérations on distingue clairement une périphérie ancienne, banlieue, qui est structurée selon le type classique du centre, et la périphérie plus récente générée par les transports rapides.

3- C’est en troisième lieu au sein d’un autre espace que se constitue la métropole, le cyberespace. L’espace physique classique est bousculé : encore présent, nécessaire, inefficient pourtant, perpétuel obstacle que la vitesse cherche à nier.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

Ville – agglomération – métropole

Centre historique

Banlieue

La périphérie

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 23

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

L’hétérogénéité, la discontinuité est la règle : les logiques des espaces en réseaux de transports se superposent, les zones de densité côtoient les zones désertées. Le spatial n’est plus le médium roi, mais il faut passer par lui. Les liaisons immatérielles ont permis l’accroissement des relations avec le reste du monde et aussi bien sur au sein du territoire de la grande agglomération, la « délivrant » dans une certaine mesure seulement des limites imposées par les distances. Le nombre des opérations de contact avec l’extérieur augmentent consid-érablement, dans les domaines du commerce, de la finance, des informations, du management. Ceci à fait croître des pôles de densité, centre d’affaire et pôle d’excellence, ainsi que l’importance des déplacements trains et avions. Les aéroports deviennent des zones fonctionnelles essentielles.

Ainsi à Roissy, à Schiphol, et autour de tous les aéroports des métropoles qui font «hub », se tiennent des réunions, des séances de travail entre participants qui en repartiront sans avoir été nécessairement dans la ville.

Après que la création de Brasilia ait retiré à Rio sa fonction de capitale, Sao Paulo a pris le rôle principal en Amérique Latine en créant une bourse ouverte à tous et en conquérant le rôle de « hub », plaque tournante aérienne à l’échelle continentale. Les fonctions de « têtes de réseaux » et les activités qu’elles impliquent peuvent se développer sans que l’agglomération ait atteint une très grande importance physique. Ainsi sans avoir la dynamique d’agglomération qui atteigne la masse critique de l’extension spatiale, Francfort a concentré les banques, la bourse, et le rôle de « hub ». Des villes sont devenues métropoles par leurs fonctions dans le réseau mondial, alors que la tradition spatiale classique avait élu Rio, Munich et Berlin. C’est Francfort et Sao Paolo qui ont su prendre la place de « hub » à l’issue d’une lutte pour imposer ces villes comme places boursières.On peut observer à travers le monde que ces deux dynamiques de l’espace physique matériel et des flux et réseaux immatériels sont en corrélation toujours mouvante, déséquilibrée souvent.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 24

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Nous sommes conduits à adopter « une nouvelle façon de voir » et analyser l’espace urbain : le comprendre à la fois comme l’espace physique immédiat visible et parcourable à différents rythmes, et en même temps comme l’espace élargi des connexions immatérielles. Or l’espace physique immédiat est tout entier affecté par la « révolution cybernétique et immatérielle mais il n’est pas flexible. Il est un obstacle le plus souvent.

Ce « découplage » entre espace matériel et immatériel qui est dans la nature de la vitesse de la croissance est l’ obstacle qu’opposent les métropoles à l’action urbanistique.

Si nous revenons à ces structures spatiales qui correspondent à ces « trois espaces » de la métropole, celui de la ville centre, celui de l’agglomération marquée par l’opposition entre centre et périphérie, celui de l’espace métropolitain a, dans une certaine mesure, coupé les amarres « terrestres, spatiales, matériels » et s’est affranchit des distances dans sa dynamique. Il subit la contrainte des réseaux de mobilité dans son quotidien, et dépend inéluctablement de l’organisation spatiale, et de la lourdeur de son évolution ou de sa capacité à recomposer les proximités.La question de savoir comment penser et agir sur cette structure se pose. Trente années de libre développement ont laissé croire que ce méga espace matériel, son « autre » espace immatériel ne pouvaient plus donner lieu à la planification et rigide et donc impropre à accueillir l’aléatoire, l’imprévisible, la vie, nécessairement publique et donc non raisonnable dans son économie, ses règles, ses calendriers, propre à freiner le développement.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 25

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Sur le plan de la structure de l’espace urbain, il est important de revenir sur les étapes de constitution des centres des banlieues des périphéries de la ville européenne en tant que tels. Ils sont le fruit d’une histoire commune. Les banlieues déjà constitués avant la guerre de 1939-45 sont des villes « à rues » et îlots, moins homogènes que la ville centre. Tous les autres territoires sont marqués par une « coupure » idéologique chez les urbanistes : le rejet de la rue.Ce moment du refus de la rue, de son exclusion sur toute la planète comme « outil » du plan de ville est crucial pour comprendre l’enjeu spatial de toute planification des espaces de périphéries : c’est une réversion de la vision de l’espace, de la topologie selon laquelle ont été considérés les pleins et les vides qui forment la ville de l’Age classique.

La « déconstruction » de la rue est un geste qui emprunte à la logique technique de la production industrielle, qui affirme la désuétude (discutable évidemment) des modèles « symboliques », et qui indexe toute la conception et partout la perception et la pratique de l’espace à une addition illisible, parce qu’indifférente à l’animal humain, de performances technique en réseaux.C’est avec ce geste, avant l’apparition d’internet, qu’une sorte de déspatialisation, de perte de compréhension de l’espace apparaît dans un éclatement des logiques de contigüité spatiales devant des logiques de fluidité des réseaux techniques. Cet espace hérité des plans de l’urbanisme moderne, est plus volontiers constitué des réseaux arborescents et des limites de l’espace public et de l’espace privé et ne sont plus dictés par le bâti et l’organisation

Espace immatériel et espaces « périphériques »

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

La ville « classique », sous ses formes infiniment diverses, à travers la planète et au long des siècles, présente une extraordinaire constance. Un même schème unique et simple l’a toujours ordonnée, celui de la rue. Il faudrait classer comme un âge antérieur, les villes mésopotamiennes, car depuis la ville Grecque et sa trame, puis tous les lacis des urbanisations vernaculaires, jusqu’aux grands tracés d’Haussmann à Paris, la ville est vue, comprise, parcourue, planifiée selon le vide des espaces publics, vide défini par ses bords pleins, construits: les insulae, les îlots.Dans cette ville de l’Age, l’homme semble toujours tailler sa route entre des masses construites, comme s’il écartait son chemin dans les forêts, où il découperait des clairières pour former des lieux de vie, des “places”. La cohésion de la forme cette la ville est donnée par la dimension collective et communautaire.

La rue et ses fonctions nombreuses

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 26

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

volumétrique de celui-ci, comme c’est le cas dans le parcellaire des îlots classiques. Parfois l’idée généreuse que tout espace libre de la ville doit être municipalisé et parfois les réseaux autoroutiers constituent les seuls espaces publics donnant sur des secteurs entièrement privatisés.Cette organisation, en juxtaposition et coupures des territoires périphériques, variant selon les pays, est le grand héritage du XXème siècle. Il marque la plus grande surface des villes et accueille en France plus de la moitié de la population.

Brusquement cette topologie est “reversée”. L’impressionnante liste des fonctions qu’assurait la rue a paru un encombrement monstrueux, archaïque et antihygiénique, et vulnérables aux incendies. Le Corbusier applique la méthode de la pensée technique : isoler chaque fonction, optimiser les performances techniques : les réseaux d’addiction ici, les évacuations par là, les commerces groupés, non mélangés aux logements qui ont du soleil, la marche à pieds dans la rue se fait dans des espaces verts, la lumière est libérée du vis-à-vis, etc…Séparer les onctions pour les optimiser est le principe même de la pensée technique. Ainsi, il « déconstruit » l’assemblage ancestral savant qui formait la rue.La rue est retournée comme un gant: on ne planifie plus la ville selon ce vide des espaces publics, mais à partir d’objets pleins successifs. Il n’y a pas eu à proprement parler de raisonnement sur la topologie de la ville, de réflexion sur la nature de l’espace urbain, il y a eu un rejet de la forme “rue” comme appartenant au passé et avec elle, naturellement, consubstantiellement, l’idée de spatialité d’entre deux disparu totalement. Il y a eu surtout ce nouveau paradigme de l’objet architectural du mouvement moderne et des plans d’élargissement de villes, de mise en ordre, à partir de ce nouveau matériau architectural qu’est l’objet. Les immeubles ne sont plus accolés, mitoyens, mais deviennent’ autonomes, décollés du sol souvent, isotropes, indifférents au site le plus possible. Ils tendent à être universels.Le modèle, on le sait, est la machine, l’objet technique, la production industrielle. Cette réversion topologique est essentielle. Et curieusement, ce schème n’a pas été explicite, pensé comme tel: on a commencé à penser selon les objets, comme on pensait avant selon la rue. Le schème des objets, fonctions et programmes séparés est devenu la prose du monde, remplaçant le schème rue. Celui-ci, de la même façon, fut si naturel qu’il n’était pas énoncé, théorisé, et qu’on l’imagine consubstantiel à l’idée même de ville. Palladio par exemple pour édicter ce que doit être Vicence, énonce que ce sera la rue la plus belle et qu’elle devrait tendre à être: “la plus longue, la plus large, la plus droite”.

1-3. MÉTROPOLE ET AGGLOMÉRATION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 27

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 28

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

La dynamique spatiale de développement des métropoles, fulgurante dans les quarante dernières années, a-t-elle atteint les limites de ce que peut produire sans dommages vitaux une expansion débordant toute velléité de maîtrise collective ? La question, du reste, a-t-elle un sens, qui englobe dans une même formule des dynamiques métropolitaines aussi décalées dans le temps (Londres en est à son second ou troisième cycle d’internationalisation depuis 150 ans, Sanghaï entame le sien depuis 20 ans), aussi décalées dans l’espace (90% des 10 000 urbains de plus CHAQUE HEURE dans le monde sont dans les pays dits «en développement »), aussi décalées dans les rythmes, aussi décalées dans les

assises économiques et sociales (1 milliard des 3 milliards d’urbains dans le monde aujourd’hui vivent dans ce que l’ONU nomme par délicat euphémisme des « établissements humains », communément appelé bidonvilles) ?

Cette question s’impose pourtant, au vu des constats que nous pouvons faire en observant les métropoles internationales, constats dont la convergence de fond est frappante au-delà de différences immenses de formes et d’effets. Qu’il s’agisse de la forme explosive du « collapse urbain » à Sao Paulo ou Rio, qui rend ingouvernables ces métropoles au bord du chaos, ou de la forme plus délétère d’un reflux de la dynamique économique qui laisse à vif les tensions d’un mal-vivre dans de vastes territoires de la métropole francilienne, c’est bien la même interrogation qui est formulée : la dynamique métropolitaine est-elle devenue dans sa forme actuelle une dynamique auto-asphyxiante ?

Ou, pour dire les choses autrement, quel type de dynamique conduit la métropolisation, forme par excellence du processus

le paaradoxe métropolitain

version catastrophe

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 29

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

contemporain de création de valeur, à génèrer simultanément un processus de gaspillage / destruction de cette valeur qui la met en danger?

C’est là le « paradoxe métropolitain » auquel nous sommes confrontés.

Sur le plan spatial, la métropolisation exprime un nouveau rapport entre les lieux et les liens: les métropoles entretiennent des relations entre elles à l’échelle de réseaux mondiaux, plus qu’elles n’organisent les territoires alentour. La connexité a pris le pas sur la contiguïté. Sur le plan fonctionnel, la métropolisation signifie le passage d’une dynamique de polarisation de l’activité économique et des entreprises dans la ville à une dynamique de constitution de l’espace urbain comme facteur premier de la création de valeur.

Dans le même temps, cette dynamique métropolitaine :

- Génère une surconsommation des ressources

- La métropolisation apparaît d’abord comme un processus sans fin de dilatation et d’étalement de l’urbanisation ; en ce sens, elle est synonyme d’une surconsommation foncière et énergétique et d’une destruction progressive des valeurs environnementales (paysage, espaces naturels…)- Contrecoup de cette dilation infinie de l’espace urbanisé, la métropolisation signifie le plus souvent des thromboses généralisées en matière de déplacement, ce qui induit là encore un gaspillage contre-pro-ductif de la valeur créée par la métropole, tant sur le plan de la consommation d’énergies que des coûts économiques.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 30

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

- Aggrave les inégalités territoriales et sociales

Les mobilités de tous ordres (résidentielles, déplacements…) qui structurent l’espace métropolitain sont porteuses tout à la fois :- d’un renforcement des spécialisations socio-spatiales, induit par l’effacement des effets d’entraînement, des retombées entre territoires proches. On passe d’une « ségrégation associée » - la ville est composée de « villages » socialement homogènes et mixtes d’un point de vue fonctionnel (habitat/activités/services) – à une « ségrégation dissociée » où les pôles de développement voisinent, sans lien, avec les poches de pauvreté.- d’un redoublement des inégalités sociales par les inégalités devant les mobilités et l’accès aux aménités urbaines. La métropole n’est pas mécaniquement synonyme de « dualisation sociale », comme on a pu le penser (cf S.Sassen) : le cas francilien montre plutôt (cf les travaux de E.Preteceille) une persistance de la mixité et un éloignement des extrêmes. En revanche, la métropolisation génère de nouvelles inégalités face aux mobilités quotidiennes, profession-nelles ou résidentielles et tend de plus en plus à séparer les « sédentaires et les nomades ». C’est là une des formes majeures du paradoxe métropolitain : la métropole concentre les richesses et les opportunités mais les rend de moins en moins accessibles à tous.

- Met en tension le local et le global, la création de richesses et le bien vivre

La métropole est par excellence le lieu de l’ubiquité. Mais cet atout de la métropole fait aussi problème, en fracturant les continuités entre le local et le global métropolitain. L’ubiquité permise par la métropole a pour corollaire un déficit de cohésion et d’attractivité de la métropole : la métropole crée des richesses mais ne les redistribue pas sur place, la métropole concentre les opportunités mais de façon de plus en plus sélective… Pour cette raison, faute d’offrir des repères stables la métropole est simultanément attractive et répulsive : attractive car elle est identifiée par tous comme le lieu de création de richesses, répulsive car elle ne garantit plus le bien vivre.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 31

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La situation francilienne illustre de façon singulière le paradoxe métropolitain, selon des modalités qui s’apparentent à une « panne » de la dynamique métropolitaine.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

La « panne » de la métropole francilienne

Londres, ou les rebonds d’une métropole mondiale.

La métropolisation n’est pas généralement un processus linéaire et

continu à l’échelle du temps long : c’est l’une des leçons majeures

apportées par les travaux historiques de F. Braudel.

L’exemple de Londres peut être ici évoqué à grands traits. L’incendie

de 1666 raye de la carte le patrimoine physique de cette ville. Mais

dès le siècle suivant, au 18ème, l’urbanisation fait croître cette ville,

qui se suburbanise dès la seconde moitié du 19ème siècle, au cours

de laquelle elle devient la plus grande ville au monde, industrielle et

portuaire, exportatrice et importatrice. Au terme du 20ème siècle à

l’heure de l’essor des services, les friches industrielles que sont devenus

les Docklands sont transformées par une vaste rénovation urbaine. La

politique publique des villes nouvelles, localisées à 50 Km du centre, a

contribué à décongestionner l’agglomération et à permettre la spécial-

isation de son centre. La City devient alors un pôle financier mondial,

concentrant sur quelques Km² seulement des banques et assurances

anglaises et quelques 500 institutions financières étrangères, ainsi que

des centres privés de pilotage et des services associés au fonction-

nement des entreprises internationales accueillies. C’est la « ville

globale » étudiée par S. Sassen. En 50 ans, à partir de 1950, plus de

500 000 emplois industriels disparaissent, et à présent les 9/10 des

emplois sont tertiaires, et à leur tour ébranlés par la crise contem-

poraine.

Au-delà de la période coloniale et du commonwealth, mais porté

par les populations immigrées et leurs cultures, s’est développé un

cosmopolitisme à présent attractif et émetteur de signes culturels de

portée internationale : cf la musique, la mode… Chaque année plus

de 20 millions de touristes visitent Londres, dont 1/3 d’étrangers. Un

évènement mondial est en cours de préparation : les prochains Jeux

Olympiques.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 32

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

- Une concentration croissante de la création de richesses

A première vue, la capacité de création de richesses de la métropole francilienne s’affirme : en part relative, l’Ile de France concentre toujours davantage la production de valeur de la France : on est passé en vingt ans de 25% à près de 30 % du PIB national

- Mais une panne de la performance

Néanmoins, dans le même temps, la performance de la métropole française, en comparaison de ses rivales mondiales paraît régresser ou à tout le moins stagner. (cf tableaux).De plus, le dynamisme métropolitain est moindre que celui de la France (entre 1993 et 2005, l’emploi salarié privé y a cru de 11% alors qu’il a augmenté de près du double au niveau national). La création de richesses se concentre en Ile de France, mais l’emploi y stagne.Laurent Davezies avance l’hypothèse que cette panne serait due à la moindre densité du marché de l’emploi métropolitain en raison du phénomène de diffusion en seconde couronne

(plus 23 % entre 1993 et 2005) et à la perte de fluidité induite. Dans un marché métropolitain où les exigences de spéciali-sation des compétences sont de plus en plus fortes, la diffusion de l’emploi réduit les potentialités d’ajustement et va à l’encontre de la performance globale de la métropole.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

Malgré des infrastructures de transport encore

vieillies, le plus grand aéroport d’Europe :

Heathrow, est relié à la gare de Paddington par un

service ferroviaire rapide, le périphérique routier

M26 de près de 200 Km de long est ouvert en

1986, et l’innovation du péage urbain dans le

centre est introduite en 2003.

Un tel survol, schématique, de l’histoire de la

métropole londonienne souligne tout à la fois

la multiplicité des discontinuités et des ruptures

rencontrées, et les rebonds tant publics que

privés mis en œuvre pour maintenir son rang

mondial. Cette réactivité et cette flexibilité

témoignent d’une capacité de la métropole à

s’inscrire dans des réseaux mondiaux, financiers,

économiques, touristiques, culturels…toujours en

recomposition, à un rythme accéléré. Capacité

qui caractérise la métropole du 21ème siècle, et

renvoi aux modalités de sa gouvernance.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 33

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Et une panne du bien vivre

Cet affaiblissement de la performance francilienne s’accompagne d’une panne du bien-vivre.Comme dans toutes les métropoles, le trait le plus visible et généralement mis en avant est la montée des inégalités sociales et spatiales. On l’a dit précédemment, dans le cas francilien, cet accroissement des inégalités apparaît surtout aux extrêmes du spectre social. La bipolarité Est/Ouest a pivoté et est marquée aujourd’hui par de forts contrastes entre le Sud-ouest et le Nord-est de la métropole. Mais surtout, on assiste, ces dernières années, d’un côté à un appauvrissement progressif des grands quartiers d’habitat social (les ZUS) et de l’autre à une spécialisation sociale renforcée des quartiers les plus riches. Mais la panne métropolitaine s’exprime par un phénomène nous semble-t il aussi alarmant : la métropole n’est plus attractive. Depuis les années quatre-vingt-dix, le solde

migratoire est négatif, de façon pérenne. La métropole attire encore les jeunes, étudiants ou actifs débutants. Mais elle ne sait plus retenir, non seulement ses retraités mais aussi ses actifs des classes d’âge intermédiaires qui préfèrent la qualité de vie des grandes villes de province. Cette désaffection n’est pas compensée par l’attrait que représente toujours Paris pour les migrants des pays pauvres.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 34

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

On le comprend aisément, ces deux pannes s’alimentent mutuel-lement : que deviendra à moyen terme l’économie de la connaissance propre à la métropole si elle ne trouve pas sur place ses techniciens de laboratoire ? Quel est l’avenir de la filière d’excellence des biotechnologies si dans le même temps le secteur hospitalier métropolitain est désorganisé par « l’évaporation » de dizaines de milliers d’infirmières ?

Un facteur explicatif majeur : la dissociation entre les deux géographies de la métropole

Les facteurs explicatifs de ces pannes métropolitaines sont multiples et tiennent pour une bonne part à des phénomènes socio-économiques a-territoriaux ou nationaux.Il en est pourtant un, majeur, qui tient à la spécificité de l’organisation et des transformations territoriales de la région-capitale : deux géographies de la métropolisation y sont de plus en plus distinctes. D’un côté, la performance francilienne tient au développement de fonctions d’excellence organisées de plus en plus en archipels. Mises à part les fonctions de commandement historiques (les ministères et les sièges sociaux) qui eux restent concentrés à Paris et dans la proche couronne (La Défense, Issy les Moulineaux et maintenant la Plaine St Denis…), l’essentiel des fonctions d’excellence de la métropole sont maintenant éclatées en archipels. Les grands pôles touristiques sont Paris, Versailles et Disney. L’offre en matière de centres de congrès interna-tionaux et parcs d’exposition est répartie entre Paris, le sud ouest et le nord de la métropole. Les pôles de compétitivité mondiaux décrivent chacun des géographies complexes…(cf cartes jointes)Mais ces archipels d’excellence souffrent d’un déficit d’intégration - en leur sein et entre eux - parce que l’organisation urbaine (transports, habitat, emploi..) reste elle structurée selon une logique radio concentrique qui tend toujours à opposer zones dense et non dense. C’est en zone dense que l’on trouve l’offre en transports

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 35

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

collectifs la plus performante, mais c’est en zone non dense que l’emploi se développe. La zone dense tend à se « dualiser » socialement tandis que la zone non dense devient le refuge des classes moyennes…Cette dissociation entre deux géographies de la métropole – celle de la compétitivité ouverte vers le monde (les archipels) et celle de la vie quotidienne au sein de l’espace urbain (la dualité dense/non dense) - est à l’évidence contre-productive et pose la question de son dépassement, de la recherche d’une structuration du développement métropolitain plus cohérente, donc plus favorable à la conciliation entre performance et bien-vivre.

L’après-Kyoto au sens stricte désigne l’émergence, à travers la question du réchauffement climatique, d’une contrainte croissante sur les émissions de gaz à effet de serre, au premier chef desquels les émissions de CO2, qu’elles relèvent du transport (automobile et aérien) ou du résidentiel-tertiaire (chaufferies gaz et fioul). Plus qu’un système de contraintes supplémentaires se surajoutant aux précédentes, cependant, l’après-Kyoto annonce en fait un véritable changement de paradigme. Il élargit et radicalise l’analyse de la question métropolitaine en la réinterprétant un nouveau système de coordonnées.On mesure mal aujourd’hui tout ce qu’implique le fait d’inscrire la croissance métropolitaine dans la perspective d’une gestion durable des ressources qui concourent à son développement. Il ne s’agit pas, on l’a dit, d’un facteur supplémentaire à rajouter à la déjà longue liste des variables qui influent sur la réalité métropolitaine, mais d’une grille de lecture qui les traverse toutes. Elle a été intégrée, dans notre travail, lors notamment de nos réflexions sur les mobilités et les réponses à y apporter, sur la nature et son intégration au fait métropolitain. Mais il ne s’agit encore ici que des prémices, dans les très brefs délais qui nous étaient accordés, d’une réflexion qui devra nécessairement s’élargir consid-érablement.

Certains pensent que le processus de métropolisation est en lui-même incompatible avec « l’après-Kyoto ».Nous nous situons résolument sur l’autre versant de la réponse : la métropolisation est un processus irréversible et il peut être vertueux. Plus encore : le paradigme du développement durable ouvre sans doute la voie à l’émergence d’une pensée métropolitaine capable, en réinterprétant les tensions enserrant aujourd’hui les métropoles, de dessiner les perspectives d’une croissance métropolitaine génératrice de bien-vivre.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

La métropole de l’après-Kyoto

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 36

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Il faut cependant aborder ce retournement copernicien dans la conception de la croissance métropolitaine en ayant à l’esprit :

- qu’il n’y a pas de « modèle », de représentation de ce que signifie «la métropole de l’après-Kyoto ». Les formes urbaines susceptibles de répondre aux exigences de l’après-Kyoto sont en effet loin d’être clairement identifiées et suscitent de multiples débats, la plupart des questions émergeant de ce nouvel horizon ne se révélant que progressivement.

- que l’impératif de gestion durable des ressources entre en tension avec l’impératif de bien-vivre à court ou moyen terme, c’est-à-dire l’horizon de la vie d’une génération.

- que l’imbrication des enjeux est telle qu’il faut se méfier des solutions « univoques », c’est-à-dire jugées dans leur seul effet direct immédiat, ainsi que de la tentation de répondre à des questions nouvelles par le recyclage de nostalgies anciennes. Le travail à domicile n’est pas une réponse satisfaisante à la contrainte énergétique des mobilités pas plus que le fractionnement villageois n’est une alternative à la nappe urbaine.

Penser la nouvelle donne que constitue la métropole et ce dans la perspective de l’après Kyoto conduit à se poser une double question : Comment à la fois garantir la performance des fonctions métropolitaines d’envergure mondiale, c’est-à-dire le processus de création de valeur par la métropole et rendre « durable »le processus de métropolisation de l’organisation de l’espace urbain ?

- Garantir la performance des fonctions métropolitainesA l’échelle mondiale, on n’observe pas l’existence de liens mécaniques entre le modèle d’organisation spatiale et le développement des fonctions métropolitaines. Il n’y a pas de déterminisme géographique à la performance métropolitaine. Nul ne peut prétendre que l’organisation globalement «mono-centrique » de Paris ou Londres est plus efficace que celle davantage polycentrique de Tokyo, ou inversement. En réalité, le développement des fonctions métropolitaines tient d’abord à des conditions socioéconomiques et politiques. Trois facteurs principaux sont généralement mis en avant par les observateurs : la massivité des ressources, sociales et économiques, la diversité de ces ressources (cf. l’atout constitué par le caractère multi ethnique de Londres) et enfin la qualité de la gouvernance territoriale.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 37

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Cela signifie qu’on ne peut prétendre penser ici une forme spatiale de la métropole du XXIème siècle qui serait à même de garantir sa performance. Néanmoins, une « offre spatiale » favorable à cette performance est nécessaire. Elle repose nous semble-t-il sur deux conditions majeures: la fluidité de la structure spatiale métropolitaine, et sa flexibilité, sa capacité d’adaptation aux « marchés »

- Tendre vers un processus de métropolisation intensiveL’assimilation généralement pratiquée entre ville durable et ville dense ou compacte nous parait réductrice en ce qu’elle s’attache exclusivement à la sauvegarde des ressources foncières et énergétiques, sans intégrer les enjeux de préservation et de valorisation des autres ressources – et au premier plan la ressource humaine – qui font la ville. Raisonner ainsi, autour de cette seule dimension conduit alors mécaniquement à en déduire qu’un seul modèle d’organisation urbaine serait durable, celui de la ville dense.

Nous proposons ici d’adopter une approche plus globale de la métropole durable en considérant qu’il s’agit d’infléchir le processus de métropolisation vers une logique « intensive » c’est-à-dire un processus qui maximise la production de « valeurs urbaines » en regard de sa consommation de « facteurs de production », c’est-à-dire de l’ensemble des ressources tant environnementales que sociales ou économiques. Sous cet angle, la ville dense n’apparaît plus nécessairement comme un horizon vertueux.

C’est à répondre à cette double exigence – une métropole performante et durable – qu’invitait la présente consultation. Nous proposons donc d’en reformuler les termes en considérant qu’il s’agit d’une part d’imaginer une offre spatiale métropolitaine fluide et flexible, d’autre part de mettre en place les conditions d’une métropolisation intensive.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 38

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La figure du rhizome nous parait en mesure d’ouvrir une perspective en ce sens.

Les potentialités du rhizome

La figure du rhizome n’est pas seulement une grille de lecture analytique et descriptive du fait urbain contem-porain, de la métropolisation. Elle constitue aussi un énoncé performatif en ce qu’elle suggère une posture pour maitriser ce développement rhizomatique, celle de l’accompagnement du vivant et qu’elle donne à voir les conditions à mettre en œuvre pour aller dans le sens d’une métropolisation intensive et pour concilier performance et bien vivre.

Le rhizome propose un mode de conciliation entre performance et bien-vivre

- Organiser le développement de grands rhizomes est favorable au renforcement de la performance et de la compétitivité métropolitaine. Au sein de chacun de ces rhizomes, on rend possible les interactions et les synergies entre grandes fonctions métropolitaines (le productif, la recherche/innovation, le « récréatif », la connectivité…). Autrement dit, on facilite la densification de pôles d’emploi majeurs. Simultanément, la conception de chacun de ces rhizomes comme un élément du système métropolitain, fortement interdépendant des autres, au travers de la mise en place de liens et de connexions puissants va dans le sens de la fluidité et de l’intégration d’un seul marché de l’emploi, d’échelle métropolitaine.- Dans le même temps, le développement de ces rhizomes propose les conditions spatiales pour répondre à la crise du « bien vivre » en métropole. La conception de chacun de ces rhizomes, non comme un « pole urbain » mais comme un ensemble diversifié, alternant hautes et basses densités, structuré autour de grands « parcs urbains » est en mesure de répondre à une aspiration constante et unanime des populations : le besoin d’espace. Simultanément, cette conception est une condition nécessaire – mais pas suffisante – pour ouvrir l’éventail des choix résidentiels et permettre la mobilité résidentielle qui constitue aujourd’hui un des enjeux majeurs face au déficit d’attractivité des métropoles. Enfin, le développement de ces rhizomes comme des ensembles diversifiés fonctionnellement - sans pour autant être complets et autonomes – et bien reliés

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 39

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

les uns aux autres, constitue une des conditions pour réduire les inégalités d’accès aux aménités urbaines aujourd’hui constatées dans les métropoles.

Le rhizome est une figure possible de la métropole durable

- La perspective ouverte par l’après-Kyoto est d’abord celle d’une incertitude grandissante de notre futur. C’est une invitation à penser le projet métropolitain en intégrant cette incertitude et donc à laisser la place à « l’inconnu ». En ce sens, la figure du développement en rhizome offre une alternative crédible au paradigme de la « ville compacte » qui apparaît aujourd’hui comme le mode de réponse idéale à l’exigence d’économie de la ressource, mais qui, par sa conception uniformément dense, offre peu de place à la flexibilité , à l’inconnu. C’est à l’inverse tout l’intérêt de la figure du rhizome qui en quelque sorte préserve l’avenir, en ce qu’elle préserve des vides dans le développement métropolitain.

- Dans le même esprit, l’organisation en rhizomes alternant zones denses et zones moins denses est en mesure de préserver la ressource foncière sans prétendre la geler, tout en favorisant la réversibilité dans l’usage des sols.

- Sur un autre plan, cette structuration en grands rhizomes permet d’envisager les mobilités de façon cohérente, sans pour autant poursuivre la fiction de leur réduction, ce au travers d’un maillage du territoire métropolitain aux différents niveaux, selon différentes vitesses et modes de déplacements, entre les rhizomes et en leur sein.

Enfin, l’échelle du rhizome est favorable à un usage intensif de la métropole en ce qu’elle facilite les « hyperliens » entre le local et le global, chaque rhizome étant conçu dans sa capacité à combiner plusieurs échelles, celle du quotidien, celle du métropolitain et celle de l’ouverture au monde.

1-4. LE PARADOXE MÉTROPOLITAIN

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 40

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-5. LA MÉTROPOLE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 41

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La très grande ville est un fait technique. Sans elle pas d’agglomération.La ville des pierres et des pavés, des bougies et des puits, dont il faut consolider de temps à autre les toitures, a traversé les siècles attachée à la terre. La métropole est un immense artéfact technique, une addition de systèmes. Elle doit être l’objet de soins constants, d’entretien, d’adaptation, de mises à jour, de modernisation. Elle est vulnérable, fragile* . Sa grandeur, sa technicité, n’est pas une force stable dans la durée. Non elle n’est pas « durable » telle quelle. Sa faiblesse ne réside pas dans le béton, le verre et l’asphalte mais dans les réseaux et les machines, la circulation des flux, des produits, des hommes. Les machines d’approvisionnement et de distribution en eau, en énergie, en information, en vivres, en travailleurs, sont les moteurs sans lesquels la ville meurt. Et ces machines polluent.

Nous citions François Jacob en exergue de notre proposition, « il n’y a pas de matière vivante, il n’y a que des systèmes vivants », en terme métaphorique les métropoles ne sont pas des machines. Elles doivent être comprises comme des organismes vivants. Des systèmes qui auraient un degré d’évolution « supérieur » aux agglomérations par la complexité de leurs fonctions d’interfaces internationales. Une fragilité plus grande aussi. Nous emploierons ici le mot système avec prudence, tout fait système ! : la réalité métropolitaine additionne, croise des systèmes techniques, elle n’est pas elle-même un système technique, elle n’est pas une machine intègre des systèmes.

La métropole additionne des fonctions sophistiquées, elle est composée d’organes, des réseaux qui l’irriguent, de pôles d’échanges avec l’extérieur, etc…Dès que ces fonctions intègrent constamment l’intelligence, l’activité, la décision humaine, on est dans le vivant. Organisme vivant, la ville comme la ruche ou la fourmilière a les facultés de croître, de réagir, de répondre, de communiquer, de se développer, de souffrir d’agressions et de vieillir aussi.Dans la ville dense classique, cette réalité des fonctions se présente selon la localisation dans le tissu homogène des îlots. Le lieu du pouvoir, de la sécurité, de l’enseignement, de l’église, des réseaux, des commerces et de

* Les systèmes techniques ne sont pas vulnérables seulement sur le plan de la dégradation, de la surcharge, de l’inadaptation à un usage changeant, mais aussi au sabotage et pourtant la question posée par la technique est aussi celle de protéger la société et de mesurer sa dépendance, et sa sécurité face aux risques d’accident comme face aux catastrophes naturelles.

1-5. LA MÉTROPOLE

1-5-2. Un système vivant –Pôles et « organes »

1-5-1. Observer le vivant

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 42

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

la production ont leur position, leur adresse, les rues les connectent. Les organes font partie de la structure spatiale et toute la tradition monumentale a joué sur cette appartenance/ différence pour enrichir la perception des espaces et leur lisibilité.Au caractère binaire (cellule centre et anneau périphérique) que présentent les agglomérations toujours « hyper-centrées », il faut envisager que le stade métropolitain a besoin d’une périphérie beaucoup plus active et complexe. Les « organes » sont plus importants, plus différenciés, ils communiquent directement entre eux et avec les gares, aéroports. Et ils sont liés par les réseaux de communication. Ces pôles fonctionnels sont comme plusieurs organes spécifiques qui tendent à prolonger le centre ou à présenter un polycentrisme (Tokyo).

Dans la métropole, et selon les principes « déspatialisés » des phénomènes de communication qui l’ont vu naitre, cette existence des pôles ou des organes spécifiques apparaît au contraire comme une constellation dispersée de points ou zones éloignés formant un archipel indifférent à la nappe courante du territoire plus ou moins urbanisé. Les « organes » ne s’inscrivent plus dans une logique spatiale dictée par une texture urbaine. Perception et lisibilité semblent ne plus constituer plus une « question » pertinente. Les locali-sations semblent dépendre avant tout d’opportunités d’accessibilité, des terrains disponibles, de situations politiques, de connexions au réseau des transports et aux aéroports.

La culture technique segmente

L’homme a crée la technique. Elle est son principe de maîtrise et d’affranchissement vis-à-vis des limites et contraintes données par la nature.Or la technique n’est pas seulement un outil. Elle est une culture, elle induit des logiques, des modes de pensée qui dépassent toujours largement le champ délimité où elle agit et la finalité des systèmes et objets qu’elle met en place.

Dans le domaine de l’urbanisme par exemple, l’éviction du concept de la rue par exemple, est un fait culturel capital qui a été un fait entrainé, raisonné à partir du mode de pensée technique et selon sa méthode, sans que cela n’ait été dit, tant la culture technique peut imprégner l’idéologie générale. C’est ce que nous avons décrit comme la « déconstruction » de la rue comme forme symbolique. Et c’est une segmentation de la réalité en champs de compétences et de performances.

1-5. LA MÉTROPOLE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 43

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Un principe de distribution analytique des performances fonctionnelles que la rue accomplissait a présidé à un « schéma » total de ville, aux « établissements humains ». Ce fut le travail de la Charte d’Athènes, mais même sans ce travail, il est probable que les services d’urbanismes le monde auraient eu direction un peu similaire dans les années cinquante tant le raisonnement, l’efficacité de la technique, régnait seule. On connaît quelques exemples de résistance à cette pensée dominante durant ces années : la Staline Allée à Berlin Est, Le Bucarest de Ceausescu. Si ces résistances ont existé c’est parce qu’une vision et une idéologie alternative ont été imposées par des pouvoirs autoritaires.La technique conditionne tout pour la ville, le transport, l’alimentation, la communication, l’information, le sport, le commerce. Elle hiérarchise, créant l’ordre des nécessités incontournables avec ses projets, son coût, ses accidents, ses pannes.Elle conditionne des comportements, elle dynamise, transforme et bouscule le commerce, crée des besoins, des sujétions, accentue les inégalités entre les hommes tout autant qu’elle les relie. Comme les saisons, les crues, la météorologie les terres et les plantes, l’artéfact technique urbain est devenu notre nouveau milieu, une anti-nature qui a pris la place de la nature. La division du travail est à son principe.

La segmentation de l’artéfact global de la grande ville en champs de techniques induit la séparation dans la pensée, la méthode d’administration, d’installation et dans la gestion des systèmes par les acteurs, sociétés privées ou publiques qui construisent et entretiennent cette ville. Sont séparés les logiques propres aux systèmes (réseaux, des plateformes logistiques aux centrales téléphoniques, des usines de traitement d’eau ou de déchet aux réseaux routiers, des satellites de communication à la collecte des ordures, des journaux télévisés aux réseaux des magasins d’alimentation)Ces systèmes sont nécessairement disjoints parce que leur efficacité est dictée par des objectifs de perfor-mances propres, de rendement et souvent aussi de bénéfice. Il est apparut d’ailleurs que cette segmentation et ses conséquences dans le zoning de l’urbanisme moderne qui avait été pensé par et pour une action publique administrée ou unifiée d’aménagement, a accueilli l’économie libérale privée partout avec facilité parce que celle-ci se présente justement déjà segmentée en « métiers » : les constructeurs de maisons, les promoteurs de centres commerciaux, de logements en accessions, de bureaux, etc... On comprend que la segmentation des objectifs pour chaque administration, chaque compagnie privée, ne peut constituer par miracle une bonne synthèse répondant à tous.

1-5. LA MÉTROPOLE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 44

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Certes, les logiques qui président aux méthodes et installations des mobilités des plateformes logistiques ou des « pôles » tertiaires sont évidemment réfléchies en fonction de l’ensemble du territoire qu’elles induisent. Mais dans l’arbitrage de la décision et face à la difficulté d’une vision claire de l’intérêt général ou de l’expression de cette vision par une instance de gouvernance, les facteurs prédominant aux choix sont sectoriels, ou centrés sur un objectif de rendement ou de retour sur investissement particulier d’une société.

Il y a toujours eu un intérêt pour la recherche du schéma idéal de la ville. Il fallait des grands plans pour Washington, Brasilia, Chandigarh, Cambera, Tel-Aviv, pour changer Singapour et pour reconstruire le Havre, il fallait des plans « moyens », partiels, pour agrandir toutes les villes du monde, Shangai ou Pékin. parce que les villes mêmes étaient programmées ex-nihilo, et que l’idée du monde nouveau à venir s’accordait avec la tabula rasa et des grandes extensions.

1-5. LA MÉTROPOLE

1-5-3. UNE OBSERVATION DU GRAND ET DU PETIT – LES STRUCTURES ET ÉCHELLES DÉLIÉES

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 45

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-5. LA MÉTROPOLE

Les grands plans ne sont plus. Avec les métropoles nous n’avons plus à faire à des naissances de ville mais à des grands systèmes fragiles, et l’époque de la discussion sur les plans d’ensemble semble révolue. Mais ces systèmes vivants, que nous voulons d’abord observer, scruter, comprendre pour voir comment et pourquoi agir, relèvent tous de schémas lisibles dans leur dynamique. Ils les font apparaître.Si nous nous devons de réinvestir le champ d’une réflexion sur la grande échelle des structures de fonctionnement des métropoles c’est dans une perspective et une vision historique toute différente de celles des grands plans, c’est celle de la reconnaissance de la complexité des systèmes de flux, de leurs interactions, leur fragilité dangereuse, le danger à ne pas les faire évoluer.

La notion de schéma est induite par la reconnaissance de la ville comme système vivant à observer, comme phénomène dynamique en évolution constante, importance de l’aléatoire, de la nécessité d’ouvrir la voie aux initiatives imprévues. Il ne s’agit pas de repenser une planification déterministe mais de ne pas croire que le « hasard », « la somme des décisions non prises » (comme écrit par Rem Koolhaas à propos de la médiocrité des architectures de grands aménagements contemporains en général) puisse être une issue face à la fragilité des installations des grandes métropoles. La pensée en question ne consistera donc pas à établir des schémas à installer autoritairement sur des territoires mais à observer le vivant et voir les bonnes décisions qui incitent ou aident aux cohérences des installations.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 46

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

D’où l’importance d’une observation de la métropole dans une réflexion « holistique ». L’époque du post-Kyoto nous y conduit. Il s’agit d’entreprendre l’observation du vivant, de ses organes, pôles, mobilités, ou manque de mobilités, dynamisme économique ou stagnation et zones en difficulté.Observer la région métropolitaine comme entité physique et coder en flux, cartographiable à l’échelle de la région, c’est discerner l’hétérogène dans la nappe urbaine : des zones spécialisées, des axes de transports, des fonctions portuaires, des directions de développements.

Cette réflexion sur la structure à grande échelle est une nécessité de l’action sur la métropole. Mais elle est couplée avec un travail sur le volet spatial sur les quartiers, qui s’attache à agir sur la texture ou le déficit de texture des espaces de la périphérie. Il n’y a pas entre ces deux volets de continuité. Ces deux échelles traitent deux raisons différentes, et cette fin des enchaînements de proximité, cette disjonction entre les échelles est caractéristique de l’hyper espace métropolitain.

Il s’agit pour le schéma, de notions rationnelles, topologiques qui s’inscrivent comme dynamique dans le territoire et réfléchissent sur les opportunités, alors que le volet spatial mesure les qualités et défauts de la pratique et de la perception sensorielle des espaces physiques. Ce volet spatial parlerait plutôt du comment s’installent les dynamiques alors que les schémas de grande échelle répondent au où et au quand.

1-5. LA MÉTROPOLE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 47

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-6. LA GRANDE DIMENSION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 48

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Le premier schéma qui se présente quand on regarde Rio est un archipel urbain, entre eau et montagne. Le premier schéma quand on regarde Tokyo est une nappe dense avec un centre ancien oublié, munie de boulevards-anneaux et de centres secondaires (Tokyo parait presque, ou a-centrée poly-centrique et on a vu le dynamisme que cette particularité a ouvert dans les années 80. Lorsque Shinjuku est décédé, avec l’implantation de la mairie, c’est un pôle tertiaire et un quartier moderne qui est provoqué). Le premier schéma de New-York est formé de plusieurs sous-ensembles avec des spécificités fonctionnelles logistiques, etc…autour d’une île, et une grande plasticité dans cette île sur le plan des disponibilités foncières, des mobilités, et de l’évolution des quartiers spécialisés. Le premier schéma de Paris présente un fort radio-concentrisme renforcé par l’anneau périphérique qui enferme en « intra-muros » et exclue une immense périphérie, elle-même assujettie au radio-concentrisme, à une relation obligée au centre et enfin un grand pôle, hors les murs réussi, La Défense.

La vision en schéma a le grand danger d’être réductrice. Pourtant on ne peut en faire l’économie dès que l’on prend en compte que la métropole est système, qu’elle doit être perpétuellement adaptée et permettre l’évolution. Enfin nous savons que le schéma peut aider à constituer une base de la représentation mentale de l’image de la ville. Sao Paolo n’en a pas, Pékin oui. Et quelle image de l’Ile-de-France ? Sans des représen-tations partagées, hors d’échelle réelle, quasi symbolique, pas d’appropriation.

Depuis longtemps nous rêvons d’un grand Paris qui verrait une meilleure relation entre centre et périphérie, et souvent nous avons chanté les louanges d’un poly-cen-trisme évolutif à la Tokyo. La faiblesse de cette vision est évidente : le centre de Paris est unique, il ne s’étale pas, le centre ne se duplique pas. Il est d’une époque que nous avons su adapter à la notre, comme avec beaucoup de villes historiques, avec certes quelques dangers de ne plus pouvoir les faire évoluer, et le maintenir un peu évolutif pour les générations futures. Et les poly-centres ne se décrètent pas ex-nihilo sans partir du vivant.

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Tokyo

New York

Paris

Polycentes

Spécificités fonctionelles

Arborescence

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 49

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La fonction métropolitaine de la région passe dans la relation avec ce centre de La Défense, Roissy, Orly et la première couronne, et d’autres lieux en évolution. Le schéma n’est pas une nappe à plusieurs centres secondaires. Si nous voulons récapituler une évolution du Grand Paris nous restons amenés à regarder la succession de plusieurs schémas. Et nous prendrons en compte Orly, puis La Défense à son origine, et Saint-Quentin, Marne-la-Vallée, Roissy, Evry…Peu à peu le schéma devrait commencer à échapper à l’arborescence : la périphérie n’est plus une nappe homogène, elle est polarisée par des pôles qui ne

sont pas des centres secondaires, mais des pôles en relation entre eux : en réseaux. Le schéma devra être vu comme échappant à l’arborescence. Echapper au centre unique est impossible, regarder une figure non arborescente est possible grâce aux fonctions de relations aéroportuaires en grande partie et à La Défense : des pôles qui nous ont été légués, qui ont décidés.

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Beijng Tokyo

Paris

Londres

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 50

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

BeijingUn plan urbain perceptible de partout

1-6. LA GRANDE DIMENSION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 51

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-6. LA GRANDE DIMENSION

EAU

105 km22 166 200 hab

Paris

Beijing

892 km23 416 255 hab

Berlin

2 187 km212 886 838 hab

Tokyo

1 579 km2 7 684 700 hab

Londres

1 260 km26 093 472 hab

Rio

1 214 km28 143 200 hab

New York

1 523 km210 886 518 hab

Sao Paulo

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Paris

Beijing

Berlin

Tokyo

Londres

Rio

New York

Sao Paulo

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 52

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

ROUTE

1-6. LA GRANDE DIMENSION1-6. LA GRANDE DIMENSION

Paris

Beijing

Berlin

Tokyo

Londres

Rio

New York

Sao Paulo

FER

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 53

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Paris

Beijing

Berlin

Tokyo

Londres

Rio

New York

Sao Paulo

VERT

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 54

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Paris

Beijing

Berlin

Tokyo

Londres

Rio

New York

Sao Paulo

PÔLES NEURALGIQUES

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 55

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-6. LA GRANDE DIMENSION

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 56

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La première figure qui représenterait une ville polycentrique, ou une ville dont le centre n’est ni étouffée par sa périphérie ni exclu, serait celle de la ville discontinue, en l’archipel qui rythme zones occupées-zones « vides », et rompt avec la « tâche d’huile ». La figure de l’archipel articule des pôles secondaires de densification aux zones moins denses ou si possible aux zones vertes. L’idée est de rythmer des zones denses, formant parfois des grands repères visibles de très loin, installés autour des gares de transports métropolitains, dans des rayons accessibles (2km) à vélo assumant des zones moins denses et plus éloignées. La première vision offerte par cette représentation est celle de la ville traversant lacs et parcs : La Haye, Stockholm, Berlin, ou encore Rio traversant les montagnes, forêts et anses par les tunnels et passant d’une « chambre » topographique à une autre.Outre que cette topologie multiplie les situations de bords, fractalisant les contacts avec la nature elle assure au sein de la ville, dans la perspective de l’après Kyoto, un équilibre avec la biomasse. Elle déjoue la polari-sation sur le centre unique et les notions d’éloignement et de relégation qui accompagnent cette polari-sation. Elle ouvre les possibles pour qu’un très grand territoire urbain soit compréhensible selon un principe perceptible sur le terrain, avec le corps.A toutes ces qualités on objectera que créer des parcs et des zones peu denses dans une très grande région comme l’Ile-de-France ou Sao Paolo n’est pensable que dans une continuité d’action sur la durée et dans un échange ou commerce foncier en mesure de pratiquer une mutualisation des valeurs de terrains à grande échelle comme dans des projets de villes nouvelles ou de zones d’aménagement.A cette vision idyllique nous adhérons, mais en premier lieu nous continuerons notre observation de ce système différencié, polarisé, en dynamique, et non arborescent et uniquement indexé sur le binôme pôle-périphérie. Ce système où le non spatial a bousculé l’espace classique et que nous avons décrit comme métropolitain.

1-6. LA GRANDE DIMENSION

L’archipel

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 57

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Utilisé par G. Deleuze et F. Guattari comme principe d’une figure topologique de développement non arborescent, le rhizome nous servira à désigner la vitalité de ces « organes » en réseaux de la métropole qui n’existeraient pas sans le centre, n’en sont pas une extension, ont une autonomie relative, sont en relation entre eux et avec ceux d’autres métropoles. Image de croissance non arborescente, du caractère irrégulier et dynamique d’un mode de croissance repérerable sur le territoire. Ce schème nous sert à constituer une alternative à une représen-tation dominante de la métropole, notamment pour le Grand Paris, qui reste structurée par la seule logique centre/périphérie, la zone dense vers la zone non dense, ou une illusion de polycentrisme attachée aux villes nouvelles. Avec le rhizome nous regardons une formation qui a un ou plusieurs centres, et où des pôles, des prolon-gations, des fonctions autres, sont en relation multiple entre eux et avec le centre. Ces pôles ont des fonctions propres. Ce ne sont pas des répliques « villages » du centre mère avec « panachage » équilibré de toutes les fonctions du centre. Toutes les expériences, mais aussi les nécessités d’optimiser les mobilités emploi-habitat montrent qu’il faut penser en pôle avec dominante fonctionnelle pour l’emploi et mixité, mais non en pseudo centres latéraux qui prétendaient diffuser de l’emploi et du logement.

Voir le centre lui-même comme une formation rhizomatique et non plus seulement un espace homogène structuré par l’enchaînement des rapports de proximité est cohérent avec cette figure relationnelle. Par la nature souterraine, invisible de ses enchaînements, le rhizome décrit les relations à l’ère des hyperliens immatériels qui viennent se superposer aux liens classiques ; et voit par exemple

1-6. LA GRANDE DIMENSIONDevenu une Star soudaine en jouant un surprenant rôle de concept philoso-phique dans un texte de Deleuze et Guattari au début des années soixante, le mot « rhizome » pourrait d’abord nous faire penser à quelque maladie mais c’est un terme de botanique. Venu du grec, le français l’a adopté au dix neuvième siècle mais ce fut pour le détourner sensiblement de sa signification originelle : « rhizome » en grec signifie la racine en français. La racine est souterraine, arborescente, unitaire. Elle nourrit une plante qui se reproduit ensuite dans l’air. Mais quand le botaniste voulu désigner les curieux dispositifs des plantes à propagation souterraine, ceux du chiendent, du gingembre, de l iris, du bambou, ces systèmes en réseaux, en nappes, non arborescents et défiant l idée de fixité, de commencement, de fin, d’unité, défiant pour tout dire l’idée même de racine, il fallu inventer un autre mot. Une fois encore le grec fut appelé à parer la science de l’autorité de son antique raison. Rhizome devint alors le nom de ces redoutables proliférations qui inquiètent maçons paysagistes et architectes parce qu’elles crèvent les étanchéités et les murs.Aussi est ce la nécessité de prévoir des « barrières anti-rhizome » qui pour beaucoup fait connaitre le rhizome mais pas toujours son fonctionnement fascinant et la fortune métaphorique que « Mille plateaux » a initié. Dans ce texte libre, inspiré, confus parfois et agissant en répétition comme les courants rapides d’un fleuve, le rhizome permet de tisser entre eux tous les processus d’enchainement, d’engendrement qui ne sont pas arborescents, qui ne partent plus d’une unité, d’une origine reconnue. Ne plus partir de l’unité, d’une règle de reproduction, penser transversalement, imaginer les cheminements imprévisibles qui font ressortir les idées d’un domaine à un autre, dans la découverte scientifique comme dans l’histoire de l’art moderne. Dans ce texte c’était toute une condition de la modernité, de son heuristique déjouant constamment les filiations institutionnelles ou académiques qui m’apparaissait. Que la métaphore fut spatiale ou topique confirmait pour moi cette expérience selon laquelle l’imaginaire spatial est un vecteur rapide de la pensée, concurrent du langage. La hiérarchie est arborescente, les cités fermées et les systèmes coloniaux aussi. Mais les écoles doivent l’être plus ou moins. S’il y a une liberté dans ce rhizome qui annonçait le réseau internet, la mondialisation et qui nous laisse imaginer des formes neuves de diffusion des idées il y a aussi une image de prolifération invisible, incontrôlée et destructrice.

Le rhizome

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 58

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

l’importance des pôles d’affaire « chauds », des plateformes logistiques « froides », des quartiers universi-taires ou nocturnes ou commerciaux, des aéroports et sa noria d’urbanisation « d’affaire » en tension avec centre et pôle de congrès…dans la vie des grandes métropoles, Tokyo, Osaka, New-York, sont des exemples immédiats.

L’image du Rhizome est celle d’un corps multiple dont on peut inciter la croissance mais non autoritairement la planifier.

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Extraits de l’introduction de Mille Plateaux – Gilles Deleuze et Felix Guattari, Ed de Minuit

[Résumons les caractères principaux d’un rhizome : à la différence des arbres ou de leurs racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque, et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature, il met en jeu des régimes de signes très différents et même des états de non-signes. Le rhizome ne se laisse ramener ni à l’Un ni au multiple. Il n’est pas l’Un qui devient deux, ni même qui deviendrait directement trois, quatre ou cinq, etc. Il n’est pas un multiple qui dérive de l’Un, ni auquel l’Un s’ajouterait (n + 1). Il n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. Il n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde. Il constitue des multiplicités linéaires à n dimensions, sans sujet ni objet, étalables sur un plan de consistance, et dont l’Un est toujours soustrait (n — 1). Une telle multiplicité ne varie pas ses dimensions sans changer de nature en elle-même et se métamorphoser. A l’opposé d’une structure qui se définit par un ensemble de points et de positions, de rapports binaires entre ces points et de relations biunivoques entre ces positions, le rhizome n’est fait que de lignes : lignes de segmentante, de stratification, comme dimensions, mais aussi ligne de fuite ou de déterritorialisation comme dimension maximale d’après laquelle, en la suivant, la multiplicité se métamor¬phose en changeant de nature. On ne confondra pas de telles lignes, ou linéaments, avec les lignées de type arborescent, qui sont seulement des liaisons localisables entre points et positions. A l’opposé de l’arbre, le rhizome n’est pas objet de reproduction : ni reproduction externe comme l’arbre-image, ni reproduction interne comme la structure-arbre. Le rhizome est une antigénéa¬logie. C’est une mémoire courte, ou une antimémoire. Le rhizome procède par variation, expansion, conquête, capture, piqûre. A l’opposé du graphisme, du dessin ou de la photo, à l’opposé des calques,

La nappe radiocentrique Le polycentrisme en quesion

une ville centre et plusieurs “villes satellites”

Le rhizome

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 59

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Analyser puis travailler sur l’espace métropolitain à partir de ces rhizomes c’est les comprendre comme des champs en liaison, en développement possible, couloirs ou vallées parfois plutôt que centre, et en tant que pôles fonctionnels dans la fonction nodale de la métropole mais également élément d’un archipel.Il est ici utile de citer des passages du texte de Gilles Deleuze et Felix Guattari tant on peut y entendre les qualités et facteurs qui intéres-seront la métropole en ce qu’elle échappe au dualisme centre-périphérie, au dualisme de l’arbre, de la ramification centrée. Et il est intéressant d’y entendre parler de ville, d’urbanisme alors que les champs d’application que les auteurs envisagent ne sont justement jamais urbains, mais psycha-nalytique, relationnel, politique, etc…Il est intéressant aussi de penser combien le rhizome est une préfig-uration d’internet. C’est une figure des « poly-liens » et qui permet de rendre compte de cette réalité de l’espace problématique de la métropole : espace des non contigüités, espace des lignes dynamiques de réseaux, espaces des ports et des « portes », des points d’arrivée et de départ, qui viennent troubler et bousculer la figure mère du centre.Il apparait que le rhizome (la toile internet, la ville métropolitaine) ne se contrôle pas absolument, ne se décrète pas comme le plan dirigiste. Il est en mesure de désigner une situation d’échange relationnel où trouvent leur champs d’action les pressions individuelles, le marché, le commerce, selon des configurations aléatoires.

1-6. LA GRANDE DIMENSION

le rhizome se rapporte à une carte qui doit être produite, construite, toujours démontable, connectable, renversable, modi¬fiable, à entrées et sorties multiples, avec ses lignes de fuite. Ce sont les calques qu’il faut reporter sur les cartes et non l’inverse. Contre les systèmes centrés (même polycentrés), à communication hiérarchique et liaisons préétablies, le rhizome est un système acentré, non hiérarchique et non signifiant, sans Général, sans mémoire organisatrice ou automate central, uniquement défini par une circulation d’états] (page 31-32)

[L’arbre ou la racine inspirent une triste image de la pensée qui ne cesse d’imiter le multiple à partir d’une unité supérieure, de centre ou de segment. En effet, si l’on considère l’ensemble branches-racines, le tronc joue le rôle de” segment opposé pour l’un des sous-ensembles parcourus de bas en haut : un tel segment sera un « dipôle de liaison », par différence avec les « dipôles-unités » que forment les rayons émanant d’un seul centre… (Page 25)]

[La pensée n’est pas arborescente] (Page 24)

[Nous sommes fatigués de l’arbre. Nous ne devons plus croire aux arbres, aux racines ni aux radicelles, nous en avons trop souffert. Toute la culture arborescente est fondée sur eux, de la biologie à la linguistique] (Page 24)

La metropole : des hyperliens.

L’éclatement des hiérarchies de proximité

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 60

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-6. LA GRANDE DIMENSION

Structure centralisée Structure décentralisée

Source: Chuen-Ferng koh - Towards a holistic ontology

Structure distribuée Structure hybride

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 61

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 62

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Chaque métropole est une légende. Chaque métropole est un trésor vivant. Chaque métropole est un labyrinthe inextricable où se sentent cachées, protégées, la richesse et la misère.Tous les schémas ne peuvent tenir s’ils ne sont pas pensés avec le vivant. S’ils ne participent et ne font participer le vivant.Dans la métropole, le vivant rêve qu’il a accès au monde entier, mais il peine dès qu’il sort de sa tanière, de son petit périmètre. Le voisin, le proche peut-être hostile, insécure, le lointain inconnu.

Des faits alertent sur la métropole, le danger de la fixation des barrières sociales, de l’enfermement de zones villes de non droit, de celui de quartiers de droit privatif, l’arborescence en impasse des réseaux de circulation, existe aussi le danger de la déchéance, l’appauvrissement, la disparition parfois de l’espace public, sont des obstacles au développement : de fait la métropole est productrice de l’exclusion, de la relégation. A la ville intégratrice et citoyenne de l’espace public, s’oppose la ville séparatrice où la République n’est pas respectée. La ville des rues enseigne en silence à chaque enfant la chose publique et le monde du dehors comme richesse accessible, appropriable.

Certes, les étendues des nappes urbaines périphériques ne sont pas la cause des inégalités sociales mais elles les fixent sur le territoire d’où elles ne peuvent plus sortir. Elles les renforcent par la difficulté d’accès aux services et aux emplois, à la formation.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 63

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Dans les métropoles, l’espace matériel semble le plus souvent comme laissé pour compte. Les disparités s’accentuent, les distances fixent alors dans l’espace des barrières infranchissables au sein de la société. Ceci établit ce sentiment de « crise chronique», certes aussi ancien que la ville elle-même, mais que la métropoli-sation a porté aujourd’hui à un paroxysme.

En parallèle à cette grande dynamique structurelle en réseaux nous menons l’observation de ce que l’on pourrait appeler la structure courante et l’espace physique de la ville. Le processus de métropolisation peut se retourner contre lui-même ; étouffer les mécanismes qui l’ont porté et être rejeté par la majorité de ceux qui vivent dans cet espace.

Comme nous l’avons dit, dans la métropole, le principe de la hiérarchie des proximités est éclaté et c’est le nouvel espace qui apparaît, crée par et pour les réseaux, qui est difficile à vivre.Dans l’espace métropolitain, l’enchaînement d’échelle qui allait de l’îlot au quartier, du secteur à la commune ou à l’ex-village englobé, est disloqué, les lieux, les pôles de l’appartenance sont indistincts, les interdépen-dances sont multiples et ne réfèrent plus que secondairement à la proximité spatiale. Le phénomène caracté-ristique rend possible une métropole « limite » telle la Randstadt en Hollande qui voit la métropole se former dans la combinaison des trois ensembles et du centre aéroport-gare de Schiphol : la masse critique de population et de richesse franchissant les terres agricoles et les fonctions métropolitaines sont diffusés dans ce large champs.

Cet ordre de la marche à pied, de l’axe visuel, des « compositions » urbaines et de leur alignement, ont toujours su, au cours des siècles, accorder les poussées désordonnées de l’immobilier venu des pressions anarchiques individuelles et la nécessité de règle, d’arbitrage, et de respect d’un ordre, et de l’intérêt public représenté par une autorité. Cet ordre ancien est insuffisant pour traiter l’espace métropolitain mails il est toujours celui de notre corps.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

La texture, la chair

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 64

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Ville classique

Quartier Bonne nouvelle,

Paris (75)

Banlieue ancienne,

Arcueil (94)

Tissu pavillonaire,

Le Blanc mesnil (93)

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 65

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Tissu pavillonaire,

Le Blanc mesnil (93)

Périphérie moderne,

Sarcelle (95)

Périphérie “moderne”,

Créteil(94)

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 66

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Périphérie “moderne”,

Créteil(94)

Cité La Grande Borne,

Grigny (91)

Villes Nouvelles,

Marne-la-Vallée(77)

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 67

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Une analyse de tissus métropolitains, de ses formes récurrentes et repérables montre dans une lisibilité comparative (on y lit coupures, enclavements et juxtapositions), le territoire hybride, segmenté, différencié, non homogène, des périphéries. Cette analyse des types de zones fonctionnelles et programmatiques (pavillon-naires, cités, villes nouvelles avec ses modes des différentes décennies, parcs d’activités, etc...) s’intéresse aussi aux systèmes, aux voiries, liaisons, segmentations, distorsions des fluidités entre les secteurs bâtis. On sait que ce système des espaces publics est beaucoup plus discontinu, distendu, difficile à pratiquer dans les métropoles et toutes les périphéries, dès qu’a été abandonné le rapport rue-îlot, parce qu’idéologiquement perçu comme dépassé et non identifiable dans nos programmes, nos mœurs, nos techniques.On retrouve partout les structures des réseaux (auto, voies ferrées, parcs logistiques, etc…) qui traversent les nappes urbaines périphériques segmentent des secteurs, qui ont été bâtis souvent en zones fonction-nelles homogènes (pavillons, grands ensembles, centres commerciaux, activités). Par leur structure viaire, leur homogénéité, leur position, leur éloignement, leur enclavement, ces espaces sont souvent d’emblée favorables aux « ghettoïsations » lorsqu’elles sont résidentielles avec assignation dans des « poches fermées ». Le même phénomène est visible parfois pour les zones résidentielles les plus riches qui se referment : l’espace public, la voirie sont segmentés, coupés du réseau des espaces publics et dessinés à partir d’une seule entrée et en arborescences avec impasses. On voit en Europe les prémices de ces villes privées qui sont nombreuses ailleurs.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 68

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La question se pose de trouver des relations neuves d’appropriation à petite et à grande dimension entre le corps et la ville.

Face à l’immensité et au labyrinthe du grand territoire métropolitain, nous recherchons les modes de l’appropriation, les moyens de la restaurer.Nous pouvons parler de l’appropriation sur le plan de la perception d’abord. Le manque de repères, l’étalement, l’éloignement, les coupures dans l’espace dues aux réseaux de circulations ou les ruptures entre zones d’habitat et zones logistiques, tout interdit de comprendre l’espace, les lieux, de s’y retrouver, de s’y situer. Impossible d’accorder son corps, son pas, sa vision, à la dimension de la ville dans la périphérie. La perte de repère c’est déjà une exclusion mais la vue de Paris depuis la terrasse de Saint-Germain-en-Laye serait ici un exemple nous parlant de la grande échelle urbaine : on voit des repères de La Défense. On voit Paris intra-muros. On mesure son corps dans le paysage. Il n’y a là une appropriation de perception, comme il y en a, à plus petite échelle, le long de la Seine. Cette première appropriation est pour nous la plus importante, la plus physique. Et nous recherchons les moyens de la rendre possible par des projets qui forment les balises et belvédères du grand paysage. L’exemple du projet de Barra da Tijuca est significatif.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

L’appropriation par le corps, la perception, l’imaginaire.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 69

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Un deuxième stade de l’appropriation est celle de la pratique de la ville : pouvoir accéder, disposer de transports ou de réseaux. Ne pas être interdits par des barrières. Savoir qu’un réseau universel de voies publiques forment une grille où « tous les chemins mènent à Rome » et où les riches, le pauvre, la maréchaussée, les noms des occupants, des bureaux, sont repérables. Disposer d’un réseau d’espace qui permet comme « un moteur de recherche » de découvrir, d’apprendre, et de trouver qui on veut.

Le troisième stade de l’appropriation tient au commerce foncier et à la transformation possible de la ville. C’est s’approprier en agissant, en achetant, vendant, bâtissant, transformant.Il s’agit d’apprécier et de créer des textures urbaines, des quartiers ayant une plasticité, une flexibilité. Des quartiers où les immeubles peuvent changer de propriétaires, de fonction, et être remplacés. Cette capacité d’appropriation par les générations est le secret des villes heureuses. C’est aussi celui de la ville durable. Le durable c’est le transformable. L’exemple du projet de Pékin et de Sao Paolo que nous présentons sont signifi-catifs de ces deux stades d’appropriation.

1. L’objectif est d’étudier la possibilité du désenclavement général des quartiers. Tout ce qui est en impasse, en zones enfermées par des grands réseaux, en poches fermées, tout ce qui a une faible ou difficile connec-tivité avec le système général des voies publiques, devrait être retraversé de voies, ré-ouvert, reconnecté. Des ponts, des trouées, plus d’enclaves qui sont les gisements des ghettos de demain ce sera une règle de la ville comme république.

2. L’autre objectif est d’étudier les possibilités de restaurer de la lisibilité, de la visibilité, des grands repères visibles de loin pour les grands territoires. Il y a des belvédères naturels à Los Angeles sans lesquels la ville n’aurait pas pu fonctionner, lacs, clairières, (central) parcs, terrasses, belvédères, tours signaux et balises sont des réponses.

3. Enfin, il faut trouver les modes d’actions, les outils d’un urbanisme non déterministe, un urbanisme des probabilités et de l’aléatoire. La ville, de tout temps, a été le résultat d’une lutte plus ou moins tendue entre les pressions anarchiques et multiples des individus, des intérêts privés, et l’encadrement de ceux-ci par une autorité représentant l’intérêt général.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

Agir en urbanisme ?

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 70

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

La rue a été le lieu de la « loi et de l’intérêt général », le plan formant contrat entre intérêt privé et intérêt commun. Elle est aussi une règle de jeu extrêmement simple, ouverte à l’aléatoire.Dans les médinas ou les favelas, la dynamique privée a œuvré, l’intérêt public ou communautaire était ensuite à posteriori négocié, corrigé, fluidifié par le rachat d’un couloir ou d’une maison pour permettre d’agrandir la nappe en faisant aller plus loin la ruelle. Dans la ville grecque, dans le Paris d’Haussmann ou dans la ville des cités de l’après-guerre, les plans représentant l’intérêt public ont préexisté et les intérêts privés s’y sont inscrits. Dans l’histoire récente, dans les trente dernières années, pour beaucoup de pays émergeants ou développés - l’énergie des entreprises privées a pris le pas sur l’effort public. Ce couple, de ces deux « forces » : l’intérêt public et les pressions privées, qui fut à l’œuvre dans tous les développements urbains sont toujours à l’œuvre dans les extensions spatiales des métropoles. Les territoires se sont développés comme résultat de cette lutte devenue inégale. Face à la rigidité, l’exigence, l’inadaptation et le reflux de la planification de l’après-guerre, et de ses modèles, de ses plans d’espace public préexistant, on a alors vu le « marché » guider presque seul des développements urbains considérables ou l’intérêt commun est représenté à minima par une desserte auto routière. Symbole de la ville planifiée, Brasilia, effort d’une nation, paradigme du plan de ville il y a 50 ans est de fait remplacée par Sao Paolo comme paradigme de la croissance « monstrueuse », caricature du phénomène de la nappe infinie, de la dynamique privé et du laisser faire. Aucun des deux cas ne pourra être un modèle.Inventer un urbanisme qui encadre, rend possible, établit des « règles du jeu », est la réponse. Un urbanisme qui incite à la qualité en ouvrant des droits de retour. Nous le pratiquons en ce moment à New-York, où une politique de la ville qui accorde des droits aériens supplémentaires à condition de présenter sur un site un projet qui soit considérer comme une contribution à la qualité urbaine locale – jardins, écoles, commerces –et à la qualité architecturale de la ville.Notre client obtient de doubler ses droits à construire grâce au projet – de 150 000 à 300 000 m². Un triangle de qualité est formé entre le city planning, le promoteur et l’architecte.

4. Nos travaux à Pékin, à Sao-Paulo, à Rio, à New York même ont chacun eu à affronter et empêcher ce phénomène d’enclave urbaine qui interdit l’appropriation. La privatisation, l’abandon de l’espace collectif, son cantonnement dans le réseau des tuyaux autoroutiers, et l’apparition de la ville constituée de « camps » de pauvres, de riches, de camps de bureaux et de loisirs menacent comme l’arrivée d’une barbarie, la clôture d’un âge ouvert par l’invention de la rue par les grecs.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 71

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

L’homogénéité et souvent la clôture des quartiers récents présentent un autre inconvénient très lourd : son absence de flexibilité sur le plan du commerce immobilier ou foncier. « Comment revendriez-vous ce million de mètres carré que vous nous demandez de projeter, si c’est un grand enclos avec une seule porte et des voiries en arborescence ? », demandions-nous aux promoteurs chinois pour lesquels nous étudions un immense quartier de Pékin. « Quand les riches iront ou voudront aller ailleurs, cela sera impossible pour vous ou les copropriétaires de revendre d’un coup ». « Il faut traverser le quartier par des rues publiques, chaque bâtiment pourra être séparément racheté, transformé, détruit, rebâti ». Après réflexion de quinze jours, les clients ont acceptés. La réversibilité, l’ouverture au jeu du temps, du commerce, de la transformation, le transformable c’est aussi le durable.L’espace métropolitain est irréductible à une addition de villages, d’unités de voisinages ; il est au contraire l’espace d’une liberté élargie, y compris celle de ne pas fréquenter ses voisins. La grande dimension est une beauté très difficile à apprivoiser. Nous devons vivre à la fois l’espace de la proximité et celui de la distance. Retrouver la relation entre le corps et la grande dimension est partout un des défis des métropoles.

La question que nous nous posons alors est de définir comment, à quelle condition l’action de l’urbanisme est-elle aujourd’hui possible, pertinente? Cela ne relève pas seulement d’une étude

« Matriser » le territoire, la planète, aménager les lieux, est une tache lourde, une œuvre progressive, qui demande réflexions, projets, ressources, bref, des facteurs qui produisent leur valeur à terme, mais demandent de dépasser le court terme et le calendrier électoral. C’est s’attaquer à la ville dans son existence physique, sa matière, ce « laissé pour compte » comme nous l’avons dit.Les produits de la technique, de la consommation, s’adaptent à nos besoins et sont remplacés quand ils sont obsolètes. Mais la ville ne s’efface presque pas!On ne peut pas facilement revenir en arrière, détruire les infrastructures. Et la dynamique du marché foncier, qui par essence est impulsif et exagère les tendances, n’a pas de flexibilité. Les « produits » immobiliers inadaptés restent figés, à la différence des produits de l’industrie. La ville embrasse le temps long, elle est un calendrier métaphysique qui est pour tous la concrétisation du temps. Penser l’avenir c’est là décider que nous avons un destin commun.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 72

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

« Hestia et Hermès à Los Angeles »,Bruno Queysanne in Poïesis « La ville entre intérieur et extérieur, N°8 », 1998.

Dans son article du début des années soixante explique l’organisation de l’espace dans la Grèce Antique, Jean-Pierre Vernant explique

sous la forme du mythe des dieux Hestia et Hermès. On retrouve chez Hestia, le « st » de la stance et de l’être. Elle est la déesse du

foyer, quasiment la seule à avoir son nom traduit en latin avec le même caractère, Vesta - où l’on a le « st » à nouveau ; et puis le dieu

Hermès qui est celui du mouvement, du vol, avec les petites ailes aux talons. Jean-Pierre Vernant raconte son étonnement devant le

socle d’une statue sculptée par Phidias qui représente la ronde des dieux où tous forment des couples masculin / féminin, chacun étant

un couple légitime. Zeus avec sa femme Héra, quelquefois frère et sœur, quelquefois mère et fils. Et dans ces douze couples il y en a

un, le dernier, fait de Hestia et Hermès, dont rien ne nous dit dans la mythologie pourquoi ils sont ensemble. Ils ne sont pas amants, ils

ne sont pas mariés, ni frère et sœur ; il n’y a aucune raison légale ou légitime d’être ensemble. Pourquoi donc sont-ils ensemble? Toute

la démonstration de Vernant est de montrer qu’en fait, ils sont l’expression complémentaire, du type Yin et Yang des chinois, et non

pas l’opposition de la déesse du foyer, de l’intérieur, de l’immobilité, de la permanence, de la conservation des choses, etc., et du dieu

volage, voleur, de la communication, du dehors, de la périphérie. En fait ils ne peuvent fonctionner, même comme mythe, que s’ils sont

pris ensemble. Et dans les hymnes homériques qui racontent la vie de chacun de ces dieux, celui d’Hermès est le plus long, c’est le dieu

le plus ami des hommes, alors que sur Hestia qui préside aux banquets des dieux mais aussi à ceux des hommes qui siègent là, à qui on

rend grâce la première, ne comporte que quelques lignes, où on invoque Hermès. Le texte dit « ...en accord avec la déesse vénérée qui

t’est chère », philia en grec, ce sentiment d’amitié qui n’est pas l’amour mais qui est « être bien ensemble ». Le texte continue « Tous

deux, vous habitez dans les belles demeures des hommes qui vivent à la surface de la terre, avec des sentiments d’amitié mutuels ». On

répète la philia qui caractérise le rapport de Hestia et d’Hermès qui se déroule et peut s’épanouir dans les belles demeures des hommes.

Dans certaines éditions qui reproduisent le texte grec d’origine, il n’y a pas le qualificatif de beau pour les maisons dans lesquelles se

trouvent Hestia et Hermès. C’est dans l’édition française du texte grec que figurent les belles demeures, dômata kala.

Il vaut mieux avoir des belles demeures, parce que Hestia sera contente d’être là, et Hermès viendra la voir...

Les anglais, dans l’édition classique Loeb, citent un texte où les demeures sont bien celles des hommes mais ne sont pas nécessairement

belles, et permettent cependant à Hestia et Hermès d’être en rapport d’amitié mutuelle. Moi, je préfère que les maisons des hommes

soient belles pour permettre ce rapport, parce que si elles ne sont pas belles, elles ne permettraient pas à Hestia et Hermès d’avoir

d’aussi bons rapports d’amitié, et s’ils ne sont pas contents entre eux ils ne vont pas être contents avec nous ; et quand les dieux ne

sont pas gentils avec nous il nous arrive des catastrophes. Il vaut donc mieux avoir des belles demeures, parce que Hestia sera contente

d’être là, et Hermès viendra la voir et fera son métier, c’est-à-dire d’aller et venir.

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 73

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Pour moi, ce mythe et l’interprétation qu’en donne Vernant sont d’une importance primordiale. Ils classent comme yin et yang : Hestia

étant centre, intérieur, conservation, immobilité ; Hermès étant périphérie, mouvement, transformation, etc. Mais ces deux choses-là

ne prennent sens que si on les met ensemble comme le yin et le yang qui produisent le Tao, et donc l’Etre. Mais si on ne considère que le

yin ou que le yang, ça ne marche pas. Le mythe grec est très beau parce qu’il y a un moment où Hestia n’est plus la déesse de l’immobilité

et de la conservation, mais au contraire celle du changement ; c’est au moment du mariage, parce que le principe féminin change de

maison. L’homme qui reste à ce moment-là garde le nom de famille, c’est lui qui est stable. Le mythe est vraiment subtil parce que

même si on peut identifier chacun de ces deux-là, il y a un moment où ils échangent leur caractère, ce qui montrerait bien que intérieur

et extérieur - pour résumer ainsi tous les qualificatifs de l’espace architectural - n’ont rien à voir avec l’identification de la géométrie,

que par ailleurs les grecs sont en train de mettre en place. C’est en même temps que les deux genres de logos se développent et sont

utilisés de façon complémentaire dans la pensée du monde.

Pour moi c’est une leçon extraordinaire, et c’est même une méthode de critique des projets architecturaux. Quand je parle d’architecture

c’est avec les trois dimensions : édifice, ville, territoire. Ce n’est pas uniquement le projet de bâtiment, ce peut être le projet de ville, de

quartier, et puis de grande dimension du territoire ou du paysage. Comme pendant des siècles chez nous, puisque des traités différenciés

d’archi¬tecture et de ville n’apparaissent peut-être qu’avec Patte à la fin du XVIIIe siècle, mais auparavant chez Alberti, chez Vitruve,

Palladio et d’autres, faire de l’architecture c’est aussi bien faire le plan de ville que le plan de maison, ou le plan de territoire, puisque le

cardo-decumanus ne concerne pas simplement le centre-ville, l’intérieur, mais qu’il branche l’intérieur de la ville à l’intérieur externe

du territoire, puisqu’on sait bien que tous les chemins mènent à Rome. Au contraire il n’y a pas dans le mythe grec domination de la

centralité, avec comme corollaire une secondarité de la périphérie. La colonisation grecque n’était pas...le réseau c ‘est une organi-

sation, dont le centre est partout et la

périphérie nulle part...

semblable à la romaine, et encore moins à celle que nous avons connu au XIX e siècle français et britannique où il y a une métropole et

des colonies. Fonder une colonie pour les grecs, c’était quitter une ville et en fonder une autre de même rang ; on pourrait dire « tous

les chemins ne mènent pas à Athènes » pour contrebalancer le « tous les chemins mènent à Rome ». Toutes les voies maritimes de la

Méditerranée ne menaient pas à Athènes, mais au contraire mettaient en place un réseau d’Alexandrie à Ephèse, d’Athènes à la Sicile,

dans lequel il n’y avait pas un centre et des périphéries, mais une polycentralité dans laquelle chacun, à tour de rôle, était l’extérieur

de l’autre sans qu’il y ait un jugement de valeur, y compris dans la domination politique et économique (même si Athènes à tendance

à se penser comme la plus grecque de toutes les villes grecques). Cela va très bien avec le mythe de Hestia et Hermès ; c’est, donc une

conception de l’organisation de l’espace en réseau plutôt qu’en centralité et en rayonnement : avec un point central et une périphérie.

Encore que le Moyen Age ait légué.à la Renaissance une formule magnifique selon laquelle Dieu est conçu comme une sphère dont le

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 74

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

centre est partout et la périphérie nulle part. Nicolas de Cues, un des grands cardinaux et philosophes du XVe siècle, a appliqué cette

formule à notre monde, il la transporte de Dieu au monde. Et le réseau c’est bien ça, c’est une organisation, ce n’est pas une non-or-

ganisation, dont le centre est partout et la périphérie nulle part puisque chaque point, à un moment donné, peut être considéré comme

centre ou comme périphérie, et revenir à son état précédent. La notion de réseau évidemment est celle qui convient pour donner forme

à Los Angeles, puisque c’est avant tout la ville qui n’a pas de centre ; y compris par rapport aux villes américaines classiques qui ont

toutes un down-town, même si elles sont organisées en fonction d’un quadrillage orthogonal qui donne l’impression d’être un réseau

neutre. En fait, la neutralité du réseau américain est neutralisée par l’élection d’une zone comme centre : le down-town. Ceci est vrai à

New-York, à Chicago, à San Francisco en particulier, etc.. avec différentes typologies de bâtiments, différentes densités entre le centre

et les zones environnantes.

La forme géométrique du réseau ne suffit donc pas pour opposer le réseau au rayonnement du cercle. Au fond, on peut faire fonctionner

un réseau orthogonal, une grille comme un réseau concentrique *, et d’ailleurs il y a eu des tentatives en ce sens à la fin du XIXe siècle

et au début du XXe par les urbanistes américains. Daniel Burnham en particulier, le grand architecte-urbaniste de Chicago, a emprunté

le modèle de Washington qui fonctionne avec le double réseau superposé, le réseau orthogonal pour la matérialité quotidienne, laïque

de la ville, de la résidence, puis, avec le réseau rayonnant à partir des pôles que sont la Maison Blanche et les lieux du pouvoir, en

diagonale dans le réseau orthogonal. Burnham a proposé d’élever la qualité architecturale de la

Au moment où est créé le centre de Los Angeles, Ord laisse le centre du centre vide.

ville américaine quadrillée, en particulier pour San Francisco juste avant le tremblement de terre de 1906. Il a fait un grand plan avec

des cercles concentriques dans lequel il reprend le schéma d’Haussmann à Paris, qui était le modèle théorique sur lequel les urbanistes

américains essayaient de fonder la nouvelle étape de la ville américaine. On peut donc avoir un réseau orthogonal, sans nécessairement

avoir cette équivalence, sans avoir la diffusion du centre partout et de la périphérie nulle part. Si on veut essayer de comprendre Los

Angeles qui est vraiment différente de toutes les autres villes, je pense qu’on doit demander du secours à Hestia et à Hermès. Ainsi on

va s’apercevoir que cette ville est accueillante aux deux dieux. Reyner Banham, dans son livre magnifique qui n’est toujours pas traduit

en français, « Los Angeles, the city of four écologies » - et il prend ecology au sens propre d’oikos : la maison - identifie quatre niveaux

d’habitabilité du territoire. Il parle du palimpseste des réseaux qui structurent le territoire sur lequel Los Angeles se met en place, et

qui sont toujours des chemins avec des croisements, évidemment certains croisements sont plus importants que d’autres, mais ne

disqualifient pas les autres, ne les soumettent pas à la logique du centre. Los Angeles devient américaine en 1848, à partir d’un pueblo

mexicain ; mais le pueblo mexicain était au centre d’une plaine côtière divisée en grands ranchos où Zorro faisait régner la justice contre

les tenants officiels de l’ordre, on connaît tous ça, structure spatiale qui déjà découpait le territoire avec des chemins, des routes et des

établissements humains comme dit Le Corbusier, qui marquaient certains points de ce réseau. Je vous montrerai les premiers plans de

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 75

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Los Angeles tracés par un lieutenant de l’armée américaine, qui est pour moi le vrai fondateur de Los Angeles. Il y a pour Los Angeles un

héros fondateur, comme Romulus à Rome, qui est le Lieutenant Ord, et qui va tout de suite, en 1849, faire un relevé du bourg mexicain

correspondant à quelques maisons, à la suite de quoi il va faire une proposition de développement avec le système de la grille mais qu’il

va bizarrement scinder en deux, dès le début. C’est-à-dire qu’il va proposer deux grilles, de part et d’autre du nord et du sud de la petite

ville mexicaine avec deux orientations différentes, toutes deux s’écartant de l’axe nord/sud. Au moment où est créé le centre de Los

Angeles, Ord laisse le centre du centre vide. Quelques temps après, Hancok va proposer un super « lotissement » qui va englober les

grilles de Ord dans les mailles d’un réseau beaucoup plus grand, avec encore une autre orientation, ce qui va laisser place à du flou dans

l’utilisation de la rigueur géométrique. Il faudra attendre les années 1910 pour que se fassent sentir les effets de la loi de Jefferson sur

le quadrillage du territoire selon une géométrie stricte et orientée nord/sud, promulguée au moment de la fondation des Etats-Unis,

et qui prendra effet dans la partie centrale de Los Angeles, que l’on appelle North Central ou South Central, là où se situe le « ghetto »

noir, toujours représenté en photo de nuit, et sur lequel

Dans un réseau on y entre, mais on reste toujours plus ou moins dedans / dehors.

on voit se développer la grille à l’infini. Mais ce n’est qu’une petite portion du territoire de Los Angeles et une image trompeuse qui est

ainsi présentée.

Le noyau conscient qui correspond aux modèles de fondations de villes, comme Los Angeles, est différent parce qu’il est dédoublé,

et il indique que l’intérieur de la ville va avoir son propre extérieur dans son projet singulier. L’extérieur n’est pas abandonné au-delà

des limites. En créant les premières limites, on joue intérieur/extérieur. De plus, si Los Angeles est bien située au centre de cette plaine

côtière, en même temps que Los Angeles se développent vers les collines de l’est, Pasadena, San Bernardino, noms de bourgs à l’origine

presque aussi importants que Los Angeles, sur la côte ouest, Santa Monica, et Long Beach, San Pedro, Anaheim, Santa Anna vers le

sud.

Sur une représentation des réseaux du chemin de fer qui se développent en 1887 dans ce territoire urbain, la carte de Los Angeles est

absolument superposable à la situation actuelle. C’est-à-dire que quasiment dès sa naissance, elle possède la même structure spatiale

qu’au¬jourd’hui. Il n’y a pas eu accroissement, comme ça se passe partout ailleurs, à partir d’un seul noyau, même si le développement

est réglé par une sorte de grille. A Los Angeles, dès le début, il y a eu non seulement un dédoublement du noyau central principal, mais

il s’est développé en concurrence, ou en complément, avec d’autres, d’où la nécessité de les relier par des chemins, des routes, des

chemins de fer, des tramways, etc., puis des boulevards, des autoroutes urbaines, et aujourd’hui on revient même au métro. La logique

du développement de Los Angeles demande, comme la Méditerranée grecque, un réseau de routes entre des pôles qui ne sont pas

dans un état de dominants / dominés par rapport à un pôle central. J’exagère un peu, parce que quand même, Los Angeles down-town

a une espèce de prééminence. Beaucoup moins maintenant, depuis quelques années, car quand j’ai parlé à des habitants assez âgés

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 76

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

de Los Angeles, ils disaient se souvenir qu’avant-guerre Los Angeles était le centre, un peu comme la place du Capitole à Toulouse.

Maintenant, il n’y a plus de raison d’ordre général d’aller down-town ; on y va si on quelque chose à y faire de précis. Ce n’est pas le pôle

d’attraction unique, parce qu’il y en a beaucoup d’autres qui vous appellent ailleurs selon vos intérêts.

Etymologiquement, réseau vient de rete, filet, et on sait que l’on entre dans un filet... des gens se font prendre dans un filet... ils rentrent

dans l’intériorité d’un filet, mais c’est une intériorité double puisqu’elle permet de prendre un gros poisson et de laisser s’échapper

l’eau et les petits poissons. Que veut dire entrer dans un réseau? On n’entre pas dans un réseau comme dans une boîte, où l’on est

soit dedans, soit dehors. Dans un réseau on y entre, on l’utilise, mais on reste toujours plus ou moins dedans/dehors. Je pense que Los

Angeles est un réseau, et comme dans

... les plus pauvres à Los Angeles sont aidés par l’espace urbain où l’exclusion sociale n’est pas redoublée d’une exclusion spatiale.

le mythe grec, Hermès y trouve son compte, parce que circuler - et surtout en automobile - est un plaisir à Los Angeles, un plaisir

gratuit. Prendre Wilshire Boulevard, revenir par Sunset au coucher du soleil, c’est absolument éblouissant. Mais comme c’est un réseau,

il y a des croisements. Pas chaque croisement, mais certains croisements sont élus comme lieu où Hestia peut résider et rencontrer,

plus ou moins furtivement, comme il le souhaite, Hermès. Ça prend la forme de centres commerciaux... des grands, des petits... de ce

qu’ils appellent les mails ou les mini-malls, parce qu’on a ça a à plusieurs échelles. Le réseau ne veut pas dire qu’il n’y a qu’un super

réseau. Dans les mailles du super réseau, il y a un médium réseau, et un small, et un tout petit. On ne peut pas opposer à Los Angeles la

structure d’ensemble d’une mégalopole de 20 millions d’habitants où l’on est perdu. On l’a dit, avec un peu de provocation, c’est une

série de villages... ou de quartiers... de bourgs, et on est de l’un ou de l’autre. Sans même parler des questions ethniques, parce que

les coréens, les mexicains, les japonais sont là, bien sûr. Mais pourquoi ? Parce que c’était à disposition des gens, et l’Hestia chinoise,

l’Hestia grecque, l’Hestia portugaise, l’Hestia anglo-saxonne prend un morceau à un moment donné et habite là, et puis elle va se

déplacer... les riches, les pauvres, les noirs, les blancs. Mais la structure spatiale architecturale de Los Angeles permet que chacun y

trouve son compte, et je dirais même - et je provoque mes amis américains quand je dis ça- que les plus pauvres à Los Angeles sont

aidés par l’espace urbain où l’exclusion sociale n’est pas redoublée d’une exclusion spatiale. Car si vous allez dans le South Central,

où il y a eu les émeutes, et que vous oubliez la définition sociologique du quartier, vous verrez que ce n’est pas un quartier repoussé

à la périphérie. Parce que où est la périphérie là-bas? Il est même central... South-central... Et puis ce sont les petites maisons de la

ville américaine : le jardin devant, la petite véranda, le jardin derrière. Ce n’est peut-être pas très bien entretenu comparé à Beverly

Hills, c’est un peu plus petit, mais la typologie est la même. La relation de ce quartier-là, précis, avec la mer ou la montagne... enfin

les choses agréables... les points attractifs, est de même facilité pour les gens riches de Pasadena que pour les noirs pauvres de South-

central. Donc le réseau permet d’exister partout

1-7. LA DIMENSION PHYSIQUE DE L’ESPACE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 77

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-8. DE LA GOUVERNANCE

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 78

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

1-8. DE LA GOUVERNANCE

Une réaction nostalgique guette face à la complexité métropolitaine, celle, pour tenter d’en maîtriser le développement incontrôlé, de retrouver les formes d’un gouvernement unifié, centralisé et global qui fut possible dans la ville classique.Nous nous inscrivons dans une toute autre perspective.Parce que la métropole est en rupture avec l’agglomération, elle ne peut être gouvernée dans les formes qui valaient pour cette dernière. Il serait vain de prétendre établir une gouvernance métropolitaine selon un « optimum dimensionnel », une échelle pertinente. D’une part la métropole n’a plus de frontière ; structurée par de la connexité autant que par de la contiguïté, elle ne peut être identifiée à un périmètre, aussi dilaté soit-il. D’autre part, la complexité métropolitaine fait de la proximité une échelle d’action tout aussi pertinente que celle de la globalité et rend illusoire l’efficacité d’un éventuel gouvernement unifié, par « en haut » de la métropole. Les observateurs l’ont souligné (cf. les travaux de C.Lefevre) : il n’y a pas une métropole au monde disposant d’une gouvernance intégrée, à la bonne échelle.Considérer la métropolisation comme un processus de développement en rhizomes conduit à poser la question de la gouvernance métropolitaine autour de deux enjeux.

• Une perspective partagée pour maîtriser la prolifération métropolitaineParce que le développement métropolitain est par essence proliférant et générateur de contradictions, sa maîtrise nécessite incontestablement une volonté collective forte et une continuité dans l’action.

De l’ingouvernabilité des métropoles à la gouvernance des métropoles ?

La métropole est-elle un objet ou un ensemble d’objets et de sujets gouvernables ? Poser la question, c’est déjà exprimer des doutes quant à la réponse. Il est intéressant de noter que nombre de régimes politiques particulièrement autoritaires qui ont souhaité empêcher les villes de croître au 20ème siècle par exemple ont été tenus en échecs que ce soit à Moscou, à La Havane ou à Pékin ou Shanghaï. Le contrôle de vastes populations qui immigrent en ville est donc délicat, partout, tout comme celui des habitants qui fuient les centres : il s’agit là d’une première limite à la gouvernabilité métropolitaine, liée aux mouvements démographiques.

Le fonctionnement réticulaire et international des métropoles qui, par définition, échangent avec d’autres métropoles et sont en interdépendance avec d’autres centres décisionnels forts : financiers, managériaux… marque une deuxième limite à la gouvernabilité de ces métropoles aux acteurs majeurs souvent externes et changeants.

D’autres facteurs contrarient l’exercice d’un pouvoir public central métropolitain : les rythmes accélérés de la croissance urbaine, quantitative, et de l’extension spatiale urbaine, les limites du territoire de la métropole étant toujours floues, la puissance voire l’autonomie des opérateurs des divers réseaux techniques de la métropole (eau, transports, énergie…), l’essor de l’économie informelle.

Enfin les Etats se méfient de pouvoirs accordés à des responsables métropolitains qui pourraient dominer alors la scène politique nationale. Paris, par exemple, ne relève pas du statut commun des autres villes françaises (rôle du Préfet de police, par exemple).

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste , mandata i re - LABORATOIRE C .R.E .T.E . I .L . Inst i tut d ’urbanisme de Paris Univers i té de Paris XI I , co-tra i tant 79

GRAND PARI DE L’AGGLOMÉRATION PARISIENNE1. LA METROPOLE DU XXIème DE L’APRES-KYOTO

Pour autant, cette exigence ne peut se traduire par la mise en place d’un gouvernement métropolitain unique. Cela ne serait ni réaliste ni souhaitable. La métropole est un système vivant, extrêmement évolutif et plus que tout autre sensible à la conjoncture. En ce sens, il doit avant tout relever d’une gouvernance pluraliste et flexible.Autrement dit, la métropole n’exige pas un gouvernement centralisé mais une capacité d’accord dans la durée de ses acteurs sur un référentiel partagé, autour d’une perspective commune. C’est tout l’intérêt des travaux de la présente consultation que de fournir les éléments pour produire ce référentiel métropolitain partagé.

• De l’inter-territorialité pour s’adapter au non-arborescentParce que le développement métropolitain ne relève plus d’un modèle arborescent, il ne peut plus correspondre à un schéma de gouvernance unifié, centralisé et « à la bonne échelle ».S’il faut faire le deuil d’un « optimum dimensionnel » pour la gouvernance métropolitaine, en revanche la montée en puissance des conflits d’intérêt entre le local et le global nécessite de penser les conditions d’une gouvernance « multi-scalaire » qui organise une régulation permanente entre les territoires et les échelles de la métropole.Autrement dit, la métropole en rhizome suggère avant tout la figure d’une gouvernance « modulaire », à géométrie variable, à même d’organiser des maîtrises d’ouvrage collective, constituées en fonctions des enjeux et des projets.

1-8. DE LA GOUVERNANCE

Aussi le vocable de « gouvernance » métropolitaine est-il de plus en plus facilement utilisé. Cependant ce mot n’est pas neutre. Il souligne aussi un ensemble de rapports nouveaux en cours d’établissement, dans le contexte de la globalisation, entre le politique et la société, entre secteurs publics et privés. Il postule une évidente dépolitisation des enjeux métropolitains au profit d’une gestion – même complexe – des choses métropolitaines considérées techniquement. La Banque Mondiale met en avant le principe néolibéral de la « bonne gouvernance », depuis une vingtaine d’années. Cette approche postule l’arrivée de multiples opérateurs privés dans le circuit de la décision publique et politique, par la concertation. Acteurs privés et acteurs publics sont mis à priori à égalité.

Le politique seul est délégitimé pour édicter l’intérêt général. Ce dernier doit être par ailleurs construit pour être rendu acceptable à l’occasion de chaque projet mis en œuvre sur le terrain, en liaison avec les parties prenantes : c’est le recours à la participation.

Une telle évolution montre qu’au sein d’une métropole il peut se déployer plusieurs gouvernances à différentes échelles et propres à chaque grand projet, une coordination souvent minimale étant assurée à l’échelle de la métropole. Nous sommes alors loin des notions classiques de gouvernement et de démocratie représentative, responsable des processus décisionnels.

CHRISTIAN DE PORTZAMPARC Architecte-urbaniste, mandataireLABORATOIRE C.R.E.T.E.I.L. Institut d’urbanisme de Paris Université de Paris XII, co-traitant