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    La conduite des programmesdarmement

    _____________________PRSENTATION____________________lments fondamentaux de la capacit des forces armes remplir

    les contrats oprationnels qui leur sont assigns, et donc de leurcrdibilit, les programmes darmement sont aussi un outil fondamentaldu maintien du niveau technologique des industries nationales ; par lesexportations quils permettent, ils contribuent leur rayonnementinternational.

    Premier budget dinvestissement de ltat, le budgetdinvestissement du ministre de la dfense est, pour lessentiel, consacrau financement de ces programmes darmement.

    Dans tous les tats, le processus aboutissant la mise en serviceoprationnel dun nouveau matriel militaire se rvle long, onreux etsem dembches. La France nchappe pas ces difficults. Sappuyantsur les contrles de programmes darmement mens ces dernires anneset sur lanalyse du droulement et de lexcution des dernires lois deprogrammation militaire, la Cour a examin, dune part, lorganisationretenue par le ministre de la dfense pour conduire les programmesainsi que ses mthodes de programmation et, dautre part, les difficults

    propres aux programmes eux-mmes, quils soient de ralisationnationale ou conduits en coopration avec dautres tats. Elle en a tirdes recommandations susceptibles, sinon de faire disparatre les dfautsconstats, du moins de les attnuer. Cest une condition de la russite desoptions retenues par le Livre Blanc sur la dfense et la scurit nationaleet des dcisions actes dans la loi de programmation militaire 2009-2014rcemment vote.

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    Les programmes darmement sont un lment central de la capacitet de la crdibilit de nos armes. Par dfinition, conus pour assurer unesupriorit durable nos forces en les dotant de matriels nouveaux, leurralisation comporte souvent des dfis technologiques majeurs. Ilsconstituent de ce fait un outil fondamental de maintien haut niveautechnologique de lindustrie franaise ou europenne. Ainsi, sans lestravaux de recherche et dveloppement conduits au pralable au profit desmissiles balistiques, les lanceurs civils Ariane nexisteraient pas.

    Faisant appel aux dernires technologies disponibles, conduits

    (particulirement en cas de coopration intertatique) dans le cadredorganisations industrielles complexes, se ralisant sur des dizainesdannes, les programmes darmement se heurtent de nombreux etgraves obstacles.

    Cette constatation vaut pour lensemble des tats. Ainsi, parexemple, le Royaume-Uni a abandonn le programme davion de guetNimrod aprs des dpenses considrables engages en pure perte ;de mme, le Government Accountability Office a souvent reproch auDpartement de la dfense des Etats-Unis davoir lanc des programmes objectifs identiques ou trop voisins. Si la France na pas connu, en cedomaine, dchec retentissant, il nen demeure pas moins que lesprogrammes darmement franais prtent souvent le flanc la critique.

    Les difficults rencontres par le programme europen A 400 M le futuravion de transport militaire en sont une rcente et nouvelle illustration.

    Sur le plan financier, ces programmes darmement constituent unecharge considrable pour le budget de ltat :

    - avec 17 Mds en 2009, le budget dquipement de la dfenseest en effet le premier budget dinvestissement de ltat et, sur ce total,les commandes de matriels darmement reprsentent 12 Mds ;

    - lengagement financier que constituent les quarante quatreprincipaux programmes en cours en 2009 slve 135,5 Mds jusqu lafin de leur ralisation.

    lexception du programme FREMM (frgate europenne multi-missions), de lancement trop rcent, la Cour a contrl, depuis 2005, latotalit des programmes dun cot de plus de 5 milliards deuros : avionsde combat Rafale, sous-marins nuclaires lanceurs dengins, missilesnuclaires M51, sous-marins dattaque Barracuda, hlicoptres NH90,avions de transport A400M, hlicoptres de combat Tigre. Cesprogrammes reprsentent, eux seuls, plus de 100 Mds, soit 75% dutotal des engagements financiers.

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    Antrieurement, elle avait contrl la gestion et lexcution desprogrammes darmement consacrs la ralisation du porte-avionsnuclaire Charles de Gaulle, des cinq frgates de type La Fayette, delavion de patrouille maritime Atlantique 2, du char lourd Leclerc, duvhicule blind de combat de linfanterie (VBCI), de la frgate Horizon etde son systme principal de missiles anti-arien PAAMS, des systmesSyracuse I et II, du satellite dobservation Hlios II, des drones BREVEL,du Mirage 2000-5, du btiment Monge et des missiles Apache, MICA etHads.

    Elle a, par ailleurs, procd des enqutes transversales,notamment celles portant sur lvaluation des conditions dexcution deslois de programmation militaire 1997-2002 et 2003-2008, et, dans unpass plus lointain, sur la procdure des commandes globalesdarmement26.

    Elle est ds lors aujourdhui en mesure de proposer une analysesynthtique des difficults rencontres et des dfauts constats, puis deformuler des recommandations visant les rduire lavenir.

    Deux axes distincts et complmentaires structurent cette analyse :

    - celui du processus conduisant la dcision de lancement dunprogramme, dans le cadre dune programmation financire

    cense donner lassurance que les crdits ncessaires sonfinancement seront disponibles au cours des annes que durera saralisation ;

    - celui des dfauts constats lors du droulement dun programme,quil soit conduit dans un cadre national ou en coopration.

    Il en rsulte un constat commun : par rapport aux objectifsinitialement retenus, les programmes darmement considrs ont tous taffects dans leur ralisation par des drapages temporels et des drivesfinancires conduisant, in fine, doter les forces armes plus tardivementde matriels moins nombreux et, parfois, aux capacits rduites parrapport aux spcifications retenues.

    26) Par ailleurs, les travaux conduits par la Cour en vue de la certification descomptes de lEtat ont mis en lumire lampleur des travaux restant effectuer pourrendre fiable lvaluation comptable des immobilisations du ministre de la dfense.

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    I - Lorganisation de la conduite des programmesdarmement

    A - Lorganisation du ministre de la dfense

    1 - Les rorganisations intervenues jusquen 2009

    Jusquen 1962, trois secrtariats dtat aux forces armes distincts(terre, air, marine) existaient, chacun deux disposant dun tat-major etdun service technique charg de la ralisation de ses propresquipements.

    En 1962, et la suite de la suppression de ces secrtariats dtat,les services techniques ont t unifis en une dlgation ministrielle pourlarmement (DMA), devenue ensuite dlgation gnrale, et dornavant27direction gnrale de larmement (DGA).

    Jusquen 2005, les chefs dtat-major darme (terre, air, marine)taient responsables de la prparation de leur arme. A ce titre, chacundentre eux proposait au ministre le lancement des programmesdarmement qui lui taient spcifiques en en dfinissant lescaractristiques (performances oprationnelles, quantits prvues, dlaissouhaits, etc.).

    Outre la conduite des oprations, le chef dtat-major des armes(CEMA) avait la responsabilit de prparer les lois de programmationsuccessives en coordonnant les propositions des tats-majors darmes,sans disposer pour autant dune autorit hirarchique pour ce faire.

    Le dlgu gnral pour larmement (DGA) tait, quant lui,responsable de la ralisation de ces programmes. Les quipes deprogramme de la DGA intgraient certes des officiers de programmereprsentant les futurs utilisateurs, mais, pour diverses raisons, leur rlerestait limit.

    Linexistence dune autorit unique (autre que le ministre) etlimportance des responsabilits conserves par les tats-majors darmerendaient difficile la prise en compte des aspects interarmes et nuisaient la sincrit des travaux de prparation budgtaire et de programmationmens par chaque arme. Elles empchaient une conduite densemble desprogrammes, ceux-ci tant mens de front pour satisfaire chaque arme.

    27) Dcret du 6 octobre 2009.

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    plusieurs reprises, des processus ont t conus pour pallier cesdifficults : cration darchitectes de systmes de forces, chargs deprparer le futur en raisonnant en systmes densemble et non plus parprogramme, mise en place dofficiers de cohrence oprationnelle,exprimant les besoins des forces. Mais ces initiatives ne pouvaientpermettre de rgler la question fondamentale de la dsignation dunresponsable du processus dcisionnel comme de la conduite de laralisation des programmes.

    La multiplicit des dcideurs (terre, air, marine, tat-major des

    armes) et linsuffisance des dispositifs darbitrage ont ainsi abouti lagestion simultane de plusieurs programmes majeurs : le char Leclercpour larme de terre, lavion Rafale pour larme de lair28 et le porte-avions nuclaire Charles de Gaulle pour la marine. Bien videmment, lescontraintes budgtaires nont pas permis, par la suite, un droulementsimultan de tous ces programmes.

    Conscient de ces dfaillances, le ministre de la dfense a modifiprogressivement son organisation et ses procdures.

    Ainsi, partir de 2005, trois changements dimportance sontintervenus :

    - le CEMA a autorit sur les chefs dtat-major darme dans le

    domaine des programmes darmement : il peut donc imposer lesarbitrages ncessaires ;

    - la mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances(LOLF) a conduit, entre autres, la cration de trois programmesbudgtaires : le 146 (quipement des forces), copilot par le CEMA et leDGA, qui retrace le financement des programmes darmement ;le 178 (prparation et emploi des forces), pilot par le CEMA,comprenant notamment le maintien en condition oprationnelle desmatriels, activit relie par bien des aspects aux programmesdarmement eux-mmes ; le 212 (soutien de la politique de dfense),confi au secrtaire gnral de ladministration du ministre (SGA),intgrant le financement des infrastructures spcifiques aux programmes

    darmement. La DGA a, de son ct, calqu son organisation interne surle dcoupage en programmes impos par la LOLF en crant des units demanagement ;

    - enfin, de vritables quipes intgres armes-DGA ont t crespour conduire la ralisation des programmes darmement.

    28) Des Rafale en version marine quipent le porte-avions.

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    2 - Les rformes en cours

    Le Livre blanc sur la dfense et la scurit nationale a retenu lesprincipes destins renforcer la matrise technique, conomique etfinancire des programmes darmement non nuclaires :

    - cration dun comit ministriel dinvestissement, organedcisionnel prsid par le ministre de la dfense, et dun comit financierdevant assurer un suivi plus prcis des programmes, ainsi quunemeilleure information du ministre du budget ;

    - tablissement dun cadre financier du rfrentiel des programmesdarmement commun lensemble du ministre.

    En application de ces principes, une note du ministre de la dfenseen date du 2 janvier 2009 a mis en place le comit ministrieldinvestissement, en dfinissant sa composition, ses objectifs et lesmodalits de son fonctionnement.

    Cette note ministrielle a galement cr un comit descapacits charg de dfinir les besoins quantitatifs et qualitatifs desforces, cette structure se substituant aux multiples comits existants ; ellea, en outre, prvu la mise en place dune procdure permettantdactualiser trimestriellement le cot de chaque programme. La Courestime que cette nouvelle procdure permettra, si elle est effectivementmene bonne fin, de disposer dun outil plus fiable dvaluation et deprvision de la situation financire du ministre.

    Ces diffrentes rformes sont dsormais en cours dapplication :

    - le comit financier a rcemment tenu ses premires runions : laparticipation de la direction du budget ce comit constitue un facteurdamlioration de la transparence des relations entre le ministre de ladfense et celui charg du budget ;

    - la premire runion du comit des capacits sest tenue enseptembre 2009 ;

    - une nouvelle rpartition des phases scandant le processus deralisation des programmes darmement en six phases (et non plus encinq comme auparavant), dont trois antrieures au lancement proprementdit, a t dcide, pour mieux prciser le besoin oprationnel et lessolutions susceptibles de le satisfaire avant tout lancement dun nouveauprogramme.

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    Par ailleurs, un nouveau dcret relatif aux attributions respectivesdes chefs dtat-major, pris le 16 juillet 2009, est venu confirmer le rleprminent de lEMA sur les tats-majors darme en matiredarbitrages capacitaires (nature des quipements, quantitscommandes et calendrier des livraisons) : cette prminence dsormaisreconnue du chef dtat-major des armes devrait permettre, selon laCour, une meilleure prise en compte de la plus-value que peut apportersur le plan de lanalyse capacitaire une approche inter armes des besoinset des dcisions.

    *Les principes ayant guid ces rformes successives vont

    assurment dans le bon sens. Il faut cependant consolider celles-ci. Enparticulier :

    - le comit ministriel dinvestissement, dj runi huit fois la mi-septembre 2009, est un lment essentiel du nouveau dispositif : son bonfonctionnement requiert la prsence effective du ministre et, compte tenudu rythme des runions, cela suppose de sa part une grande disponibilit ;

    - les rles respectifs de lEMA et des tats-majors darme doiventtre prciss tous les niveaux et lorganisation de ces diffrents tats-majors, revue en consquence afin de mettre fin aux doubles emplois ;

    - il faudra valuer lefficacit du nouveau dcoupage du processusde ralisation des programmes darmement, qui suppose que des mmesquipes soient successivement places sous la responsabilit dautoritsdiffrentes (CEMA et DGA) ;

    - si le bien-fond de la mise en place de la procduredactualisation financire trimestrielle des programmes est indiscutable,sa mise au point, non encore acheve, est particulirement lourde. Elleapparat cependant comme une condition ncessaire au dialogue entre leministre de la dfense et celui charg du budget.

    - les rsultats obtenus en pratique par le comit financier, comitdont les finalits et les modalits de fonctionnement ne sont pas encore

    compltement clarifies, devront tre soigneusement analyss : ilconviendra, en particulier, de vrifier que la transparence accrue quidevrait en rsulter sur le plan budgtaire lgard de la direction dubudget, revendication ancienne et justifie dans son principe, nentranepas dans les faits un recours trop frquent larbitrage des autoritspolitiques. En outre, compte tenu du poids du budget du ministre de ladfense, la russite du comit financier apparat aujourdhui comme unecondition ncessaire lallgement envisag du contrle budgtaire etcomptable ministriel.

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    B - La programmation financire

    1 - Lvolution du primtre de la programmation

    La premire loi de programmes voulue par le gnral de Gaulle neconcernait que les programmes lis la ralisation de la force nuclairestratgique. Depuis lors, les lois de programmation militaire (LPM)successives se sont appliques lensemble du budget dinvestissementde la dfense29. Elles recouvraient donc, non seulement les crdits

    destins au financement des matriels darmement proprement dits(tudes prliminaires, dveloppement et production de srie de ceux-ci),mais galement les dpenses dinfrastructure, de munitions et dentretiendes matriels. Le financement des programmes darmement se trouvaitainsi a priori dconnect de lvolution des dpenses de personnels et defonctionnement.

    Ces LPM couvraient une priode de cinq ou six ans. Dune part, mesure que les annes passaient, le montant rel des dotations affectesau financement des programmes darmement tait en gnral de plus enplus loign de la programmation30. Dautre part, le ministre ne disposaitdaucune visibilit quant au montant des dotations budgtaires des annespostrieures lexcution de la loi de programmation militaire en cours,

    alors mme que la dure de ralisation des programmes excdestructurellement de beaucoup lhorizon temporel de celle-ci.

    La LPM actuelle, affrente aux annes 2009 2014, a introduit unenovation majeure : elle recouvre lensemble des crdits de la missiondfense , et non plus ses seuls crdits dquipement. Le progrs est, enthorie, incontestable et bien dans lesprit gnral de la LOLF. Cetteglobalisation comporte toutefois le risque que le budget dinvestissement,consacr pour lessentiel des programmes darmement, ne serve devariable dajustement pour faire face un accroissement imprvu dedpenses immdiates, comme les dpenses de personnels et defonctionnement. Ce risque est dautant plus important, dans le cas dubudget de la dfense, que les programmes d'armement connaissentsouvent, au cours de leur lancement, des retards, qui laissentprovisoirement disponibles les crdits qui leur sont destins.

    29) lexception de la LPM 1977-1982, qui couvrait lensemble des crdits duministre de la dfense, la rpartition entre titre III (fonctionnement) et titre V(investissements) faisant lobjet dune ventilation indicative.30) Sagissant de la LPM 2003-2008, si les dotations budgtaires annuelles ont ttrs proches de la programmation initiale, dimportants reports de crdits sont apparusen excution.

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    2 - Les difficults rcurrentes du processus de programmationmilitaire

    a)Linadquation permanente entre crdits ncessaires et crditsdisponibles

    Lanalyse des conditions dexcution de la LPM 2003-2008conduite par la Cour a confirm, aprs celle de la LPM 1997-2002, quetrois facteurs distincts, et dimportance ingale, ont affect sa correcte

    ralisation.Les deux premiers sont venus rduire le montant des crdits

    affects au financement des programmes.

    Ainsi, malgr des dotations budgtaires en loi de finances initialeet en loi de finances rectificative peu diffrentes de celles prvues dans laLPM, la gestion restrictive de ces crdits (gels, normes de paiements,ouverture tardive, etc.) a amput les ressources effectivement disponiblesdun montant proche de 1 Md.

    De mme, diverses charges trangres la LPM ont t imputessur les crdits dquipement : contribution au budget civil de recherche etde dveloppement technologique, au titre des crdits de recherche

    duale (dintrt civil et militaire) pour environ 1 Md sur la priode,aides financires aux restructurations des industries darmement (DCN etGIAT), pour un total de lordre de 700 M, surcots nets lis aux OPEX hauteur de 900 M essentiellement imputs sur les crditsdquipement31, ainsi que diverses imputations plus marginales(compensation de TVA lie au changement de statut de la direction desconstructions navales, etc.), aboutissant un total de lordre de 3 Md.

    Enfin, et surtout, des dpenses dquipement, entrant certes dans lechamp dapplication de la LPM mais non prvues par le ministre de ladfense lors de llaboration et de ladoption de celles-ci, ont d treprises en compte hauteur de 7 Md, du fait de la sous estimation du cotde certains programmes lancs ou en gestation, de laccroissement des

    dpenses dinfrastructure, de munitions et dentretien des matriels, de lasous-estimation des hausses conomiques retenues lors du lancement desprogrammes darmement, ou encore de la ncessit de faire face desbesoins oprationnels nouveaux.

    31) La direction du budget indique que, sur ces 900 M, 800 M proviennent dereports de crdits au titre de la prcdente LPM. Elle considre quil sagit de crditsnouveaux au titre de la nouvelle LPM, alors que le ministre de la dfense considre,logiquement, quils simputent sur la prcdente LPM. Quelle que soit la conventionretenue, au total, sur les deux LPM, le manque sur le titre V est bien de 900 M.

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    Au total, limpact de ces diffrents facteurs a conduit un besoinnon financ cumul de prs de 11 Md, soit lquivalent dune anneentire de programmation pour lacquisition des quipements.

    Si certaines de ces causes ne peuvent, lvidence, tre imputesau ministre de la dfense, dautres, en revanche, relvent de sa seuleresponsabilit. Elles rsultent, dune faon gnrale, de la sous estimationconstante de certains postes de dpenses : cot rel des programmeslancs ou en gestation suprieur aux donnes retenues lors de leurlancement, dpenses dinfrastructure, de munitions et dentretien des

    matriels plus onreux quenvisags.Telles sont les raisons fondamentales lorigine des dcalages

    temporels, des drives financires et des diminutions du nombre desquipements prvus aboutissant retarder et dtriorer les dotations desarmes en matriels nouveaux.

    b)Des provisions mal dterminesAussi bien lors de llaboration des LPM successives que lors de

    leur mise jour annuelle, lensemble des crdits supposs disponibles estrparti entre les diffrentes lignes budgtaires.

    Dans ce cadre, il serait souhaitable de pouvoir faire face, au moinspartiellement, aux divers alas financiers autrement que par destalements des calendriers de ralisation des programmes : cet effet,certains progrs ont dj t trs rcemment raliss par le recours unprovisionnement des risques identifis pour certains programmes, ainsiqu des lignes de besoins financiers mutualiss pour faire face aux alas.

    La Cour note toutefois que ce dispositif ne couvre ni le cas desprogrammes nouveaux non prvus dans la loi de programmation maisreconnus oprationnellement ncessaires et urgents au cours de sonexcution, ni celui des alas extraordinaires non prvisibles comme,par exemple, la perte dun prototype davion.

    c)Un chelonnement insatisfaisant des programmes les plus onreux

    Le pouvoir darbitrage dont dispose dsormais le CEMA dans ledomaine capacitaire peut galement lui permettre de dterminerlchelonnement des programmes les uns par rapport aux autres. Il estdonc dsormais possible de chercher raccourcir la dure de ralisationdes programmes les plus onreux, en donnant momentanment unepriorit aux besoins d'une arme par rapport aux autres. Une telleapproche, qui ne saurait certes tre systmatique et qui devrait galementprendre en compte, dans certains cas, limpratif de maintien des

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    capacits et des comptences industrielles, permettrait cependant derduire la dure de ralisation des programmes, aujourdhui excessive 22 ans entre la premire et la dernire livraison de lavion de combatRafale aprs lachvement de lessentiel des travaux de dveloppement,17 ans pour la version terrestre de lhlicoptre de transport NH90, 15 anspour lhlicoptre dattaque Tigre, par exemple.

    Un tel tirement dans le temps de ces ralisations est par essencegnrateur pour ltat de lourds surcots terme.

    d)Un financement des programmes futurs mal valu ou incertainParmi les programmes quelle a rcemment contrls, la Cour a

    trouv au moins deux exemples de sous estimation manifeste des besoinsfinanciers prvoir ; ils concernent deux programmes dont le lancementimminent tait quasiment certain :

    - LA 400 M a t inscrit dans la loi de programmation 1997-2002,mais avec un financement limit de 91,5 M, qui ne portait que sur laseule dernire anne dexcution de cette loi. Du fait du retard pris dansle lancement du programme, cette situation na pas eu de consquenceimmdiate, mais a t lune des raisons qui ont conduit retenir laformule dun contrat global, ds 1998. Ainsi, un engagement dun

    montant suprieur 5 Md a-t-il t dcid, portant, pour la France, sur ledveloppement et la fourniture de 50 appareils, cela alors mme que lescrdits prvus cet effet taient quasiment inexistants.

    - Les frgates multi missions FREMM, dont le lancement taitcertain au cours de la priode de programmation 2003-2008, nont pas tprvues financirement en programmation, au motif illusoire quunfinancement innovant serait trouv pour ce programme. Cettetentative ayant avort, un arbitrage du Premier ministre a dcid que lefinancement de ce programme serait en partie pris sur des crdits djallous la Dfense et en partie par affectation de crdits nouveaux quiont t effectifs deux annes seulement.

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    II - Les dfauts rcurrents constats dans lesdiffrents programmes

    Les programmes darmement sont raliss soit dans le cadrenational, soit en coopration entre plusieurs tats. Dans ce second cas,aux difficults propres tout programme viennent souvent sajouter desproblmes spcifiques aux dispositifs de coopration internationale misen place.

    Au-del de lanalyse transversale des mthodes retenues laquelleil vient dtre procd, il convient de prsenter thmatiquement lesdiffrents problmes ou dfauts relevs par la Cour lors de lexamendtaill de nombreux programmes darmement auquel elle procda, quilsaient t raliss nationalement ou en coopration.

    La plupart des programmes analyss par la Cour ont t lancs des dates fort anciennes, et dans le cadre de procdures qui ont pu voluerdepuis. En particulier, linstruction ministrielle qui rgit la conduite desprogrammes a connu de nombreuses ditions successives, et lesmodifications de procdures correspondantes ont pu apporter des dbutsde rponse certaines des observations de la Cour.

    Rcurrents, les diffrents dfauts analyss affectent, avec plus oumoins de consquences financires ou oprationnelles ngatives laplupart des grands programmes darmement lancs depuis la fin desannes 1980 et cela, tous les stades du long processus qui a pour finalitde doter les forces armes franaises des quipements militaires les mieuxadapts leurs missions.

    A - Les insuffisances communes tous les programmesdarmement

    1 - La faiblesse des travaux pralables la dcision de lancement

    Les programmes darmement faisant appel en rgle gnrale auxtechnologies les plus innovantes, il convient naturellement de sassurerquil sera possible den doter les quipements en cours de conception. Telest lobjet des tudes dites amont ralises sous diverses formes :recherche exploratoire, plans dtudes amont, modles probatoires, tudessystme, etc.

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    Linsuffisance de ces travaux prparatoires est source de difficultsde tous ordres et de drives financires pour beaucoup de programmeslancs dans les annes 1990. Le cas le plus emblmatique est celui delavion militaire de transport A 400 M, pour lequel une phaseprliminaire dun cot de 84 M, demande par lindustrie, fut refusepar les tats clients32. Elle aurait pourtant permis aux industriels de mieuxprendre la mesure des performances demandes et de faire disparatre ou,du moins, dattnuer les difficults ensuite constates au cours delexcution du contrat.

    2 - La recherche de performances technologiques ambitieuses

    La recherche de performances technologiques ou militairesexcessives est souvent reproche au ministre de la dfense. Celle-ci est lorigine de difficults industrielles, tant en dveloppement quenproduction, entranant des accroissements de dlais, de surcots et uneperte de comptitivit lexportation.

    Les armes rfutent cette critique en avanant les argumentssuivants :

    - lutilisation oprationnelle dun matriel militaire tant trslongue (plusieurs dcennies), il nest pas anormal de chercher le doter

    des performances maximales possibles au moment de sa conception ;- trs souvent, lemploi oprationnel des armements se fait dans des

    conditions trs diffrentes de celles pour lesquelles ils ont t conus :rechercher une large palette de performances diversifies est donc unesage prcaution ;

    - chercher doter les nouveaux matriels dune plus ou moinsgrande polyvalence, de faon navoir quun seul matriel concevoir et dvelopper, apte remplir plusieurs missions distinctes, procde dunsouci dconomie.

    La Cour relve cependant que, dans certains cas, le niveau deperformance des matriels se rvle sans rapport avec les besoins

    militaires rels. Ainsi, le char Leclerc est capable de tirer cadenceleve en roulant grande vitesse : si cela pouvait paratre utile quand iltait envisag de devoir freiner lavance des divisions blindes de larmerouge, cela lest beaucoup moins quand il sagit de signifier la puissancepotentielle des troupes de lONU au Sud Liban. De mme, les difficultsconsidrables que rencontre actuellement le programme A 400 M ont en

    32) A lexception de la France qui a consenti unilatralement un financement de8,4 M.

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    partie pour origine le niveau trop ambitieux des performances de tousordres attendues, certaines dentre elles se rvlant au demeurantirralisables par lindustriel matre duvre.

    Quant aux arguments en faveur de la polyvalence des matriels, ilspeuvent tre contrebalancs par la constatation que les matrielspolyvalents sont forcment plus onreux en ralisation comme enutilisation et ne peuvent donc tre produits quen quantit limite, alorsmme que lefficacit de laction militaire tient aussi au nombre dematriels dploys. La Cour regrette quil nait pas t procd une

    analyse comparative cot/efficacit permettant de choisir entre unquipement polyvalent et un matriel spcialis lors du lancement decertains programmes, le Rafale par exemple.

    Il existe, enfin, des cas o les spcifications demandesinitialement se seraient rvles inappropries lusage : le volumeinitialement prvu de la cabine du VBCI tait incompatible avec la taillemoyenne du fantassin du XXIme sicle, erreur ultrieurement corrigemais qui entrana des retards.

    3 - Le cot de la prfrence nationale ou europenne

    Autorise en matire de dfense par le trait de Rome, loption en

    faveur de la prfrence nationale a t le plus souvent retenue. Cettesolution nest pas sans entraner un surcot, du fait de la prise en chargepar la France seule de toutes les dpenses de dveloppement.

    Le souci dviter des difficults conomiques et sociales lindustrie nationale, ou de maintenir une comptence industrielle dans undomaine stratgique, peut justifier la dcision de dvelopper un matrielnouveau. Ainsi, par exemple, pour le VBCI, larme de terre aurait sansdoute pu trouver parmi les nombreux vhicules existant sur le march unmatriel correspondant convenablement ses besoins ; mais, dans cettehypothse, et aprs larrt de la production du char Leclerc, lavenir deGIAT Industries aurait t problmatique, alors mme que le sauvetagede cette socit avait ncessit dy investir plus de 5 Md dargent public.

    Mais il est des cas o largument du soutien de lindustrie nationaleou europenne ne joue pas. Il en est ainsi de lA 400 M, Airbus disposantdun carnet de commandes de prs de 4 000 appareils civils. Le recours lachat davions de transport produits par des pays tiers pourlquipement de larme de lair aurait permis de doter plus rapidementles forces franaises des moyens de projection qui leur font dfaut etnaurait sans doute pas t plus onreux.

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    Dans le cas de matriels complexes, acqurir en un nombre limitdexemplaires, le choix effectu en faveur de matriels doriginetrangre dj disponibles sur tagre (avions embarqus Hawkeye,avions de guet arien AWACS, avions de transport C 130 et dronesHunter) sest parfois rvl la meilleure solution.

    4 - Des montages contractuels parfois mal adapts

    plusieurs reprises, les formes ou les clauses contractuellesadoptes pour organiser le processus industriel se sont rvles mal

    adaptes et ont compliqu lexcution des programmes concerns.Le contrat VBCI a t confi un groupement momentan

    runissant deux entreprises, Nexter (ex-GIAT Industries) et RenaultTrucks Defense. Il en est rsult un partage pour le moins ambigu desresponsabilits, chaque industriel tant responsable de ses propresprestations, mais ni lun ni lautre, ni a fortiori les deux conjointement,ntant garant du produit complet.

    De mme, la formule du contrat global liant le dveloppement et lafourniture davions A 400 M ntait pas a priori dpourvue davantagespour les tats clients, mais elle sest rvle tre source de difficultsconsidrables, car elle ntait probablement pas approprie, dun point de

    vue industriel, pour grer avec une matrise douvrage unique unprogramme dans lequel le turbo moteur - aux performances exiges parailleurs ingales dans le monde occidental - tait galement dvelopper, ainsi dailleurs que des systmes davionique duneparticulire complexit.

    En ce qui concerne les clauses contractuelles, la Cour a constatque, dans le cas de lhlicoptre NH 90, la clef de paiement retenue (80%suivant un chancier prfix quoi quil arrive, 20% en fonction delavancement du programme) a affaibli les possibilits de raction destats clients face aux alas affectant la ralisation du programme.

    De mme lOCCAr (organisme conjoint pour la coopration dansle domaine de larmement) qui runit plusieurs pays europens a accept,

    pour certains programmes quil gre (notamment lA400M et le Tigre),que les indemnits de retard soient plafonnes, avec la mmeconsquence daffaiblissement de sa capacit de raction et dengociation par rapport aux industriels.

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    5 - Un primtre financier des programmes mal dfini

    Ne pas inclure dans le primtre des programmes des lmentsindispensables leur ralisation comme lutilisation oprationnelle desquipements considrs, caractristique des programmes darmement trsfrquemment constate par la Cour, empche davoir une dterminationexacte du cot budgtaire et interdit dvaluer correctement le cot depossession de tel ou tel quipement.

    Tel est, titre dexemple, le cas de lhlicoptre de combat Tigre

    pour lequel le cot dinfrastructure des hangars et dispositifs hygromtrie contrle, pourtant indispensables au remisage de longuedure prvu pour certains appareils, na pas t inclus dans le programmelui-mme.

    Souvent constate, cette absence de prise en compte programmeab initio de cots pourtant inluctables, car correspondants desralisations ou des acquisitions indispensables, empche lesresponsables politiques davoir une apprhension complte du cot reldu programme darmement quils envisagent de lancer. Cela, en effet,fausse les tentatives dvaluation du cot de possession et conduit sous-estimer les besoins budgtaires rels, ce qui entrane des besoins deressources non prvues en LPM, complique la correcte articulation delavancement coordonn des diffrentes ralisations ncessaires la miseen uvre de lquipement considr et handicape le contrle desdpenses engages.

    6 - La drive des cots

    Lexcution des programmes darmement a t frquemmentmarque par dimportants drapages des cots, situation maintes foiscritique par la Cour.

    Dans le pass, cette drive a parfois t due une sous estimationvolontaire : le fait de navoir aucune marge tait ainsi cens constituerune pression sur les protagonistes (armes, services techniques,industrie) pour freiner les drives ultrieures. Aux yeux des tats-majorsdarme concerns, une telle situation avait par ailleurs lavantage defaciliter, en les sous-estimant, le lancement de programmes auxquels ilstenaient particulirement.

    Grce la mise en uvre de procdures plus efficaces et auxmodifications dorganisation tout rcemment retenues, ces haussesaffectant les cots des programmes darmement sont depuis peu moinssignificatives, du moins partir du moment o les programmesdarmement ont t officiellement lancs.

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    Les indicateurs calculs par le ministre de la dfense pourmesurer le degr de ralisation de ses objectifs, qui figurent dans lerapport annuel de performance prsent au Parlement en annexe au projetde loi de finances, paraissent apporter la confirmation dune faible drivedes cots. Ainsi, selon ces indicateurs, sur la priode allant de 2006 2008, les volutions des devis estimatifs auraient t contenues dans unefourchette comprise entre une hausse maximale de 3,55% et une baisseayant atteint -1,84%. De lexamen de ces indicateurs, il ressort limagedune drive limite.

    Plusieurs considrations amnent cependant fortementreconsidrer ce constat.

    Trop souvent, en effet, des programmes, non encore officiellementlancs mais dont le financement tait nanmoins inscrit par anticipationen loi de programmation, ont vu leur cot sensiblement sous estim.Ainsi, le programme de construction du sous-marin dattaque Barracudatait-il initialement programm par la LPM 2003-2008 pour un cotcorrespondant environ la moiti des 8,7 Mds auquel il est dsormaisestim.

    Pour suivre lvolution des cots dun programme, la DGAraisonnait, en ce qui concerne les dpenses dj enregistres, par rapport la dtermination du cot des facteurs de production (salaires, matires

    premires) la date de lancement du programme et elle prvoyait etappliquait en prvision aux dpenses venir un taux daugmentation desprix, calcul en euros courants, suivant des formules qui ont vari dans letemps (augmentation des prix incluant celle de la PIB ou cette derniremajore de 0,5%). Cette mthode introduisait un hiatus entre lesprvisions et les dpenses effectivement rgles, telles quelles rsultaientde lapplication des formules de rvision des prix inscrites dans lescontrats signs lorsque lvolution relle du cot des facteurs deproduction tait suprieure aux prvisions. Tel fut en particulier le cas, audbut des annes 2000, lorsquune trs forte hausse du cot des matirespremires cra une crise de trsorerie affectant le financement de certainsprogrammes, dont le Rafale. partir de 2009, daprs la DGA, ce hiatus

    ne devrait plus exister, car les formules de rvision de prix contenuesdans les marchs seront systmatiquement utilises pour actualiser le cotdes devis initiaux.

    Par ailleurs, les devis de production prennent en compte la cible (nombre total dexemplaires produire) telle quelle est arrte aumoment de leur chiffrage. Or, les cibles retenues ne cessent en gnral dedcrotre au fil du temps. Cette dcroissance induit mcaniquement unebaisse du cot global du programme (ou un ralentissement de sa hausse),mais galement une hausse du prix unitaire des matriels commands, les

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    cots non rcurrents de dveloppement restant videmment inchangsdans lopration ; de plus, cette mme rduction de cible a desconsquences sur le droulement du processus industriel, le rendant plusonreux compte tenu du ralentissement de son rythme.

    Les rductions des quantits commandes rsultent, des degrsdivers selon les programmes, de la contrainte budgtaire et de lvolutiondu contexte gostratgique.

    Cest pourquoi, en comparant les donnes initiales et actuellesrelatives aux cibles et aux cots, on obtient, en termes de prix unitaires

    des matriels, des rsultats trs diffrents de ceux prsents par leministre et mettant en vidence de trs fortes augmentations des cotsdes matriels effectivement produits :

    volution des prix unitaires (PU)

    (M) Quantitinitiale

    Quantitactuelle

    Cotinitial

    Cotactuel

    PUinitial

    PUactuel

    %du PU

    Rafale (avions decombat)

    320 286 39 073 40 690 122,1 142,3 16,5%

    Tigre (hlicoptresde combat)

    215 80 8 899 5 898 41,4 73,7 78,1%

    SNLE (sous-marin

    nuclaire lanceurdengins)

    6 4 16186 17 130 2 698 4 282 58,7%

    FREMM (frgate) 17 11 9 105 7 818 535,6 710,7 32,7%

    Barracuda (sous-marin nuclaire

    dattaque)6 6 8 562 8718 1 427 1 453 2%

    VBCI (vhiculeblind) 700 630 2 490 2 867 3,56 4,55 27,8%

    NH 90 (hlicoptre) 220 160 8 787 7 759 39,9 48,5 21,4%

    Source DGA (Conditions conomiques : janvier 2009 )

    Par exemple, si le devis densemble du programme dhlicoptresde combat Tigre a baiss denviron 3 Md (soit un tiers), cela tient ceque le nombre dappareils prvus est pass de 215 80, le prix unitaireayant, quant lui, progress de 78%.

    Pour viter, ou du moins diminuer, ces drapages de cots desprogrammes darmement, fort onreux pour ltat, deux prcautionsessentielles devraient tre prises :

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    - les travaux pralables au lancement dun programme devraient,au-del de leur objectif de validation des technologies envisages, valuerlampleur des moyens techniques, industriels et humains ncessaires pourmener bien la ralisation du programme projet ;

    - une provision financire devrait tre incluse dans les estimationsdu cot des diverses phases, de faon pouvoir faire face aux alas quilest possible de qualifier de normaux sagissant de ralisations faisantappel des technologies novatrices, donc par dfinition quelque peuincertaines. Or, cette provision, initialement prvue, a t parfois

    supprime pour faire baisser artificiellement le devis de certainsprogrammes : tel a t en particulier le cas du programme des nouveauxmissiles stratgiques M 51 dans les annes 1990. La Cour note que sur cepoint des progrs ont t rcemment raliss, puisque des provisions, sousdiverses formes, ont t prvues pour les programmes darmement lesplus rcents (A 400 M, FREMM, Barracuda).

    B - Les insuffisances propres aux programmes ralissen coopration

    Mis part certains matriels de larme de terre (Leclerc, VBCI) etles avions de combat Rafale, la plupart des grands programmes

    darmement non nuclaires sont dornavant raliss en cooprationinternationale.

    Les programmes en coopration nchappent pas aux dfautsvoqus ci-dessus. Ils prsentent en outre des travers spcifiques, etdabord la dure excessive de leur gestation.

    Ainsi, les premires discussions franco-allemandes surlhlicoptre Tigre ont eu lieu en 1975. Le contrat de dveloppement nat sign quen 1989, soit quatorze ans plus tard. Il en est de mme pourlhlicoptre NH90, dont le dveloppement na t dcid quen 1992,alors que les discussions se droulaient depuis la fin des annes soixantedix et, que ce programme tait initialement prvu pour entrer en service

    dans le courant des annes 1990, ce dont tmoigne son nom.De 1990 2000, une coopration franco-allemande a t

    recherche sur un vhicule blind de combat dinfanterie. Lchec alorsconstat a conduit au lancement tardif par la France seule du VBCI,matriel qui tait pourtant impatiemment attendu par larme de terre.

    La premire fiche programme de larme de lair pour lavion detransport futur (ATF) date de 1983 : le programme A 400 M a t lancvingt ans aprs.

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    Une autre caractristique des programmes raliss en cooprationest linflation des spcifications techniques, qui conduisent desconditions de production particulirement onreuses.

    Pour lA 400 M, lAllemagne a exig des performancesparticulirement contraignantes pour le systme de navigation. De mme,les hlicoptres NH90 sont dots de motorisations diffrentes pour lesversions franaise et italienne et sont produits en pas moins de 27versions distinctes pour lensemble des pays participants. Trois lignes deproduction et dassemblage existent pour le Tigre (France, Allemagne,

    Espagne).La rgle du retour gographique, longtemps applique, et mme

    celle du retour global maintenant en vigueur pour les programmesconduits par lOCCAr, et dont lobjet est dassurer chaque participantune charge industrielle gale sa participation financire, sont unobstacle une rpartition industrielle judicieuse des tches. Plus perversencore, le souci de certains pays de voir leur industrie progresser lesconduit, paradoxalement, se porter candidats pour des travaux dans dessecteurs pour lesquels leurs comptences sont dvelopper.

    Enfin, la ncessit dun accord entre tous les partenaires pour lesdcisions importantes (la rgle de lunanimit est dapplication gnrale)conduit, lorsque ces partenaires sont nombreux, une grande lourdeur.

    Fondamentalement, ces problmes spcifiques aux programmesraliss en coopration tiennent ce que les diffrents partenairestatiques ou industriels privilgient trop souvent la prise en compte deleurs propres intrts.

    Pour autant, cette coopration internationale en matire deprogrammes darmement reste souvent ncessaire, compte tenu de soneffet bnfique sur les frais non rcurrents. Mme si elle en accrotlgrement le montant, elle en permet le partage entre les partenaires,rduisant ainsi pour chaque tat le total des dpenses assumer. Ellepermet aussi, du fait de limportance des commandes, dobtenir des prixunitaires plus intressants.

    Mais des prcautions devraient tre prises afin dviter de tropimportantes dconvenues, en nenvisageant des cooprations que si lesbesoins militaires sont identiques, en essayant de mutualiser desprogrammes nationaux, comme cela a t fait pour les satellitesdobservation, la France dveloppant la voie optique, lAllemagne etlItalie la voie radar, les trois pays changeant les images obtenues et enlimitant autant que faire se peut les cooprations multilatrales, dont lesinconvnients lemportent souvent sur les avantages. Il serait ainsiprfrable de privilgier les cooprations bi, ou la limite, trilatrales,

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    dautres pays pouvant ultrieurement adhrer aux programmes en cours,sans pouvoir exiger den modifier le contenu.

    C - Dimportants retards de ralisation

    Le droulement de la plupart des programmes darmement a taffect par des retards.

    Le tableau suivant indique, par systme de force et pour les annes2006 2008, ltat davancement des principaux programmes

    darmement par rapport aux prvisions (en %).tat davancement annuel de la ralisation des programmes

    par rapport aux prvisions (en %)

    Systmes de forces 2006 2007 2008

    Dissuasion 100% 100% 66,7%

    Commandement et matrise de linformation 73,1% 62,0% 70,5%

    Projection-mobilit-soutien 70,0% 67,0% 41,0%

    Engagement et combat 68,6% 74,0% 81,0%

    Protection et sauvegarde 74,6% 64% 57,5%

    Source : ministre de la dfense

    1 - Les causes de ces retards et talements

    Deux causes principales expliquent ces retards.

    Ils peuvent tre de nature technique ou industrielle : ainsi, leprogramme A 400 M accuse-t-il dj un retard minimum de trois ans pourla livraison du premier exemplaire et de quatre pour sa mise en uvreoprationnelle.

    Les prconisations pour rduire ce type de retards sont les mmes

    que celles nonces ci-dessus sagissant des drapages de cots : tudespralables de contenu suffisantes, et marge sur les dlais permettantdabsorber les alas normaux .

    Ils peuvent aussi rsulter dun talement dorigine budgtaire :ainsi, lors de lexcution de la prcdente loi de programmation militaire(2003-2008), linsuffisance de crdits de 11 Md, soit lquivalent duneanne complte de programmation, a conduit ralentir le rythme deralisation de la plupart des programmes non nuclaires, lexemple le plus

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    marquant tant celui du Rafale : la date de la dernire livraison,initialement prvue en 2010, est dsormais fixe 2025.

    Parfois, les deux facteurs se combinent : le dernier exemplaire de laversion marine de lhlicoptre NH90, qui devait initialement tre livr en2007, ne le sera quen 2021 ; de mme, le dernier exemplaire delhlicoptre de combat Tigre sera, daprs les dernires indicationsrecueillies, livr en 2020, alors quil aurait d ltre dans le courant de2013.

    2 - Leurs consquencesa)Consquences directes

    Ces talements du calendrier de ralisation des programmesdarmement, rendus ncessaires par ncessit technique ou du faitdinsuffisances budgtaires, ont en gnral pour consquence dentranerla rvision la baisse du nombre des matriels commands.

    Les exemples de diminution de cibles abondent. Ce fut, dans lepass, le cas des chars Leclerc dont le nombre passa de 1400 408 oucelui des sous marins nuclaires lanceurs dengins SNLE-NG, rduits de6 4 pour un cot suprieur celui initialement arrt pour la production

    des 6 units envisages. Cest actuellement celui de six des septprincipaux programmes en cours de ralisation (cf. tableau n 1) : lesRafale, passs de 320 286 ; initialement dun format de 215, puis de120 appareils, la flotte des hlicoptres de combat Tigre est dsormais aumieux arrte 80 appareils ; les frgates FREMM passes de 18 11 ; leVBCI, dont le parc a t rduit de 700 630 ; lhlicoptre NH90 enfin,dont la flotte sera de 160 units alors que 220 appareils taient prvus.Seul, le programme des sous-marins nuclaires dattaque Barracuda achapp actuellement ce reformatage gnral, qui aboutit doter lesforces armes plus tardivement que prvu dun nombre de matrielsinfrieur celui retenu au dpart.

    b)Les effets cumulatifs

    Lensemble des dfauts et des difficults analyss ci-dessus estdonc lorigine, par effet cumulatif, de rductions de cibles etdtalements de calendriers.

    En pratique, les lments qui viennent dtre successivementanalyss interviennent conjointement, concourant ainsi alimenter unprocessus cumulatif de drapages.

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    Tout dabord, des spcifications excessivement ambitieuses etcomplexes rendent difficile le respect des dlais initialement prvus. Eneffet, tant les tudes de dveloppement que, par la suite, le processusindustriel de production, en sont rendus de ralisation difficile. Cela estdautant plus vrai que les organisations industrielles charges dedvelopper et produire ces systmes darmes, elles-mmes parfoiscomplexes (notamment pour les programmes NH 90, Tigre, A 400 M ),ne parviennent que trs difficilement matriser les technologies depointe mobilises.

    Surmonter de tels obstacles prend du temps, a un cot et entranede telles difficults techniques que le systme darmes ne peut, la plupartdu temps, tre mis en place que dans des versions aux standards dgradsqualitativement par rapport aux performances attendues et auxspcificits retenues (situation affectant le Rafale, le Tigre et le NH90),lesdites spcificits ntant que progressivement amliores.

    Ce premier ensemble de facteurs industriels et techniques entrane diverses consquences collatrales, qui, sans ncessairementtoujours venir grever le cot de chacun des programmes, alourdissentpourtant leur cot de possession pour les armes, cot qui inclutnotamment les dpenses dentretien.

    Le fait daccepter la mise en service oprationnel de systmesdarmes dans des versions non encore stabilises entrane au surplus lancessit de les mettre a posteriori aux standards initialement attendus,dmarche onreuse et complexe.

    Les matriels modernes faisant un usage massif de llectronique etde linformatique dont les obsolescences sont rapides (5 ans pourllectronique), il faut engager ds leur mise en service donreusescampagnes de modifications pour pallier les obsolescences de certainscomposants.

    Diffrer la mise en service dun matriel peut aussi avoir pourconsquence que, lorsquil devient oprationnel, il nest plus adapt auxmenaces nouvelles (cas du char Leclerc, et de lhlicoptre de combat

    Tigre dont il a fallu modifier les caractristiques).Le retard enregistr dans la mise en uvre oprationnelle oblige

    prolonger, dans certains cas, lutilisation des quipements existants, cequi tout la fois entrane de nouveaux cots supplmentaires dentretien,sans pour autant permettre dobtenir des taux de disponibilitsatisfaisants, et peut mme ncessiter des travaux de modernisation (parexemple, environ 300 M pour la modernisation des hlicoptres Cougarrendue indispensable du fait des retards de livraison des NH90). Dansdautres cas, cela conduit utiliser des quipements qui nont pas t

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    prvus pour les missions accomplies (comme la Marine la rcemmentfait pour suppler la dfaillance des hlicoptres Super Frelon).

    Enfin, la complexit et la sophistication de ces nouveaux systmesdarmes, loin dallger le cot dentretien, entranent bien au contraire dessurcots non correctement anticips au moment du lancement duprogramme. Lampleur mme de ces surcots peut conduire, silvolution gostratgique le permet, limiter le nombre des appareils enservice oprationnel en remisant , par exemple, une partie du parc deschars Leclerc ou des hlicoptres Tigre, afin dempcher lenvol des

    dpenses dentretien des matriels. Elles obligent, par ailleurs, mettre enuvre des lments dinfrastructure supplmentaires : systme desimulateurs pour limiter lutilisation des appareils eux-mmes tout enpermettant la formation des oprateurs (pilotes et conducteurs, mais aussimcaniciens), hangars pressuriss, etc...

    Au total, ces diverses difficults handicapent la ralisation des contrats oprationnels , qui fixent les objectifs que les armes doiventatteindre afin de remplir efficacement leurs missions. En matire detransport arien, par exemple, ce contrat nest aujourdhui satisfait quhauteur de 38% 33, par les moyens propres des armes.

    __________CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________Fondamentaux pour lquipement de nos forces armes comme

    pour le maintien de la base technologique et industrielle de dfense, lesprogrammes darmement connaissent un processus de conduite et unmode de gestion qui souffrent de deux dficiences principales :

    - la premire, globale, concerne leur insertion dans la programmationfinancire et capacitaire du ministre de la dfense. Celle-ci estconstruite lors de la prparation dune nouvelle loi ou lors desactualisations annuelles successives en supposant que les ressourcesprvues seront en totalit disponibles. Or, du fait de la sous-estimationdes cots comme, un moindre titre, de lutilisation des crdits prvus dautres fins, les besoins de financement des programmes savrenttoujours suprieurs aux ressources relles disponibles. Ainsi, pour les

    deux dernires lois de programmation militaire, cest une annuitcomplte qui, toutes causes confondues, a manqu chaque fois. Parailleurs, du ct de lexpression des besoins, jusqu une poque rcente,le souci de renouveler indfiniment les matriels principaux de chaquearme a prim sur la prise en considration de la capacit dactioninterarmes ;

    33) Rapport annuel de performance 2008 annex la loi de finances initiale pour2009.

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    LA CONDUITE DES PROGRAMMES DARMEMENT 57

    - la seconde concerne les programmes considrs individuellement, quisont parfois lobjet de spcifications trop ambitieuses, subissent le plussouvent des drives de cots et des retards techniques, dans un cadrecontractuel ventuellement mal adapt, et qui, lorsquils sont conduitsdans le cadre de cooprations internationales, souffrent de plus de duresexcessives de gestation, de mauvaises rpartition des travaux et deprocdures de dcision exagrment lourdes.

    La conjugaison de ces causes provoque un inexorable talementdes programmes dans le temps, qui, outre la perte capacitaire quil

    implique, conduit de nouveaux cots du fait de la ncessit de mainteniren service des matriels anciens et de traiter les obsolescences decomposants apparues sur les matriels nouveaux.

    Dans ce contexte, la Cour prend acte des rformes trs rcentes degouvernance des programmes telles quelles sont actuellement engageset en souhaite le complet aboutissement, malgr les difficults quecertaines dentre elles ne manqueront de soulever, de faon que soit misun terme aux dficiences aujourdhui constates :

    - lancement simultan de programmes onreux,

    - spcifications excessives,

    - formes contractuelles parfois mal adaptes,

    - absence de provisions pour alas de volume suffisant,

    - primtre des programmes nintgrant pas toutes les dpensesncessaires leur ralisation ;

    - modes de coopration internationale trop souvent gnratrices desurcots.

    Lune des conditions fondamentales pour russir ce redressementest la concentration des pouvoirs de dcision et darbitrage - confre en2005 et confirme par les dcrets des 15 juillet et 6 octobre 2009 entreles mains du chef dtat-major des armes, seul habilit dsormais valuer en dernier ressort les besoins qualitatifs et quantitatifs des

    armes en matire dquipements, dj lancs ou venir.

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    RPONSE DU MINISTRE DE LA DFENSE

    Linsertion de la Cour des comptes sur La conduite desprogrammes darmement appelle de ma part les observations suivantes.

    La Cour en examinant lorganisation, les mthodes deprogrammation et les difficults propres aux programmes, critique leurinsertion dans la programmation financire et les drives de cots et dedlais. En revanche, elle prend acte des rformes rcentes degouvernance.

    Lanalyse de la Cour nest globalement pas contestable.Cependant, elle ne reflte pas suffisamment la ralit de la loi deprogrammation militaire et du processus de conduite des programmesdarmement, qui ne relvent pas uniquement d'une logique financiremais recouvrent galement d'autres aspects.

    Un certain nombre de points mrite donc dtre prcis, enparticulier sur les rductions de cibles et sur la polyvalence desmatriels.

    Ainsi, les rductions de cibles de certains programmes,contribuant mcaniquement aux drives de cot unitaire, sont en ralitdavantage la consquence de la rduction du format des armes et de

    lvolution du contexte stratgique que dues, comme lestime la Cour, des ncessits techniques ou des insuffisances budgtaires.

    Lexemple du Tigre est illustratif cet gard : le prix unitaire deproduction est en effet pass de 33,5 M (pour une premire cible, enpriode de guerre froide en 1987, de 215 hlicoptres), 50,8 M (pourune cible actuelle de 80 hlicoptres).

    La polyvalence des matriels, dont la Cour critique le cot, permetau contraire de rduire nettement le cot global dune force en disposantdes mmes capacits militaires avec un nombre rduit de plates-formes.Elle diminue lempreinte logistique des forces dployes. Cest un choixfondamental et irrversible sur le plan structurel pour les forces dont la

    rduction de format est impose. Cest aussi un choix essentiel pourlindustrie, qui sorganise autour de grands programmes pharespolyvalents et qui peut ainsi disposer des meilleurs matriels pour restercomptitive sur le march mondial.

    La Cour reconnat qu lavenir la conduite des programmesdarmement devrait samliorer grce aux rformes engagesrcemment.

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    LA CONDUITE DES PROGRAMMES DARMEMENT 59

    En effet, de trs importantes dcisions ont t prises afin de faireprogresser les performances du ministre notamment dans ce domaine,selon trois axes : la loi de programmation militaire, la gouvernance et laconduite des programmes.

    La construction de la loi de programmation militaire 2009-2014.

    Cette loi a t conue comme un ensemble cohrent et global,constitu de lensemble de la mission de politique publique dfense ,hors pensions. Elle programme ainsi les crdits dquipement, leseffectifs et la masse salariale associe, les crdits de fonctionnement et

    lactivit des forces, les investissements et le fonctionnement des autresorganismes du ministre, ainsi quune provision pour le fonctionnementdes oprations extrieures. Elle prend en compte, ds le dbut de sonexcution, les conomies sur le fonctionnement et les dpenses depersonnel issues de la rforme du ministre pour maintenir un niveaulev dinvestissement tout au long de la priode. Ce processus deredploiement, effectif et dj ralis ds 2009, se poursuivra dans lesannes venir compte tenu des prvisions de rductions deffectifs.

    La rforme de la gouvernance.

    Trois mesures notamment prises la suite du comit demodernisation des politiques publiques du 12 dcembre 2007 sont de

    nature remdier aux dysfonctionnements constats par la Cour : lecomit ministriel dinvestissement, le comit financier interministriel etles nouvelles prrogatives du chef dtat-major des armes (CEMA).

    Depuis janvier 2009, la mise en place du comit ministrieldinvestissement (CMI) est effective. Cette instance de gouvernancea pour objectif de rationaliser les processus dcisionnels relevantde linvestissement (programmes darmement et dinfrastructure,soutien en service, tudes) et de garantir la matrise etloptimisation des investissements, en cohrence avec les budgetsdisponibles et prvisionnels, tout en tenant compte dimpratifscapacitaires, industriels ou technologiques. Depuis le moisdoctobre 2008, le comit sest runi dix reprises pour examiner

    plus de vingt sujets. Plusieurs dossiers ont permis lefranchissement de jalons de programmes (MUSIS, FREMM ouFELIN).

    Le comit financier interministriel : nouvelle instanceinterministrielle dans laquelle le directeur du budget participe un examen contradictoire de la soutenabilit de laprogrammation. Ce comit sest dj runi trois fois depuis sacration.

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    60 COUR DES COMPTES

    Renforcement de la clart et de la cohrence des choix exerceravec les nouvelles prrogatives du CEMA pouvant arbitrer lesbesoins capacitaires.

    Lamlioration de la conduite des programmes darmement.

    Le ministre de la dfense met actuellement en uvre plusieursactions destines favoriser leur droulement, en particulier des quipesde programme intgres et un cot global de possession mieux pris encompte.

    Cest ainsi quun nouveau dcoupage est mis en place en sixstades du cycle de vie des oprations darmement afin de favoriser lacoordination des diffrents acteurs. Pour les stades de conception et deralisation, la direction est dsormais conjointe en quipe de programmeintgre (EDPI) entre le directeur de programme et lofficier deprogramme.

    Le cot global de possession est dornavant pris en compteab initio.

    Lacquisition dquipements de scurit engage lEtat sur le longterme et les cots supports doivent tous tre intgrs, comme le cotdexploitation, le cot de soutien en service, le cot de mise niveau etde modernisation de lquipement ou le cot de son dmantlement.

    La matrise du cot de possession ncessite que la conception dumatriel soit ainsi optimise.

    Le cot de possession sera donc dsormais prsent et actualisrgulirement dans les documents de programme, au-del de la seulepart dacquisition.

    ***

    Observations complmentaires dtailles surle texte mme de linsertion

    *Introduction (page 35 dernier paragraphe) : Il en rsulte unconstat commun : par rapport aux objectifs initialement retenus, lesprogrammes d'armement considrs ont tous t affects dans leurralisation par des drapages temporels et des drives financires.

    Les termes de drapage et de drive sont excessifs. Lagnralisation de la critique lest galement : cest ainsi que lesprogrammes darmement MINREM et BPC, parmi dautres, sontexemplaires en termes de respect des objectifs initiaux.

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    LA CONDUITE DES PROGRAMMES DARMEMENT 61

    Par ailleurs, ni les ventuels dcalages temporels, ni les ventuelssurcots par rapport aux prvisions amont initiales (qui restent engnral dans des limites acceptables eu gard la complexit de laconduite des programmes darmement et la dure de leurs cycles) neconduisent, en soi, rduire les capacits par rapport aux spcificationsretenues. Les modifications ventuelles de capacits rsultentprincipalement dvolutions dcides notamment en fonction des retoursdexprience et de lvolution du besoin oprationnel.

    I- Lorganisation de la conduite des programmes darmement A-

    Lorganisation du ministre de la Dfense 1- Les rorganisationsintervenues jusquen 2009- La multiplicit des dcideurs.lancementquasi simultan de plusieurs programmes majeurs : .

    Le programme char Leclerc a t lanc en 1982, le porte-avionsCharles de Gaulle en 1985 et le Rafale en 1989. Les programmes PACDG et Leclerc sont actuellement clos.

    I- Lorganisation de la conduite des programmes darmement A-Lorganisation du ministre de la Dfense 2- les rformes en cours

    La russite du comit financier apparat effectivement aujourd'huicomme une condition ncessaire, mais ce nouvel organisme ne doit pas sesubstituer aux instances ad hoc du ministre de la dfense qui statuent en

    opportunit. Il doit rester un lieu d'change et d'information sur lasoutenabilit financire globale de la programmation.

    I- Lorganisation de la conduite des programmes darmement - B- Laprogrammation financire 1- Lvolution du primtre de laprogrammation

    Les actions 8 (promotion et valorisation du patrimoine culturel) et9 (communication) du programme 212 (soutien de la politique de ladfense), bien quappartenant la mission dfense , ne sont pasdcrites en LPM. En effet, ces deux actions, en provenance duprogramme 167 ont rejoint le programme 212 en dbut de gestion 2009, une date postrieure la LPM.

    Cette globalisation porte toutefois le risque que le budgetdinvestissement, consacr pour lessentiel des programmesdarmement, ne serve de variable dajustement pour faire face unaccroissement imprvu de dpenses immdiates, comme les dpenses depersonnel et de fonctionnement .

    La LPM est un ensemble cohrent comportant non seulement uneprogrammation des ressources du ministre mais galement desorientations sur les quipements associs cette programmation dont ledegr de ralisation fait lobjet dvaluations rgulires.

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    62 COUR DES COMPTES

    En outre, la LPM 2009-2014 prend en compte, ds le dbut de laprogrammation, les conomies sur le fonctionnement et les dpenses depersonnel issues de la rforme du ministre pour maintenir un niveaulev dinvestissement tout au long de la priode. Ce processus deredploiement au profit des quipements, dj effectif ds 2009, sepoursuivra dans les annes venir compte tenu des prvisions derductions deffectifs.

    I- Lorganisation de la conduite des programmes darmement - B- Laprogrammation financire 2- Les difficults rcurrentes du processus

    de programmation militaire, b) Des provisions mal dterminesLa Cour observe que des progrs ont t raliss dans le domaine

    du provisionnement pour risques, pour certains programmes, ainsi quepar le recours des lignes de besoins financiers mutualiss pour faireface aux alas. Elle regrette toutefois que ce dispositif nait pas ttendu pour couvrir des alas extraordinaires non prvisibles (commela perte dun prototype davion).

    La mutualisation des risques au sein du programme constitue unniveau acceptable pour faire face la plupart des alas exceptionnels,mais il est exact que le programme nest pas engag couvrir tous lesalas extraordinaires non prvisibles.

    Sagissant de la mise en place dune provision de niveauministriel, telle que suggre par la Cour, il convient de rappeler lesactions engages afin de mieux matriser les cots des programmesdarmement et de renforcer la gouvernance ministrielle desinvestissements, au travers notamment du comit ministrieldinvestissement (CMI), afin de matriser les alas de la programmation.

    Dautres actions sont en cours ; dans le cadre du projet dervision gnrale des politiques publiques (RGPP), de renforcement de lafonction financire qui doit notamment mettre en place un dispositif decontrle interne budgtaire.

    Ces actions sont privilgies par le ministre par rapport la

    constitution dune provision, dont le calibrage soulverait des difficultsmthodologiques et dont les crdits pourraient in fine faire dfaut desoprations prioritaires identifies. Une telle provision serait sans doutegalement peu conforme lesprit de la LOLF et de la justification descrdits au premier euro.

    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes A- Les insuffisances communes tous les programmes darmement,1) La faiblesse des travaux pralables la dcision du lancement

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    LA CONDUITE DES PROGRAMMES DARMEMENT 63

    L'insuffisance de ces travaux prparatoires est source de difficults detous ordres et de drives financires pour beaucoup de programmeslancs dans les annes 1990. Le cas le plus emblmatique est celui del'avion militaire de transport A 400 M .

    Le programme europen A400M, programme en cooprationconduit par lOCCAR selon un contrat de droit commercial, est un casparticulier qui nest pas reprsentatif de lensemble des programmesdarmement.

    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes

    A- Les insuffisances communes tous les programmes darmement2) La recherche de performances technologiques ambitieuses

    La recherche de performances technologiques ou militaires excessivesest souvent reproche au ministre de la dfense. Celle-ci est loriginede difficults industrielles, tant en dveloppement quen production,entranant des accroissements de dlais, des surcots et une perte decomptitivit lexportation .

    La performance technologique nest pas ncessairement lorigine dune perte de comptitivit lexportation, la hautetechnologie pouvant tre au contraire un critre favorable comme on levoit dans les discussions avec les Etats clients, relatives des produits de

    performance comme le Rafale. La Cour relve cependant que, dans certains cas, le niveau deperformance des matriels se rvle sans rapports avec les besoinsmilitaires rels ( lier avec des spcifications excessivementambitieuses et complexes rendent difficile le respect des dlaisinitialement prvus auII Les dfauts rcurrents constats dans lesdiffrents programmes- C- Dimportants retards de ralisation- 2- Leursconsquences, b) Les effets cumulatifs).

    Le terme actuels serait mieux appropri que le terme rels .

    Ainsi, pour le char Leclerc, sa capacit de tir en roulant a tspcifie pour faire face un adversaire dot de chars performants en

    engagement haute intensit, qui tait la rfrence en termes de menacelors de la conception du systme. Cette fonction a t intgre dans lechar Leclerc ab initio bien avant les engagements actuels. Cette fonctiondtenue pourrait savrer primordiale en cas de rsurgence, qui ne peuttre exclue, dun scnario haute intensit. Par ailleurs, quel que soitlengagement, cette capacit de tir en roulant confre au char une nettesupriorit tactique, ainsi quune moindre vulnrabilit face aux tirs desadversaires.

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    Ces deux exemples dmontreraient eux seuls lintrt de lapolyvalence pour les plates-formes majeures .

    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes A- Les insuffisances communes tous les programmes darmement3) Le cot de la prfrence nationale ou europenne

    Le recours lachat davions de transport produits par des pays tierspour lquipement de larme de lair aurait permis de doter plusrapidement les forces franaises des moyens de projection qui leur fontdfaut et naurait sans doute pas t plus onreux .

    Cette possibilit a t tudie, mais le rsultat donne un rapportcapacitaire moindre. Laffirmation de la Cour est dailleurscontradictoire avec le rapport Lelong de 1998 sur lATF (avion detransport futur) qui, aprs analyse des diffrentes solutions, russes aveclAntonov, amricaines avec le C17 et le C130J, conclut que la dcisionde construire lATF constitue sans aucun doute la bonne dcision, tantsur le plan oprationnel et capacitaire que selon des critres budgtaires,de promotion de lindustrie europenne de dfense, et de contribution audveloppement de lconomie europenne.

    Extrait du rapport Lelong du 26 novembre 1998 : En prenant ladcision de construire lATF, on rpond aux besoins de la Dfense, on

    respecte les impratifs budgtaires, et on consolide lindustriearonautique europenne. En reportant cette dcision, on achteamricain .

    Il convient aussi de souligner que le Livre blanc sur la dfense etla scurit nationale pose les bases dune stratgie industrielle de laFrance organise en 3 cercles :

    - un cercle de souverainet, qui regroupe les capacitstechnologiques et industrielles dont la France conservera une matrisenationale ;

    - un cercle europen, que la France considre comme le cadrede rfrence pour la majorit de ses acquisitions de dfense et de

    scurit ;- un cercle mondial, pour tous les quipements dont la scurit

    dapprovisionnement et la libert demploi ne sont pas directement enjeu.

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    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes A- Les insuffisances communes tous les programmes darmement6) La drive des cots

    Il convient de sparer clairement les programmes en phase deconception et les programmes en phase de ralisation au dbut de la loide programmation militaire (LPM), sujet voqu lors du contrle de laCour sur lexcution de la LPM 2003-2008. En effet, la drive desprogrammes en phase de ralisation est extrmement faible et, en touttat de cause, laugmentation des devis de lensemble des programmes de

    cette LPM (value 7 Md pour un total de 125 Md) reste limite 5,6 %.

    Sagissant du sous-marin dattaque Barracuda, le montant de8,7 Md est celui du document de suivi (DS) 2009 aux conditions dejanvier 2009. Il est en augmentation de 144 M2006 la suite de la priseen compte des orientations du Livre blanc et de la LPM 2008-2013, parrapport au devis de 7,87 Md2006 tabli au lancement du programme. Ledevis du programme pris en compte dans les travaux de programmation2003-2008 tait de 6,1 Md2006. Lcart, conditions conomiquesidentiques, est donc de 1,77 Md2006 et sexplique par :

    le changement de statut de DCN : la prise en compte de la TVA(sur la part propre DCN), les effets assurances de responsabilit civile et taxe professionnelle , et lvolution du cot des facteurs entre2001 et 2006 (dont lvolution de la masse salariale des ouvriers dEtatet leffet mcanique de la conversion des contrats des autres personnels)induisent un surcot valu 0,86Md2006

    laugmentation du dplacement du sous-marin : par rapport auxestimations initiales qui prenaient lhypothse dun objectif ambitieux dedplacement de 4 000 t, et lissue des tudes de conception et dedfinition trs encadres sur ce paramtre structurant, le dplacementfinal, de 4 650 t, tient notamment compte de conditions de logement delquipage plus conformes, au regard de la rglementation de scurit etsant au travail en vigueur ; cette volution induit un surcot valu

    0,33Md

    2006

    des volutions lies la chaufferie nuclaire : le rsultat des

    tudes de sret, la hausse du cot de certaines fournitures propres lachaufferie, dont la piscine neutronique et le management des interfacesentre DCN et AREVA-TA induit un surcot valu 0,34M2006.

    Par ailleurs, diverses volutions techniques ncessaires lasupriorit acoustique du sous-marin et concernant la conception et laralisation du systme de combat ainsi que des provisions pour lalogistique initiale induisent un surcot valu 0,24Md2006.

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    Le changement de statut de DCN et les volutions lies auxmesures de sret induisent 1,2 Md2006 de plus sur le programmeBarracuda (sur 6,1 Md2006). Ces facteurs exognes reprsentent euxseuls 60 % du surcot.

    Une provision financire, initialement prvue, a t parfois supprimepour faire baisser artificiellement le devis de certains programmes : tel at en particulier le cas du programme des nouveaux missiles stratgiquesM 51 dans les annes 90 .

    La suppression voque dans le cas du programme M51

    correspond une prise de risque mesure, un nombre dessais en vollimits principalement.

    Evolution des prix unitaires

    Lanalyse faite partir des prix unitaires pour critiquer lessurcots des programmes est errone, dautant quelle est exprimequantitativement en pourcentage :

    - le prix ou cot unitaire moyen des matriels augmente quand laquantit totale de matriels diminue ; cest une vrit technique,industrielle, comptable et factuelle, dont leffet est dautant plusvisible que les quantits sont faibles ;

    - cet tat de fait ne traduit pas une non matrise des cots mais traduitune ralit, savoir que le cot des premiers matriels de srie estplus lev que celui dun rang de production plus lev ;

    - sans enlever de lintrt une analyse sur les cots unitaires, ne peutainsi tre qualifie de surcot valu comme tel en pourcentagedans le rapport pour lEtat la variation du cot unitaire moyeninduite par une rduction de cible (exemple du Tigre), pour la partrsultant de la suppression des derniers exemplaires de srie, lesmoins coteux.

    Le tableau de la Cour peut tre utilement complt par le PU (prixunitaire) de production, initial et actuel.

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    Evolution des prix unitaires (PU)

    MQuantit

    initiale

    Quantit

    actuelle

    Cot

    initial

    Cot

    actuelPU initial PU actuel A % du PU PU

    initial

    Rafale (avions de combat) 320 286 39 073 40 690 122,1 142,3 16,50% 96,6

    Tigre (hlicoptres de

    combat)215 80 8 899 5 898 41,4 73,7 78,10% 33,5

    SNLE (sous-marin lanceur

    dengins)6 4 16 186 17 130 2 698 4 282 58,70% 2 054,00

    FREMM (frgate) 17 11 9 105 7 818 535,6 710,7 32,70% 428,7

    Barracuda (sous-marin

    nuclaire dattaque)6 6 8 562 8 718 1 427 1 453 2% 1 068,20

    VBCI (vhicule blind) 700 630 2 490 2 867 3,56 4,55 27,80% 2,5

    NH 90 (hlicoptre) 220 160 8 787 7 759 39,9 48,5 21,40% 37

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    LA CONDUITE DES PROGRAMMES DARMEMENT 69

    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes -B : Les insuffisances propres aux programmes raliss en coopration

    La dcision de lancer un programme en coopration fait l'objetd'une analyse au cas par cas en raison de la complexit instruire, desdivergences sur le besoin entre les diffrents Etats intresss, entre lescontraintes calendaires pour viter des trous capacitaires et des intrtstechnico-industriels propres chaque nation. Le constat fait par la Courmontre que chaque option retenue comprend des avantages maisgalement des inconvnients.

    II Les dfauts rcurrents constats dans les diffrents programmes -C Dimportants retards de ralisation 2 - Leurs consquences, a)Consquences directes

    Les exemples de diminution de cibles abondent

    La rdaction semble attribuer en totalit les rductions de cibles des ncessits techniques ou des insuffisances budgtaires : ilconviendrait de prendre galement en compte les paramtres du contextegostratgique et du volume des forces armes qui dcrot de faonrgulire (et importante depuis la professionnalisation). Ladaptation descibles des programmes en est galement la consquence et, ce titre,laspect gostratgique a jou un rle majeur dans la diminution de cible

    du programme Leclerc. La rduction de la composante aroporte de laforce arienne stratgique dcide par le Prsident de la Rpublique enest galement une illustration.

    Les programmes subissent des rductions de cible lies larduction du format des armes et lvolution du contexte stratgique,ce qui contribue mcaniquement aux drives de cot unitaire constates.

    Lexemple du Tigre est illustratif de ces rductions de cible.

    La premire valuation de la cible Tigre pour les annes 2000 at faite en 1987 en priode de guerre froide. Cette cible a t tablie 215 Tigre, rpartie entre 75 HAP (hlicoptre appui-protection) et140 HAC (hlicoptre anti-char).

    En 1994, la suite dune rvaluation des besoins conscutive lachute du mur de Berlin, la cible a t maintenue 215, mais larpartition des versions a t modifie pour aboutir 115 HAP au lieu de75 et 100 HAC au lieu de 140.

    Dans la LPM 1997-2002, le besoin capacitaire identifi tait de180 hlicoptres de combat. La revue des programmes de 1998 entrinaitcette cible de 180 hlicoptres de combat sans autre prcision.

    Cour des comptesRapport public annuel 2010 fvrier 2010

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    La cible de 120 Tigre est ensuite officialise dans le cadre dumodle darme 2015.

    Enfin, les travaux du Livre blanc ont retenu une cible de80 hlicoptres de combat (cible actuelle) pour rpondre aux nouveauxcontrats oprationnels.

    Conclusion

    Le souci de renouveler indfiniment les matriels principaux de chaquearme est un terme excessif.

    RPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS,DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RFORME DE LTAT

    Linsertion sur la conduite des programmes darmement ,destine figurer dans le prochain rapport public annuel de la Cour descomptes, appelle de ma part les observations suivantes.

    La Cour propose une analyse synthtique des difficultsrencontres et des dfauts constats dans la conduite des programmesdarmement et formule des recommandations visant les rduire lavenir.

    Je ne peux que partager le constat pos par la Cour selon lequel,par rapport aux objectifs initialement prvus, les programmesdarmement examins ont t affects dans leur ralisation par desdrives financires et des drapages temporels conduisant, in fine, doter les forces armes plus tardivement de matriels moins nombreux.

    Je partage galement trs largement lanalyse de la Cour sur lescauses de ce constat : sous-estimation par le ministre de la dfense ducot prvisionnel des programmes, notamment des programmes nonencore lancs, ainsi que du cot des facteurs de production (lesprovisions pour hausses conomiques ntant pas assises sur les formulesrelles de rvision de prix34), surspcification technique des matrielscommands, prfrence pour les programmes nationaux et rticence

    acheter des matriels dorigine trangre moins onreux disponibles

    34) Je note toutefois ce sujet que les formules de rvision de prix nintgrentlvolution du cot des matires quavec une pondration de 4%, contre 65% pour lecot du travail. Il me parat donc excessif de considrer, comme le fait la Cour, quunecrise de trsorerie a pu affecter au dbut des annes 2000 certains programmes, dontle Rafale, du fait dune forte hausse du cot des matires premires. Au demeurant, leshausses du prix des matires sont gnralement suivies de baisses, ce qui devraitpermettre aux programmes darmement, de dure longue, dabsorber les haussespassagres.

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    sur tagre , surcots et retards des programmes raliss encoopration europenne.

    La drive des cots des programmes darmement constitue aussi,pour mon ministre, un sujet de proccupation majeur. Je rejoins la Courpour considrer que les indicateurs annuels de performance calculs parle ministre de la dfense pour mesurer la matrise du cot desprogrammes ne rendent encore