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1 Cours de capacité en droit – 1 e année Cours de la semaine du 9 novembre 2009 (4 heures) A/ Le contrôle de constitutionnalité des lois (SUITE) (…) En effet, en 2008 une loi constitutionnelle (loi du 23 juillet 2008, devenue l’article 61-1 de la Constitution) a été adoptée afin de permettre au Conseil constitutionnel d’exercer un contrôle a posteriori. Mais, pour que cette disposition soit effective, il faut qu’une loi organique soit adoptée, ce qui n’a pas encore été le cas aujourd’hui… mais cela ne saurait tarder ! *** Ainsi, lorsque, à l'occasion d'un procès, il est soutenu qu'une loi porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation. Ce sont donc les juridictions suprêmes qui sont habilitées à saisir le Conseil constitutionnel de manière à ce qu’il vérifie a posteriori si une loi (déjà promulguée) n’est pas contraire à la Constitution. Si le Conseil constitutionnel déclare la loi inconstitutionnelle, elle est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. *** A noter que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ne se reconnaissent pas compétents pour exercer eux-mêmes un contrôle de constitutionnalité d’une loi…

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Cours de capacité en droit – 1e année

Cours de la semaine du 9 novembre 2009 (4 heures)

A/ Le contrôle de constitutionnalité des lois (SUITE)

(…)

En effet, en 2008 une loi constitutionnelle (loi du 23 juillet 2008, devenue l’article 61-1

de la Constitution) a été adoptée afin de permettre au Conseil constitutionnel d’exercer un

contrôle a posteriori.

Mais, pour que cette disposition soit effective, il faut qu’une loi organique soit adoptée,

ce qui n’a pas encore été le cas aujourd’hui… mais cela ne saurait tarder !

***

Ainsi, lorsque, à l'occasion d'un procès, il est soutenu qu'une loi porte atteinte aux droits

et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette

question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation.

Ce sont donc les juridictions suprêmes qui sont habilitées à saisir le Conseil constitutionnel

de manière à ce qu’il vérifie a posteriori si une loi (déjà promulguée) n’est pas contraire à

la Constitution.

Si le Conseil constitutionnel déclare la loi inconstitutionnelle, elle est abrogée à compter

de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par

cette décision.

***

A noter que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat ne se reconnaissent pas

compétents pour exercer eux-mêmes un contrôle de constitutionnalité d’une loi…

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B/ Le contrôle de conventionnalité des lois (contrôle de conformité

de la loi aux conventions internationales)

On vient de voir que, selon l’article 55 de la Constitution, les traités internationaux ont

une valeur supérieure à la loi.

D’où la question de savoir quelle est l’autorité qui pourra écarter une loi au motif qu’elle

est contraire à un traité international.

Spontanément, on se tourne vers le Conseil constitutionnel puisqu’il exerce déjà le

contrôle de conformité de la loi à la Constitution.

Pourtant, en 1975, il a refusé d’exercer ce contrôle de conventionnalité (conformité

d’une loi à une convention internationale).

Dans cette affaire, il avait été saisi de la question de savoir si la loi Simone Veil relative

à l’interruption volontaire de grossesse était conforme à l’article 2 de la Convention

européenne des droits de l’homme qui protège le droit à la vie.

Pour fonder son refus, il a fait une interprétation stricte de l’article 61 de la

Constitution qui ne lui donne compétence que pour exercer un contrôle de constitutionnalité.

Face à ce refus, on s’est alors demandé si le juge (judiciaire ou administratif) accepterait

d’écarter une loi au motif de sa contrariété à une convention internationale.

La Cour de cassation a effectivement exercé ce contrôle dans un arrêt « Jacques

Vabre » du 24 mai 1975 où elle a jugé une loi fiscale contraire au Traité de Rome de 1957.

D’abord réticent à mettre en œuvre ce contrôle, le Conseil d’Etat a finalement suivi la

Cour de cassation dans un arrêt du 20 octobre 1989 : « Nicolo ».

Aujourd’hui, tout juge – quel que soit le degré dans la hiérarchie des juridictions – peut

contrôler la conformité d’une loi à une Convention internationale.

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Par exemple, un Tribunal de grande instance, de même qu’une Cour d’appel, peut estimer

que la loi qui limite le choix des parents quant au prénom de leur enfant1 n’est pas

contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme relative au droit au

respect de la vie privée (V. Cass, civ 1, 1e octobre 1986, « Fleur de Marie »).

Section II – Le conflit entre règles de droit de même rang dans la

hiérarchie

Il existe deux hypothèses dans lesquelles deux règles de droit risquent de se contredire

alors même qu’elles se situent au même niveau hiérarchique :

-soit une règle vient succéder à l’autre, ce que l’on désigne comme un conflit de lois

dans le temps puisqu’il va falloir déterminer le champ d’application temporel de

chacune de ces règles (§ I).

-soit les deux règles n’appartiennent pas au même ordre juridique, ce que l’on désigne

comme un conflit de lois dans l’espace puisqu’il va falloir déterminer le champ

d’application spatial de la loi française et de la loi étrangère (§ II).

§ I – La succession de lois dans le temps (conflit de lois dans le

temps)

AVANT-PROPOS

NAISSANCE DE LA LOI :

Pour qu’une loi soit applicable, il faut :

- qu’elle soit votée par le Parlement,

- puis qu’elle soit promulguée par le Président de la République, c’est-à-dire

que par décret, le Président de la République doit donner l’ordre d’exécuter la

loi (art. 10 de la Constitution),

- et enfin qu’elle soit publiée au Journal officiel afin d’être connue de tous.

1 Cette loi qui datait de la période révolutionnaire a été abrogée par une loi datant de 1993. Nous

reviendrons sur la question…

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Dans l’hypothèse où le Président de la République refuse de promulguer une loi, il a

l’obligation de dissoudre le Parlement, sauf si le Parlement accepte de retirer sa loi.

La loi entre donc en vigueur à la date qu’elle fixe ou à défaut (quand elle ne dit rien), le

lendemain de sa publication (art. 1e du Code civil, tel que modifié en 2004 ; il n’y a donc

plus lieu de faire des distinctions comme par le passé. Ceci s’explique par le

développement de l’Internet et notamment du site Légifrance).

A compter de cette date, « Nul n’est censé ignorer la loi », selon le célèbre adage

juridique.

Dès lors, il n’est pas possible de prétendre avoir ignoré une loi pour pouvoir échapper à

son application.

Par exemple, si le 18 juin 2009 législateur avait créé une nouvelle incrimination/une

nouvelle infraction, un individu, poursuivi pour avoir commis cette infraction le 27 juin

suivant, ne peut pas se défendre en prétendant qu’il ne connaissait pas la loi nouvelle.

DISPARITION DE LA LOI :

Le législateur peut faire disparaître une loi en votant son abrogation.

Pour cela, il lui suffit donc de voter une loi dans laquelle il est précisé qu’elle vient

remplacer une autre loi.

On parle alors d’abrogation expresse.

Par exemple, la loi du 30 ventôse an XII a promulgué le Code civil et en même temps

elle a abrogé tout l’Ancien Droit relatif aux domaines régis par le Code civil (mariage ;

contrat ; droit de propriété, etc.).

L’abrogation d’une loi peut aussi être tacite quand la loi nouvellement adoptée vient

contredire le contenu de la loi ancienne et que le maintien de cette dernière n’est pas

possible.

A défaut, il y aurait des risques d’incohérence préjudiciables à la sécurité juridique.

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N.B. : on discute de la question de savoir si une loi peut être abrogée par désuétude,

c’est-à-dire lorsque les individus cessent de la respecter et décident de suivre une autre règle

née de la pratique (repetitio) et qu’ils croient obligatoire (opinio juris), autrement dit… une

coutume.

***

Quoi qu’il en soit, il convient désormais de s’intéresser au champ d’application dans le

temps de la loi nouvelle.

Ce champ d’application a été posé par l’article 2 du Code civil (A).

Mais, faute de résoudre toutes les difficultés, l’article 2 du Code civil a été complété par

la jurisprudence.

Or, pour ce faire, la jurisprudence s’est très largement inspirée de la théorie de Paul

Roubier (B).

A/ L’article 2 du Code civil : « La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle

n’a point d’effet rétroactif »

L’article 2 du Code civil permet de solutionner le problème né de la succession de lois

dans le temps.

Il permet notamment au juge qui est saisi d’un litige de savoir s’il doit appliquer la loi

sous l’empire de laquelle la situation litigieuse est née – loi ancienne – ou au

contraire celle qui est en vigueur au moment où le litige s’est élevé/ au moment où le

juge est saisi – loi nouvelle –.

L’article 2 du Code civil pose la règle suivante :

« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Il faut décomposer cet article en 2 règles :

1/ D’abord, il nous dit que la loi « ne dispose QUE pour l’avenir ».

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Autrement dit, la loi ne s’applique qu’aux faits qui se sont produits après son

entrée en vigueur.

Par exemple, si une loi nouvelle vient interdire l’interruption volontaire de grossesse

sous peine d’une sanction pénale, elle ne s’appliquera qu’aux interruptions de grossesse qui

auront eu lieu après la date de son entrée en vigueur.

2/ Ensuite, l’article 2 du Code civil précise que la loi nouvelle « n’a POINT d’effet

rétroactif ».

Cela signifie que la loi nouvelle ne s’applique pas aux faits qui se sont produits

avant son entrée en vigueur : on dit qu’elle ne rétroagit pas.

Pour reprendre le même exemple que précédemment, la loi venant interdire les IVG

ne peut pas s’appliquer aux femmes qui auront pratiqué un IVG avant la date de son entrée

en vigueur. Pour ces femmes, aucune sanction pénale ne peut donc être prononcée.

Si la première règle – la loi ne dispose que pour l’avenir – ne pose pas de difficulté,

en revanche, la valeur du principe de non-rétroactivité doit être précisé (1), ce qui nous

permettra alors d’envisager les exceptions à ce principe (2).

1/ Le principe de non-rétroactivité de la loi (principe absolu en

matière pénale, relatif en matière civile)

Pour connaître la force/valeur du principe de non-rétroactivité, il faut se servir de la

hiérarchie des normes…

EN DROIT CIVIL

Le Code civil régit les matières civiles.

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Il a été adopté par une loi (loi du 30 ventôse an XII). Donc l’article 2 du Code civil a

la valeur d’une loi.

Or ce que le législateur peut faire avec une loi, il peut le défaire avec une autre loi.

Il peut en effet décider de déroger à une loi précédemment posée, soit en

l’abrogeant (V. Cour supra), soit en l’écartant dans un cas particulier.

Concernant l’article 2 du Code civil, le législateur peut parfaitement, dans la loi qu’il

adopte, décider d’y déroger.

Pour ce faire, il précisera expressément le champ d’application temporel de la loi qu’il

adopte. Les dispositions de la loi qui règlent son champ d’application dans le temps

s’appellent des « dispositions de droit transitoire ».

EN DROIT PENAL

Mais, en droit pénal – matière qui concerne les infractions –, il existe une règle

venant interdire la rétroactivité de la loi pénale.

Or, cette règle figure dans l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme de

17892. Et, l’on sait que la Déclaration des droits de l’homme fait partie du bloc de

constitutionnalité.

Autrement dit, la Déclaration des droits de l’homme a valeur constitutionnelle ;

elle a une valeur supérieure à la loi.

Donc la loi ne peut pas déroger à l’article 8 de cette Déclaration.

2 « (…) nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit,

(…) ».

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Cela signifie qu’en matière pénale, la loi ne peut JAMAIS être rétroactive.

Ainsi, si une loi nouvelle vient aggraver la sanction pénale des infractions

sexuelles commises à l’encontre d’un mineur en passant de 5 à 10 ans

d’emprisonnement, celui qui aura commis un acte pédophile avant l’entrée en vigueur de

cette loi n’encourra qu’une peine d’emprisonnement de 5 ans.

La loi pénale nouvelle portant la peine à 10 ans d’emprisonnement ne peut en effet

avoir d’effet rétroactif, c’est-à-dire s’appliquer à des faits qui se sont produits avant son

entrée en vigueur.

IL faut cependant signaler une seule et unique exception à la non-rétroactivité de

la loi pénale : c’est l’hypothèse où la loi pénale nouvelle est « plus douce » (du latin in

mitius), c’est-à-dire qu’elle est moins sévère que la loi ancienne ; dans ce cas, la loi pénale

plus douce s’applique de manière rétroactive car elle est favorable est individus.

Par exemple, si une loi vient supprimer une infraction (comme le délit de

vagabondage), elle s’applique rétroactivement, ce qui signifie que ceux qui ont commis des

actes de vagabondage avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, ne seront pas poursuivis

et jugés pour ces actes.

Ils bénéficient de la loi nouvelle car elle est plus douce. Il y a donc rétroactivité de

cette loi nouvelle plus douce.

***

Pour résumer, en matière pénale le principe de non-rétroactivité de la loi est absolu ; il

n’est pas possible pour une loi d’y déroger (sauf si elle est plus douce).

Par contre, en matière civile, le principe de non-rétroactivité a une valeur relative puisqu’il

est possible de déroger à l’article 2 du Code civil. Ce qui nous amène aux exceptions.

2/ Les exceptions : lois expressément rétroactives (dispositions

transitoires) et lois interprétatives d’une loi ancienne

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Les exceptions ne visent QUE LE DROIT CIVIL (les lois adoptées dans les matières

civiles).

Une loi nouvelle est rétroactive lorsqu’elle régit la validité et les effets passés des

situations juridiques nées avant sa promulgation (Lexique juridique Dalloz).

Mais, parmi les lois rétroactives, il y a lieu d’opérer des distinctions :

1/ En premier lieu, certaines lois sont rétroactives parce que leur objet est de venir

préciser le sens ambigu ou obscur d’une loi antérieure.

On parle alors de lois interprétatives puisqu’elles viennent interpréter une loi qui n’est

pas claire.

Les lois interprétatives sont rétroactives même si elles ne le disent pas expressément,

parce qu’elles sont considérées comme faisant corps avec le texte interprété.

Dès lors, le texte interprété sera considéré comme ayant toujours eu le sens que lui

donne la loi interprétative.

Par exemple, si une loi de 1964 est obscure, en 2009 le Parlement peut adopter une loi

visant à éclairer le sens de cette loi.

Ainsi, la loi de 1964 sera considérée comme ayant toujours eu le sens que lui donne la loi

de 2009 puisque l’interprétation issue de la loi de 2009 rétroagit au jour de l’adoption de la

loi de 1964.

2/ En deuxième lieu, il existe des lois qui sont simplement rétroactives, c’est-à-dire

qu’elles contiennent des dispositions transitoires prévoyant qu’elles s’appliqueront à des faits

passés3.

Face à une loi rétroactive, la Cour de cassation veille à la justification de la

rétroactivité : il faut qu’il existe un « impérieux motif d’intérêt général », sans quoi, la Cour

refuse de donner un effet rétroactif à la loi (Cass, Ass.Plé., 23 janvier 2004, « Le Bas Noyer

c/ Castorama »).

3 afin de rechercher un « compromis entre la vérité qui se révèle et la résistance au temps » Hébraud…

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Ici, la Cour de cassation fait une interprétation constructive de l’article 2 du Code civil

puisqu’elle ajoute une condition à la dérogation au principe de non-rétroactivité : QUE LA

LOI SOIT JUSTIFIEE PAR UN IMPERIEUX MOTIF D’INTERET GENERAL.

3/ En dernier lieu, il existe des lois rétroactives qui visent à modifier l’issue d’un

procès dans lequel l’Etat a un intérêt. C’est ce que l’on appelle les lois de validation.

Pareilles lois rompent l’égalité des armes entre les parties puisque l’une des parties

est l’Etat ou une de ses émanations.

Pour cette raison, la jurisprudence (Cour de cassation ; Conseil d’Etat ; Conseil

constitutionnel et Cour européenne des droits de l’homme) refuse de leur donner effet en

considérant que de telles lois sont contraires à l’article 6 de la CEDH qui pose le principe

du droit à un procès équitable.

B/ La théorie de Paul Roubier : l’application immédiate de la loi

nouvelle (sauf exceptions)

Il arrive qu’une situation soit amenée à produire des effets dans le temps, d’où la

question de savoir quelle est la loi qui doit régir les différents effets de cette situation : la loi

nouvelle à compter de son entrée en vigueur ? ou la loi ancienne ?

Et si c’est la loi nouvelle, s’applique-t-elle à tous les effets ? ou seulement au effets qui se

produiront après son entrée en vigueur ?

L’article 2 du Code civil est malheureusement insuffisant pour répondre à ces questions.

C’est pourquoi la jurisprudence s’est inspirée des travaux développés par la doctrine.

Après avoir été influencée par la doctrine des droits acquis (non étudiée), elle a

adopté la théorie de Paul Roubier.

1/ La césure dans le temps opérée par la loi nouvelle

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Paul ROUBIER (Le conflit de lois dans le temps, 1929 et Le droit transitoire, 1960) a

démontré que la loi nouvelle qui entre en vigueur, opérait une césure/coupure dans le

temps.

De fait, elle s’applique IMMEDIATEMENT, dès son entrée en vigueur, à toutes les

situations nouvelles et aux effets futurs des situations qui ont été créées sous l’empire de

la loi ancienne.

Paul Roubier a donc dégagé un principe d’application immédiate de la loi

nouvellement adoptée.

ENTREE EN VIGUEUR

DE LA LOI NOUVELLE

Création Extinction

de la situation de la situation

------------------------------------------ -----------------------------------------

(effets passés de la situation en cours) (effets à venir de la situation en

cours)

2/ Les exceptions : le respect des prévisions des contractants

Mais, Paul Roubier a également admis l’existence d’exceptions au principe de

l’application immédiate de la loi nouvelle.

En effet, en matière contractuelle, il a reconnu que ce serait tromper l’attente

légitime des parties cocontractantes que de leur imposer une loi alors qu’elles ont contracté

en contemplation de la loi ancienne.

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Par exemple, il est fort à parier que celui qui emprunte de l’argent à une banque

parce que le taux d’intérêt légal est plafonné à 10 %, n’aurait pas contracté si, comme le

veut la loi nouvelle, le taux d’intérêt légal avait été de 53 %.

Imposer à cet emprunteur le taux d’intérêt prévu par la loi nouvelle (53 %),

reviendrait donc à tromper ses prévisions (coût de l’emprunt est de 10 % et non de 53 %),

notamment au regard du plan de remboursement qu’il s’est fixé !

C’est pourquoi, par exception au principe de l’application immédiate de la loi

nouvelle, Paul Roubier – suivi par la jurisprudence – a admis le maintien/ la survie de la

loi ancienne.

Autrement dit, la loi applicable à un contrat est celle qui était en vigueur au jour de

sa conclusion, même si ultérieurement une loi nouvelle vient à être adoptée.

La loi sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu s’applique donc :

- à la formation du contrat,

- et à tous ses effets, indépendamment de l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle.

Néanmoins, l’histoire jurisprudentielle a démontré que cette exception n’était pas

absolue car certaines lois sont jugées telles qu’elles sont appliquées immédiatement,

même aux contrats conclus sous l’empire de la loi ancienne.

On dit que ces lois expriment UN INTERET SOCIAL IMPERIEUX.

L’exemple le plus classique qui peut être donné est celui de la loi de 1936 qui a

instauré les congés payés et qui a été jugée applicable à tous les contrats de travail, même

ceux conclus avant 1936.

La difficulté de cette « exception à l’exception » est que ce sont les juges qui

décident au cas par cas si une loi « véhicule » un intérêt social jugé impérieux...

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d’où un risque d’insécurité juridique puisqu’on ne connaîtra la réponse qu’une fois

le juge saisi d’un litige.

§ II – La pluralité de lois dans l’espace (conflit de lois étatiques ou

droit international privé)

Pour qu’un possible conflit de lois dans l’espace se pose, il faut tout d’abord que le litige

contienne un élément d’extranéité.

L’extranéité, c’est la qualité de ce qui est étranger (Vocab. G. Cornu).

Par exemple, le divorce, objet du litige, concerne un Français et un Japonais.

Le contrat de vente inexécuté par l’une des parties devait l’être en Espagne, lieu

d’établissement de l’acheteur.

Un enfant Français qui n’est reconnu que par sa mère exerce une action en recherche de

paternité contre un homme de nationalité algérienne qui est domicilié en Algérie.

Dans tous ces exemples, on peut se demander si le juge français va nécessairement

appliquer la loi française, ou si une loi étrangère n’a pas d’avantage vocation à régir le litige.

Pour cela, il faut d’abord admettre que le juge français a la possibilité d’appliquer une loi

étrangère (A) puis voir comment il choisit la loi applicable entre la loi française et une loi

étrangère (B).

A/ La possible application d’une loi étrangère par le juge français

1/ Le droit international public

La compétence normative/législative est une compétence de l’Etat.

En effet, la quasi-totalité des règles de droit émanent des Etats.

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D’ailleurs, bien souvent pour désigner les règles de droit on parle de règles étatiques

(d’autant qu’elles sont sanctionnées par la coercition étatique).

Or, selon le droit international public – branche du droit qui étudie l’Etat en tant que

sujet de droit dans l’ordre international – certaines compétences normatives relèvent

exclusivement d’un Etat, tandis que d’autres peuvent entrer en concurrence.

Sont des compétences normatives exclusives de l’Etat toutes celles qui touchent à un

élément constitutif de l’Etat.

Un Etat est constitué :

d’un territoire,

d’une population

et d’une souveraineté.

Ainsi, lorsque l’Etat français décide quels sont ses nationaux (c’est-à-dire ceux

auxquels il accorde la nationalité française), il exerce une compétence exclusive qui est

relative à sa population.

Seul l’Etat français peut décider quels sont ceux qui sont Français.

Par exemple, la Chine ne pourrait décider que tel individu a la nationalité française.

Réciproquement, l’Etat français ne peut pas décider qu’untel est chinois.

De même, seul l’Etat français peut édicter des règles relatives à son organisation

politique (droit constitutionnel) puisqu’il est question ici de la souveraineté de l’Etat.

Enfin, seul l’Etat français peut décider quels sont les individus qui peuvent accéder au

territoire français, notamment en délivrant des titres de séjour aux étrangers.

On imagine en effet mal le Gabon délivrer un titre de séjour à une personne pour qu’elle

puisse accéder au territoire français !

***

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15

Dès lors, si la compétence normative ne se rapporte pas à un élément constitutif de

l’Etat – territoire, population, souveraineté – elle peut être concurrencée par la compétence

d’un autre Etat.

Par exemple, si un couple franco-japonais, qui réside en Angola, souhaite divorcer,

l’Etat français peut envisager l’application de la loi française parce l’un des époux est

Français.

Mais, le Japon peut lui aussi envisager l’appliquer de sa loi ; de même, l’Angola a

également compétence pour dire que sa loi peut s’appliquer parce que le couple est domicilié

sur son territoire.

Autrement dit, le juge français qui serait saisi de cette demande en divorce peut hésiter

à appliquer la loi française – loi nationale d’un époux – la loi japonaise – loi nationale de

l’autre époux – ou la loi angolaise – loi du lieu de résidence du couple –.

C’est ce que l’on appelle un conflit de lois dans l’espace.

Le conflit de lois dans l’espace est une des branches du droit international privé.

2/ L’article 3 du Code civil

Le droit international privé est essentiellement un droit prétorien, c’est-à-dire qu’il est,

pour l’essentiel, constitué de règles créées par la jurisprudence.

En effet, jusque dans les années 1970, le seul texte relatif aux conflits de lois dans

l’espace était l’article 3 du Code civil.

Selon ce texte,

« Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le

territoire.

Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers, sont régis par

la loi française.

Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les

Français, même résidant en pays étranger. »

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Et c’est à partir de cet article 3 du Code civil que la jurisprudence a dégagé les règles qui

permettent de choisir la loi applicable lorsque plusieurs lois, française et étrangère,

sont en concurrence.

Ces règles permettent donc de résoudre le conflit de lois. On les désigne comme étant

des règles de conflit.

B/ Le recours à des règles de conflit

A la lecture de l’article 3 du Code civil, on constate que les rédacteurs du Code avaient

envisagé le champ d’application dans l’espace de la seule loi française.

Par exemple, la loi française s’applique à tous les immeubles situés en France.

La loi française s’applique à toutes les questions de capacité des Français.

La jurisprudence a alors « bilatéralisé » l’article 3 du Code civil (1) afin de dégager des

règles de conflit (2).

1/ La bilatéralisation de l’article 3 du Code civil

La bilatéralisation de l’article 3 du Code civil consiste simplement à admettre que si la loi

française s’applique aux immeubles situés en France, la loi allemande doit s’appliquer aux

immeubles situés en Allemagne, la loi tunisienne aux immeubles situés en Tunisie,

et ainsi de suite.

De même, puisque la capacité d’un Français est soumise à la loi française, la capacité

d’un Turc est régie par la loi turque.

Ainsi pour savoir si un Turc âgé de 17 ans a l’âge légal pour se marier, le juge français

doit appliquer la loi turque.

Par ce procédé de bilatéralisation, la jurisprudence a ainsi fixé des règles qui sont

neutres en ce sens qu’elles ne tiennent pas compte du contenu de la loi pour décider si elle

va s’appliquer.

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Dans l’exemple précédent, ce n’est pas parce que la loi turque est plus libérale qu’une

autre loi qu’on va décider de l’appliquer.

Quand un enfant belge demande des aliments – pension alimentaire – à son père de

nationalité française, ce n’est pas parce que la loi française est plus favorable à l’enfant que

la loi belge, que l’on appliquera la loi française.

Ce qui est pris en compte c’est un critère de rattachement.

2/ Les principales règles de conflit : locus regit actum ; lex loci

delicti ; lex rei sitae, etc.

De fait, en admettant que la loi française s’applique aux immeubles situés en France,

et la loi allemande s’applique aux immeubles situés en Allemagne, on dégage

simplement un critère, à savoir que pour déterminer la loi applicable à un immeuble on tient

compte de son lieu de situation.

Le critère de la règle de conflit en matière d’immeuble est donc le lieu de situation de

l’immeuble.

On utilise souvent des adages latins pour désigner une règle de conflit ; ici il s’agit de la

lex rei sitae (loi du lieu de situation de l’immeuble).

La jurisprudence a ainsi décidé que la loi applicable à un accident de la circulation

routière est la loi du lieu de situation de l’accident : lex loci delicti.

Dès lors, si deux camions immatriculés en France ont un accident en Espagne, la loi

applicable pour savoir si la victime peut obtenir des dommages-et-intérêts est la loi

espagnole4.

Un dernier exemple : pour savoir si un contrat est régulier en la forme, on applique

généralement la loi du lieu où il a été conclu : locus regit actum.

4 Cass, civ, 25 mai 1948, « Lautour ».

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18

Titre II – Les droits subjectifs, des droits et obligations reconnus aux

personnes

Le Droit objectif est l’ensemble des règles de droit, c’est-à-dire « l’ensemble des règles de

conduite socialement édictées et sanctionnées, qui s’imposent aux membres de la société »

(Vocab. G. Cornu).

Ces règles reconnaissent/attribuent aux individus un certain nombre de prérogatives qui

leur permettent de faire, d’exiger, ou d’interdire quelque chose dans leur propre intérêt.

Par exemple, le Code civil reconnaît des prérogatives au propriétaire telles que celle de

disposer de sa chose, que ce soit pour la vendre ou pour la détruire.

Le propriétaire d’une voiture peut ainsi la vendre ; il peut aussi décider de la détruire

puisqu’il dispose de sa chose – il en fait ce qu’il veut –.

Ces prérogatives sont ce que l’on appelle des droits subjectifs (Chapitre II).

Mais, pour pouvoir être titulaire de droits subjectifs, il faut être sujet de droit.

Autrement dit, il faut avoir la personnalité juridique (Chapitre I).

Chapitre I – Les titulaires de droits subjectifs (les personnes ayant la

personnalité juridique)

La personnalité juridique est l’aptitude à être titulaire actif ou passif de droits subjectifs,

c’est-à-dire de droits et d’obligations.

Parmi les êtres vivants, seuls les êtres humains sont considérés comme des personnes au

sens juridique du terme, ce qui exclut les animaux et les végétaux, considérés comme

des choses5

5 Le droit ne se désintéresse pas pour autant de la protection de ces deux catégories de choses : pour les

animaux, V. notamment S. Antoine, « Le droit de l’animal, évolution et perspectives », D. 1996, p. 126 ; pour les

végétaux, V. le développement du droit de l’environnement, et not. La Charte de l’environnement adoptée

en 2004 et intégrée au Préambule de la Constitution de 1958 par la loi constitutionnelle du 29 mai 2005.

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Un animal de compagnie, un chien, un chat, etc. est donc une chose au regard du droit, à

l’instar d’une chaise ou d’une automobile.

Parmi les êtres vivants, seuls les êtres humains sont des personnes au sens du droit.

Et, parmi les êtres humains, tous, sans distinction de sexe, de race, de religion, de

nationalité, etc., sont dotées de la personnalité juridique.

C’est ce que proclame notamment l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de

l’homme (adoptée en 1958 sous l’égide des Nations Unies) :

« Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité

juridique ».

Cette affirmation condamne fatalement l’esclavage (aboli officiellement en France en

1848). Auparavant, Un esclave était considéré comme une chose et ne pouvait pas, en

conséquence, être titulaire de droits subjectifs.

La personnalité juridique est donc reconnue à toutes les personnes physiques (êtres

humains) (Section I).

Cependant, pour des raisons pratiques, le droit a recouru à une fiction afin de

reconnaître la personnalité juridique à d’autres entités, constituées de personnes

physiques et de biens, ou uniquement de biens (groupements, associations, sociétés, etc.).

Il s’agit des personnes morales (Section II).

Le droit de la personnalité juridique est en effet parsemé de fictions juridiques.

Une fiction (du latin fingere : feindre) est un « mensonge de la loi » consistant à « faire

comme si » en supposant avéré/vrai un fait contraire à la réalité de manière à lui faire

produire un effet juridique.

Autrement dit, on fait comme si une société ou une association était une personne

physique alors même que l’on sait que ce n’est pas le cas.

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Mais, cela permet de leur reconnaître la personnalité juridique, c’est-à-dire de les faire

bénéficier de droits subjectifs.

Les personnes physiques comme les personnes morales sont donc des sujets de droit.

Un certain nombre d’attributs sont attachés à la personnalité juridique (Section III).

Section I – Les personnes physiques

Trois points vont retenir notre attention :

- quand est-ce qu’une personne physique acquiert la personnalité juridique (quand

devient-elle sujet de droit) ? (§ I)

- quand est-ce qu’une personne physique perd la personnalité juridique (§ II) ?

- et enfin, est-il possible de priver une personne physique de sa capacité juridique

(§ III) ?

§ I – La naissance, point de départ de la personnalité juridique

Pour être doté de la personnalité juridique, il faut naître vivant, mais aussi viable. Tel

est le principe (A).

Par exception il arrive que le droit anticipe l’acquisition de la personnalité juridique

lorsque cela va dans l’intérêt de l’enfant.

Autrement dit, le droit va faire comme si l’enfant était déjà né alors qu’il est simplement

conçu (on retrouve donc ici une fiction juridique) (B).

 

A/ Principe

La personnalité juridique commence à la naissance et non à la conception. Il faut donc

être né pour devenir sujet de droit, sous réserve encore de remplir certaines conditions (2).

Dès lors, un fœtus n’est pas titulaire de droits subjectifs (1).

 

1/ Un fœtus n’est pas titulaire de droits subjectifs

 

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L’enfant qui est dans le ventre de sa mère, c’est-à-dire celui qui n’est pas encore né, n’est

pas un sujet de droit.

Il n’a pas de personnalité juridique.

C’est ainsi qu’en présence d’un accident de la route ayant provoqué l’accouchement

prématuré de la victime (mère), le juge refuse de considérer qu’il y a homicide

involontaire du fœtus (enfant à naître), sauf si celui-ci a vécu quelques minutes après

l’accouchement6.

De même, quand l’enfant vient au monde sans vie (enfant dit mort-né) – soit qu’il est

mort dans le sein de sa mère, soit qu’il décède au cours de l’accouchement, avant le

sectionnement du cordon ombilical –, il ne peut pas être doté de la personnalité

juridique.

Mais, le droit n’est pas resté insensible à la douleur des parents de l’enfant né sans vie.

En effet, l’article 79-1, al. 2, du Code civil prévoit que dans ce cas, « l’officier de l’état civil

établit un acte d’enfant sans vie »7.

La question s’est posée de savoir si l’enfant devait être viable pour qu’un acte

d’enfant sans vie puisse être dressé.

La viabilité c’est la réunion de tous les organes nécessaires à la vie, c’es-à-dire que pour

être viable, il faut que l’enfant ait les organes qui permettent de vivre, et que ces organes

soient suffisamment constitués pour lui permettre de vivre.

Selon l’Organisation mondiale de la science, un enfant serait viable s’il naît au terme de

22 semaines d’aménorrhée ou avec un poids minimum de 500 grammes.

L’OMS pose ainsi deux critères alternatifs à la viabilité.

6 Ass. Plén., 29 juin 2001, D. 2001, p. 2917, note Y. Mayaud : homicide involontaire non retenu, l’enfant n’ayant pas respiré ; crim, 2 décembre 2003, D. 2004, p. 449, note J. Pradel : homicide involontaire retenu, l’enfant ayant respiré pendant une heure avant de décéder

7 Cet acte est inscrit sur les registres de décès qui sont tenus par l’état civil, et énonce les jour, heure et

lieu de l’accouchement.

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Les juges du fond avaient estimé que pour délivrer un acte d’enfant sans vie, il fallait

que l’enfant remplisse l’un de ces deux critères.

Par une série de 3 arrêts du même jour (6 février 2008), la Cour de cassation a censuré

leur décision car la viabilité n’est pas une condition de la délivrance d’un acte d’enfant

sans vie8.

Quoi qu’il en soit, ces actes d’enfant sans vie sont symboliques puisque l’enfant mort-né

demeure privé de la personnalité juridique.

Alors, quelles sont les conditions pour que l’enfant né soit sujet de droit ?

2/ Un enfant est titulaire de droits subjectifs dès sa naissance s’il est

né vivant et viable

Pour qu’un enfant né devienne titulaire de droits subjectifs, deux conditions sont requises

par le droit : il doit naître vivant et viable.

Dire qu’un enfant est né vivant signifie qu’il respire par lui-même à la naissance.

Dire qu’un enfant est viable, nous l’avons vu, signifie qu’il doit être doté des organes

nécessaires à la vie et que ces organes soient suffisamment développés pour que

l’enfant puisse effectivement vivre.

Les critères de la viabilité posés par l’OMS (22 semaines d’aménorrhée ou fœtus de 500

grammes) sont purement indicatifs.

Ils ne s’imposent pas à l’officier d’état civil et au juge.

Malgré tout, il arrive que l’enfant naisse vivant et viable, mais qu’il décède avant que sa

naissance ait pu être déclarée à l’état civil.

En ce cas, avant 1993, l’enfant était considéré comme n’ayant jamais eu d’existence

juridique.

8 Ultérieurement, le pouvoir réglementaire est intervenu afin de faciliter l’obtention, par les parents, d’un

livret de famille, et son inscription sur le registre d’état civil, quels que soient son poids et la durée de la grossesse.

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Face à la douleur des parents, le législateur a adopté une loi le 8 janvier 1993, en

vertu de laquelle l’officier d’état civil doit, dans ce cas, établir :

- un acte de naissance

- et un acte de décès dès lors que le médecin a pu constater, dans un certificat

médical, que l’enfant était né vivant et viable (art. 79-1, al. 1, du Code

civil)9.

Ainsi, la personnalité juridique de l’enfant qui est né vivant et viable, mais qui est mort

avant d’avoir été déclaré à l’état civil, est officiellement constatée.

9 Ces deux actes – de naissance et de décès – doivent indiquer les jours et heures de ces deux événements.