04.15 Rapport de Christine ALBANEL -Pour un livre numérique créateur de valeurs-

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  • 8/7/2019 04.15 Rapport de Christine ALBANEL -Pour un livre numrique crateur de valeurs-

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    Pour un livre numriquecrateur de valeurs

    Contribution remise au Premier ministre par Christine ALBANEL

    Les fonctions de rapporteurs de la mission ont t assures parAurlien Rousseau, auditeur au Conseil dEtat et Laurent Ladouari, ingnieur en

    chef des mines.

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    Au cours des deux dernires annes, et particulirement des tout derniersmois, diffrents rapports se sont succd sur le livre numrique : rapportPatino qui anticipait lmergence de ce nouveau bien culturel et lesconsquences de cette volution attendue ; rapport Gaymard, centr sur laproblmatique du prix unique et de son actualit ; rapport Zelnik, Toubon,Cerutti qui embrassait plus largement la question des droits des auteurs,toutes disciplines confondues ; rapport Tessier, qui traitait de faon trscomplte de la numrisation publique et de la politique des bibliothques,notamment dans leur relation avec un grand moteur de rechercheamricain ; sans oublier les rapports parlementaires, comme rcemment,celui du snateur Gaillard qui tous sont venus clairer le sujet.

    Notre contribution, Pour un livre numrique crateur de valeurs sinscritdans cette longue chane de la rflexion, qui est en elle-mme signifiante. Ilnest pas anodin, en effet, que les pouvoirs publics et les assemblesparlementaires souhaitent en savoir plus sur le livre numrique. Celatmoigne, videmment, de la place de lcrit dans notre pays. Tout ce quiconcerne le livre intresse, non seulement parce que lexpression par lelivre est toujours la plus valorise, quelle est un passage oblig pour tousles dcideurs, mais plus profondment, parce que le livre est li aux valeursmmes qui fondent la France, tant il est vrai que ce sont les Lumires, lesEncyclopdistes, tant dauteurs qui ont nourri de leurs crits laventurephilosophique et politique qui a donn naissance notre Rpublique. Laconsquence est que tout ce qui touche lconomie du livre devientimmdiatement un sujet politique.

    Notre dmarche est simplement, partir de la situation daujourdhui, - quinest pas tout fait la mme que celle de dcembre-, de dveloppercertaines prconisations pour favoriser le march du livre numrique tout enprservant notre modle franais. C'est--dire les valeurs qui le fondent, aupremier rang desquelles la dfense des droits des crateurs, et le maillageculturel du territoire, auquel contribuent diversit de ldition franaise et lamultiplicit des librairies.

    Ces prconisations, nous avons essay den explorer la faisabilit de lafaon la plus concrte possible, avec le souci des diffrents acteurs de lachane du livre, mais aussi en nous plaant du point de vue du lecteur, delusager, qui est le seul vrai dcideur de lavenir du livre numrique.

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    Le livre numrique : un paysage en train de se construire

    Le livre numrique est au cur dun paradoxe : le march, du moins enFrance, nexiste pas encore vraiment, et pourtant chacun sait que sescontours se dessinent de faon acclre, et sans doute irrversible. Do lesentiment durgence qui tenaille les acteurs de la chane du livre.

    Sentiment durgence, li la conviction que lattente et la demande deslecteurs vont augmenter, alors mme que le modle conomique quipermettrait ce march dtre crateur de valeur nest pas clairement dfini.

    Urgence qui se justifie aussi par lanalogie quon ne peut sempcher defaire avec le domaine de la musique : un monde nouveau, celui de ldition

    numrique, va-t-il renverser un monde ancien, fond notamment sur lerespect des droits des crateurs et des diffuseurs ?

    Ce sentiment durgence se nourrit enfin des grandes vagues que lesprincipaux oprateurs internationaux provoquent sur locan de lcrit, quiont focalis, depuis des mois, lattention mdiatique et une partie du dbatpublic.

    Google a t en effet le premier engager le mouvement par ses tentativesde numrisation massive de livres, qui ont t vcues par de nombreux

    titulaires de droits, partout dans le monde, comme une remise en questionbrutale du droit dauteur. La mise en ligne douvrages protgs etlventualit de leur exploitation marchande selon des protocoles proposspar loprateur seul, sans laval des titulaires de droit, a provoqu, justetitre, une vive motion et de nombreux contentieux.

    Amazon, clbre libraire en ligne dont le modle de distribution stend une infinie varit de marchandises, a dvelopp de son ct une offreintgre de distribution de livres numriques qui a rencontr un certainsuccs outre-Atlantique, avec environ 400.000 livres numriques, proposs

    pour lessentiel en langue anglaise. Linquitude est ne de ce quAmazonrevendique la fixation des prix, et a, par exemple, drfrenc au Royaume-Uni un grand diteur qui nacceptait pas ses conditions.

    La troisime vague est celle provoque par Apple, qui souhaite tendre sastratgie de vente de contenus et de services dveloppe sur les i-pods et lesi-phones. Le lancement de li-pad, trs mdiatis et qui est un succs,marque la volont dApple dtre de plus en plus prsent sur la distributiondouvrages numriques. La lecture de livres ne sera sans doute pas, terme,le premier usage de li-pad, que lon imagine, en raison de ses dimensions,

    plus adapt, par exemple, la lecture de la presse ou de documentsprofessionnels. Il nempche que cest sa capacit proposer des livres qui

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    a suscit en France le plus dapptence mais aussi un grand nombre dequestions, certains commentateurs prdisant la rplication au domaine dulivre du phnomne engendr par li-pod sur la musique : prolifration decopies pirates ; migration de la valeur du contenu vers le lecteur numrique.

    Ces grands oprateurs proposent tous des modles verticaux , parce qu'partir de fichiers obtenus de faon plus ou moins consensuelle, ils relient ladistribution de contenus un rcepteur, "reader" ou logiciel, quiconditionne l'exprience d'achat et de lecture, au possible dtriment desdroits des auteurs, de la libert daction des diteurs, de lactivit mme desdistributeurs et des libraires. Ils sont donc, par nature, susceptibles dedstabiliser la chane du livre, soit en sarrogeant des prrogatives delditeur, soit en provoquant une certaine dsintermdiation, par exemple travers la pratique de la vente directe par l'diteur au risque de fairedisparatre le libraire, sans oublier "l'auto-dition" qui peut tenter certainsauteurs clbres, dans l'espoir de conserver leur seul bnfice les droitsd'exploitation numriques de leurs ouvrages ou des auteurs inconnus quitrouvent l loccasion de proposer leurs uvres, mme si elle nont pasconvaincu un diteur.

    Rappelons, au passage, que la chane du livre qui permet la publicationd'environ 60 000 livres chaque anne en France, fait intervenir plusieursacteurs : lauteur, lditeur, limprimeur, le distributeur charg de ladistribution logistique du livre, et en bout de chane, avant le lecteur, lelibraire, qui fait dcouvrir les uvres nouvelles, maintient un fonds vari etconseille les passionns.

    La chane du livre numrique est, lheure actuelle, calque sur la chanepapier :

    - les diteurs qui souhaitent proposer une offre numrique transfrent leurcatalogue en format numrique ;- les distributeurs sont chargs de la distribution des fichiers aux clients. Ilsles conservent et grent les accs ;- les agrgateurs rassemblent des livres de diffrentes sources, dediffrents diteurs ;- les libraires mettent disposition les livres numriques sur un site Internet,ou encore via des bornes d'accs installes dans leurs locaux ;

    Faut-il, pour prserver tous les maillons de cette chane, cder la tentationdu bunker ? Certainement pas. Les grands oprateurs sont l, au cur de lapratique quotidienne de millions dusagers et rpondent des attenteslgitimes. Il sagit, en tablissant des rgles claires, des stratgiescommunes, de trouver avec eux le bon modus vivendi et operandi, afin que

    des partenariats fructueux puissent se dvelopper, tant avec les grandesinstitutions publiques quavec les acteurs du priv.

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    Cest ainsi que nous rpondrons aux attentes des lecteurs qui sont et seronttoujours davantage des lecteurs multi-supports, et que nous favoriseronslessor du livre numrique au sein de notre paysage culturel.

    De multiples enjeux pour le modle culturel franais

    La mobilisation de tous, acteurs de la profession du livre au premier chef,mais aussi puissance publique, pour permettre cet essor est un enjeu majeur,tout la fois dmocratique, culturel, et bien sr conomique.

    Dmocratique, cest lvidence, car l'Internet est sans doute, pour se rfrerau rve malrucien, la meilleure faon de donner chacun les "cls dutrsor", trsor-livre, en l'occurrence. Pouvoir consulter tous les ouvragesfranais, y compris - terme- les plus inaccessibles, comme tel livred'heures du XIIIme sicle ou tel ouvrage puis de la deuxime moiti duXXme. Le faire de chez soi, hors de toute contrainte gographique. Pourltudiant ou le chercheur, avoir accs tous les manuels et appareilscritiques... Commander des livres, si on le souhaite, auprs d'un portail delibraires. Parce que tout le monde n'entre pas spontanment dans unelibrairie, de mme que tout le monde ne frquente pas les thtres,

    numriser les livres permet d'abord de partager leurs contenus, partout etavec tous.

    Projet culturel. Numriser les livres, c'est donner notre patrimoine crit, notre langue, les moyens de leur rayonnement dans un monde sansfrontires. C'est assurer nos relais l'tranger - instituts, alliancesfranaises, centres culturels - des outils de plus en plus indispensables l'accomplissement de leurs missions. C'est rendre le livre plus familier, plusattractif pour tous ceux qui vivent naturellement et quasi constamment dans

    l'univers du web, en particulier les nouvelles gnrations, et ce, quel quesoit le support : ordinateur, tablette, liseuse, et bien sr tlphone mobile,qui est devenu le moyen le plus populaire d'accder l'information en modenomade. C'est enfin faire vivre un modle de diffusion des biens culturels,fond sur la proprit intellectuelle, sur la dfense des droits des crateurs,modle qui est au cur de notre identit. Rendre visible loffre franaise delivres numriques, quelle soit le fait des diteurs ou des grandesbibliothques, cest affirmer nos valeurs.

    Projet conomique, bien sr. Le livre est la premire de nos industriesculturelles. Nous ne devons pas manquer le rendez-vous que nous donne sa

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    numrisation, condition sine qua non pour que ce secteur soit toujours lepremier crateur de valeur. Certes, le march est encore balbutiant, puisquele tlchargement d'ouvrages en ligne ne pse pas plus de 0,1% dans lechiffre d'affaire total des ventes de livres en France, chiffres d'affaire qui semontait environ 5 milliards d'euros en 2008. Mais dans les pays o le livrenumrique s'installe, comme aux Etats-Unis, au Japon, en Core, lacroissance est forte. Et puis les possibles sont l, et nous les devinonsinnombrables bien au-del de la simple reproduction du livre imprim.

    Possibilit, par exemple, pour le lecteur d'accder tout un univers autourdu livre qu'il acquiert, grce aux liens interactifs dont la version numriquepourra tre enrichie, et qui proposeront approfondissements, documentsannexes, illustrations. Possibilit dannoter les ouvrages numriques,recrant ainsi les marginalia1 du Moyen-ge, et donnant naissance descommunauts de lecteurs autour d'un auteur.

    Possibilit de s'abonner des livraisons priodiques, qu'il s'agisse de bandesdessines, de mangas ou encore de feuilletons revisits par le XXIme sicle.Possibilit pour les lves de travailler sur une tablette unique, qui pourrait stocker les contenus de leurs diffrents manuels, rsolvant ainsi, unefois pour toutes, le fameux problme du poids du cartable. Opportunit,pour le scientifique, de disposer de bases de recherche enrichies, degammes de services associes aux ouvrages didactiques... et aussi de sefaire connatre, grce des publications qui n'auraient pas trouv leur placedans l'dition classique, mais qui peuvent enrichir l'dition numrique,intresse conclure des marchs globaux avec nos universits et nosgrandes institutions de recherche. Oui, le livre numrique commence peine prendre son envol, et ses dveloppements sont loin, trs loin, d'treexplors.

    Son essor se fera-t-il au dtriment du livre papier ?

    Si une conviction sest affirme au fur et mesure des entretiens, c'est quepour de trs nombreux lecteurs, les ouvrages, tels que nous les connaissons,conserveront leur attrait, notamment pour tous les livres qui participent dela littrature gnrale. En revanche, certains domaines vont basculer, pourtout ou pour partie, de ldition papier vers ldition numrique. Ce sont lessegments qui ont commenc tre cannibaliss par une offre importante etparfois gratuite sur Internet, comme les dictionnaires ou les encyclopdies.Ce sont aussi tous les ouvrages professionnels, codes juridiques,documentation informatique, etc. Cest peut-tre, demain, la plus grandepartie de ldition universitaire.

    1 Notes ajoutes par les clercs directement sur les manuscrits mdivaux, venant enrichir leurscontenus.

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    Le plus probable sera la monte en puissance dune double pratique :on lira chez soi sous format papier ses auteurs favoris, et on partira enweek-end avec sa liseuse et les multiples titres quelle contiendra. Onrvera en feuilletant un guide richement illustr, puis on voyagera avecplusieurs guides numriques qui ne viendront pas alourdir ses valises. Cestla multiplicit des usages qui deviendra la rgle, y compris pour les plusdubitatifs ce nouveau support. Ainsi, les diteurs, dont pour la plupart, il ya quelques annes, ne pariaient gure sur le numrique, avouent aujourdhuique cest sur une liseuse quils dcouvrent les manuscrits, tout enrestant, videmment, des passionns du livre papier.

    Doit-on craindre le piratage, qui a fait tant de mal la musique et aucinma ?

    Ltude de lObservatoire du livre et de lcrit en Ile-de-France2, quicompte parmi les rares enqutes conduites sur le sujet, montre quelessentiel du piratage, effectu en partie par des quipes organises, passeencore aujourdhui par un travail fastidieux qui consiste scanner la versionpapier dun livre, ce qui exige plusieurs heures pour un rsultat de bonnequalit. On est loin de limmdiatet de la copie numrique dune musiqueou dun film.

    Le nombre de livres offerts illgalement au tlchargement a t estim lt 2009, un maximum de 6 000 titres diffrents dont 3 000 4 500bandes dessines.

    Ce montant reprsente moins de 1 % des titres disponibles en format papier,ce qui est encore trs faible. On note une forte prsence -attendue- des best-sellerscommeBernard Werber, Amlie Nothomb, Frdric Beigbeder, J.K.Rowling, Daniel Pennac ou Marc Lvy. Mais aussi la prsence plusoriginale de certaines catgories dauteurs. D'abord, les philosophes, quireprsentent le quart des titres tlchargs, sachant que, c'est Gilles Deleuzequi apparat en tte du classement pour le nombre de titres disponibles.

    Viennent ensuite les auteurs de science-fiction, qui reprsentent un autrequart du classement. Enfin, les auteurs sotriques, comme Eckhart Tolleou Ken Wilber, signe que le genre Religion et Esotrisme, estsurreprsente dans les rseaux illgaux par rapport sa commercialisationlgale en version papier.

    Il apparat enfin que si 3 livres pirats sur 4 sont disponibles en ventepapier, 95% des livres pirats ne font pas l'objet d'une offre numriquelgale, ce qui montre que si le souhait d'accder des ouvrages puiss ounon disponibles existe, la motivation du piratage repose galement sur le

    2 Etude sur loffre numrique illgale des livres franais sur Internet en 2009, conduite parlObservatoire du livre et de lcrit en Ile-de-France, le Motif, octobre 2009.

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    prix mais aussi sur le dsir de disposer de contenus en format numrique.C'est d'ailleurs pourquoi le meilleur rempart contre ce flau est ledveloppement dun modle offrant la plus grande richesse de contenusdans des conditions dutilisation les plus simples possibles, ce quicorrespond aux attentes d'un lecteur, qui est aussi un usager quotidien delinternet, avec les rflexes lis sa pratique du rseau.

    On voit donc qu'en l'tat actuel du march, le piratage, qui doit appelercertaines initiatives, nous y reviendrons, suscite moins d'inquitude que lafaon mme dont ce march va pouvoir se mettre en place, de maniredurable, respectueuse des droits de chacun. Cest donc notre responsabilitcollective de crer les conditions de lessor du livre numrique tout en tantfidle aux principes de la proprit intellectuelle et de la diversit culturelle.Ces principes justifient assez le rle quest appele jouer la puissancepublique.

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    PUISSANCE PUBLIQUE ET MARCH DU LIVRENUMERIQUE :

    Mme si le livre numrique est dabord un march, qui dpend donc de ceque fera, ou ne fera pas, la profession, les enjeux lis son dveloppementdonnent celui-ci une dimension politique. Les acteurs privs eux-mmesattendent dailleurs de lEtat quil ne reste pas simple spectateur desrvolutions en cours.

    Limplication de lEtat dans ce domaine nest pas rcente. Depuis denombreuses annes dj elle est au cur des politiques culturelles

    franaises. La numrisation du patrimoine crit a dbut en France en 1992,soit bien avant que Google ne naisse ou mme que lInternet ne simpose aumonde. Les avances sont aujourdhui bien tangibles et notre pays peutsenorgueillir dune base de donnes duvres numrises sans quivalenten Europe : aujourdhui, prs de la moiti des uvres proposes sur leportail europen Europeana proviennent de sources franaises. En fvrier2010, la Bibliothque nationale de France a numris son millionimedocument avec Scnes de la vie de Bohme dHenry Murger et poursuit soneffort raison de 1 500 documents numriss par jour, consultables surGallica.

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    Les dcisions prises rcemment dans le cadre du Grand emprunt, enparticulier les 750 millions deuros qui doivent tre consacrs lanumrisation du patrimoine, dont 140 millions destins la politiquenumrique des bibliothques, prouvent que lEtat, au plus haut niveau, apris une conscience des enjeux et entend se donner les moyens dy faireface.

    A laune de ces attentes, quels sont les axes prioritaires de laction que peutconduire la puissance publique ?

    Dfinir le cadre lgal et fiscal le plus appropri au dveloppement dulivre numrique.

    Veiller ne laisser personne, et nous pensons en particulier aux petitsditeurs, aux libraires, au bord du chemin de la numrisation.

    Crer une porte dentre commune, le nouveau Gallica , outilpartag des acteurs publics et privs, qui soit la vitrine de loffrenumrique franaise.

    Porter une exigence en matire de politique europenne commune dulivre.

    Enfin, encourager loffre numrique prive sunifier et se donnerles moyens de son dveloppement.

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    A - UN CADRE LEGAL ET FISCAL APPROPRIE.

    Deux questions doivent tre traites de faon urgente, tant que le march setrouve encore un stade embryonnaire. C'est la fixation du prix desouvrages numriques, et celle du niveau de TVA appliqu ces produits.

    Les rponses qui seront apportes dtermineront la fois la possibilit pour

    ce march de se dvelopper et dtre attractif pour les clients potentiels et la

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    capacit des diteurs et des auteurs3 matriser le prix de louvrage,affirmant ainsi leur place centrale.

    Ces deux sujets sont complexes. Interroge par le ministre de la culture etde la communication, lAutorit de la Concurrence4 a bien soulign ladifficult qui se pose en considrant qu Incontestablement, le commerceen ligne de livres numriques ouvre de nouvelles opportunits dans lafourniture de biens culturels crits, la fois sur un plan technique etcommercial. Pour permettre aux acteurs dinnover et de tester le march, ilest donc primordial de ne pas figer arbitrairement le modle ni de freiner lesinitiatives. La mise en place prmature dun cadre trop rigide risquerait deralentir le dveloppement du march du livre numrique franais encomparaison avec dautres pays. Ce risque est dautant plus important quela nature dmatrialise du livre numrique favorise les possibilitsdchanges transfrontaliers et ne permet pas de raisonner dans un cadrestrictement national.

    Certes, la logique de cet avis consistant attendre que le march sestructure avant dimposer une norme se conoit fort bien. Il nen reste pasmoins, et lAutorit le reconnat elle-mme, que comme on la dj observsur de nombreux marchs numriques, les effets lis aux pratiques decertains acteurs, notamment les gros oprateurs, peuvent avoir rapidementun caractre irrversible que ce soit en matire de prix ou de modalits demise disposition des contenus. D'o l'urgence agir.

    1. Pour un prix unique du livre numrique

    En la matire, il faut sans doute retenir dans un premier temps des rponsesde court terme et rserver une seconde tape des solutions globales qui nepourront tre apportes quune fois que le march aura atteint une certainematurit.

    Les diffrents acteurs ne sont pas encore parvenus saccorder sur unedfinition du livre numrique suffisamment large pour englober lesouvrages numriques dans leurs dveloppements futurs, tout en formalisant

    3 Les contrats ddition en vigueur peuvent traiter sous diffrents aspects du numrique. Certainsprvoient expressment la cession de droits pour le numrique depuis environ 10 15 ans. Pour lescontrats plus anciens, une clause davenir pouvait prvoir la cession des droits sur tout supportfutur, ce qui peut faciliter la ngociation entre lauteur et lditeur concernant lexploitationnumrique de louvrage. Certains contrats navaient pas du tout de clause davenir et un avenant

    contractuel doit, dans ce cas, organiser la cession des droits numriques.4 Avis du 18 dcembre 2009 relatif une demande davis du ministre de la culture et de lacommunication portant sur le livre numrique.

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    une frontire avec des uvres proches telles que la vido, la musique, lesblogs, les bases de donnes, les contenus volutifs et participatifs.

    Aujourd'hui, le livre numris, le seul, pour linstant, qui existe rellementsur le march, c'est le livre homothtique. C'est--dire le fac-simil d'unlivre physique, auquel quelques fonctionnalits simples auront t ajoutes,recherches en plein texte notamment.

    La constitution du march du livre numrique passera donc dabord parcelle du march du livre homothtique. Cest la viabilit de celui-ci quipoussera les diteurs, et plus gnralement les crateurs de contenusnumriques, engager des investissements, ncessairement lourds, pourcrer de nouveaux produits, potentiellement crateurs de forte valeur, qui neseraient pas simplement la version numrise dun livre papier maisoffriraient dautres possibilits (renvoi vers des sites internet, appareilcritique la demande, illustrations complmentaires)

    Pour aider le secteur franais du livre franchir cette premire tape, il fautdonc faire en sorte que les diteurs soient assurs de pouvoir fixer le prixqu'ils souhaitent pour le livre numrique.

    Le meilleur moyen pour cela, le plus symbolique au regard de notremodle, parat tre l'extension de la loi Lang du 10 aot 1981, qui ainstaur le systme du prix unique du livre papier . Lconomie gnralede la loi repose sur le fait que le prix de chaque livre s'impose de manireidentique tous les dtaillants, quels qu'ils soient. L'un des objectifs dutexte tait, en effet, dempcher les grandes surfaces de capter les ventes delivres fort tirage en consentant des rabais importants, au dtriment deslibrairies traditionnelles. Il faut cependant rappeler que la loi Lang ne fixepas proprement parler le niveau de prix des livres. Il revient l'diteur, ou l'importateur, en vertu de l'article 1er de la loi, de dterminer librement leprix de vente au public de chaque titre qu'il dite ou importe.

    A court terme, il semble ncessaire, sans fragiliser la loi sur le prix uniquede 1981, dadopter un texte lgislatif reprenant, pour le livre homothtique,les principes de la loi sur le prix unique. Ce texte, loin dtouffer ou desclroser le march, permettrait son incubation dans de bonnes conditions.

    La possibilit de doubler cette disposition dune rgle interdisant auxditeurs de consentir, par exemple, un rabais suprieur 50% du prix dulivre papier pour un livre numrique pourrait tre galement examine.Cette mesure serait de nature conforter les libraires qui ne verraient pasleur offre, et notamment celle de livres de poche, concurrence par desformats numriques trs bas cot.

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    Le contrat de mandat, grce auquel ldition tablit, actuellement, leprix du livre numrique nest pas contradictoire avec cette dispositionlgislative. Il apparat au contraire comme complmentaire en ce quilpourra permettre lditeur de continuer fixer le prix des uvresnumriques, mme si elles ne sont pas des livres homothtiques, ce qui estdans le mouvement de lhistoire.

    En tout tat de cause, le recours ce type daccords commerciaux doit trescuris, car ils posent encore ce jour un certain nombre de questions, quelAutorit de la Concurrence a justement soulign. Ainsi la qualification

    juridique de contrat de mandat suppose que le mandataire ne dispose quedune trs faible autonomie en matire de vente des produits qui lui sontconfis (en loccurrence, le dtaillant ne possderait pas les fichiersnumriques). Dans une dfinition stricte et formelle, cela pourrait rduire lelibraire ntre quun simple prestataire charg dappliquer la stratgiecommerciale de lditeur, sans relle marge de manuvre en matire deslection ou de prsentation prfrentielle des ouvrages, ce qui nest pasconforme lesprit mme de son mtier. Il peut permettre aussi lditeurde consentir un contrat spcifique tel ou tel dtaillant, vinant les autresdu march, par le biais de conditions plus avantageuses. Do la ncessitde mieux scuriser ces dispositifs afin de ne pas courir le risque decontentieux sur leur qualification juridique. Compte tenu des volutionscertaines du produit livre numrique , il serait utile quun travail soitengag le plus rapidement possible, au sein dun groupe technique duConseil du livre, qui regroupe auteurs, diteurs, libraires et puissancepublique dans un vritable parlement du livre, afin que les diffrentsacteurs du secteur avancent sur une dfinition commune et juridiquementstabilise du contrat de mandat dans ldition numrique.

    2. Pour un taux rduit de TVA sur le livre numrique :

    Cette question est sans doute aujourdhui lenjeu principal auquel va devoirrpondre la puissance publique.

    Les acteurs conomiques, que ce soient les diteurs ou les distributeurs,demandent avec force que le taux de TVA qui s'applique au livre papiers'applique galement sa version numrique, ds lors que l'uvre, quel quesoit le support utilis, reste pour l'essentiel identique.

    Il parait trs important de rpondre positivement cette demande, qui nerisque gure de mettre mal les finances publiques. En effet, si

    l'abaissement du taux de TVA dans un secteur parvenu maturit estcoteux, comme on l'a vu avec la baisse de la TVA dans la restauration, il

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    n'en est pas de mme quand un march n'a pas encore d'existence, et quetout l'enjeu consiste prcisment le crer. C'est particulirement vrai pourle march du livre numrique, qui exige des investissements importants dela part de lensemble des acteurs de la chane du livre, et qui ne pourra sedvelopper que si les prix proposs sont nettement plus bas que ceux deslivres papier, conformment aux attentes des clients potentiels.

    De ce point de vue, le diffrentiel de 14 points de TVA est un handicapmajeur pour vendre les ouvrages numriques un prix attractif.Comme le soulignait le snateur Gaillard dans son rapport Si les diteurscontinuent de commercialiser les livres numriques un prix lev, lemarch ne se dveloppera pas. Sils diminuent considrablement leurs prix,la TVA sappliquera une assiette unitaire plus faible. Le cot (de la pertefiscale) devrait donc tre nettement infrieur celui du taux rduit dontbnficie actuellement le livre papier (de lordre de 500 millions deurospar an) ().

    LEspagne a dores et dj fait le choix dappliquer au livre numrique sursupport physique le mme taux que le livre papier, dcision parfaitementcompatible avec les rgles communautaires, notamment la directive2009/47/EC.

    Le gouvernement franais pourrait prendre la mme position que celle delEspagne, en donnant toute sa porte cette mesure, c'est--dire sans enconditionner le bnfice au transit du fichier numrique par un supportphysique, du type cl USB. On ne voit pas, en effet, au nom de quellelogique un taux de 19,6% devrait sappliquer un ouvrage numriquetlcharg sur son ordinateur ou sa tablette, alors quil ne serait que de 5,5%si le mme ouvrage transitait par une cl USB.

    Cette dcision devra bien sr saccompagner de dmarches rsolues vis--vis de nos partenaires europens pour les convaincre de nous rejoindre, cequi semble ralisable, compte tenu de la faiblesse du manque gagner fiscalet de l'importance qui s'attache la cration d'un march de l'ditionnumrique. Les pays dans lesquels le secteur de ldition est puissantauraient tout intrt appuyer cette dmarche. Cest le cas notamment delAllemagne, o cette proposition est actuellement discute.

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    Diffrences de TVA entre livre papier et livres numriques en Europe:

    Pays Livrelectronique

    livre papier diffrentiel

    Autriche 20.0% 10.0% 10.0%Belgique 21.0% 6.0% 15.0%

    RpubliqueTchque

    19.0% 5.0% 14.0%

    Allemagne 19.0% 7.0% 12.0%

    Espagne 16.0% 4.0% 12.0%

    France 19.6% 5.5% 14.1%Irlande 21.0% 0.0% 21.0%

    Italie 20.0% 4.0% 16.0%

    Pays-Bas 19.0% 6.0% 13.0%

    Pologne 22.0% 0.0% 22.0%

    Sude 25.0% 6.0% 19.0%

    Royaume-Uni 17.5% 0.0% 17.5%

    B - UNE NUMERISATION POUR TOUS :

    Tous les intervenants du march doivent pouvoir trouver leur place danslconomie numrique. Il ne faut pas se rsigner voir ce secteur seconcentrer autour de quelques acteurs, alors mme que la richesse de lachane du livre en France est justement fonde sur la diversit.

    Dores et dj les libraires ont mesur lampleur du dfi. La crationprochaine dun portail commun de la librairie indpendante, si elle vise

    pour linstant assurer la vente de livres papier, leur permettra, grce auxmthodes de travail en commun nes de cette exprience, de trouver plus

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    facilement leur place dans le march du livre numrique. La puissancepublique, ainsi que le ministre de la culture la annonc rcemment, vaaider les libraires financer cette premire plate-forme. Elle devra aussi lessoutenir, via des aides directes ou des prts taux zro, quand ils feront lechoix de sengager dans la vente d'ouvrages sous format numrique, quipourra saccompagner dun service dimpression la demande.

    Les petits et moyens diteurs doivent aussi tre accompagns dans ledveloppement de leur propre catalogue numrique, fond sur unenumrisation de qualit, llargissement de loffre tant le meilleur rempartcontre lexploitation illgale.

    Aujourd'hui, les dispositifs daide la numrisation existants ne sont pasutiliss suffisamment par tous les acteurs : ce sont, en effet, les maisons lesplus importantes qui bnficient principalement de ce fonds.

    Par ailleurs, jusqu prsent, les diteurs ne peroivent quune part limite,environ 1, 5 million deuros, de lenveloppe consacre par le Centrenational du livre (CNL) laide la numrisation. Ainsi, selon le projetannuel de performance du ministre de la culture pour 2010, depuis 2007, leCNL a renforc son soutien en priorit () au financement de la

    politique numrique notamment la bibliothque numrique Gallica 2,

    mise en oeuvre par la Bibliothque nationale de France, et au secteur priv

    des diteurs et distributeurs (en 2008, 7,3 millions deuros, dont 1,47

    million deuros aux oprateurs privs) . Les chiffres cits par le rapportde Patrick Zelnik, Jacques Toubon et Guillaume Cerutti retiennent desmontants lgrement diffrents mais globalement du mme ordre. Cerapport avait soulign juste titre limportance du redploiement des aidesvers les acteurs privs et notamment les plus modestes dentre eux.

    Or, le CNL est actuellement l'un des financeurs importants de la BnF dansson effort de numrisation. Dans la perspective des ressources nouvellesdont devrait disposer la bibliothque par le biais du grand emprunt, lesaides du CNL devraient dsormais tre diriges prioritairement vers laprofession.

    Laugmentation du taux de la taxe sur les appareils de reproduction oud'impression, issu de la loi de finances rectificative du 30 dcembre 2009,doit permettre daugmenter les ressources du CNL et de les porter 10millions deuros annuels. Il est donc possible de multiplier par cinq ou sixles sommes disponibles pour aider les diteurs, dans leur grande diversit,et les libraires sengager dans la dmarche de numrisation. Le taux d'aide la numrisation consentie par le CNL aux diteurs devrait tre modul enfonction des capacits financires des maisons. Un montant maximal de

    chiffre daffaire pourrait tre retenu comme critre ouvrant droit cesdispositifs exceptionnels de soutien. Certains diteurs, au-del de la

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    numrisation des ouvrages, devraient aussi pouvoir tre aids pour engagerd'autres investissements ncessaires lentre dans le march numrique, etnotamment la commercialisation des fichiers. Le dveloppement desformations professionnelles disposition des petits diteurs pour matriserles enjeux de la numrisation pourrait tre soutenu. Lide de rvaluer leplafond daide par page parat galement ncessaire.

    C - UN GRAND PORTAIL DENTREE DANS LE LIVREFRANAIS, VITRINE DE LOFFRE NUMERIQUE

    Notre pays senorgueillit juste titre de sa plate-forme numrique Gallica,projet conu et port par la BnF, qui permet dores et dj daccder commenous lavons dit plus d1 million de documents numriss dans desconditions de haute exigence. A lheure o saffirme lengagement de lEtatpour une numrisation vraiment ambitieuse, le temps est venu daller plusloin, de btir un projet plus ample, destination du grand public aussi bienque des chercheurs, de btir, en bref, un Gallica de nouvelle gnration, sitoutefois lon conserve ce nom, ce qui semble souhaitable car Gallica estune marque installe et connue.

    Cest essentiel, car tout est li. Si nous parvenons rendre notoire notregrand site public, lui attacher une rputation dexhaustivit etdexcellence, nous crerons du dsir autour du livre numrique, entranantlessor du march priv.

    Quattendent les lecteurs ?

    La simplicit du parcours, la satisfaction rapide de la demande, quilsagisse de consulter un livre hors droit, de se voir dirig vers un livrercent, avec la possibilit den feuilleter quelques pages, ou encore, deretrouver un ouvrage dil y cinquante ans, dont on garde la trace dans sammoire affective, et qui est puis, hors datteinte. Ltudiant, lechercheur, ou simplement le passionn souhaitent en quelques clics, voirapparatre tel essai critique, tel document rare.

    La plupart du temps dailleurs les lecteurs ne connaissent pas le rgime dedroits qui sapplique luvre. Les uns et les autres souhaitent dabord etavant tout y avoir accs. Ils peuvent aussi, au-del de la simple consultation,

    vouloir tlcharger des ouvrages numriques, en enrichissant ainsi leurpropre bibliothque numrique personnelle.

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    A lheure actuelle, nous ne sommes pas en situation de rpondre cesattentes multiples. Notre plus grande institution publique, la BnF, nepropose quune partie de ces services, ce qui parat dailleurs normalcompte tenu des missions qui sont au cur de son mtier : conserverlensemble de notre patrimoine crit, le faire connatre, lenrichir sanscesse, et pas seulement par le biais du dpt lgal. Lheure est donc venuede se donner tous les moyens dy parvenir, en imaginant lorganisation laplus approprie. Dans cet esprit, il parat souhaitable, comme lenvisageaitle rapport Tessier, de crer une nouvelle structure ddie ce grand uvre.

    1. Pour un groupement dintrt conomique (GIE) du livre franais :

    Une structure du type GIE parat tre loutil le plus adquat pour porter unprojet de cette ampleur et rassembler en son sein partenaires publics etprivs dans une vraie coopration entre lEtat, qui serait majoritaire5 viason premier tablissement public culturel, la BnF, et les acteurs du mondedu livre : diteurs, au premier chef, mais aussi, sous des formes dfinir,libraires, socits dauteurs, sans oublier les autres bibliothques.

    Il est en effet ncessaire de regrouper un certain nombre de comptencestrop dissmines aujourdhui au sein des grandes structures publiques,comme la BnF, et entre intervenants publics et privs. La BnF et les acteursfranais du livre ont appris travailler ensemble depuis de nombreusesannes, il sagirait l pour eux de franchir une nouvelle tape.

    Un tel groupement aurait les avantages de la ractivit, de la souplesse, dela concentration des moyens, de lidentification des responsabilits. Ilporterait, via la BnF, les missions traditionnelles de numrisation dupatrimoine hors droit, nouant tous les partenariats utiles cette tche,notamment avec les grands moteurs de recherche, et pourrait exploiterlui-mme nos richesses communes dans des conditions que nous allonsproposer, ce qui sinscrit dans lesprit du grand emprunt : avoirquelques retours l o lEtat consent un immense effort.

    Les principes de son action seraient, bien entendu, la qualit des prestationsfournies et la fiabilit des donnes, le respect des droits des auteurs et desaccords conclus avec tous les acteurs de ldition.

    5 Il ne sagirait donc pas au sens strict dun Partenariat Public Priv , tel quon lentend

    habituellement, notamment pour la ralisation de grands projets de transports ou dquipement, etqui consiste confier un acteur priv, contre redevance, lexploitation dun service ou laralisation dune infrastructure publique.

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    Ce groupement devrait galement prendre toute sa place dans unprojet essentiel : llaboration et lharmonisation des protocoles dedescription des ouvrages. Cet objectif de normalisation desmtadonnes doit tre partag par tous les acteurs, publics et privs,nous y reviendrons, puisquil joue un rle cl dans le rfrencement desuvres, dans leurs modalits de protection ou de distribution et pluslargement, dans la visibilit de la cration franaise dans son ensemble.

    2. Les grandes missions du GIE :

    a/ Viser lexhaustivit de loffre numrique

    La premire exigence, cest videmment de continuer numrisernotre trs vaste patrimoine crit hors droit, ce qui est enjeu majeurpuisque numriser, c'est conserver la trace de documents imprims oumanuscrits, par essence prissables. Les conserver pour toujours, puisqu'onpeut les dupliquer l'infini avant que les supports numriques ne soientmenacs. Cette exigence va reposer, comme cest dj le cas, sur toutes lescomptences scientifiques, les savoir-faire et les outils de la BnF. Lesmoyens du grand emprunt peuvent permettre daller plus vite, plus loin, surune plus grande chelle, en offrant la consultation et au tlchargement,ce qui est le plus dsirable pour lamateur : les documents rares, les picesprcieuses.

    La suggestion du rapport Tessier de procder des changes de fichiersavec Google quand des segments du patrimoine crit hors droit ont dj tnumriss par ses soins est retenir, si ces documents rpondent auxexigences de qualit retenues pour Gallica. En tout tat de cause lerfrencement de ce nouveau Gallica et son ouverture au moissonnage par les grands moteurs de recherche est indispensable, si lon veut que lesouvrages numriss par les soins de Gallica soient bien placs dans lesoccurrences obtenues lors dune recherche sur quelque moteur que ce soit,et notamment sur Google.

    Ladeuxime exigence, cest de permettre laccs au patrimoine en trainde se construire, c'est--dire tous les ouvrages commercialiss depuisquelques annes, et dsormais systmatiquement numriss par les diteurs.Cela suppose des accords avec ces derniers, accords qui existent dj pourcertains livres, afin quen tapant un titre, le lecteur potentiel ait la possibilitde dcouvrir la couverture, la quatrime de couverture et un certainsnombre de pages puis soit dirig vers la plate-forme numrique de lditeur.

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    Cela suppose une vraie ractivit du nouveau Gallica, qui doit tre enconcordance avec lactualit ditoriale. Do limportance quisattacherait ce quun dispositif tout le moins rglementaire maisplus probablement lgislatif, prvoie la mise en place dundpt lgalde la version numrique du livre papier ou du livre numrique, silnexiste que dans ce format. Lavantage en terme de cot de conservationpour lEtat et de garantie pour les diteurs de voir leurs fichiers prservsdans de bonnes conditions est indniable.

    Ce dpt lgal numrique permettrait, ds quun ouvrage sort, sonrfrencement dans Gallica. Au-del, pour que cette proposition ait sonplein effet, un travail en commun devrait tre conduit pour dfinir desformats de fichier compatibles, permettant notamment, sans quil soitbesoin de le retraiter , que le fichier puisse tre consult pour partie, parexemple ses dix premires pages, selon les rgles dictes par les titulairesdes droits. Larticulation entre le dpt lgal numrique et ce Gallica denouvelle gnration offrirait une vitrine exceptionnelle aux ouvragesfranais.Cette mesure pourrait en outre saccompagner dune diminution du nombred'exemplaires exigs dans le cadre du dpt lgal physique : de deuxexemplaires actuellement on pourrait passer un seul.

    La troisime exigence, complexe, est de rendre accessible ce qui ne lestplus, c'est--dire la zone grise constitue par les uvres orphelines quisont en principe sous droit mais dont on ne connat pas les ayants droit, etsurtout les uvres puises, toujours sous droit mais introuvables sur lemarch, lexception de celui de loccasion, et qui en tout cas ne font pluslobjet dune exploitation par lditeur.

    Cest essentiel parce quon ne peut prtendre lexhaustivit de loffre, quiest en elle-mme trs attractive, si on fait limpasse sur une grande partiedes uvres du 20me sicle.

    Le dpt lgal donne dj la puissance publique, on le sait, le droit de lesnumriser. Mais numriser et offrir la lecture ne sont pas la mme chose,et il serait lgitime que cet accs la consultation soit crateur de valeurpour les ayants droit.

    Pour ce qui concerne les ouvrages orphelins, les propositions du conseilsuprieur de la proprit littraire et artistique semblent les plus pertinentes.Conformment ses recommandations, la mission reconnat la ncessitdinclure dans la loi une dfinition de luvre orpheline ; dtablir un

    systme de gestion collective habilit dlivrer des licencesdutilisation, qui pourrait tre le Centre franais de la copie ; de

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    conduire des recherches srieuses, et de verser une rmunrationdestine aux titulaires des droits, lors de lexploitation de luvre.

    Pour ce qui concerne les ouvrages puiss, tout le processus reste construire. En lespce les diteurs franais sont dans des situations trsdiffrentes vis--vis de leurs fonds.

    Certaines maisons les connaissent bien, sont en mesure de les numriser etde les exploiter ou du moins didentifier ceux des ouvrages dont ellessouhaitent assurer elles-mmes lexploitation et ceux quelles pourraientventuellement laisser exploiter un autre intervenant. Dautres, quellessoient grandes ou petites, nont pas la connaissance suffisante de leursfonds pour tre en mesure dans des dlais brefs de dfinir des modalitsdexploitation. Certaines maisons dailleurs ne disposent plus dun seulexemplaire de certains ouvrages, dont seul dispose le dpt lgal.

    Pour rendre ces uvres accessibles la consultation et la lecture, totale oupartielle, il pourrait tre propos aux diteurs qui le souhaiteraient deconsentir au GIE une autorisation dexploitation rmunration forfaitaire.La question du montant de la rmunration devra tre discute. En effet,linvestissement consenti par lEtat pour numriser mais aussi la nouvellevie qui peut ainsi tre donne des ouvrages quasi disparus ont une valeurqui doit tre reconnue.

    La numrisation de la zone grise, qui reprsente des centaines de milliersdouvrages, devra tre conduite en faisant des choix, en tablissant despriorits. Ceux-ci sont bien sr de la responsabilit, comme lensemble dela numrisation hors droit, de la communaut scientifique de la BnF. Mais ilserait intressant dinventer des modalits dassociation de la profession,bien sr, dans ses diffrentes composantes, mais aussi du public, par le biaisdun vritable processus collaboratif avec des communauts de lecteurs.Par exemple, les visiteurs du nouveau Gallica pourraient prendreconnaissance des listes douvrages en cours de numrisation, comme onmnagerait une fentre sur un atelier afin que ces ouvrages soient attenduset que de nouvelles suggestions puissent tre faites. Ce serait une faondynamique de rpondre aux attentes et dassurer lensemble de ce projetune forte visibilit.

    Ainsi, le lecteur allant sur le nouveau Gallica pourrait, soit consulter ettlcharger gratuitement un ouvrage hors droit, soit se voir orient,pour un ouvrage commercialis, vers une plate-forme prive, aprsavoir eu la possibilit den feuilleter une partie, soit avoir accs uneuvre orpheline ou un livre puis, quil pourra lire en tout ou enpartie, et mme tlcharger, contre une rmunration, nous allons y

    revenir.

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    Pour mener bien ces diffrentes missions il sera ncessaire de conduireune rflexion sur le primtre des ressources prsentes, comme sur lesconditions daccs ces richesses.

    Ainsi le paramtrage du moteur de recherche de ce nouveau Gallica estune question centrale. En sappuyant ventuellement sur des partenariatstechnologiques avec de grands moteurs de recherche, il devra voluer parrapport la situation actuelle pour aboutir des rsultats plus intuitifs.Lorsque lon tape le titre dun livre, il paratrait normal quapparaisse celivre plutt quun article publi sur lauteur de louvrage ou une estampe lereprsentant, le livre ne se trouvant parfois quen lointaine position dans lesoccurrences. Cest une vraie attente quil importe de ne pas dcevoir pourcrer lhabitude de consulter le nouveau Gallica et renforcer sa notorit.

    Ainsi la mise en ligne de lensemble du catalogue des livres de la BnFpourrait tre envisag. Ce catalogue comprend des millions de rfrences,fiables, compltes, fruits dun travail scientifique de grande qualit. Laccs ces donnes pourrait intresser de nombreux utilisateurs, mme si elles nerenvoyaient pas autant douvrages dj numriss. Pourraient dailleurstre associs la fiche de chaque ouvrage des lments sur les dlaisenvisageables avant la numrisation. Chacun sait en effet que leffort denumrisation prendra plusieurs annes. Il faut rappeler que le moteurGoogle books ne donne pas ncessairement accs des fichiers douvrages

    numriss et se contente souvent de fournir simplement les lments dont ildispose sur un livre : date de publication, diteurs, formats, thmes,lorsquil na pas pu, ou pas voulu, procder sa numrisation.

    b/ Permettre une exploitation quitable des uvres :

    Le GIE, et ce sera son originalit, pourrait tre en capacit dexploiterles uvres et den retirer des ressources.

    Il pourrait le faire, sagissant des ouvrages hors droit, dans le cadredoprations de prestige de nature renforcer la notorit et lerayonnement de Gallica, par exemple pour un ensemble de lettresmanuscrites, de documents trs anciens ou encore pour toutes les uvresd'un auteur, Balzac, Zola, dans une dition rare. Lamateur seraitcertainement dispos payer un prix raisonnable en change de cette offreexceptionnelle.

    Il pourrait le faire aussi pour les uvres orphelines et les uvrespuises, du moins pour les fonds que les diteurs auraient fait le choixde ne pas exploiter eux-mmes. La vente en ligne serait effectue un

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    prix fixe et forfaitaire, qui ne saurait dpasser quelques euros. Lesressources issues de cette exploitation seraient partages entre le GIE et lasocit de gestion des droits, prcdemment voque, et assurant parailleurs la gestion des droits lis aux uvres orphelines.

    Toutefois, parce qu'il importe que cette dmarche soit fonde sur lesprincipes de subsidiarit et de rtroactivit, les diteurs seraientnaturellement tenus informs de la nature et du volume des transactions. Siun livre faisait lobjet dune relle demande, et lon sait que lescirconstances ramnent parfois certains auteurs en pleine lumire,redonnant vie leurs uvres, lditeur pourrait, tout moment, racheterpour exploitation le fichier numrique concern dans des conditions fixer.

    Bien entendu, une intervention lgislative sera ncessaire sur certainspoints, pour scuriser les dispositifs, s'agissant, pour la "zone grise", de laprsomption de cession des droits numriques aux diteurs, comme de lamise en uvre dun dispositif de gestion collective.

    Il nous semble quainsi pourrait tre ralis le rve dun accs global nos richesses crites, dans le respect des droits des auteurs et desditeurs, avec la possibilit pour la puissance publique dun retour surinvestissement.

    Il est clair que ces propositions, qu'elles concernent les livrescommercialiss actuellement ou les ouvrages de la "zone grise", justifientun partenariat pouss entre le public et le priv

    On a trop longtemps oppos lambition patrimoniale, qui prside lapolitique de numrisation conduite par la BnF au nom de la puissancepublique et lobjectif de dveloppement dun march du livre numrique,conomiquement viable et crateur de richesses pour les acteurs privs.

    On le voit, ces deux ambitions, loin d'tre exclusives lune de lautre, nepeuvent que se renforcer mutuellement.

    Si le nouveau Gallica relve les dfis qui lui seront assigns, c'estl'ensemble du livre numrique qui retirera les fruits de cette offre publiqueexceptionnelle, de cet effet de masse. Plus les ouvrages, anciens ou rcents,puiss ou pas, sous droits ou non, seront accessibles en format numrique,plus le livre numrique acquerra de la visibilit, deviendra dun usagergulier et sera ainsi susceptible dattirer des utilisateurs comme des clients.

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    D - DEFENDRE LAMBITION DUNE POLITIQUE EUROPEENNECOMMUNE DU LIVRE :

    Alors que la France se dote des moyens doffrir au march du livrenumrique la possibilit de se dployer largement, et que diffrents payssont en train de dfinir leur propre stratgie en ce domaine, il semblepossible de faire avancer au sein de lUnion une dmarche partage.

    Lintrt des diffrentes instances communautaires pour ces sujets estpatent.

    La Commission europenne, sur initiative franaise, sapprte ainsi crerun Comit des sages, qui aura pour mission de formuler des propositionssur les diverses problmatiques lies la numrisation des patrimoines.

    Michel Barnier, commissaire au march intrieur, a entam une rflexionsur la thmatique plus gnrale de la dfense du droit dauteur, sujet qui faitgalement lobjet dun rapport de la commission culture du Parlementeuropen consacr au renforcement de la protection de la propritintellectuelle sur le march intrieur, rapport conduit par Marielle Gallo etqui devrait tre remis dans les prochaines semaines.

    La Commission a par ailleurs annonc au mois de mars 2010 quellesouhaitait soumettre une proposition de directive sur les uvres orphelineset la gestion collective, en complment du programme Arrow, qui vise dj dvelopper les dispositifs didentification des droits attachs un livre.

    Sagissant des pays membres, nous avons dj indiqu que lEspagne avait,sans attendre, pris une initiative en matire de TVA. A une autre chelle, lesecteur de ldition en Allemagne volue beaucoup et travaille lidentification doutils performants. Une plate-forme unique dditeurs estdores et dj en place, un dispositif de gestion des droits pour les uvresorphelines devrait voir le jour rapidement. Le gouvernement fdral,comme les autorits des landers, souhaitent accompagner ces initiativesprives.

    Le contexte est donc favorable et la France, on le voit, y joue un rleactif, ce qui lui donne une relle crdibilit pour dfendre lalignementdu taux TVA du livre numrique sur celui du livre papier.

    Cette prise de conscience collective doit permettre de donner enfin unevraie ralit Europeana, qui porte lambition de mettre la dispositiondes citoyens la part la plus large possible des patrimoines europens.

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    La France est fire davoir fait adopter des conclusions sur Europeana partous les pays membres quand elle assumait la prsidence de lUnion. Cesconclusions ont montr que les Etats europens comprenaient limportanceet lexemplarit de ce projet, qui donne voir la richesse et la diversit delidentit europenne et qui est un instrument privilgi du dialogue descultures.

    Il est trs important que la prsidence espagnole sapprte, son tour, faire adopter des conclusions sur ce sujet dans le cadre du conseil formeldes ministres de la culture et de la communication, parce quellestmoigneront dun engagement renouvel des pays membres.

    Toutefois, la monte en puissance dEuropeana ne se fera pas delle-mmeet la France doit sengager, avec son poids et son influence en matireculturelle, pour en faire une ralit. Cela suppose dabord que laCommission europenne apporte ce projet un soutien direct etvraiment significatif, qui, au regard des enjeux et des symboles, parat

    justifi. Ce soutien est indispensable si lon veut que tous les pays membrespuissent mener une vraie politique de numrisation de leurs patrimoines.Cest la condition mme du dveloppement dEuropeana et la seule faonde lui donner son sens et sa porte dans une Europe largie. Actuellement,on la dit, prs de la moiti des contenus du site provient encore de Gallica.

    Cela suppose aussi, comme le souligne le rapport Tessier, un renforcementdes changes sur les programmes de numrisation des grandesbibliothques publiques, afin daboutir une vritable mutualisation deleffort collectif engag simultanment dans la plupart des pays de lUnion.Dans ce domaine, comme lchelle nationale, lengagement dun travailcommun sur les mtadonnes et les formats de fichier est une ncessit, afinde faciliter ces changes et le partage de leffort.

    On sait en outre quun certain nombre de ces bibliothques sont enngociation avec de grands oprateurs, et au premier chef Google, quipropose des programmes complets de numrisation cls en main ,financirement intressants au regard des investissements publics exigs.

    Il est donc trs important quune charte de ces bibliothques soit en coursdlaboration. Elle permettra de mieux encadrer les modalits de cesaccords, notamment les clauses dexclusivit, qui pourraient avoir desconsquences directes pour le dveloppement dEuropeana, mais aussi lesclauses de qualit ou de visibilit. Le travail effectu par les experts autourde la charte devrait apporter une matire intressante aux propositions quesera amen faire le Comit des sages.

    Ces propositions pourraient, dans un deuxime temps, trecommunautarises, comme la t, sur initiative franaise, le Label du

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    Patrimoine europen, c'est--dire, donner lieu, aprs que la Commissionsen soit saisie, un projet soumis lapprobation du Parlement europen.

    Si ces initiatives recueillent lassentiment de tous les pays membres et sielles prennent leur pleine dimension politique, elles permettront lEuropede parler dune seule voix, notamment sur un sujet aussi crucial que ladfense des auteurs et des crateurs.

    E - ENCOURAGER LOFFRE NUMERIQUE PRIVEE SUNIFIERET SE DONNER LES MOYENS DE SON DEVELOPPEMENT :

    1. Pour des modalits communes dexploitation

    Diffrents lments sont de nature faciliter la diffusion, lexploitation et laprotection des uvres numriques. La mise en place de ces dispositifsrelve videmment des acteurs privs, ce qui ne dispense pas la puissancepublique dun rle dintermdiation.

    Lmergence de nouveaux modles de distribution numrique ports pardes acteurs internationaux, reposant sur un univers intgr autour dunlecteur numrique ou dun logiciel, a rendu populaire lide quune offreconcurrente franaise devait voir le jour. Ainsi, de nombreux diteurs,distributeurs et libraires appellent de leurs vux la cration dune plate-forme interprofessionnelle unique de distribution de livres numriques.

    Les avantages dune plate-forme unique sont nombreux. Tout dabordelle permettrait lessor de la distribution douvrages en donnant uninterlocuteur centralis tous les libraires en ligne. Elle serait mieux armepour imposer certaines vues aux acteurs internationaux, notamment parexemple en ce qui concerne la mise disposition des fichiers. Elle pourraitplus facilement faire voluer le march vers des standards unifis. Ellepermettrait enfin aux diteurs et titulaires de droits de taille modeste deconfier leurs fichiers un acteur bien identifi, sans barrire lentre.

    Lide dune plate-forme unique sest aussi nourrie de la volont desimplifier le paysage pour lutilisateur. En effet le risque existe quavecplusieurs plates-formes, la recherche dun ouvrage numrique soitcomplexe. Dans lhypothse la plus dfavorable, le lecteur, pour se procurerun livre dans ce format, devrait au pralable en connatre lditeur.

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    Quant aux libraires numriques, quelle que soit leur taille, ils seraientcontraints de construire des agrgateurs leur permettant de chercher lesrfrences sur chacune des plates-formes.

    Les diteurs nont pas, ce stade, russi se fdrer sous une seule etmme bannire. Dans la situation actuelle les standards et les dmarches demarch opposent encore les diffrentes plates-formes, mme si desrecompositions sont en cours qui pourraient conduire limiter leur nombre deux sites principaux. Cette situation laisse les acteurs de taille plusmodeste dans une expectative qui diffre dautant leur volont de se lancerdans la distribution numrique.

    Toutefois, cette difficult pourrait tre partiellement contourne, si lesdiffrentes plates-formes partageaient des protocoles de distributioncohrents et ouverts, ainsi quune partie des bases de donnes dedistribution.

    Les diteurs pourraient sengager dans la normalisation desmtadonnes dexploitation (titre, auteur, diteur, prix, disponibilit)de lensemble des livres numriques publis, quel que soit lentreptnumrique dditeur qui en assure la diffusion. Actuellement en effet, cesdivers lments, qui dterminent les conditions de reprage des ouvragespar les libraires et de mise disposition au profit du lecteur final, diffrentdune plate-forme lautre. Si tous les diteurs ne sont pas prts sengagersur un hub unique charg dassurer lexploitation de lensemble desouvrages, peut-tre pourraient-ils mettre en partage toutes les donnesrelatives aux ouvrages numriques publis. Ainsi, les fichessignaltiques des livres seraient mises disposition de tous les acteurs dela chane de distribution, sans quil soit besoin, pour disposer de cesinformations de dvelopper des interfaces spcifiques pour chacune desplates-formes. En dautres termes, la normalisation des mtadonnes dedistribution permettrait de crer, de fait, un catalogue gnral du livrenumrique franais, rendant plus facile et plus lisible le fonctionnement delensemble de la chane du livre numrique.

    Dans ce domaine, sans que la mission souhaite se substituer aux acteursprivs dans les choix technologiques quils auront faire, il apparat que laconvergence vers la norme ONIX doit tre encourage : adopte par denombreux acteurs dans les pays anglo-saxons, elle semble simposerprogressivement comme le langage de linteroprabilit entre tous lesmaillons de la chane du livre. Elle est donc la fois le catalyseur de lessordu march du livre numrique et une opportunit pour les acteurs de taillemoyenne qui nont pas vocation dvelopper des solutions propritaires.

    Plus gnralement, si la normalisation des mtadonnes est riche denjeuxpour les acteurs privs, elle est ncessaire la visibilit de la cration

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    franaise dans son ensemble. Cest dailleurs pourquoi, ainsi que nouslavons dit, le GIE Gallica devra sassocier cette dmarche engage ausein de la profession. En effet :

    Amliorer la visibilit des uvres et l'indexation des contenus franaissur l'Internet (y compris naturellement sur Google) contribue aurayonnement culturel de notre pays.

    Dans l'univers numrique, seule une base unique ou des basestroitement interoprables et en rseau permettent de garantir au lecteurde trouver la version la plus actualise et la plus adapte de l'uvre qu'ilrecherche.

    Des mtadonnes riches et compltes, dans la mesure o ellescontiennent la mention des ayants droit, permettent d'envisager d'autressystmes que le verrouillage technique des fichiers.

    Cela suppose de concevoir les diffrents types de mtadonnes de faoncohrente, comme diffrents noyaux : un cur de mtadonnes suffisantpour assurer lexploitation commerciale ; un second noyau plus largeincluant les lments bibliographiques ; un troisime niveau incluant deslments permettant la reconnaissance et donc la protection du fichier (parexemple une suite de lettres permettant didentifier coup sr louvrage).

    2. Protger les uvres contre le piratage :

    Dans le cadre dun travail en amont sur la normalisation des dispositifsdexploitation, il est essentiel que les diteurs dfinissent rapidement etcollectivement leur approche en matire de protection des uvres.

    La crise trs profonde de lindustrie musicale du fait du piratage suscite desinquitudes pour lavenir du livre numrique.

    On le sait, le piratage est, paradoxalement, la consquence directe du succsdun format et dun mode de distribution.

    Ce constat ne ddouane personne : il ne justifie pas les pratiques illicites,tout comme il ne dispense pas les titulaires de droits de prvoir dsmaintenant les moyens de se prmunir contre le tlchargement illicite.

    Ce dautant plus que tous les moyens existent dsormais pour dfendre les

    auteurs, y compris les auteurs de livres.

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    Le dispositif port par la loi Cration et Internet est fond sur une alerteadresse par ses adhrents, titulaires de droit, lAssociation de lutte contrela piraterie audiovisuelle (ALPA), celle-ci tant habilite saisir la Hauteautorit pour la diffusion des uvres et la protection des droits sur internet(HADOPI), qui est charge dune mission de prvention et de lutte contre lepiratage de fichiers numriques.

    Ds lors, si les diteurs se regroupaient et adhraient collectivement lALPA, un contrle du tlchargement illgal ou de tout mode illgalde mise disposition de fichiers de livres numriques pourrait tre misen uvre.

    LALPA a en effet dvelopp un savoir faire consquent sur les pratiquesde piratage, sur les filires qui faonnent les premires copies illicites, surlvolution des technologies supports. La chane du livre aurait tout intrt sappuyer sur une telle expertise. En effet, les rseaux sur lesquels serontvhicules les copies illicites et les modes dacheminement serontsensiblement les mmes que pour les autres formes de fichiers, mme silALPA doit pouvoir embrasser les spcificits du livre. Un livre, danslunivers numrique, nest quune suite de caractres reprsentant unvolume de donnes trs faibles, ce qui le fragilise. Toutefois, parce quecette chane de caractres peut tre aisment reconnue, lidentification desfichiers illicites pose moins de difficult que pour la musique. Il est doncpossible dagir.

    Si la loi dote aujourdhui la puissance publique de moyens pour faire face la prolifration du piratage, pour mener les tudes ncessaires lacomprhension des nouvelles pratiques illicites, en lien avec destechnologies toujours nouvelles, il est indispensable que les acteurs privssorganisent, ds prsent, pour tirer tout le bnfice de cette dmarche.

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    Dans ce contexte si volutif, riche de promesses comme d'interrogations,notre pays dispose de nombreux atouts pour faire du livre numrique unesource de valeurs, pour les acteurs privs, pour la puissance publique maisaussi avant tout pour les lecteurs, daujourdhui ou de demain.

    Nous runissons en effet limmense richesse de notre patrimoine crit et lesinstitutions, au premier rang desquelles la BnF, capables de le faire vivre.Une chane du livre dynamique, et cela sur lensemble du territoire, irrigupar les diteurs, grands ou petits, les librairies, plus nombreuses que partoutailleurs en Europe, et bien sr par les auteurs. Une trs forte pntration delinternet dans toutes les couches de la population, avec un accs au hautdbit exceptionnel et des attentes fortes pour des services numriquesnouveaux.

    Si ces diffrents atouts peuvent permettre lmergence dun vritablemarch, ils ne suffiront pas raliser lambition collective de la cration devaleurs, si nous ne parvenons pas, tous ensemble, imaginer de nouveauxmodes de coopration.

    Une certitude s'impose donc : le march du livre numrique sera ce quenous en ferons.

    Nous, ce sont dabord les lecteurs. Cest le dsir des lecteurs douvragesnumriques, de tous les lecteurs, des digital natives qui vivent etvoluent depuis toujours dans le web, aux amoureux de livres rares, auxpassionns dun auteur trop peu rdit qui verront peu peu disparatre lanotion mme de livre puis, qui donnera au livre numrique toute sa place.Ce sont eux qui susciteront la cration de nouvelles offres numriques,interactives, multipliant les possibles, donnant au monde de ldition sesnouvelles frontires.

    Nous, ce sont les acteurs de la chane du livre et en premier lieu lesditeurs, qui ont la responsabilit de crer, ensemble, une offre riche etaccessible, en adquation avec la culture et les usages de linternet.

    Nous, cest enfin la puissance publique. Elle est attendue. Non seulementpour fixer le cadre et certaines des rgles qui permettront au march despanouir dans de bonnes conditions, mais aussi pour prendre une partactive ce dessein, en crant une vritable vitrine du livre numrique, encontribuant faire converger ambition patrimoniale et cration de valeurconomique. En cela, elle rpondra une attente des citoyens, dans leurgrande diversit. Elle confortera aussi la place de la France dans lEurope

    de la culture : aux avants postes de linnovation, au service de la diversitculturelle et des droits des crateurs.

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    Lettre de mission

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    Liste des personnes auditionnes

    M. Alain Absire, Prsident de la Socit des gens de lettres (SGDL)

    M. Michel Barnier, commissaire europen au march intrieur et aux services

    Mme Catherine Bizot et M. Alain Sr, inspecteurs gnraux de lducationnationale et Alain-Marie Bassy, inspecteur gnral de ladministration delducation nationale, chargs dune mission sur le manuel scolaire l'heuredu numrique

    M. Benot Bougerol, Prsident du Syndicat de la librairie franaise

    M. Andrew Cecil, Directeur des affaires publiques d'Amazon Europe et MmeSabine Zylberdogen, Directrice juridique

    M. Alban Cerisier, directeur du patrimoine et de la numrisation Gallimard

    MM. Philippe Citron, Directeur gnral de Sony France et Arnaud Brunet,directeur des relations extrieures et des affaires juridiques de Sony France

    M. Dan Clancy, ingnieur en chef du projet Google Books et M. PhilippeColombet, directeur des programmes Google livres en France

    Mme. Milagros del Corral, directeur de la bibliothque nationale espagnole

    Mme Teresa Crmisi, Prsidente des ditions Flammarion

    M. Mathias Daval, et M. Vincent Monad, directeur de Le Motif

    M. Pierre-Vincent Debatte, Prsident-directeur gnral du groupe Jouve(imprimerie)

    M. Serge Eyrolles, prsident du SNE

    M. Laurent Fiscal, Prsident du Syndicat des distributeurs de loisirs (SDLC)

    M. Bernard Fixot, Prsident-directeur gnral de XO ditions

    Mme Laurence Franceschini, directeur gnral des mdia et des industriesculturelles, ministre de la culture et de la communication

    M. Antoine Gallimard, Prsident des ditions Gallimard

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    M. Herv Gaymard, dput, Membre du Conseil du livre, auteur du rapportde mars 2009 sur lvaluation de la loi du 10 aot 1981 relative au prix dulivre

    M. Nicolas Georges, chef du service du livre et de la lecture, ministre de laculture et de la communication

    Mme ngeles Gonzlez-Sinde, ministre de la culture espagnol

    M. Alain Kouck, Prsident-directeur gnral d'Editis Holding

    M. Herv de La Martinire, Prsident des ditions de La Martinire

    Mme Sophie-Justine Lieber, Matre des requtes au Conseil d'Etat,rapporteur des missions Patino et Tessier

    Mme Christine de Mazires, dlgue gnrale du SNE

    M. Jean-Philippe Mochon, chef du service des affaires juridiques etinternationales, ministre de la culture et de la communication

    M. Jean Musitelli, membredu collge de la Hadopi et Mme Mireille Imbert-Quaretta, prsidente de la commission des sanctions de la HADOPI

    M. Arnaud Nourry, Prsident-directeur gnral d'Hachette livre et MmeLaure Darcos, directrice des relations institutionnelles

    M. Juan Pirlot de Corbion, fondateur et ancien dirigeant de la LibrairieChapitre.com

    M. Fabien Plazannet, chef du dpartement du patrimoine et de la politiquenumrique, service du livre et de la lecture, ministre de la culture et de lacommunication

    M. Bruno Racine, Prsident de la BNF

    M. William Rubens, Directeur du dveloppement science et technologyd'Elsevier diteur de littrature scientifique

    M. Jacques Toubon, ancien ministre, coresponsable de la mission Crationet Internet