01 Tome 2 Mythes Et Dieux Texte Seul

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  • Jean Jacques hatt Mythes et dieux de la Gaule, tome II1

  • Avertissement de la famille Jean-Jacques Hatt, dcd en 1997 na pas pu terminer le deuxime tome de Mythes et dieux de la Gaule , suite du tome I publi chez Picard en 19891[1]. Son pouse et ses enfants ont tri et rassembl le texte et les photographies, ralis la saisie informatique du manuscrit. Son petit fils Ambroise Lassalle, Conservateur Territorial du Patrimoine, a numris les illustrations disponibles partir d'un stock imposant de photographies souvent non lgendes. Bernadette Schnitzler, conservateur en chef du Muse Archologique de Strasbourg, a relu et effectu la mise en forme de l'ensemble du texte aprs saisie, mis au point une maquette ditoriale et ralis une slection de documents d'illustration, parmi les documents disponibles. Thierry Hatt a assembl les chapitres et les images en fichiers Adobe Acrobat et a install ces derniers sur le site Internet ddi jeanjacqueshatt.free.fr . Le document qui est ainsi mis disposition des chercheurs est un document de travail inachev. Il peut nanmoins tre utile tous ceux qui sintressent ce domaine. Il est utilisable gratuitement sous les rserves habituelles de citation des sources et dusage non commercial.

    1[1] Jean-Jacques Hatt, Mythes et dieux de la Gaule , t I, les grandes divinits masculines , Picard, Paris, 1989, 286 p.

    Jean Jacques hatt Mythes et dieux de la Gaule, tome II2

  • Avant Propos

    Par Bernadette Schnitzler, conservateur en chef du Muse Archologique de Strasbourg

    JEAN-JACQUES HATT (1913 - 1997) UNE VIE ENTIERE VOUEE A L'ARCHEOLOGIE

    I. LES ANNEES DE FORMATION ET LES DEBUTS DE SA CARRIRE

    A. Une vocation prcoce

    N le 3 mars 1913 Paris, dans une famille d'historiens - son pre Jacques Hatt, docteur en Droit et en Lettres est l'auteur de plusieurs ouvrages sur Strasbourg aux XVe et XVIIe sicles - , il dcouvre trs tt les muses de Paris et dveloppe rapidement un got marqu pour l'histoire et la recherche. Au cours de vacances Port-Mort en Normandie, un vieux cur, l'abb Lucas, l'initie la Prhistoire. Grce son pre, il rencontre peu aprs Robert Forrer, alors conservateur du Muse Prhistorique et Gallo-romain de Strasbourg. Il commence ainsi travailler au muse ds 1927, sous la direction de R. Forrer. Cette rencontre va renforcer son intrt pour l'archologie et il va engager ses premires fouilles Dachstein et Heiligenberg, o il accompagne Claude Schaeffer, assistant du muse. Il travaillera galement sur d'autres chantiers, dans diverses rgions de France (dont une fouille sur le clbre site du Mas d'Azil) au gr des vacances qu'il y passe. Aprs un baccalaurat de philosophie, son pre l'engage continuer ses tudes, plutt qu' accepter la proposition de Claude Schaeffer de l'accompagner dans ses fouilles de Ras-Shamra en Syrie : il a ainsi pass trois annes en khgne Paris Louis-le-Grand et, aprs deux checs l'Ecole Normale Suprieure, quatre annes brillantes en Sorbonne. En 1934, il passe sa licence en un an ; c'est cette priode que va natre sa passion pour la civilisation celte, qui oriente sa carrire et ses recherches de faon dcisive. En 1935, il obtient son diplme d'tudes suprieures sous la direction de Ch. Picard sur "Les rites funraires chez Homre". Il est galement reu l'agrgation de grammaire en 1937. La mme anne, il pouse Suzanne Trocm, peintre, dessinateur et graveur de grand talent, reue premire l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Quatre enfants natront de cette union.

    B. Des dbuts dans l'enseignement secondaire Strasbourg

    Il commence enseigner au Lyce Klber Strasbourg en 1937-38. Grce ses annes de scoutisme et son sens de la pdagogie, il conquiert rapidement les lves de sa classe de quatrime classique. Il organise avec eux des tournes archologiques bicyclette Dachstein et Heiligenberg. Concurremment sa carrire d'enseignant, il commence ses recherches sur la tombe gallo-romaine, sujet propos par A. Grenier, alors professeur l'Institut des Antiquits Nationales de Strasbourg.

    C. La priode de la guerre

    J. J. Hatt effectue son service militaire en 1938-39, puis est mobilis jusqu'en juillet 1940 aprs dclaration de guerre. Une fois dmobilis, il fait un court sjour dans le Lot-et-Garonne, o il entame ses premiers travaux sur la Protohistoire, puis rejoint d'urgence un poste de professeur agrg au Lyce Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. Il y enseigne de 1941 1945, tout en continuant ses recherches pour sa thse et en publiant une dizaine d'articles d'archologie. Pendant cette priode, il dirige galement les fouilles de Gergovie, puis d'Aulnat.

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  • D. Le retour Strasbourg

    En juin 1945, il retrouve Strasbourg et se voit nommer directeur de la Circonscription archologique d'Alsace et de Moselle ; en mme temps, lui est confie la conservation du muse archologique, nouvellement promu au rang de muse class par la Direction des Muses de France en 1946. Il soutient sa thse en Sorbonne en 1948 et est reu brillamment avec les flicitations du jury. Son ouvrage sur La tombe gallo-romaine sera couronn par le prix Polliot. En 1953, il devient galement titulaire de la chaire d'Antiquits Nationales l'Universit de Strasbourg.

    II. LE CONSERVATEUR DU MUSE ARCHOLOGIQUE

    Ds juin 1945, J. J. Hatt occupe la fonction de conservateur bnvole du Muse Archologique de Strasbourg ; cette direction lui a t confie par la Socit pour la Conservation des Monuments Historiques d'Alsace, propritaire des collections jusqu'en 1946, anne de leur cession la Ville de Strasbourg. Sur les traces de R. Forrer et de Claude Schaeffer, il en assure la rorganisation et la rnovation complte, sections par sections, de 1950 1964, en collaboration troite avec les services techniques de la Ville et avec l'aide constante de la Direction des Muses de France. Il a galement contribu enrichir considrablement les collections du muse, en particulier dans le domaine de l'archologie gallo-romaine. Les fouilles menes sur le site antique de Strasbourg, mais aussi Seltz, Ehl, Sarre-Union, Mackwiller, Saverne, Brumath... ont t une source constante d'informations et ont bnfici largement la prsentation musographique des collections, dans laquelle ces ensembles archologiques sont venus rgulirement s'intgrer au fil des annes. Ses recherches sur la sculpture romaine en Gaule - et plus particulirement en Alsace - l'amnent publier en 1964, avec la Runion des Muses Nationaux, le catalogue des Sculptures antiques rgionales du muse et, en 1966, un ouvrage de rfrence intitul : Sculptures gauloises, esquisse d'une volution de la sculpture en Gaule depuis le VIe sicle avant J.C. jusqu'au IVe sicle aprs J.C . Il s'intresse aussi, durant toute sa vie, aux rites funraires et aux croyances gauloises et romaines et publiera de nombreux ouvrages et articles sur ce sujet complexe. Par ses travaux en Champagne, il a galement labor une nouvelle chronologie de la Protohistoire en France, progressivement publie de 1954 1961 dans les bulletins de la Socit Prhistorique Franaise et dans la Revue Archologique de l'Est, recherches compltes en 1977 par une synthse sur La Tne en Champagne rdige en collaboration avec Pierre Roualet. J. J. Hatt a aussi beaucoup contribu, au sein de la Socit pour la Conservation des Monuments Historiques d'Alsace, la reprise et au dynamisme des parutions des Cahiers Alsaciens d'Archologie et dHistoire , dont il a t le rdacteur en chef pendant plus de trente ans et a ainsi largement oeuvr pour la diffusion du rsultat des recherches archologiques menes en Alsace. Une salle du Muse Archologique - celle de protohistoire rgionale - lui a t ddie en 1999.

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  • III. LE DIRECTEUR DES ANTIQUITS

    Le champ d'action de J. J. Hatt ne se limite pas la fonction de conservateur du muse archologique ; il a jou aussi un rle trs important comme directeur de la Circonscription des Antiquits Historiques d'Alsace et, jusqu'en 1970, galement de Moselle. Le sige du service des fouilles est rest implant au Palais Rohan jusqu'en 1969, date laquelle la Direction Rgionale des Affaires Culturelles d'Alsace et les services de l'Etat se sont tablis au Palais du Rhin, o ils se trouvent aujourd'hui encore. L'quipe est alors assez rduite, se composant de Hans Zumstein et C. Sauer (muse), d' Erwin Kern et Andr Thvenin (service des fouilles). La gestion de la Circonscription amne J. J. Hatt diriger des fouilles dans toute l'Alsace et durant de longues annes en Lorraine, mais aussi organiser une succession de colloques internationaux d'archologie en France et en Allemagne, sous le titre Rhin-Rhne , avec, partir de 1967, des runions Tournon, Monaco, Trves, Haguenau, Colmar... C'est en 1967 galement qu'il fonde un groupe d'tudes sur la cramique antique en Gaule (l'actuelle SFECAG), qui connat un grand dveloppement et qui va fdrer la recherche en ce domaine travers des colloques et des publications rgulires. Sa carrire d'archologue est domine cependant par les fouilles effectues Strasbourg entre 1947 et 1968 et par l'application aux fouilles urbaines de la mthode stratigraphique pour l'tude du sous-sol de la ville antique. Ses principaux chantiers (place de la Cathdrale, glise Saint-Nicolas, glise Saint-Etienne, rue du Sanglier, rue de l'Ail....) lui permettent de reconstituer progressivement la chronologie de l'histoire du site d'Argentorate, auquel il a consacr de nombreux articles et plusieurs ouvrages de synthse, tels que Strasbourg au temps des Romains (1953), Strasbourg romain (1980) ou L'Alsace celtique et romaine (1978). Son Histoire de la Gaule romaine , parue en 1970 aux Editions Payot, est devenue un ouvrage historique incontournable pour l'tude de la Gaule romaine.

    IV. LE PROFESSEUR D'UNIVERSIT

    Nomm matre de confrence l'Universit de Strasbourg en 1953, il devient professeur titulaire en 1958, reprenant la prestigieuse chaire d'Albert Grenier l'Institut des Antiquits Nationales de l'Universit de Strasbourg. En 1973, il assure aussi la prsidence de l'U.E.R. des Sciences Historiques, dans des circonstances parfois difficiles, en particulier lors des grves de mai 1968. Cette fonction de professeur reste son activit privilgie. Il assure rgulirement trois cours par semaine : un cours gnral sur l'histoire de la Gaule, Protohistoire comprise, un cours de spcialit pour la priode romaine l'Institut des Antiquits Nationales (sur l'art, l'conomie, la cramique, les rites et la religion gauloise et romaine) et un cours de Protohistoire. Ces cours taient frquemment illustrs de visites de muses et de sorties. En plus de cet enseignement, il ajoute en 1967-68 un cours d'agrgation sur la Gaule du IIIe sicle avant J.C. au IIIe sicle aprs J.C. pour le Centre National de Tl-Enseignement, ainsi qu'une srie de confrences pour l'Ecole du Louvre, s'inscrivant dans un programme de recherches sur l'Age du Bronze en France et en Allemagne. Il a aussi assur la cration, sur le site protohistorique du Pgue (Drme) d'une cole de fouilles o nombre d'tudiants ont pu dcouvrir de manire concrte et vivante ce qu'est un chantier de

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  • fouilles et ont commenc l une future carrire d'archologue ou de chercheur. Dix-huit campagnes de fouilles s'y sont succd sous sa direction de 1958 1976, en collaboration avec Charles Lagrand, chercheur au CNRS, mais aussi Pierre Roualet, Etienne Biehler et Bernard Normand. A toutes ces activits, s'ajoutent encore ses innombrables interventions des colloques franais ou internationaux : Paris, Saint-Germain-en-Laye, Dijon, Bordeaux, Nice, Mayence, Cologne Trves, Milan, Naples, Vienne, Madrid, Mexico, Tel Aviv... sur des sujets traitant aussi bien de la Protohistoire que de l'Empire romain. Le thme le plus ancien et le plus constant de ses recherches - et peut-tre aussi le plus original - reste l'analyse des croyances religieuses des Celtes et des Gallo-romains. Nombre de ses travaux et articles y sont consacrs et notamment la synthse magistrale parue en 1989 sur les Mythes et dieux de la Gaule (tome 1) aux Editions Picard. Il y a dvoil progressivement les grands traits de la cosmogonie celtique, reconstituant la religion et la mythologie des Gaulois aprs avoir constat qu'il existait une communaut d'ides et de croyances entre un certain nombre de monuments gallo-romains et les thmes mythologiques des Gaulois. Le tome 2, dont le manuscrit tait presque achev au moment de la disparition du Professeur J. J. Hatt, est prsent sur ce site, afin d'tre accessible aux chercheurs et au public intress par ce domaine de recherche. BIBLIOGRAPHIE Un bibliographie dtaille de Jean-Jacques Hatt a t publie dans la Revue Archologique de l'Est - Etudes offertes Jean-Jacques Hatt, n 125-126, juillet-dcembre 1981 Ch. Jeunesse, F. Ptry et B. Schnitzler Jean-Jacques Hatt, l'occasion de son quatre-vingtime anniversaire dans Cahiers Alsaciens d'Archologie, d'Art et d'Histoire - Mlanges offerts Jean-Jacques Hatt, 1993, p. 7-14.

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  • INTRODUCTION PRINCIPES DE MTHODE ET RSULTATS Nous resterons fidle, dans ce second volume, aux principes de mthode que nous avons suivis : prise en compte simultane des donnes de la prhistoire, de la protohistoire et de l'histoire, ces domaines n' tant spars par aucun foss infranchissable, les traditions religieuses de toutes poques se trouvant mles et combines dans les croyances celtiques et gallo-romaines. En 1963, la prface du livre de Jan de Vries1 fait entendre que l'tude de la religion celtique et gallo-romaine et gallo-romaine est dans une impasse. La raison de cette situation consiste dans la spcialisation trop troite des recherches et des chercheurs. Il existe entre la prhistoire, la protohistoire et l'histoire des cloisons qu'un regrettable tabou empche de franchir. Les historiens ignorent la prhistoire et la protohistoire, les prhistoriens ne se soucient pas de l'histoire. Ainsi le recours la comparaison indispensable, notamment entre monuments procdant de ces diffrents domaines, est interdite : Nous citerons ici le jugement sans recours de l'un des plus minents spcialistes de la priode historique gallo-romaine, P.M. Duval : "De plus en plus, on s'interdit de juger des dieux gaulois de l'indpendance d'aprs les renseignements des temps gallo-romains."2 PRHISTOIRE, PROTOHISTOIRE ET HISTOIRE Ce postulat est faux, et de nature paralyser la recherche. Il n'est que la consquence et l'ignorance du parti pris de certains historiens, ignorant sereinement la relle continuit joignant la protohistoire, voire mme la prhistoire l'histoire. C'est donc sur la base d'un postulat rigoureusement inverse que je suis arriv rompre ces barrires purement artificielles et rtablir la liaison entre ces trois domaines artificiellement spars. PRINCIPAUX RSULTATS C'est ainsi que j'ai pu, en me fondant sur la rpartition par rgions des inscriptions et des monuments gallo-romains consacrs aux Mars indignes, comparant ces donnes avec celles de la protohistoire celtique, rattacher le culte de cette divinit prceltique un fonds indigne antrieur l'apparition des Celtes. Cette recherche mettait en mme temps en lumire un chapitre mconnu de la politique religieuse des empereurs romains, qui paraissent avoir systmatiquement soutenu ce culte avec l'intention de concurrencer celui des druides subsistants. RSULTATS DE LA COMPARAISON ENTRE LES TEXTES ET LES MONUMENTS. C'est en comparant les donnes des textes anciens : Csar, Lucain, les Gloses de Berne, avec les inscriptions de la Gaule romaine, ainsi que celle des monuments et des objets de l'art celtique, de l'indpendance comme des temps romains, que j'ai pu : 1) dterminer, par l'analyse comparative, et la comparaison entre les donnes des textes et des images, le lot des signes propres chaque divinit, en dterminer les fonctions, en prciser l'volution avec le temps, ainsi que l'apparition de divinits nouvelles, comme l'Apollon celtis ; 2) en comparant les images du chaudron de Gundestrup avec celles de sculptures gallo-romaines ou celtiques encore inexpliques, reconstituer l'essentiel de la mythologie celtique, encore vivante l'poque gallo-romaine. L o auparavant rgnaient incertitudes et imprcisions, j'ai pu prsenter une reconstitution cohrente et justifie de la religion celtique, qui s'est maintenue avec quelques modifications et quelques complments (notamment l'Apollon gaulois, apparu au IIe sicle av. J.-C.), mais avec fidlit durant toute la priode romaine. SYNCRTISME GAULOIS POSTRIEUR LA CONQUTE

    1De VRIES, Jan 2 DUVAL, P.-M., Les dieux de la Gaule, 2e d., Paris, p. 5

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  • Il s'ensuit que le tableau ainsi dress est diffrent de celui que prsente P.M. Duval dans sa prface : "S'il y a syncrtisme gallo-romain, il serait donc restreint, assez artificiel, et la srie des dieux gaulois s'en serait plutt appauvrie". Ce concept d'appauvrissement de la religion gauloise aprs la conqute est un a priori, qui n'a pas t vrifi, et qui est d'ailleurs invrifiable. Il suppose que cette religion ait t, avant la conqute purement nationale et sans mlange. Or nos recherches sur la formation et l'volution de la religion latnienne ont prouv qu'elle tait ds son origine, un syncrtisme, un mlange entre divers lments : 1) Une structure indo-europenne en trois parties, correspondant la division de la socit en trois classes, et la rpartition des dieux, en gros, dans les trois parties de l'Univers cleste : le Ciel, la surface de la Terre, les profondeurs des Enfers : le Ciel Taranis, la surface de la Terre Teutats, les profondeurs des Enfers Esus. Quant la desse Rigani, sa destine et ses trois fonctions la destinaient passer d'une partie du Monde l'autre. 2) Des traditions anciennes nombreuses et disperses suivant les rgions, antrieures aux invasions celtiques, mais que les Celtes avaient accueillies et assimiles dans la cohabitation pacifique qui avait suivi leurs conqutes. 3) Des lments provenant, ds la fin du VIe et le dbut du Ve sicle, de leurs contacts avec les pays mditerranens, Grce, trurie, Italie. Ces derniers drivaient de l'interprtation et de l'assimilation d'images et de concepts hellniques, parvenus la faveur du dveloppement du commerce, et des relations avec le monde mditerranen. Il faut reconnatre que, d'anne en anne, l'importance de ces relations avec le monde mditerranen augmente, au gr des fouilles et des dcouvertes fortuites. Ce syncrtisme a volu entre le Ve sicle et la conqute romaine, comme les variantes et les supplments apports aux signes symboliques et les modifications dans leurs groupements l'ont prouv3. L'VOLUTION APRS LA CONQUTE Nous avons tudi l'volution de la religion gallo-romaine travers ses manifestations iconographiques et pigraphiques dans les chapitres V et VI du tome I, notamment dans les conclusions. Il est toutefois ncessaire de revenir ici sur les conclusions dduites des observations faites galement en d'autres chapitres. Il faut d'abord reconnatre que le dosage entre les lments grco-romains imports et le fonds indigne est trs variable suivant les poques et suivant les rgions. Priode gallo-romaine prcoce : les deux sries distinctes d'images Ds la priode gallo-romaine prcoce, de la fin de la guerre des Gaules au rgne de Claude, avec des prolongements diffrents suivant les rgions, nous avons affaire deux sries dissemblables d'images religieuses. Celles qui sont dans la ligne des images celtiques : les idoles de Bouray, de Broussy, de La Tour, prsentant encore un caractre indigne prononc, et se rattachant, par leur facture et leur composition, aux antcdents de la priode indpendante. Il en est de mme des quatre faces du pilier des Nautes reprsentant respectivement Esus, le taureau trois grues, ainsi que Smertulus et Cernunnos. Pour le reste des images, elles sont inspires de l'art grco-romain, mais interprtes dans leur groupement pour exprimer des concepts indignes. Il y a, semble-t-il alors, une sorte de dichotomie entre la religion traditionnelle, fidle ses mythes, ses rites et ses crmonies d'une part, et, d'autre part, un culte d'invocation adress aux divinits indignes romanises. Ce culte accuse l'assimilation du systme gallo-romain, tout en conservant dans les groupes de divinits par eux-mmes ainsi qu'en association entre eux certaines rfrences la tradition. Il y a l non pas une transformation totale, mais une modulation, dans un systme diffrent, des thmes provinciaux conservs dans leur caractre essentiel. Nron Cette assimilation-interprtation progresse sous Nron, dans le cadre du patriotisme frontalier rhnan, avec la colonne de Mayence4. La riche iconographie de ce monument se dveloppe dans les deux sens : la fois sur les tambours de colonne, un systme allgorique orient vers la paix romaine et ses avantages matriels ; par contre, sur la base et l'attique, un mode d'assimilation slective des images grco-romaines destin exprimer allusivement les traditions indignes.

    3 Voir HATT, J.J., tome I, ch. III, p. 67 70. 4 HATT, J.J., tome I, p. 109, 136, 137.

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  • Dans le courant de la priode flavienne se rvle, la suite des vnements politiques et militaires : crise de succession de Nron, soulvement des lgions, insurrection gallo-germanique, l'option d'une grande partie de la population pour la religion et la culture romaine. Nous en trouvons l'une des preuves sur un monument : un trange petit bas-relief d'Alsia mettant en scne Jupiter apostrophant violemment Minerve responsable des armes, pour lui reprocher svrement sa carence lors des vnements de 70. C'est l un tmoignage vivant des civils, en face de l'indiscipline et de l'impritie des militaires. Par contre, Junon trs en retrait exprime par l son indcision et ses rserves. Quant aux Dioscures, ils sont galement partags, l'un triomphant, sans doute aprs la rpression, l'autre accabl. Quoi qu'il en soit, ce tableau manifeste la conversion d'une partie importante de la population aux croyances paennes des Romains, conversion d'autant plus svre ici qu'elle rend responsable des tragiques vnements de 70 les dieux du panthon grco-romain. Toutefois, il faut aussi tenir compte cette poque de la rencontre entre la partie la plus romanise de la socit gallo-romaine avec certains cultes locaux archaques et prceltiques, comme celui des Mars indignes, ou des divinits fminines tutlaires simples ou multiples. Trajan-Hadrien Le dbut du IIe sicle, la faveur du nouveau libralisme de Trajan et d'Hadrien, voit reparatre certaines traditions indignes, encadres dans le milieu militaire de Germanie : ddicace au Pre Rhin par Oppius Severus, lgat d'Auguste, commandant la VIIIe lgion, victoire de Trajan sur les Daces et les Parthes attribues aux dieux gaulois sur un vase de la Graufesenque. Dans le milieu civil, le renouveau d'hellnisme sous Hadrien favorise le dveloppement de nouvelles images hellniques interprtes pour reprsenter les mythes celtiques : ddu groupe praxitlien d'Herms portant Bacchus Jupiter, assimil la naissance d'Esus sortant du sol, accueilli et protg par Teutats. Reprsentations des Bacchanales associes au sacrifice du cerf, par allusion au mythe d'Esus - Cernunnos. Il n'est pas jusqu' la tragdie d'Orphe, dcapit par les Mnades, et dont la tte roulait au gr des flots, qui n'ait t interprte dans le sens du mythe d'Esus dieu tte5. Enfin, le dcor au repouss d'une jambire militaire dcouverte il y a quelques annes dans la rgion de Haguenau et dpose au Muse de cette ville, est un exemple d'interprtation celtique de mythologie grco-romaine : au-dessus d'Anchise, un motif circulaire voque la roue de Taranis, dans la partie infrieure de la cuirasse d'Ene, l'accolade de Teutats, droite de la tte d'Anchise et au-dessus de l'enfant Ascagne, une corne d'abondance, voquant, la romaine, Esus. C'est l un exemple remarquable d'interpretatio celtica, dans le cadre d'une arme ayant recouvr, sous les Antonins, son quilibre et son efficacit6. Les Svres Au dbut du IIIe sicle, le rgionalisme des Svres, favorables la Gaule en raison mme de l'importance prise par cette province dans l'ascension de Septime Svre au pouvoir, aboutit simultanment l'extension des cultes orientaux, et l'apparition de nouveaux thmes religieux rgionaux hybrides, associant thmes imprieux romains et traditions celtiques. C'est ainsi que le trs bel objet militaire en bronze coul trouv sur le champ de bataille de Koenigshoffen, interprt successivement comme croix de vexillum par R. Forrer et moi-mme, et comme partie d'un cor militaire par les archologues allemands, prsente un dcor composite, comprenant : au-dessus de la douille horizontale, le reste de la reprsentation de Jupiter cavalier foulant aux pieds son cheval un gant anguipde, de chaque ct de cette douille, le torse d'Hercule tenant de la main gauche la massue et de la main droite la pomme des Hesprides ; autour de la douille verticale, trois divinits debout : Mercure, Bacchus, et Diane, surmonts de deux lions. Le groupe suprieur de Jupiter cavalier dominant le gant anguipde drive plus ou moins des reprsentation de monnaies gauloises. partir de la fin du IIe sicle aprs J.-C., Hercule est un Smertrius romanis ; Diane voque Rigani, Mercure Teutats, et Bacchus Esus. Bref l'ensemble de ses figures constitue une vritable interprtation grco-romaine du panthon et des mythes gaulois de l'indpendance. Tout au long du IIIe sicle, le rgionalisme des Svres et leurs tendances orientalisantes favorisent la fois la renaissance celtique et les contacts entre traditions indignes et cultes orientaux : dans les sanctuaires de Mithra de Germanie, les ddicaces Mercure Cissonius et les groupes de Mercure au blier font bon mnage avec les Mithra

    5 HATT, J.J., tome I, chap. IX, p. 232 -234. 6 HATT, J.J., L'Alsace celtique et romaine , Ed. Mars et mercure, Wettolsheim, 1978, p. 100..

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  • sortant du rocher. D'ailleurs, un Esus sortant d'un entrelacs de branchages, sur un tesson de Boucheporn est figur dans la mme attitude et avec les mmes attributs que Mithra Petrogenes. La desse Cyble et le sacrifice des taureaux leur est devenu commun. Les sanctuaires privs ou publics de Mithra s'installent dans les anciens sanctuaires de sources. Est-ce cette poque que le culte du Gnie s'installe et s'tend sur une grande partie de la Gaule ? Il se substitue souvent Esus dans des groupes o il est accompagn de Rigani et de Cernunnos, et qui voque la succession de ses avatars dans le mythe celtique. C'est galement au IIIe sicle qu'appartiennent la plupart des stles quatre dieux de l'Est et du Nord-Est. Certaines d'entre elles, tmoignent simultanment du renouveau des traditions indignes et de la tendance aux figures composites panthistes. La fin du IIIe et le dbut du IVe sicle C'est la fin du IIIe sicle que les empereurs Maximien et Diocltien dressent Blnus une ddicace dans le sanctuaire d'Aquile, manifestant ainsi la reconnaissance officielle du culte de l'Apollon gaulois. C'est au dbut du IVe sicle qu'Ausone, commmorant les professeurs de l'Universit de Bordeaux, nous dvoile un secret important : le repli des druides, aprs la perscution dans les sanctuaires inviolables d'Apollon, centres de la mdecine prophtique et de la divination. C'est de cette faon que devait tre prserv l'essentiel de la tradition druidique sur le plan suprieur du savoir et des traditions du culte indigne. C'est ainsi que le pouvoir romain, en se tournant capital du IVe sicle, semble s'tre tourn d'abord vers les dieux des Celtes, pour faire face aux immenses menaces qui taient en train de submerger le monde romain. C'est au cours de cette poque que s'panouissent les arts populaires locaux, drivnt parfois, comme c'est le cas en Alsace, d'ateliers officiels svriens. Il en rsulte une production de chefs d'uvre nafs, souvent expressifs et harmonieux, en dpit de certaines gaucheries. Certaines des ces crations, comme le Jupiter-Taranis paysan de Strasbourg, paraissent avoir servi, la ronde, de modles. Sa tte a t imite Ehl et dans la rgion de Trves. Le Smertulus du Donon, le Teutats-Nuadu du mme site sont les revenants d'une mythologie toujours vivante7. Une des statues les plus remarquables de la srie est le dieu polyvalent, Mars Taranis de Wingen, dcouvert rcemment associ une desse des eaux figure par une petite Victoire8. Il possde simultanment les attributs de Mars Teutats, l'pe de Jupiter Taranis, l'aigle de Sucellus, un long bton en guise de sceptre. Dans ce sens, il est fidle certaines figures syncrriques du Ve sicle avant J.-C.9 Les Jupiter de Landouzy et du Chtelet tiennent tous deux la roue de Taranis et, pour celui du Chtelet, des esses, signes remontant au dbut du IVe sicle avant J.-C. Sur la base de la statuette de Landouzy, une brve inscription associe IOM - Jupiter Optimus Maximus - les Numina Augustorum, les esprits divins des Augustes, preuve dsormais qu'il existe un rel mtissage entre tradition romaine et religion celtique. Constantin et le labarum Au sommet de ce qu'il faut bien considrer comme une renaissance officielle de la religion gauloise, il faut placer l'adoption par Constantin de l'tendard du labarum. Labarum est un mot celtique qui signifie tonitruant. C'est en 1950 que je fis paratre un article sur l'origine celtique du labarum10. J'avais fait peu auparavant une communication dans ce sens l'Institut, qui avait t accueillie avec beaucoup de rserve. C'est 36 ans plus tard que je devais dcouvrir au Muse de la Civilisation gallo-romaine de Lyon la forme originelle du labarum, figurant sur un sarcophage en marbre du IVe sicle11. On admet ordinairement que Constantin se soit converti au christianisme en 312, Rome. Paradoxalement, c'est un signe majeur de la religion celtique, celui qui exprimait la puissance de Taranis, qui est devenu le premier symbole du Christ. CONCLUSION Si la religion celtique n'a pas t, comme on l'a prtendu, appauvrie par la colonisation romaine, c'est qu'elle a su, tantt en marge, tantt avec l'accord du pouvoir romain, conserver ses traditions, tout en les modulant et les adaptant toutes les formes de la vie, pour les individus comme pour les collectivits. Elle n'a pas t limine, comme on le croit trop souvent ; elle a su s'adapter des conditions nouvelles, en intgrant ses propres traditions religieuses des traditions et des structures mentales, sociales et culturelles plus volues. On doit admettre que l'habitude d'un certain syncrtisme

    7 HATT, J.J., tome I, chap. VI, p. 180, chap. VII, p. 88, chap. IX, p. 212. 8 PETRY, F. 9 HATT, J.J., tome I, chap. VII, p. 180-181. 10 HATT, J.J., dans latomus, 1950, p. 468-476. 11 HATT, J.J., (en collaboration avec A. AUDIN), Problmes d'archologie lyonnaise, dans RAE, 1986, p. 137-139.

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  • remontant aux contacts premiers avec l'hllenisme, a fait partie de la culture mixte gallo-romaine, pour le plus grand bien de la paix et de la prosprit de la province. ECHAPPEE SUR LA PREHISTOIRE, SA LIAISON AVEC L'HISTOIRE Ea vis numini nomen Alcis, propos d'un concept d'origine magdalnienne et de ses nombreuses applications plus tardives. Il s'agit l d'une phrase nominale qui se trouve dans Tacite, Germanie XLIII, et qui n'a jamais t traduite ni comprise de faon satisfaisante ; elle signifie : "la puissance attribue leur divinit (les Dioscures) porte le nom de l'lan". On peroit clairement dans cette phrase la liaison entre les conceptions magdalniennes manifestes par certains rites, tels les dguisements en cerfs ou en bisons de certains prtres et les variantes du culte du cerf dans les religions successives : couronnes de bois de cerf autour des morts au Msolithique Tviec et Hodic, dguisements en cerfs et en biches de certains personnages au Bas-Empire et au haut Moyen Age l'occasion de festivits annuelles. Sans compter la vision de saint Hubert de la croix porte par les bois du cerf ! IMPORTANCE DES TUDES RGIONALES Il reste encore mentionner ici l'une des perspectives majeures de mes recherches : la rgionalisation. En Gaule, nous avons constat que l'volution et le dveloppement des tmoignages religieux n'a pas t uniforme. Certaines rgions, plus que d'autres, ont t la fois des ples de particularisme rgional et des centres de diffusion de cultes archaques, comme celui des Mres : c'est le cas de la partie orientale de la Narbonnaise et de la valle du Rhne, riches en ddicaces aux desses Mres. D'autres ont vu se combiner de fortes influences romaines de nombreuses survivances indignes, c'est le cas notamment de l'Alsace. En Germanie infrieure, aux survivanecs indignes sont associs de forts courants tantt celtisants, tantt germanisants, apports en partie par l'arme. Certaines rgions assez vastes font figure de pilotes pour la conservation des traditions indignes celtiques et pr-celtiques. C'est le cas des rgions constitues par l'ensemble hduen-lingon-senon-biturige du Nord, du groupe des cits mdiomatriques, leuques, triboques, trvires. D'autres associent aux fortes influences celtiques des influences germaniques : les Nmtes et les Vangions, par exemple. D'autres rgions, en vertu de leur situation gographique particulire ont t traverses par les divers courants indignes et romains se croisant dans leurs agglomrations et sur leur sol : la rgion lyonnaise, les cits des Helvtes, des Squanes l'Est ; plus l'Ouest, les Rmes, les Parisii, les cits situes sur la Loire et au Sud-Ouest. La rgion lyonnaise, les cits des Squanes et des Helvtes ont assur le relais des courants venus d'Italie du Nord, du Midi et du Nord-Est. Les cits de l'Ouest et du Sud-Ouest ont jou le mme rle en transmettant les influences venues du Nord-Est et se rpandant vers el Sud-Ouest. L'pine dorsale de ces communications fut la voie joignant Trves Bordeaux par Reims, Sens et Saintes. Quoiqu'il en soit, on constate que partout des enqutes rgionales se dveloppent actuellement dans le cadre des Services Rgionaux de l'Archologie. Elles deviendront l'une des pierres de touche pour valuer les rsultats obtenus dans la recherche sur les cultes religieux dans les Trois Gaules et dans les provinces romaines de Germanie suprieure et infrieure, ainsi que dans la province de Narbonnaise. NOTES 1 De VRIES, J., 1 DUVAL, P.-M., Les dieux de la Gaule, 2e d., Paris, p. 5. 1 HATT, J.J., tome I, ch. III, p. 67 70. 1 HATT, J.J., tome I, p. 109, 136, 137. 1 HATT, J.J., tome I, chap. IX, p. 232 -234. 1 HATT, J.J., L'Alsace celtique et romaine, Ed. Mars et Mercure, Wettolsheim, 1978, p. 100. 1 HATT, J.J., tome I, chap. VI, p. 180, chap. VII, p. 88, chap. IX, p. 212. 1 PETRY, F., Dcouveret rcente d'un relief gallo-romain du IIe sicle Wingen, dans L'Outre-Fort, 1983, fasc. 1, n 41. 1 HATT, J.J., tome I, chap. VII, p. 180-181. 1 HATT, J.J., dans Latomus, 1950, p. 468-476. 1 HATT, J.J., (en collaboration avec A. AUDIN), Problmes d'archologie lyonnaise, dans Revue Archologique de l'Est, 1986, p. 137-139.

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  • QUATRIEME PARTIE (Suite du volume I)

    DIVINITES MASCULINES

    Chapitre I UN DIEU ARCHAQUE, PLURIVALENT ET POLYMORPHE : SUCELLUS - SILVAIN - DISPATER - VULCAIN SUCELLUS ET LE GRAND DIEU CELTIQUE PLURIVALENT ? P. Lambrechts, qui fut le premier aller au fond des choses et orienter sa recherche dans le sens mme des ralits celtiques et gallo-romaines, nous a donn de Sucellus une excellente dfinition : "De tout ce qui prcde, il dcoule ncessairement que le dieu au maillet fut une divinit celtique aux attributions multiples. Divinit protectrice des hommes, des maisons et des fruits, dieu des richesses et de la fcondit, dieu du ciel et du tonnerre, dmon de la mort et Pre de la race gauloise, principe phylactrique invoqu contre le mauvais sort, peut-tre aussi dieu des combats et dieu de la guerre, tel il nous apparat sur les monuments gaulois."12 Toutefois, il ajoute : "Le dieu au maillet a t une des principales formes sous lesquelles s'est manifest le grand dieu national celtique". Dans cette affirmation, nous ne saurions le suivre, car cette notion de grand dieu national des Gaulois est une abstraction qui ne correspond ni l'essence mme du panthon indo-europen et trifonctionnel des Celtes, ni, comme nous l'avons vu, l'volution des milieux provinciaux de la Gaule aux poques protohistoriques et historiques. En effet, nous avons pu prouver que la plurivalence de certains dieux gallo-romains, comme Jupiter ou Mercure, n'tait nullement due une unit originelle, mais des mtissages avec les lments religieux des substrats antrieurs aux Celtes. Il est donc essentiel de considrer d'abord cette divinit dans ses origines et dans son volution au cours de la Protohistoire. ORIGINE HALLSTATTIENNE DE SUCELLUS : SA REPARTITION GEOGRAPHIQUE La rpartition mme des inscriptions mentionnant ce dieu, et des images qui le reprsentent tmoigne de son origine hallstattienne. En effet, Lambrechts crit13 : "Si nous jetons un coup d'oeil sur la carte de dispersion gographique du dieu au, nous voyons que son culte se rpartit en trois groupes : l'embouchure de la Valle du Rhne, le Rhne suprieur et la valle de la Sane, surtout le pays hduen, enfin un troisime groupe, beaucoup moins important, dans le Nord-Est de la Gaule, surtout en pays mdiomatrique. L'on peut affirmer que la rgion du Rhne et de la Sane doit tre considre comme le lieu d'origine du dieu au maillet". Cette rpartition, avec ses deux ples mridional et septentrional : basse valle du Rhne en Provence, Hduens-Lingons-Senons, milite pour une origine hallstattienne de cette divinit. Il est probable que son culte est n dans le cours suprieur de la Loire et le cours moyen de la Sane, dans cette rgion hduenne-lingonne-senonne, dont nos tudes rgionales ont dmontr la personnalit et l'homognit. Ce fut, l'poque hallstattienne (VIIIe-VIe sicle avant J.C.), le principal centre de rpartition des tombes pes des guerriers celtiques, et leur ple de dispersion vers l'Ouest et le Sud de la Gaule. De mme, les rgions montagneuses de la Provence et la rgion du Bas-Rhne ont livr un certain nombre de tombes hallstattiennes anciennes, ainsi que la garrigue languedocienne au Nord de Nmes. D'autre part, cette rgion hduenne-lingonne-senonne devait devenir, comme nous l'avons vu pour le culte de Mars, l'un des principaux creusets o devaient se fondre cultes celtiques et cultes prceltiques de tous les niveaux, encore l'poque romaine. SUCELLUS ET TARANIS, LES MONNAIES GAULOISES P. Lambrechts a soutenu que le dieu au maillet n'tait qu'une variante du dieu du ciel Taranis. Il se fondait, pour l'affirmer, sur le fait que beaucoup de statuettes en bronze du dieu au maillet sont graves d'ornements en forme de S, de cercles points ou irradis qui sont des symboles du dieu sidral. En ralit, les rapports entre Taranis et le dieu au maillet doivent tre envisags dans une perspective englobant la fois la protohistoire et l'poque gallo-romaine.

    12 LAMBRECHTS, P., Contribution l'tude des dieux celtiques, p. 114-115 13 LAMBRECHTS, P. , op. cit. , p. 115

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  • Toutefois, si nous possdons actuellement l'image, datable de la priode hallstattienne, de la divinit fminine celtique Epona assise sur son cheval, figurant sur un fragment de cramique peinte pseudo-ionienne du Pgue14, nous n'avons pas, ou pas encore, de reprsentations hallstattiennes identifiables avec celles d'un dieu au maillet sidral et chtonien. Cependant, son existence mme, ainsi que son alliance, voire mme sa fusion, avec le Jupiter gaulois Taranis, nous est prouve de faon formelle par un certain nombre d'images figurant sur des monnaies gauloises des IIIe et IIe sicles avant J.C. Sur une monnaie attribue aux Unelli15, le maillet de Sucellus apparat, lanc au bout d'un ruban ondul, par le conducteur d'un cheval. Ce dernier domine lui-mme un chaudron, qui est, comme nous le verrons, un attribut probable de Sucellus16. Cette image exprime, au revers d'une monnaie dont l'avers porte une tte humaine stylise, assimilable celle de Taranis, le lancer de la foudre par un auxiliaire du dieu sur la terre, afin d'en obtenir des effets bnfiques, notamment par le jaillissement des sources, consquence directe de la pluie fertilisante. Ailleurs, le signe du maillet est remplac par un pavillon carr dcor d'une croix de Saint-Andr, qui doit tre assimil l'un des signes principaux de Taranis17. De plus, sur les monnaies ALT 6927, 6928 des Unelli, le conducteur porte une maquette de vaisseau, dcore la proue et la poupe, d'une tte de bovid, orne sur son flanc du signe de Teutats en forme de deux esses horizontaux symtriques, et dont le mt se termine en forme de motif trifide (fleur de lis), signe de Rigani. Ces diffrents symboles sont en rapport vident avec Sucellus-Dispater, protecteur, avec la desse souveraine, du voyage maritime des Morts vers le paradis celtique. De plus, le cheval domine un poignard, symbole du Mars prceltique. Que reprsentent ces monnaies, si ce n'est l'identification, ou plutt l'association, de Taranis et de Dispater-Sucellus, dans le mythe du lancer de la foudre sur le sol pour produire les sources, et dans celui de la rsurrection des morts et du voyage maritime vers l'au-del. Le poignard sous le ventre du cheval associe l'ensemble le Mars prceltique. Concernant la fusion partielle de Taranis et de Ditis Pater, le texte des Gloses de Berne est, de son ct, parfaitement explicite18 : Taranis Ditis Pater hoc modo apud los placatur : in alveo ligneo aliquat homines cermantur, Taranis Ditis Pater est apais chez eux de la faon suivante : quelques hommes sont brls dans un mannequin d'osier. TARANIS-DISPATER ET MARS INDIGENE PRECELTIQUE Quelles ont t les raison de l'assimilation de Taranis Dis Pater ? Cette fusion se double d'une identification entre Taranis et Mars indigne prceltique. Ce processus est galement figur sur certaines monnaies gauloises. En effet, sur certaines monnaies des Baocasses, un long poignard "anthropode" apparat sous le ventre du cheval19. Il s'agit l d'un symbole du Mars prceltique. D'autre part, les Gloses de Berne elles mmes font mention d'une union ou d'une fusion partielle entre Taranis et Mars : (credunt Galli) et praesidem bellorum et caelestium deorum maximum Taranin Jovem. "Les Gaulois croient que Taranis Jupiter prside aux guerres et qu'il est le plus grand des dieux". L'assimilation de Taranis Sucellus comme Mars fait partie d'un processus de mtissage du dieu souverain des Celtes avec les divinits qui l'ont prcd, qu'elles soient antrieures aux Celtes, comme le Mars indigne, ou celtique archaque d'origine hallstattienne, dj contamin par la divinit prceltique plurivalente, comme Sucellus. SUCELLUS ET MARS INDIGENE : LES SOURCES Dans quel domaine le dieu Sucellus celtique, l'origine "bon frappeur", c'est--dire dieu du tonnerre et de la foudre ayant pour symbole le maillet, a-t-il rencontr le Mars indigne pour se confondre avec lui ? C'est vraisemblablement par l'intermdiaire du culte des sources, qui, comme l'a bien prouv E. Thvenot, est une des attributions majeures du dieu indigne. MARS INDIGENE ET SUCELLUS SUR LES STELES DU GROUPE HEDUEN Cette assimilation entre Sucellus et le Mars indigne devait se poursuivre ou se renouveler aprs la conqute. En effet, nous avons vu que le groupe hduen, dont la signification initiale consistait dans l'alliance organique entre le 14 LAGRAND, Ch., p. 22, fig. 3) 15 De LA TOUR, Henri, Atlas des monnaies gauloises, pl. XX, 6928 16 HATT, J.J., Tome I, p. 42, fig. 18 c 17 De LA TOUR, Henri, op. cit. , pl. XXI, 6493, Aulerci Diablintes ; pl. XXII, 6654, Osimii ; pl. XXIII, 6829, 6830, 6835, 6852, 6858, 6878, Redones 18 ZWICKER, Fontes historiae religionis Celticae 19 ALT pl. XX, 6927, 6928, 6930

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  • Mars indigne et la Terre Mre, a subi, au cours du Ier sicle, dans certains cas, une volution. Au Mars indigne l'pe, forme initiale datant du dbut du IIe sicle, se substitue d'abord un dieu hybride, tenant la fois une pe de la main droite, et le manche d'un maillet dans la main gauche20. Ultrieurement, au dieu mixte succde un Sucellus ordinaire, tenant simplement de la main gauche un maillet21. L'IMAGE DE DISPATER SUR LE CHAUDRON DE GUNDESTRUP Sur une des plaques extrieures du chaudron de Gundestrup, Dispater, spar de Taranis, apparat sous des traits bien individualiss : sous l'aspect d'un dieu de la Mort et de l'au-del, prsidant au culte des anctres associ celui du foyer22. Il tient de ses deux mains deux monstres ails, corps mi-partie de lzard et de serpent, la tte et aux pattes d'quid. Ces dragons font partie de la faune du passage ; ils menacent d'anantissement les morts dans leur voyage vers le paradis celtique. Sa coiffure est rendue vivante suivant le mme schma que celle d'Esus-Cernunnos, les mches stylises tant divises en deux sries divergentes, spares au milieu par des chevrons. Il ne porte pas de moustache, la diffrence de Taranis, et sa lvre suprieure, comme le haut du menton, est rase. Mais les poils de sa barbe sont groups en forme de spirales juxtaposes et superposes, allusion son alliance avec Taranis, dont la spirale est le signe le plus ancien. Il porte autour du cou le torque, encore un trait commun entre lui et Esus-Cernunnos. Par ces diffrents signes, il se rattache la fois Esus, dieu de la Terre et des Morts, et Taranis, dieu du Ciel matre de la foudre. Ses traits sont rbarbatifs et ses yeux sont affligs d'un strabisme convergent. Devant la base de son buste, au premier plan, est plac un chenet, qui se termine ses deux extrmits par un avant-corps de chien, dont la tte et les pattes passent devant une petite crature humaine levant les bras. C'est l le symbole du culte du Foyer uni celui des Morts, les chiens des chenets n'attaquant pas ces derniers, mais les protgeant. Dispater et les dieux auxiliaires du chaudron de Gundestrup Le Dispater celtique est donc, sur le chaudron de Gundestrup, prsent comme un dieu de la Mort et de l'au-del, protgeant les Morts contre les monstres qui les menacent lors de leur passage travers les eaux suprieures vers le Paradis sidral, prsidant au culte des Morts et du Foyer domestique. De par les signes symboliques qui sont apparents dans sa chevelure et sa barbe, et cause du torque qu'il porte autour du cou, il est simultanment l'alli de deux divinits hostiles et opposes dans le mythe : Taranis et Esus-Cernunnos. Etat du panthon celtique d'aprs les images du chaudron de Gundestrup Nous avons vu23 que, dans leur ensemble, les images du chaudron de Gundestrup tmoignaient d'un souci druidique de retour une certaine forme d'orthodoxie indo-europenne et trifonctionnelle : Taranis tant mis en avant en tant que dieu du Ciel, matre de la foudre, Teutats tant considr comme le dieu de la guerre, jugeant personnellement les guerriers morts de la tribu, Esus-Cernunnos tant prpos la Terre, ses productions et au monde souterrain, domaine des Morts, prsidant leur navigation vers le Paradis celtique au-del des eaux suprieures. Dispater trouve sa place comme auxiliaire d'Esus, pour la scurit des Morts dans leur dernier voyage et le culte familial des anctres. Le Mars indigne aide Taranis dans le maniement de la roue cleste symbolisant la foudre. Un dieu chasseur prceltique, autre divinit secondaire, dompteur des cerfs et matre du gibier, participe au mythe par son intervention dans la chasse du cerf et dans son sacrifice, qu'il agre. A ces trois auxiliaires s'associe un grand dieu mdiateur, Apollon-Grannus-Belenus. L'EVOLUTION DU DIEU AU MAILLET AVANT LA CONQUETE ET PENDANT LA PERIODE GALLO-ROMAINE

    20 ESPERANDIEU, III, 2347 21 ESPERANDIEU, IV, 3441 22 HATT, J.J., tome I, p. 97, fig. 82 23 HATT, J.J., tome I, p. 98-99

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  • Si l'on envisage l'volution du dieu au maillet Dispater-Sucellus, en comparant les images montaires du IIIe-IIe sicle, celles du chaudron de Gundestrup, on observe que cette divinit, aprs avoir t quelque temps allie, voire fondue avec Taranis en mme temps que le Mars indigne, en a t ensuite spare comme ce dernier. Qu'en est-il advenu l'poque gallo-romaine ? L'entit divine plurifonctionnelle, caractrise par le port du maillet, son attribut distinctif, a t assimile, suivant les rgions et les circonstances sociales, religieuses, humaines en vertu du processus de l'interprtation celtique des dieux grco-romains, tantt Silvain, tantt Dispater, tantt, comme nous le verrons, Vulcain. LES INSCRIPTIONS DEDICACES A SUCELLUS CIL XII 1836, Vienne : Deo Sucello Gellia Secunda vslm CIL XIII 5057, Yverdon : Sucello Iradco vslm Keune, Real-Encyklopdie, art. Sucellus, p. 515, Augst : Deo Sucello in honorem domus divinae Silvius Spartus loco dato decreto decurionum CIL XIII 6224, Worms : Deo Sucello et Silvano CIL XIII 6370, Mayence : IOM Sucaelo et genio loci pro salute C. Calpurni Seppiani primi pili legionis XXII primigeniae piae Trophimus actor et canabari ex voto CIL XIII 4542, Sarrebourg : Deo Sucello Nantosvelte Bellausus Masse filius vslm W. 565, Metz-Frescaty : Deo Sucello (bague) R.E. 516, York : Deo Sucello (bague) W. 497, Vichy : Sucellum propitium nobis (mdaillon d'applique) RAE 1989, p. 243-244, Ancey Malain : Deo Sucello aream Resus Torogilli vslm. Ces inscriptions nous fournissent d'importantes donnes concernant le culte de Sucellus. L'inscription de Worms nous prsente l'alliance de Sucellus et de Silvain, dans le territoire des Nmtes o devrait dominer l'identification de Sucellus Dispater. D'autre part, c'est dans la mme rgion que Vosegus, dieu chasseur rgional, est assimil Silvain. En ralit, il y a une proche parent entre Silvain et Sucellus, tous deux prsident aux sources et la fort et protgent le gibier. Leur association est naturelle.

    L'inscription de Mayence, associant ou assimilant Jupiter Sucellus et ddie au gnie du lieu, mane d'un actor, agent subalterne d'administration, en faveur d'un militaire, primipile de la XXIIe lgion. Cette lgion, qui rsida Mayence pendant tout l'Empire, comptait en grand nombre des soldats d'origine rgionale, attachs aux croyances et aux cultes indignes. Le fonctionnaire, Trophimus, d'origine grecque ou orientale, esclave ou affranchi, agissait au nom des canabari, c'est--dire de la collectivit des habitants des faubourgs civils de Mayence. Nous touchons ici le milieu mme o se sont conserves, en Germanie, les traditions gauloises : militaires d'origine indigne, artisans et commerants des canabae, esclaves ou affranchis grecs ou orientaux fraternisant avec ces derniers. La composition de ce milieu explique bien les particularits des cultes indignes en Germanie, aussi bien la conservation des traditions indignes, que la formation de syncrtismes celto-orientaux. L'association ou la fusion de Taranis avec Sucellus-Silvain est tout fait conforme ce que nous ont rvl les monnaies gauloises. En ralit, si Jupiter est parfois tout fait assimil Sucellus, il arrive plus souvent que le couple Jupiter-Sucellus-Silvain ou Vulcain complte l'action sidrale venue d'en haut, par une action sur les sources, venue d'en bas. CIL XII 1025, prs d'Avignon : Silvano familia urbana Atalici Firmani vslm (maillet) - Cavares CIL XII 1097, Saint-Pierre de Bagnol : Silvano deo - Albiques CIL XII 1098, Saint-Saturnin d'Apt : Silvano vslm Sex Diuccius Privatus - Albiques CIL XII 1099, Saint-Saturnin d'Apt : Silvano vslm Servatus - Albiques CIL XII 1102, Saint-Saturnin d'Apt : Valerius Secundius ex iussu (maillet) - Albiques CIL XII 1103, Roussillon : Silvano et Silvane - Albiques CIL XIII1179, Vnasque : Silvano Valerius (maillet et bipenne) - Albiques CIL XII 1225, Orange : Silvano Aug. Paternus Certuli filius vslm - Cavares CIL XII 1333, Vaison : Silvano G. Asicius Silvinus vslm - Voconces CIL XII 1334, Vaison : Attius Sil(vano) (maillet) - Voconces CIL XII 1335, Vaison : Silvano P. Iccius Suarus Veratianus ex iussu (vase, croix) - Voconces

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  • CIL XII 1518, N.D. des Anges Silvan (maillet) - Voconces CIL XII 1521, Aubignosc : Silvano c. Iulius Thallus ex voto - Avantici CIL XII 1526, Montier d'Allemond : Silvano Sex Marius Montanus vslm - Avantici CIL XII 1536, Mont Seleucus : Silvan. D. Roccius Titulus vs - Avantici CIL XIII1571, Die : Silvano Masidia Ingenua - Voconces CIL XII 1834, Vienne : Silvano Aug. Primigenius Victoris servus votum solvit - Allobroges CIL XII 1835, Vienne : Silvano sacrum (maillet) - Allobroges CIL XII 5381, Toulouse : Deo Silvano dom(ino) Becco vslm - Tectosages CIL XII 5960, Narbonne Silvano Aug. sacrum Pompeius Ingenus iussum redidit - Arcomiques CIL XII 3132, Nmes : Deo Silvano et Libero patri et Nemauso xystarchus synodi - Arcomiques Esprandieu n 85, Vitrolles : Silvano Anthillus - Salyens Esprandieu n 86, Mauran : Silvani sibi votum - Salyens Esprandieu n 146, Saint-Rmy : Silvano L. Val. ex voto - Narques Esprandieu n 147, Saint-Rmy : Silvanu L. Val. ex voto - Narques Esprandieu n 148, Saint-Rmy : deo Silvano ... ius Silanus ex voto - Narques Esprandieu n 162, Mnerbes : Deo Selvano soci Sextus Ilulius Belatullus Catulus Marcellinus vslm - Albiques Esprandieu n 163, Apt : D.S. Exuperius ex voto - Albiques Esprandieu n 200, Vaison : Silvano sacrum - Voconces Esprandieu n 224, Montsalier : Silvano sacrum Pefirus - Avantici Esprandieu n 413, Nmes : Silvano V. - Arcomiques Esprandieu n 516, Aigues Mortes : Iovi et Silvano C. Octavius (maillet, pot, serpe, foudre, roue) - Arcomiques W. 21, Saint-Bat : Silvan Amarad v s l m - Convnes W. 22, Saint-Bat : Silvano deo Tauricus Taurini - Convnes W. 23, Saint-Bat : Natalis Martialis et Sintus officinatores cum suis collegis vslm - Convnes En bas-relief, image de Silvain et quatre scnes illustrant la protection du dieu sur les carrires, les forts, les troupeaux. Nous pouvons tirer de cette liste de ddicaces des indications de plusieurs ordres. REPARTITION DES INSCRIPTIONS DANS LES DIVERSES TRIBUS Tribus peu celtises : Albiques 8, Narques 8, Avantici 5, Salyens 2, Verucini 1, Reii 1, Convnes 5 : total 30. Tribus celtises : Voconces 6, Arcomiques 4, Allobroges, Tectosages 1, Helvtes, Cavares 2 : total 16. Nous observons d'abord que la majorit des ddicaces provient de tribus peu celtises, mais o les guerriers hallstattiens du VIIIe-VIIe sicles ont trs probablement pntr. Parmi ces tribus, celles qui ont fourni la plus grande quantit d'inscriptions sont les Narques et les Albiques. Les Narques du Rhne Infrieur ont certainement t au contact des guerriers hallstattiens, ainsi que les Albiques de la rgion d'Apt. C'est dans le territoire de cette dernire rgion que nous avions dj constat la plus forte concentration des Mars indignes. Il est vraisemblable que le dieu au maillet a t, soit alli, soit assimil au Mars indigne dans certains sanctuaires de sources. CARRIERES DE SAINT-BEAT ET DE MNERBES A ces derniers, il faut ajouter les carrires : W. 21, 22, 23. Le processus d'alliance et d'assimilation d'un dieu topique un dieu plus gnralement ador est rendu vident par la srie des ddicaces Eriappe, dans la carrire de Saint-Bat, chez les Convnes. En effet, un dieu topique de la montagne et des rochers fait l'objet dans cette dernire, de la plupart des ddicaces : W. 2 20. Mais trois de celles-ci sont adresses Silvain. L'une d'entre elles mane des officinatores, artisans carriers associs leurs collgues, les deux autres d'indignes portant des noms du cr pour la plupart : Amarad, Tauriscus, fils de Taurinus. Il y a un paralllisme entre les ddicaces des artisans carriers de Saint-Bat, et celle des soci, compagnons de la carrire de Mnerbes. Si Saint-Bat le processus d'assimilation de Silvain Eriappe est vident, dans la srie des inscriptions, il est probable qu' Mnerbes Silvain succde dans la carrire un dieu plus ancien. HISTOIRE DE LA DIFFUSION DU CULTE DE SILVAIN La rpartition du culte de Silvain en Gaule ne correspond donc pas une permanence traditionnelle, mais une diffusion assure d'abord l'poque hallstattienne par l'aristocratie guerrire, confirme ensuite rgionalement par les alles et venues des artisans pour les carrires, des plerins pour les sanctuaires de sources.

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  • Les oracles de Silvain En ce qui concerne ces derniers, il est probable que les formules ex iussu (CIL XII 1335, Vaison) ou iussum redidit (CIL XII 5960 Narbonne) correspondent un oracle donn par la divinit dans un sanctuaire des eaux. Ex iussu signifie suivant l'ordre du dieu, et la phrase maladroite iussum reddidit peut se traduire, s'est rendu l'ordre du dieu. Les deux Silvain La comparaison des deux ddicaces d'Arles (CIL XII 662, 663) dont l'une accompagnait, d'aprs la notice du CIL, la reprsentation purement romaine d'un Silvain vtu d'une peau de chvre et de plus prsidant la vie vgtale et la rcolte des fruits, peut nous clairer sur le processus d'interprtation de la divinit latine. Les deux inscriptions appartiennent des milieux sociaux diffrents. Titus Flavius Severus est un patricien urbain trs romanis. Le fait, toutefois, qu'il croie ncessaire d'ajouter son Silvain, vtu la romaine, l'pithte d'Auguste, tendrait faire croire qu'il le considre comme un dieu indigne. Il nous apporte l'explication d'un fait connu par ailleurs dans l'iconographie de Silvain. Ce dernier, principalement sur les statuettes de bronze, est souvent reprsent la tte et le dos couvert de la peau de loup du Silvain latin, et revtu de la tunique classique, manches courtes24 et parfois de faon plus populaire et plus maladroite, du justaucorps indigne manches longues, serr la taille par une ceinture visible25. Il y a donc deux aspects du Silvain gallo-romain, dont l'un est plus romanis que l'autre : une forme adapte la culture classique de l'aristocratie urbaine, une autre propre aux milieux populaires de la campagne, comme des villes. Sous ce rapport, la ddicace CIL XII 1025, des environs d'Avignon, est particulirement instructive : elle mane de la familia urbana, c'est--dire de la domesticit urbaine d'un riche propritaire, Atalicus Firmanus. La "clientle" de Silvain en Narbonnaise prsente donc un double caractre : elle est la fois rpandue dans la haute socit, sans doute chez les patriciens urbains enrichis qui disposent de domaines viticoles et de riches villas de campagne, et chez les artisans et les esclaves domestiques26. Silvanus dominus En deux inscriptions, CIL XII 1001, N.D. de Beauregard (Narques) et 5381, Toulouse (Arcomiques), Silvanus est appel dominus probablement dans le sens de matre de la vie et de la mort, et plus spcialement des Enfers, comme Serapis, auquel il semble bien que dans le processus de l'orientalisation des dieux indignes, il ait t assimil, en tant que Seigneur des Enfers, l'instar de Dispater, son homologue de Germanie. Silvain-Sucellus et Dionysos Une ddicace remarquable entre toutes, de Nmes (CIL XII 3132 : Deo Silvano et Libero Patri et Nemauso), associe Silvain Liber Pater ; elle mane du xystarchus synodi directeur du stade de la compagnie des athltes, titre hellnique27. Cette charge, dvolue d'minentes personnalits de la cit, se cumulait souvent avec des fonctions de prtrise, ici probablement de prtre de Dionysos-Liber Pater. Nous verrons plus loin que les fonctions de Silvain Sucellus s'tendent, ds la Narbonnaise, la culture de la vigne et la production du vin. Il faut observer d'autre part que le Silvain-Sucellus de Sguret28 tient de la main droite un maillet et, de la gauche, une syrinx, qui le rattache au thiase bacchique. Sur le monument de Javols, Silvain est accompagn de la vigne portant des raisins, de tonneaux, d'instruments du culte de Bacchus. Silvanus et Silvana Silvain, en tant que rprsentant de Sucellus, est accompagn parfois, en Narbonnaise, comme en Gaule et en Germanie, d'une pardre. Cette pardre apparat sous le nom de Silvane, datif de Silvana, sur l'inscription de Roussillon (CIL XII 1103). Silvain et Jupiter 24 ROLLAND, H., Bronzes antiques de Haute-Provence, n 12 25 ROLLAND, H., op. cit., n 13 26 CIL XII 1834, Vienne, Primigenius Victoris servus. 27 Voir Dict. Ant., article xystus 28 ESPERANDIEU, tome I, n 301

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  • Silvain est associ Taranis-Jupiter sur l'inscription Esprandieu, n 516, Esprandieu IX 6849 ou CIL XII 4068 provenant d'Aigues-Mortes. Sur le mme autel ont t sculpts les symboles des deux divinits, maillet, pot, serpe pour Silvain, foudre, roue pour Taranis. Ici, Silvain-Sucellus au maillet est l'auxiliaire de Jupiter-Taranis pour faire jaillir les sources, en frappant la terre de son maillet, en tant que Sucellus, le bon frappeur. Il se charge de la culture de la vigne et de la vinification, en tant qu'mule de Dionysos et, comme nous le verrons, en tant que crateur de la boisson d'immortalit. LES MAILLETS Le maillet de Sucellus-Silvain est reprsent sur le ct de certains autels portant une ddicace : CIL XII 663 (Narques), 1025 (Cavares), 1102 (Albiques), 1334 (Voconces), 1335 (Voconces - croix), 1518 (Voconces), 1835 (Allobroges), Esp. n 535 (Arcomiques). Le maillet ou une srie de maillets figurent beaucoup plus souvent sur des autels anpigraphiques ou portant des figures sculptes : Esprandieu 113, La Fare, buste grossier et, au revers, maillet (Narques) Esprandieu 284, Vaison, CIL XII 1334 (Voconces) Esprandieu 497, Espeyran, grand maillet surmont de quatre petits (Arcomiques) Esprandieu 511, Bagnols et provenance rgionale, cinq petits autels (Arcomiques) Esprandieu 1736, Lyon, sur un autel, olla, sur l'autre, maillet courbe (Sgusiaves) Esprandieu 2076, Bouze, prs de Beaune, tte de maillet en pierre perce d'un trou, dont la partie suprieure est arrondie, inscription NIAS (Hduens) Esprandieu 2645, Nmes (Arcomiques) Esprandieu 2699, Nmes, maillet courbe (Arcomiques) Esprandieu 3385, Dijon, autel sculpt : d'un ct, dieu barbu tenant une urne fluente, puis fidle sacrifiant sur un autel, tandis qu'un autre fidle sacrifie entre deux maillets (Lingons) Esprandieu 3633, rgion de Dijon, tte de maillet en pierre perce d'un trou. Aux deux extrmits, rainure profonde permettant de suspendre l'objet en ex voto (Lingons) Esprandieu 6695, Saint-Rmy, 18 autels, portant chacun un maillet sculpt, sur l'un d'entre eux, un avant-bras et une jambe (Narques) Esprandieu 6702 = CIL XII 663, Arles (Narques) Esprandieu 6771, Vaison (Narques) Esprandieu 6774, Les Granges Adhmar : effigie barbare de Silvain tenant un maillet de la main droite et un couteau de la main gauche. Sur les trois autres faces, deux fois deux maillets, une fois quatre maillets (Tricastins) Esprandieu 6792, Les Fins d'Annecy, maillet manche long entre deux olla (Allobroges) Esprandieu 6849 = Esprandieu n 516, Aigues-Mortes : Jupiter et Silvain, maillet, pot, serpe (Arcomiques) Esprandieu 7450 = CIL XII 1335, Vaison, autel mutil, maillet, vase (Voconces) Esprandieu 7866, Saint-Rmy , autel grossier, maillet et avant-bras, main six doigts (Narques) Esprandieu 7886, Mas de Vintimille, autel grossier ; sur une face, Silvain accompagn d'un chien, sur l'autre, maillet courbe manche court (Narques). Rpartition des maillets seuls Narques 26, Albiques 8, Avantici 4, Salyens 2 Voconces 6, Arcomiques 5, Allobroges 1, Tricastins 1 Lingons 2, Sgusiaves 1, Hduens 1 Peuples peu celtiss de la Narbonnaise : 40. Peuples celtiss : 17. Le maillet, ex voto de sanctuaires de sources Les ttes de maillets en pierre perces et encoches de Bouze (Esprandieu III, 2076), de Dijon (Deyts cat. 13) et Largillire (Deyts n 68) sont des objets votifs destins tre suspendus dans les sanctuaires de sources pour rappeler les offrandes faites Sucellus29. Il est possible de supposer que les membres humains (jambe, avant-bras) figurs sur les stles de Saint-Rmy (Esprandieu 6695 et 7856) ont la mme signification que les parties du corps humain qui figuraient parmi les ex-voto

    29 THEVENOT, E., Maillets en pierre votifs, dans RAE, 1952, p. 100-102

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  • des sanctuaires de sources, comme ceux de la Seine ou de Chamalires. Ils auraient ainsi reprsents le bras et la jambe, atteints d'une maladie et guris par des bains pris dans la source du sanctuaire de Sucellus. Le maillet courbe, outil de tonnelier La forme relativement la plus frquente de la tte du maillet est rectiligne. Toutefois, dans certains cas, elle est courbe. La courbure de la tte du maillet est particulire un instrument d'artisan encore en usage, dans la mesure o il existe des tonneliers fabriquant des tonneaux en bois : c'est un maillet de tonnelier. En effet, la courbure de la tte est indispensable pour serrer les cercles de tonneau, en bois ou en fer, sur les douves. La courbure du maillet apparat Nmes (Esprandieu 2699) et Bouze (Esprandieu 2076). Parmi ces maillets, l'un est pourvu de deux encoches aux extrmits. Ces dernires taient destines permettre aux ouvriers de frapper simultanment en haut du tonneau, la fois sur le disque intrieur et le cercle extrieur, afin de forcer l'un et l'autre pour les mieux fixer. Silvanus-Sucellus nous apparat donc comme le patron des tonneliers, voire mme, comme le patron des viticulteurs, viticulteur lui-mme et vigneron. Il faut comparer cette donne celle qui nous est fournie par l'inscription CIL XII 3132, associant Silvain Liber Pater. Nous verrons plus loin (voir le monument de Javols) que cette association semble bien avoir abouti une vritable fusion, une hybridation entre Sucellus et le dieu de la vigne et du vin. LE SUCELLUS DE VIENNE (ISERE) Groupe de maillets - barillets rayonnants autour d'un barillet central L'acquisition par la Walters Gallery de Baltimore d'une statuette en bronze du dieu au maillet, surmonte d'un groupe de cinq maillets en forme de barillets, rayonnant en demi-cercle autour d'un barillet central, a donn l'occasion Dorothy Kent Hill, conservateur de ce muse, d'tudier en dtail et de publier un ensemble particulirement important pour l'tude des fonctions et du caractre de Sucellus30. Le dieu lui mme est coiff d'une peau de loup, qui recouvre sa tte, ses paules, et la moiti de son dos, en oblique. Les deux pattes antrieures, en haut de la poitrine, fixent cette fourrure qui passe devant l'paule gauche et le bras pour tomber ensuite jusqu'en haut du mollet. Il s'agit bien, d'aprs la forme des pattes et de la tte, d'une peau de loup. Mais le dveloppement de la crinire pourrait faire penser la peau du lion de Nme. Peut-tre faut-il voir ici une sorte d'hybride entre le lion et le loup, plus ou moins monstrueux et mythique, l'image de l'animal combattant le sanglier, qui est reprsent, dans un style celtique expressionniste sur une plaque dcore au repouss faisant partie du dcor intrieur du chaudron de Rynkeby31. Deux autres groupes de maillets-tonnelets, fixs des tiges, rayonnant autour d'un cylindre central sont connus : l'un au Muse des Antiquits Nationales (1.1., p. 212, fig. 5), l'autre au Muse Guimet (1.1., p. 223-224, add. de M. Chassaing). Le cylindre central de ce dernier groupe, ressemblant un maillet consolid ses deux extrmits par des cercles mtalliques, est dcor sur ses flancs de sries de trois feuilles en relief, pareilles des feuilles de laurier. On peut se demander si ces divers groupes de maillets en miniature ne correspondaient pas des ex voto constitus de maillets en vraie grandeur, fixs autour d'une barrique centrale, figurant dans certains sanctuaires du dieu au maillet dans la valle du Rhne. Qu'ils soient inspirs ou non d'ex voto en vraie grandeur, ces groupes de maillets-barillets rayonnant autour d'un tonnelet-maillet central, prsentent un sens symbolique intressant la fois le caractre et les fonctions du dieu. La structure de l'ensemble rappelle une moiti de roue. Elle exprime donc l'alliance, voire mme, comme nous l'avons vu, la fusion partielle et l'hybridation du dieu au maillet avec Taranis. En fait, Sucellus complte, par le jet du maillet frappant la terre pour en faire jaillir la source, l'action de la roue foudroyante lance par Taranis du haut du ciel. D'autre part, et en mme temps, les ttes de ces maillets sont en forme de tonnelet ou de barillet, pour rappeler que Sucellus, s'il est le dieu gnrateur des sources, est aussi le dieu du vin et en gnral des boissons enivrantes : hydromel, cervoise. Ces dernires sont des boissons d'immortalit, offertes aux dfunts par un Sucellus-Dispater qui est le dieu des Morts. En bref, et simultanment, tandis que la demi-roue voque par les cinq rayons et les maillets qui y sont attachs, exprime la nature sidrale du dieu et son troite alliance avec le souverain de la foudre, Taranis, alors que le sceptre sur lequel il s'appuie symbolise son pouvoir sur l'au-del, les tonnelets et les barillets qui le surmontent font

    30 KENT HILL, D. Le dieu au maillet de Vienne la Walters Gallery de Baltimore, 1953, II, p. 206-224 31 HATT, J.J., tome I, p. 74 et 59

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  • allusion au nectar d'immortalit, la fabrication duquel il prside et qu'il offre aux mortels comme aux dfunts dans le gobelet qu'il tient dans sa main droite. Le Sucellus de Vienne En dpit du caractre indigne celtique de ses attributs, le Sucellus de Vienne, de par sa nudit et le caractre acadmique de sa facture, appartient au type le plus romanis. Il contraste nettement avec celui du Muse de Lyon, dont le costume, d'un caractre nettement indigne rgional, consiste dans un justaucorps longues manches, s'arrtant aux genoux, serr la taille par une ceinture de cuir noue32. Cette diffrence drive du caractre relativement complexe de la clientle de cette divinit qui comprenait, ct d'artisans, d'ouvriers et de paysans, des membres du patriciat urbain possdant des proprits la campagne. MONUMENTS CULTUELS DU DIEU AU MAILLET. SCULPTURES SUR PIERRE Nous donnons ici une liste des sculptures reprsentant le dieu au maillet. Nous n'avons pas tenu compte des statuettes en bronze, parce que ces dernires, sauf rares exceptions, ne sont pas attaches un milieu rgional. Cette liste mme ne saurait tre complte et exhaustive. Elle nous permet toutefois d'baucher une rpartition rgionale, et de dterminer les principales caractristiques prsentant une signification religieuse. La rpartition d'ensemble, par cits et par grandes rgions, est la suivante : Narbonnaise, peuples peu celtiss : Narques 3 (compris les deux stles d'Arles CIL XII 662, 663, dj cites dans la liste des ddicaces inscrites). Peuples celtiss : Arcomiques 7, Allobroges 2, Voconces 2, Tricastins 1 = 12. Groupe des Hduens-Lingons-Senons : Hduens 21, Senons 8, Lingons 1 = 30. Divers Gaule : Arvernes 1, Lmovices 1, Sgusiaves 3, Ambarres 1, Squanes 1, Leuques 4, Triboques 1, Mdiomatriques 1, Gabales 1 = 14. Germanie militaire : Mayence 1, Limes 2 = 3. Sont significatives, l'absence ou l'extrme raret des monuments figurs chez les peuples peu celtiss, alors que ces derniers ont fourni une quantit importante de ddicaces et de maillets figurant sur des autels ; la concentration des monuments est importante chez les Hduens. SUCELLUS ET LES MARS INDIGENES PRECELTIQUES Si l'on fait le total des divers tmoignages du culte de Sucellus, inscriptions, maillets, reprsentations figures, on obtient les rsultats suivants : peuples peu celtiss de la Narbonnaise : inscriptions 28, maillets 40, reprsentations 3 = 71. Hduens, Lingons, Senons : inscriptions 0, maillets 30, reprsentations de personnages, etc... 30 = 60. Ce sont donc les peuples les moins celtiss de Narbonnaise, et le groupe des Hduens, Lingons, Senons qui comptent, de beaucoup, le plus grand nombre de tmoignages du culte de Sucellus. Le point commun dans le pass protohistorique de ces deux groupes est la prdominance du culte de Mars prceltique. Le dieu Sucellus ne saurait donc tre considr comme un dieu purement et exclusivement celtique. C'est une divinit hybride, non conforme au systme indo-europen des trois fonctions, qui a t amene l'poque hallstattienne par une aristocratie de guerriers porteurs de l'pe de bronze ou de fer, et dont la civilisation n'tait pas purement celtique. Le dieu Sucellus est donc, ds son origine, une divinit hybride. Il s'est associ certains dieux indignes plus anciens, ou au Mars indigne, dans les sanctuaires. Nous envisagerons maintenant les principaux attributs de Sucellus, pour mieux prciser son caractre et sa fonction. LE MAILLET-SCEPTRE Une grande partie des maillets que tient le dieu est d'une longueur considrable. Leur manche atteint ou dpasse mme la taille du dieu, qui les tient la plupart du temps de la main gauche, s'appuyant sur la hampe, de la mme

    32 REINACH, S., Bronzes figurs, fig. 159

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  • faon que les divinits souveraines du panthon gallo-romain, telles que Junon ou parfois Jupiter, s'appuient sur un sceptre. Nous qualifierons donc ce type de maillet de maillet-sceptre. C'est un signe de souverainet. Il apparat trente fois sur 68 reprsentations, au total : Esp. 53 Marseille, 276 Vaison, 434 Nmes, 435 Saint-Thomas de Couloures, 437 Vacqueyrolles, 509 Les Fumades, 1583 Saint Goussaud, 1621 Gannat, 1734 Lyon, 1839 Autun, 2079 Beaune, 2216 Thory, 2259 Entrains, 4566 Sarrebourg, 4708 Toul, 5277 Besanon, 5563 Oberseebach, 5752 Mayence, 6802 Nmes, 8282 Alise, 8283 Alise, 8739 Capdeuil, 9015 Marmagne, 9059 Les Bolards, 9094 Aluze, 9143 Sens, Esp. Germ. Grnwinkel 641, Rottenburg 695, Marbach Gallia 1972 II, 461-462 Escolives. La rpartition rgionale de ce maillet-sceptre est la suivante : Hduens 8, Arcomiques 6, Senons 3, Sgusiaves 2, Limes 2 = 21. Narques, Voconces, Lmovices, Arvernes, Sgusiaves, Mdiomatriques, Squanes, Triboques, Arsaces 1 chacun = 9. Sur le bas-relief Esp. 434, Nmes, la hampe du maillet-sceptre est entoure d'un serpent. Il convient de comparer cet insigne de souverainet avec l'pithte de dominus (CIL XII 1001, Notre-Dame de Beauregard (Narques) et 5381, Toulouse (Tectosages), qui fait du dieu au maillet un matre. D'autre part, le fait que sur le bas-relief Esp. 435, Saint-Thomas de Couloures, Arcomiques, il soit entour galement d'un serpent nous confirme que cette matrise s'exerce sur les Enfers. Nous avons vu que, pour certaines raisons et notamment en raison de la forme de sa coiffure33, on peut considrer qu' partir d'une certaine poque, probablement le dbut du IIe sicle, Sucellus a t assimil Srapis, qui, l'poque hellnistique, est qualifi de KYPIOC, c'est--dire l'quivalent du latin dominus. Le maillet-sceptre exprime donc la matrise des Enfers. LE CHIEN Le chien accompagne souvent Sucellus sur les stles. Esp. 53 Marseille, 434 Nmes, 435 Saint-Thomas de Couloures, 436 Nmes, 437 Vacqueyrolles (associ un coq), 1733 Lyon, 1734 Lyon, 2034 Grandmont, 2066 Pagny la Ville, 2077 Beaune, 2134 Chalon sur Sane, 2160 Chassey, 2309 Entrains, 2750 Vichy, 2877 Fulvy, 4848 Soulosse, 5563 Oberseebach (cerbre), 9056 Les Bolards, Esp. Germ. Rottenburg, Gallia, 1967, I, p. 71-72, Romans. La rpartition des stles o figure le chien est la suivante : Hduens 6, Arcomiques 4, Sgusiaves 2, Senons 2, Arvernes, Leuques, Triboques, Limes, Allobroges, Narques 1 = 20. Chez les Triboques, le chien une seule tte est remplac par Cerbre, le chien triple tte gardien des Enfers. Cet animal a une signification chtonienne et funraire. Je pense qu'il constituait une dfense, sur le plan psychologique, une sorte d'exorcisme contre la crainte inspire aux fidles devant la mort, par le mythe du monstre carnassier androphage. Le chien, compagnon fidle et amical de l'homme, est aussi compagnon du dieu protecteur des morts, il aide le dfunt travers les espaces dangereux, parsems de prils, o rgnent les monstres dvorants qui le sparent de son dernier sjour. LA STELE D'APINOSUS Apinosus, sur une stle clbre auprs de tous ceux qui se sont penchs sur les croyances gallo-romaines, est accompagn du chien et du coq, ici probablement symbole du rveil aprs la mort. Ce coq figure sur la stle de Vacqueyrolles (Esp. 437). La stle d'Apinosus reprsente un jeune enfant d'une dizaine d'annes, vtu d'un ample manteau, emmitoufl d'un grand cache-nez nou autour de son cou. Il tient de la main droite un maillet courbe de tonnelier au-dessus d'un chien et de la main gauche un pot muni d'un couvercle, l'inverse de Sucellus dont ce sont les attributs. A sa gauche, un coq semble picorer sur le sol. DM Aponisus Ielius est bien une pitaphe et la stle est funraire. Ce jeune enfant est donc reprsent sous l'aspect inverse d'un dieu, Sucellus, le protecteur des morts. Il porte comme lui le maillet et le pot. Il est accompagn comme lui d'un chien et d'un coq. Mais les attributs divins sont pour lui inverss. Comment interprter cette stle exceptionnelle, faisant apparatre une forme particulire d'identification entre le dieu protecteur et le dfunt ? En ralit, il n'a pas t vritablement identifi lui, il en est le reflet. Je pense qu'il s'agit l d'un usage assez courant dans toutes les religions, qui consiste vouer un enfant malade ou handicap une divinit fminine ou masculine, pour appeler sur lui la bienveillance et la protection particulire d'un tre cleste. On peut se demander si la figure de cet enfant, apparamment rendue de faon raliste, n'est pas celle d'un mongolien. Ce garon aurait donc t, ds son enfance, en raison mme de son handicap, vou Sucellus, pour que ce dernier le prenne en charge et le protge. Les mongoliens sont fragiles, et beaucoup meurent prmaturment. Hlas, il aurait succomb, au bout de quelques annes, d'une maladie. Toutefois, sa dvotion au dieu, dans l'esprit de ses parents, devait le protger aprs sa

    33 KENT HILL, D., 1.1, p. 214

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  • mort contre les prils rencontrs dans sa marche vers les demeures de l'au-del. Il faut d'ailleurs remarquer qu'il a t reprsent dans sa tenue d'hiver : pais manteau, long cache-nez, pour le protger contre le froid des rgions inconnues qu'il doit traverser. Cette stle est donc mouvante par la confiance qu'exprime une tendresse afflige, l'gard d'un dieu tutlaire, dans la vie comme dans la mort. L' OLLA Un autre attribut caractristique de Sucellus-Silvain-Dispater est le pot, que les anciens rudits appelaient "olla". Ce terme est trs impropre, car "olla" signifie en latin ou marmite ou urne cinraire. Ce pot est en ralit un vase panse ovode, tout fait typique de la fin de la priode de La Tne, cheval sur la fin de La Tne moyenne et La Tne finale. Ce fait doit tre mis en relief, car il s'agit manifestement d'un archasme et d'une tradition. Ce que le dieu tient dans la main, le plus souvent la main droite, est le gobelet courant de la fin de la priode de l'Indpendance. A vrai dire, ce gobelet traditionnel, de forme ovode petit bord oblique, est parfois remplac par un gobelet ou un verre cylindrique (Esp. 5633, Oberseebach), ou par une coupe (Esp. 8739, Capdeuil), ces deux formes correspondant mieux aux vases boire en usage l'poque des monuments. La preuve que ce gobelet est un objet rituel nous est donne par la prsence de ce vase aux cts du maillet sur les autels (Esp. IX, 6849 Aigues Mortes, 7450 Vaison, 6792 Les Fins d'Annecy). Il s'agit la fois d'un symbole et d'un objet de culte. C'est le gobelet dans lequel est offert au dieu l'eau ou la boisson fermente, vin, hydromel, bire. LE MAILLET COURBE DE TONNELIER Quelques-uns des maillets figurant sur les autels, ou ports par le dieu, prsentent une tte plus ou moins fortement courbe (Esp. VI 4708, Toul, Leuques - dessin d'un relief disparu ; II 1583 Saint Goussaud, Lmovices ; III 2309 Entrains, Senons ; III 2750 Vichy, Arvernes ; IV 3441 Dijon, Lingons ; VI 4566 Sarrebourg, Lmovices ; XIII 8282 Alise, Hduens ; Gallia 1966, p. 386, Les Bolards, Hduens. Nous avons vu plus haut que ces maillets courbes sont des instruments de tonneliers. LE TONNEAU, L'AMPHORE, LE GROS VASE PANSU Il faut noter sur les monuments la prsence de tonneaux, de barillets, d'amphores ou de gros vases pansus. - Tonneaux : Esp. III 2025 Cussy le Chtel, Hduens ; III 2259 Entrains, Senons ; III 2750 Vichy, Arvernes ; IV 2877 Fulvy, Senons ; IX 7114 Alise, Hduens ; XIV 9015 Marmagne, Hduens ; Javols, Gabales. - Amphores : III 2750 Vichy, Arvernes, XV 9143 Sens, Senons. - Vases pansus : IV 3441 Dijon, Lingons ; 4566 Sarrebourg, Mdiomatriques ; Esp. 2134 Chlon sur Sane, Hduens ; Gallia, 1966, p. 306 Les Bolards, Hduens. Il va de soi que le tonneau ou l'amphore est le symbole de la boisson alcoolise qu'ils contiennent. Le vase pansu est plus nigmatique. Je pense que ce genre de rcipient a pu contenir un liquide, mot de bire ou miel dilu en voie de fermentation. Cette supposition s'accorderait avec une des fonctions essentielles du dieu, la prsidence la prparation de boissons fermentes, qui rendraient immortel. Cette fonction a t fortement exprime par H. Hubert, qui a pu se rfrer aux traditions irlandaises34 : "Que le dieu au maillet ou au marteau... soit bien un dieu de la bire, la mythologie des Celtes insulaires nous donne l-dessus pleine satisfaction ... Je compare plus volontiers Sucellus au forgeron divin Goibniu, qui faisait partie des Tuatha D Danann. C'est lui qui prpara pour les dieux le fameux "festin de Goibniu" "fled Goibnenn", festin ou beuverie, car il s'agissait de boire le "deoch", boisson qui rendait immortel. Or cette boisson d'immortalit, c'tait une bire dont regorgeait dans l'autre monde, monde des dieux et des mes, un chaudron merveilleux, objet de convoitises de tous les grands hros". Nous retrouvons ici le chaudron des monnaies gauloises, au-dessus duquel caracole le cheval divin, tandis que devant lui le conducteur lance le maillet au bout d'un trait ondul35. Nous avons vu que cette monnaie illustrait l'alliance et la fusion partielle entre Taranis et Sucellus, conformment aux Gloses de Berne. Ce chaudron a pu servir la cuisson du mot de bire avant la fermentation. C'tait le chaudron mythique o se prparait la boisson d'immortalit. LE SUCELLUS-SILVAIN-LIBER PATER DE JAVOLS

    34 HUBERT, H., Nantosvelta, desse la ruche.., dans Mlanges Cagnat, p. 290 35 ALT, pl. XX, n 6931

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  • La statue de Javols a fait l'objet de deux articles remarquables, l'un de J.C. Bat36, l'autre de J.M. Paill37. Elle reprsente un dieu hybride, la fois Silvain-Sucellus et Bacchus : Sucellus, par son costume indigne, justaucorps et ceinture de cuir38, longues gutres, pieds chausss de sandales ; pour Bacchus, ample manteau, coiffure complique prsentant un aspect rituel. L'entourage du dieu est galement complexe et comporte deux sries d'objets symboliques : urne, pot, arbre, chien ou panthre, billot, deux tonneaux superposs, corne d'abondance, petite amphore. Je pense d'autre part que la forme de l'arrachement sur le justaucorps suggre la prsence d'une seconde cornucopie, porte par le dieu sur sa poitrine et sur le haut de la cuisse gauche. Au revers de la statue, sa base, deux pedum superposs, une scie, un flagellum, un couteau de sacrifice, un porte-foret dominant une hache-marteau reposant sur son manche courbe et lgrement recourb. Dans l'ensemble, il y a peu prs part gale entre les instruments du culte bacchique et les outils artisanaux de tonnelier. Il faut rapprocher cet ensemble de l'inscription CIL XII 3132, Nmes, manant d'un "xystarchus", fonctionnaire hellnis charg de l'entretien du stade, ddie Silvain, Liber Pater et au dieu ponyme de Nmes, Nemausus. Quelle est la nature de la liaison ventuelle entre corporation artisanale de Javols et collectivit du culte bacchique de Nmes ? Les uns fabriquaient des tonneaux, les autres taient viticulteurs et ngociants en vin. Les tonneaux taient utiliss pour la conservation et le transport du vin. La clef du problme nous a paru rsider dans une ralit conomique. Les intrts financiers complmentaires entre les viticulteurs et marchands de vin, runis en thiase Nmes, les tonneliers de Javols, runis en une corporation artisanale, se manifestent dans une dvotion commune un dieu hybride, la fois Silvain, Liber Pater et Sucellus. Liber Pater est l'quivalent romain du Bacchus hellnique. Silvain est en Narbonnaise la forme la plus courante du Sucellus celtique. Pour un seul Sucellus (CIL XII 1836, Vienne), on compte 41 Silvain. D'autre part, une parent possible du Silvain-Sucellus de Javols avec le Jupiter Taranis des Gallo-romains a t voque, je pense juste titre, par J.M. Paill ; elle s'autoriserait des rapprochements anciens que nous avons signals, tant dans les Gloses de Berne, que sur les monnaies gauloises39. Toutefois, en Narbonnaise, l'poque gallo-romaine, je pense qu'il ne peut s'agir d'une identification, mme partielle, mais plutt d'une association fonctionnelle, bien atteste par le monument de Psalmodi au Muse de Nmes (Esp. 463, Recueil III 6849), associant intimement, sur la ddicace, Silvain Jupiter et sur les reliefs, les symboles de Sucellus-Silvain : pot, serpe, maillet, avec ceux de Jupiter-Taranis : foudre, roue, aigle. SUCELLUS ET VULCAIN Dj S. Reinach et H. Hubert avaient not les ressemblances qui existaient entre certaines statuettes de Vulcain et celles de Sucellus40. Nous avons not que certaines figures de Vulcain paraissaient reprsenter Sucellus. Dj sur le pilier des Nautes de Paris (Esp. 3132 et p. 213), le Vulcain associ Jupiter porte le mme pileus, orn au sommet d'un bouton, qui couvre la tte de Castor, et qui est spcifique aux dieux et hros sidraux. D'autre part, ce qui tait conserv de son maillet a permis, en le compltant, de reconstituer un maillet courbe. Cette forme de maillet est trangre au mtier de forgeron, qui est celui du Vulcain classique. Nous aurions donc affaire, sur ce monument tibrien, dj un Vulcain-Sucellus. C'est galement le cas du Vulcain qui figure sur une stle rcemment dcouverte Escolives41. Ce Vulcain est associ une Vnus anadyomne, la Fortune et Hercule. Il est vtu, comme Vulcain, d'une exomide, courte tunique attache sur l'paule gauche seulement, et laissant nu les trois quarts du torse. Il s'appuie de la main gauche sur un sceptre termin par un motif trifide. Il pose la main droite sur un maillet dont le manche mi-long repose sur le sol. Il est la fois Vulcain et Sucellus, cette dernire attribution tant confirme par son alliance avec Hercule Smertulus, son compagnon, librateur des eaux, et Vnus, desse des sources, qui rpond la nature mme du sanctuaire d'Escolives. D'autre part, nous avons dj remarqu42 que l'une des figures de Vulcain, de Vienne en Val, associe un Jupiter-Taranis dominant un petit personnage, Mars et Vnus accompagne de l'amour, pouvait tre assimil Sucellus. Il tient de la main droite une lance et de la main gauche une tenaille, et pose le pied sur une proue de navire43. Sur une autre stle44, Vulcain apparat nu, les jambes partiellement drapes, tenant la pince de la main droite et de la main gauche un grand flambeau. A sa droite, un marteau pos sur une enclume. Ce Vulcain est associ, sa droite,

    36 BEAT, J.C. et PEYRE, P., dans Revue archologique de Narbonnaise, 1987-1988, p. 349-368 37 PAILLE, J.M., dans Revue archologique de Narbonnaise, 1989-1990, p. 395-401 38 REINACH, S., Bronzes figurs, p. 170, 172, 173, 174, 184 39 HATT, J.J., tome I, p. 30 et 43, p. 42, 18 c 40 HUBERT, H., 1.1, p. 297, note 2 41 L'art de la Bourgogne romaine, Catalogue d'exposition, Muse Archologique de Dijon, 1973, pl. LIV, n 199) 42 HATT, J.J., tome I, p. 141, fig. 134 43 DEBAL, J., Vienne en Val, Loiret, divinits et sanctuaires, dans Bulletin de la Socit Archologique et Historique de l'Orlanais, 1973, n 42, p. 16 44 HATT, J.J., tome I, chapitre VI, fig. 137, p. 143

    Jean Jacques hatt Mythes et dieux de la Gaule, tome II23

  • une Abondance, sa gauche la Valeur militaire (Virtus) et Mars. Je me demande si ce groupe ne prsente pas deux interprtations possibles : sur un plan strictement romain, une allgorie qui signifierait : "l'industrie et l'agriculture protges par la valeur militaire de l'arme romaine". Ce serait sans doute l le sens conforme aux ides romaines. Toutefois, il n'est pas impossible, si l'on compare ce groupe celui de Paris Saint-Landry45 mettant en scne une desse la torche entre Mars et Vulcain, ou aux deux scnes figurant sur le pilier de Mavilly46, reprsentant d'une part au registre suprieur Vulcain et Vnus, au registre infrieur Mars-Esus e