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Groupements autonomes de personnes : la CJUE balise les (nouvelles) lignes à suivreYves Bernaerts, conseil fiscal, chargé de cours à l’EPHEC (spécialisation en sciences fiscales)

1. Le régime applicable en bref

Le groupement autonome de personnes, mécanisme utilisé, quoique de manière disparate dans la majorité des Etats membres, est basé sur l’exonération au sens de l’article 13, A, paragraphe 1er, sous f) de la 6ème Directive 77/388/CEE (actuellement, article 132, paragraphe 1, f) de la Directive 2006/112/CE, ci-après la Directive TVA). Le fondement de ce régime se trouve à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA : « Les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ».

Une exonération de TVA est une dispense conditionnelle de paiement : il faut que des conditions précises soient réunies pour en bénéficier.

L’avocat général Jean Mischo a explicité clairement ceci dans ses conclusions sous l’arrêt Taksatorringen Assurandør-Societetet : « On ne peut parler à juste titre d'exonération fiscale qu'en présence d'un fait antérieurement assujetti à l'impôt. En tant que notion, l'exonération présuppose une obligation initiale de payer l'impôt à l'égard de laquelle le législateur accorde, pour différentes raisons, une dispense de paiement. Il s'agit donc d'un bénéfice qui doit obligatoirement être expressément prévu dans la loi pour aboutir à la dispense du devoir de payer l'impôt. Avant de vérifier si une opération déterminée satisfait aux conditions pour bénéficier de l'exonération, il convient de vérifier qu'elle entre dans le champ d'application de l'impôt. » 1.

Au sujet du mode de fonctionnement, la CJUE a rappelé que les termes employés pour désigner les exonérations de TVA visées à l’article 132 de la directive TVA doivent être interprétés strictement puisque ces exonérations constituent des 1 CJUE, conclusions de l’avocat général Jean Mischo, présentées le 3 octobre 2002, Taksatorringen, Assurandør-Societetet, affaire C-08/01, note de bas de page 15 – L’arrêt Taksatorringen du 20 novembre 2003 a précisément trait à l’article 13, A, paragraphe 1, sous f), de la 6ème Directive devenu l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

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exceptions au principe général selon lequel chaque service fourni à titre onéreux par un assujetti est soumis à cette taxe 2.

La CJUE précise encore que l’interprétation de ces termes doit être conforme aux objectifs poursuivis par lesdites exonérations et respecter les exigences du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de TVA 3.

Ainsi, cette règle d’interprétation stricte ne signifie pas que les termes utilisés pour définir les exonérations visées audit article 132 doivent être interprétés d’une manière qui priverait celles-ci de leurs effets. La jurisprudence de la CJUE n’a pas pour objectif d’imposer une interprétation qui rendrait les exonérations visées quasi inapplicables dans la pratique 4.

En Belgique, la loi du 26 mai 2016 a eu pour but de reformer le régime relatif aux groupements autonomes.

Les corrections apportées au régime belge avaient pour origine les doutes exprimés par la Commission européenne quant à la compatibilité des dispositions règlementaires et administratives applicables avant le 1er juillet 2016 en Belgique avec le mode de fonctionnement basé sur l’article 132, paragraphe 1er, sous f) de la Directive TVA.

Les dispositions règlementaires et administratives applicables avant le 1er juillet 2016 en Belgique ouvraient la porte à bien des interrogations et controverses 5.

Un article 44, § 2bis, nouveau, a été inséré dans le Code de la TVA en vue d’une meilleure transposition de l’article 132, paragraphe 1er, sous f) de la Directive TVA.

Cet article est libellé comme suit :

2 Voir en ce sens, inter alia, CJUE, arrêt Feltgen et Bacino Charter Company, 22 décembre 2010, affaire C-116/10 ; arrêt Able UK, 26 avril 2012, affaire C-225/11 ; arrêt Commission/France, 21 mars 2013, affaire -197/12 ; arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15.3 Voir, notamment, CJUE, arrêts Zimmermann, 15 novembre 2012, C-174/11, point 22 et Mapfre asistencia et Mapfre warranty, 16 juillet 2015, C-584/13 , point 26.4 Voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 11 décembre 2008, Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, C-407/07, point 30 et Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 50.5 Pour plus de détails sur le régime applicable en Belgique avant le 1er juillet 2016, se référer à la circulaire 3/1996 ; voir aussi F. Libert, « Les associations de frais – Aspects TVA », R.G.F., 1997, p. 304 ; K. Vyncke, « Cost sharing associations as an alternative to VAT Grouping in Belgium », International VAT Monitor, 2006, p. 339 ; voir, encore, dans une optique transfrontalière, Y. Bernaerts, « Unité́ TVA et groupement autonome de personnes – des instruments performants et/ou controversés ? », J.D.F., nos 7-8, 2007, p. 193.

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« Sont exemptées de la taxe, les prestations de services fournies à leurs membres par les groupements auto- nomes de personnes dans les conditions suivantes :

1° les membres du groupement exercent de manière habituelle une activité qui est exemptée en vertu du présent article ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti. Les opérations exemptées ou les opérations pour lesquelles les membres n’ont pas la qualité d’assujetti représentent une part prépondérante de l’activité des membres ;

2° les activités du groupement consistent à fournir à ses membres des prestations de services qui sont directement nécessaires à leur activité exemptée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti. Lorsque le groupement fournit également des opérations à des non-membres, les opérations fournies aux membres représentent une part prépondérante de l’activité du groupement ;

3° l’indemnité ou la rétribution portée en compte à chaque membre ne représente que le remboursement de sa part dans les dépenses engagées en commun par le groupement ;

4° l’exemption ne conduit pas à une distorsion de concurrence.

Par “groupement autonome de personnes”, on entend pour l’application du présent paragraphe :

1° l’association possédant la personnalité juridique ;

2° l’association sans personnalité juridique qui agit sous une dénomination propre, en tant qu’association ou groupement distinct, à l’égard de ses membres et des tiers.

Lors du commencement de son activité, le groupement autonome de personnes qui fournit exclusivement des prestations de services qui sont exemptées ou pour laquelle il n’a pas la qualité d’assujetti, est tenu d’en faire la déclaration auprès de l’office de contrôle en charge de la taxe sur la valeur ajoutée dont il relève dans le mois qui suit le commencement de cette activité. Ce groupement est tenu, en outre, de communiquer, dans le même délai, à cet office la liste de ses membres ainsi que la nature de leur activité. En cas d’adhésion ou de retrait d’un membre, de modification de l’activité du groupement ou de l’un de ses membres ou de cessation d ’activité, le groupement est tenu d ’en informer l’office précité dans le mois qui suit les faits précités.

Tout groupement autonome autre que celui visé à l’alinéa 3, est également tenu de communiquer à l’office de contrôle en charge de la taxe sur la valeur ajoutée

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dont il relève, dans le mois qui suit le commencement de son activité, la liste de ses membres ainsi que la nature de leur activité. Il est tenu, en outre, d’informer l’office précité de toute adhésion ou retrait d’un membre ou modification de l’activité de l’un de ses membres dans le mois qui suit les faits précités.

Un groupement autonome de personnes qui, au 1er juillet 2016, exerce déjà une activité visée à l’alinéa 1er, est tenu d’en informer l’office de contrôle en charge de la taxe sur la valeur ajoutée dont il relève dans le mois à compter de cette date et de respecter toutes les obligations prévues en la matière parmi lesquelles les obligations d’information concernant les membres.

Le Roi détermine les formalités pratiques à accomplir en ce qui concerne le commencement, le changement et la cessation d’activité du groupement autonome de personnes ainsi que les obligations d’information relatives aux membres. ».

Le régime du GAP est donc utilisé, à l’heure actuelle, dans des secteurs tels que, par exemple, le secteur médical et hospitalier, le secteur des mutualités et le secteur bancaire sans oublier le secteur public et celui des assurances.

Le champ d’application matériel de l’exonération apparait donc très large, du moins selon la transposition que la plupart des Etats membres avaient fait de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. La CJUE a toutefois mis fin à cette conception large dans 3 arrêts prononcés le 21 septembre 2017 6 (voir le commentaire à ce sujet au point 8 ci-après).

Pour plus de détails au sujet du régime applicable à partir du 1er juillet 2016 en Belgique, il est utile de se référer à la circulaire AGFisc n° 31/2016 (n° E.T.127.540) du 12 décembre 2016 (lire aussi un commentaire de la loi du 26 mai 2016 dans un contexte historique et transfrontalier dans la RGFCP 2016/6 7 ).

2. Le mode de fonctionnement

Selon la CJUE, la finalité de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA est d’éviter que « la personne qui offre certains services soit soumise au paiement de la taxe alors qu’elle a été amenée à collaborer avec d’autres professionnels à travers une structure commune prenant en charge des activités nécessaires à l’accomplissement desdits services » 8.

6 CJUE, arrêts du 21 septembre 2017, affaires C-326/17 (DNB Banka), C-605/17 (Aviva) et C-616/15 (Commission/Allemagne).7 Y. Bernaerts, « Groupements autonomes de personnes et TVA - Un état de nitescence après l’incognito ? » Revue Générale de Fiscalité et de comptabilité pratique, Wolters Kluwer, juin 2016, n° 6.8 CJUE, arrêt du 11 décembre 2008, Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, C-404/07, point 37.

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Il s’agit donc d’un mode de mutualisation des coûts.

Le schéma suivant introduit le mode de fonctionnement des groupements autonomes de personnes 9.

L’entité distributrice est souvent désignée comme le « groupement » tandis que l’abréviation « GAP » est également utilisée ci-après pour désigner un groupement autonome de personnes (le « groupement » et ses membres).

3. L’exonération conditionnelle des flux sortants

Pour la CJUE, selon le libellé de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, sont exonérées, sous certaines conditions, les prestations de services effectuées par des groupements autonomes « de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti », en vue de rendre à leurs membres les services « directement nécessaires à l’exercice de cette activité ». Partant, il résulte de son libellé que cette disposition ne prévoit pas d’exonération pour des prestations de services qui ne sont pas directement nécessaires à l’exercice des activités exonérées des membres d’un groupement ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti 10.

9 Y. Bernaerts, « Groupements autonomes de personnes au Grand-Duché de Luxembourg : premier coup de semonce », Actualités fiscales, n° 29, septembre 2017, Kluwer, p. 1 et seq.10 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 51.

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Si des prestations sont facturées à un membre qui ne les destinent pas à une activité exonérée ou hors champ d’application de la TVA, cette prestation doit être taxée par application du régime général de la TVA en vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA.

Les membres peuvent être des assujettis mixtes ou des assujettis partiels.

La CJUE confirme que l’application de l’exonération de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne se limite pas aux groupements dont les membres exercent exclusivement une activité exonérée ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti 11.

En clair, les membres peuvent avoir plusieurs activités sans pour autant mettre en danger l’exonération dont ils bénéficient.

Ainsi, les services rendus par un groupement dont les membres exercent également des activités imposables peuvent bénéficier de cette exonération, mais seulement dans la mesure où ces services sont directement nécessaires pour les activités exonérées desdits membres ou pour lesquelles ils n’ont pas la qualité d’assujetti 12.

Ce point est particulièrement important en ce sens que la CJUE impose une condition de destination sans exiger que l’activité exonérée ou hors champ soit prépondérante, contrairement à ce qui est prévu en Belgique dans la législation applicable à partir du 1er juillet 2016.

En effet, l’article 44, § 2bis, alinéa 1er, 1°, du Code de la TVA prévoit : « les membres du groupement exercent de manière habituelle une activité qui est exemptée en vertu de cet article ou pour laquelle ils n’ont pas la qualité d’assujetti. Les opérations exemptées ou les opérations pour lesquelles les membres n’ont pas la qualité d’assujetti, représentent une part prépondérante de l’activité des membres » (je souligne).

La circulaire administrative explicite et amplifie cette condition supplémentaire qui ne ressort pas de la Directive TVA 13 : selon l’administration, le groupement autonome doit s’assurer que la condition concernant la qualité et l’activité des membres est remplie. En effet, il est responsable de l’exacte application de l’exemption relative aux prestations de services qu’il fournit à ses membres.

Ainsi, la circulaire AGFisc n° 31/2016 (n° E.T.127.540) du 12 décembre 2016 prévoit que le montant total, calculé par année civile, des opérations d'un 11 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 53.12 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 53.13 Voir circulaire AGFisc n° 31/2016 (n° E.T.127.540) du 12 décembre 2016.

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membre qui, conformément à l'article 45, § 1er, 1° à 3°, du Code de la TVA, ouvrent droit à déduction, doit s’élever à moins de 50 % de son chiffre d’affaires total. Ceci est évalué à la fin de l’année civile et est calculé par membre.

Le calcul du seuil précité est effectué sur la base de la fraction suivante 14 :

- Numérateur : montant total, déterminé par année civile, des opérations qui, conformément à l'article 45, § 1er, 1° à 3°, du Code de la TVA, ouvrent droit à déduction.

- Dénominateur : le chiffre d'affaires total qui comporte la somme des éléments suivants :

– le montant total, déterminé par année civile, des opérations qui, conformément à l'article 45, § 1er, 1° à 3°, du Code de la TVA, ouvrent droit à déduction (à savoir, le montant du numérateur);

– le montant total, déterminé par année civile, des opérations taxables qui n'ouvrent aucun droit à déduction (par exemple, les opérations qui sont exemptées conformément à l'article 44, du Code de la TVA);

– les recettes, autres que celles visées ci-avant, qui sont directement imputables à une activité concrète du membre (même si cette activité tombe en dehors du champ d'application de la TVA).

La circulaire précise encore que les subventions générales de fonctionnement qui ne sont pas directement imputables à une activité concrète d'un membre (par exemple, les subsides de fonctionnement qu'un membre reçoit pour couvrir ses frais de fonctionnement généraux) ne sont pas reprises dans la fraction. Les rétributions reçues par une autorité qui sont directement imputables à une activité concrète doivent toutefois être reprises dans la fraction (par exemple : la rétribution pour les emplacements sur le marché public ou pour les parkings sur la voie publique, etc.).

Il en est de même des dividendes qui sont repris au dénominateur de la fraction vu qu'ils sont directement imputables à une activité concrète d'un membre, notamment l'investissement en actions.

Pour le calcul du chiffre d'affaires, il n'est cependant pas tenu compte du produit de la cession de biens d'investissement qui ont été utilisés par le membre pour son activité.

14 Voir circulaire AGFisc n° 31/2016 (n° E.T.127.540) du 12 décembre 2016, point 23.

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Lorsque le résultat de la fraction s’élève à 50 % ou plus, le membre ne peut plus en principe être considéré comme membre du groupement autonome 15 .

Sur base de la jurisprudence de la CJUE, il est permis de s’interroger : le régime applicable en Belgique n’impose-t-il pas une condition supplémentaire ?

4. Qualité du groupement

Le groupement doit être un assujetti distinct de ces membres. La vocation du groupement est de fournir à ses membres des prestations spécifiques intuitu personae. En ce sens, cet assujetti est une « tête analytique », une entité distributrice qui chapeaute ses membres 16.

Ceci a maintenant été confirmé explicitement par la CJUE : le groupement est un assujetti à part entière, distinct de ses membres 17.

Pour la CJUE, le groupement est, par définition, autonome. Il effectue dès lors ses prestations de services d’une façon indépendante, au sens de l’article 9 de la directive TVA.

A ce niveau, la CJUE nous fournit une démonstration ex absurdo de l’indépendance du groupement par rapport à ses membres : « si les services prestés par le GAP n’étaient pas des services prestés par un assujetti agissant en tant que tel, ces services ne seraient pas soumis à la TVA, conformément à l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive 2006/112. Ces services ne seraient dès lors pas susceptibles de faire l’objet d’une exonération, telle que celle visée à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de cette directive, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 50 de ses conclusions. » 18.

La CJUE s’est inspiré des conclusions de son avocat général. Selon l'avocat général Julianne Kokott, puisque « l’exonération n’est ainsi applicable qu’aux services fournis par le groupement lui-même, celui-ci doit avoir la qualité d’assujetti au regard de l’article 9 de la directive TVA. Dans le cas contraire, il n’existerait, selon l’article 2, paragraphe 1, sous c), de la directive TVA, aucun service taxable du groupement qui soit susceptible d’être exonéré. Sont en effet

15 Voir circulaire AGFisc n° 31/2016 (n° E.T.127.540) du 12 décembre 2016, point 24.16 Y. Bernaerts, « Groupements autonomes de personnes et TVA - Un état de nitescence après l’incognito ? » Revue Générale de Fiscalité et de comptabilité pratique, Wolters Kluwer, juin 2016, n° 6, p. 7.17 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 61.18 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 61.

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taxables, en vertu de cette disposition, uniquement les services effectuées « par un assujetti agissant en tant que tel » » 19.

5. Le groupement peut aussi effectuer des prestations taxées

Un groupement peut parfaitement effectuer des prestations de services taxées sans pour autant mettre en péril l’exonération des services qu’il rend à ses membres.

Dès lors qu’un groupement fournit des prestations qui ne sont pas exonérées, il y a lieu de relever que ledit groupement est donc un assujetti mixte et bénéficie à titre personnel d’un droit à déduction de la TVA ayant grevé des opérations en amont 20.

La souplesse de fonctionnement du régime à ce niveau avait été clairement mise en exergue et résumée dans les conclusions de l’avocat général Julianne Kokott dans l’affaire C-274/15 : « Si, en revanche, le groupement fournit des services pour l’activité taxée de ses membres, alors ces services ne sont pas exonérés selon l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. Dans ce dernier cas de figure, le groupement bénéficie donc, selon l’article 168, sous a), de la directive TVA, d’un droit à déduction au regard des prestations qu’il a reçues en amont, autant que les membres au regard des services reçus du groupement. » 21 .

6. Le groupement doit être organisé analytiquement

Etant donné que ses membres peuvent aussi être des assujettis mixtes ou des assujettis partiels, il est impératif, pour préserver le bien-fondé de l’exonération, que le groupement puisse situer l’affectation finale des services qu’il facture à ses membres.

La connaissance de l’affectation est donc une condition sine qua non.

Indubitablement, la comptabilité d’un groupement autonome de personnes doit présenter une dimension analytique 22.

19 Conclusions de l'avocat général Julianne Kokott présentées le 6 octobre 2016, Commission européenne contre Grand-Duché de Luxembourg, affaire C-274/15, point 50.20 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 66.21 Conclusions de l'avocat général présentées le 6 octobre 2016, Commission européenne contre Grand-Duché de Luxembourg, affaire C-274/15, point 55.22 Voir en ce sens, CJCE, arrêt Stichting Centraal Begeleidingsorgaan voor de Intercollegiale Toetsing, précité, point 38.

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Bien entendu, dès que l’affectation est connue, le groupement effectue une répartition selon les besoins spécifiques de chacun des membres.

La facturation analytique est aussi intuitu personae 23.Le schéma ci-après visualise la répartition (des dépenses spécifiquement nécessaires) selon une refacturation analytique intuitu personae vers les membres qui doit s‘opérer en exonération de TVA 24.

7. La taxation des flux entrants

Par son arrêt du 4 mai 2017, la CJUE a mis fin à une pratique fiscale qui a (avait) cours au Grand-Duché de Luxembourg, en France et en Belgique 25, à savoir la possibilité de mettre en commun des dépenses sans porter de TVA en compte. En clair, il s’agit (s’agissait) de permettre aux membres de facturer au groupement sans TVA l’affectation de ressources aux membres. En d’autres termes, la facturation des flux entrants (des membres vers le groupement) pourraient aussi avoir lieu sans TVA (voir, a contrario, le schéma au point 2 ci-avant).

Puisque l’exonération ne peut concerner que les flux sortants, quelle avait été la justification de la non-taxation des flux entrants ?23 Voir Yves Bernaerts, « Groupes de société et TVA – Réflexions et observations sur quelques-unes des opportunités/afflictions fiscales liées à l’esprit du temps », R.G.F. 2013/6, point 5.2.2.24 Voir Yves Bernaerts, « Groupes de société et TVA – Réflexions et observations sur quelques-unes des opportunités/afflictions fiscales liées à l’esprit du temps », R.G.F. 2013/6, point 5.2.2.25 Pour la Belgique, principalement dans le régime applicable avant le 1er juillet 2016.

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Le Grand-Duché de Luxembourg avait (vainement) tenté de « motiver » l’absence e taxation des flux entrants dans une note du CObMA 26 . Selon les rédacteurs de cette note, des groupements pourraient n’agir qu’à travers leurs membres gérants et ne représentent pas nécessairement un assujetti distinct de ceux-ci. A l’appui de cette motivation, les rédacteurs de la note renvoyait à l’arrêt EDM de la CJUE 27.

En d’autres termes, la relation entre les membres d’un groupement et ce dernier pourrait, en fonction des stipulations contractuelles mises en place, être analogue à celle des membres d’un consortium, tel que l’a jugé la CJUE dans l’arrêt du 29 avril 2004.

Cette défense du Grand-Duché de Luxembourg a été sévèrement écartée par la CJUE.

En effet, dans son arrêt du 4 mai 2017, la CJUE a considéré que « le GAP est un assujetti à part entière, distinct de ses membres, lesquels sont également des assujettis. Partant, les opérations entre le GAP, qui agit de façon autonome, et l’un de ses membres sont à considérer comme des opérations entre deux assujettis qui relèvent du champ d’application de la TVA » 28.

En conséquence, la CJUE constate que l’affectation au GAP, par l’un de ses membres, de dépenses engagées par ce membre en son nom mais pour le compte du GAP est une opération qui relève du champ d’application de la TVA 29.

L’analogie invoquée par le Grand-Duché de Luxembourg avec l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 avril 2004, EDM doit aussi être écartée. En effet, contrairement au consortium en cause dans cette affaire, le GAP est un assujetti distinct de ses membres 30.

Comment être plus clair ?

Ce constat est confirmé par l’article 14, paragraphe 2, sous c), et l’article 28 de la directive TVA qui instaure la fiction du commissionnaire.

26 Note du 18 décembre 2008 d’un groupe de travail sur la TVA au sein du Comité d’Observation des Marchés (CObMA), rédigée en accord avec l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines (administration fiscale luxembourgeoise.27 Voir CJUE, arrêt du 29 avril 2004, EDM, affaire C-77/01.28 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 82.29 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 83.30 Voir, CJUE, arrêt Commission/Grand-Duché de Luxembourg, 4 mai 2017, affaire C-274/15, point 90.

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Dans la mesure où le groupement doit rembourser aux membres les coûts liés à l’achat, il existe, en effet, un accord de commission qui doit être traité comme le prévoient l’article 14, paragraphe 2, sous c), et l’article 28 de la directive TVA.

La note du COBMA précitée est donc, en plus, contraire à l’article 14, paragraphe 2, sous c), et à l’article 28 de la directive TVA.

La décision de la CJUE de taxer les flux entrants risque donc d’avoir la conséquence de ne plus pouvoir mettre en place que des groupements avec personnalité juridique qui ont le personnel dédicacé sur leur propre pay-roll 31.

Ce point est assurément d’importance et doit être suivi attentivement, y compris en ce qui concerne les groupements autonomes de personnes en Belgique.

8. Le champ d’application matériel

Traditionnellement, la plupart des Etats membres avaient autorisé un champ d’application matériel extrêmement large. Le 21 septembre 2017, la CJUE a décidé que l’exonération au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne vise que les groupements autonomes de personnes dont les membres exercent une activité d’intérêt général 32.

En conséquence, les services rendus par un groupement, dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des services financiers et dans le domaine des assurances qui ne constituent pas une telle activité d’intérêt général, ne bénéficient pas de cette exonération.

En d’autres termes, le champ d’application matériel de l’exonération au sens de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA est limité aux autres exonérations listées à l’article 132 de la Directive.

Il ne peut être question, selon la CJUE, de l’élargir aux exonérations trouvant leur source ailleurs. Il en résulte que les prestations de services financiers et d’assurances qui sont exonérés en vertu de l’article 135, paragraphe 1er, sous a) pour les services d’assurances et sous b) à f) pour les services financiers ne sont pas concernées.

Pourtant, les termes de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, qui visent une activité exonérée des membres d’un GAP, ne permettent pas d’exclure que cette exonération puisse trouver à s’appliquer aux services d’un GAP dont les membres exercent une activité économique dans le domaine des 31 Voir, en ce sens, Y. Bernaerts, « Groupements autonomes de personnes au Grand-Duché de Luxembourg : premier coup de semonce », Actualités fiscales, n° 29, septembre 2017, Kluwer, p. 5.32 CJUE, arrêts du 21 septembre 2017, affaires C-326/17 (DNB Banka), C-605/17 (Aviva) et C-616/15 (Commission/Allemagne).

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services financiers et des assurances qui sont exonérées en vertu de l’article 135, paragraphe 1er, sous a) pour les services d’assurances et sous b) à f) pour les services financiers.

Toutefois, la position de l’article 132, paragraphe 1, sous f) dans l’économie générale de la directive TVA et sa genèse empêche les membres exerçant une activité dans le secteur financier et des assurances de bénéficier de la mutualisation des dépenses en exonération de la TVA.

Le législateur communautaire a placé l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA au chapitre 2 intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général ».

La limitation du champ d’application matériel est également confirmée par la structure du titre IX de directive TVA, portant sur les « Exonérations ». En effet, l’article 132, paragraphe 1, sous f), au sein de la directive TVA figure non pas au chapitre 1, intitulé « Dispositions générales », de ce titre, mais au chapitre 2 de celui-ci. En outre, audit titre, une distinction est effectuée entre le chapitre 2, intitulé « Exonérations en faveur de certaines activités d’intérêt général », et le chapitre 3, intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités », distinction qui indique que les règles prévues à ce chapitre 2 pour certaines activités d’intérêt général ne s’appliquent pas aux autres activités, visées à ce chapitre 3 33.

Or, audit chapitre 3, figurent les exonérations au sens de l’article 135, paragraphe 1, de la Directive TVA . Il résulte ainsi de l’économie générale de la directive TVA que l’exonération prévue à l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA ne s’applique pas aux opérations d’assurance et de réassurance, et, par conséquent, que les services fournis par des GAP dont les membres sont actifs dans le domaine des services financiers et des assurances ne relèvent pas de cette exonération 34.

Notons encore qu’un Etat membre, l’Allemagne, avait une conception plus que restrictive du champ d’application matériel puisque limitée aux seules activités exonérées dans le secteur de la santé.

La CJUE y a mis fin. Elle a considéré que, contrairement à ce que la République fédérale d’Allemagne fait valoir, l’exonération ne vise pas que des GAP dont les membres sont actifs dans le domaine de la santé.

Par conséquent, la directive TVA autorise l’exonération pour d’autres opérations d’intérêt général exonérées, telles que les opérations liées à l’aide et à la

33 Voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-605/17 (Aviva), point 26.34 Voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-605/17 (Aviva), point 27.

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sécurité sociales, à l’éducation, au sport et à la culture, prévues, respectivement, à l’article 132, paragraphe 1, sous g), i), m) et n), de la directive TVA 35.

9. Le grand chambardement…mais sans effet pour le passé

9.1. Quelles sont les conséquences des arrêts du 21 septembre 2017 de la CJUE ?

La CJUE y constate que l’interprétation de l’exonération à laquelle elle a procédé dans son arrêt du 20 novembre 2003, Taksatorringen (C-8/01), a conduit certains États membres à exonérer les prestations de services effectuées par des GAP constitués par des entités telles que des compagnies d’assurance ou des entreprises actives dans le domaine des services financiers.

C’est le cas, par exemple de la Belgique, de la France et du Grand-Duché de Luxembourg.

La CJUE reconnait donc une sorte de « coresponsabilité ». L’interprétation large et erronée du champ d’application matériel pouvait ressortir d’une lecture de sa jurisprudence.

En conséquence, la CJUE précise explicitement que les Etats membres concernés ne pourront pas procéder à un recouvrement suite à la nouvelle interprétation restrictive de l’exonération.

En effet, en premier lieu, les administrations fiscales nationales ne sauraient rouvrir des périodes fiscales définitivement clôturées, sur le fondement de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, tel qu’interprété dans les arrêts du 21 septembre 2017 précités 36.

S’agissant, en second lieu, des périodes fiscales qui ne sont pas encore définitivement clôturées, la CJUE rappelle que, selon une jurisprudence constante, une directive ne peut, par elle-même, créer des obligations à l’égard d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à son encontre 37. Ainsi, les autorités nationales ne sauraient invoquer l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA, tel qu’interprété au point 32 de l’arrêt Aviva du 21 septembre 2017 pour refuser cette exonération aux GAP constitués par des

35 CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-616/15, Commission/Allemagne.36 Voir, par analogie, CJUE, arrêts du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C-40/08, point 37, ainsi que du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C-154/15, C-307/15 et C-308/15, point 68.37 Voir, notamment, CJUE, arrêt du 19 avril 2016, DI, C-441/14, point 30.

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compagnies d’assurance et, partant, pour refuser d’exonérer de la TVA les prestations de services effectuées par ces GAP 38.

Enfin, la CJUE ajoute que l’obligation, pour le juge national, de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit, notamment dans ceux de sécurité juridique ainsi que de non-rétroactivité, et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national 39.

Partant, l’interprétation que le juge national doit donner des règles pertinentes du droit national mettant en œuvre l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA doit respecter les principes généraux du droit de l’Union, notamment le principe de sécurité juridique 40.

9.2. Conséquences en Belgique

L’article 44, § 2, 2bis du Code de la TVA est la transposition de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA. La circulaire 31/2016 qui le commente devra donc être réécrite de manière à préciser que l’exonération ne concerne que les GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général, telles que les opérations liées à l’aide et à la sécurité sociales, à l’éducation, au sport et à la culture ou dans le domaine de la santé.

Pour le passé, il est certain que l’administration belge ne saurait invoquer l’interprétation stricte d l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA pour, par exemple, refuser cette exonération aux GAP constitués par des banques et des compagnies d’assurances.

Pour l’avenir, en revanche, à une date qui reste à fixer (le 1er janvier 2018 ?), tous les groupements autonomes de personnes constitués par des banques et des compagnies d’assurances devront cesser d’exister… ou facturer avec TVA à leurs membres.

Il s’agit donc, pour l’avenir, d’un choc, un véritable tsunami fiscal pour ces deux secteurs 41.

38 Voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-605/17 (Aviva), point 36.39 Voir en ce sens, CJUE, arrêt du 15 avril 2008, Impact, C-268/06, point 100 et arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-605/17 (Aviva), point 37.40 Voir, en ce sens, CJUE, arrêt du 21 septembre 2017, affaire C-605/17 (Aviva), point 38.41 Voir « Groupements autonomes de personnes : un tsunami… pour l’avenir », Y. Bernaerts, Lexfin TVA, www.lexfin.be, Actualités du 21 septembre 2017, Larcier.

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10.Conclusion

La lecture des deux conclusions de l’Avocat général Julianne Kokott en date du 1er mars 2017 dans les affaires DNB Banka et Aviva avait provoqué de l’effroi auprès des entreprises du secteur financier et des assurances qui ont eu recours à une technique de mutualisation des dépenses par le biais de l’application de l’article 132, paragraphe 1, sous f), de la directive TVA.

Cette crainte s’est donc concrétisée et il faudra, volens nolens, préparer la sortie de ce régime préférentiel. Les conséquences financières seront lourdes pour certains groupes.

Dorénavant, le régime TVA afférent aux groupements autonomes de personnes est réservé aux non-assujettis et aux assujettis actifs dans des secteurs d’intérêt général.

Ce régime reste, sans aucun doute, essentiel dans des secteurs tels que le secteur médical et hospitalier, le secteur des mutualités et le secteur public.

La CJUE a donc œuvré, par ses arrêts du 4 mai et du 21 septembre 2017, à clarifier les règles.

Il était temps de sécuriser le mode de fonctionnement des groupements autonomes de personnes en dénonçant les régimes par trop favorables dus à l’inventivité fiscale de certains Etats membres 42.

La Commission a joué un rôle important par ses recours en manquement contre l’Allemagne et le Grand-Duché de Luxembourg.

Reste aux Etats membres concernés à modifier leur législation …mais aussi leurs pratiques administratives.

Ainsi, le Grand-Duché de Luxembourg, la France mais aussi la Belgique, nonobstant pour cette dernière une correction sérieuse de sa législation antérieure au 1er juillet 2016, doivent s’atteler de toute urgence à préciser les modalités de sortie du régime des entreprises dans le secteur bancaire et des assurances.

Enfin, un des points cruciaux qui reste à éclaircir sera de savoir si le groupement peut ou non aussi être constitué avec une entité distributrice sans personnalité juridique distincte de ses membres. Une première lecture de l’arrêt du 4 mai 2017 de la CJUE semblerait l’écarter.

42 Voir, en ce sens, Y. Bernaerts, « Groupements autonomes de personnes au Grand-Duché de Luxembourg : premier coup de semonce », Actualités fiscales, n° 29, septembre 2017, Kluwer, p. 5.

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Les groupes qui avaient constitué un groupement autonome de personnes, ainsi que leurs conseils fiscaux, doivent donc se préparer sérieusement aux effets matériels et formels de la clarification imposée par la CJUE, outre la désarticulation à venir pour le secteur bancaire et celui des assurances.

Yves Bernaerts, conseil fiscal, chargé de cours à l’EPHEC (spécialisation en sciences fiscales)