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Constantin FROSIN, Au fil de mes idées. Autrement sur la traduction, Bucarest, Editions eLiteratura, 2014, 436 p. Professeur des Universités Daniel Gălățanu Université «Dunărea de Jos» de Galați, Roumanie Dans ce livre, le grand professeur Constantin FROSIN se positionne en amoureux, en passionné, voire en protecteur de la Francophonie, et nous offre un texte doté d’une vision pan-européenne, puisque francophone et fort francophile. Il y a là tant de matière à réflexion, que ce livre se propose de lui-même à la lecture, voire à la relecture. Au centre de sa réflexion se trouve une question qui date 1 de tout temps, presque contemporaine du Verbe des premiers commencements du monde, ou du moins de la naissance des humains sur cette planète – celle de la traduction. L’auteur prend non seulement le contre-pied des définitions communes, traditionnelles, genre : « Fait de transposer un texte d'une langue dans une autre », mais tout en les traitant tangentiellement, il multiplie et redéfinit les traductions les plus connues : traduction ancienne, exacte, élégante, 1 Au sens de: marquer une date importante, faire époque. 278

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Constantin FROSIN, Au fil de mes idées. Autrement sur la traduction, Bucarest, Editions eLiteratura, 2014, 436 p.

Professeur des Universités Daniel GălățanuUniversité «Dunărea de Jos» de Galați, Roumanie

Dans ce livre, le grand professeur Constantin FROSIN se positionne en amoureux, en passionné, voire en protecteur de la Francophonie, et nous offre un texte doté d’une vision pan-européenne, puisque francophone et fort francophile. Il y a là tant de matière à réflexion, que ce livre se propose de lui-même à la lecture, voire à la relecture.

Au centre de sa réflexion se trouve une question qui date1 de tout temps, presque contemporaine du Verbe des premiers commencements du monde, ou du moins de la naissance des humains sur cette planète – celle de la traduction. L’auteur prend non seulement le contre-pied des définitions communes, traditionnelles, genre : « Fait de transposer un texte d'une langue dans une autre », mais tout en les traitant tangentiellement, il multiplie et redéfinit les traductions les plus connues : traduction ancienne, exacte, élégante, fantaisiste, fidèle, intégrale, littérale, poétique; traduction interlinéaire, juxtalinéaire; traduction avec texte en regard; traduction en prose, en vers; traduction qui rend bien/mal l'original. Qui plus est, il en arrive à redéfinir la traduction littéraire elle-même : transposition d'un art dans un autre (et les exemples peuvent

1 Au sens de: marquer une date importante, faire époque.

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prêcher d’exemple : traduction cinématographique/traduction en film d'une œuvre littéraire).

Et là, il se sert d’une remarque de Delacroix : « La gravure est une véritable traduction, c'est-à-dire l'art de transporter une idée d'un art dans un autre, comme le traducteur le fait à l'égard d'un livre écrit dans une langue et qu'il transporte dans la sienne »2. Pour tout dire, il en conclut à ce que penser, parler, regarder, réfléchir, intervenir, suivre, passer, croiser, entrevoir, est un acte de traduction. Ce qui est bien vrai, du reste. L’énergie avec laquelle il exerce tous ces actes, détermine Giovanni DOTOLI à le considérer non seulement « un ambassadeur de valeurs et de textes, de paroles et d’idées », mais aussi et surtout « le prince de la traduction »3 !

Et je pense que le grand érudit qu’est Giovanni DOTOLI a raison de l’affirmer, pour la bonne raison que l’Auteur / le Traducteur / l’Exégète de la Traduction qu’est le Professeur Emérite Constantin FROSIN conduit vers le centre du mot, à côté du voyage de culture de vers à, du texte A au texte B, de l’être A à l’être B, à l’infini. La définition qu’il nous donne de la Traduction est simplement… simple, mais d’une simplicité fort complexe – « comme une opération de décodage d’un message parlé ou écrit dans une langue appelée langue de base, et de codification du même message dans une autre langue, appelée langue-cible, oralement ou par écrit » (p. 7)4.

A l’instar de Henri Meschonnic, Frosin considère que le traducteur est un producteur-créateur, un auteur à plein titre, un intermédiaire qui sait effectuer le passage. Pour sa part, il pratique le bilinguisme contrastif actif, assimilateur et constructeur, comparatiste et faiseur de dialogue. En plus d’être un guide très précieux pour tout traducteur, cet ouvrage est la preuve que la formule d'Umberto Eco : « La langue de l'Europe, c'est la traduction » est plus vraie et plus réelle que jamais. On a donc affaire à un ouvrage qui se recommande de lui-même.

2 Delacroix, Journal, 1857, p. 30.3Classiques Garnier, Les Cahiers du dictionnaire, n° 7, Paris, 2015, Constantin Frosin, Au fil de mes idées. Autrement sur la traduction (Giovanni Dotoli), p. 349 4 op. cit.

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