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« Société : vers un regard plus solidaire » SAINT-APOLLINAIRE - 11 OCTOBRE 2016 5 ème Conférence Départementale de la Famille UDAF21 - 5 rue Nodot - 21000 DIJON Tél : email :

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« Société : vers un regard plus solidaire »

SAINT-APOLLINAIRE - 11 OCTOBRE 2016

5ème Conférence Départementale de la Famille

UDAF21 - 5 rue Nodot - 21000 DIJON

Tél : email :

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« Société : vers un regard plus solidaire »

SAINT-APOLLINAIRE - 11 OCTOBRE 2016

200 personnes ont assisté à cette conférence.

Intervenants et personnalités présents (ordre alphabétique) :

- Benoît BERTRAND, Professeur de Philosophie

- Michel BILLÉ, Sociologue, Auteur du livre « La société malade d’Alzheimer »

- Myriam BOBBIO, Coordonnatrice du Pôle Economie de l’UNAF

- Fabrice CHATEL, Directeur du Pôle Solidarité-Santé CCAS de Dijon

- Emmanuelle COINT, Vice-Présidente du Conseil Départemental de Côte d’Or

- Pierre-Henri DAURE, Directeur des E - tablissements FEDOSAD - Rémi DELATTE, Député-Maire de Saint Apollinaire - Antoine DELEGUE, Président FCPE 21 à Is-sur-Tille - Marie-Françoise ERARD, Présidente Binôme 21 - Corinne GIRARD, Directrice d’UNIDOM21 - Charles JAFFELIN, Psychothérapeute - Isabelle JURIEN de la GRAVIERE, Directrice Pédagogique à l’IRTESS - Philippe MEYRUEY, Journaliste - Isabelle MOESCH, Enseignante en Sociologie, Chargée de mission au Pôle de

gérontologie - Judith MOLLARD, Psychologue à l’Union Française Alzheimer - René PETIT, Conférencier - Pierre POILLOT, Maire de Vianges, Communauté de communes de Liernais - Nathalie POUPON, Responsable de l’action sociale à la Fédération ADMR - Bernard ROMBEAUT, Président France Alzheimer du Rhône - Docteur Imad SFEIR, Gériatre GCS Amplitude Haute Côte d’Or

Olivier BONCOMPAGNE, Directeur UDAF21, Brigitte CANONNE, Secrétaire de Direction et Maria DUMOULIN, Secrétaire Administratif assistaient à la réunion. Excusés : Nous remercions les personnes qui se sont excusées de leur absence à cette manifestation.

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La réunion est ouverte à 9h15 par Daniel POMMEPUY, Président de l’Union Départementale des Associations Familiales (UDAF) d e Côte d’Or. ACCUEIL – PRESENTATION DE LA JOURNEE M. POMMEPUY souhaite la bienvenue à tous les participants à cette 5ème conférence de la Famille de Côte d’Or.

Il donne la parole à M. Rémi DELATTE, Député-Maire de Saint Apollinaire, qui nous accueille aujourd’hui. M. DELATTE remercie l’UDAF de Côte d’Or de son invitation à cette conférence et est ravi qu’un évènement comme celui-ci puisse avoir lieu dans sa commune. M. DELATTE souhaite à tous les participants une belle conférence. Lui aussi est un artisan concret de la Solidarité dans sa commune et il regrette de ne pouvoir être personnellement à la table ronde de l’après-midi. C’est Christine Richard, l’adjointe aux questions Solidarités et Familles, qui interviendra. M. POMMEPUY remercie Monsieur le Député-Maire de Saint Apollinaire de ses mots de bienvenue en ce bel Espace Tabourot. Il donne ensuite la parole à Mme COINT, Vice-Présidente du Conseil Départemental de Côte d’Or. Mme COINT remercie l’UDAF de Côte d’Or de son invitation à cette conférence et souligne l’intérêt constant du Conseil Départemental pour les sujets qui seront traités aujourd’hui à savoir la solidarité, le handicap et le vieillissement.

M. POMMEPUY remercie Mme COINT et de son implication personnelle cette question de la Solidarité qui la passionne et qui traverse tous les clivages politiques. Il la remercie par avance de sa participation à l’une des tables rondes de cet après-midi. M. POMMEPUY salue également amicalement les Présidents des UDAF voisines de Bourgogne et de Franche-Comté. M. POMMEPUY précise que les 8 UDAF de la nouvelle région sont en train de créer une URAF BFC, à l’instar de nombreux organismes ou associations qui se dotent de structures régionalisées. Il salue tous les fidèles partenaires de l’UDAF qui l’accompagnent dans ses évènements : Ville de Dijon, Conseil Départemental, MSA Bourgogne, Crédit Mutuel… Il se félicite de la présence de nombreux jeunes et de leurs professeurs qui n’ont pas hésité à venir participer à cette journée. M. POMMEPUY note enfin qu’il a bien reçu les excuses de MM. HOUPERT, DUGOURD, BARD, LAGNEAU… retenus par ailleurs.

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M. POMMEPUY explique que l’UDAF a innové cette année en imaginant cette journée avec le partenariat de France Alzheimer Côte d’Or et en l’élaborant de concert avec cette association. C’est la raison de la présence à ses côtés de M. DASRIAUX, Président de l’association France Alzheimer Côte d’Or et c’est ensemble qu’ils souhaitent une belle conférence aux participants, une conférence dont la genèse est singulière : c’est le livre « La Société malade d’Alzheimer », paru en 2014, de Michel BILLÉ, Sociologue qui a inspiré le thème de cette conférence. C’est en parlant avec son auteur que l’idée de cette journée a germé et que Michel Billé a accepté d’en être l’animateur ! M. POMMEPUY précise pour ceux qui viennent pour la première fois à une telle journée que l’UDAF de Côte d’Or est l’Union des 57 associations familiales de Côte d’Or : elle représente toutes les familles du département. Elle est la voix des familles en Côte d’Or. Elle a pour vocation de traiter des réalités familiales vécues. Elles ressentent la Solidarité comme un sujet majeur de notre temps. La préparation de cette conférence doit beaucoup à Françoise SÉJOURNÉ, infatigable militante de France Alzheimer. Elle est allée avec M. POMMEPUY à la rencontre de ceux qui agissent dans le vaste champ de la Solidarité dans notre département. Ensemble, ils ont animé une équipe de bénévoles et salariés de l’UDAF mobilisée à faire de notre conférence un succès. M POMMEPUY remercie tous ceux qui ont accepté d’intervenir aujourd’hui, en séance plénière, ce matin et cet après-midi, dans les tables rondes. Il donne la parole à M. DASRIAUX, Président de France Alzheimer Côte d’Or. M DASRIAUX se félicite du partenariat organisé pour cette journée entre l’UDAF de Côte d’Or et son association, France Alzheimer Côte d’Or. Il rappelle que France Alzheimer vient de produire tout récemment un livre blanc qui s’intitule « Plaidoyer pour les aidants en activité professionnelle ». Il peut être consulté en ligne. Une des tables rondes de cet après-midi sera consacrée à ce sujet. Il remercie Mme SÉJOURNÉ de son implication personnelle et de la qualité de sa collaboration avec l’UDAF.

M. POMMEPUY donne ensuite la parole à Mme SÉJOURNÉ, qui témoigne des moments stimulants de la préparation de cette journée et du plaisir qu’elle a eu de travailler avec toute l’équipe de l’UDAF21 mobilisée à faire une belle conférence. M. POMMEPUY remercie M. DASRIAUX et Mme SÉJOURNÉ de leurs chaleureuses interventions et précise que pour toute question pratique tout au long de la journée, les participants à la Conférence doivent s’adresser à Mme CANONNE et Mme DUMOULIN. Il indique qu’il va passer la parole dans quelques minutes à M. BILLÉ, invité ce jour. Il est Sociologue et auteur d’ouvrages de référence sur le vieillissement en particulier. Il dit combien il est honoré qu’il ait accepté d’être, pour nous, l’animateur de l’ensemble de la journée.

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Mais sans plus attendre, une surprise : Pour introduire cette conférence, et lui donner une couleur particulière, M. POMMEPUY invite les participants à faire silence et écouter une chanson méconnue – violente aussi – mais qui vibre d’humanité solidaire… une chanson de Pierre PERRET : Son titre : « VOIR » (les paroles en sont données en annexe du présent document : « Voir, il faut voir, sais-tu voir, Ce qui compte, c’est de voir…). Cette chanson va accompagner les participants toute cette journée, journée qui invite avant tout au partage… Regard sur notre société Michel BILLÉ, Sociologue, Auteur du livre « La soci été malade d’Alzheimer » M. BILLÉ remercie l’UDAF de son invitation à partager ensemble aujourd’hui, des réflexions, des convictions et des indignations parfois. M. BILLÉ rappelle que le souci du Sociologue est de chercher du sens et de contribuer ainsi à construire un monde plus humain. Un des mots clés aujourd’hui sera la solidarité, un monde plus solidaire. M. BILLÉ explique qu’il est l’auteur du livre « La société malade d’Alzheimer ». Son livre a pour but de nous aider à changer de regard sur la société française mais aussi sur les malades et les aidants pour les envisager au lieu de les dévisager. Ecoutons-le : « Ce discours peut sembler ringard voire réac’ pourtant cela ne me gêne pas. Mais qu’est-ce que c’est qu’être vieux ? Si être vieux, c’est gagner en liberté alors je le revendique. Cela me permettra d’avoir la liberté de dire. Pourquoi cette proposition ? Je m’intéresse à la maladie depuis longtemps. Plus j’écoute les médecins, les scientifiques, plus je remarque qu’ils avancent prudemment. De la maladie finalement nous ne pouvons pas en dire grand-chose. Mais ce n’est pas parce que nous ne pouvons rien en dire que les malades eux, ne parlent pas. Comment les entendre ? Qu’ont-ils à nous dire ? Parfois silencieusement. Est-ce que cela n’a pas de sens parce que je ne le comprends pas ? Il me faut donc me remettre au travail. Nous disqualifions les personnes malades : nous les appelons « déments » et s’ils sont « déments » on ne va pas se casser la tête. Ils ne sont pourtant pas déments mais malades et autour d’eux, un entourage est sensible à leur situation. Chaque époque a sa maladie :

- La peste : on peut se souvenir d’avoir lu sur cela. On peut se souvenir de la réaction de la société fasse à ce fléau.

- La tuberculose : les personnes malades ont été enfermées dans des sanatoriums. A chaque fois qu’un mal apparaît, on désigne les porteurs du mal et on les enferme dans l’espace clos de la rétention. On les écarte. Nous avons inventé les espaces clos pour contenir les malades d’Alzheimer pour mille raisons : pour les protéger… mais à partir de quel moment est-ce liberticide ? La maladie d’Alzheimer est une maladie de notre époque, une maladie pour notre époque. La maladie d’Alzheimer nous parle aussi de l’évolution de la Société occidentale contemporaine. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas grand-chose à dire de cette maladie que les malades ne nous parlent pas.

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Notre Société serait-elle donc malade ? Malade d’Alzheimer ? Pour faire simple, on peut présenter la maladie de la manière suivante :

- Désorientation dans le temps - Désorientation dans l’espace - Amnésie - Trouble du langage - Trouble de la relation - Trouble de l’identité

Dans mon livre, je fais l’hypothèse qu’après tout, les personnes malades de cette maladie sont porteuses de troubles, de symptômes qui leur appartiennent moins qu’il n’y paraît. Notre Société dans son ensemble présente ainsi ces mêmes troubles. Cette maladie serait-elle le symptôme d’un disfonctionnement sociétal ? Ce « pas de côté » pourrait nous permettre ainsi d’envisager le rapport que de manière sociétale, nous entretenons avec le temps. Jusque dans les années 80, le rapport au temps était le suivant : avait de la valeur, ce qui pouvait durer. Nous pouvions acheter plus cher en pensant que cela pouvait durer. Nous avons progressivement accepté de payer plus cher bien que cela ne dure pas ; comme c’est le cas pour les appareils électroniques dont l’obsolescence est programmée. Nous achetons à présent des jeans pré-déchirés, pré-délavés… Comment mesurons-nous le temps ? Avant nous mesurions le temps en fonction de l’espace (exemple : l’aiguille du cadran solaire projette son ombre sur le cadran et en se déplaçant, elle nous indique le temps qui passe.) mais depuis le cadran a été remplacé par un écran digital. Par le passé, le temps avait de la surface, de la durée. Avec l’écran digital, nous sommes passés au temps instant. Suite à ce changement, nous avons modifié notre rapport au temps. Ce qui a aujourd’hui de la valeur, c’est l’instant, l’éphémère. Nous vivons en temps réel. Il nous faut conjuguer les temps : passé, présent et futur mais nous ne vivons que dans l’instant. Ainsi, même dans notre manière de parler il a été établi que l’usage du futur était en baisse. De même, le Futuroscope souhaite nous montrer le futur mais c’est bien la pointe de la technologie de l’image aujourd’hui, qu’il nous montre. De même, nous sommes perturbés dans notre rapport au temps, nous ne savons plus où nous sommes, quand nous sommes. Il y a quelques mois, j’ai participé à une conférence auprès d’un Institut de Formation en Soins Infirmiers et la question de la date de la chute du mur de Berlin a été posée. Un étudiant a répondu 1945. Nous sommes ainsi perturbés de manière collective dans notre rapport au temps. Nous sommes également perturbés dans notre rapport à l’espace. L’invention du GPS a perturbé nos repères dans l’espace. Si nous tapons une adresse sur le GPS, le temps est calculé immédiatement. On peut en se fiant au GPS aller à un endroit et ne pas savoir où cela se trouve. Cela est renforcé par les nouvelles technologies mais aussi par le fait qu’aujourd’hui toutes les gares sont identiques, les hôtels et les enseignes dans toutes les villes sont partout les mêmes. Un jour, j’étais dans le train, dans un carré SNCF (4 places qui se font face) en présence d’un couple, nous arrivions en gare de Chartres et l’homme dit à sa compagne en lui montrant sa tablette, « regarde c’est la cathédrale ! », mais dans le même temps on la voyait par la fenêtre. Nous sommes désorientés dans l’espace. Nous voyons par l’écran mais cet écran fait justement « écran » entre le monde et moi.

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Perturbé dans notre rapport au temps et à l’espace, comment se souvenir ? Nous parlons de mémoire vive pour un ordinateur mais en fait, il s’agit simplement d’une capacité de stockage d’informations. Il ne s’agit pas de la mémoire organisée du souvenir, cela n’est pas « éprouvé ». Notre Société devient alors amnésique et même anosognosique, c’est-à-dire que nous oublions à la puissance 2 : nous oublions et nous oublions que nous oublions. Dès lors, l’évènement n’existe plus. Une Société qui oublie sa culture est une Société amnésique. Dès lors, nous avons beau jeu de faire passer des tests de mémoire aux personnes malades d’Alzheimer ! Nous rencontrons tous également des problèmes de langue. Ainsi, les SMS nous font écrire de manière extrêmement simplifiée (exemple : « C Ken con arriv »). Nous avons des problèmes d’identité au sens le plus noble du terme. Pierre SANSOT définissait l’identité de la manière suivante : « Mon identité, c’est l’image que j’ai de moi, forgée dans le rapport aux autres, parce que j’ai par la suite, à répondre à leur attente ». On comprend alors que l’image que j’ai de moi varie en fonction de ce que l’autre attend de moi. La véritable question identitaire n’est donc pas tant « qui suis-je ? » mais bien « qu’attends-tu de moi ? ». Toi qui me regarde, qu’est-ce que j’attends de toi ? Nous, Société française, qu’attendons-nous ? Notre Société confond également la relation et la connexion. Grâce à la connexion, nous sommes partout et nulle part. La relation, elle est par nature, engagement. La connexion ,elle est par nature, réversible : S’il y a connexion, il peut y avoir déconnexion. La maladie d’Alzheimer nous explique que nous sommes en train d’entrer dans un nouveau paradigme (paysage de pensées). Nous passons d’un paradigme à l’autre :

- L’éphémère se substitue à la durée - La dispersion se substitue à l’enracinement - L’information se substitue à la mémoire - La connexion se substitue à la relation - Le casting se substitue à la séduction - La traçabilité se substitue à l’identité - La sécurité se substitue à l’enfermement - L’individu se substitue à la personne - La multiplicité se substitue à la communauté - La dépendance se substitue à l’interdépendance.

Les personnes malades d’Alzheimer sont porteuses de ce message. Mobilisons-nous sur cette Société qui est devenue malade – Société de déliaison. Pour cela, il faut vouloir se relier, se reconnaître une dette, alors que nous n’avons pas l’impression de l’avoir contractée. Acquittons-nous personnellement de cette dette collective. Echange avec la salle M. POMMEPUY remercie M. BILLÉ de son intervention témoignant d’une réalité que nous vivons et qui nous bouscule. Il invite les participants à lui poser leurs questions. Une personne, animatrice en maison de retraite intervient pour remercier M. BILLÉ d’avoir évoqué la mémoire des personnes malades et/ou âgées. Cela lui permet d’envisager

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autrement son propre accompagnement vis à vis de ces personnes en les incitant à se raconter davantage. Mme COINT, Vice-Présidente du Conseil Départemental, indique qu’elle a été interpelée par la notion de rapport au temps. Elle constate en effet, que nous sommes dans une demande d’immédiateté. Nous ne laissons plus le temps aux enfants de grandir. Il faut pourtant du temps pour éduquer, pour apprendre. De la même manière, nous sommes dans une demande de résultats immédiats y compris dans le domaine politique mais cela n’est pas toujours possible. M. BILLÉ précise qu’il faut en effet donner plus de temps au temps. On ne prend plus le temps d’acquérir des connaissances mais nous souhaitons acquérir des compétences. Nous aurons ainsi, des « compétents ignares ». Une étudiante en contrat de professionnalisation dans une unité Alzheimer interroge M. BILLÉ : Que répondre à une personne qui, questionnée sur le nom du Président de la République actuel, répond : le Général de Gaulle ? M. BILLÉ indique qu’en effet, l’attitude à adopter dans ce type de cas n’est pas évidente. Ce qui peut être intéressant, c’est de permettre à la personne de pouvoir parler, en lui demandant ce dont elle se souvient concernant le Général de Gaulle. Ainsi, au lieu de souligner son erreur, on peut lui montrer qu’elle peut parler de ses souvenirs. Ce qui est intéressant c’est la relation qui va s’établir. Finalement, qu’est-ce que cela peut faire de savoir qui est Président, cette personne me parle d’une période de sa vie et c’est cela qui est important. Une personne remercie M. BILLÉ pour son intervention et son caractère optimiste. En ce qui concerne le temps, on observe le retour de la montre à cadran, cela prouve que les choses peuvent évoluer. M. BILLÉ est en accord avec cet optimisme. Faire le bilan d’une situation, ce n’est pas se lamenter. Si nous voulons contribuer à rendre ce monde plus humain, il nous faut identifier les problèmes avec lucidité pour pouvoir les résoudre. Un participant souhaite connaître l’avis de M. BILLÉ en ce qui concerne l’introduction des tablettes électroniques à l’école. M. BILLÉ lui répond qu’il n’y a selon lui, pas d’urgence dans l’introduction d’un tel outil. Avant de mettre en place ce type d’outil, il faudrait toujours se poser deux questions : Qu’est-ce que je vais y perdre ? Et qu’est-ce que je vais y gagner ? M. POMMEPUY remercient les participants pour ces échanges et invitent M. DAURE et Mme POUPON à venir prendre la parole pour la deuxième intervention de la journée. Expérience des aidants professionnels et familiaux Pierre-Henri DAURE, Directeur des établissements FE DOSAD Nathalie POUPON, Responsable de l’action sociale Fé dération ADMR

Mme POUPON, Responsable de l’action sociale à la Fédération ADMR de Côte d’Or, prend la parole la première pour présenter la situation des aidants familiaux et professionnels à domicile.

Différents aidants professionnels accompagnent le malade d’Alzheimer depuis le diagnostic de la maladie jusqu’à son état avancé.

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A travers une approche non médicamenteuse indissociable des traitements spécifiques, les intervenants stimulent le malade et soutiennent les aidants. La question de la réticence des familles à l’égard des offres de service, comme l’ADMR le fait, est une remise en question permanente de la pertinence de nos interventions et de leurs adaptations. La réticence des aidants familiaux est due pour une bonne part, à un processus extrêmement complexe, dans lequel interagissent les caractéristiques socioculturelles, psychologiques, d’histoire familiale et de trajectoire de la maladie. Penser l’aide dans une perspective dynamique et positive peut montrer que l’implication de l’aidant familial dans l’accompagnement des soins (dans le sens prendre soin) change selon les stades de la maladie. Par exemple des enfants évincés par le conjoint, voulant garder l’entière maîtrise de la prise en charge sont sollicités bien plus tard quand la rupture est proche. On remarque souvent qu’ils doivent menacer d’institutionnaliser le malade si l’aidant continue à refuser l’aide dite professionnelle. En général, de nombreux aidants refusent de faire confiance à des professionnels qui, pensent-ils, ne leur garantissent pas de maintenir au mieux l’identité de leur proche. L’évènement majeur comme le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est de nature à modifier les relations entre la personne malade et son entourage. L’aidant familial tente de préserver l’identité de l’aidé le plus longtemps possible malgré une maladie dont la caractéristique est bien la dissolution de la conscience de soi. La réticence est donc le POINT MAJEUR dans l’analyse de nos interventions. Les liens affectifs entre les aidés et les aidants sont à prendre en compte avant toute intervention. L’état psychologique de l’aidant familial en raison de la venue d’un aidant professionnel doit être analysé et pris en compte. Méconnaitre l’aidant familial empêchera des interventions de qualité envers l’aidé. En effet, l’aidant et comme je l’ai entendu récemment « l’aimant » est pour nos services, la mémoire vive de l’autre qui va nous apprendre à mieux connaitre le malade et mieux comprendre ses réactions devant telle ou telle aide à la vie quotidienne (aide à la toilette, aide au repas, etc…). On remarque à travers nos différentes expériences que l’état de stress des aidants familiaux comme des aidants professionnels auprès d’une personne dépendante est un état de stress majeur contre lequel les aidants doivent lutter et s’adapter. Du côté des aidants familiaux des associations peuvent leur venir en aide, comme France Alzheimer. Du côté des aidants professionnels, la formation est un élément incontournable dans une prise en charge réussie. Les modalités d’intervention de nos services ne sont pas toujours acceptées ; ce qui en résulte un sentiment de perte de contrôle par l’aidant familial. C’est un point fondamental, nos professionnels n’interviennent pas pour prendre la place de l’aidant familial mais doivent devenir des partenaires. Mais le chemin est long. Il est essentiel que l’aidant familial et l’aidant professionnel forment une équipe et positivent. Cela veut dire aussi qu’au sein d’une équipe, on se dit les choses qui vont bien, mais aussi les choses à améliorer pour une prise en charge sereine. C’est aussi et à certains moments, que l’un se repose sur l’autre et inversement. La solidarité entre aidant familial et aidant professionnel est vitale. Il faut être également conscient que la venue d’un service à domicile est aussi une nouvelle charge pour l’aidant familial. En effet, les heures d’intervention, le rythme d’intervention sont de nouvelles contraintes pour lui car il va devoir également s’adapter.

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C’est pourquoi, il est primordial de ne JAMAIS oublier l’aidant et lui demander si lui-même n’a pas besoin d’aide dans son rôle. On s’aperçoit souvent que tout se focalise autour du malade. Soulager la personne dépendante d’accord, mais redonner de l’oxygène à l’aidant familial est essentiel. C’est pourquoi nous mettons en place aussi des dossiers d’aide pour l’aidant afin de lui permettre d’avoir de vrais moments de répit, de les accepter et un jour de les apprécier. En conclusion, notre rôle est extrêmement complexe et peu reconnu et nous sommes souvent perçus comme des « envahisseurs ». C’est pourquoi à travers ce bref exposé j’ai voulu mettre en avant tout le travail difficilement quantifiable de nos services et l’accompagnement de l’aidant dans un voyage qui parfois nous amène dans des contrées inconnues… M. DAURE, Directeur des établissements FEDOSAD, pre nd à son tour la parole. Son apport sera complémentaire de celui de Mme POUPON. Il explique qu’il a découvert au lycée l’univers des hôpitaux en se rendant chaque semaine pour des visites de malades aux hospices d’Auxerre qui étaient alors encore sous la forme de dortoirs. Il a ensuite effectué un stage en hôpital psychiatrique puis a suivi une formation d’infirmier. Il a donc appris par le terrain d’abord. M. DAURE rappelle que la personne est un être d’émotions. On ne sait jamais comment ni à quel rythme la maladie va évoluer. L’hébergement à domicile ou en établissement est à envisager de manière complémentaire. Même si les lieux d’hébergements n’ont pas toujours eu une très bonne image de nombreux progrès architecturaux notamment ont été réalisés. Les EPHAD sont dans une logique d’évolution et de nombreuses animations sont proposées. De plus, beaucoup d’autres formules de répit se sont mises en place grâce à la création d’une plateforme de répit on peut mieux connaître les formules de répit existantes telle que le café, les séjours, le bistrot musical… Le but est de conserver des activités en relation avec les autres. M. BILLÉ intervient pour rappeler qu’en effet on ne parle plus de « placement » d’une personne mais de son accueil, car la personne n’est pas un objet. Le regard de l’autre est extrêmement important. La personne se comporte comme on la nomme. De même, il est important d’accueillir au mieux la famille de cette personne. M. DAURE conclut qu’aujourd’hui le projet de la Fedosad est de monter de petites unités de vie de 5 à 8 personnes qui vont vivre dans un appartement adapté. D’autres initiatives permettent également de diversifier les modes d’accueil ou d’hébergement. Le lien intergénérationnel se développe avec la prise en compte de la mixité des âges dans un même hébergement, et des plateformes de répit se mettent en place. M. POMMEPUY remercie Mme POUPON et M. DAURE de leurs interventions et propose sans transition, aux participants de visionner ensemble une vidéo de Charles GARDOU, intitulée « Pascal, Frida Kahlo et les autres… ou quand la vulnérabilité devient une force » avant de procéder à quelques échanges. Référence de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=Tj2gt6uz8c8 (Elle peut être écoutée en cliquant sur le lien)

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Echange avec la salle Suite à cette vidéo, les participants sont invités à poser leurs questions à Mme POUPON et M. DAURE. Mme SÉJOURNÉ souhaite connaître l’avis des intervenants sur le développement dans le futur de robots humanoïdes pour s’occuper des personnes malades. Pour M. BILLÉ, il s’agit là d’un fantasme de maîtrise et de puissance. Y a t il un échange de robot à malade ? Un participant, animateur en gérontologie, souhaiterait savoir ce qu’il se passe au moment où l’aidé disparaît. Continue-t-on à aider l’aidant ? M. DAURE indique que même en cas de décès, l’association reste importante pour les personnes : Les aidants continuent à y adhérer même après le décès de leur proche. Mme POUPON explique que dans le secteur de l’aide à domicile on vient de loin. Tous ces métiers ont longtemps été peu reconnus. La formation est importante mais le chemin est encore long pour reconnaître ces métiers notamment d’un point de vue pécunier. Mme POUPON souhaite une vraie reconnaissance de ces métiers. M. DAURE rappelle qu’en effet le premier certificat d’aide à domicile date de 1988 seulement. M. DAURE explique également qu’il a raconté précédemment son parcours car beaucoup d’étudiants sont présents ce jour, il souhaitait leur montrer que l’on peut commencer dans cette branche en tant que bénévole puis devenir aide-soignant puis infirmier. M. POMMEPUY remercie Mme POUPON et M. DAURE de leur intervention et invite M. JAFFELIN, à prendre la parole.

La Société face aux situations qui la dépassent Charles JAFFELIN, Psychothérapeute et Formateur « J’ai fait 17 ans de travail social, et 17 ans de psychothérapie clinique. Mon champ d’intervention concerne les domaines : . des mécanismes de la relation d’aide ou d’éducation, notamment avec les publics en situation de précarité, . de l’impact du stress et des chocs sur l’individu et le groupe. � Une partie de mon activité consiste à traiter le poids de la charge des aidants. J’accompagne des professionnels, en analyse de la pratique ou en individuel. J’accompagne aussi des aidants ou des aidés, confrontés à la maladie, au cancer, au handicap, ou à la mort. Introduction :

Les sociétés se retrouvent face à des situations qui les dépassent.� Le livre de Michel Billé nous interroge sur deux choses : le lien aux autres et la dette de chacun vis à vis des personnes vulnérables . � Or nous sommes tous vulnérables.�Nous ne pouvons répondre seul à tous nos besoins. Nous pouvons perdre des personnes importantes, nous pouvons perdre des ressources vitales, nous pouvons perdre la santé, nous pouvons être victime d’une catastrophe.�Cette vulnérabilité nous conduit à prendre conscience de notre précarité. �« Précarité » est le bon mot.�Le sentiment de précarité est la prise de conscience que nous dépendons du lien pour survivre et pour exister.�Dans la précarité, « On ne s'appartient pas, on appartient toujours à quelqu'un d'autre". �Alors nous comptons sur l’engagement responsable des autres, « la dette » évoquée par Michel Billé. �Comme le rappelle le psychiatre Jean Furtos, « Précarité

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» vient d’un mot latin qui signifie�« implorer les puissants ». Dans la vie, les puissants sont les figures protectrices, comme maman, papa, la famille, les amis, les pouvoirs publics, la société. �Pour nous préserver de la précarité, la société a d’abord inventé la « protection civile » , puis la « protection sociale ». Je vais vous parler de la clinique psychosociale de la précarité et de la solidarité : Que devient le lien humain lorsque l’on est confronté à la perte, à la maladie ? Qu’est ce que l’on devient ? Quelle place a t’on dans la société ? Et voici ma thèse :�... Quelque soit le statut, proche ou pas, « aidant » ou pas, professionnel ou société dans son ensemble, ... Quelque soit le problème, maladie d’un enfant, dégénérescence cérébrale, handicap, troubles psychiques, cancer ou quoi que ce soit qui bouleverse la vie, accident ou attentat, et même s’il s’agit d’échec scolaire, de harcèlement ou d’alcoolisme..., la relation d’assistance va emprunter des chemins communs qui conduisent à des impasses psychologiques, comportementales ou cognitives. C’est ce que l’on appelle « la problématique de l’aidant » ou la paralysie du système social. Pourquoi certaines personnes qui ont la charge de personnes vulnérables, en deviennent malades, parfois jusqu’au « Burn-out » ?�Pourquoi d’autres font tout pour se mettre à distance et rejettent cette vulnérabilité ?�Comment certains arrivent à garder la bonne distance ? Etre solidaire, oui, mais comment et jusqu’où ? ... Le lien et la dette !!! Commençons par le lien ! Au départ, le lien n’est pas décidé. Il est juste vital. Si tu n’as pas de lien, tu meurs ! Le premier niveau de lien est celui du soin, du contact et de l'attachement, où l’être humain est dépendant. Au niveau le plus évolué, on trouve le Lien social. Et là il est question de filiation, d’appartenance, et des relations qui unissent des gens ou des groupes au sein d’une société. On parle alors de responsabilité, d’autorité, de solidarité ; ou de liberté, égalité, fraternité. Pour ressentir le lien social, il faut opérer une mutation interne qu’on appelle « décentration », une conscience de soi et de l’autre qui produit divers effets bénéfiques. Mais l’attachement est toujours la porte d’entrée.�D’ailleurs, dès que nous sommes en état de danger, nous revenons instinctivement au système d’attachement (par la panique, la sidération, la soumission ou le combat).�Le lien rompt l’isolement. Dans ces moments là, seul un regard, une parole, un contact physique permet de « s'accrocher au monde des humains, à la "communauté des vivants"». Les mécanismes de « l’empathie » façonnent le lien. Je fais ce constat clinique : face à la maladie, à la précarité, proches, aidants ou soignants, nous ne sommes pas connectés à la souffrance d'autrui de la même manière :�Certaines personnes sont très réactives, « des éponges » disent-elles, et elles souffrent avec l’autre. Est-ce que vous avez remarqué que dans la langue française, le mot souffrance décrit un état indifférencié dont on ne sait s’il parle de la douleur, de l’anxiété ou de l’effet « d’éponge » des émotions des autres? Exemple : Une personne en « burn-out » : « En aidant les gens, j’ai l’impression d’exister, au point de me mettre de côté. J’ai trop d’empathie, ce n’est pas rationnel ». D’où vient cette différence de réaction ? « L’empathie »

est inscrite dans nos gènes mais elle est façonnée par nos expériences.�«

L’empathie est un mécanisme de base de la connaissance d’autrui, qui permet de partager l’état mental et les émotions de l’autre », c’est à dire de s’identifier à lui. Avec l’empathie « affective », il suffit que j’observe ou j’imagine l’état émotionnel de l’autre pour que mon état affectif devienne semblable à celui de l’autre, par effet miroir.�Exemple : un témoin d’une agression sur un proche : « J’avais mal pour lui. Ce qui me faisait mal, c’est le sang sur sa bouche » … « Je m’imaginais avoir mal au même endroit que lui, à la bouche, comme si c’était moi qui s’était pris le coup de poing ». C’est une forme de contagion, que Sandor Ferenczi, dans les années 30, appelait cela « le terrorisme de la souffrance ».

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Et c’est précoce ! En véritable éponge, l’enfant réagit aux états émotionnels de l’autre, s’adapte et développe un style d’attachement. C’est pourquoi empathie, attachement, et stress sont intimement liés. Et c’est ce rapport que nous devons éclaircir pour pouvoir aider l’autre. Mais avec le développement (vers quatre ans,) nous accédons à une intelligence empathique, qui « permet de comprendre et de parler la langue de l’autre ». C’est la jolie définition qu’en donne Amélie Nothomb dans Riquet à la houppe. L’altruisme mature serait d’être capable de prendre en compte la réalité de la situation, tout en ressentant de l’empathie et tout en comprenant l’autre, son caractère, sa culture. En conclusion, la sensibilité empathique varie énormément d’une personne à l’autre, deux membres d’une même famille, deux professionnels, à tel point qu’elle est source d’incompréhension. La dette, tous précaires ! Comme le disait ce matin, Charles Gardou dans la vidéo : « La fragilité nous réunit. Cela évite de scinder l’humanité en deux, ceux qui seraient fragiles, et ceux qui ne le seraient pas. » Pourtant nous sommes presque capables de l’oublier quand nous possédons tout ce qui représentent symboliquement « la sécurité » et « l’appartenance » à la société.�Ces possessions s’appellent des « objets sociaux » : un travail, un diplôme, une identité professionnelle, un toit, une voiture, un portable, etc. ou encore la santé mentale et physique. Ils font lien social, car comme le dit Jean Furtos : « Ils donnent un statut, une reconnaissance d'existence, ils autorisent des relations.» Ce qui fait que, rien que la menace de la perte (chômage, maladie ou accident), agit comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu : sidération, panique, désillusion, attentes catastrophiques, et peur de s’effondrer. Quand la précarité s’installe, c’est carrément la confiance en l’avenir et dans le lien social disparaît. La « honte, le découragement et l’inhibition » dominent. C’est comme marcher sur un fil : est ce que je vais tomber ? Le pire : l’angoisse de la disparition : « Celui qui me voit est comme moi (...). » La menace de disparaître, de ne plus être reconnu, de ne plus être inclus dans la chaine des générations, c'est cela réellement la précarité.�Cette mort symbolique active des émotions violentes, qui ne peuvent être éprouvées durablement. Alors quelque chose se coupe en soi et oblige à ne plus sentir. L’effet de la précarité sur soi et les autres ? La personne en situation de vulnérabilité est un miroir de notre condition.�La vulnérabilité produit un automatisme de malaise, de rejet ou d’exclusion, et en tout premier lieu pour la personne elle-même.�Tout ce qui n’est plus assumé par la personne « exclue » se retrouve inévitablement porté par les aidants. Cela « met véritablement l’aidant en difficulté extrême parce qu’il ne comprend rien à ce qui se passe».�Cette précarité fonctionne comme une patate chaude entre le cercle familial, celui des soignants et celui de la société. Heureusement que l’altruisme compense ce mécanisme de rejet. Nous lui devons toutes les avancées en terme de prise en charge de la souffrance. L’aidant empathique va faire en sorte que l’autre soit bien pour être bien lui-même à nouveau, et si possible, éviter toute nouvelle souffrance. Mais c’est une tâche impossible. Sans prise de recul, sans aide, sans formation, les aidants ne peuvent produire que des réponses de stress :�Le don de soi est une de ces réponses, le rejet en est une autre, le détachement une autre encore, la culpabilité et l’impuissance en sont une quatrième. Les rôles se répartissent entre les proches, inconsciemment : « C’est bien ce que tu fais, mais je ne pourrais pas venir t’aider ». La précarité, comme la maladie, est un ogre. Elle dévore tout, Santé, disponibilité, reconnaissance, émotions, projets. Elle crée « Une situation intenable, implosive et piégeant pour les aidants » : . intenable : elle rend confus pour penser et agir,

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. implosive : elle attaque du dedans le narcissisme,

. piègeante : elle conduit à un sentiment d'impuissance amère, voire de désespoir». La problématique du proche aidant est comme celle du sauveteur qui empêche quelqu’un de se noyer et qui peut être entrainé vers le fond par le nageur qui se débat. Quel impact sur les professionnels ? Le professionnalisme ne protège pas autant qu’on le voudrait. Exemple : une travailleuse sociale face aux drames : « Je me demande si je suis compétente ». « Il m’arrive de ne pas savoir quoi faire ».�Autre exemple : un soignant dans le social : « S’il y a plusieurs trucs comme cela, je ne pourrais plus assumer. Je me mets à sa place ; c’est injuste. Pourquoi lui ? » Les professionnels n’échappent donc pas à l’identification, et aux transferts d’affects. « Le malaise des intervenants, vient précisément de ce qu’ils portent de la souffrance non « assumable » par l’autre, comme par exemple, les confidences laissées dans le bureau du travailleur social, mais également les souffrances non dites qui, par des mécanismes énigmatiques, sont vécues intimement par celui qui est en position d’aide ». Ils sont parfois vertement attaqués : « Vous ne faites rien pour nous », « On vous paye pour cela », « Vous n’êtes pas à notre place », « Vous ne pouvez pas comprendre », « On y a droit », « Vous n’en avez rien à faire de nous », etc… Ces projections sont violentes. Il s’agit de s’en protéger. Nous verrons plus tard comment. L’épuisement empathique se rencontre donc aussi chez les professionnels. Je connais des médecins qui s’épuisent, des infirmières, des travailleurs sociaux, des enseignants, et pas que pour des questions d’emploi du temps.�Exemples : Selon le ministère de la santé, plus de 60 000 infirmières ont arrêté leurs activités. « 20 à 30 % des infirmières sont en burn-out » rappelait Patrick Pelloux, en juin 2015.�Selon une étude américaine, 60 % des personnels soignants souffrent ou ont souffert de burn-out. C'est lié au stress et à l'exposition à la souffrance d'autrui. Cette pression de la souffrance alimente aussi le détachement, le manque d’empathie, le contrôle, les punitions, parfois la maltraitance. « Il le fait exprès », « Il fait du cinéma » … Ces manifestations ont lieu autant à l’égard de la personne malade que des proches. Nous avons tous nos propres expériences désagréables de ces phénomènes. Quel impact sur les liens familiaux ? La vulnérabilité désorganise les liens familiaux : place, soins, reconnaissance, temps, émotions, moyens matériels.�Exemple : alors que la grand-mère malade d’Alzheimer est prise en charge à la maison, sa petite fille développe une pelade et perd ses cheveux. Dans une situation de précarité qui touche une famille, les blessures de l’attachement, et les deuils non faits, ressurgissent. La situation est vécue au travers de son propre rapport à la vulnérabilité, l’abandon et la loyauté. Les réponses données quand elles sont émotionnelles et exclusives (sauver l’autre, se défendre, se protéger de sa propre souffrance), creusent un fossé d'incompréhension entre les impliqués. Chacun est accusé, selon l'échelle d'empathie de l'autre, d’en faire trop ou pas assez. Ce sont en fait des réactions paradoxales. Elles veulent tout et son contraire. Les professionnels sont soumis à ces exigences émotionnelles paradoxales. Comment aider sans s’épuiser ! Pour aider, pour soigner, il faut un peu, beaucoup, se déconnecter de la souffrance de l’autre Effectivement il existe une voie, observée chez des médecins experts, qui implique une prise de distance avec la douleur et la souffrance de l’autre. Elle n’est pas pour autant dénuée d’empathie. Elle se caractérise par la capacité à ne pas perdre de vue ses besoins, à s’accorder du temps de repos ou de détente, à se relier à la vie, au plaisir de vivre, à reconnaitre la souffrance avec compassion.

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Quelques clefs pour une hygiène de l’altruisme dans le Lien Social Une éthique de l’aide : pas d’aide sans étayage ! Isabelle Moesch, dans la préparation de cette journée, parlait de « la tectonique des places ». Une place est une responsabilité, un engagement. « De quoi, de qui je suis responsable ? » L’hygiène de la responsabilité, c’est d’admettre qu’en tant que personne qui assume une responsabilité, je peux avoir besoin d’un étayage. Croire le contraire s’apparente à de la toute puissance.� Aux professionnels ou aux particuliers aidants, je dis : « On ne peut faire face seul aux situations difficiles. ». L'étayage est une façon de concevoir le lien, qui prend en compte la responsabilité de chacun, mais aussi sa vulnérabilité naturelle en tant qu’être humain. En fonction des drames, notre société réajuste constamment le curseur de l’étayage. Exemple : C’est l’attentat du métro Saint Michel, en 1995, qui est à l’origine des CUMP… Ou encore, la canicule de 2003. L'utilisation de l’étayage doit être comprise par les membres d’un groupe comme une nécessité et non comme la sanction d’une faiblesse. Je défends l’idée d’une responsabilité collective qui comprend 5 niveaux assurant un tissage relationnel autour de l’aidant, quel qu’il soit : . Au niveau 0 d’étayage,

je gère la situation avec mon expérience et mes ressources. C’est un niveau de confiance : je me fais confiance et j’ai la confiance du groupe.�Je suis respecté dans mon autonomie. L’aide n’interfère pas avec ce que je sais faire. . Au niveau 1 d’étayage,

j’ai besoin de parler, d’échanger, de faire à deux, de réfléchir à plusieurs, de me former.�Cet étayage est indispensable à tous ceux qui ne sont pas valorisés par les résultats.�La cohésion du groupe est un remède à l’isolement de l’aidant. La solidarité, le débriefing, les moments sympas, sont une condition pour tenir : « Il faut tout miser sur l’équipe pour avoir un échange », « Le dynamisme de l’équipe est une condition pour tenir dans ce travail » disait un professionnel intervenant sur une maladie invalidante ». La « dette » : En tant que membre du groupe, je suis responsable de montrer ma présence.�Le malaise doit pouvoir être déposé quelque part : l’analyse de la pratique pour les professionnels, les groupes de parole pour les aidants, les entretiens individuels de soutien. . Au niveau 2 d’étayage,

j’ai besoin de « structures de répit » , de régulation faite par un tiers, de relais. Exemples : faire appel à un cadre pour gérer un usager agressif. En famille, faire appel au système médical, social ou éducatif, ou à l’aide de la famille. . Au niveau 3 d’étayage,

j’ai besoin d’instances collectives de décisions, de transfert de mission, de structures de prise en charge, de « structures de rupture ». La société décharge l’aidant d’une part de sa mission.�Lorsque qu’une équipe assume une tache ingrate, chacun peut avoir besoin de pauses, et de passer la main (exemple : autisme). . Au niveau 4 enfin,

Les instances publiques se substituent à l’aidant, par exemple, par des structures de soin, ou de justice. Exemple : les établissements de longs séjours de la maladie d’Alzheimer. Cet étayage accroit la confiance en soi, la motivation, la cohérence des actions d’aide et la confiance dans le lien social. Pas d’aide sans soutien ! Pourquoi les aidants naturels n’utilisent pas toujours ces relais ? Parce que « Demander de l’aide, c’est faire un deuil ». C’est reconnaitre qu’il y a un problème ; c’est se confronter à l’idée que l’on est insuffisant ; c’est accepter l’idée que l’amour ne peut pas tout, c’est accepter une aide différente, moins affective et plus professionnelle. Dans la clinique de la précarité, cela s’appelle la « demande impossible », et la demande est impossible parce que le deuil est impossible.

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Certains « proches aidants » ne peuvent pas prendre soin d'eux. Ils ont l'impression viscérale de ne jamais en faire assez, avec culpabilité.�... Quand la famille ne leur dit pas ce qu’ils devraient faire... de plus ! L’aidant a besoin de messages positifs. Exemple : une connaissance l’a fait cet été. Une amie hésitait à partir en vacances parce que son parent était soigné pour un cancer : "Que tu sois là ou pas, cela ne change rien ». Elle s’est autorisée à partir en vacances et à en profiter. L’éthique de l’aide : le respect de la place de chacun et la coordination des actions J’ai travaillé longtemps en alcoologie, et j’avais été marqué par une statistique : « il faut 23 personnes en moyenne pour aider un alcoolique ». Médecin, soignants, éducateurs, aidants naturels... chacun a une fonction. Les professionnels ont besoin des aidants et réciproquement.�Chacun possède des informations et des possibilités d’action utiles à la cohérence de la prise en charge. Certains pays, comme le Canada, sont avancés dans cette pratique de co-intervention. La France n’est pas en reste non plus. Exemple : La création du métier de « Technicien Coordinateur de l’Aide Psychosociale à l’Aidant », par le professeur Jean Bouisson de Bordeaux. Je pense aux nombreux outils proposés par France Alzheimer (groupes d’entraide, formation et psychoéducation des proches, entretiens individuels… ), aux Groupes d’Entraide Mutuelle (les GEM), aux groupes de paroles de parents, etc… On peut améliorer encore. J’ai beaucoup d’exemples, de chocs psychologiques liés à l’annonce d’un diagnostic. Cela touche autant les malades que les proches.�Exemples : les personnes concernées, en état de sidération, ne peuvent entendre qu’une toute petite partie de l’information. Et les paroles sont marquantes. « Vous avez un bon gros cancer » (authentique)�« Voilà, c’est Alzheimer, vous pouvez considérer à présent que votre mère n’est plus votre mère... » s’entend dire une jeune femme par le neurologue ! L’étayage, c’est dire à l’aidant : « Nous allons programmer un rendez-vous ». Le but serait de parler de la situation, donner des informations, accueillir les émotions, faire de la psychoéducation telle que dire « Vous ne pouvez le faire seul ». Ethique de l’aide : Et le malade ? L’éthique de l’aide à l’égard de l’aidé tient en une phrase : « Croire dans les ressources de l’aidé » Chacun construit un rapport spécifique et unique à la maladie, à la douleur, au handicap, un système d’attitudes et de croyances. Ce système est enfermant.�L’aidé a besoin d’aide pour lutter contre l’impuissance qui conduit à l’épuisement émotionnel. Cela implique de croire en lui, d’attendre quelque chose et donc de l’aider à croire en lui-même. « Stimulation, Psychoéducation, Accompagnement » : La stimulation est un médicament. La psychoéducation, c’est proposer autre chose pour changer les attitudes, maintenir ou développer des compétences.�Principe : « Vous ne pouvez pas aider les hommes continuellement en faisant pour eux ce qu’ils pourraient faire eux-mêmes » Abraham Lincoln. Exemple : les programmes d’aide par la méditation en pleine conscience pour différentes pathologies dans divers CHU (Rouen, Strasbourg), pour modifier son rapport à la maladie et à la douleur.� Exemples : prenons la maladie d’Alzheimer comme symbole : Une Aide à Domicile et deux femmes malades d’Alzheimer : l’une est sortie par son mari (restaurant, marche, etc.) tous les jours, l’autre, pas du tout. L’état de bien être est radicalement différent même si les symptômes habituels sont présents. � L’émotion musicale ou l’odorat utilisés chez le malade d’Alzheimer sont bienvenus car les centres sont plus proches de l’amygdale. �Tout comme la méthode Montessori appliquée aux personnes âgées. Conclusion :

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Le lien ne peut s’inscrire que dans la durée. Le lien se décide, mais pas en situation de stress aigu où la personne se sent « coupée du monde des vivants » et où un contact est nécessaire.�Et pour décider du lien, il faut pouvoir distinguer ses affects de ceux d’autrui. Difficile dans une société, caractérisée par un bombardement médiatique permanent d’affects : colères, paniques, peines, joies. Nous vivons dans une société marquée par « les individualismes » comme le montre la philosophe Fabienne Brugère.�La société les propose comme réponse à la précarité. « Soyez plus forts, plus indépendants, plus compétitifs, plus beaux et plus riches ». Je l’appelle la réponse « Rambo ». Effet : aucune dette envers quiconque ; et un besoin limité du lien social ! Cet individualisme fait même régresser dans la « première modernité » de Robert Castel, la�« protection civile ».�Exemple : en octobre 2010, cette femme du Tennessee (USA), où les pompiers ont regardé brûler sa maison à la demande du maire, parce qu’elle n’avait pas payé la taxe annuelle de 75 dollars pour s’assurer leurs services. Pourtant malgré la puissance technologique et l’abondance, l’humain reste en danger. Et nous nous exposons au retour en force de la vulnérabilité. Psychologiquement parlant, la disparition de la solidarité n’est pas possible, car nous disposons de la force puissante de l’empathie, qui fait naître de l’adversité, créativité, et solidarité. Le propre d’une société est de se réinventer, de réinventer les solidarités. Je prendrais pour exemple, le Crowd funding qui permet la réalisation de projets extrêmement variés. Un week-end de cirque à Beaune, l'installation d'un agriculteur... L’avenir de la « protection sociale »

est pour certains experts, une « protection par le soutien

». La société future qui veut de la solidarité, est peut être une société qui aide ses aidants. Elle ne se substitue pas aux aidants (état providence), mais les aide à assumer leur pouvoir. Aux nouvelles générations, parlons de la vie, et des risques de la vie : comment on s’en sort ? Comment le lien, l’étayage sont des ressources fondamentales pour les surmonter ! N’en ayons pas peur ! La conscience de la précarité est à l’origine de la conscience de la « dette », c’est à dire du sens de la responsabilité de chacun vis à vis de l’autre, et de la nécessité des rapports de réciprocité ». M POMMEPUY remercie M. JAFFELIN de intervention dense, profonde et pleine d’enseignements. Il invite les participants à échanger : M. GAUTHIER, ancien Directeur de l’UDAF21, souhaite savoir si l’UNAF s’est positionnée suite à la loi autorisant la suppression des CCAS dans les communes de moins de 1 500 habitants. M. POILLOT, Maire de Vianges, indique que cela a eu un effet de simplification administrative mais que la situation sociale des personnes est toujours prise en compte dans les petites communes. M. KOENIG, Trésorier de l’UDAF, souhaite savoir quels sont les droits des personnes âgées et des malades. Ces personnes sont-elles bien informées de leurs droits et des aides possibles ? Mme COINT indique que quelle que soit la mesure on sait qu’environ 25% des personnes ne demandent pas d’aide. Une participante demande comment organiser l’aide pour les personnes âgées vivant dans des secteurs ruraux isolés. Mme COINT explique que certaines situations ne sont pas faciles. A partir de quand exercer un droit d’ingérence, à partir de quand intervenir même si la personne ne souhaite pas d’aide ou ne veut pas aller en maison malgré sa situation. Certaines personnes refusent également l’aide car cela leur pose problème d’avoir trop d’intervenants à leur domicile.

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M. JAFFELIN indique que lorsqu’une prise en charge est nécessaire cela peut être le rôle du médecin psychiatre coordonnateur d’aider la personne à faire un choix. M. BILLÉ note que pour lui le pire serait d’arrêter de se poser cette question car cette question est profondément éthique. Elle commence lorsque nous doutons et si nous doutons ensemble, nous pouvons envisager d’apporter une réponse. Il est nécessaire de revendiquer le doute. M. FLOUR, Vice-Président de l’UDAF21 et Maire de Thorey-sur-Ouche explique que parfois la situation des habitants à la campagne est mieux connue qu’en ville… Les participants sont invités à prendre leur Repas en commun sur place. L’espace Tabourot, agréable et clair nous invite à la convivialité. Pascaline Poitrey, le traiteur habituel de l’UDAF, nous a préparé un très bon repas…

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Après-Midi : 4 tables rondes simultanées Table n°1 : Le monde de la jeunesse : Education et solidarité Animateur : René PETIT, Conférencier Mme Michèle GILLE, Conseillère Principale d’Educati on Benoît BERTRAND, Professeur de philosophie Antoine DELEGUE, Président FCPE 21 Is-sur-Tille

Ces échanges ont permis à beaucoup de participants de mieux connaître le rôle des Conseillers Pédagogiques d’Education, attentifs à la vie quotidienne de l’enfant à l’école et hors école, ou encore celui Auxiliaires de Vie Scolaire auprès de certains enfants (handicap, difficultés d’apprentissage…). Ces personnes peuvent permettre une meilleure intégration des enfants en milieu scolaire par une attention bienveillante à l’enfant et par le lien avec ses parents. La vigilance aux situations de souffrance des jeunes est le premier commandement de tout éducateur. Les jeunes étaient nombreux à participer à cette table ronde et ont été invités à ne pas hésité à s ‘exprimer sur la notion de solidarité. Certains ont témoigné que leur ouverture au monde passait par le lien familial le lien amical et tous ont souligné que leur information passait beaucoup par l’utilisation des nouvelles technologies. Les écrans ont envahi leurs vies (allant parfois jusqu’à l’addiction) et ne font-ils pas écran à une perception directe : L’oubli de la primauté des contacts humains est un vrai risque, avec pour effet le recul de la solidarité envers ceux qui en ont besoin. Benoit Bertrand, professeur de philosophie à Dijon est intervenu dans cette table ronde et nous a autorisé à donner ici le texte intégral de son intervention :

« Penser pour panser la solidarité au lycée »

Il s’agira de penser à partir du paradigme, du modèle que développe Michel Billé dans La

société malade d’Alzheimer, le lycée aujourd’hui. Ou, pour être plus précis ce qu’il donne à

entendre du devenir de notre société, tant dans l’ordre du constat que dans celui d’une

alternative à inventer, à définir.

I. Une pathologie : une solidarité éventée

Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer éclaire le temps du lycée

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Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer éclaire l’espace du lycée

Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer éclaire « le sujet

économique » au Lycée

II. Un espoir : une solidarité à réinventer

Une réappropriation de la pensée du lien

Une réappropriation de la pensée du sujet

Une réappropriation de la pensée de la solidarité

Ce que je me propose de faire c’est d’éclairer le m icrocosme du lycée, le petit monde

du lycée, grâce aux travaux de Monsieur Michel Bill é.

En effet, si je ne suis plus lycéen, il s’agit, néanmoins, d’une société au sein de laquelle

j’interviens, au sein de laquelle j’évolue et qui constitue le ferment de notre société future. S’y

côtoie ce que chacun y apporte et ce que chacun devrait pouvoir y trouver. Elle constitue

donc un carrefour entre la sphère privée, propre aux valeurs, aux représentations des

individus, les élèves, et la sphère publique manifestation des valeurs, des représentations

dont est porteur l’Education Nationale. Pour cette raison le lycée constitue donc l’interface

momentanée entre des personnes, des sujets singuliers, en devenir, et une société au sein

de laquelle ils sont appelés à prendre place pour y interagir avec tous, ensemble.

Évidement, cette société n’est pas un sanctuaire, elle n’échappe pas à la pathologie

qui frappe notre société dans son entier. Elle a, d’ailleurs, sans doute quelle que chose à

nous dire de la compréhension de notre existence sociale et des valeurs que nous y

revendiquons, tant dans nos rapports aux patients qu’à notre manière de faire société, dont

je souhaiterai vous montrer qu’ils se cristallisent dans ce terme qu’il s’agirait de repenser, de

redéfinir, de réinventer : la solidarité.

D’où le titre de mon intervention : Penser pour panser la solidarité au lycée. Il ne sera

donc pas question de proposer un plan d’action, une formule magique, mais d’interroger les

relations, les interactions et leurs pathologies afin de réfléchir la possibilité d’une

réappropriation d’un lien distendu, de réfléchir la possibilité de renouer avec soi, avec les

autres, de réfléchir la possibilité de faire société et ce que cela signifie.

I. Une pathologie : une solidarité éventée

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« Chaque époque, écrit Michel Billé, a son propre rapport au mal, chaque époque, en

fonction des évolutions qui la traversent, développe certaines formes de mal et noue avec

elles un rapport particulier. Chaque époque a sa maladie, pourrait-on dire ». Il sera question,

ici, d’identifier les symptômes d’une société malade de son rapport au temps et à l’espace,

présentant des troubles de la mémoire et de la communication et finalement malade du lien,

de la relation, société de la dé-liaison, selon, l’expression de Michel Billé.

Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer éclai re le temps du lycée

Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont tout d’abord touchées par

une forme de désorientation temporelle. Elles ne savent plus l’heure, le jour, le mois,

l’année, elles confondent des temps que spontanément nous abordons comme distincts.

Cette dislocation du temps, cette précipitation, est vécue par les lycéens qui ne sont,

en quelque sorte jamais présent à eux-mêmes et vivent une sorte de dé-liaison dont le

masque est la connexion. Rien ne s’étire, tout s’effiloche. Ils sont, sans cesse, dans l’après,

dont la proximité se déploie et s’enracine dans l’omniprésence des téléphones portables,

des réseaux sociaux et autres moyens de disparition d’un temps successif. Tous les

événements devenant simultanés puisque grâce à la connexion nous pouvons être en

différents temps simultanément. Ces outils les plongent, sans cesse dans l’urgence, dans

une urgence de l’anticipation, dévalorisant le présent dont l’épaisseur se trouve niée. Ils ne

savent pas se tenir au présent, cueillir la lumière de l’instant, parce qu’ils sont éblouis par

les fantasmes d’un futur qui semble les appeler sans cesse. Par là, ils s’inscrivent dans la

virtualité, dans une quête, quasi effrénée, de ce qui n’est pas encore et peut-être ne sera

pas. Celle-ci étant confiée aux machines, c’est-à-dire oubliée. Ils doivent répondre à l’appel

d’un futur dont l’épaisseur tient à la certitude qu’ils ont de son importance. Ils ne se tiennent

plus au présent, dévalué, morne, déjà mort, en quelque sorte, ils vivent dans l’écoulement

perpétuel de l’immédiateté. Mais ce temps est un temps déréalisant ou manque l’épaisseur,

la lenteur, celle de l’enracinement, de la médiation, de la méditation. Certes, un tel allant,

est-il caractéristique de la jeunesse, quelle qu’en soit l’époque. Toutefois, notre époque est

marquée par une sorte d’ivresse de l’urgence, de l’immédiateté qui conduit à une perte de

mémoire au profit de la connexion. Parce que le temps presse, manque, parce que les

échanges avec l’objet de médiation immédiate, le téléphone, masquent les corps, les

identités réelles, chacun se trouvant réduit à un numéro, une adresse virtuelle, un profil ce

qui est perdu c’est le temps du lien. Il ne saurait être question de s’apprivoiser, trop long,

trop risqué, il s’agit d’attraper un numéro, afin de se faire accroire que le temps ne fait rien à

l’affaire, il faut et il suffit d’être connecté. Il n’est plus alors question d’action réfléchie mais

de réaction irréfléchie. Le successif est dévalorisé au profit de la simultanéité qui fait

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obstacle à l’échange, à la délibération, même à l’évaluation. Ne vaut, alors, que

l’instantané, la nouveauté, l’éphémère. Mais cette dé-liaison ne joue pas uniquement entre

lycéens, elle structure aussi leur rapport à la connaissance. Celle-ci n’est plus appréhendée

comme susceptible d’être intrinsèquement porteuse de valeurs, constitutive de leur être

puisqu’elle serait accessible, perpétuellement, elle n’est plus l’objet d’une appropriation

nécessaire, par ailleurs toujours trop lente. La connaissance a perdu sa dimension

spirituelle. Autrement dit l’idée grecque que connaître c’est être transformé par ce que l’on

connait. L’appropriation des connaissances, des démarches, semble être devenue

chronophage, freiner le surf, le zapping, la vitesse de connexion. Les lycéens transforment

la connaissance en informations émiettées, immédiatement disponibles, immédiatement

oubliées. Ils accumulent des savoirs non pour s’orienter dans l’existence, s’y inscrire, mais

pour répondre aux sollicitations immédiates d’un temps éphémère.

Par là, nous pourrions dire que les supports électroniques, la connexion, symbolisent

un mode d’exister, une manière de s’inscrire dans le temps, de construire ses rapports aux

autres et sa propre identité, virtuellement. La connexion se substituant aux modes habituels

de présence. Présence-absence à soi, aux autres et au temps commun qui n’est pas sans

rappeler ce que nous donne à voir les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer écla ire l’espace du lycée

Cette désorientation temporelle, ce rétrécissement du temps, cette perte, en entraine

une autre car le temps et l’espace sont liés. En effet, être connecté efface en un même

mouvement, le temps mais aussi l’espace. Ainsi que l’écrit Miche Billé : « c’est maintenant

le temps qui permet de mesurer l’espace ».

En effet, l’omniprésence de la connexion brouille les espaces, conduit à les

confondre. S’entrechoquent, s’emmêlent, se superposent les sphères et notamment la

sphère publique et la sphère privée. Le lycée est d’abord le lieu d’un espace délimité, limité,

au sein duquel se rencontre le commun, dans lequel sont enseignées les règles d’un

partage comme de ce qu’il y a à partager. Dans cet espace ce qui est à construire, c’est

donc tout d’abord, une ouverture au monde, à soi, aux autres. Il s’agit d’apprendre la

différence, l’altérité, la distance et finalement la manière de jeter des ponts, de créer du lien.

L’espace de la sphère publique c’est celui de la distinction, du respect, de la distance,

condition de l’universel et de l’accueil donc de la rencontre et de la solidarité. Dans cet

espace ce qu’il s’agit d’apprendre c’est que cet espace est celui ou les décisions sont prises

en commun, par la délibération, l’échange, le dialogue, le lien, ici est la conversation. Le

lycée peut alors être pensé comme un territoire protégé et ouvert au sein duquel les

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lycéens pourraient se forger une identité commune, une mémoire commune et des

aspirations communes. Chacun peut y manifester qui il est, dans la limite du respect, de la

distance que chacun peut attendre. Mais voilà, la connexion brouille ces distances, les

inquiète. La notion de lien, d’élection disparaît, chacun étant précédé par la trace qu’il laisse

de lui-même dans cet espace virtuel, le profil face book, notamment. Chacun croit connaître

et reconnaître qui il croise. Chacun, ou qu’il soit, quoiqu’il fasse le fait sous le regard de

l’autre. Sans doute la publicité de l’intime dissimule-t-elle, sous l’alibi de la transparence, le

sentiment du vide et le désir de la reconnaissance. Quoiqu’il en soit, le résultat est que la

sphère privé, l’espace de l’intime se dissout, rien n’est caché, dissimulé, privé, la pudeur

disparait. La connexion transforme le monde, l’espace, en une communauté d’objets

connectés qui rassemble les individus en prétendant les relier les uns aux autres. Mais ce

conformisme conduit à l’appauvrissement d’un monde commun, au rétrécissement de

l’espace, à la perte de la pluralité humaine, chacun devant répondre sans cesse à

l’injonction d’exister virtuellement. La publicité de l’intimité se vide de tout contenu puisqu’il

s’agit de l’exposer. L’identité elle-même s’en trouve inquiétée puisqu’elle n’est plus que

virtuelle. Comme les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer dont l’identité serait,

semble-t-il, garantie hors d’elles, par les proches, le personnel soignant en raison de la

porosité entre qui elles sont encore et l’incapacité de pouvoir l’inscrire dans l’espace-temps

de leur vie… L’omniprésence de la connexion conduit à confondre ce qui n’appartient qu’à

soi, la préservation de l’intimité de la pensée et donc la liberté de penser, le secret que

chacun est à lui-même et la nécessité perpétuelle et permanente d’y exister publiquement,

ouvertement. Chacun devenant non, par sa présence, ce qu’il choisit de partager dans cet

espace dédié du lycée mais bien plutôt ce que tous les autres lui renverront. Chacun étant

confronté au vertige de Narcisse, l’exhibitionniste qui, cherchant son reflet sous couvert de

transparence, s’attribue les mérites qu’il n’a pas.

Par là, nous pourrions dire que la connexion, le profil virtuel symbolisent un mode

d’exister, une manière de s’inscrire dans l’espace, de construire ses rapports aux autres et

sa propre identité, virtuellement. La connexion n’ayant pas de lieu, d’espace, elle est

permanente. Présence-absence à soi, aux autres et à un espace réellement commun qui

n’est pas sans rappeler ce que nous donne à voir les personnes atteintes de la maladie

d’Alzheimer.

Le paradigme d’une société malade d’Alzheimer écla ire « le sujet

économique » au Lycée

Cette désorientation source d’un dysfonctionnement social, au sens où elle réalise,

actualise, une dé-liaison, nous parle de notre manière de faire société. Elle doit attirer notre

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attention sur la notion d’efficacité immédiate, d’utilité, c’est-à-dire sur la métamorphose du

sujet en sujet économique. L’économie, la consommation, étant devenue la mesure de

toutes valeurs.

Sans doute cette dimension, au lycée, peut-elle apparaître comme incongrue.

Toutefois, lorsque Michel Billé intitule un chapitre de son livre La société malade

d’Alzheimer, « l’argent des vieux » de quoi est-il question ? De profit, de rentabilité comme

valeurs premières, de « la maladie d’Alzheimer comme un marché potentiellement juteux ».

Qu’est ce à dire ? Sinon que tout doit être évalué à l’aune de sa rentabilité à court terme ?

Au lycée, il s’agit finalement de consommer de l’éducation, le lycée pouvant être comparé à

un supermarché de la culture générale. Dés lors, il s’agit toujours de mesurer le ratio entre

l’effort qui est demandé et le résultat qui peut être immédiatement espéré. L’utilité est

devenue la valeur absolue, l’efficacité la norme. Le sens, la légitimité de l’apprentissage

sont oubliés au profit de la valeur d’utilité. A quoi bon connaître, maîtriser, acquérir de

l’autonomie si la simple restitution d’une information suffit ? Et pourquoi ne suffirait-elle pas,

d’ailleurs ? Puisque tout concours à reporter les exigences propres au lycée sur le lycée lui-

même plutôt que sur ceux qu’il est sensé former, d’où le glissement de la formation à

l’information, d’un lieu d’exigence à un lieu dont on peut tout exiger ? Ce qu'on nomme

aujourd'hui information est l'espèce la plus redoutable de l'argument d'autorité : elle est une

école, si l'on peut ainsi parler, de servilité. Chacun revendique sa propre gestion de ce qui

lui est proposé, se constituant ainsi, en quelque sorte un portefeuille d’éléments à valoriser.

Mais qu’en est-il alors d’une formation commune ? D’une compréhension, commune de

connaissances partagées, d’un exercice de soi parmi, avec les autres ? De l’élaboration

d’un monde commun autour de valeurs universelles ? Car si toute chose trouve sa raison

d’être dans sa seule utilité, aucune ne peut être une fin ultime. Dés lors, l’utilité, instaurée

comme sens, engendre le non sens car manque un terme ultime qui serait le sens de toute

la chaîne : l’homme, sujet et citoyen d’une société solidaire dans laquelle chacun serait en

capacité d’exiger non des autres mais pour les autres d’accéder à un monde durable. En

réalité ce qui est ainsi constitué c’est le règne de la quantité géré par « un sujet

économique » en vue de la seule rentabilité. Ce qui est perdu, avec le sens, ce ne sont pas

seulement, ni essentiellement ce que l’on nommait autrefois les humanités, c’est

l’incommensurable, l’ineffable ce qui relie les membres d’une société et devraient leur

permettre de faire corps. Eriger en valeur absolue la consommation, l’utilité s’est rompre

avec l’idée même de solidarité qui ne vaut qu’à s’enraciner dans un temps long, commun,

capable de laisser murir les fruits d’un contrat social qui nous offre d’être nous-mêmes avec

et parmi, les autres. La culture n’a pas de prix, elle n’est pas un bien de consommation, elle

est ce que chacun construit pour lui-même fort de ce qu’il sait l’avoir précédé. Hier n’est pas

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dépassé, pas plus que les personnes âgées, ce qui irrigue l’exercice de la raison c’est le

passé vecteur de notre futur. Ignorer la pertinence qu’il y a à apprendre, à s’approprier le

passé, les connaissances, c’est courir le risque de la dé-liaison et du naufrage de la liberté.

Spontanément les lycéens sont aux aguets pour se faire l'écho du dernier cri, plutôt que de

revenir, et sans se lasser, aux grands commencements, ils valorisent une méditation

arbitraire et soumise à l'événement, mais ni libre et ni instruite.

Par là nous pourrions dire que la survalorisation de l’efficacité, de l’utilité, de la

rentabilité participe à une forme de dé-liaison car le sens, la valeur du lien semblent oubliés,

perdus. Le microcosme du lycée est donc le lieu d’une nouvelle manière de penser le

monde, dont la maladie d’Alzheimer est un paradigme, « un paysage de pensée » éclairant.

Ainsi que l’écrit Michel Billé :

« L’éphémère se substitue à la durée.

La dispersion se substitue à l’enracinement.

L’information se substitue à la mémoire.

La connexion se substitue à la relation.

La déliasion se substitue à l’indépendance ».

Néanmoins, s’il n’est pas plus question de proposer un remède à ces symptômes, il

n’est pas question de dresser un simple constat. Je me propose d’esquisser le moyen de

construire une nouvelle définition de la solidarité, non pas en opposition à ces substitutions,

mais comme à côté, en extériorité afin d’ouvrir un champ de réflexion, d’inscrire dans

l’espace du lycée, sinon une alternative, la possibilité d’un questionnement. Sachant que

l’essentiel est dans l’exercice d’une pensée vivante, orientée vers la réappropriation d’un

sujet pensant par lui-même.

II. Un espoir : une solidarité à réinventer

« Chaque époque, écrit Michel Billé, a son propre rapport au mal, chaque époque, en

fonction des évolutions qui la traversent, développe certaines formes de mal et noue avec

elles un rapport particulier. Chaque époque a sa maladie, pourrait-on dire ». Il sera question,

ici, d’entendre, ce vers du poète Hölderlin : « Là où croit le péril croit aussi ce qui sauve »,

autrement dit les symptômes sociaux sécrètent les bases de leur propres dépassement. La

société de la déliaison qui est la notre, nous oblige à repenser, à réinventer la solidarité.

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Une réappropriation de la pensée du lien

La connexion abolit le temps ou plus exactement l’emplit, le remplit, produit donc « le

lisse » condition du surf. Multiplie les perspectives plutôt que de chercher à les approfondir,

en quelque sorte. La dé-liaison peut alors être comprise comme platitude, simple surface

temporelle, sans aspérité ni profondeur. Ici rien ne lie, rien n’accroche, tout glisse, échappe.

Comme ces personnes malades qui semblent s’éloigner irrémédiablement.

Ne pourrait-on alors contre cette plénitude, cette platitude, interroger le creux, le

promouvoir ? Celui là même qui serait vide d’avoir été creusé, trace de la présence d’une

absence, d’un manque, désire d’un retour, hospitalité. « Le creux » serait le moyen de faire

une place, le vide devrait donc être valorisé. Car le creux est un appel, la possibilité d’une

rencontre de l’altérité, de la place faites aux autres, non d’abord pour soi mais pour eux, une

sorte d’excentrement. Le temps que nous acceptons de leur donner, c’est l’espace que nous

leur laissons. Il s’agit d’accepter l’autre tel qu’en lui-même, tel qu’il se présente et non qu’il se

précède par son profil. Accepter qu’il ne réponde pas seulement à la représentation que j’ai

de lui, mais tel qu’il est aujourd’hui sans préjuger de qui il devrait être. Le changeant, le

changement n’est-il pas ce qui inquiète ? Le creux c’est en quelque sorte l’enveloppe de

l’intime ou s’élabore tout processus de création, au plus profond, dans notre fond secret. Le

valoriser, c’est donc accepter le vide, l’absence, l’attente, l’inutile, l’inopérant, l’inefficace, le

passage à vide. C’est faire face à soi sans chercher à s’enfuir. Oublier son téléphone

portable, l’éteindre plutôt que l’étreindre. Solliciter la patience du dialogue, de la rencontre

plutôt que l’urgence, illusoire, de la connexion. C’est faire place à un nouvel apprentissage,

celui de la profondeur, de la patience, de la durée. C’est donc ne pas attendre,

immédiatement un retour mais pouvoir se réjouir de s’y préparer. N’est ce pas ce que donne

à penser les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, n’est ce pas ce que nous

devons transmettre aux lycéens afin qu’ils puissent goûter la valeur alternative d’une mise à

distance d’objets omniprésents, omnibulants et finalement fascinants ? Contre la fascination

de l’instantané, de la publicité de soi, de l’autosuffisance, de la nouveauté, nous devrions,

peut-être, nous creuser la tête. Le plein ne renvoie qu’à lui-même, alors que le creux signifie

l’altérité, un espace vide, vide mais habité, vide mais intranquille, vide mais vivant qui

appelle, sans cesse, à lire en creux le sens de notre relation à l’autre. Il est la condition

première tant de la mémoire, de l’enracinement que de l’accueil, donc du lien qui ne vaut

qu’à être rendu possible. En effet, le lien, comme le souci de l’autre n’est possible que dans

cet évidemment, dans la place qu’il faut être disposé à lui faire. Le lien nait d’une exigence

envers soi même, il est à construire dans la patience d’un horizon de temps et d’espace

offert à l’autre. Il s’agit d’apprendre à se relier les uns aux autres.

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Le lycée est un laboratoire pour notre société, où se montre la maladie de la déliaison

comme une altération de chaque acte en ce qu’elle modifie le rapport au milieu. S’y donne à

penser, la nécessité de retisser des liens, de prendre le temps de faire place à l’autre tel qu’il

est aujourd’hui, de ne pas survaloriser le virtuel au détriment du réel, le plein au détriment du

creux. Promouvoir l’accueil sur la publicité, le contact sur la connexion, la présence sur

l’image. Oser affirmer, expliquer et défendre la valeur de la distance, de l’inutile comme

moyen d’un véritable rapprochement.

Une réappropriation de la pensée du sujet

Se réapproprier la pensée du sujet, consiste à poser une alternative à l’éparpillement

conçue comme réalité virtuelle sur la scène sociale. Certes le sujet n’a d’existence, de

réalité que dans le lien, être sujet c’est être connu, reconnu par l’autre en tant que tel. Mais

non sur le mode du savoir, trop souvent réduit à l’avoir, la publicité, la communication, mais

sur le mode de la compréhension, du souci, de l’être.

Etre, pour un sujet, c’est autre chose qu’avoir. Etre élément d’un cercle, familial,

amical, scolaire… c’est autre chose que d’avoir des amis virtuels. C’est autre chose que

d’être le centre d’un cercle qui n’aurait pas de circonférence, si ce n’est, virtuelle. Cette

dimension venant amplifier la problématique qu’ont à traverser les adolescents, relativement

à l’élaboration de leur l’identité et qui s’étire au-delà de notre présent propos puisqu’elle

interroge le concept d’adulescents… Mais restons dans le cadre imparti. « Nous sommes

tentés souvent, écrit Michel Billé, s’agissant des malades d’Alzheimer, de les penser comme

porteurs d’identités multiples, d’identités explosées. « C’est lui, ce n’est pas lui », disait Jean-

Pierre Vernant. Bien sûr, et c’est d’autant plus intéressant que cela nous invite à bien

considérer que si c’est vrai pour eux, c’est vrai pour nous ». L’identité du sujet résulterait

donc d’une attente, d’une image, à laquelle chacun devrait répondre avec d’autant plus

d’empressement que le lycéen fait publicité de lui-même, sur les réseaux sociaux, au point

de s’y trouvé figé. Démarche tout à la fois rassurante et inquiétante car elle stigmatise. Ce

qu’il faut donc transmettre, expliquer, partager c’est tout aussi bien la dimension protéiforme

que vivante de l’identité. Etre sujet ce n’est pas être identique à soi mais faire vivre le secret

que l’on est à soi, être son projet, non pas dans le sens ordinaire de « faire des projets »,

mais dans le sens existentiel d'une ouverture au possible et à l'avenir. Un tel projet

correspond à un choix fondamental, irréfléchi sur le fond duquel les décisions que nous

prenons font sens. En effet, être sujet, c’est tout d’abord se distinguer des choses, inertes,

toujours identiques à elles mêmes, c’est cheminer, se viser, sans cesse devenir autre, se

former, se transformer. C’est accepter que toute publicité de soi, aussi rassurante qu’elle

soit, ne doive pas nous dispenser du risque, de l’épreuve de l’inattendu, de l’étrange, de

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l’étranger. Ainsi, « pour être soi il faut se projeter vers ce qui est étranger, se prolonger dans

et par lui. Demeurer enclos dans son identité, c’est se perdre et cesser d’être. On se connaît,

on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même

et de l’autre, l’homme est un pont », écrit Jean-Pierre Vernant (L’Odyssée). Chaque autre,

chaque rencontre, est l’occasion de s’éprouver, de se connaître, de se découvrir dans la

patience, la médiation contre l’urgence et l’immédiateté qui prétendent dispenser chacun de

commercer réellement, physiquement, avec chacun. Devenir sujet, ne nécessite pas,

seulement, le miroir de l’autre mais de l’apprivoiser.

Il s’agit d’apprendre avec les lycéens que l’identité, l’être sujet de chacun, ne saurait

se résoudre dans notre seule attente. L’autre est toujours, définitivement, plus que l’image,

virtuelle ou non que je m’en fais. Il est un monde, une source intarissable de sens, un

éclairage sur moi et la réalité. Il ne saurait donc être enfermé, cantonné dans un profil virtuel.

Pour cette raison qu’il ne cesse d’étonner, de déranger, d’obliger chacun à se découvrir. Par

là c’est bien la question d’une humanité partagée qu’il convient de faire vivre, non pour la

trancher mais offrir, ouvrir, un espace commun, un temps partagé et par conséquent la

possibilité de nous rapprocher.

Une réappropriation de la pensée de la solidarité

Se réapproprier la solidarité consiste donc à reconsidérer nos relations aux autres. Il

s’agit de passer du « être en ligne » au « être en lien », de la ligne qui sépare au visage qui

accueille, du miroir de l’écran à la rencontre de l’autre. La solidarité s’oppose au vice des

esprits prévenus qui cherchent à retrouver à tout prix ce qu’ils cherchent.

Dans un monde 2.0, sous une apparente ouverture d’esprit, la curiosité n’est que la

forme subtile du préjugé, où l’on cherche à savoir pour s’étonner de tout. Dés lors se

passionner pour tout revient à ne s’intéresser à rien, ni à personne pour surtout ne rien

apprendre et ne rien retenir. Il faut donc transmettre le désir de l’appréhension, de

l’approfondissement, le désir de relier, de rapprocher, de rencontrer ce qui échappe,

l’éphémère. En effet, la solidarité n’est pas prévention, mais bien attention et création. Sans

doute appartient-il à l’ensemble, à la communauté des éducateurs de faire vivre la valeur de

cette attention créatrice. Car si la solidarité est à repenser (re-panser ?) c’est qu’elle s’est

abîmée. La solidité, l’interdépendance qu’elle porte, se sont perdus. Il faut commencer par

déraciner la croyance que l’image sur l’écran puisse dire autre chose quelle même. Voilà ce

que nous devons rappeler, partager. En effet, dans la solidarité, il s’agit de faire monde, de

comprendre que l’émancipation des hommes par l’accès à un monde virtuel ouvre une

exigence nouvelle dans un destin partagé. Il s’agit de retrouver la préciosité du lien, d’en

mesurer la fragilité, de se confronter à l’incertitude, à l’inattendu, au surgissement, à

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l’existence commune. Il convient donc de refuser la virtualisation de ce qui lie, par

conséquent accepter la vie, avec ses certitudes, ses troubles, ses transformations ses

tâches et attaches. Rompre avec la survalorisation de la présence-absence virtuelle, creuser

la possibilité d’un accueil réel, interagir en commun, dans un monde commun qu’il s’agit de

créer. La solidarité n’est un lien qu’à être choisi, voulu dans le temps et dans l’espace,

gratuitement, sans attente d’un retour quantifiable. Elle consiste à apprendre l’exercice

patient de la fondation d’un monde commun. Ainsi, ne dit-on pas que le monde ne s’est pas

fait en un jour ? Rien de solide ne saurait lier, relier les hommes, retendre leurs liens sans

que vive la conscience d’une destinée commune. La solidarité consiste à jeter des ponts,

non à cliquer, à accueillir, non à survoler, à tisser, non à surfer. Elle se déploie non dans le

fait d’être vu, ou même entendu mais dans celui d’être reçu. Afin qu’elle se déploie, il

convient donc de ne pas la cantonner dans la virtualité des exercices de connexion, mais de

favoriser les échanges construits plutôt que la simple réaction, le « like » en guise d’analyse

et de commentaire. La solidarité c’est donc faire monde, non se projeter dans une réalité

sans contour, interagir, affirmer une humanité partagée. Prendre corps parmi les autres,

vouloir le temps qu’il faut pour appréhender l’espace comme le moyen d’instituer les

conditions de l’estime de soi. En effet, participer à instituer dans la durée un monde, contre

l’éphémère, la consommation, procure le sentiment d’existence. Vouloir la solidarité, c’est

recevoir l’humanité en partage, éprouver son existence réelle dans le contact de l’autre, c’est

refuser l’illusion de l’immédiateté, du contact virtuel. Comprendre que les liens que nous

créons nous prolongent et nous permettent d’éprouver la joie qu’il y a à être soi, non dans

l’attente de l’autre mais dans sa réception. La solidarité consiste à accepter que l’autre soit

pour moi une énigme, non une certitude, qu’il échappe à mon attente, qu’il inquiète mes

certitudes, qu’il m’oblige. Penser la solidarité est une chance, celle de panser

l’interdépendance, source de sens d’un monde commun qu’il s’agirait d’inventer en

apprenant aux générations à venir le bien qu’il y a oser creuser, donc créer, du lien.

Il s’agit donc d’apprendre avec les lycéens la valeur de la solidarité. La valeur d’une

prise de risque consistant à jeter des ponts vers tout ce qui nous est étranger : la maladie, la

vieillesse, l’autre parce qu’ils sont moins à craindre qu’à comprendre en ce qu’ils disent

quelque chose d’une humanité partagée.

La finalité du lycée est aujourd'hui obscurcie par la fortune et l’omniprésence des

techniques consacrées à la communication. Celles-ci, participant à construire une

représentation d’un monde éclaté, figé, aseptisé, un monde de déliaison. Cependant, le

lycée, laboratoire de notre société, offre la possibilité de penser un autre avenir. En effet, il

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est possible de faire valoir qu’enseigner ne soit ni verser, ni remplir, mais construire, en

commun. N’est-ce-pas déjà, pour tous les éducateurs et les lycéens, faire monde ? N’est ce

pas faire place au paradigme de la maladie d’Alzheimer afin d’exiger de ne pas s’y

soumettre ? Proposer une alternative aux pseudos valeurs d’un monde qui se

déshumanise ? Pour le moins, je veux le croire ! ».

Ce texte nous fait réfléchir sur ce qui pourrait être enseigné à l’école dans ce domaine de la solidarité. Peut être qu’un tel thème porté par les parents d’élèves pourrait être un concours pertinent pour humaniser la société que nos jeunes auront à construire. Il est important que les familles soient présentes dans le fonctionnement de tous ces lieux d’éducation des jeunes. Il est souligné qu’un jeune aujourd’hui est soumis à des injonctions multiples et il est important qu’un accompagnement adapté bienveillant et cohérent lui permette d’aller vers plus de confiance en la société où il aura à prendre place. Il est important aussi que le regard porté par les jeunes soit attentifs aux personnes de tous âges et de toutes conditions. Les participants ont précisé aussi que l’intégration des enfants dits différents reste encore de nos jours bien souvent difficile : enfants à haut potentiel ou élèves en difficultés ou encore en situation de handicap. En conclusion, une table ronde riche. La valeur solidarité est au centre de notre humanité, de notre société, elle doit être partagée et comprise… Elle doit être enseignée aux jeunes par tous les éducateurs, partout. Table n°2 : Le monde du travail : vers une entrepri se solidaire ? Animatrice : Myriam BOBBIO, Coordonnatrice du Pôle Economie de l’UNAF Judith MOLLARD, Psychologue Union Française Alzheim er Bernard ROMBEAUT, Président France Alzheimer Rhône Mickaël POUILLE, Président du Pôle Ressources humai nes – MEDEF 21 Rapporteur : Philippe KOENIG, Trésorier de l’UDAF d e Côte d’Or M. KOENIG rapporte et synthétise les échanges qui se sont tenus lors de la table ronde n°2, int itulée « le monde du travail : vers une entreprise solidaire ? ». M. KOENIG explique qu’à l’heure actuelle, 4 millions de salariés sont des aidants auprès d’un de leurs proches et compte tenu du vieillissement de la population cela ira en augmentant. Il n’est pas toujours facile pour ces aidants de concilier vie familiale et vie professionnelle. L’aidant familial salarié n’ose pas toujours en parler à son employeur ou rencontre des difficultés pour faire valoir ses droits. Pourtant de par sa vie familiale, l’aidant développe des compétences particulières qui pourraient être mises en valeur dans l’entreprise. En 2013, un observatoire des responsabilités sociales de l’entreprise a été créé (ORSE) et en octobre 2014, l’UNAF (Union Nationale des Associations Familiales) et l’ORSE ont fait paraître un guide intitulé « Aidants Familiaux : Guide à destination des Entreprises ». Mme Bobbio et France Alzheimer y ont contribué.

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NB : Ce guide a été fait pour les dirigeants, DRH et syndicats... qui veulent faire évoluer la situation des salariés aidants au sein de leur entreprise. Il concerne les aidants actifs, et englobe toutes les situations d’aidants, que ceux-ci prennent soin d’une personne handicapée, d’une personne âgée, souffrant d’une maladie chronique ou étant en fin de vie. Ce guide rassemble des informations sur la législation en vigueur, les dispositifs mis à disposition par l’État, les acteurs impliqués dans et hors du monde de l’entreprise. Il s’appuie sur les pratiques des entreprises en présentant des exemples concrets de mise en place. Une partie entière est également consacrée aux accords d’entreprises et aux accords de branche. Il concerne toutes les entreprises, quel que soit leur statut juridique. Cependant, conscients que les PME et TPE n’ont pas les mêmes moyens, une partie spécifique leur est consacrée. Les aidants familiaux sont en grande majorité (83%) des femmes. Ces aidants familiaux sont en revanche présents dans toutes les couches de l’entreprise : 44% employés, 32% cadres… 81% des ces aidants sont les enfants des personnes aidées. La difficulté pour un chef d’entreprise de faire face à cette problématique a également été évoquée ainsi que les nouveaux droits des aidants: possibilité d’offrir à un collègue des heures de RTT ou des jours de congés pour lui permettre de prendre soin de son proche malade, droit à un congé spécifique en tant qu’aidant (cependant ce congé n’est pas rémunéré). J. MOLLARD de l’Union France-Alzheimer présente le Livre blanc qui vient juste de paraître ce dernier mois. Un plaidoyer pour les Aidants en activité professionnelle. Une enquête Opinion Way a été réalisée ce printemps 2016 Il met en lumière les difficultés rencontrées par ces aidants pour concilier leurs rôles et leurs besoins avec l’impact sur leurs vies personnelle et professionnelle. M ROMBEAUT a mené également une démarche de ce type en région Rhône-Alpes. France Alzheimer et maladies associées, sur la base des priorités des aidants interrogés, souhaite développer la communication autour de ce sujet au sein même des entreprises et réaffirmer leur rôle d’accompagnement. Avec des propositions de dispositifs adaptés aux besoins des aidants actifs, il devrait être possible d’influencer les pouvoirs publics et de faire avancer les dispositifs existants. Les aidants interrogés sont à 70% aidants principaux ( 3 heures par jour environ) ont un soutien insuffisant. 2% d’entre eux affirment être accompagnés par leur entreprise. 43% ont dû prendre des décisions impactant directement leur évolution de carrière. Et dans le même temps, plus de 60% témoignent d’une meilleure compréhension des autres et d’un effet très positif sur leurs capacités d’écoute, sur leur organisation, sur leur prise de recul … une évolution personnelle positive. Le point ressort fortement : la réticence à informer son employeur. 1 aidant sur 2 n’a rien dit et les raisons vont de la pudeur à la honte ou encore la fragilité ressentie… Par ailleurs, est témoigné un sentiment de solitude et de manque d’accompagnement de la part de l’état et des institutions et aussi du groupe familial ou amical. Là on retrouve bien la problématique d’un regard plus solidaire pour la Société traitée au cours de cette journée : où cohabitent les nécessités d’Informer, de lutter contre les tabous, réduire la méfiance, comprendre combien l’écoute bienveillante permet de faire société. M POUILLE du MEDEF21 a souligné que cette question est une préoccupation des directions d’entreprise. 15% des actifs actuels sont aidants au quotidien, à des degrés divers. Il précise que les plus grandes d’entre elles ont déjà mis en place des systèmes qui fonctionnent assez bien, en plus du Congé de proche aidant dépendant (qui n’est une solution ponctuelle ni indemnisée ni rémunérée) et du Congé de solidarité familiale (accompagnement d’un proche souffrant d’une pathologie grave, là aussi un dispositif limité non rémunéré et indemnisé pour un temps très limité). Ces deux congés sont très peu

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utilisés et les employeurs portent une attention grandissante aux besoins de soutien des aidants. Des accords d’entreprise existent : aménagement des horaires, du compte épargne temps, compléments de revenus, droits à retraites complémentaires. L’idée d’une entreprise socialement responsable fait son chemin, mais celui-ci sera long. L’association des DRH se saisit de la problématique des aidants actifs, tant pour des raisons de performance que de bien être au travail. Mais, il reste beaucoup à faire pour que soient conçus et mis en place des dispositifs répondent aux enjeux et aux attentes.

Table n°3 : Complémentarité des solidarités familia les et sociétales

Animatrice : Isabelle JURIEN de la GRAVIERE, Direct ion pédagogique IRTESS Emmanuelle COINT, Vice-Président du Conseil Départe mental de Côte d’Or Isabelle MOESCH, Enseignante en Sociologie et Charg ée de mission Pôle de Gérontologie Fabrice CHATEL, Directeur du Pôle Solidarité-Santé CCAS de Dijon Rapporteur : Corinne GIRARD, Directrice d’UNIDOM21

Mme GIRARD, Directrice d’UNIDOM21 est le rapporteur de la table ronde n°3. Elle indique qu’il lui a été confié la tâche délicate de restituer le contenu des interventions qui ont nourri les débats lors de la table ronde n°3 qui avait pour thème : « la complémentarité des solidarités familiales et sociétales ». Elle souligne tout d’abord la richesse et la qualité des échanges qui ont eu lieu. Il a tout d’abord été souligné par Mme Moesch, que nous sommes une société en mutation avec l’augmentation de l’espérance de vie notamment de nouveaux besoins sont apparus en termes de prévention et d’accompagnement de la perte d’autonomie. C’est aujourd’hui un enjeu majeur pour les politiques publiques.

Les solidarités sur notre territoire se transforment mais sont très actives. Dans notre société d’immédiateté, il faut laisser le temps au temps pour construire des réponses sur la durée. La solidarité sociétale : apporte des réponses qui visent à permettre à tous (et plus particulièrement aux plus fragiles) d’accéder à l’aide et aux soins, et de garantir la qualité de l’accompagnement proposé. C’est un droit. Cette solidarité institutionnelle favorise également le développement d’emplois de proximité non délocalisables. C’est un investissement pour tous. Dans le cadre de la « silver-économie », une mutation est en cours au niveau de nouveaux métiers. Mais la solidarité sociétale a des limites (de coût, d’organisation) et ne suffit pas. Il y a une volonté de coordination, de travailler ensemble, de mettre en commun les aides publiques (état, ville, associations…). Exemple des MAIA (Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration des malades Alzheimer) qui coordonnent des actions. La question à se poser au niveau national est que voulons nous comme forme de solidarité pour demain ? Comment concilier aide pour tous et aide particulière? Mme Coint est attentive aux besoins qui évoluent avec les situations personnelles des personnes, avec

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aussi la préoccupation de couvrir le territoire fait de zones urbaines et aussi de zones rurales. En Bourgogne-Franche-Comté, un programme régional de santé va être écrit en 2017 avec des schémas. Le prochain sera celui de l’Autonomie pour s’adapter à la loi ASV (Adaptation de la Société au Vieillissement). Les solidarités familiales ou de proximité de la sphère privée sont indispensables. Monsieur Chatel a insisté sur ce point Cette solidarité peut être vue comme permettant une économie d’argent publique mais elle est avant tout une valeur ajoutée basée sur la relation humaine. Il y a un fort lien affectif (connaissance du passé, de la personne, de ses attentes… ). il y a une logique de don et de contre-don humain. Les aidants sont des experts par rapport à la personne aidée. Ces solidarités familiales ou de proximité sont indispensables mais fragiles (usure physique et psychique des aidants, difficulté à allier vie professionnelle et rôle d’aidant). Il y a un besoin d’accompagnement des aidants, de formation, d’information, de répit, de réseau à mettre en place. Il est nécessaire d’avoir des activités de loisirs, de plaisir tant pour les aidés que pour les aidants pour se ressourcer. Il est ressortit des échanges, l’importance d’articuler les deux modes de solidarité – familiale et sociétale - qui ne doivent pas s’opposer mais se compléter, de relayer, se renforcer. A été affirmée l’importance de mettre la technicité/la technologie au service de l’humain avec la domotique pour faciliter la vie quotidienne des aidés et des aidants, mais ce n’est qu’un plus qui ne remplacera pas l’humain. Il est aussi essentiel de faire émerger ou accentuer des réseaux de solidarité de proximité, à l’échelle des quartiers en s’appuyant par exemples sur les centres sociaux (ex. de la ville de Dijon pour que les habitants se retrouvent, partagent, aient accès à l’information … ).. Ce sont des solidarités intermédiaires. Il y a des enjeux de qualité au sein des établissements. Il faut permettre une variété de réponse (du domicile à l’établissement). Au final, de cette table ronde riche en échanges, Il ressort surtout qu’il n’y a pas de réponse unique mais qu’il est nécessaire de penser à une réponse plurielle visant à un équilibre complexe entre solidarité sociétale et solidarité familiale ou de proximité construite avec et pour la personne aidée, en lien avec les aidants qui doivent être soutenus et avoir toute leur place aux côtés des professionnels. Table n°4 : Vers une cité plus solidaire ! Animateur : Philippe MEYRUEY, journaliste Christine RICHARD, Adjointe au Maire de Saint Apollinaire (solidarités et familles) Pierre POILLOT, Maire de Vianges, Communauté de communes de Liernai s Marie-Françoise ERARD, Présidente de Binôme 21 Docteur Imad SFEIR, Gériatre Au cours de cette table ronde, les participants se sont demandés si c’était à la Cité d’être plus solidaire. Les participants à cette table ronde ont conclu que c’était aussi à la Cité d’être plus solidaire. Les questions de solidarité mobilisent des structures qui agissent de concert dans le meilleur des cas (Mairies, CCAS, services du Conseil départemental, Associations…), mais pas toujours…

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Les communes urbaines et rurales ont des caractéristiques différentes. Mais si les moyens financiers sont moindres, il a été précisé qu’en général, le lien de proximité existe et s’il est discret, il est très important. Les habitants du monde rural savent qu’ils peuvent directement s’adresser au Maire, en priorité. Lorsque des communautés de communes existent, elles se saisissent souvent de cette question de la solidarité auprès des populations qui en ont besoin. Et les participants à la table ronde reconnaissent aussi que souvent, les aidants professionnels font souvent bien plus que leur simple travail. L’esprit de solidarité est fort et les occasions de le prouver (non médiatisées la plupart du temps) sont nombreuses. Sont médiatisés les manquements et ils sont utiles pour faire progresser la Cité vers plus de Solidarité. La solidarité pour être efficace doit reposer sur la capacité de l’organiser en combinant souvent les actions des pouvoirs publics et les associations… La bonne volonté n’est pas suffisante puisque les besoins de solidarité impliquent des actions pour remédier aux manquements et aussi de la prévention organisée entre les différents acteurs. Il est aussi noté que les populations qui auraient besoin d’être aidées n’en font pas toujours la demande et là il y a lieu d’être vigilant (la proximité, l’entraide… sont alors précieuses). Une Cité solidaire est d’abord une Cité vigilante. Mme RICHARD a présenté les actions concrètes de la Municipalité engagée depuis longtemps sur les questions de solidarités citoyennes et les problématiques du vivre ensemble de ses habitants : Des services ponctuels aux personnes fonctionnent tels que Conduire à l’hôpital, Partager des temps conviviaux restauration et jeux… des services qui favorisent et entretiennent les liens, luttant ainsi à contre l’isolement, la solitude. Des Logements intergénérationnels depuis quelques années et un projet bien avancé d’une Résidence accueillant une vingtaine de personnes souffrant de maladies psychiques ; projet porté par plusieurs acteurs qui a paru exemplaire aux participants. M. Imad SFEIR, docteur Gériâtre, Médecin coordinateur et Chef de pôle EHPAD au Groupement de Coordination Sanitaire Amplitude en Haute Côte d’Or (constitué de 5 hôpitaux , 1 clinique et 1 EHPAD) a témoigné du système mis en place pour faciliter l’accès aux soins et au suivi médico-social d’une population vivant dans un monde rural. Il a souligné combien il est sensible au delà du médical. L’importance de la coordination des acteurs, la vigilance et l’alerte, la bienveillance et le sens de la responsabilité des habitants eux-mêmes : autant d’éléments d’un tout qui est un réseau de solidarité active territorial. La Solidarité de tous ( et souvent la Cité rurale est plus solidaire que la Cité urbaine ) participe directement à l’efficacité des systèmes de santé, elle est nécessaire. Mme ERARD, Présidente de l’association Binôme 21 a également pu présenter son association, qui intervient sous de multiples formes, traitant chaque demande particulière. Pour rompre la solitude et encourager la Vie Intergénérationnelle par le biais du logement : Binome21 propose en effet, à un senior d'offrir à un jeune, une chambre agréable en échange de sa présence rassurante et /ou de son aide. Le (la) jeune hébergé(e) versera une participation financière modérée, à convenir et rendra quelques services en échange. Il ou elle pourra même être logé(e) gratuitement s'il (elle) accepte d'être présent le soir, la nuit et certains week-ends. Cette initiative fait partie de l’économie du partage et de nouvelles formes de liens. M. MEYRUEY félicite tous les intervenants et participants de ces riches échanges plein d’humanité et indique qu’il a lui-même également beaucoup appris.

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- M. POMMEPUY remercie les rapporteurs et invite le s participants à un nouveau temps d’échanges avant de clôturer de cette confére nce. M. de PREVAL, bénévole UDAF rappelle que faire appel à un service d’aide à la personne permet une déduction de 50% de ses impôts. M. DASRIAUX, Président de France Alzheimer Côte d’Or, rappelle ici que l’association France Alzheimer a réalisé une enquête sur les aidants ce qui a donné lieu à l’établissement d’un livre blanc qui peut être mis à disposition à tous ceux qui en feront la demande. Une participante demande aux intervenants si nous ne devrons pas tous à l’avenir avoir l’obligation de prendre une assurance dépendance. Mme COINT, Vice-Présidente du Conseil Départemental, explique qu’il faut s’interroger pour savoir si nous sommes prêts à assumer collectivement la responsabilité et la prise en charge de ces personnes âgées dépendantes. - M. POMMEPUY remercie les participants pour ces éc hanges et invite M. BILLÉ à clore cette journée

- Conclusion de Michel BILLÉ M. BILLÉ indique aux personnes présentes qu’il ne fera pas ici de synthèse de la journée qui vient de s’écouler mais souhaite présenter quelques éléments glanés aujourd’hui qui l’ont tout particulièrement marqué. Tout d’abord, il lui semble nécessaire d’être attentif à la manière dont nous parlons. Contrairement à ce que l’on croit, c’est la langue qui nous fait penser et non l’inverse. La langue détermine également la manière dont nous allons agir. Ainsi, comme M. BERTRAND, Professeur de philosophie et intervenant ce jour, l’a exprimé aujourd’hui il s’agit de « penser pour panser la solidarité ». Il s’agit pour nous tous de faire un effort pour :

- mieux distinguer l’isolement de la solitude, - ne plus employer des mots tels que « prise en charge » d’une personne mais

chercher au contraire à l’accompagner, la soigner. La technique viendra ainsi après la relation.

- parler plutôt d’ « accueil » que de « placement », de « soutien à domicile » plutôt que de « maintien à domicile », parce que Vous me soignez et JE guéris, Vous me soutenez et JE me maintiens.

- Réfléchir sur la nécessaire distinction entre l’autonomie et l’indépendance. L’autonomie donne une capacité à décider soi-même.

De la même manière, Charles GARDOU nous donne quelques pistes de réflexion dans son film. Il y distingue « vulnérabilité » et « fragilité ». Nous sommes tous fragiles mais je deviens vulnérable au moment où je risque d’être blessé. Nous devons aussi nous méfier de la langue de bois dans le domaine du médico-social. Nous devons la débusquer. Ainsi, on peut se demander de quoi parle-t-on lorsque l’on parle de « territoire », ce dernier peut vite devenir une réalité virtuelle. Nous devons également faire attention à l’introduction de la domotique, de la robotique. Ces outils peuvent être intéressants à la condition qu’à chaque fois nous nous posions la question avant l’installation d’un nouveau système : Que vais-je y gagner et que j’ai y perdre ?

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Le lien social est fait d’échanges, d’affectif, de normes, de coutumes, d’histoire et de rituels… Tout ne se réduit pas à l’économie. Nous avons besoin les uns des autres dans un rapport de réciprocité. Alors si la Société nous rend malade, nous devons faire un effort de lucidité et si nous faisons cela nous pourrons rejoindre la pensée d’Aragon qui écrit, alors qu’il est déjà âgé : « Maintenant que la jeunesse a fui voleur généreux, me laissant mon droit d'aînesse et l'argent de mes cheveux, Il fait beau à n'y pas croire,. il fait beau comme jamais ! Quel temps, quel temps sans mémoire : on ne sait plus comment voir ni se lever ni s'asseoir. Il fait beau comme jamais, c'est un temps contre nature comme le ciel des peintures, comme l'oubli des tortures ! Il fait beau comme jamais : Frais comme l'eau sous la rame un temps fort comme une femme, un temps à damner son âme ! Il fait beau comme jamais un temps à rire et courir, un temps à ne pas mourir, un temps à craindre le pire ! Il fait beau comme jamais. » Maintenant que la jeunesse – Louis ARAGON Puis il écrit dans un autre poème : « Rien n'est précaire comme vivre, Rien comme être n'est passager, C'est un peu fondre comme le givre, Et pour le vent être léger, J'arrive où je suis étranger. » (J’arrive où je suis étranger – Louis ARAGON) Enfin, il écrit à Elsa : « Donne-moi tes mains pour l’inquiétude, Donne-moi tes mains dont j’ai tant rêvé, Dont j’ai tant rêvé dans ma solitude, Donne-moi tes mains que je sois sauvé » (Les mains d’Elsa – Louis ARAGON) « Il n’aurait fallu, Qu’un moment de plus, Pour que la mort vienne, Mais une main nue,

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alors est venue, Qui a pris la mienne. » (Il aurait fallu – Louis ARAGON) M. POMMEPUY remercie M. BILLÉ pour cette conclusion émouvante et éclairante au terme de cette journée. Il précise que tout au long de cette journée, c’est le mot « responsabilité » qui l’a hanté. Nous sommes responsables de nous-même et des autres. Le message est à faire passer et l’UDAF y a un rôle. Il remercie à nouveau tous les intervenants et tous les rapporteurs présents aujourd’hui pour la qualité de leurs interventions. M. POMMEPUY invite toutes les associations familial es du département à proposer, imaginer des thèmes à traiter ensemble dans des con férences ouvertes à toutes les familles, et donne rendez-vous à tous les participa nts pour une prochaine Conférence de la Famille de Côte d’Or.

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Paroles de la chanson « Voir » de Pierre PERRET (chanson diffusée au début de la conférence)

Voir il faut voir sais-tu voir Ce qui compte c'est de voir Les saisons les pauvres gens Les vêtements portés trop longtemps Voir il faut voir sais-tu voir Les bonjours de l'habitude Les baisers de lassitude Les sourires de jour de paye La pilule du sommeil La gitane du réveil Les mains qui vont t'applaudir La bouche qui va te trahir Voir il faut voir sais-tu voir Quel est le plus grand désespoir De ceux qui rampent à Pretoria Ou de ceux qui chantent à Bahia Voir il faut voir sais-tu voir Le clochard quand il grelotte Le financier qui sanglote Le soldat mourant de peur Et le mépris d'une foule Pour le champion qui s'écroule Et le regard d'épagneul Du vieillard qui reste seul Voir il faut voir sais-tu voir La fleur séchée dans l'armoire Les adieux les quais les gares Quand les amours se disloquent Voir il faut voir sais-tu voir Le chômeur ancien taulard Qui sera partout tricard

Et le destin dérisoire Du vieux travelo sans espoir De la fille sur son trottoir Et du type qu'on a fait boire Et qui fait rire tout le monde Voir il faut voir sais-tu voir Les dents blanches des présidents Leur sourire à cran d'arrêt Quand ils se partagent le monde Voir il faut voir sais-tu voir Un général qui rigole Une bombe sur l'école Les enfants de Bénarès Qui ont les yeux en ouvre-boîtes Pleins de mouches et de questions A l'univers qui regrette Mais qui n'a pas de solution Voir il faut voir sais-tu voir Dans ces jardins de brouillard La statue de Bolivar Sur la pelouse interdite Voir il faut voir sais-tu voir Si on confond quelque part Les landaus avec les chars Le bon Dieu et le dollar Bien que ceux qui font l'histoire Aient toujours cousu leur bouche Il faut voir dans quel mouchoir La vérité se mouche Voir il faut voir sais-tu voir Ce qui compte c'est de voir

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Bibliographie

- « Voir », chanson, Pierre PERRET

- « Pascal, Frida Kahlo et les autres… ou quand la vulnérabilité devient une force », vidéo, Charles GARDOU, https://www.youtube.com/watch?v=Tj2gt6uz8c8

Références de M. BILLÉ :

- « La Société malade d’Alzheimer », Michel BILLÉ, Edition Erès, 2014 - « Identité et vie quotidienne », Pierre SANSOT, sous la direction de J. BEAUCHARD,

Identités collectives et travail social, Toulouse, Privat, 1979 - « Maintenant que la jeunesse », Poème, Louis ARAGON - « J’arrive où je suis étranger », Poème, Louis ARAGON - « Les mains d’Elsa », Poème, Louis ARAGON - « Il aurait fallu », Poème, Louis ARAGON

Références de l’association France Alzheimer :

- « Plaidoyer pour les aidants en activité professionnelle », Livre blanc, France Alzheimer, 09.2016

- « Aidants familiaux : Guide à destination des Entreprises », ORSE – UNAF – octobre 2014

Références de M. JAFFELIN

- Philosophie des limites des aidants : « Le laboratoire des cas de conscience » de Frédérique LEICHTER FLACK, Alma Editeur

- Précarité : tous les travaux en ligne sur la précarité de l’ORSPERE, CH Le VINATIER, DR Jean FURTOS ; Voir articles « les effets cliniques de la souffrance psychique d’origine sociale » et « Epistémologie de la clinique psychosociale ».

- La très grande désocialisation et son impact psychologique sur les aidants : « Les naufragés » de Patrick DECLERCK, Terre Humaine Poche.

- « Le terrorisme de la souffrance » : Sandor FERENCZY, « Confusion de la langue entre les adultes et l’enfant », article 1932

- L’exclusion de l’autre : « l’inhumain » de Nicolas GRIMALDI, PUF - L’individualisme : « La politique de l’individu » Fabienne BRUGERE, Seuil - « Enfance et société » Erik ERIKSON, DELACHAUX et NIESTLE - « Théorie de l’Esprit » Nicolas GEORGIEFF, CAIRN Info