« McWorld » dénoncé par La culture dans la...

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Dossier documentaire Chapitre 2. De la société industrielle à la société de communication 55 3 « McWorld » dénoncé par un Américain Conseiller du président des États-Unis Bill Clinton, l’universitaire Benjamin Barber a publié en 1996 un livre intitulé Jihad vs. McWorld. McWorld, comme Macintosh ou McDonald’s, c’est notre planète uniformi- sée, homogénéisée par le commerce et la communication globale, transformée en une sorte de parc à thème mondial qui diffuse le style de vie et les symboles de la culture populaire américaine : les mêmes images, les mêmes sons, les mêmes logos, les mêmes produits sur les cinq continents. Coca-Cola, Levi’s, Kentucky Fried Chicken, MTV… C’est l’Amérique qui se vend de manière universelle, qui exporte ses icônes dans tous les pays, avec ses héros, ses anti- héros, et qui commercialise jusqu’à la culture de ses ghettos. « We are the world ! » claironnent ses clips. « C’est un tout petit monde », chantent les personnages de Walt Disney. Bill Clinton l’a effectivement bien compris, la mondialisation de l’économie est maintenant dans une phase critique et dangereuse : la monoculture qu’elle diffuse s’oppose aux diversités régionales, à la sou- veraineté des États et, oui, à la démocratie. (…) Tel le communisme autrefois, le capita- lisme global a besoin de façonner un homme nouveau : ce n’est plus le tra- vailleur, cette fois, mais le consommateur. Il nous réduit au simple statut de client du marché mondial. Consommateurs de tous les pays, brisez vos chaînes et allez au supermarché, vous y trouverez l’identité commune ! (…) Certes, les nouvelles tech- nologies sont multiples, on peut regarder des centaines de chaînes de télévision dif- férentes… Mais le contenu, lui, s’est uni- formisé. Il y a plus d’occasions, mais moins de choix. « Jihad contre McWorld », interview de B. Barber dans L’Express, 21 novembre 1996. 5 Plaidoyer pour la diversité culturelle La mondialisation menace les identités culturelles et, si l’on n’y prend garde, elle engendrera une standardisation culturelle. La mondialisation pousse en effet à l’uniformisation des comportements et des modes de vie. Il importe certes de promouvoir des valeurs et des références communes à l’ensemble de l’humanité, mais sans oublier les spécificités léguées par le temps, sans oublier le respect des identités, sans négliger la richesse de la diversité des cultures. Banaliser le traitement de la culture ne permettrait pas de présenter les identi- tés linguistiques et culturelles auxquelles nous tenons. Affirmer l’importance de la diversité culturelle répond également à une exigence économique. L’importance de ces enjeux économiques impose d’apporter des correctifs à la logique du libre-échange, qui impliquerait que la plupart des États renoncent à leurs industries culturelles et audiovisuelles dès lors que des « produits » étran- gers peuvent être importés à un moindre coût : les films hollywoodiens par exemple sont amortis sur un vaste marché avant d’être exportés à bas prix, sans subir l’obstacle de la langue. Mais les industries culturelles, les industries du savoir et de l’imaginaire sont des industries d’avenir, dont le poids est très impor- tant en termes d’emplois et de croissance économique. L’entrée dans la société de l’information, la prise en compte des nouvelles technologies mettent claire- ment en avant cette dimension économique étroitement imbriquée avec la dimension culturelle. Nous ne pouvons renoncer à ces activités. Intervention de Catherine Trautmann, ministre de la Culture de la France, à la table ronde organisée par l’UNESCO : « La diversité culturelle face à la mondialisation », 2 novembre 1999. Analyse des documents 1. Présentez les principales industries culturelles dans le monde d’aujourd’hui, en les replaçant dans le contexte plus général de la mondialisation depuis 1945. 2. Quel pays domine ces industries culturelles ? Donnez des exemples précis, en vous appuyant sur les documents 1, 2, 3 et 4. 3. Quels sont les principaux pays qui « résistent » à l’influence du cinéma hollywoodien (doc. 2) ? 4. Comment peut-on défendre la diversité culturelle aujourd’hui (doc. 5) ? 5. Peut-on cependant penser que la mondialisation contribue à l’échange entre les cultures et à la définition de valeurs communes à l’humanité (doc. 1, 4, 5) ? Rédigez une réponse au sujet suivant : Quels sont les effets de la mondialisation économique sur la culture ? Q uestions La culture dans la mondialisation La mondialisation de l’économie a entraîné l’émergence d’une culture « globale », diffusée par les industries du divertissement comme le cinéma, la télévision, les parcs de loisirs, les spectacles sportifs. Dans le même temps, les technologies de l’information ont aboli les frontières et les distances et ont créé la « société de communication ». Ces évolutions ont-elles abouti à rapprocher les six milliards d’habitants de la Terre, transformée en un « village planétaire » (global village) et partageant une culture commune ? Ou bien ont-elles porté atteinte à la diversité des cultures par une uniformisation des pratiques culturelles soumises aux lois d’un marché unique ? ÉTATS-UNIS Brésil France Italie Turquie Russie Inde Argentine 385 839 Chine Thaïlande Japon Philippines 469 238 456 194 86 Royaume- Uni 78 183 99 63 Égypte 77 46 47 Océan Indien Océan Pacifique Océan Pacifique Océan Atlantique Nombre de films produits par an (moyenne 1988-1999) plus de 75 % Production de films Diffusion du ciméma américain Pourcentage du total de films importés 194 60 à 75 % 40 à 60 % moyenne = 60,2 % données absentes moins de 40 % 1 Le sport, un enjeu mondial. Logo du relais de la flamme olympique pour les Jeux olympiques d’Atlanta en 1996. Ce relais, qui précède l’ouverture des JO, a été sponsorisé par Coca-Cola (dont le siège se trouve à Atlanta). 54 Dossier documentaire 2 Le cinéma, une industrie culturelle à l’échelle du monde. 4 Mickey en kimono. Spectacle Disney à Urayasu, à côté de Tokyo (1 er janvier 2004).

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Dossier documentaire

Chapitre 2. De la société industrielle à la société de communication 55 ●

3 « McWorld » dénoncé par

un Américain

Conseiller du président des États-UnisBill Clinton, l’universitaire Benjamin Barbera publié en 1996 un livre intitulé Jihad vs.McWorld.

McWorld, comme Macintosh ouMcDonald’s, c’est notre planète uniformi-sée, homogénéisée par le commerce et lacommunication globale, transformée enune sorte de parc à thème mondial qui diffuse le style de vie et les symboles de laculture populaire américaine : les mêmesimages, les mêmes sons, les mêmes logos,les mêmes produits sur les cinq continents.Coca-Cola, Levi’s, Kentucky Fried Chicken,MTV… C’est l’Amérique qui se vend demanière universelle, qui exporte ses icônesdans tous les pays, avec ses héros, ses anti-héros, et qui commercialise jusqu’à laculture de ses ghettos. « We are the world ! »claironnent ses clips. « C’est un tout petitmonde », chantent les personnages de WaltDisney. Bill Clinton l’a effectivement biencompris, la mondialisation de l’économieest maintenant dans une phase critique etdangereuse : la monoculture qu’elle diffuses’oppose aux diversités régionales, à la sou-veraineté des États et, oui, à la démocratie.(…)

Tel le communisme autrefois, le capita-lisme global a besoin de façonner unhomme nouveau : ce n’est plus le tra-vailleur, cette fois, mais le consommateur.Il nous réduit au simple statut de client dumarché mondial. Consommateurs de tousles pays, brisez vos chaînes et allez ausupermarché, vous y trouverez l’identitécommune ! (…) Certes, les nouvelles tech-nologies sont multiples, on peut regarderdes centaines de chaînes de télévision dif-férentes… Mais le contenu, lui, s’est uni-formisé. Il y a plus d’occasions, mais moinsde choix.

« Jihad contre McWorld », interview de B. Barber dans L’Express, 21 novembre 1996.

5 Plaidoyer pour la diversité culturelle

La mondialisation menace les identités culturelles et, si l’on n’y prend garde,elle engendrera une standardisation culturelle. La mondialisation pousse eneffet à l’uniformisation des comportements et des modes de vie. Il importecertes de promouvoir des valeurs et des références communes à l’ensemble del’humanité, mais sans oublier les spécificités léguées par le temps, sans oublierle respect des identités, sans négliger la richesse de la diversité des cultures.Banaliser le traitement de la culture ne permettrait pas de présenter les identi-tés linguistiques et culturelles auxquelles nous tenons. Affirmer l’importance dela diversité culturelle répond également à une exigence économique.

L’importance de ces enjeux économiques impose d’apporter des correctifs àla logique du libre-échange, qui impliquerait que la plupart des États renoncentà leurs industries culturelles et audiovisuelles dès lors que des «produits » étran-gers peuvent être importés à un moindre coût : les films hollywoodiens parexemple sont amortis sur un vaste marché avant d’être exportés à bas prix, sanssubir l’obstacle de la langue. Mais les industries culturelles, les industries dusavoir et de l’imaginaire sont des industries d’avenir, dont le poids est très impor-tant en termes d’emplois et de croissance économique. L’entrée dans la sociétéde l’information, la prise en compte des nouvelles technologies mettent claire-ment en avant cette dimension économique étroitement imbriquée avec ladimension culturelle. Nous ne pouvons renoncer à ces activités.

Intervention de Catherine Trautmann, ministre de la Culture de la France, à la tableronde organisée par l’UNESCO : « La diversité culturelle face à la mondialisation »,

2 novembre 1999.

■ Analyse des documents1. Présentez les principales industries culturelles dans le monde d’aujourd’hui, en les replaçant dans le contexte plus général de la mondialisation depuis 1945.2. Quel pays domine ces industries culturelles ? Donnez des exemples précis, en vous appuyant sur les documents 1, 2, 3 et 4.3. Quels sont les principaux pays qui « résistent » à l’influence du cinéma hollywoodien (doc. 2) ?

4. Comment peut-on défendre la diversité culturelle aujourd’hui (doc. 5) ?5. Peut-on cependant penser que la mondialisation contribueà l’échange entre les cultures et à la définition de valeurscommunes à l’humanité (doc. 1, 4, 5) ?

■ Rédigez une réponse au sujet suivant : Quels sont les effets de la mondialisation économique sur la culture ?

Q u e s t i o n s

La culture dans la mondialisationLa mondialisation de l’économie a entraîné

l’émergence d’une culture « globale », diffusée par les industries du divertissementcomme le cinéma, la télévision, les parcs deloisirs, les spectacles sportifs. Dans le mêmetemps, les technologies de l’information ontaboli les frontières et les distances et ont créé la «société de communication».

Ces évolutions ont-elles abouti à rapprocherles six milliards d’habitants de la Terre, transformée en un « village planétaire » (global village) et partageant une culture commune ? Ou bien ont-elles porté atteinte à la diversité des cultures par une uniformisation des pratiques culturelles soumises aux lois d’un marché unique ?

ÉTATS-UNIS

Brésil

France

Italie Turquie

Russie

Inde

Argentine

385

839

Chine

Thaïlande

Japon

Philippines

469238

456

194

86

Royaume-Uni 78

183

99 63

Égypte77

46

47

Océan

IndienOcéan

Pacifique

Océan

Pacifique

Océan

Atlantique

Nombre de filmsproduits par an(moyenne 1988-1999)

plus de 75 %

Production de films Diffusion du ciméma américainPourcentage du total de films importés

194

60 à 75 %

40 à 60 % moyenne = 60,2 %donnéesabsentesmoins de 40 %

1 Le sport, un enjeu mondial.

Logo du relais de la flamme olympique pour les Jeux olympiques d’Atlanta en1996. Ce relais, qui précède l’ouverture des JO, a été sponsorisé par Coca-Cola(dont le siège se trouve à Atlanta).

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Dossier documentaire

2 Le cinéma, une industrie culturelle à l’échelle du monde.

4 Mickey en kimono. Spectacle Disney à Urayasu, à côté de Tokyo (1er janvier 2004).